Les Évangélistes, pas plus que le grand apôtre saint Paul, ne sont le moins du monde des écrivains parfaits, précis, observant la liaison des idées et soucieux de ce qu’on peut appeler la clarté littéraire ; prenons-les tels quels, comme Jésus les a pris ; je ne m’attache qu’au souffle général dans ces paroles plus ou moins complètement recueillies : qui pourrait, en les lisant, ne pas le sentir circuler à travers ? […] « Placeo mihi in infirmitatibus meis, disait saint Paul ; ma faiblesse même me sied ; et me va, et je m’y complais ; elle fait ma force. » L’auréole spirituelle du maître incomparable éclate mieux dans la faiblesse et la médiocrité de ceux (excepté saint Jean) à travers lesquels on parvient et l’on remonte jusqu’à lui.
Puis on a leur marche à travers la campagne, qui n’est pas tout d’abord un désert. […] La joue en feu, les yeux irrités, la voix rauque, il se promenait d’un pas rapide à travers le camp ; ou bien, assis sur le rivage, il frottait avec du sable sa grande épée.
Cette panique, qui peut tenir à l’effroi des imaginations frappées autant qu’à la réalité même, cette espèce de bacchanale universelle de la nature physique, telle qu’à la rigueur elle peut paraître à des gens ivres et être vue à travers le vertige, est décrite avec une vraie verve d’orgie. […] Il n’est pas moins vrai que quand j’ai détaché de son livre la figure de ces deux gracieux enfants qui s’aiment sans se rendre compte et qui ne savent comment se le prouver, quand j’ai reconnu que Daphnis et Chloé ne sont pas morts et ne mourront pas, qu’ils recommencent à chaque génération d’adolescents, sous tous les régimes et à travers tous les costumes, qu’ils préexistent confusément et résistent à toute éducation comme la nature elle-même, je n’ai guère plus rien qui m’intéresse, et je rencontre bien des accessoires qui me choquent.