/ 2098
35. (1868) Curiosités esthétiques « III. Le musée classique du bazar Bonne-Nouvelle » pp. 199-209

Cette exposition est faite au profit de la caisse de secours de la société des artistes, c’est-à-dire en faveur d’une certaine classe de pauvres, les plus nobles et les plus méritants, puisqu’ils travaillent au plaisir le plus noble de la société. Les pauvres — les autres — sont venus immédiatement prélever leurs droits. […] Ne serait-il pas temps de se garder un peu de cette rage d’humanité maladroite, qui nous fait tous les jours, pauvres aussi que nous sommes, les victimes des pauvres ? […] — Un jour, un musicien qui crevait de faim organise un modeste concert ; les pauvres de s’abattre sur le concert ; l’affaire étant douteuse, traité à forfait, deux cents francs ; les pauvres s’envolent, les ailes chargées de butin ; le concert fait cinquante francs, et le violoniste affamé implore une place de sabouleux surnuméraire à la cour des Miracles ?

36. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLe entretien. L’homme de lettres »

La pauvre Marie, devenue plus tranquille, lui disait tristement: « Ah ! […] Ces pleurs émurent M. de Saint-Pierre jusqu’au fond de l’âme, et lui firent sentir d’une manière bien cruelle la folie de tant de courses inutiles qui l’avaient ramené plus pauvre que jamais sous le toit de la pauvre Marie. […] Qui voudrait même y vivre heureux, mais pauvre et ignoré ? […] Virginie, la voyant rassasiée, lui dit: « Pauvre misérable ! […] Virginie soupira au souvenir de la pauvre esclave, et des inquiétudes de leurs mères.

37. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIe entretien. Sur le caractère et les œuvres de Béranger » pp. 253-364

Pauvre soldat, je reverrai la France ! […] Pauvres enfants ! […] Il y avait autant de couplets de Béranger chantés que de verres de vin versés dans les jours de fête de ce pauvre peuple. […] C’était un pauvre ouvrier qui venait de perdre sa femme dans la nuit et qui n’avait pas de quoi lui acheter un linceul ou une bière ! […] Je vais faire mes préparatifs afin que le peu que je laisserai en m’en allant ne soit pas perdu pour ma pauvre famille.

38. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXIXe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe (2e partie) » pp. 161-232

soupire la pauvre jeune fille, que ne suis-je délivrée des horribles pensées qui m’obsèdent et qui de toutes parts s’élèvent contre moi !  […] sauve ton pauvre enfant ! […] Nous ne pourrons arriver que bien tard après les autres ; à peine si cette pauvre femme garde un souffle de vie, et son nouveau-né repose tout nu entre ses bras. […] ” « Ainsi parla la belle jeune fille, et sur la paille où elle était étendue la pauvre femme, toute faible et toute pâle, se lève et me regarde. […] À son retour elle soigne la pauvre femme accouchée et distribue l’eau et le pain entre tous les autres petits enfants de la pauvre femme. » Greuze n’a pas de plus touchant tableau de famille sous son pinceau.

39. (1887) Discours et conférences « Rapport sur les prix de vertu lu dans la séance publique annuelle de l’Académie française »

Malgré tout ce que vous faites et ce que vous ferez, le métier de la vertu restera toujours le plus pauvre des métiers. […] L’esclavage antique fut aboli virtuellement quand une pauvre esclave de Lyon se fut montrée dans l’amphithéâtre aussi héroïque que sa maîtresse. […] La pauvre fille a été jetée comme une perle au milieu d’un triste monde d’infirmes et d’incapables. […] Une pauvre jeune fille très vertueuse meurt, laissant deux couverts et un petit sucrier d’argent qu’elle avait achetés de ses économies. […] Qui nous dira la lutte de tant de vertus pauvres, de tant de mères admirables, de sœurs dévouées ?

40. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Philarète Chasles » pp. 147-177

Pauvre Cydalise ! […] Et encore elle s’est barbouillée inutilement, la pauvre diablesse ! […] Toute la logomachie de ce pauvre temps, dont nous sommes harassés, affadis, dégoûtés, toutes ces vieilles blagues à tabac sont ici. […] Tout neuf de vertu et de charité, Philarète Chasles, qui veut justifier, en le méritant, son nom de Philarète, a habillé l’indigent abbé depuis ses pauvres pieds jusqu’à sa pauvre tête. […] Pauvre Chasles !

41. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Marthe, la pauvre jeune fille sacrifiée, cette Mignon du Nord exilée sous le ciel de Naples, et regrettant sa chère Allemagne où elle veut qu’on la ramène, ne fût-ce que dans le cercueil, a de la tendresse et du charme sans fadeur. […] Cet hommage rendu à Dalilci, rien ne nous sépare plus de Sibylle ; car le Jeune Homme pauvre (qui aurait dû s’intituler plutôt le Gentilhomme pauvre), si nous nous y arrêtions, appellerait plus d’une critique du genre de celles qui nous restent à faire, et Sibylle est certainement cousine de la petite Marguerite. Le drame d’ailleurs du Jeune Homme pauvre, tout en poussant à la vogue du livre, a un peu nui en même temps à l’estime qu’on en faisait ; il a mis en relief les défauts de l’œuvre et a éteint quelques-uns des agréments. […] Le pauvre fou Jacques Féray, objet de sa pitié, subit son ascendant, se voue à elle et devient son serf et sa chose. […] Elle débute par un trait odieux, en se jouant du pauvre fou Féray, grotesquement affublé par elle, et en le mettant aux prises avec son chien Max qui manque de le dévorer.

42. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. […] Il faut venir aux pauvres comme de plain-pied. […] C’est en ce Dieu qu’elles les aiment, et, en travaillant pour les pauvres, elles travaillent pour lui. […] Et Lia résignée dit à sa jeune coquine de sœur : « Ma pauvre, pauvre Norah ! […] … Comme il sut écarter de sa maison les amis, les pauvres et les chiens !

43. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxve entretien. Histoire d’un conscrit de 1813. Par Erckmann Chatrian »

Tu n’es pas déjà trop solide sur tes jambes, mon pauvre enfant, au moins que tu n’aies pas cette douleur de plus. […] pauvre enfant !  […] pauvre enfant !  […] pauvre Joseph !  […] … — Ô mon pauvre Joseph ! 

44. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

Est-ce la faute à ce pauvre homme, si pour faire fortune, le but sérieux de la vie bourgeoise, il dut mettre à son chapeau toutes ces cocardes ? […] Le poète commençait à comprendre que dans les petites bourses des pauvres, se trouvaient de meilleures rentes que dans les fonds secrets des gouvernements et les coffres-forts des riches. […] L’insurrection abattue, la Chambre vota le cautionnement qui commandait « silence aux pauvres !  […] Cette égalité civile, qui conserve aux Rothschild leurs millions et leurs parcs, et aux pauvres leurs haillons et leurs poux, est la seule égalité que connaisse Hugo. […] Les caprices du riche sont les meilleurs revenus du pauvre.

45. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Ce pauvre officier pauvre geint bien souvent sur l’insuffisance de la solde et se montre plutôt lâche dans la vie et dans l’amour. […] Le pauvre homme ! […] Le voici malade, entre la vie et la mort, le pauvre petit. […] les pauvres armes, combien courtoises et émoussées. […] Son premier livre, Pauvre Petite !

46. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français et de la question des Anciens et des Modernes »

Il était pauvre. […] Ô la plus belle des filles de Jupiter, Diane, place sur ton cœur, agrée ce tissu, cette triple émulation de zèle. » Sans doute Léonidas ne faisait pas payer cher ses épigrammes : aussi les pauvres gens s’adressaient volontiers à lui, comme à un bon faiseur et à bon compte ; je suis sûr qu’il en faisait même quelquefois pour rien. Un jour, d’honnêtes filles, de pauvres ouvrières trop peu occupées, ont l’idée d’offrir à Minerve un don, pour obtenir plus de travail et de commandes ; Léonidas les fait ainsi parler : « Nous, filles de Lycamédé, Athéno, Mélitée, Phinto et Glinis, ouvrières diligentes, consacrons la dîme de notre cher travail, ainsi que la quenouille laborieuse, la navette qui parcourt en chantant les fils de la trame, l’actif fuseau, ces paniers naguère pleins de laine, et ces spathes pesantes, offrande modeste : pauvres et n’ayant que peu, nous donnons peu. » Pauvres filles en effet ! […] C’est ce que je te recommande, moi, Priape, le gardien des ports, pour que tu ailles partout où le commerce t’appelle. » Léonidas n’eut pas seulement affaire aux pauvres gens et à ceux du commun ; nul n’a exprimé mieux que lui la délicatesse de cœur et d’esprit du parfait galant homme ; lisez plutôt cette Épitaphe d’Aristocratès, de l’homme aimable par excellence : « Ô Tombeau, de quel mortel tu couvres ici les ossements dans ta nuit ! […] tu m’as guéri d’une grave maladie, et, si tu me délivres aussi de l’odieuse misère, je t’immolerai un chevreau. » Il était visité dans sa pauvre demeure par des hôtes affamés qu’il renvoyait en disant : « Retirez-vous de ma chaumière, Souris qui vous cachez dans l’ombre ; la pauvre huche à pain de Léonidas ne saurait nourrir des souris.

47. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

Kallista, malade, fait vœu, si Dieu la guérit, de lui consacrer la virginité de sa fille, non par égoïsme, mais parce que la vie de la vieille femme est encore utile aux siens, aux pauvres et aux fidèles. […] Ce sont bien les discours d’un Nestor qui, au lieu de trois pauvres petites générations, en aurait vu passer cent vingt. […] Pauvre Jeanne, pauvre mère ! […] Voyez surtout comment tourne au fantastique l’histoire de la jolie marraine, de Marcelle aux yeux d’or, la pauvre créature d’amour et de folie : apparition d’une fée très bonne, très capricieuse et très malheureuse. […] Pauvre âme en peine, pauvre âme errante sur l’antique Océan qui berça les premières amours de la terre, cher fantôme, ô ma marraine et ma fée, sois bénie par le plus fidèle de tes amoureux, par le seul peut-être qui se souvienne encore de toi !

48. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Octave Feuillet »

Octave Feuillet : le Roman d’un jeune homme pauvre, l’Histoire de Sibylle et plus récemment, par un heureux retour à la manière de ses débuts, le Journal d’une femme ? […] Dans ces conditions-là ce n’est rien d’être pauvre. […] Avant de se précipiter dans le vide, il a juré de ne l’épouser que lorsqu’elle serait aussi pauvre que lui, ou lui aussi riche qu’elle. […] Il y a là deux jeunes hommes, le commandant d’Eblis — un soldat superbe et doux  et son ancien compagnon d’armes, Roger de Louvercy, un pauvre infirme qui a le bras gauche mutilé et une jambe rétractée. […] Et voyez comme le romanesque réussit à Charlotte et au commandant d’Eblis : ce sont eux les vrais meurtriers de la pauvre Cécile.

49. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rictus, Jehan (1867-1933) »

Rictus, Jehan (1867-1933) [Bibliographie] Les Soliloques du pauvre (1897). — Doléances (1900). […] Georges Oudinot Cette première et somptueuse édition des Soliloques du pauvre, déjà connus, d’ailleurs, dans certains cabarets artistiques de Montmartre, où l’auteur lui-même les interprétait devant l’équivoque public familier, apparaît justement à l’heure des inutiles discussions de journaux sur… la charité chrétienne. […] Remy de Gourmont Les Soliloques du pauvre exigeaient peut-être un peu d’argot, celui qui, familier à tous, est sur la limite de la vraie langue ; pourquoi en avoir rendu la lecture si ardue à qui n’a pas fréquenté les milieux où l’on parle pour n’être pas compris de ces « mess », « flics » ou « cognes » ?

50. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 193-236

Je vais annoncer le désespoir à vos pauvres parents ! […] — Aimez-vous sur la terre, mes pauvres enfants, nous dit-il tout bas, pour vous aimer à jamais dans le paradis ; je vous unis pour l’éternité. […] oui, me dit la tante ; elle était enceinte, la pauvre enfant, enceinte d’une nuit de larmes. […] Cela ranimait le pauvre Hyeronimo ; il le regardait, il me regardait, il revenait à la santé en jouissant de notre vue. […] Les caresses de ce pauvre animal m’attestèrent une fois de plus combien il prend part aux douleurs et aux joies de l’homme.

51. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

le pauvre professeur et le pauvre écrivain. […] Son infamie est d’autant plus grande qu’il n’a ni la pauvre excuse de la faim, ni même l’excuse ridicule de la gêne. […] que « de moins en moins, la Mouche ne paraissait disposée à se brûler les ailes à la flamme vacillante du pauvre Bout-de-Chandelle ». Aussi plus d’une fois « le pauvre Bout-de-Chandelle fut sur le point de s’éteindre ». […] Dans tous les discours que lui prête le pauvre Montégut, je n’ai trouvé, il est vrai, qu’une seule ironie, mais combien fine : le docteur parle d’une chienne comme s’il s’agissait d’une femme et d’une femme comme s’il s’agissait d’une chienne.

52. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre X. Les sociales »

Pauvre soldat incurable, auquel nul spectacle et nulle souffrance ne purent être éducateurs. […] Celui qui souffrait injustement ne souffre plus et il n’est pas assez haut pour qu’on parvienne à faire un drapeau avec « cette pauvre loque humaine ». […] La Vérité en marche, pauvre livre de bourgeois vaniteux et d’enfant ébloui aux moindres lueurs, finit par les ineffables articles sur François Zola. […] Loin d’être restés pauvres d’esprit, ils proclament, ces juifs de cœur, aussi haut que leurs frères reniés, les israélites de naissance : Que l’industrie soit ! […] Autant que par ses pédanteries, Tailhade éblouit ces pauvres gens par ses prétentions aristocratiques.

53. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

Pauvre France ! […] pauvre France ! […] pauvre France ! […] pauvre France ! […] pauvre France !

54. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

« Pauvres femmes ! […] Vois où j’en suis et où tu en es, mon pauvre Wolf, avec tes vols classiques. […] Vous avez à vivre, et vous serez toujours pauvres. […] Plus de pitié ; on n’en a pas eu pour le pauvre ! […] Il se tue parce qu’il est pauvre, et qu’il y a des riches insolents et durs !

55. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Il avait poussé son odyssée jusqu’au Brésil et en était revenu pour mourir pauvre en 1834. […] Cette pauvre petite comédienne de Lyon… comment l’appelez-vous ? […] Il fit donc cette admirable pièce qui commence avec grandeur, et où il montre le vaisseau de haut bord qui, dans l’orgueil du départ, se rit des flots et se joue même de la tempête ; puis, en regard, la pauvre barque comme il en avait tant vu dans le golfe de Naples, une barque de pêcheur dans laquelle habite toute une famille, et qui, jour et nuit, lui sert d’unique asile et de foyer : le père et le fils à la manœuvre, la mère et les filles aux plus humbles soins. […] Cette pauvre barque, ô Valmore ! […] Cette devise roumaine lui était devenue familière, et elle, si pauvre, si dénuée, elle se plaisait à la répéter quelquefois ; elle la pratiqua toujours.

56. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « L’abbé Monnin. Le Curé d’Ars » pp. 345-359

Ils ont bien d’autres affaires vraiment que de s’occuper des pauvres curés qui, de vertus humbles en vertus humbles, deviennent des saints ; et c’est pour cela que l’abbé Monnin a dédié spécialement à ceux-là, qui ne connaissaient pas le curé d’Ars, l’histoire qui le leur apprendra. […] Pauvre de corps, non d’esprit, mais surtout très pauvre d’études, on avait failli lui refuser la prêtrise à cause de son ignorance, et puis on avait cédé à son amour de Dieu et on lui avait donné, de confiance, cette petite cure dans un petit coin de terre, dont il a fait quelque chose de si resplendissant que, de tous les points de la terre, on est venu pour en contempler la splendeur ! […] Mais, comme le Saint, quel qu’il soit, implique toujours miracle, le pauvre petit curé de village renversa tout aussi bien les lois physiques que l’ardent et le rigide Contemplateur à la colonne ; car, pendant toute sa vie, sans s’interrompre jamais que pour l’instruction et la prière, il confessa des multitudes vingt heures sur vingt-quatre, et cela durant quarante ans ! […] La conscience, même à ce point de vue de la beauté, est aussi puissante que le génie, et, comme elle appartient à tous, il ne s’agit que d’y descendre pour en rapporter des choses qui équivalent à du génie et rétablissent l’égalité entre les hommes par la vertu… C’est là ce qui faisait du pauvre curé d’Ars (il faut bien le dire !) […] En effet, il n’y a que cela qui explique sa vie ; il n’y a que la notion de Notre Seigneur Jésus-Christ telle que nous la portons dans nos âmes, qui puisse expliquer cette espèce de règne (car c’en fut un) d’un prêtre caché au bout du monde, dans sa pauvre petite Bethléem de quelques feux et de quelques âmes, et que les foules, à défaut de mages, sont de partout venues visiter !

57. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

On ne rencontrait dans les rues que des soldats français du général Miollis, gouverneur de Rome, et des bandes de pauvres moines affamés portant la pioche ou roulant la brouette pour gagner quelques baïoques (monnaie romaine) en déblayant les monuments de l’antiquité de leur propre ville, à la solde des barbares étrangers. […] Je gémis sur le sort de ma fille, qui malheureusement pour elle reste vivante, jeune, sans direction, entre les mains de ses ennemis, sans autre ami que son misérable père, pauvre, âgé, loin d’elle et disgracié de la fortune. […] « Assister un pauvre gentilhomme qui, sans aucun tort de sa part et pour demeurer, au contraire, fidèle à l’honneur, est tombé dans le malheur et dans l’indigence, est le privilège d’un esprit noble et magnanime tel que le vôtre ; et sans cette assistance, Madame, mon pauvre vieux père mourra bientôt de désespoir, et vous perdrez en lui un de vos admirateurs les plus affectionnés et les plus dévoués. Le porteur de cette lettre vous dira que Scipion Rossi, mon oncle, veut marier ma sœur avec un pauvre gentilhomme qui ne lui promet qu’une vie misérable. […] » Pendant ces touchantes et vaines démarches de son fils pour délivrer sa sœur de la tyrannie de ses oncles et pour soulager son père, ce pauvre père exhalait sa douleur de la perte de Porcia dans une ode égale aux plus amoureuses complaintes de Pétrarque.

58. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Marcel Prévost et Paul Margueritte »

Je vous supplie de ne point juger trop durement la pauvre belle créature. […] Il trouve auprès d’elle l’enfant qui n’est pas de lui, un pauvre petit être chétif et malade et qui gémit doucement dans son berceau : « … Son coeur se déchira dans un sanglot de pitié. […] Un jeune homme, de vieille race, mais pauvre, André de Mercy, intelligent, cultivé, très loyal et très bon, petit employé dans un ministère (sa mère ne lui ayant pas permis de se faire soldat), épouse une petite provinciale sans fortune ; car il a le cœur trop haut pour trafiquer de son nom et faire un mariage d’argent, et, d’autre part, il est de ceux qui ne peuvent résister à la solitude et qui ont besoin d’un foyer. […] Et Toinette aussi devient peu à peu meilleure… Le jour où son mari est renvoyé du ministère, elle sent combien elle aime le pauvre garçon. […] « Toinette et lui se regardèrent et, pour la première fois, peut-être, ils se comprirent… « À cette heure ils ne regrettaient pas de s’être mariés jeunes et pauvres, car toute une vie robuste, par cela même, s’ouvrait encore devant eux.

59. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IX. Le trottoir du Boul’ Mich’ »

Ces commentateurs sont tellement inférieurs même aux pauvres gens qu’ils commentent. […] C’était un brave homme, ce pauvre Émile Trolliet, un brave homme un peu plat et un fonctionnaire modèle. […] Je ne dirai rien des vers de Trolliet, pauvres musiquettes lamartiniennes. […] le pauvre style embarrassé qui fait des embarras. […] En voici une, entre autres, mon pauvre petit.

60. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

Elle l’aborde résolument, et sur la question que lui adresse Pamphile au sujet de Glycère, elle répond que la pauvre jeune femme est à la fois dans les premières douleurs du travail et dans l’inquiétude d’être délaissée par lui. […] souffrir que la pauvre enfant soit trompée à cause de moi ? […] Se sentant près de mourir, elle m’appelle ; je m’approche : on vous avait éloignées ; nous étions seuls (tous trois) ; elle commence : « Mon cher Pamphile, tu vois sa beauté et son âge, et il ne saurait t’échapper que ce sont là de pauvres secours pour garantir sa vertu et tout ce qu’elle possède. […] Cet interlocuteur féroce, tout d’un coup vaincu, n’est plus qu’un pauvre homme brisé par l’affliction ; il ne répond qu’en éclatant en larmes et en sanglots. […] Eschine, son neveu, son fils d’adoption, n’est pas rentré la nuit dernière ; et là-dessus le pauvre père se forge mille craintes : « Faut-il donc qu’un homme aille se mettre dans le cœur et se donner à plaisir des affections qui lui soient plus chères que lui-même !

61. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 13-15

Un pareil marché lui eût été aussi avantageux que nécessaire ; car il mourut si pauvre, qu’il ne laissa pas de quoi se faire enterrer. […] Dès qu’il eut la bouche close, Sa femme ne dit plus rien : Elle enterra vers & prose Avec le pauvre Chrétien. […] Un Rat de cave, disoit Richelet dans son Dictionnaire, gagne tous les ans sept ou huit cents francs, tandis que le pauvre François Colletet, qui ne vit que de sa plume, fait Poëme sur Poëme, & ne gagne pas le quart de cette somme.

62. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

« Il gagnait cahin-caha sa pauvre vie. » Quels détails francs, quelle vraie grimace d’artisan, quels gestes de goguenard ! […] Ô ma cognée 1 ô ma pauvre cognée ! […] les pauvres captifs attachés à ces mêmes chars se plaignaient aux dieux dans leur coeur et leur demandaient justice. » (Radotage. […] Taisez-vous, pauvre Cassandre, et allez relire votre rhétorique d’Aristote.) […] S’il vient ici quelque pauvre homme vous demander justice, mais si pauvre qu’il n’ait ni argent à donner, ni vin fin à présenter, ni huile à promettre, ni pourpre à offrir, en un mot, qui n’ait ni support, ni faveur, ni revenu (compendieusement, comme dit l’Intimé), après qu’il a rendu sa plainte dans le sénat, d’abord on le contente de paroles », etc.

63. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (1re partie) » pp. 337-416

Il accuse, pour se justifier d’un léger soupçon, une pauvre servante innocente et la déshonore, sinon sans remords du moins sans pitié. […] Pauvre femme, qui aime en songe un idéal d’innocence sous les traits d’un enfant abandonné et recueilli par elle, et qui, à son réveil, reconnaît qu’elle a réchauffé et allaité un monstre qui la dévore et qui la souille ! […] Ce caprice usé, il ne restera, pour la pauvre séduite, que le hasard de l’indigence et les charges de la maternité. […] combien la pauvre Thérèse, dans l’amour bestial d’un tel homme et après de tels rapts de ses enfants, ne devait-elle pas frémir de devenir mère ! […] Il se fait copiste de musique à tant la page ; ses patrons lui fournissent abondamment du travail et secourent, à son insu, Thérèse et sa mère, pour aider le pauvre ménage sans blesser les susceptibilités de l’orgueilleux copiste.

64. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

Les deux premiers enfants qui naquirent de cette liaison, deux garçons qui vécurent peu, furent présentés au baptême par d’anciens domestiques, de pauvres gens, parmi lesquels un vrai pauvre de paroisse. […] Les années du bonheur s’étaient écoulées ; Mme de Montespan, spirituelle, altière, éblouissante, avait pris place et trônait à son tour dans le cœur du maître, et la pauvre La Vallière pâlissait. […] mais si j’étais assez malheureuse pour cela, je n’aurais jamais l’effronterie de me présenter devant la reine. » Cette dame si scrupuleuse, et qui le disait si haut, était Mme de Montespan, celle même qui, dès ce moment, allait chercher, par tous les brillants de la coquetterie et toutes les saillies de l’esprit, à supplanter la pauvre La Vallière dans la faveur du maître. […] » On voyait la pauvre immolée figurer, non seulement à la Cour, mais à la suite de sa rivale et dans son cortège : Mme de Montespan, abusant de ses avantages, dit Mme de Caylus, affectait de se faire servir par elle, donnait des louanges à son adresse, et assurait qu’elle ne pouvait être contente de son ajustement si elle n’y mettait la dernière main. […] Quand je considère ces choses, j’entre dans le désir de me taire et de me cacher… pauvre canal où les eaux du ciel passent, et qui à peine en retient quelques gouttes !

65. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — II. (Suite.) » pp. 220-241

La cinquantième représentation fut donc publiquement donnée au profit des pauvres mères nourrices ; il fit des couplets nouveaux à cette intention dans le vaudeville final. […] Beaumarchais répondit gaillardement que cette petite n’était autre qu’une pauvre enfant adoptive dont Figaro, à Séville, prenait soin par humanité ; que depuis lors elle avait passé en France, avait épousé à Paris « un pauvre honnête garçon, gagne-denier sur le port Saint-Nicolas, nommé L’Écluze, qui venait d’être écrasé misérablement, au milieu de tous ses camarades, par la machine qui sert à décharger les bateaux » : Il a laissé, ajoutait-il, sa pauvre femme, âgée de vingt-cinq ans, avec un enfant de treize mois et un de huit jours qu’elle allaite, quoiqu’elle soit très malade et qu’elle manque de tout. Les pauvres camarades de son mari, touchés de son triste sort, se sont tous cotisés pour la faire vivre un moment. […] Là-dessus, on vit les louis d’or pleuvoir pour cette pauvre mère nourrice, ainsi désignée. […] Ne pouviez-vous pas soulager la détresse de cette pauvre veuve L’Écluze sans la faire passer pour cette petite Figaro ?

66. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

» Je dis mufle, car non seulement il abandonna la pauvre fille, mais il paraît l’avoir abandonnée hypocritement. […] … Mais enfin qui donc fut l’amant de la pauvre Marceline Desbordes ? […] Si l’on pouvait savoir à quelle époque elle changea le nom d’Hyacinthe en celui d’Ondine, on saurait peut-être, du même coup, la date de la guérison de son pauvre cœur. […] Elle naît pauvre, elle entre au théâtre pour nourrir sa famille. […] Celui-là encore, tu l’aimerais beaucoup, si pauvre, si curé de campagne, avec ses gros bas bleus et ses pantalons trop courts. » — « … J’ai revu M. 

67. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SOUZA » pp. 42-61

— Pauvres mères ! […] « Pauvres mères ! […] Pauvres mères ! […] Pauvres mères ! pauvres mères !

68. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Jean Richepin »

Je ne parle point des Misérables de Victor Hugo, qui sont des Pauvres à qui on a fait des têtes, — pour me servir d’une expression du métier dramatique, — des Pauvres arrangés dans l’intérêt d’un parti, des Communards d’avant l’heure. […] Depuis que le monde est monde, le Christianisme seul a compris les pauvres et les a bien vus. […] Richepin ne le sera probablement jamais, est très nécessaire au poète des Pauvres s’il veut creuser dans leurs abjections et leurs vices, dans leurs grandeurs et leurs vertus. […] Richepin sait le secret des sensualités et des intempérances du pauvre. […] Jean Richepin publia son volume des Blasphèmes, on put voir clairement pourquoi il avait oublié le Christianisme et ses influences sur ces pauvres dont il écrivait l’histoire.

69. (1890) L’avenir de la science « IV » p. 141

Si la population des villes fût restée pauvre ou attachée à un travail sans relâche, comme le paysan, la science serait encore aujourd’hui le monopole de la classe sacerdotale. […] La tendance des classes pauvres au bien-être est juste, légitime et sainte, puisque les classes pauvres n’arriveront à la vraie sainteté, qui est la perfection intellectuelle et morale, que par l’acquisition d’un certain degré de bien-être. […] En vérité, je crois qu’il vaudrait mieux laisser le peuple pauvre que de lui faire son éducation de la sorte. […] Héros de la vie désintéressée, saints, apôtres, mounis, solitaires, cénobites, ascètes de tous les siècles, poètes et philosophes sublimes qui aimâtes à n’avoir pas d’héritage ici-bas ; sages, qui avez traversé la vie ayant l’œil gauche pour la terre et l’œil droit pour le ciel, et toi surtout, divin Spinoza, qui restas pauvre et oublié pour le culte de ta pensée et pour mieux adorer l’infini, que vous avez mieux compris la vie que ceux qui la prennent comme un étroit calcul d’intérêt, comme une lutte insignifiante d’ambition ou de vanité ! […] Comment ces pauvres enthousiastes rendraient-ils la vie à un cadavre et, sans levier, soulèveraient-ils un monde ?

70. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

(La pauvre femme se dérange.) […] pauvre petit gars ! […] mon pauvre enfant ! […] — mon pauvre enfant ! […] Les pauvres haïssent les riches parce que les riches mangent ; les riches exècrent les pauvres parce que les pauvres voudraient manger.

71. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Auguste de Chatillon. À la Grand’Pinte ! »

soit dans la tristesse, voilà, par ce temps d’orgueil qui crie, l’accent profond et surmonté de cette poésie qui n’est pas ivre, même de douleur, quoique la douleur ait été véritablement sa grand’pinte ; tel est le fond de cette poésie qui a parfois peint, à la flamande, les murs du cabaret où la pauvre fille s’est assise et a bu un coup, pour se réconforter un peu et pour oublier cette misère de la vie. […] Consolation qui n’est jamais complète, et c’est son charme, — un homme consolé est presque aussi plat qu’un homme heureux, — résignation plutôt, chose que je ne vanterai jamais assez, tant elle est rare, et dont le poète est doué en M. de Châtillon, comme s’il avait été élevé auprès du rouet de quelque bienfaisante Fée pauvre ! […] Je ne sais trop s’il y voit trouble Ou si l’architecte y voit bien : Les plus riches paieront le double, Les pauvres, dit-il, presque rien ! […] Ce n’est encore qu’un filet de voix, mais d’une voix à part et qui pourrait devenir quelque chose d’une simplicité bien divine, si le chanteur voulait oublier les solfèges par lesquels son pauvre filet de voix a passé. […] De même, dans le Dimanche des Rameaux où tout est peint d’un ardent et vif mouvement de brosse, tout, excepté l’intérieur de l’église qui importait plus que le dehors, le poète va chanter la Mère Godichon, ce qui soulève… et fait penser que, si le pauvre et noble Dépouillé se souvient de son blason pourpré de gentilhomme, en regardant la pourpre et l’or d’un beau soleil couchant, les poètes ont aussi leurs blasons, comme les gentilshommes, leurs blasons qu’ils doivent toujours regarder !

72. (1874) Premiers lundis. Tome II « H. de Balzac. Études de mœurs au xixe  siècle. — La Femme supérieure, La Maison Nucingen, La Torpille. »

l’artiste aura fait comme font les gens pauvres, comme la ville de Paris et le gouvernement qui mettent des papiers mâchés dans les monuments publics. […] diantre, l’auteur est de son époque et non du siècle de Léon X, de même qu’il est un pauvre Tourangeau, non un riche Écossais. […] Ce noble exemple, tant ridiculisé par un monde aveugle, me paraît, à lui seul, capable de racheter les erreurs de sa vie… Il y a loin de la dignité d’action du pauvre Rousseau à la pompeuse fortune littéraire des spéculateurs en philanthropie, Voltaire et son écho lointain Beaumarchais… » M. de Balzac, après avoir, non sans raison, remarqué que cette sévérité contre les auteurs qui vendent leurs livres siérait mieux peut-être sous une plume moins privilégiée à tous égards que celle de M. de Custine, se donne carrière à son tour, se jette sur les contrefaçons, agite tout ce qu’il peut trouver de souvenirs à la fois millionnaires et littéraires : la conclusion est qu’à moins de devenir riche comme un fermier général, on se maintient mal aisément un grand écrivain. […] Le portrait, la description de la personne et de la vie de la Torpille (c’est l’odieux nom de la pauvre fille perdue) accusent ces observations profondes et fines particulières à l’auteur, et respirent une complaisance amollie qui s’insinue bientôt au lecteur, si elle ne le rebute tout d’abord : c’est là un secret et comme un maléfice de ce talent, quelque peu suborneur, qui pénètre furtivement, même au cœur des femmes honnêtes, comme un docteur à privautés par l’alcôve.

73. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

Alors c’était sur un monceau de livres et de papiers, ma pauvre amie de là-haut, que tu m’apparaissais… Hélas ! […] Toute jeune fille n’a pas cette élégante propreté dans son pauvre asile. […] pauvres, pauvres que nous sommes ! […] La pauvre enfant m’a causé bien des peines ; pourtant je ne regretterais pas de les reprendre pour elle : la pauvre enfant m’était si chère ! […] On va voir comment un simple accident de conversation plonge le poignard jusqu’au sang dans le sein de la pauvre séduite.

74. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLe entretien. Littérature villageoise. Apparition d’un poème épique en Provence » pp. 233-312

pauvres petits, un bon baiser ! […] Il rencontre malheureusement le pauvre fils du vannier, Vincent. […] Le riche laboureur, dans Mireille, ne descend pas jusqu’au pauvre raccommodeur de corbeilles ; le père de Vincent est rudement congédié. […] Ou pourquoi, d’une pauvre femme, pourquoi ne suis-je pas née moi-même, dans quelque trou de serpent !… Alors, alors, peut-être… « Si un pauvre garçon me plaisait, si Vincent demandait (ma main), vite, vite on me marierait !

75. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

Mais puisque ce malheureux nous arrive égaré, il en faut avoir soin, car c’est de Jupiter que viennent tous les étrangers et les pauvres ; le don le plus léger leur est cher. […] Souvenez-vous de Sterne, débarqué à Calais, et causant avec le pauvre moine qu’il a l’intention de railler un peu sur sa robe, sur son oisiveté, sur sa mendicité volontaire ; le pauvre moine ne l’entend pas, ou fait semblant de ne pas le comprendre par bonhomie et par humilité ; il s’incline, et, ouvrant sa tabatière de buis, il offre à son caustique étranger une prise de son tabac. […] J’aimerais autant mépriser la main du pauvre enfant qui conduit l’aveugle, ou briser le bâton qui soutient le boiteux ! […] lisez-nous les vers que vous avez faits sur ce pauvre oiseau, lui dirent ma femme et ma nièce, émues d’avance de son émotion. […] Hier, et ce matin, toute la matinée Elle m’avait suivi, pauvre prédestinée !

76. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

Mais Julie est pauvre ; Ernest, qu’elle aime, a des parents exigeants. […] La sœur de l’évêque va elle-même chercher à la Grotte des Aigles la pauvre agenouillée, qui attend depuis la fatale nuit, et qui ne veut pas croire à une séparation éternelle. […] Penrose, s’il m’en souvient, s’est plaint de cette vie si pauvre, si condamnée à une fatigue que la dime toujours ne nourrissait pas. […] S’il avait pu naître quelque part, c’eût été en Bretagne, où les pauvres clercs, après quelques années de séminaire dans les Côtes-du-Nord, retombent d’ordinaire à quelque hameau voisin du lieu natal. […] Mais la difliculté d’une double langue en ce pays, et aussi la sévérité des habitudes catholiques, dans lesquelles l’amour humain chez le prêtre n’a point d’expression permise, n’ont pas laissé naître et grandir jusqu’à l’état de littérature ces instincts poétiques étouffés des pauvres clercs.

