Il y a d’autres causes d’une gloire si vite consentie, dans le détail desquelles nous pourrions entrer, et l’une d’elles, sans aller plus loin, c’est cet amour des faits qui a succédé chez nous à l’ancien amour des idées. Cet amour des faits, dans une nation qui n’a jamais beaucoup rêvé, mais dont le beau front pensif savait méditer, même sous la tente, cet amour des faits a fait accepter à la France, comme un des siens, cet Allemand, — mais Allemand de Berlin, — qui ne rêvait pas et qui s’occupait d’empiler les faits comme un statisticien français du dix-neuvième siècle, Le Kosmos, cette pyramide de faits, cette colonne Vendôme de grains de poussière superposés, lui a paru, tout inachevé qu’il est, beaucoup plus beau et surtout plus utile (la tocade du temps, l’utile !) […] Dans une époque qui pousse cet amour des faits jusqu’à préférer les plus petits aux plus gros, uniquement parce qu’ils sont les plus petits, — qui a mis je ne dis pas l’histoire, mais l’historiette à la place de tout, — qui dernièrement, en ses journaux, pour se dispenser d’avoir du talent, a inventé la Chronique, cette chose amusante ; la chronique, chère au dilettantisme littéraire de messieurs les portiers, n’est-il pas tout simple qu’Alexandre de Humboldt, le chroniqueur de la science du dix-neuvième siècle, l’arpenteur du globe, qui montre les mesures qu’il a prises, le voyageur, qui a lu des voyages et qui en a fait, produise sur nous tous l’effet d’un Moïse, — d’un Moïse, assez bon pour nous, qui ne descend pas de l’Horeb avec les Tables de la Loi, mais du Chimboraço, avec un album dans sa poche !
Le poème, c’est l’histoire du déchirement de cette âme entre son serment et son amour ; c’est l’affliction désespérée de l’idéale et malheureuse Armelle ; et le dénouement de cette histoire c’est l’entrée au cloître de la jeune fille qui, après cet époux impossible sur terre et qu’elle adore, n’a plus que Dieu, cet époux après tous les autres : — Celui-là qui ne se refuse jamais à la main qui se tend vers lui !… Écartez l’idée de Corneille, dont le grand nom écrase tout, mais pourtant remarquez bien que c’est là la donnée — variée et simplifiée — du Cid, le combat de l’amour et du devoir. Seulement, ce n’est pas ici le combat entre l’amour et l’honneur tel que l’entend le monde ; mais le combat entre l’amour et un autre honneur que le monde n’entend presque plus. […] selon ce critique, qui est chrétien pourtant et d’une noble race, fidèle aux anciennes traditions et aux anciennes mœurs, il fallait que l’amour d’Armelle mis dans la balance avec le serment fait à la mère l’emportât dans le cœur du fils, sous peine de disproportion entre le motif du sacrifice et son objet ; et, le pourra-t-on croire ?
— Sur l’amour voici encore quelques phrases : « Il resterait peu de choses à l’homme qui vit un jour, si Dieu nous ôtait les roses, si Dieu nous ôtait l’amour, — L’amour c’est le cri de l’aurore, l’amour c’est l’hymne de la nuit. » — Il l’appelle aussi « tison du foyer et rayon des étoiles ». […] Cependant il tenta de souffler sur le dernier tison de son amour. […] Adieu le cœur, adieu l’amour ! […] Il y a peu ou pas d’amour dans ce roman. […] Est-ce l’amour ?