La délicatesse & la vérité de leurs pensées, l’enchantement de leur stile, la profondeur & la variété de leurs connoissances, cette attention continuelle à tourner l’érudition en agrément, tout en eux annonce l’aurore du bel esprit François, Mais, quoique supérieurs à leur siècle, ils ne laissoient pas d’y tenir encore par un grand amour de la dialectique, des subtilités & de toutes les disputes de l’école. […] On y représente Abailard, occupé à leur plaire, méprisant toutes les bienséances, remplissant l’univers du bruit de ses amours. […] Cet oracle de son siècle, aussi malheureux en écrits qu’en amour, fut au désespoir d’être jugé, sans qu’auparavant on l’eût entendu. […] De nos amours passés, de notre vive ardeur La tendre impression règne encore dans mon cœur.
que de fois, œil morne et front blêmi, Il cherche auprès de la claire fontaine, Sous quel buisson l’Amour s’est endormi ! […] Devenu histrion d’art par amour de l’histrionisme, ce divinisateur du tremplin l’a transporté définitivement dans la vie de sa pensée. […] C’est cette école qui, pour faire plus spectacle, a mis la poésie lyrique sur le théâtre et le théâtre dans la poésie lyrique, et a développé depuis vingt-cinq ans en nous tous, gens de vieille société ennuyée, cet amour que les peuples de civilisation excessive, à la veille de leurs décadences, ont toujours eu pour leurs histrions. […] On se reprend d’un amour plus vif pour ces adorables mélodistes, aux flûtes fêlées.
Ajoutez que l’amour ne tient pas plus ici de place qu’il n’en occupe effectivement dans la vie, — je ne dis pas la femme, je dis l’amour, — et en revanche la haine, la vanité, l’ambition, l’avarice, toutes les passions humaines y jouent leur personnage. […] Le « Poète de l’amour » ; — et que c’est toujours à cette qualification qu’il en faut revenir en parlant de Musset ; — s’il n’y a pas dans notre langue ; — et en dépit des chicanes de style ou de versification qu’on peut lui faire ; — qu’il faut même que l’on lui fasse ; — de plus beaux poèmes d’amour ; — de plus sincères, de plus passionnés, et de plus poignants ; — que la Lettre à Lamartine ou que la Nuit d’octobre. — Pareillement, et à l’exception de son Lorenzaccio ; — qui est sa part de « contribution » ou son « contingent » dans la bataille romantique ; — son Théâtre tout entier n’est qu’un hymne à l’amour [Cf. Les Caprices de Marianne ; — Le Chandelier ; — On ne badine pas avec l’amour ; — Il ne faut jurer de rien ; — Fantasio, etc.] ; — et à l’amour conçu comme la seule raison qu’il y ait d’être au monde ; — et de vivre. — Là est le secret de sa force dramatique ; — de la poésie souvent malsaine ou suspecte ; — mais toujours infiniment séductrice, dont son théâtre s’enveloppe comme d’une atmosphère unique ; — et là par conséquent le secret de la vitalité de son œuvre. — Qu’il se peut encore que les mêmes qualités ; — et aussi ce qu’elle contient de renseignements sur la « pathologie de l’amour » ; — sauvent sa Confession du naufrage où l’entraînerait sans cela le poids des déclamations qui s’y mêlent ; — et qu’enfin cette religion de l’amour fait à peu près le seul mérite de ses Contes et de ses Nouvelles. […] La Flûte] ; — cet amour en résolution de travailler à vaincre la nature [Cf. […] Hypatie] ; — et l’amour païen de la beauté pure [Cf.