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451. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre II. Réalité des idées égalitaires »

Dans un cas comme dans l’autre il serait établi que les formes sociales n’exercent sur lui aucune action appréciable. […] Toute pensée est un commencement d’action. […] Ainsi dans les sociétés, les modes d’actions généralement pratiquées seront les signes, les plus expressifs du tour des opinions généralement reçues : consolidées, objectivées ou non, inscrites dans les choses ou seulement dans les âmes, les habitudes collectives, — c’est-à-dire celles que chaque individu se sent tenu d’observer, — manifestent les idées acceptées par la masse des individus ; les transformations des autres ne peuvent manquer de s’exprimer par les transformations des autres. […] Déclarer tous les citoyens égaux devant la loi, ce n’est pas demander qu’elle assure à leurs actions, si différentes qu’elles soient, les mêmes sanctions, mais au contraire qu’elle proportionne, à l’inégalité des fautes commises ou des services rendus, les sanctions dont elle dispose. […] L’égalité politique serait ainsi conçue comme une sorte de garantie générale de toutes les autres : par celle-là comme par celles-ci une même idée se manifesterait, qui se trouve conforme à notre définition : ce que paraissent vouloir les sociétés modernes, occidentales, c’est qu’on tienne compte des différences des hommes en même temps que, de leurs ressemblances, et que par suite on proportionne, aux valeurs de leurs actions personnelles, les sanctions qu’on leur distribue.

452. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre premier. Que personne à l’avance ne redoute assez le malheur. »

On se sent saisi par une seule idée, comme sous la griffe d’un monstre tout puissant, on contraint sa pensée, sans pouvoir la distraire ; il y a un travail dans l’action de vivre qui ne laisse pas un moment de repos ; le soir est la seule attente de tout le jour, le réveil est un coup douloureux qui vous représente chaque matin votre malheur avec l’effet de la surprise. Les consolations de l’amitié agissent à la surface, mais la personne qui vous aime le plus, n’a pas, sur ce qui vous intéresse, la millième partie des pensées qui vous agitent ; de ces pensées qui n’ont point assez de réalité pour être exprimées, et dont l’action est assez vive cependant pour vous dévorer, excepté dans l’amour, où en parlant de vous, celui qui vous aime s’occupe de lui ; je ne sais comment on peut se résoudre à entretenir un autre de sa peine autant qu’on y pense ; et quel bien, d’ailleurs, en pourrait-on retirer ?

453. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre V. Histoire littéraire. » pp. 212-219

Fixer à des époques certaines la naissance, l’accroissement, la perfection, la décadence & le renouvellement de chaque art & de chaque science ; tracer avec netteté les principales actions & les traits les plus marqués du caractère de chaque auteur ou de chaque artiste, tel est le but de l’Histoire Littéraire. […] On veut bien connoître les Généraux & les Officiers d’une armée ; mais l’on se soucie fort peu d’être instruit du nom & des actions des subalternes, sur-tout si leurs prouesses sont aussi obscures que leur nom.

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