Gil Blas est respecté non seulement comme le chef-d’œuvre du roman et le génie du roman au xviiie siècle, mais comme un chef-d’œuvre de l’esprit humain, et une telle opinion ne m’étonne pas, venant, comme elle vient, du xviiie siècle… Pour mon compte, cela ne m’étonne nullement que le siècle qui admira cette brillante canaille de Casanova, d’Aventuros Casanova, comme l’appelait le prince de Ligne, ait trouvé Gil Blas une œuvre charmante et sublime. […] Ceux qui l’ont connu, et qu’il savait fasciner par l’extraordinaire d’une éloquence à laquelle rien ne ressemblait, l’admirèrent souvent comme un homme fait de toutes pièces, et de prodigieuses pièces. […] Ce qu’il faut admirer, c’est son courage et la beauté de son livre.
Quant à nous, en applaudissant avec tout le monde à la fraîcheur d’idées, à la vérité, il la grâce de ces jolies compositions, nous admirions encore le bon sens de l’auteur, qui sentait que ces excellents sujets de vaudeville n’étaient point propres à la comédie, et que ces pensées si légères s’effeuilleraient en se développant. […] Magnin, qui d’habitude avait besoin d’écrire à tête reposée, était au fond de l’imprimerie du Globe, voisine du Théâtre-Français ; nous étions venus là, plusieurs, au sortir du spectacle : on discutait, on admirait, on faisait des réserves ; il y avait, dans la joie même du triomphe, bien du mélange et quelque étonnement.
La voici : N’admirez tant que la belle Cordière D’Amour en elle ait conçu tout le feu : Son bon mari qui n’entendoit le jeu Chez lui tenoit fabrique journalière, Grand magasin de câbles et d’agrès, Croyant le tout étranger à la Dame ; Mais Amour vint, la malice dans l’âme, Choisit la corde et n’y mit que les traits3. […] il semblera excessif, même à ceux qui savent le mieux l’admirer.