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760. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « APPENDICE. — CASIMIR DELAVIGNE, page 192. » pp. 470-486

Solennisant les événements contemporains avec les réminiscences de son ancienne manière, étouffant la pensée principale sous des hors-d’œuvre classiques, il semble n’avoir plus considéré ses sujets que comme des canevas donnés, des thèmes à la mode, dans lesquels il a inséré de beaux, de très-beaux vers assurément, mais des vers sans à-propos, sans liaison, sans conception profonde. […] Toutefois la belle âme de M. […] Les talents poétiques et littéraires d’aujourd’hui (sans parler des autres, politiques et philosophes) sont soumis à de redoutables épreuves qui furent épargnées aux beaux génies du siècle de Louis XIV, et il est bien juste de tenir compte, en nous jugeant, de ces difficultés singulières qu’on a à subir. […] Au reste, nous demandons peut-être là quelque chose de contraire à la construction habituelle de ce genre de comédie, qui, à l’aide de personnages calqués à distance sur la vie et plus ou moins artificiellement découpés, tient surtout à produire des effets de réflexion, des développements moraux, des observations spirituelles ou de nobles leçons exprimées en beaux vers. […] Mais, je le répète, ce n’est là que la formalité de clôture, en quelque sorte, dans un thème donné : l’essentiel et le fond, c’est cet ensemble de réflexions morales provoquées chemin faisant, c’est le sentiment judicieux, généreux, sincère, qui ressort de tout l’ouvrage, qui déclare l’honneur supérieur à toutes les opinions de parti, qui le fait voir toujours possible au sein même de ces opinions contraires, comme dans la belle scène finale entre sir Gilbert et Mortins qui mouille les yeux de larmes.

761. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « La comtesse Diane »

Il prétend nous démontrer que ce genre littéraire a peut-être bien ses procédés, comme les autres : belle découverte ! […] Les belles dents rendent gaie. […] J’y mettrais volontiers ce sous-titre, en arrangeant un peu la phrase de Nicole : « Des sentiments qu’il faut avoir et des choses qu’il est bon de connaître pour vivre en paix avec les hommes. » Et j’y ajouterais comme épigraphe, le mot de Mme de Sévigné, qui résume en effet un grand nombre de ces Maximes : « Rien n’est bon que d’avoir une belle et bonne âme. » Quand cette belle et bonne âme a par surcroît autant d’esprit que la comtesse Diane, c’est un délice. […] Ces grandes explosions demeurent harmonieuses, obéissent à un rythme secret auquel correspond le rythme des belles attitudes. […] Puis, un beau soir, mourez sur la scène subitement, dans un grand cri tragique, car la vieillesse serait trop dure pour vous.

762. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Maurice Rollinat »

on trouverait plus aisément qu’autrefois sur le front des Edgar Poe et des Baudelaire le coin de la démence que les Anglais cherchaient sur le beau front de leur Byron, et qu’ils croyaient y voir pour l’y trouver. Aujourd’hui, la Poésie n’est qu’une Ophélie sans pureté et sans amour… Mais quelque démente qu’elle puisse être, cette poésie moderne, au cerveau plus ou moins lézardé, cette fille de l’Égarement universel n’en est pas moins toujours la Poésie, c’est-à-dire la plus belle ou la moins laide des choses humaines ! […] C’est un jeune homme de gracile élégance, de pâleur plus distinguée que sépulcrale, aux traits fins, beaux et purs. […] Rollinat qui jette à l’ombre les poètes actuels, je veux bien convenir de l’énorme trou que fait dans son livre et dans sa tête l’absence d’idéal religieux, de tous les idéals le plus élevé et le plus beau ! […] Je regrette aussi qu’il n’ait pas écarté un certain nombre de pièces qui n’ajoutent rien à la manifestation de son grand talent et qui détonnent sur l’ensemble du livre, si absolument beau dans les pièces où la Nature, qu’il voit d’un œil si personnel, et les souffrances morales ou physiques de l’humanité, l’occupent seules.

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