Taine comme un esprit français ; il me semble qu’un professeur de Tübingen ne procéderait pas autrement ; c’est même, je crois, la raison pour laquelle on le goûte si fort à l’étranger. […] Or l’invention du style doit être spontanée, sous peine de ne rien valoir, les images doivent naître avec la pensée et ne point venir en étrangères et à sa suite pour la rendre pompeuse. […] Il eût crayonné une figure amusante comme Gaudissart ou dressé des statues terribles comme les grands avares de Balzac, le père Grandet, le père Hochon, Gobseck : non, si Flaubert a donné à la fois tant d’importance et tant de bassesse à ses héros, c’est qu’il ne les voyait pas si étrangers et ne se sentait pas lui-même à l’abri de leurs ridicules : il y a du Bouvard et Pécuchet dans Flaubert.
Et la musique qu’ils ouvrèrent, les canons et les messes des maîtres flamands, c’était un vain travail nullement artistique ; comme les stériles besognes d’un scribe, enjolivant sans les comprendre des lettres étrangères. […] Jean Sébastien Bach fut ainsi un homme simple et naïf, étranger aux subtilités de la passion, mais répugnant la destination inartistique et formelle donnée à la musique par les contra-puntistes antérieurs. […] L’œuvre de Bayreuthal (suite) Extraits de lettres anciennes à des amis 13 novembre 1871 : « Que l’affaire suive donc son cours, et que l’Allemand montre qu’il sait enfin donner l’attention nécessaire à une branche de l’art public si honteusement négligée, et même temps d’une influence illimitée, et à laquelle je voue ma vie. » 19 mai 1871 : « Avant tout je suis heureux d’obtenir ce que nous nous proposons par un accord vraiment amical, et je m’efforce pour cela d’exclure tout élément étranger, hostile ou nuisible, Personne ne sera attiré par nous qui ne conçoive pleinement ce dont il s’agit ; les faits mêmes parleront à ceux qui n’auront pas compris.
La maladie, avant de tuer quelqu’un, apporte à son corps de l’inconnu, de l’étranger, du non-lui, en fait une espèce de nouvel être, dans lequel il faut chercher l’ancien… celui dont la silhouette animée et affectueuse n’est déjà plus. […] Nous avons acquis depuis le commencement du siècle, il me semble, le droit d’écrire pour les hommes faits, sinon s’imposerait à nous la douloureuse nécessité de recourir aux presses étrangères, et d’avoir comme sous Louis XIV et sous Louis XV, en plein régime républicain de la France, nos éditeurs de Hollande. […] Joubert, l’auteur des Pensées, n’avait pas cette servile préoccupation du suffrage universel en matière de style, quand il adjurait Mme de Beaumont de recommander à Chateaubriand « de garder avec soin les singularités qui lui étaient propres » et « de se montrer constamment ce que Dieu l’avait fait », corroborant ce brave conseil par cette curieuse phrase : « Les étrangers… ne trouveront que frappant, ce que les habitudes de notre langue nous portent machinalement à croire bizarre dans le premier moment. » Et parmi le déchaînement de la critique, c’est encore Joubert, qui engage l’écrivain, attaqué dans les modernités de sa prose nouvelle, à persister à chanter son propre ramage 17.