C’est une belle et touchante étude qui doit être faite d’après nature. […] J’ai beau chercher en tout sens, j’ai beau interroger, par voie d’induction et de conjecture, la conscience du poète et du voyageur, je ne réussis pas à m’expliquer le motif de sa détermination. […] C’est toujours le plus beau et le plus magnifique des paysages. […] Jocelyn est un beau poème sans composition et sans style. […] L’aveu de Louise à Valentine est terrible et d’un bel effet.
Mais il faut aussi convenir de tout le charme, de toute la jouissance des images poétiques et des mouvements d’éloquence dont la prose perfectionnée nous offre de si beaux exemples. […] L’harmonie du style en prose a fait de grands progrès ; mais cette harmonie ne doit point imiter l’effet musical des beaux vers : si l’on vouloir l’essayer, on rendrait la prose monotone, on cesserait d’être libre dans le choix de ses expressions, sans être dédommagé par la consonance de la poésie versifiée. […] Les plus beaux morceaux de prose que nous connaissions sont la langue des passions évoquée par le génie. […] M. de Buffon s’est complu dans l’art d’écrire, et l’a porté très loin ; mais quoiqu’il fût du dix-huitième siècle, il n’a point dépassé le cercle des succès littéraires : il ne veut faire, avec de beaux mots, qu’un bel ouvrage ; il ne demande aux hommes que leur approbation : il ne cherche point à les influencer, à les remuer jusqu’au fond de leur âme ; la parole est son but autant que son instrument ; il n’atteint donc pas au plus haut point de l’éloquence.
« Vous vous souvenez, dit Balzac, du vieux pédagogue de la cour et qu’on appelait autrefois le tyran des mots et des syllabes, et qui s’appelait lui-même, lorsqu’il était en belle humeur, le grammairien à lunettes et en cheveux gris… J’ai pitié d’un homme qui tait de si grandes différences entre pas et point, qui traite l’affaire des gérondifs et des participes comme si c’était celle de deux peuples voisins l’un de l’autre, et jaloux de leurs frontières. […] Si l’on compense les critiques que cet enragé contradicteur adressait à Desportes par sa plus ordinaire pratique, on se persuadera qu’il ne reconnaît point une langue poétique plus noble que la langue épurée du bon usage : il distingue très sensément la langue commune des langues techniques, et pour la clarté, il se réduit à celle-là ; mais, de celle-là, tout est bon, et les trivialités énergiques de ses plus beaux vers nous démontrent que le principe unique de la noblesse du style réside pour lui dans la qualité de la pensée. […] « La raison qu’il disait pourquoi il fallait plutôt rimer des mots éloignés que ceux qui avaient de la convenance, est que l’on trouvait de plus beaux vers en les rapprochant qu’en rimant ceux qui avaient presque une même signification ; et s’étudiait fort à chercher des rimes rares et stériles, sur la créance qu’il avait qu’elles lui faisaient produire quelques nouvelles pensées, outre qu’il disait que cela sentait son grand poète de tenter les rimes difficiles qui n’avaient point été rimées265. » Pour peu qu’on soit familier avec la poésie romantique, on ne peut avoir de doute sur la valeur et la portée de ces idées. […] … Belle chose vraiment, pour tant de personnes qui ne savent que les mots, s’ils savent persuader au public qu’en leur distribution gise l’essence et la qualité d’un écrivain… Eux et leurs imitateurs ressemblent le renard qui, voyant qu’on lui avait coupé la queue, conseillait à tous ses compagnons qu’ils s’en tissent faire autant pour s’embellir, disait-il, et se mettre à l’aise… Ils ont vraiment trouvé la fève au gâteau d’avoir su faire de leur faiblesse une règle et rencontrer des gens qui les en crussent. » Elle criait que cette poésie correcte et populaire était trop facile à faire, trop facile à comprendre. […] Le pauvre garçon, qui eut tant de belles qualités, de si heureuses inspirations, et qui n’est arrivé qu’à être inconnu ou ridicule, est la vivante justification de Malherbe.