On lui avait reproché de n’être qu’un roturier de lettres : vite, il se fabrique une généalogie de rois, de pontifes et de grands hommes, et établit sa descendance en droite ligne de Moïse, de saint Paul, de Plutarque, de Shakespeare, etc., etc. car j’en passe, — et des meilleurs, — comme dit ce vaniteux de Ruy Gomez. […] c’est pardieu bien au-dessus de George Sand qu’il plaçait l’auteur des Histoires de Village, car il établissait la supériorité de ces peintures « simples et vraies », sur les créations idéales du poète de Lélia. […] En vérité, je vous le dis, le ponsardisme est éternel, l’école du Bon Sens remonte aux premiers âges du monde, — mais son règne ne fut jamais mieux établi, plus universel et plus florissant que de nos jours. […] Eugène Maron néglige d’établir la filiation révolutionnaire des œuvres contemporaines, il va jusqu’à nier que la révolution soit pour rien dans l’état actuel des esprits ; c’est-à-dire dans ce mélange d’exaltation et de défaillance, de trouble et de force, de désespoirs et de retours soudains vers la foi, qui résulte infailliblement d’un grand bouleversement social, et qui résume jusqu’ici le caractère moral du dix-neuvième siècle. […] Sur cette montagne où il semait ses sublimes paraboles, le Christ n’y montait qu’entouré de ses disciples et de tout un peuple ; le lyrisme romantique s’établit seul sur la montagne et laisse la foule à ses pieds.
Je ne fais donc qu’obéir à un usage établi par de glorieux précédents et le seul tort de ce livre sera au plus de ne pouvoir à son tour servir d’exemple à personne. […] J’essayai de respirer un moment, je m’établis à Montreux, sur le lac de Genève. […] Elle était impatiente et tenta de hâter l’heure où les œuvres, d’elles-mêmes, renaissent pour ne plus mourir, s’établissent définitivement à leur place d’admiration. […] Il y a maint exemple partiel de l’appauvrissement successif d’un genre qui en vient au fétichisme des règles établies, ressasse des formules invariables. […] Ils répugnèrent à l’observance des formules esthétiques établies et eurent un vif et fort sentiment de l’indépendance absolue du Poète et de la Poésie.
Depuis longtemps les Cours d’amour en avaient établi la théorie en Provence. « Toute personne qui aime, disaient-elles, pâlit, à l’aspect de celle qu’il aime. — Toute action de l’amant se termine par penser à ce qu’il aime. L’amour ne peut rien refuser à l’amour186. » Cette recherche de la sensation excessive avait abouti aux extases et aux transports de Guido Cavalcanti et de Dante, et l’on avait vu s’établir en Languedoc une compagnie d’enthousiastes, les pénitents de l’amour, qui, pour prouver la violence de leur passion, s’habillaient l’été de fourrures et de lourdes étoffes, l’hiver de gaze légère, et se promenaient ainsi dans la campagne, tellement que plusieurs d’entre eux en devinrent malades et moururent. […] La servitude est si pesante, que, même dans son Testament de l’Amour, parmi les plus touchantes plaintes et les plus cuisantes peines, la belle dame idéale qu’il a toujours servie, la médiatrice céleste qui lui apparaît dans une vision, l’Amour pose des thèses, établit « que la cause d’une cause est cause de la chose causée », et raisonne aussi pédantesquement qu’à Oxford. […] Quelle suite de vérités originales et de doctrines neuves peut-on trouver et prouver, lorsque, dans un conte moral comme celui de Mélibée et de sa femme Prudence, on se croit obligé d’établir une controverse en forme, de citer Sénèque et Job pour interdire les larmes, d’alléguer Jésus qui pleure pour autoriser les larmes, de numéroter chaque preuve, d’appeler à l’aide Salomon, Cassiodore et Caton, bref d’écrire un livre d’école ?