/ 2647
918. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — I. » pp. 262-280

Et d’abord, n’oublions jamais que Bourdaloue était, avant tout, un orateur, non un écrivain. […] Aujourd’hui, ces heureuses et vives qualités de l’orateur, parmi lesquelles il faut compter l’une des premières, « une voix pleine, résonnante, douce et harmonieuse », ont disparu, et l’écrivain seul nous reste, écrivain juste, clair, exact, probe comme sa pensée, mais qui n’a rien de surprenant. […] Au reste, tous les reproches à cet égard qu’on peut faire à Bourdaloue, ou plutôt les regrets qu’on peut former à son sujet, se réduisent à ceci : il a été un grand orateur, et il n’est qu’un bon écrivain.

919. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — II. (Fin.) » pp. 322-341

Une fois sur le chapitre du pittoresque, songeant surtout aux jardins anglais, Beyle le fait venir d’Angleterre comme les bonnes diligences et les bateaux à vapeur : le pittoresque littéraire, il l’oublie, nous est surtout venu de Suisse et de Rousseau ; mais ce qui est joli et fin littérairement, c’est la remarque qui suit : « La première trace d’attention aux choses de la nature que j’aie trouvée dans les livres qu’on lit, c’est cette rangée de saules sous laquelle se réfugie le duc de Nemours, réduit au désespoir par la belle défense de la princesse de Clèves. » Même en rectifiant et en contredisant ces manières de dire trop exclusives, on arrive à des idées qu’on n’aurait pas eues autrement et en suivant le grand chemin battu des écrivains ordinaires. […] Lorsque M. de Balzac fit sur Beyle, à propos de La Chartreuse, l’article inséré dans les Lettres parisiennes, Beyle, à la fin de sa réponse datée de Civitavecchia (octobre 1840), et après des remerciements confus pour cette bombe outrageuse d’éloges à laquelle il s’attendait si peu, lui disait : Cet article étonnant, tel que jamais écrivain ne le reçut d’un autre, je l’ai lu, j’ose maintenant vous l’avouer, en éclatant de rire. […] Son style, en appuyant, n’éclaircit pas sa pensée ; il se faisait des idées singulières des écrivains proprement dits : Quand je me mets à écrire, disait-il, je ne songe plus à mon beau idéal littéraire ; je suis assiégé par des idées que j’ai besoin de noter. […] Plusieurs écrivains dans ces derniers temps, et après M. de Balzac, se sont occupés de Beyle, de sa vie, de son caractère et de ses œuvres : M. 

920. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

Elle a trop souvent manqué depuis à des écrivains énervés par le désir d’entrer un jour à l’Académie française. » Beyle ne savait pas très exactement l’histoire littéraire, et il n’appréciait pas la qualité essentielle, solide et grave, de la langue sous Louis XIV ; mais là où il ne se trompait pas, c’était sur l’abus qu’on avait fait depuis lors des fausses imitations et des prétendues conformités avec cette langue et surtout avec la poésie racinienne. […] la plupart de ses jugements littéraires d’alors, courus et touchés à peine, sont restés charmants : — et sur Xavier de Maistre et son frère, si différents, mais semblables en un point, et en général sur les écrivains de Savoie, fins, sagaces et jamais lourds, et desquels on peut dire que « la finesse italienne a passé par là » ; — et sur Mme de Souza, le romancier aux aimables nuances, qui excelle à cent pages d’amour délicat, mais chez qui « cette délicatesse est compensée par l’absence de tout trait fort et profond : le premier volume de ses romans amuse beaucoup, le quatrième lasse toujours » ; — et sur Mme de Staël, contre laquelle il lance des paroles d’un pronostic, effrayant ; et sur Mme de Genlis, qui a trouvé moyen, avec infiniment d’esprit, de faire entrer l’ennui dans ses livres, car l’hypocrisie de salon les glace ; et sur M. de Jouy, à qui il accorde un peu trop en faveur de son Sylla et de ses vers tragiques dignes de la prose ; et sur Andrieux, dont on essaya un moment de faire l’arbitre du goût ; il écrivait de ce dernier en janvier 1823 : « M.  […] Il me semble que si Frédéric II vivait encore, il en serait enchanté, lui qui se plaignait de l’obscurité et de l’affectation des écrivains modernes. […] Delécluze, se rangeant du côté des littératures du Midi et se préoccupant à l’excès d’un grand danger qu’il supposait imminent du côté du Nord, écrivait : « Rien ne serait plus fatal à la langue française que si nos écrivains, entraînés à l’imitation des idiomes du Nord, transportaient la phraséologie de ces derniers dans le nôtre.

/ 2647