Elles ont, pour la plupart, le faux goût, le faux ton exalté du moment, les fausses couleurs ;·le Marmontel et le Fragonard s’y mêlent, et, bien qu’exprimant un sentiment véritable, elles sont plus faites aujourd’hui pour exciter le sourire que l’émotion. […] Souffrez que je voie le soleil, que je respire plus au large, que j’envisage des humains, que j’aie des ressources littéraires, depuis si longtemps unique soulagement à mes maux, que je sache si mon fils respire et ce qu’il fait… Telle est cette admirable et douloureuse page qu’il est impossible de lire sans émotion et sans larmes. […] Son témoignage tourne contre lui-même. — C’est ainsi que se termina à trente-cinq ans l’existence de cette Sophie que Mirabeau n’avait point enlevée, qu’il n’avait point délaissée non plus, mais qui s’était jetée vers lui par un mutuel transport, et que la force des choses avait pu seule lui arracher ; cette Sophie qu’il avait embrasée, qu’il avait enivrée d’émotions fortes, et à laquelle il laissa, en la quittant, la robe dévorante du Centaure, l’ardeur fatale qui ne s’éteint plus.
Les poètes ont en eux un réflecteur, l’observation, et un condensateur, l’émotion ; de là ces grands spectres lumineux qui sortent de leur cerveau, et qui s’en vont flamboyer à jamais sur la ténébreuse muraille humaine. […] Shakespeare, Eschyle, Dante, sont de grands fleuves d’émotion humaine penchant au fond de leur antre l’urne des larmes. […] On distingue à claire-voie, derrière l’arabesque, toute la philosophie ; la végétation vit, l’homme se panthéise, il se fait dans le fini une combinaison d’infini, et, devant cette œuvre où il y a de l’impossible et du vrai, l’âme humaine frissonne d’une émotion obscure et suprême.
On rend avec netteté ce que l’on conçoit bien ; de même on énonce avec chaleur ce que l’on sent avec enthousiasme, et les mots viennent aussi aisément pour exprimer une émotion vive qu’une idée claire. […] Ainsi l’émotion qui doit animer l’orateur, doit réparer par sa véhémence ce qu’elle pourra ne pas avoir en durée, elle ne ressemblera pas à cette agitation superficielle que l’éloquence excite dans les âmes froides ; impression purement mécanique, produite par l’exemple ou par le ton qu’on a donné à la multitude : plus l’auditeur aura de génie, plus aussi son impression ressemblera à celle de l’orateur ; plus il sera capable d’imiter ce qu’il admire. […] L’éloquence ne consiste proprement que dans des traits vifs et rapides. ; son effet est d’émouvoir vivement, et toute émotion s’affaiblit par la durée.