L’histoire démontre, au contraire, que le mouvement, la guerre, les alarmes sont le vrai milieu où l’humanité se développe, que le génie ne végète puissamment que sous l’orage, et que toutes les grandes créations de la pensée sont apparues dans des situa-tions troublées. […] Il n’y a que les rhéteurs qui puissent préférer l’œuvre calme et artificielle de l’écrivain à l’œuvre brûlante et vraie qui fut un acte et apparut à son jour comme le cri spontané d’une âme héroïque ou passionnée. […] Mais nous, qui avons commence à penser en 1830, nés sous les influences de Mercure, le monde nous est apparu comme une machine régulièrement organisée ; la paix nous a semblé le milieu naturel de l’esprit humain, la lutte ne s’est montrée à nous que sous les mesquines proportions d’une opposition toute personnelle. […] Les grandes choses n’apparaissent jamais dans ces tièdes milieux. […] Il se peut qu’un jour il apparaisse encore de ces natures étranges, placées sur la limite de l’homme et ouvertes à d’autres combinaisons.
D’un point de vue plus positif encore il apparaît que par le fait de sa division avec lui-même il ne se connaît jamais que partiellement. […] Or, il apparaît avec une nécessité logique et qui ne prête au moindre biais, que cet être unique ne peut se concevoir qu’autre qu’il n’est, puisque la division en objet et en sujet, condition de toute connaissance, brise son unité, puisque, absorbant toute la substance du réel, il ne peut tirer que de son sein les éléments de cette division. […] Par le sortilège de ce geste métaphysique la diversité des choses apparaît dans le décor de l’espace et du temps parmi les intrigues complexes de la causalité.
La seule façon de dissiper les malentendus qui planent sur cette question, c’est de faire apparaître la vérité toute nue. […] Voilà donc un être humain attaqué à la base, déjà privé d’une existence dont les facultés de sensation constituent l’essentiel aliment, et aux yeux duquel l’existence doit apparaître mauvaise et maudite. […] Autant la supériorité du prêtre apparaissait éclatante aux siècles de foi, autant son infériorité nous apparaît écrasante à nous, désabusés. […] A nos fils lointains qui, dégagés du présent, évoqueront notre monde par-delà les siècles révolus, cette conception du prêtre catholique apparaîtra comme l’une des plus monstrueuses folies qui ait germé sur cette terre. […] L’absorption du prêtre par l’humanité, sa rentrée dans l’ordre naturel m’apparaît pour cela d’une haute signification, comme le signe avant-coureur d’un avenir où l’imposture et le sophisme ne verront plus autour de leurs autels ébranlés que quelques rares dévots.