Ainsi l’idiome propre de Genève n’est pas le même que celui de Lausanne ou de Neufchâtel, et les littératures de ces petits États ne diffèrent pas moins par des traits essentiels et presque contrastés. […] Pour nous en tenir à Genève toutefois, le plus considérable des trois petits États, et sous le nom duquel, dans nos à-peu-près d’ici, nous nous obstinons à confondre tous les autres, la difficulté, ce semble, est moindre ; véritable lieu de rendez-vous et de passage européen, il y a là naturellement théâtre à célébrité. Et puis, si Genève est un petit État, c’est une grande cité, et, comme l’a dit avec orgueil l’excellent Senebier dans l’Histoire littéraire qu’il en a écrite, c’est une des écoles lumineuses de la terre.
Venaient avec eux les ministres d’État en grand uniforme, l’état-major général, les fonctionnaires de la cour, les conseillers privés, bien des étrangers de distinction, entre autres, l’ambassadeur de Turquie ; après eux suivaient les membres des deux assemblées des États, les hauts fonctionnaires publics, les officiers de l’état-major, les membres de l’Académie des sciences dont Humboldt était le doyen, les professeurs de l’Université conduits par le recteur Dove et le doyen en costume officiel, les membres de l’Académie des beaux-arts, l’ensemble du corps enseignant des écoles de Berlin, les magistrats et les conseillers municipaux, conduits par le premier bourgmestre Krausnick, le bourgmestre Raunyn, le commissaire Esse et le prince Radziwil, pour rendre les derniers honneurs au citoyen adoptif de la ville. […] Puis Cicéron, l’homme d’État malheureux, se réfugiant dans la nature, conserve dans son cœur, en proie aux passions politiques, un goût vif pour la nature et l’amour de la solitude.
On y verrait la savante construction des Antonins crouler, la décadence de la civilisation antique devenir irrévocable, le christianisme profiter de sa ruine, la Syrie conquérir tout l’Occident, et Jésus, en compagnie des dieux et des sages divinisés de l’Asie, prendre possession d’une société à laquelle la philosophie et l’État purement civil ne suffisent plus. […] Je raconterais encore plus sommairement les persécutions du commencement du IVe siècle, dernier effort de l’empire pour revenir à ses vieux principes, lesquels déniaient à l’association religieuse toute place dans l’État. Enfin, je me bornerais à pressentir le changement de politique qui, sous Constantin, intervertit les rôles, et fait du mouvement religieux le plus libre et le plus spontané un culte officiel, assujetti à l’État et persécuteur à son tour.