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536. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre V. Le Séminaire Saint-Sulpice (1882) »

Accablé par l’âge et absorbé par les soucis du généralat de la société, M.  […] Cette obligation de clarifier et de systématiser mes idées, en vue de leçons faites à des condisciples du même âge que moi, décida ma vocation. […] Cela ne devra paraître singulier à personne, puisque l’âge m’obligerait à mettre un intervalle entre mes ordres. […] Voici un enfant qui n’agit encore que par impulsion et imitation ; et c’est à cet âge qu’on lui fait jouer sa vie ; une puissance supérieure l’enlace dans d’indissolubles liens ; elle poursuit son travail en silence, et, avant qu’il commence à se connaître, il est lié sans savoir comment. À un certain âge, il se réveille ; il veut agir… Impossible… ses bras et ses mains sont pris dans d’inextricables réseaux ; c’est Dieu même qui le serre, et la cruelle opinion est là, faisant un irrévocable arrêt des velléités de son enfance, et elle rira de lui s’il veut quitter le jouet qui amusa ses premières années.

537. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

C’est un des plus honnêtes hommes du monde, et un des plus sages pour son âge, n’ayant pas encore atteint l’âge de trente-deux ans… Nous en disons de bonnes nous deux, quand nous sommes enfermés… Aux approches de la seconde Fronde, Gui Patin paraît croire à la convocation des États généraux. […] Non, ce n’est point l’émétique, dont il n’a pris que très peu, qui a décidé la guérison, dit-il : « Ce qui a sauvé le roi, ç’a été son innocence, son âge fort et robuste, neuf bonnes saignées, et les prières des gens de bien comme nous, et surtout des courtisans et officiers qui eussent été fort affligés de sa mort, particulièrement le cardinal Mazarin. » La phrase de Gui Patin, commencée avec sérieux, tourne vers la fin en raillerie ; mais ces prières des gens de bien sont sérieuses, et lui-même il a fait la sienne. […] Mais il est évident, à qui le lit jusqu’au bout, que ses prédilections et ses souvenirs le reportent plus naturellement à l’âge des Grotius et des Saumaise ; et dans la dernière lettre imprimée qu’on a de lui (janvier 1672), on lit : Je viens d’apprendre du jeune Vanderlinden que M. 

538. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

Toutes les nations qui se sont détachées successivement du point central, du cœur de l’Asie, sont reconnues aujourd’hui pour des frères et sœurs de la même famille, et d’une famille empreinte au front d’un air de noblesse ; mais, dans cette famille nombreuse, il y a eu un front choisi entre tous, une vierge de prédilection sur laquelle la grâce incomparable a été versée, qui avait reçu, dès le berceau, le don du chant, de l’harmonie, de la mesure, de la perfection (Nausicaa, Hélène, Antigone, Électre, Iphigénie, toutes les nobles Vénus) ; et cette charmante enfant de génie, cette muse de la noble maison, si on la suppose retranchée et immolée avant l’âge, n’est-il pas vrai ? […] C’est l’âme légère de la Grèce qui, passant en elle et se combinant avec le sens ferme et judicieux de ces politiques et de ces vainqueurs, a produit, à la seconde ou à la troisième génération, ce groupe de génies, de talents accomplis, qui composent le bel âge d’Auguste. […] Mais aussi il y a, même dans le cercle régulier et gradué des admirations légitimes, une certaine latitude à laisser à la diversité des goûts, des esprits et des âges. […] Vous me ferez croire, avec le temps, que je puis pour ma part vous être bon en quelque chose, et, généreux comme on l’est à votre âge, vous me rendrez en ce seul sentiment moral bien plus que je ne saurais vous donner en directions de l’esprit ou en aperçus littéraires.

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