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363. (1875) Premiers lundis. Tome III « Les poètes français »

Les poètes connus viendront dans l’âge suivant ; mais le plus souvent, au lieu de s’appliquer à de dignes et sévères sujets, ils s’amuseront alors à des inventions purement romanesques, aux romans dits d’aventures. […] Lorsqu’aujourd’hui l’on repasse avec quelque attention sur ces anciens âges, sur cette verte époque première du XIIIe siècle, où la palme épique, si flétrie depuis et si morte, appartenait à la France, on se prend à regretter amèrement que cette sève vigoureuse ait été perdue, ait été comme non avenue, qu’elle n’ait eu en rien son effet et sa vertu de nutrition dans la végétation finale du grand arbre ! […] Que si du xiiie  siècle nous passons à l’âge suivant, nous trouvons un déclin notable dans la poésie. […] Et même vieux et cassé avant l’âge, il ne cessa d’avoir, jusqu’au bout, de ces retours et de ses assauts de verve qu’il a rendus avec feu. […] Jadis il a bondi sur ce même rivage, Où son corps épuisé se repose aujourd’hui ; Il folâtrait dans son jeune âge Sur ce même bâton qui devient son appui… Est-ce assez prosaïque et sec ?

364. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

Cette lacune universelle, dans la littérature de tous les pays et de tous les âges, est au moins une présomption contre l’aptitude des femmes à la haute poésie exprimée en vers. […] Rousseau, ainsi que plusieurs opuscules de cette première adolescence de mademoiselle Necker, n’eurent pas besoin de l’indulgence due à son âge et de la courtisanerie des familiers de son père pour faire sensation dans le monde lettré à Paris. […] La jeune femme, habituée de bonne heure au monologue par l’exercice quotidien de sa plume et par l’éloquence des hommes supérieurs entendus dès l’enfance chez son père, se laissait emporter par son enthousiasme ; la charmante timidité de son sexe et de son âge, cette pudeur de l’âme, aussi rougissante que celle du corps, n’était jamais née en elle. […] Jugez quelle est sa mère par le sentiment énergique et profond qu’à cet âge déjà elle a su lui inspirer ! […] L’âge de la philosophie n’était pas venu pour elle.

365. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVe entretien. Vie de Michel-Ange (Buonarroti) »

C’est dans ces salles funèbres que Michel-Ange, enfermé pendant les nuits, étudiait, à la lueur de la lampe des morts, cette anatomie du corps humain dans tous les âges qui devint comme la charpente cachée de ses statues. […] C’est que Michel-Ange lui-même était le prophète de la pierre ; dans un autre âge, cet homme aurait taillé des dieux. […] À dix-sept ans, elle avait épousé le jeune marquis de Pescaire, du même âge qu’elle et à qui elle était fiancée depuis le berceau. […] Telle était la femme que l’enthousiasme pour ses œuvres rapprocha de Michel-Ange à l’âge où l’amour, qui se retire du cœur, laisse un vide qui ne peut être rempli que par ces dernières amitiés, presque aussi divines que nos premières sensations. […] Par les conseils de Vasari, Cosme de Médicis écrivit au pape de veiller à ce que les dessins, les modèles, les ébauches, les reliques sans prix de la main de ce grand artiste fussent conservés à sa famille et au monde, dans le cas où des étrangers, à cause de son grand âge, tenteraient de dilapider ces trésors dans ses derniers jours ou après sa mort.

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