Voilà un nom général ; nous serons tentés de le prononcer, comme dans le cas des jetons, après toute expérience répétée. Pareillement encore, quand nous le lisons ou que nous l’entendons, nous n’avons qu’à insister pour évoquer intérieurement, comme en présence du mot chat ou du mot bouleau, l’image d’un cas où il s’applique ; nous imaginons un jeton à côté d’un jeton, une pierre à côté d’une pierre, un son après un son, comme tout à l’heure nous imaginions un museau fin avec un poil gris ou blanc, un mince tronc blanc avec de petites feuilles frissonnantes. — Il en est de même pour les mots trois, quatre ; cela est plus difficile pour les mots cinq, six ; la difficulté va croissant pour les nombres supérieurs, et il y a toujours un chiffre plus ou moins élevé où tout esprit s’arrête ; nous ne pouvons pas percevoir ou nous représenter distinctement ensemble au-delà d’un certain nombre de faits ou d’objets ; d’ordinaire, c’est cinq ou six, plus souvent quatre. — Pour remédier à cet inconvénient, nous négligeons le groupe qui correspond au mot ; nous ne donnons plus d’attention qu’au mot substitut ; après avoir vu ensemble quatre objets, nous les oublions pour ne plus songer qu’au mot quatre, et nous pouvons les oublier, parce que plus tard, revenant sur le mot et appuyant dessus, nous les reverrons intérieurement, sans méprise ni confusion. […] En certains cas, nous y démêlons des propriétés merveilleuses, et la formule nous manifeste des faits situés non seulement au-delà de notre expérience, mais au-delà de toute expérience. — Si nous divisons 2 par 3, nous trouvons une fraction décimale infinie, 0,6666, etc., et nous pouvons démontrer qu’elle est infinie. […] Quand nous apprécions une distance, il faut bien qu’elles soient présentes ; et pourtant nous ne les démêlons plus, quelque envie que nous en ayons ; elles sont pour nous comme si elles n’étaient pas ; il nous semble que nous connaissons, directement et sans leur entremise, la position que seules elles dénotent ; si parfois elles nous frappent, c’est en s’exagérant, par exemple lorsque, obligés de lire de trop près ou de trop loin, nous éprouvons dans les muscles de l’œil une fatigue notable ; hors de ces cas, elles sont invisibles et comme évanouies. — Pareillement, un compositeur qui vient de lire un air d’opéra ne se souvient pas des croches, des blanches, des clefs, des portées, et de tout le barbouillage noir sur lequel ses yeux se sont promenés, mais seulement de la série des accords qu’intérieurement il a entendus ; les signes se sont effacés, les sons seuls surnagent. — Quand il s’agit de mots, nous pouvons marquer les divers degrés de cet effacement.
La première comprend tout le moyen âge et se prolonge, jusque vers le milieu du xvie ° siècle ; les œuvres qui la remplissent offrent ces caractères communs d’être, en immense majorité, d’inspiration féodale et catholique, d’appartenir à des genres nés spontanément sur le sol même de la France : la langue seule dans laquelle elles sont écrites, langue à deux cas qu’on nomme aujourd’hui le vieux français, suffirait à les séparer de celles qui les ont suivies. […] Il est des cas où le cours régulier des choses est interrompu brusquement ; où chaque génération veut un régime refait à son gré et brise d’un coup violent la chaîne des traditions. […] Comme il arrive toujours en pareil cas, une série de petits faits individuels trahit la puissante évolution qui s’accomplit obscurément.
Mais le paradoxe n’est, souvent, qu’un lieu commun retourné, et, dans ce cas, il est juste aussi horrible qu’un lieu commun, et, de plus, il est prétentieux. […] Mais M. de Gourmont déclare lui-même faire grand cas de mes ouvrages. « Le fait est, dit-il, que, sans les ouvrages de M. […] Mais M. de Gourmont déclare lui-même faire grand cas de mes ouvrages. « Le fait est, dit-il, que, sans les ouvrages de M.