/ 1669
358. (1922) Enquête : Le XIXe siècle est-il un grand siècle ? (Les Marges)

Que par amour du paradoxe ou passion politique, certains tentent de le diminuer, peu nocive est leur besogne, tant elle apparaît vaine à tout esprit de bonne foi. […] Paul Morand Le xixe m’apparaît plus grand que le xviiie  ; le xviiie plus grand que le xviie  ; le xviie plus grand que le xvie . […] Toutefois nous avons déjà conscience de sa prodigieuse floraison intellectuelle dont l’épanouissement exalta notre admiration ; nous conservons le sentiment de la rare puissance de son action humanitaire et civilisatrice et il nous apparaît dérisoire qu’un temps si fertile en miracle puisse être, à cette heure, insulté, méprisé, dénigré par des esprits impuissants à créer et uniquement préoccupés, pour se grandir, de rabaisser tout ce qui les domine. […] Le but inavoué de ce procès est de ravaler et de salir une période illustre à qui l’on reproche son idéal, ses élans, sa foi, ses ambitions généreuses… Mais pour satisfaire les passions d’un moment ou les intérêts d’un parti est-il bien utile de traiter Hugo « d’abruti lyrique » et de « Tartuffe », de comparer la gloire de Renan à la vogue du chansonnier Béranger, de présenter Leconte de Lisle comme un « frigide crétin » ou de montrer Flaubert « comme une boule de jardin où apparaissent grandies toutes les sottises et les niaiseries d’une époque ». […] Quitte à mettre une sourdine à leurs rancunes politiques, ils cesseront d’attaquer notre xixe  siècle qui apparaît, de plus en plus, ainsi que le « grand siècle français ».

359. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

On raconte que cette passion était si forte dans ce jeune homme qu’elle brisa avec violence tous les pièges tendus par sa famille pour le retenir, et qu’il poursuivit, un tison enflammé dans la main, une jeune fille d’une merveilleuse beauté que ses frères lui avaient fait apparaître dans sa chambre pour séduire ses yeux et son cœur. […] Les créations infinies et de dates immémoriales de Dieu dans les profondeurs sans mesure de ces espaces qu’il remplit de lui seul par ses œuvres ; les firmaments déroulés sous les firmaments ; les étoiles, soleils avancés d’autres cieux, dont on n’aperçoit que les bords, ces caps d’autres continents célestes, éclairés par des phares entrevus à des distances énormes ; cette poussière de globes lumineux ou crépusculaires où se reflétaient de l’un à l’autre les splendeurs empruntées à des soleils ; leurs évolutions dans des orbites tracées par le doigt divin ; leur apparition à l’œil de l’astronomie, comme si le ciel les avait enfantés pendant la nuit et comme s’il y avait aussi là-haut des fécondités de sexes entre les astres et des enfantements de mondes ; leur disparition après des siècles, comme si la mort atteignait également là-haut ; le vide que ces globes disparus comme une lettre de l’alphabet laissent dans la page des cieux ; la vie sous d’autres formes que celles qui nous sont connues, et avec d’autres organes que les nôtres, animant vraisemblablement ces géants de flamme ; l’intelligence et l’amour, apparemment proportionnés à leur masse et à leur importance dans l’espace, leur imprimant sans doute une destination morale en harmonie avec leur nature ; le monde intellectuel aussi intelligible à l’esprit que le monde de la matière est visible aux yeux ; la sainteté de cette âme, parcelle détachée de l’essence divine pour lui renvoyer l’admiration et l’amour de chaque atome créé ; la hiérarchie de ces âmes traversant des régions ténébreuses d’abord, puis les demi-jours, puis les splendeurs, puis les éblouissements des vérités, ces soleils de l’esprit ; ces âmes montant et descendant d’échelons en échelons sans base et sans fin, subissant avec mérite ou avec déchéance des milliers d’épreuves morales dans des pérégrinations de siècles et dans des transformations d’existences sans nombre, enfers, purgatoires, paradis symbolique de la Divine Comédie des terres et des cieux ; Tout cela, dis-je, m’apparut, en une ou deux heures d’hallucination contemplative, avec autant de clarté et de palpabilité qu’il y en avait sur les échelons flamboyants de l’échelle de Jacob dans son rêve, ou qu’il y en eut pour le Dante au jour et à l’heure où, sur un sommet de l’Apennin, il écrivit le premier vers fameux de son œuvre : Nel mezzo del cammin di nostra vita , et où son esprit entra dans la forêt obscure pour en ressortir par la porte lumineuse. […] Création, théogonie, histoire, vie et mort, phases primitives, successives et définitives de l’esprit, destinée de tous les êtres animés, de l’âme humaine d’abord, puis de celle de l’insecte, puis de celle des soleils, puis de celle de ces myriades d’esprits invisibles, mais évidents, qui comblent le vide entre Dieu et le néant, qui pullulent dans ses rayons, et qui sont, je n’en doute pas, aussi divers et aussi multipliés que les atomes flottants qui nous apparaissent dans un rayonnement de soleil ; je crus tout comprendre ; et, en effet, je compris tout ce que Dieu permet de comprendre à une de ses plus infimes intelligences. […] Ses poésies lyriques, qui ont précédé la composition de son poème, ont gardé les traces de ses affections profanes et passagères, qu’il essaya en vain de voiler à demi sous des allusions symboliques. » « La poésie épique », dit plus loin le jeune commentateur, « apparaît, à son origine, revêtue d’un caractère sacerdotal, se mêlant à la prière et à l’enseignement religieux ; c’est pourquoi, dans les temps même de décadence, le merveilleux demeure un des préceptes de l’art poétique. Aussi, dès le paganisme, les grandes compositions orientales, comme le Mahabarata ; les cycles grecs, comme ceux d’Hercule, de Thésée, d’Orphée, d’Ulysse, de Psyché ; les épopées latines de Virgile, de Lucain, de Stace, de Silius Italicus ; et enfin ces ouvrages qu’on peut nommer des poèmes philosophiques, la République de Platon et celle de Cicéron, eurent leurs voyages aux cieux, leurs descentes aux enfers, leurs nécromancies, leurs morts ressuscités ou apparus pour raconter les mystères de la vie future.

360. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

Là encore, la mélancolie apparaît ; mais combien différente de celle que nous venons d’observer ! […] Elle apparaît déjà dans ses premiers écrits. […] Le salut lui apparaît quand il renonce à le chercher en lui-même, quand il songe sérieusement à ses semblables. […] Le même type apparaîtra plus tard dans son Don Juan. […] La solution chrétienne apparut un jour à son intelligence, et, vers 1824, il entrait au séminaire de Saint-Sulpice.

/ 1669