Ayant peint les hommes comme des animaux, comme il eût peint des animaux, il n’a, on le voit trop, nul souci s’ils sont bons ou mauvais, et nulle préférence pour ceux qui sont bons quand il s’en rencontre sous son pinceau. […] Aux organismes très délicats et compliqués, qu’ils soient des machines ou des animaux ou des peuples, une loi s’impose, qui est celle de la division du travail. L’animal très inférieur n’a qu’un organe pour digérer, pour penser et pour se divertir. L’animal supérieur a beaucoup de facultés et autant d’organes que de facultés, sans quoi il ne vivrait pas. […] Dans un tel peuple donner, par exemple, des lois à faire à celui qui ne sait faire que des souliers est imprudent ; c’est dire à un animal supérieur de penser avec ses pieds.
Il est trop solitaire pour le moineau. » Chez lui, la machine animale est d’une force prodigieuse ; elle est aussi d’une capacité et d’une exigence peu communes. […] C’est elle qu’il poursuivit à travers les générations des hommes, des animaux et des plantes, et par-delà la cellule germinative jusque dans la nébuleuse originelle. […] À sa place, je laisserais le vampire se gorger de lait tout à loisir et je me dirais : « Voilà qui va bien, à force d’absorber le liquide alcalin, cet animal ne manquera pas de s’assimiler quelques éléments opaques, et il deviendra visible. […] La chasse a donné à la langue courante : être à l’affût, amorce, ce que mord l’animal, appât, ce qu’on donne à manger à la bête pour l’attirer ; rendre gorge qui se disait au propre du faucon avant de se dire au figuré des concussionnaires ; gorge-chaude, curée de l’oiseau, d’où : s’en faire des gorges chaudes, s’en donner à plaisir ; hagard, faucon hagard, qui vit sur les haies et n’est pas apprivoisé, d’où : air hagard, air farouche ; niais, proprement oiseau qui est encore au nid, etc.
Une littérature, par exemple, et une religion ne sont-elles pas, comme des espèces qui commencent, qui grandissent, qui se développent par une concurrence et d’après une sélection, tout comme les espèces animales ? […] Il connaît les moindres signes du temps, les mœurs des animaux, les secrets de la végétation. […] La prostituée dont le forçat adopte la fille n’est pas, elle non plus, une simple créature dégradée par le vice, et chez qui un sentiment animal de maternité survit d’un sort abominable. […] Leurs génies, en eux et à leur insu, avaient obéi à cette universelle loi de la lutte pour la vie qui gouverne le monde spirituel comme elle gouverne le monde animal, et qui a rarement manifesté avec plus de meurtrière évidence que dans ce duel d’amour son implacable férocité. […] L’art ne comporte-t-il pas une portion d’instinct presque animal et que la pensée trop avertie détruirait ?