Il y a des croyants qui agissent mal en dépit de leurs croyances, et des incroyants qui agissent bien malgré leur incrédulité ; et cette remarque assurément n’a rien de rare. […] Je jure que, quand il croirait à l’immortalité de l’âme et quand même il irait à la messe, il agirait exactement comme nous le voyons agir.
Il ne s’agit pas de renaître, mais de continuer à vivre : l’esprit moderne, la civilisation est fondée à jamais, et les plus terribles révolutions ne feront que signaler les phases infiniment variées de ce développement. […] Rome était parvenue à s’assimiler parfaitement les provinces et à les faire vivre de sa civilisation ; mais elle n’avait pu agir de même sur les barbares qui se précipitèrent au IVe et au Ve siècle. […] Les habitudes de la société française, si sévères pour toute originalité, sont à ce point de vue tout à fait regrettables. « Ce qui fait l’existence individuelle, dit Mme de Staël, étant toujours une singularité quelconque, cette singularité prête à la plaisanterie : aussi l’homme qui la craint avant tout cherche-t-il, autant que possible, à faire disparaître en lui ce qui pourrait le signaler de quelque manière, soit en bien, soit en mal. » Les natures vraiment belles et riches ne sont pas celles où des éléments opposés se neutralisent et s’anéantissent ; ce sont celles où les extrêmes se réunissent, non pas simultanément, mais successivement, et selon la face des choses qu’il s’agit d’esquisser. […] Pourquoi sacrifier son bien-être à celui des autres, s’il ne s’agit après tout que d’une mesquine et insignifiante question de jouissance ?
La tragédie emprunte aux anciens les sujets qu’elle traite, les personnages qu’elle met en scène, la structure même qu’elle affecte ; mais elle coule dans le moule d’autrefois des idées, des sentiments, des façons d’agir et de parler qui appartiennent au xviie siècle. […] Descartes ne considère pas la nature comme un ensemble vivant, dont toutes les parties fermentent et agissent incessamment les unes sur les autres ; la nature est à ses yeux quelque chose d’inerte et d’inanimé. […] Mais, telle qu’elle est, elle nous fournit déjà un ensemble de traits qui distinguent nettement l’époque littéraire dont il s’agit de celles qui l’avoisinent. […] On peut commencer par passer rapidement en revue tout ce qui environne la littérature, les milieux divers où elle se développe, les influences qui agissent sur elle du fond des pays étrangers ou des siècles passés, la condition faite alors aux écrivains.