Horace, dans son Art poétique, trouve qu’il est trop difficile d’imaginer de nouveaux caractères après Homère, et conseille aux poètes tragiques de les emprunter plutôt à l’Iliade ( Rectiùs iliacum carmen deducis in actus, Quàm si… ). […] Homère, venu si longtemps avant les philosophes, les critiques et les auteurs d’Arts poétiques, fut et reste encore le plus sublime des poètes dans le genre le plus sublime, dans le genre héroïque ; et la tragédie qui naquit après fut toute grossière dans ses commencements, comme personne ne l’ignore. La première de ces difficultés eût dû suffire pour exciter les recherches des Scaliger, des Patrizio, des Castelvetro, et pour engager tous les maîtres de l’art poétique à chercher la raison de cette différence… Cette raison ne peut se trouver que dans l’origine de la poésie (v. le livre précédent), et conséquemment dans la découverte des caractères poétiques, qui font toute l’essence de la poésie.
François Coppée est un surprenant versificateur, non qu’il n’ait peut-être quelques égaux dans l’art de faire les vers, mais cet art, à ce qu’il me semble, se remarque chez lui plus à loisir, comme s’il était plus indépendant du fond. […] Pareil à ces « petits maîtres » flamands et hollandais avec lesquels il a tant de ressemblances, il a rapproché l’art de la foule sans l’éloigner des artistes. […] Par là il est presque unique, car le naturel dans l’art est ce qu’il y a de plus rare ; je dirai presque que c’est une espèce de merveille. […] [Études de littérature et d’art, 3e série (1895).]
A cette manie, il en ajoute encore une autre, celle d'employer les termes des Arts les moins connus du commun des hommes. […] Vous apprendrez que cent mille hommes opposés à cent mille hommes forment des masses redoutables qui s'étudient, s'observent, combinent avec une sage lenteur tous leurs mouvemens, & balancent avec un art terrible & profond la destinée des Etats *. […] Ecoutons encore : le Maréchal de Saxe étudioit l'art qui enseigne les propriétés du mouvement, qui mesure les temps & les espaces, qui calcule les vîtesses & commande aux élémens dont il s'assujettit les forces,….. l'art de faire mouvoir tous ces vastes corps, d'établir un concert & une harmonie de mouvement entre cent mille bras, de combiner tous les ressorts qui doivent concourir ensemble, de calculer l'activité des forces & le temps de l'exécution *. […] Revenez ensuite au Texte, & vous apprendrez que Maurice écartoit les barrieres du préjugé pour reculer les limites de son art, qu'après avoir trouvé le bien il cherchoit le mieux, qu'il s'élançoit au delà du cercle étroit des événemens, & créoit des combinaisons nouvelles, imaginoit des dangers pour trouver des ressources, étudioit sur-tout la science de fixer la valeur variable & incertaine du Soldat, & de lui donner le plus grand degré d'activité possible.