Si nous cherchons son sens, nous ne trouvons qu’un nom, celui du chiffre inférieur auquel on ajoute l’unité ; la même chose arrive à celui-ci, et ainsi de suite ; c’est seulement à la fin de ce long retour en arrière, qu’ayant descendu trente, cinquante, cent, mille, dix mille marches, nous touchons de nouveau notre expérience. — Et cependant ce nom remplace une expérience, une autre expérience que nous n’avons pas faite, que nous ne pouvons pas faire, qui est au-dessus de l’homme, mais qui en soi est possible, et qu’un esprit plus compréhensif pourrait faire. 36 désigne la qualité commune à tous les groupes de trente-six individus, qualité qui, présente devant nous, n’excite point en nous de tendance précise, et qu’un esprit capable de maintenir ensemble devant soi trente-six objets ou faits à l’état distinct pourrait seul éprouver. — Par cet artifice, nous atteignons au même effet qu’une créature douée d’une mémoire et d’une imagination indéfiniment plus nettes et plus vastes que les nôtres. […] Résoudre une équation, c’est substituer des termes les uns aux autres pour arriver à une substitution finale.
Ce qui peut arriver de plus heureux, c’est qu’on prenne pour nouveautés des vieilleries hors d’usage, qu’on répare et qu’on revernit, ou des banalités publiques, dont on obscurcit ou force l’expression. […] Mais, avant de découvrir, il faut être arrivé au terme de la course de nos devanciers : il faut repasser sur leurs traces et prendre notre point de départ à leur point d’arrêt.
Il arrive que, dans cette liberté vagabonde qu’on donnait à sa pensée, lorsqu’on rêvait sur le sujet à traiter, on a rencontré des idées gracieuses, spirituelles, originales : elles ne tiennent peut-être pas de très près au sujet ; il faudra se détourner un peu pour les montrer au lecteur ; elles ne sont pas non plus toujours d’accord avec les vraies raisons ou les faits essentiels, avec le ton ou le sens général du développement. […] On a cédé à une liaison naturelle des choses, et de fil en aiguille on est arrivé à dire ce qu’on n’avait pas besoin de dire encore : plus tard, quand le moment est venu de placer l’idée, quand on ne peut plus s’en passer, pour ne pas avoir à défaire l’ouvrage fait et à tout recommencer, par paresse, on aime mieux la répéter que de la retirer de l’endroit où elle s’était glissée à tort.