Quelques-uns s’élèvent même jusqu’à la composition et jusqu’aux premiers éléments de la psychologie, à ce point qu’on peut distinguer dans leurs œuvres le marquis d’avec le baron, le financier d’avec le traître, le charretier d’avec le chemineau, à d’autres signes que la coupe de l’habit et que le rappel des caractères physiques. […] Ainsi, le roman-feuilleton compose le fonds de lecture, le principal élément de distraction intellectuelle d’une masse énorme d’hommes et de femmes. […] Ils peuvent tracer un tableau fidèle de la vie anglaise, sous toutes les latitudes, de l’équateur aux pôles, sans risquer de dérouter complètement le lecteur, parce qu’un élément du moins ne variera pas, parce que les mœurs anglaises, le home anglais, le thé anglais, le corsage clair et le chapeau canotier des Anglaises, l’amour des sports, l’endurance, la hauteur d’âme et d’humeur de l’Anglais se ressemblent, au cap de Bonne-Espérance, aux frontières de l’Inde et dans le dominion du Canada. […] Et obligés de dire le mal, de le peindre, de vous en servir comme d’un élément trop réel et trop commun, ne le faites pas aimer.
Plus on descend dans la série animale, plus les centres nerveux se simplifient et se séparent les uns des autres ; finalement, les éléments nerveux disparaissent, noyés dans la masse d’un organisme moins différencié : ne devons-nous pas supposer que si, au sommet de l’échelle des êtres vivants, la conscience se fixait sur des centres nerveux très compliqués, elle accompagne le système nerveux tout le long de la descente, et que lorsque la substance nerveuse vient enfin se fondre dans une matière vivante encore indifférenciée, la conscience s’y éparpille elle-même, diffuse et confuse, réduite à peu de chose, mais non pas tombée à rien ? […] Finalement, là où le système nerveux est rudimentaire, à plus forte raison là où il n’y a plus d’éléments nerveux distincts, automatisme et choix se fondent ensemble : la réaction se simplifie assez pour paraître presque mécanique ; elle hésite et tâtonne pourtant encore, comme si elle restait volontaire. […] Dans des conditions déterminées, la matière se comporte de façon déterminée, rien de ce qu’elle fait n’est imprévisible : si notre science était complète et notre puissance de calculer infinie, nous saurions par avance tout ce qui se passera dans l’univers matériel inorganisé, dans sa masse et dans ses éléments, comme nous prévoyons une éclipse de soleil ou de lune. […] Une pensée, laissée à elle-même, offre une implication réciproque d’éléments dont on ne peut dire qu’ils soient un ou plusieurs : c’est une continuité, et dans toute continuité il y a de la confusion.
Par là nous réintégrions dans la conscience ses deux éléments subjectifs, l’affectivité et la mémoire. […] Par là on se condamne à n’expliquer ni d’où viennent les éléments de conscience ou sensations, qu’on pose comme autant d’absolus, ni comment, inextensives, ces sensations rejoignent l’espace pour s’y coordonner, ni pourquoi elles y adoptent un ordre plutôt qu’un autre, ni enfin par quel moyen elles réussissent à y constituer une expérience stable, commune à tous les hommes. […] Vous en rencontrez, il est vrai, un second : les changements homogènes et calculables sur lesquels la science opère semblent appartenir à des éléments multiples et indépendants, tels que les atomes, dont ils ne seraient que l’accident ; cette multiplicité va s’interposer entre la perception et son objet. […] Mais justement parce que nous avons éliminé les éléments, atomes ou autres, que ces mouvements auraient pour siège, il ne peut plus être question ici du mouvement qui est l’accident d’un mobile, du mouvement abstrait que la mécanique étudie et qui n’est, au fond, que la commune mesure des mouvements concrets.