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600. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Voilà une Ninon jeune, telle qu’elle put paraître en amitié et les jours où elle traversait la société des précieuses, elle qui l’était si peu, elle qui, causant avec la reine Christine, les lui définissait si bien d’un mot : « Les précieuses, ce sont les jansénistes de l’amour. » Mais, avec son esprit d’autant plus divers qu’il était plus à elle, elle savait s’accommoder à tous, et elle trouvait grâce, au besoin, et faveur devant l’hôtel Rambouillet, comme, les jours où il la consultait sur Tartuffe, elle rendait de sa même monnaie à Molière. […] Et Mme de Maintenon, très liée dans sa jeunesse avec Ninon, mais déjà en pied à la Cour et dans la plus haute faveur, lui écrivait, en lui recommandant son frère (Versailles, novembre 1679) : « Continuez, mademoiselle, à donner de bons conseils à M. d’Aubigné ; il a bien besoin des levons de Leontium 18. […] Vous avez été aimée des plus honnêtes gens du monde, et avez aimé autant de temps qu’il fallait pour ne rien laisser à goûter dans les plaisirs, et aussi juste qu’il était besoin pour prévenir les dégoûts d’une passion lassante. […] Est-il besoin de rappeler que l’abbé de Châteauneuf, un jour, lui présenta son filleul Voltaire, âgé de treize ans et déjà poète ?

601. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire des travaux et des idées de Buffon, par M. Flourens. (Hachette. — 1850.) » pp. 347-368

Mais c’est qu’il y avait en Buffon un génie qui allait se dégager et qui allait demander satisfaction à son tour : le génie du peintre, du poète, de celui qui avait besoin avant tout de grandes vues pour se donner carrière à les exprimer. En tête du tome XIIme de son Histoire naturelle, il confesse avec une sorte d’ingénuité cet impérieux besoin de sa nature, qui le sollicite à introduire dans son Histoire quelques discours généraux où il puisse se développer, traiter de la nature en grand et se consoler de l’ennui des détails : « Nous retournerons ensuite à nos détails avec plus de courage, dit-il, car j’avoue qu’il en faut pour s’occuper continuellement de petits objets dont l’examen exige la plus froide patience et ne permet rien au génie. » Quand il a dit que le génie n’était qu’une plus grande aptitude à l’application et une plus grande patience, on voit que Buffon n’entendait point cette patience froide qui n’a rien de commun avec le feu sacré. […] À la manière dont il parle « de cet horrible dégoût de soi-même, qui ne nous laisse d’autre désir que celui de cesser d’être », on voit que si cette âme calme et supérieure n’a jamais été atteinte du mal des Rousseau, des Werther et des futurs René, elle n’a pas été sans le reconnaître et sans le dénoncer à sa source : « Dans cet état d’illusion et de ténèbres, dit-il, nous voudrions changer la nature même de notre âme ; elle ne nous a été donnée que pour connaître, nous ne voudrions l’employer qu’à sentir. » Le vrai sage, selon lui, est celui qui sait maîtriser ces fausses prétentions et ces faux désirs : Content de son état, il ne veut être que comme il a toujours été, ne vivre que comme il a toujours vécu ; se suffisant à lui-même, il n’a qu’un faible besoin des autres, il ne peut leur être à charge ; occupé continuellement à exercer les facultés de son âme, il perfectionne son entendement, il cultive son esprit, il acquiert de nouvelles connaissances, et se satisfait à tout instant sans remords, sans dégoût, il jouit de tout l’univers en jouissant de lui-même. […] après un travail d’un si grand nombre d’heures par jour, et une application si constante de l’esprit qui avait porté et soutenu tant de choses, il avait besoin de se détendre, et la parole allait alors en famille et entre amis comme elle pouvait.

602. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

Tant que tout prospère dans un État, on peut oublier les biens infinis que produit la royauté, et envier seulement ceux qu’elle possède : l’homme, naturellement ambitieux et orgueilleux, ne trouve jamais en lui-même pourquoi un autre lui doit commander jusqu’à ce que son besoin propre le lui fasse sentir. Mais ce besoin même, aussitôt qu’il a un remède constant et réglé, la coutume le lui rend insensible. […] Il examine, il écoute, il consulte ; puis il se décide par lui-même : « la décision a besoin d’un esprit de maître ». […] Louis XIV était peu militaire, et il avait la prétention de l’être ; rien au besoin ne prouverait mieux son faible que cette discussion, cette apologie extraordinaire à laquelle il croit devoir se livrer parce qu’il est allé une fois à la tranchée, et une autre fois un peu plus avant.

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