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279. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « III. Donoso Cortès »

On s’en souvient : ils avaient, au dix-huitième siècle, mis partout leurs trois dieux, Voltaire, Rousseau et Franklin, qu’ils appelaient le Flambeau de l’humanité dans le style du temps, sérieux et comique, déclamatoire et plat. […] Dans cette réplique d’un siècle à un autre par ses plus grands hommes, le comte de Maistre, avec son esprit merveilleux, si aristocratique, si français, et ce don de plaisanterie charmante, qui était comme la fleur de son profond génie, le comte de Maistre tient naturellement la place de Voltaire, et c’est bien le Voltaire du catholicisme, en effet !

280. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules De La Madenène » pp. 173-187

Pour les fêtes votives on montait les pièces de Racine et de Voltaire : Zaïre, Athalie, Brutus et César, — César, Brutus, Athalie, Zaïre, — on ne sortait pas de là à Monteou, comme à Saint-Didier, à Sarriano comme à Méthamis et à Beaume de Venise. […] Une tragédie de Voltaire, qu’un paysan du Midi veut faire jouer à la fête votive de son village, parce qu’il a au fond de sa poitrine ce souffle immortel du paganisme qu’on appelle l’amour des spectacles et qu’ils ont tous, ces Romains et ces Grecs d’Avignon, de Marseille ou d’Arles, voilà la frêle bobine sur laquelle l’auteur du Marquis des Saffras dévidera la plus belle étoffe d’écarlate dans laquelle on ait jamais taillé un récit. […] IV Et il n’y avait d’ailleurs qu’un artiste enfant à son aurore, et charmant comme tous les enfants et comme toutes les aurores, qui pût naïvement s’encharmer, — et à ce point, — d’une tragédie de Voltaire ; et un initiateur de vocation, qui pût s’atteler à ce projet de la faire jouer, cette tragédie, dans son village, malgré l’indifférence, les railleries, les routines, l’inintelligence, les obstinations des circonstances et des hommes, toujours plus bêtes qu’elles… Pour que la donnée du livre de M. de La Madelène fût admissible, il fallait Espérit ; il fallait cette perle de poésie éveillée, d’enthousiasme, de candeur, de finesse, de douceur infatigable ; il fallait ce lunatique irrésistible qui finit par les emporter dans sa nuée, les plus récalcitrants, les plus lourds à soulever, les plus attachés à la terre, et qui fait jouer un jour, et qui qu’en grogne, sa tragédie devant dix villages rassemblés !

281. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre II. Les génies »

Ceci fait éclater le rire de Voltaire et notre sanglot à nous. […] Mon cher Thiriot, dit Voltaire, l’Apocalypse est une ordure. […] Voltaire est comme saint Paul sur le chemin de Damas. […] Dante et Rabelais arrivent de l’école des cordeliers, comme plus tard Voltaire des jésuites ; Dante le deuil, Rabelais la parodie, Voltaire l’ironie ; cela sort de l’église contre l’église. […] La sagesse est dans Homère et dans Job ; la raison, telle qu’elle doit être pour vaincre les préjugés, c’est-à-dire complète et armée en guerre, ne sera que dans Voltaire.

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