C’est un ouvrage qui laisse une impression pénible, mais très en harmonie avec l’état où l’on est quand on n’aime plus, état peut-être le plus désagréable qu’il y ait au monde, excepté celui d’être amoureux.
Les Arabes n’ont pas changé. » Et remarquez-le, non seulement Horace Vernet soutenait cette immobilité, cette invariabilité de l’Orient au point de vue pittoresque du spectacle, en ce qui était du paysage et du costume ; il l’entendait aussi au point de vue moral, et il observait très ingénieusement que cette idée de fatalité qui domine les populations orientales agissait autrefois tout comme aujourd’hui, au temps de Moïse ou des prophètes comme au temps de Bonaparte, de Méhémet-Ali ou d’Jbrahim ; que la cause extérieure de l’étonnement et de la soumission machinale pouvait être diverse, mais que l’explication n’étant pas autre ni plus avancée aujourd’hui qu’il y a quarante siècles, la physionomie qui exprime l’état intérieur habituel restait la même, que le faciès, en un mot, n’avait pas changé ; et il exprimait cela très spirituellement ; « Ce matin (toujours à Damas), on nous a fait manœuvrer deux batteries d’artillerie, l’une de la garde, l’autre de la ligne. […] Jusqu’à présent, le marteau a été fort, mais petit à petit le manche s’use ; les esclaves s’enrichissent, la noblesse abuse, et déjà bien des seigneurs n’osent plus aller dans leurs terres ; et dans le fond il n’y a pas une très-grande différence entre l’état de la Russie et celui de Méhémet-Ali ; on est ici, comme en Égypte, sur une boursouflure qui tôt ou tard ne pourra plus soutenir la pesanteur du fardeau.
Mais de telles combinaisons sans la volonté qui les surveille de près, et sans le bras qui les exécute, ne sont que des lueurs et restent à l’état d’idées pures ; Louvois, tout absolu qu’il était, dut bientôt céder aux objections. […] Catinat en fit l’épreuve en un ancien camarade du régiment des gardes, M. de Rubentel, excellent officier, mais qui ne pardonnait pas chez un autre une élévation à laquelle il s’était cru en état de prétendre.