Ampère, dans son cours d’ouverture du dernier mois127, reprenant l’histoire des lettres en France à l’époque de Charlemagne, distinguait, avec cette vue lumineuse et ingénieuse qu’on lui connaît, trois renaissances, en quelque sorte graduelles : celle de Charlemagne, celle du xiie siècle, et celle enfin des xve et xvie , qu’on est habitué à désigner particulièrement sous ce nom. […] A mon retour en France, et lorsque j’entamai ma série des Lundis, l’un des premiers articles (5 novembre 1849) fut consacré à M. de Montalembert, orateur. […] Il est faux que je me sois réfugié en Belgique ; ce qui est vrai, c’est que sans fortune, ayant donné ma démission d’une place de bibliothécaire, je suis allé, au mois d’octobre 1848, c’est-à-dire sept ou huit mois après le 24 février, professer à l’Université de Liege et y vivre de ma littérature, puisque pour le moment cette littérature n’avait plus cours en France.
» La France, qui faillit payer ce cheval un peu trop cher, allait retrouver son compte aux Messéniennes. […] Lorsque Casimir Delavigne revit la France à son retour d’Italie, et dans le temps où il méditait son Marino Faliero, les choses littéraires, il ne put se le dissimuler, avaient légèrement changé de face. […] Mais en prolongeant, Messieurs, je m’aperçois que je cours risque de répéter involontairement ceux qui lui ont payé ce jour-là sur sa tombe le tribut de douleur de la France, et que je rencontre surtout cette parole gravement éloquente57 qui fut alors votre organe, qui l’est encore aujourd’hui, et devant laquelle il est temps que je me taise.
En un mot, il y aurait eu, il y aurait pour un esprit qui, dans sa jeunesse, aurait aimé de passion Chénier, et qui arriverait ensuite aux Anciens, à démontrer de plus en plus ce rejeton imprévu, le dernier et non pas le moins désirable des Alexandrins, ou encore, si l’on veut, un délicieux poëte qui a su marier le xviiie siècle de la Grèce au xviiie siècle de notre France, et qui a trouvé en cette greffe savante de singuliers et d’heureux effets de rajeunissement. […] Depuis La Fontaine, et en laissant de côté les chefs-d’œuvre dramatiques, la poésie lyrique digne de ce nom, la poésie d’odes, d’idylles, d’élégies, où en était-elle, je vous prie, en France ? […] Pourquoi le parfum du moins de ce butin perdu ne revivrait-il pour la France en mes vers ?