/ 1679
361. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

De même, le moyen d’admettre que de cette timide jeune fille qui n’a jamais quitté la jupe de sa tante, elle obtienne, par des procédés pareils, une lettre contenant l’aveu de son chaste amour. […] Ce n’est pas que je n’admette pleinement son retour au mal. […] Et même je suppose qu’à ces antipodes de son ancien monde, elle eût rencontré, non pas l’honnête et larmoyant comédien que vous faites asseoir à sa table, mais quelque cabotin roué, dépravé, nomade, qui aurait roulé par hasard sa bosse postiche jusque sur les tréteaux de l’Armorique… Eh bien, j’aurais admis qu’en haine de son servage féodal et de ces mœurs antédiluviennes, et des vieux portraits à perruque, et des vertus en vertu-gadin, elle se fût amourachée de cet histrion. J’aurais admis que la bohémienne décrassée eût reconnu en lui un homme de sa caste et de sa tribu, et qu’elle eût fait à son mari le violent et suprême outrage de le tromper pour si peu.

362. (1870) La science et la conscience « Chapitre IV : La métaphysique »

Rendons justice au matérialisme contemporain ; il ne se refuse à reconnaître aucun des faits qu’atteste l’expérience, soit externe, soit interne ; il admet toutes les propriétés caractéristiques qui distinguent les divers règnes de la nature ; il ne nie aucun des phénomènes de conscience proprement dits, c’est-à-dire aucun des sentiments qui répondent chez l’homme aux mots d’individualité, de personne, de moi, comme le sentiment de l’unité, le sentiment de l’identité, le sentiment de la liberté, le sentiment de la responsabilité. […] Que l’amour soit supérieur à la volonté proprement dite par la puissance de ses mouvements, on peut l’admettre, au moins en beaucoup de cas ; mais il en est de même de l’instinct. […] Tout en convenant que l’effet du progrès moral est de diminuer l’effort, et que le comble de la perfection serait de le supprimer entièrement, faut-il admettre avec la métaphysique spiritualiste que la volonté et l’intelligence se confondent avec l’amour dans le type de la suprême perfection, changeant ainsi d’essence et se transformant en un principe que la conscience nous montre si profondément différent des deux autres ? […] Kant avait admis, sur la foi d’une méthode en vogue, que la conscience n’atteint directement que les actes, et que l’induction est nécessaire pour pénétrer au-delà, jusqu’aux facultés de l’être, jusqu’à l’être lui-même.

363. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure »

Le Blanc lui dit : « Fais donc en sorte qu’on n’en voie rien. » L’égalité des armes n’était pas plus admise alors que l’égalité des conditions. […] Il semble admettre que les poètes, chansonniers et diseurs de bons mots, sont gent bâtonnable à merci et miséricorde. […] Les écrivains, les poètes et les journalistes, relevés de cette sorte de dégradation civile qui n’admettait pas la partie égale entre eux et leurs adversaires, devraient bien, en se ressouvenant du passé, en tirer du moins cette morale, que c’est leur devoir, aujourd’hui que tout le monde les respecte ou est disposé à le faire, de se respecter également entre eux, de ne point renouveler les uns contre les autres ces dégradantes attaques qui ne sont autre chose que des bastonnades au moral et qui ont même introduit un infâme et odieux mot dans l’usage littéraire.

/ 1679