Mais en ce beau pays de France, qui est très lâche en littérature, on prit peur de ce mot « d’arabesques » qui pouvait déconcerter les petites têtes françaises et tromper leur besoin de petite clarté… et on le ratura pour le remplacer par le mot « d’extraordinaires », bête comme une affiche de théâtre, un jour de solennelle représentation ! […] Plus qu’aucun écrivain, il fait penser aux deux vers de Quinault : Il est beau qu’un mortel jusques au ciel s’élève ! Il est beau même d’en tomber ! […] De ces Contes-là, il en est un surtout incomparable, — qu’il est impossible de comparer même à ceux qui paraissent les plus beaux après lui. […] Ce drame, où, sous l’idolâtrie de l’or, Dieu lui-même est en cause et remplacé dans le cœur de l’homme par du métal, est, d’effet, beau et pathétique comme la Bible, et, d’analyse, — car la Bible n’analyse pas, — jamais livre moderne n’est allé aussi loin.
Les poètes paraissent plus beaux, surtout aux générations qui auraient pu les connaître et qui les ignorèrent, quand on les tire de l’oubli et de l’ombre de leurs tombeaux. […] Dans l’introduction aux Reliquiæ de Maurice de Guérin dont on l’a chargé, je trouve cette dernière phrase tout à fait dans les cordes indécises de son agréable, mais petite voix : « Ce que Guérin n’a pas eu le temps de tresser et de transformer selon l’art, devient sa plus belle couronne, a et qui ne se flétrira point, si je ne m’abuse ! […] Avant Vigny, qui devina André Chénier par le génie, nous eûmes La Touche, qui le publia, et qui nous ébrancha ce beau platane grec avec sa petite serpette de jardinier français et d’homme de goût. […] Les deux volumes trop restreints qu’on nous a donnés se composent presque exclusivement de sa prose, et ce n’est pas un mal, puisqu’elle est seule véritablement et irréprochablement belle. […] Quand il y sera bien établi une fois, ce beau revenant, qui n’est pas un fantôme, nous retournerons à lui et nous en parlerons à l’aise… Nous n’avons voulu que signaler par quelques mots l’entrée dans la littérature française d’un poète d’une distinction suprême, en train de dégager, quand il est mort, une ravissante personnalité.
Était-elle belle ou simplement jolie, ou, à force d’âme, divinisait-elle sa laideur ? […] ces cris pathétiques et tout-puissants que nous n’entendons plus à la scène, Mme Desbordes-Valmore les a quelquefois fixés dans une expression qui nous les fait entendre encore, et qu’un génie plus grand que le sien eût fait éternelle, car les langues vieillissent ; les plus belles strophes s’écaillent ou se désarticulent ; les magnificences des poésies laborieuses finissent par pâlir et passer ; mais où le Cri a vibré une fois avec énergie, il vibre toujours, tant qu’il y a une âme dans ce monde pour lui faire écho ! […] S’il était possible de devenir poète en passant par l’artiste, elle le serait devenue, comme ses Poésies inédites l’attestent, ces suavités tardives du soir de sa vie qui sont plus belles et plus pures que les poésies de son aurore. […] Bien des années plus tard, Lamartine le modula dans une de ses plus belles Harmonies. […] À mon fils avant le collège, où je trouve ce beau trait défiant, désespéré et jaloux : Candeur de mon enfant, on va bien vous détruire !