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722. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Après un séjour d’une année environ à Paris, son mari et elle s’engagèrent en mars 1821 pour le théâtre de Lyon ; ils y restèrent deux ans, et c’est alors qu’elle quitta définitivement la carrière. […] Sa première carrière dramatique de vingt années ne put manquer toutefois de laisser en elle des impressions profondes, ineffaçables : en y aiguisant sa sensibilité, en y exerçant sur tant de sujets sa vive intelligence, elle y avait acquis une faculté douloureuse qui tenait à cette délicatesse même ; elle en avait gardé comme un pli d’humilité. […] Parmi celles qui sont adressées à Mlle Valmore dès ces années 1821 et suivantes, j’en trouve pourtant d’intéressantes de Mme Sophie Gay, qui s’était prise d’un goût très vif pour elle, et qui, pendant les séjours de Lyon ou de Bordeaux, la tenait au courant du monde poétique de Paris, des premiers succès de la belle Delphine, des brillants hommages qu’elle recevait, et aussi de son premier trouble de cœur pour ce jeune officier gentilhomme et poète, Alfred de Vigny. […] La réputation de Mme Valmore, sous sa première forme de touchante élégiaque et d’aimable conteur en vers, était faite dès ces années 1824-1827 ; pendant ses absences de Paris et ses séjours à Lyon ou à Bordeaux, sa nouvelle étoile avait pris place dans notre ciel poétique et y brillait d’un doux éclat, sans lutte et sans orage. […] annonçait à Mme Valmore qu’il venait d’autoriser le directeur à résilier son engagement pour l’année 1819-1820 ; on y sent la considération qu’elle inspirait partout autour d’elle : « Mille grâces, Madame, de votre charmant cadeau ; ce que je connaissais de vos ouvrages m’en rend la collection infiniment précieuse ; leur cachet particulier est la peinture de douces et modestes vertus, d’une exquise sensibilité et des sentiments les plus nobles, les plus purs, en un mot de ces sentiments que votre jeu reproduit avec tant de vérité et de naturel sur la scène.

723. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

Cette Histoire, dont l’auteur a donné depuis (en 1846) une seconde édition revue et définitive, a commencé, dès 1840, à obtenir le second des prix Gobert que l’Académie française décerne chaque année aux deux meilleurs ouvrages qui traitent de l’histoire de France. […] Cette année dut lui être féconde et lui profiter en ironie et en expérience. […] À être pendant dix années le lauréat proclamé et bien renté de l’Académie, le lauréat inamovible. […] Je reviens à lui, tel qu’il était aux pleines années de la Restauration, grand, bien fait de taille, d’une physionomie forte et fine, jouissant d’une position aisée et qui sentait l’indépendance, possédant, ce semble, toutes les conditions du bonheur, et pourtant ayant en lui un principe d’ironie et d’âcreté secrète que l’attrait piquant de son esprit ne recouvrait pas et ne faisait le plus souvent que mettre en saillie. […] L’auteur vous promène dans Paris durant les années 1830-1833 ; il vous peint le bourgeois d’alors, le gamin et le Mayeux d’alors, l’émeute d’alors, et toutes les choses parisiennes de cette date.

724. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Fontenelle, par M. Flourens. (1 vol. in-18. — 1847.) » pp. 314-335

Il a, dans ces dernières années, publié une suite d’études aussi remarquables par la clarté de l’exposition que par la simplicité élégante du style, sur Georges Cuvier, sur Fontenelle, sur Buffon, qui n’était pas secrétaire perpétuel, mais qui était digne de l’être. […] Faut-il des années ? […] Des années soit. […] Fontenelle se sent de bonne heure en fonds d’années, et, dans les sièges qu’il entreprend, il se dit qu’il peut attendre. […] » Fontenelle avait quarante ans quand il fut nommé secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences (1697) ; il avait publié tous les ouvrages qui le distinguent sous sa première forme littéraire, et il va durer soixante années encore sous sa forme plus épurée, plus contenue, plus sérieuse : le grand esprit va désormais prendre le pas sur le bel esprit, ou du moins ne plus permettre qu’on l’en sépare.

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