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223. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. H. Wallon » pp. 51-66

L’auteur de Saint Louis et son temps ne comprend son sujet qu’avec son esprit, et il ne le fait point sentir avec son cœur… Je sais bien qu’il est rare qu’on ait à mettre son cœur dans une histoire politique, où le jugement est bien assez pour la besogne qu’ordinairement on a à y faire ; mais la politique de Saint Louis n’est pas une politique d’homme d’État « qui a son cœur dans sa tête », comme le voulait Napoléon. […] Pour la première fois, ces barons, qui avaient inventé le mot méprisant, en parlant d’un État ou d’une terre : « tomber en quenouille », respectèrent celle-ci comme une masse d’armes, et ployèrent sous ce gouvernement d’une femme qui était mère du Roi et qui avait le sentiment de la Royauté de son fils. […] Les deux minutes sublimes de Marie-Thérèse, présentant son fils, dans ses bras, aux nobles enthousiasmés de son État, Blanche de Castille en fit des années !

224. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

Tant que Henri IV avait été hors de Paris, faisant la guerre pour reconquérir son royaume, ses amours avec Gabrielle n’avaient pas été affaire d’État : c’était tout si les fidèles serviteurs et compagnons du roi pouvaient se plaindre qu’il prolongeât trop volontiers les expéditions et sièges aux environs des lieux où était sa maîtresse. […] Il n’arrive pourtant au sujet même qu’après une demi-heure au moins, durant laquelle il parle encore d’autres affaires : après quoi venant au point indiqué, y venant par de nouveaux circuits, énumérant ses fatigues et les peines qu’il s’est données pour parvenir au trône et pour rétablir l’État, il montre que tout cela n’est rien encore et n’aboutira à rien de solide et de durable, s’il ne se procure des héritiers. […] Que si l’on obtenait des femmes par souhait, afin de ne me repentir point d’un si hasardeux marché, ajoute-t-il, j’en aurais une, laquelle aurait, entre autres bonnes parties, sept conditions principales, à savoir : beauté en la personne, pudicité en la vie, complaisance en l’humeur, habileté en esprit, fécondité en génération, éminence en extraction, et grands États en possession. […] Au-dedans du royaume, il cherche encore parmi les princesses ; il nomme sa nièce de Guise, sa cousine de Rohan, la fille de sa cousine de Conti ; à toutes il trouve des inconvénients encore, et conclut à la normande en disant : Mais quand elles m’agréeraient toutes, qui est-ce qui m’assurera que j’y rencontrerai conjointement les trois principales conditions que j’y désire, et sans lesquelles je ne voudrais point de femme : à savoir qu’elles me feront des fils, qu’elles seront d’humeur douce et complaisante, et d’esprit habile pour me soulager aux affaires sédentaires et pour bien régir mon État et mes enfants, s’il venait faute de moi avant qu’ils eussent âge ?

225. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — III. (Suite et fin.) » pp. 454-472

L’espèce d’étude pourtant à laquelle il demanda tout d’abord une consolation virile, et où il s’enfonça jour et nuit « pour ne point se dévorer le foie à voir tout ce qu’il voyait », ne fut point celle sans doute qu’il aurait choisie avant d’avoir passé par ces grands enseignements de la politique et par l’école pratique de l’homme d’État. […] Le dernier acte par où périt la république de Venise, la chute du gouvernement et l’abolition de l’État en 1797, offre un puissant intérêt. […] Il y avait des gouvernements à détruire, des peuples à soulever, des républiques à organiser ; tous ces agitateurs, qui se croyaient des hommes d’État, allaient offrant partout ce qu’ils appelaient leur expérience. […] Daru, dans un écrit ou document sous forme de tableaux, intitulé Notions statistiques sur la librairie, pour servir à la discussion des lois sur la presse (1827), croyait pouvoir établir, par le chiffre comparé des publications et par la nature des livres produits de 1811 à 1825, qu’il n’y avait nul péril imminent ou même lointain ni pour l’État ni pour la moralité et la raison publique.

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