Nous n’avons actuellement dans la science que des nécessités provisoires et empiriques, non absolues et logiques, mais nous réduisons peu à peu les premières aux secondes. […] Les variations correspondantes de la longueur du fil et de la durée de l’oscillation deviennent une conclusion dont la nécessité, par rapport à ses prémisses (lois de la chute des corps), est tout aussi absolue que celle de la conclusion. […] Cette sorte de raisonnement, ne portant que sur des rapports parfaitement définis, ceux de quantité, et procédant par égalités absolues, est susceptible d’une rigueur parfaite. […] A vrai dire, toutes nos représentations des choses, tous nos sentiments, toutes nos actions, toute notre philosophie et notre science même sont à quelque degré symboliques, car nous ne connaissons rien d’une manière absolue et complète ; nous connaissons seulement, et en partie, les rapports des choses entre elles ou avec nous : nos conceptions sont donc, comme Leibniz l’a bien vu, des symboles dans lesquels la partie est substituée au tout, la forme au fond, les rapports plus ou moins extrinsèques à l’être intime, le relatif à l’absolu, le phénomène à la réalité.
Si, comme je le crois, on pouvait prouver qu’une habitude peut être héréditaire, dès lors la ressemblance entre ce qui à l’origine était une habitude et ce qui actuellement est un instinct deviendrait si complète, que toute distinction absolue s’effacerait entre l’une et l’autre faculté. […] Ces Fourmis sont dans la dépendance absolue des services de leurs esclaves au point que, sans leur aide, l’espèce s’éteindrait certainement tout entière dans une seule année. […] Ceux-ci ne construisent pas leur propre demeure ; ils ne décident pas eux-mêmes leurs migrations ; ils ne recueillent pas leur propre nourriture ni celle de leurs petits, et ne peuvent pas même manger sans aide ; ils sont dans la dépendance absolue de leurs esclaves. […] Mais la sélection naturelle ne saurait dépasser ce degré de perfection architectural ; car le rayon de l’Abeille domestique, autant du moins que nous en pouvons juger, est arrivé à la perfection absolue sous le rapport de l’économie des matériaux. […] La preuve en est que le Polyergue roussâtre serait dans l’impossibilité absolue de vivre sans ses esclaves.
. — La tragédie, une forme du genre dramatique En parlant des conventions du théâtre, j’ai écrit (ci-dessus, p. 59) : « À y regarder de près, c’est bien la tragédie du xviie siècle qui, malgré ses artifices, a cédé le moins aux habiletés, aux contingences matérielles ; et c’est pourquoi la vérité durable y resplendit aujourd’hui encore, simple et nue. » Je ne voudrais pas qu’on vit là un éloge absolu de la tragédie, aux dépens du drame tel que le conçoit notre goût moderne ; pourtant c’est dans un dessein précis que j’ai écrit ces mots ; il est utile de les développer ici. […] La tragédie grecque n’est donc pas un bloc ; elle est une forme qui évolue et qui mêle le relatif à l’absolu ; forme spontanée et adéquate en son temps. […] En théorie, peut-être ; et aux temps déjà lointains des souverains absolus. […] Je n’en crois rien. — Cessons de reprocher à Corneille, à Racine leurs sujets historiques, la qualité sociale de leurs personnages ; mais ne croyons pas, d’autre part, que la tragédie soit morte avec les rois absolus ; elle existe encore, non dans le désir brutal de ces financiers véreux qui remplacent les Rodrigue et les Titus dans le théâtre actuel, mais partout où une pauvre âme humaine aspire à la perfection. […] Tout cela a contribué à une unité du lieu stricte, dont on a eu le tort de faire une règle absolue.