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1757. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Ainsi Bayle circule entre les doctrines, les comprenant admirablement, et merveilleusement apte, merveilleusement disposé aussi, et à les distinguer nettement pour les bien faire entendre, et à les concilier, ou plutôt à les diluer les unes dans les autres, pour montrer à quel point c’est vanité de croire qu’on appartient exclusivement à l’une d’elles. […] Tout un côté du xviiie  siècle, Le Sage l’a ignoré, méconnu, repoussé, tant il appartient à l’autre âge, et tout un côté du xviiie  siècle Le Sage l’a préparé, amené, pressé d’être, tant il appartient au temps où il écrit. […] Et s’il n’en était que cela, Le Sage ne serait pas une transition entre les deux âges, mais appartiendrait tout simplement au précédent. […] Ses sentiments religieux, des mouvements de tendresse pour ceux qui souffrent, son goût pour les salons et les relations mondaines, complètent, si l’on veut, l’analogie. — Mais c’est par sa tournure d’esprit qu’il semble, surtout, appartenir à ce sexe, qu’il a, souvent, peint avec tant de bonheur. […] Et d’abord un homme extraordinaire pour cette date, un homme qui n’était point du tout de son temps, et qui semblait appartenir à l’époque précédente, un adorateur de l’antiquité.

1758. (1905) Promenades philosophiques. Première série

— 7 L’homme ne peut connaître par sa raison que la matière seule et les matrices élémentaires ; l’âme sensible, la vie, ce qui connaît, ce qui aime, ce qui veut, n’est que la matière matériée ; l’intelligence, la raison et l’appétit sont des facultés qui appartiennent à la même substance, et il faut en rechercher l’origine d’une manière physique ; le principe du mouvement spontané est purement matériel ; les sens ne sont que des trous ; tous les corps sont capables de perception et, pour changer une perception en sentiment, il suffît de frapper plus fort et plus longtemps ; la lumière qui éclaire nos yeux et la lumière qui éclaire notre intelligence sont deux fluides qui ne diffèrent qu’en ténuité, et qui doivent être considérés comme deux espèces du même genre (102). […] Le pessimisme n’est ni un sentiment religieux, ni un sentiment moderne, encore qu’il ait pris très souvent la forme religieuse, et que les pessimistes les plus célèbres appartiennent au dix-neuvième siècle. […] Si complexe que soit ce type de la Madeleine, si nombreuses les idées qu’on y trouve agrégées, il n’en reste pas moins qu’elle figure avant tout la Beauté et l’Amour sous leurs formes les plus tangibles et les plus sensuelles, c’est-à-dire païennes ; la partie sentimentale appartient au christianisme qui a, en grande partie, créé cette psychologie particulière. […] L’homme seul, et le groupe auquel il appartient, se livre à l’activité inutile. […] La langue écrite n’appartient plus au groupe restreint des écrivains et des amateurs, elle est devenue le domaine du peuple tout entier.

1759. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

J’ai besoin de le répéter, parce que je viens de le relire : vous avez vraiment créé une critique haute qui vous appartient en propre, et votre manière de passer de l’homme à l’œuvre et de chercher dans ses entrailles le germe de ses productions est une source intarissable d’aperçus nouveaux et de vues profondes.

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