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671. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre III. Montaigne »

Le troisième livre, tout nouveau, montrait le progrès de l’âge de l’auteur : il est plus grave (n’entendez pas plus réservé), plus posé, que les deux premiers, les contes y tiennent moins de place, les idées s’y élancent moins en pointes, s’étalent davantage, semblent plus fermes, plus arrêtées. […] Montaigne vu dans son livre Ne nous arrêtons pas plus longtemps aux mots : Montaigne voulait qu’un livre tirât tout son prix des choses. […] Il aimait un logis commode et propre, et se plaisait dans sa librairie, entre ses mille volumes, lisant, marchant, rêvant, dictant, seul surtout, délicieusement seul : femmes, enfants, toutes les fâcheuses servitudes de la vie, étant arrêtés au seuil du sanctuaire.

672. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

Ce fut la forme où s’arrêta La Rochefoucauld, pour y ramasser son expérience. […] Parmi les courtisans et gentilshommes dont on a des lettres, deux nous arrêteront comme des types largement représentatifs : Bussy et Saint-Evremond, deux hommes d’esprit dont l’esprit a causé le naufrage, et qui ont vieilli sans emploi, en exil, l’un au fond de la Bourgogne, l’autre en Angleterre : Bussy355, vaniteux et tempérament brutal, esprit fin, souple et sec, sans fantaisie et sans flamme, d’un goût sûr plutôt que large, d’un style net et propre en perfection, railleur, flegmatique et dangereux ; Saint-Evremond356, spirituel et négligé, jouissant de sa nature avec un complet abandon, libertin de mœurs et de croyance, d’un goût original, à la fois Louis XIII et Régence sans rien de Louis XIV, laissant aller son style et dépouillant la préciosité par haine de l’effort et de la prétention. […] En 1652, on l’arrête ; on l’emprisonne à Vincennes et à Nantes.

673. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

Aussi-tôt le Monarque qui m’entendroit parler ainsi, diroit : Qu’on arrête ce Fou, & qu’on le conduise aux Petites-Maisons. […] Et si, par hasard, il s’élève quelques voix citoyennes & courageuses, pour dévoiler le prestige & dissiper l’aveuglement général, les Corrupteurs & leurs Disciples se liguent pour décrier ces voix, pour les étouffer, tandis que le petit nombre de ceux qui ont résisté à la contagion, & qui sont les plus intéressés à en arrêter les progrès, négligent de les encourager*, & craignent même de leur applaudir ouvertement. […] Fréron, ces mêmes hommes qui prêchent la tolérance, ont eu plusieurs fois le crédit de faire arrêter ses Feuilles, d’obtenir des ordres contre la liberté, de le jouer en plein Théatre, en le couvrant du masque d’un bas scélérat, que l’Auteur du Drame savoit ne pas lui convenir, & dont peut-être lui seul connoissoit le modele.

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