Si quelque regret tempère la satisfaction et le respect qu’inspirent les doctes et courageux travaux de l’école encyclopédique de MM. […] Nul groupe sans doute n’existe, nulle école imposante, nul centre doctrinal, comme on dit, et à quelques égards je ne m’en plains pas : variété et liberté, c’est quelque chose. […] Parmi les écoles conservatrices et non pourtant ennemies du progrès, celle qui a le plus de confiance en elle-même143, et qui n’est pas encore guérie de croire à l’efficacité absolue de certaines formes et de certaines distinctions plus théoriques que vraies, a dû, ce me semble, se guérir au moins de tout dédain envers ceux qui n’ont à apporter au concours des choses publiques qu’un empirisme équitable, modéré, et qui a sa philosophie aussi dans l’histoire. […] L’école doctrinaire, ou ce que, par habitude, on continuait d’appeler ainsi.
Les spéculations métaphysiques de l’école française (j’excepterai, si vous voulez, Malebranche) ont toujours été mesquines et timides. […] Ce tour, particulier au génie allemand, explique la marche singulière des idées en ce pays depuis un quart de siècle environ, et comment, après les hautes et idéales spéculations de la grande école, l’Allemagne fait maintenant son XVIIIe siècle à la française ; dure, acariâtre, négative, moqueuse, dominée par l’instinct du fini. […] Les écrits de la jeune école sont nets, cassants, réels, matérialistes. […] Voilà ce qui a succédé au développement littéraire le plus idéaliste que présente l’histoire de l’esprit humain, et cela non par une déduction logique ou une conséquence nécessaire, mais par contradiction réfléchie et en vertu de cette vue prédécidée : la grande école a été idéaliste ; nous allons réagir vers le réel.
Lors de la création de l’école centrale de Besançon, Droz, nommé professeur de belles-lettres, et qui eut entre autres élèves Nodier, commença à se faire connaître par quelques discours imprimés, par un Essai sur l’art oratoire (1799), dans lequel il fait preuve d’instruction, de justesse, et où déjà ses inclinations et son tour d’esprit se déclarent. […] Dans cet Essai sur l’art oratoire, il est disciple de Blair : dans les autres discours de cette date, il semble être en philosophie disciple de Condillac, de Garat, des maîtres du jour ; mais, à je ne sais quoi d’affectueux et de pur, à ce que les Anglais appellent feeling, on sent que, pour peu qu’il se développe, il aura bien plus de rapports d’affinité avec ces compatriotes de Blair, les Stewart, les Fergusson, les Beattie, avec cette école morale, économique, tour à tour occupée de l’utile et du beau, à la fois philosophique et religieuse. […] Droz, sans le dire et sans y songer, est par instinct de l’école ou de la famille écossaise ; il a ses vrais parents de ce côté-là. […] Ses occupations de professeur lui laissaient le temps de faire chaque année un voyage à Paris, et, après la suppression des écoles centrales, il y vint tout à fait habiter (1803).