/ 1443
196. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « A. Dumas. La Question du Divorce » pp. 377-390

Qu’ils se taisent donc et dévorent leur mépris, mais qu’ils comprennent enfin qu’où il n’y a plus de religion d’État, il n’y a plus d’indissolubilité religieuse possible ; et puisque nous n’avons su la défendre, cette religion d’État qui fit la force morale et la gloire de la France, ce n’est pas sans elle que nous sauverons le mariage chrétien. […] Dumas, l’épicurien sentimental, qui croit, comme madame de Staël, que le but légitime de la vie est le bonheur individuel et non pas le perfectionnement moral, n’a pas mis à côté des idées de madame de Staël une idée qui prouvât à cette glorieuse jupe que l’homme, en matière d’État, est, comme en tout, au-dessus de la femme… Pour mon compte, j’accepte le tranchant de la hache qui a coupé une tête de plus dans nos institutions.

197. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

La justice constituée, c’est l’État. […] L’État ne limite donc pas la liberté comme on le dit ; il la développe et l’assure. […] L’État y sera le règne de la loi absolue, fixe, immuable : à peine s’il reconnaîtra des individus. […] Une très grande place appartient à la loi, à l’État. […] Aussi la religion, dans Vico, fait partie de l’État tandis que dans Bossuet c’est l’État qui fait partie de la religion.

198. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

Aujourd’hui tout cela n’existe plus ou vient se briser contre les faits, les pièces authentiques, les papiers d’État qui sortent tôt ou tard de leur poussière. […] Aux tendres soins qu’il prodigua au malade pendant toute la crise, personne n’eut pu deviner la suite, et un témoin oculaire disait à l’ambassadeur de Florence, quelques jours après, que « voir le prince dans son lit, la pâleur de la mort sur le visage, avait été certes un sujet de grande compassion, mais que voir le roi servir incessamment son fils, les yeux remplis de larmes, avait été un spectacle à faire pleurer les pierres. » Chacun, au reste, rivalisa de soins et de zèle ; à cette époque, il est bien clair que ni son père ni personne dans l’État ne désespérait encore du moral du jeune prince âgé de dix-sept ans, et ce fut, par toute l’Espagne, à qui ferait des vœux et des dévotions extraordinaires pour obtenir du Ciel sa guérison et son salut. […] Le projet de fuite clandestine qu’il machina dès qu’il vit le voyage de Bruxelles manqué, projet aussi imprudent, que coupable, dont le roi fut informé dès l’origine et à tous les moments, combla la mesure : il n’était pas possible qu’on laissât l’héritier de la monarchie s’insurger au dehors contre son père et contre l’État. […] Dans toutes ces lettres une pensée revient et se marque en termes exprès : c’est que ce n’est pas pour une offense ni pour une faute particulière, ni dans un but de châtiment, de correction et d’amendement, que le prince est enfermé, et qu’il ne l’est point, par conséquent, pour un temps limité : « Cette affaire a un autre principe et d’autres racines. » Ce principe, c’est la raison d’État qui frappe un héritier reconnu pour incapable, inepte et indigne, pour incurable, et qui l’interdit à jamais, si elle ne le retranche. […] Passe encore quand ce sont des femmes comme Marie Stuart que vous mettez en scène, il y a place jusqu’à un certain point au roman ; mais les hommes d’État, mais les caractères connus, définis, ceux dont on a pu lire dans la matinée quelque parole ou acte mémorable, quelque dépêche mâle et simple, peut-on raisonnablement les entendre déclamer, rêver, rimer, métaphoriser, même en beaux vers, le soir ?

/ 1443