Durant cette dernière moitié de sa vie, il passait la belle saison dans la vallée de Montmorency, à Eaubonne, à Sannois, et ses hivers à Paris dans le monde des Beauvau, tant qu’ils vécurent, et de leur fille la princesse de Poix. […] Rien n’est si beau, à mon avis, que cette peinture de la vieillesse ; j’aurais voulu que les expressions du quatrième vers eussent été plus simples, mais le mot être est du style à la mode. […] Il mérite que Mme d’Épinay, étonnée, lui dise : « Vous, monsieur, qui êtes poète, vous conviendrez avec moi que l’existence d’un Être éternel, tout-puissant, souverainement intelligent, est le germe d’un plus bel enthousiasme. » Au reste, Saint-Lambert a lui-même exposé dans sa vieillesse, et sans plus y mêler la mousse du champagne, la série et le système complet de ses réflexions sur tous sujets dans ce fameux Catéchisme universel qui parut une œuvre philosophique si morale sous le Directoire. […] C’est proprement le poète visiteur qui passe de jardin en jardin, de volière en volière : tous les beaux lieux à la mode, il les a vus, il les a fêtés, et a payé l’hospitalité d’un jour ou d’une semaine par de jolis vers que la société la plus mondaine applaudissait. […] Le marchand qui va à deux pas de la capitale respirer la poussière de la grande route, et qui se croit dans une Tempé ; les belles qui chaque année courent aux eaux, aux bains de mer, et y portent avec elles leur frivole tourbillon, passent et posent devant lui tour à tour.
Que d’affaires, que de desseins, que de projets, que de secrets, que d’intérêts à démêler, que de guerres commencées, que d’intrigues, que de beaux coups d’échecs à faire et à conduire ! […] Et qui dit Louvois, dit en même temps tous les hommes importants de son époque, qui étaient en correspondance suivie avec lui, de sorte qu’on tient d’un même coup de filet toute la politique et toute l’histoire militaire de la plus belle période de ce grand règne. […] La concentration des troupes à l’improviste devant Gand, en 1678, parut alors un prodige de combinaison et de manœuvres, et reste un beau fait de stratégie. […] Vauban lui a toute reconnaissance pour l’avoir distingué, pour l’avoir tiré de la dépendance du chevalier de Clerville, l’ingénieur en vogue, beau parleur, qui jetait de la poudre aux yeux, et qui était auparavant l’oracle en matière de fortification. […] Vauban, dans toute cette histoire, conserve et soutient ce beau caractère.
Lucius est un beau jeune homme et de bonne famille ; il a des affaires qui le conduisent en Thessalie : voyage redouté et désiré ! […] dans sa précipitation elle s’est trompée de boîte, et le bel amoureux, au lieu de devenir oiseau, se voit instantanément changé en âne, — le plus bel âne de Thessalie, l’Âne d’or, si vous voulez l’appeler ainsi, comme on dit l’Âge d’or, — un véritable âne pourtant, sauf qu’il garde sous ce poil et sous cette peau l’entendement d’un homme. […] — Mais, au milieu de la nuit, Fotis n’a pas là des roses sous la main, et force est d’attendre au lendemain matin pour opérer la transmutation et réintégrer le beau Lucius dans sa première figure. […] On peut juger de son désespoir ; les brigands ont beau la rassurer et lui promettre tous les égards possibles, ne désirant tirer de leur capture qu’une bonne rançon, elle ne cesse de gémir et de crier. […] Dans l’Antiquité, malgré ce beau début de l’Odyssée, malgré cette floraison trop peu appréciable et trop disparue des Fables milésiennes, il n’a jamais dépassé une certaine hauteur.