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2139. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

J’ai fait une pochade de ces princes (comme à Nice) si ressemblante, que le garçon qui venait apporter un plateau s’arrêta net devant la toile, se mit à rire et à gesticuler d’un air si bête, que vraiment ma vanité d’artiste est flattée. […] Valladolid. — Nous ne nous y arrêtons pas ; on m’en a dégoûtée en me demandant une vingtaine de fois quelle était cette ville où je voulais encore m’arrêter. […] Maintenant il faut que je m’arrête, autrement je vais m’engager dans une suite de considérations sur ce qu’il faut préférer, sur ce que je préfère, sur ce qu’il faut chercher… Le morceau, l’idée, le sentiment, ou bien… Est-ce qu’on sait ?

2140. (1902) Le problème du style. Questions d’art, de littérature et de grammaire

Dolon, effleuré par la lancede Diomède, « s’arrêta, plein de crainte, épouvanté, tremblant, pâle et ses dents claquaient ». […] La Chanson de Roland n’est pas un poème, c’est de la vie fixée, arrêtée, non dans l’espace, mais dans le temps ; ce n’est pas de l’art, c’est de la réalité toute crue, avec les lumières, les mouvements, les reliefs et les ombres. […] Albalat :  « Mac Grave compare le bruit de leurs ailes à celui d’un rouet et l’exprime par les syllabes hour, hour, hour ; leur battement est si vif que l’oiseau s’arrêtant dans les airs paraît non seulement immobile, mais tout à fait sans action ; on le voit s’arrêter ainsi quelques instants devant une fleur et partir comme un trait pour aller à une autre ; il les visite toutes, plongeant sa petite langue dans leur sein 25 … » « Voici maintenant, dit M.  […] Pour le peuple, tout est dans le sujet du poème et du tableau ; pour « l’intellectuel », tout est dans la manière dont le sujet est traité Le peuple s’arrête devant l’Heureuse Famille de Greuze (ou quelque niaiserie de cet ordre) ; mais celui qui aime la peinture désire que les Greuze soient retournés contre le mur parce qu’ils gênent son œil amusé & une cruche ou à un chaudron de Chardin . […] En art, la géométrie intervient pour arrêter et symétriser les exubérances de la vie.

2141. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

Lus de ce point de vue, ces philosophes sans philosophie (car il n’aime point pour de bon la sagesse, celui qui s’arrête en chemin), ces hésitants, effrayés et abouliques, excitent un rire d’une qualité supérieure. […] Je m’arrête à ces vingt-deux âneries, auxquelles il serait aisé de donner une suite, mais qui tiennent un rang majeur par les innombrables calembredaines du XIXe siècle, parmi ce que j’appellerai ses idoles. […] Elles se sont arrêtées au paysan, qu’elles ont à peine contaminé, qu’elles ont cherché à contaminer par la centralisation électorale et le parlementarisme, qu’elles risquent de contaminer par la presse. […] Arrêtés, à chaque instant, par le désaccord d’une doctrine périmée et des faits, ils demeurent en place, entêtés et chancelants, cherchant une compromission impossible. […] La plupart de ces médecins, d’une ignorance totale en politique, en métaphysique et en théologie, avaient cependant des opinions bien arrêtées sur la politique, la métaphysique et la théologie… très arrêtées et infiniment puériles et sommaires : celles de leur temps.

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