77. (1863) Cours familier de littérature. XV « XCe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (3e partie) » pp. 385-448

Consolante parole que je viens de méditer, qui me revêt le cœur d’espérance, ce pauvre cœur dépouillé. […] Je l’avais mise en toi, pauvre frère ! […] Pauvre nacelle que je suis sur un océan de larmes !  […] pauvre ami ! […] Préférer à cela une pauvre petite grive, décidément je suis une sauvage ! 

78. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 257-320

non, dit-il, mais nous ne sommes pas pauvres. […] le pauvre garçon, il aime trop le châtaignier pour cela. […] Pauvre sœur ! […] Pauvres bêtes, allez ! […] Nous avions perdu notre gagne-pain en hiver, et mes faibles bras et les bras affaiblis du pauvre Antonio ne suffisaient qu’à peine à cultiver un peu de maïs et de millet, assaisonné de lait de chèvre pour les petits.… Qu’aurions-nous fait sans les châtaignes pour vivre, le pauvre infirme et moi ?

79. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIe entretien. Balzac et ses œuvres (2e partie) » pp. 353-431

Qui ne dira pas aussi : “Pauvre Nanon ! […] « — Grandet, ta colère me fera mourir, dit la pauvre femme. […] Mais vis longtemps, ma pauvre femme. […] Tu vas voir, ma pauvre femme.” […] « — Pauvre mère, dit le tonnelier, tu ne sais pas combien je t’aime.

80. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les Saints Évangiles, traduction par Le Maistre de Saci. Paris, Imprimerie Impériale, 1862 »

« Bienheureux les pauvres d’esprit, parce que le royaume des Cieux est à eux ! […] Qu’est-ce que ces pauvres d’esprit ? Sont-ce simplement des pauvres dans le sens propre, de vrais pauvres de biens, comme le dit saint Luc ? sont-ce des pauvres en idée et qui se sont dépouillés mentalement, qui sont détachés en esprit des biens qu’ils possèdent ? […] Par quelle prédisposition favorable les classes inférieures et misérables du monde romain ont-elles pris si avidement à cette religion des pauvres et des souffrants ?

81. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

maman, ma pauvre maman, maman !  […] Les tyrans aussi, les rois de la terre (pauvres tyrans, où êtes-vous ?) les rois du ciel, les dieux (pauvres dieux !) […] pauvre garçon ! […] Pauvre homme !

82. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (4e partie) » pp. 81-143

La pauvre petite enfant plie et succombe. […] Il s’y attache de plus en plus à cette pauvre enfant. […] Les mauvaises herbes abondaient, aventure admirable pour un pauvre coin de terre. […] Ce petit protecteur indifférent et gai des pauvres enfants est le type de la légèreté stoïque de l’enfant de Paris, dont M.  […] C’est un pauvre idéal de peuple à présenter à l’admiration de nos artisans, la moelle peut-être de la population française.

83. (1858) Cours familier de littérature. V « XXIXe entretien. La musique de Mozart » pp. 281-360

dit Mozart le père à son ami, il est pauvre. […] Mais faut-il s’étonner de trouver des persécutions en pays étrangers, quand mon pauvre enfant en a subi dans son propre lieu natal !  […] Le 12, nous avons vu les fonctions ; nous nous sommes trouvés tout à côté du pape pendant qu’il servait la table des pauvres. […] La pauvre mère, cette fois, reste seule à Salzbourg par économie. […] Je n’ai d’autre prière à vous faire que de vous demander de préparer le plus doucement possible mon pauvre père à cette triste nouvelle.

84. (1890) L’avenir de la science « XIV »

Avec un million, je ferais pénétrer plus profondément les idées modernes dans la masse que ne ferait une génération de penseurs pauvres et sans influence. […] Les grands instincts scientifiques se développent presque toujours chez des jeunes gens instruits, mais pauvres. […] Il faudrait qu’en embrassant la carrière scientifique on fût assuré de rester pauvre toute sa vie, mais aussi d’y trouver le strict nécessaire ; il n’y aurait alors que les belles âmes, poussées par un instinct puissant et irrésistible, qui s’y consacreraient, et la tourbe des intrigants porterait ailleurs ses prétentions. […] L’impôt est de notre temps ce qu’était, dans les anciens usages, la part que chacun faisait, « pour sa pauvre âme », à l’Église et aux œuvres pies.

85. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

Elle s’aperçut de bonne heure que de toutes les privations que la maladie révèle dans ces existences pauvres, la plus fréquente de toutes, c’est le défaut de linge, si nécessaire pourtant en pareil cas. […] Pendant la guerre de Crimée, grâce au zèle et à l’industrie de l’humble maîtresse, la commune de Beaumont, qui est peut-être la plus pauvre du canton, fournit plus de linge qu’on n’en recueillit dans aucune autre. […] Cette dame charitable se servait beaucoup de Félicité Barilliet « pour lui garder ses pauvres », pour lui veiller ses malades. […] Un jour Mme Navier, qui s’était fort fatiguée à soigner un enfant malade appartenant à une famille pauvre, vit entrer chez elle l’archevêque, M. Morlot, qui lui dit : « Je viens pour vous défendre de veiller les nuits ; vous devez vous ménager pour les vôtres et pour les pauvres. » Et il lui remit une médaille avec cordon rouge.

86. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

Ici, ce sont les cloches, qui causent avec le pauvre vieux commissionnaire du coin et le consolent. […] Il y en a deux surtout qui font rire et qui font frémir : Augustus, le maniaque triste, qui est sur le point d’épouser miss Pecksniff, et le pauvre M.  […] Ils oppriment des enfants, ils frappent des femmes, ils affament des pauvres, ils insultent des malheureux. […] Le pauvre petit David est à chaque moment blessé par des paroles dures. […] Personne n’a autant de compassion pour ces pauvres êtres déformés et infirmes qu’ils mettent si souvent au monde, et qui ne semblent naître que pour mourir.

87. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Satire contre le luxe, à la manière de Perse » pp. 122-126

… ne me parlez pas de ces moines armés… mais là cet or, ce luxe qui vous blesse, ces repas somptueux, ces meubles recherchés… — Il n’y en a point, d’accord ; mais ces pauvres, ces malheureux ilotes, n’en avez-vous point pitié ? La tyrannie d’un colon d’Amérique est moins cruelle ; la condition du nègre moins triste… qu’objecterez-vous au siècle de Rome pauvre, à ce siècle où des hommes à jamais célèbres cultivaient la terre de leurs mains, prirent leurs noms des fruits, des fonctions agrestes qu’ils avaient exercées, où le consul pressait le bœuf de son aiguillon, où le casque et la lance étaient déposés sur la borne du champ, et la couronne du triomphateur suspendue à la corne de la charrue ? […] Le luxe ruine le riche, et redouble la misère des pauvres. […] Le pauvre craint de multiplier les malheureux.

88. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Jules Vallès » pp. 259-268

Sans la prétention littéraire qui les distingue et qui est leur caractéristique, ils ne seraient que des pauvres, non pas de ceux-là que l’admirable Église catholique appelle « les membres de Jésus-Christ », titre sublime qui révolterait leur orgueil ; non pas de ces pauvres honteux qui sont si touchants ; mais des pauvres sans honte, faméliques, paresseux, envieux, impudents, enragés, comme il en existe partout, dans toutes les sociétés du monde, — le fond commun de l’humanité, qui se répète, hélas ! […] Quand le grand Callot, qui, lui aussi, peignait des réfractaires, nous donnait ses fameux pauvres et ses bandits, c’était toute la société délabrée de son temps qu’il étreignait et qu’il maîtrisait sous son observation puissante, c’étaient toutes les misères lamentables ou grotesques, abjectes ou terribles, que l’épouvantable guerre de Trente Ans et les vices de cent avaient faites !

89. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 223-229

Marmontel, & apprendre au Lecteur que le débit de son Epître, intitulée La VOIX DES PAUVRES, vendue à leur profit, a procuré de grands secours à cette portion souffrante de nos Concitoyens. […] On ne peut la louer que de ses bonnes intentions ; car pour ses Vers, ils sont prosaïques, boursouflés, le plus souvent d’une expression assez pauvre, & peu propres à produire un grand effet. […] Elle a fait éclater, dans l’événement * malheureux, qui a donné lieu à la Voix du Pauvre, ce qu’on a éprouvé dans tous les temps de sa part, des traits héroïques de courage & de sentiment, qu’on attendoit en vain de la verbeuse & stérile humanité.

90. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Hallé  » pp. 127-130

Et puis croyez-vous qu’il fût indifférent de savoir, avant de prendre le crayon ou le pinceau, quel était le sujet du sermon ; si c’était ou l’effroi des jugements de Dieu, ou la confiance dans la miséricorde de Dieu, ou le respect pour les choses saintes, ou la vérité de la religion, ou la commisération pour les pauvres, ou un mystère, ou un point de morale, ou le danger des passions, ou les devoirs de l’état, ou la fuite du monde. […] Ne sentez-vous pas que si le sermon est des jugements de Dieu, votre orateur aura l’air sombre et recueilli, et que votre auditoire prendra le même caractère ; que si le sermon est de l’amour de Dieu, votre orateur aura les yeux tournés vers le ciel, et qu’il sera dans une extase que les peuples qui l’écoutent partageront ; que s’il prêche la commisération pour les pauvres, il aura le regard attendri et touché, et qu’il en sera de même de ses auditeurs. […] Mais abandonnons ce pauvre Mr Halle à son sort et passons à un homme qui en vaut bien un autre.

91. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIe entretien. Poésie lyrique » pp. 161-223

Ce Daphnis était un jeune toucheur de bœufs du château, que mon oncle avait pris par charité à une pauvre veuve du village d’Arcey, et qui, de berger de chèvres, était devenu avec l’âge toucheur de bœufs. […] Un hasard me rendit témoin de cette scène nocturne du délire lyrique d’un pauvre toucheur de bœufs. […] Je partis avec la bande joyeuse, suivi du vieux Joseph, qui voulait jouir aussi de la surprise ménagée maladroitement au pauvre Didier. […] est-ce bien possible, se disaient tout bas les garçons en retenant leur rire, que ce pauvre Didier, qui n’a jamais dit un mot plus haut que l’autre, chante aujourd’hui comme un ménétrier qui s’en retourne de la fête ? […] Les garçons et les filles se montrèrent alors, et, s’avançant en ricanant vers lui : « Pauvre innocent, lui criait-on de toutes parts, tu ne vois donc pas qu’on se moque de toi depuis ce matin ?

92. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

Pauvre Diderot ! […] Pauvre et savant bibliophile ! […] le pauvre petit ! […] et plus pauvre que jamais. […] Ô pauvre femme !

93. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Baudelaire, Œuvres posthumes et Correspondances inédites, précédées d’une étude biographique, par Eugène Crépet. »

Il n’y a pas à dire, cela est terriblement pauvre, avec de grands airs. […] Chose inattendue : vers la fin de sa vie, de sa pauvre vie si sombre où la débauche morne et appliquée, puis l’opium, le haschich, et, enfin, l’alcool, avaient fait tant de ravages, son catholicisme si peu chrétien, son catholicisme impie et sensuel, celui des Fleurs du mal, semble s’épurer et s’attendrir, et lui descendre  ou lui remonter  dans le cœur. […] le pauvre dandy, le pauvre mystificateur, le pauvre buveur d’opium, le pauvre diable de poète « diabolique » !

94. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1854 » pp. 59-74

Perrot, un pauvre, tout pauvre collectionneur qui a fait une collection de brochures introuvables, achetées deux sous sur les quais, en mettant quelquefois sa montre en gage — une montre en argent.) […] * * * — Quatre sous d’absinthe et deux sous de beurre, — deux mots jetés du haut en bas d’un escalier, deux mots qui résument la vie matérielle de la courtisane pauvre, — de quoi faire une sauce et de l’ivresse, le boire et le manger de ces créatures qui vivent à crédit sur un caprice d’estomac et une illusion de l’avenir. […] Il est un petit coin réservé aux enfants, encore plus mangé par la végétation, plus disparu dans la verdure et tout plein de petites armoires blanches semées de trois larmes, qui ont l’air de sangsues gorgées d’encre, et où les parents ont enfermé le doux souvenir des pauvres petites années vécues : livres de messe, exemptions, pages d’écriture, un A B C D en tapisserie, brodé par une mère. […] Une fois même, Gaiffe daigna écrire un article pour L’Événement, chez lui, — trop heureuse journée pour le pauvre Armand, qui fut presque aussitôt attaqué de la folie des grandeurs.

95. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Louis Vian » pp. 373-387

Coutume sublime, qui n’était pas particulière à la maison de Montesquieu, mais qui était la coutume des anciennes maisons chrétiennes d’un pays qui aimait les pauvres comme Jésus-Christ lui-même, et qui, en donnant un pauvre pour parrain à leurs enfants, croyaient leur donner Jésus-Christ Ainsi, nous apprend Louis Vian (qui nous apprend bien d’autres choses encore, dans cette biographie étincelante de mille détails neufs), fut baptisé Montaigne, le comte de Beauvais et Buffon. […] Montesquieu, tout majestueux président qu’il pensait rester, était d’une époque où l’amour des sens, ce diable déchaîné, secouait les plus graves, et il eut comme les autres ses aventures de boudoir ; mais, de l’imagination, comme les poètes qui aiment, il montra le peu qu’il en avait dans des madrigaux absolument et détestable ment médiocres, et dans ce poème en prose du Temple de Gnide que la marquise du Deffand appelait : « l’Apocalypse de la galanterie », parce que la pauvre diablesse aveugle ne comprenait rien à celui de Saint Jean ! […] Montesquieu a été tenu sur les fonts par un pauvre ; Vian a peut-être voulu avoir son pauvre… mais d’esprit, pour le baptiser, La préface de Laboulaye a toutes les platitudes philosophiques et politiques qui font, pour les amateurs du bouillon de poulet libéral, le genre de talent de Laboulaye.

96. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Sabran et le chevalier de Boufflers »

Rappelez-vous les quelques pauvres billets de Madame de Staël et de Madame Récamier, — lesquels n’étaient dignes ni de l’une ni de l’autre. […] Boufflers, le chansonnier, l’auteur de la Reine de Golconde, de la Jeune fille et du Cheval, du Traité du cœur, Boufflers le léger, devint ambitieux et planta là sa pauvre comtesse amoureuse pour s’en aller au Sénégal gouverner des noirs (que même il administra fort bien le temps qu’il y fut), la laissant dans un Sénégal bien plus brûlant que le sien et non moins difficile à gouverner… le Sénégal de son cœur. […] Ce pauvre méchant ! […] » mais le mot de Madame de Sabran est plus beau encore d’humilité divine et de tremblement… L’amour d’une pauvre petite femme qui aime dans l’obscurité a rencontré mieux que le génie du grand Shakespeare. […] Madame de Sabran vit tellement dans son amour qu’elle ne voit rien que son pauvre cœur, dans lequel toujours elle regarde.

97. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

Ces pauvres gens allèguent le prétexte gothique et peu académique, qu’ils veulent conserver le privilège de dire sur toutes choses ce qui leur semble la vérité. […] Est-ce ce pauvre Faliero, si outrageusement reçu aux Français, et traduit pourtant de lord Byron ? […] Mais cette idée inconvenante est aussi loin de la pauvre Académie Française, qu’elle-même est éloignée de posséder aucune influence sur l’opinion publique. […] La pauvre littérature éprouve le malheur qu’il y a d’être à la mode ; les gens pour qui elle n’est pas faite veulent à toute force en parler. […] Le roman, qui esquive la censure, ne va-t-il pas hériter de la pauvre défunte ?

98. (1925) Les écrivains. Première série (1884-1894)

Hennequin était pauvre, je l’ai dit. […] Et comme il le possède, ce pauvre cœur de l’homme ! […] S’il est vieux ou jeune, riche ou pauvre, je ne le sais. […] Une pauvre petite fille… Mais c’est le vent… Oh ! […] le pauvre garçon, il est mort trop tôt.

99. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « La Mare au diable, La Petite Fadette, François le Champi, par George Sand. (1846-1850.) » pp. 351-370

Il faut que Lazare quitte son fumier, afin que le pauvre ne se réjouisse plus de la mort du riche. […] Dans sa vie de pauvre bergère aux champs, n’a-t-elle pas appris à se suffire avec rien, à tirer parti de tout ? […] Landry, le plus mâle des jumeaux, est induit à aimer la petite Fadette, et par là il désole sa famille, surtout son frère le pauvre Sylvinet, dont la fantaisie est d’être aimé à lui tout seul et de posséder sans partage tout un cœur. […] Elle réussit même trop bien ; le pauvre Sylvinet, un jour, se croit dans l’obligation de s’éloigner de sa belle-sœur sans dire son motif à personne. […] Ici du moins le rôle de l’homme n’est pas subordonné ni sacrifié ; mais c’est à titre de revanche pour le pauvre enfant trouvé, et parce que la société l’avait sacrifié déjà.

100. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

Elle y consentit et en donnait assez naïvement la raison : « J’ai mieux aimé l’épouser qu’un couvent. » Elle n’a jamais parlé de ce « pauvre estropié » qu’avec convenance, estime, comme d’un homme qui avait de la probité et une bonté d’esprit peu connue de ceux qui ne le prenaient que par son enjouement. […] Lorsque je fus avec ce pauvre estropié, je me trouvai dans le beau monde, où je fus recherchée et estimée. […] En écoutant de la bouche de Mme de Maintenon le récit de ces doléances royales et en se rappelant son point de départ du passé, on se prend parfois à dire en souriant, comme dans Le Tartuffe : « La pauvre femme ! la pauvre femme ! » Et après l’avoir entendue un peu plus longtemps, on finit par le dire sérieusement avec elle : Oui, la pauvre femme en effet !

101. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre I. Bernardin de Saint-Pierre »

Le malheur, c’est que le pauvre homme veut expliquer la nature sans être savant, et en se passant de la science. […] Jamais la haine de l’inégalité sociale, du luxe, de l’aristocratie, l’amour de l’humanité, des humbles, de la simplicité, l’enthousiasme de la vertu n’ont revêtu des formes plus faussement, plus béatement, plus niaisement attendries : dès qu’on regarde la pensée de ce pauvre homme, hélas ! […] Ignorants et pauvres, loin de toute civilisation, sans contact avec la société, affranchis des usages tyranniques, des préjugés corrupteurs, des faux besoins, des vaines curiosités, ils sont heureux et vertueux. […] Notre monde effraie, dégoûte sa pauvre âme : elle revient, et meurt dans un naufrage, sous les yeux de Paul.

102. (1884) Propos d’un entrepreneur de démolitions pp. -294

Il saute de joie, il râle de bonheur en nous montrant cette pauvre jambe contrefaite comme s’il voulait la manger. […] Belle prière pour un pauvre ! […] L’histoire de la pauvre reine n’a que quatre lignes devant Dieu. […] Il déshonore ces pauvres gens. […] Ce pauvre vieux palais des papes est ainsi ballotté dans une perpétuelle anxiété.

103. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Le flot montant de la richesse soulève l’élite des pauvres jusqu’à l’aisance, et l’élite des gens aisés jusqu’à l’opulence. […] Comment voulez-vous que le pauvre Burns réussît ? […] À présent, « dans sa caverne enfumée, il verse son écumoire de soufre sur le pauvre monde. Pourtant, dit Burns, je suis sûr que c’est un mince plaisir, même pour un diable, d’éreinter et d’échauder les pauvres chiens comme moi et de les entendre piauler. […] Je suis un si pauvre pigeon que je ne vaux pas la peine qu’on me plume. » Il était horriblement maigre, ne dormait plus et ne pouvait plus se tenir sur ses jambes. « Quant à ma personne, je suis tranquille ; mais la pauvre veuve de Burns, et une demi-douzaine de ses chers petits !

104. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

Cela l’engagea à lui dire : « Mon pauvre monsieur Molière, vous voilà dans un pitoyable état. […] Le pauvre homme ! […] Le pauvre homme ! […] Le pauvre homme ! […] À chaque mets exquis que le conteur nommait, Louis XIV s’écriait: «Le pauvre homme !

105. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

Pierre-Jean de Béranger, comme sa chanson du Tailleur et de la Fée nous l’apprend, est né à Paris, en l’an 1780 (19 août), chez un tailleur, son pauvre et vieux grand-père du côté maternel. […] Vous avez donc une bien mauvaise idée de cette pauvre Lisette ? […] moi, j’étais si pauvre ! […] que la jeunesse est une belle chose, puisqu’elle peut répandre du charme jusque sur la vieillesse, cet âge si déshérité et si pauvre ! […] Béranger avait remarqué bien des fois cette disposition mélancolique des hommes assemblés, et en avait conclu l’idée de la chanson doucement sérieuse à l’usage du pauvre, de l’affligé, du peuple.

106. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

Cette veine lactée s’est prolongée dans la poésie jusque vers 1820, où nous l’avons vue finir ; nous tous, en nous en souvenant bien, nous avons eu, adolescents, notre période de Florian et de Gessner ; nous réciterions avec charme encore la Pauvre Fille de Soumet. […] Elle et lui, Lamartine et Mme Valmore, ont de grands rapports d’instinct et de génie naturel ; ce n’est point par simple rencontre, par pure et vague bienveillance, que l’illustre élégiaque a fait les premiers pas au-devant de la pauvre plaintive ; toute proportion gardée de force et de sexe, ils sont l’un et l’autre de la même famille de poëtes. […] vous voulez courir, pauvres petits mouillés… Cher petit fanfaron…, etc., etc. […] Depuis je l’ai revue, et c’est une des plus pauvres de la ville. […] Moi j’expirais auprès d’elle, on m’emmena en deuil hors de cette île dépeuplée à demi par la mort, et, de vaisseau en vaisseau, je fus rapportée au milieu de mes parents devenus tout à fait pauvres.

107. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre III »

« Au seul nom des nouvelles assemblées, dit une commission provinciale en 1787745, nous avons entendu un pauvre laboureur s’écrier : Hé quoi ! […] À un certain degré, la misère est une gangrène lente où la partie malade mange la partie saine, et l’homme qui subsiste à peine est rongé vif par l’homme qui n’a pas de quoi subsister. « Le paysan est ruiné, il périt victime de l’oppression de la multitude des pauvres qui désolent les campagnes et se réfugient dans les villes. […] En Normandie, d’après les déclarations des curés, « sur 900 paroissiens de Saint-Malo, les trois quarts peuvent vivre, le reste est malheureux »  « Sur 1 500 habitants de Saint-Patrice, 400 sont à l’aumône ; sur 500 habitants de Saint-Laurent, les trois quarts sont à l’aumône. » À Marbœuf, dit le cahier, « sur 500 personnes qui habitent notre paroisse, 100 sont réduites à la mendicité, et en outre nous voyons venir des paroisses voisines 30 ou 40 pauvres par jour768 ». À Boulbonne769, dans le Languedoc, il y a tous les jours aux portes du couvent « une aumône générale à laquelle assistent 300 ou 400 pauvres, indépendamment de celle qu’on fait aux vieillards et aux malades, qui est la plus abondante ». […] Cent victimes expirent par an sous les roues des voitures. » — « Un pauvre enfant, dit Arthur Young, a été écrasé sous nos yeux et plusieurs fois j’ai été couvert de la tête aux pieds par l’eau du ruisseau.

108. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

Le pauvre Numa était presque aussi désespéré. […] Le pauvre petit ne voulait pas s’endormir. […]Pauvre Jeanne, pauvre mère ! […] Pauvre Jean ! […] … vous êtes le portrait frappant de votre pauvre père !

109. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Que vous ont-elles fait, ces pauvres grandeurs ? […] Ô pauvre cervelle en proie au désordre ! […] Pauvre Monrose ! […] Pauvre homme ! […] Charles est à mon sens un pauvre amoureux.

110. (1874) Premiers lundis. Tome II « Loève-Veimars. Le Népenthès, contes, nouvelles et critiques »

En un mot, à chaque fait un peu général que vous cherchez à établir touchant cette pauvre littérature, l’exception se lève aussitôt et le ruine. […] Il emploie les mots selon leurs acceptions précises et distinctes, il sait être piquant, sans les violenter, sans pincer jusqu’au sang cette pauvre langue, sans la chatouiller à la plante des pieds, comme le héros d’un roman nouveau14 fait à sa maîtresse ; la pauvre langue et la maîtresse expirent de la sorte en des rires et des ébats convulsifs. […] Quant à Racine, j’eusse à peine remarqué peut-être ce qu’il y a d’insuffisant et d’un peu maigre, même d’un peu aigre, dans la part qui lui est faite, attribuant ce défaut au manque d’espace ce jour-là, et comptant sur une prochaine revanche, si, dans un dernier feuilleton, non encore recueilli, je n’avais lu sur le pauvre auteur de Phèdre l’accusation grave d’être, j’ose au plus le répéter, … d’être un intrigant, et d’avoir cabalé à la cour et chez les grands seigneurs favoris contre Pradon, tandis que Pradon cabalait à l’hôtel de Nevers et au théâtre contre Racine lui-même.

111. (1767) Salon de 1767 « Les deux académies » pp. 340-345

Songez, mon ami, de quelle importance sont ces places pour des enfans dont communément les parens sont pauvres, qui ont beaucoup dépensé à ces pauvres parens, qui ont travaillé de longues années, et à qui l’on fait une injustice, certes très-criminelle, lorsque c’est la partialité des juges et non le mérite des concurrens qui dispose de ces places. […] Mais écoutez une singulière rencontre de circonstances, c’est qu’au moment même où le pauvre Milot venait d’être dépouillé par l’académie, Falconnet m’écrivait : " j’ai vu chez Le Moine un élève appellé Milot, qui m’a paru avoir du talent et de l’honnêteté. […] Monsieur, après avoir été à charge à mes pauvres parents pendant dix-sept ans !

112. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Je veux dire avec lui d’abord les chansons du Pauvre homme de Flandre. […] Entre ce Pauvre et les humanités basses que célébra M.  […] Le Pauvre de Jehan Rictus penche certainement vers l’anarchisme. […] On en connaît le thème : le Pauvre attardé dans la nuit resonge à ce qu’on lui a conté jadis d’un Dieu qui s’est fait homme, qui vécut, lui aussi, pauvre parmi les pauvres, et qui, pour sa bonté et la divine hardiesse de sa parole, fut supplicié. […] Et le Pauvre continue, faisant du Christ des misérables un portrait qui, trait pour trait, s’applique à lui, le Pauvre.

113. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

— Tous pauvres comme Job, me répondit-elle. […] Pauvre Pierre ! […] mon pauvre Tanneguy, qu’avez-vous ? […] Il était pauvre, sans être précisément dans la misère. […] Pauvre honnête homme !

114. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Hallé » pp. 71-73

Tableau détestable de tout point de dessein, de couleur, d’effet, de composition, pauvre, sale, mou de touche, papier barbouillé sous la presse de Gautier. […] Dans nos campagnes les mieux ravagées par l’intendance et la ferme, dans la plus misérable de nos provinces, la Champagne pouilleuse ; là où l’impôt et la corvée ont exercé toute leur rage ; là où le pasteur réduit à la portion congrue n’a pas un liard à donner à ses pauvres ; à la porte de l’église ou du presbitère ; sous la chaumière où le malheureux manque de pain pour vivre et de paille pour se coucher, l’artiste aurait trouvé de meilleurs modèles. […] Mon ami, ce pauvre Hallé s’en va tant qu’il peut.

115. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Indiana (1832) »

Si en effet quelques traits de style et de pinceau, aux endroits particulièrement descriptifs et littéraires, dénotent plus de fermeté et d’habitude qu’il n’est naturel d’en accorder à une femme toute seule, dans un premier essai d’aussi longue haleine, une foule d’observations fines et profondes, de nuances intérieures, de sensations progressives ; l’analyse du cœur d’Indiana, de ses flétrissants ennuis, de son attente morne, fiévreuse et désespérée, pauvre esclave ! […] Le baron Delmare s’impatiente, tisonne, essaye d’être jaloux, chasse du salon la pauvre Ophélia pour avoir bâillé. […] Indiana ignore que l’homme qu’elle distingue, et qui semble lui devoir rendre l’espérance, le goût de la vie, s’est adressé à une autre qu’elle, et si près : le jour où Noun sait tout, ou plutôt la nuit orageuse et sinistre de cette découverte, la pauvre fille se noie. […] Il y a cependant quelque ironie peu fidèle à nous montrer vers la fin Raymon, si frais, si beau, si calme, au centre des pauvres destinées égarées dont il est le fléau, et n’ayant pas gagné une ride, pas perdu un cheveu.

116. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VI. La commedia sostenuta » pp. 103-118

Prenez, puisqu’il vous les donne, et en outre ce manteau pour le restituer à son pauvre maître. […] La Madonna est dans le ciel, et moi je suis une pauvre pécheresse, et ainsi il ne convient pas de m’appeler madonna. […] Par l’amour que je porte à ma pauvre âme, je vous dis en vérité que j’ai cherché dans toute la ville, et n’ai trouvé personne qui pût vous convenir. […] L’avocat lit l’acte qu’elle lui remet avec tant de gravité, con si mirabile prosoppopea , que de plus en plus Donnola a honte de ses pauvres mocenighi.

117. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Baudouin » pp. 198-202

Le pauvre homme, que celui qui n’imagine dans cette circonstance qu’un troupeau de femmes de chambre ! […] J’ai dit que la scène placée dans un grenier où la misère aurait relégué un pauvre père, une pauvre mère nouvellement accouchée et réduite à abandonner son enfant, serait infiniment plus favorable au technique. […] Au centre de la toile et du tableau, une vieille, le dos courbé, le visage allumé de colère, les poings sur les côtés, gourmandant sa fille étendue sur une botte de paille qu’elle partage avec un jeune paysan, pauvre lit que je troquerais bien pour le mien, car la fille est jolie ; elle n’y gagnerait pas.

118. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

Ce Renaudot qui avait titres et qualités : « Docteur en la faculté de médecine de Montpellier, médecin du roi, commissaire général des pauvres, maître et intendant général des bureaux d’adresse de France », était un homme à idées modernes comme plus tard l’a été Charles Perrault. […] Quand, vers le milieu du xviiie  siècle, Marmontel ou Le Brun (le poète), ou tout autre jeune littérateur pauvre, voulait créer quelque petite feuille de littérature et de critique, il ne le pouvait qu’en contrebande, faute d’avoir de quoi payer 300 francs au Journal des savants : c’était un tribut qui était dû à ce père et seigneur suzerain des journaux littéraires. […] Renaudot, qui ne s’oubliait pas, adressa une Requête à la reine en faveur des pauvres malades de ce royaume, dans laquelle il renouvelait son projet d’un grand hôtel central à établir pour les consultations charitables et gratuites. […] On était sous la régence ; Richelieu n’était plus là pour protéger le pauvre Renaudot, et le Parlement avait peu de goût pour les créatures du défunt cardinal. […] Ce nés écourté joue un grand rôle dans les injures et pamphlets orduriers contre le pauvre homme.

119. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. » p. 232

Elle était devenue pauvre, et elle ne savait pas vieillir. […] Elle était dans une vraie intimité avec Alexandre Dumas, qui mit, en 1838, une préface entraînante au recueil de Pleurs et Pauvres Fleurs, et de qui elle disait, en 1833, à son jeune fils Hippolyte, visité par lui au passage : « M.  […] Le pauvre banni (Hugo) n’a jamais dit cela, j’espère. […] Il m’a dit assez clairement, et d’un sérieux résigné, qu’il ne supporterait pas la perte de sa pauvre amie. […] Dubois, l’économe de l’hôpital général de Douai, qui avait entouré de soins et d’égards la vieillesse ombrageuse et chagrine du pauvre Félix Desbordes, qui l’avait remplacée elle-même au lit de mort de ce cher et malheureux frère, et qui était entré pour les derniers devoirs dans toutes ses sollicitudes et ses piétés de sœur ; — et M. 

120. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre II. Le Roman (suite). Thackeray. »

Sa conversation est d’une franchise touchante. « Je ne peux pas renvoyer ma pauvre chère Briggs, lui dit Rebecca. —  Vous lui devez ses gages ? […] Comparons-le à un personnage semblable de Balzac dans les Parents pauvres, Valérie Marneffe. […] Quand une personne est trop pauvre pour avoir une servante, si élégante qu’elle soit, elle est bien forcée de balayer sa propre chambre. […] Henry Esmond est un pauvre enfant, bâtard présumé d’un lord Castlewood et recueilli par les héritiers du nom. […] Je suis allé regarder le tombeau de ma pauvre mère dans son couvent ; que lui importe maintenant ?

121. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Madame Bovary par M. Gustave Flaubert. » pp. 346-363

Quel pauvre homme ! s’écrie-t-elle, quel pauvre homme !  […] Il y a une scène touchante et poignante : c’est celle où Bovary, rentré de ses visites, la nuit, devant le berceau de sa fille, se met à rêver (le pauvre homme qui ne soupçonne rien !) […] Bovary, qui suit de près, est touchante et intéresse à ce pauvre excellent homme. […] Dans sa douleur de la perte de sa femme sur les torts de laquelle il s’est abusé tant qu’il l’a pu, Bovary continue de tout rapporter à elle, et, recevant vers ce temps la lettre de faire part du mariage de Léon, il s’écrie : « Comme ma pauvre femme aurait été heureuse ! 

122. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mémoires de Mme Elliot sur la Révolution française, traduits de l’anglais par M. le comte de Baillon » pp. 190-206

Ce malheureux n’était autre que le marquis de Champcenetz, l’ancien gouverneur des Tuileries, fugitif et caché depuis le 10 août, mais que la pauvre dame qui l’avait recueilli n’espérait plus pouvoir dérober aux recherches, si on ne lui venait promptement en aide. […] Le pauvre Biron qui était, hélas ! […] Il se nommait Rutan et était de Nancy ; c’était un noble et excellent jeune homme, qui n’avait point émigré par affection pour le pauvre Biron, quoique de cœur il fût avec les princes. […] Au milieu de ce cercle presque entièrement aristocratique, un pauvre homme et sa femme qui avaient un petit théâtre de marionnettes aux Champs-Élysées furent amenés un matin, pour avoir exposé une figure en cire de Charlotte Corday. « Ces pauvres gens étaient bons et honnêtes, et quoique nous ne pussions leur être utiles en rien, ils nous rendaient tous les services qui étaient en leur pouvoir. Nous espérions que, pauvres comme ils l’étaient, ils seraient épargnés ; mais, hélas !

123. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Le bon Quenescourt est le mieux loti et le plus riche de la bande, et il vient souvent au secours des moins heureux ; « Vous êtes prieur, tandis que je ne suis qu’un pauvre frère quêteur », lui dit Béranger. […] » Quand Béranger le connut, Rouget de Lisle était pauvre, aux expédients et même aux abois ; il était, de plus, ce qu’on appelle démoralisé. […] Le pauvre homme était à Sainte-Pélagie (18.26), comme qui dirait aujourd’hui à Clichy. […] Peut-être qu’à la fin un peu de pudeur le fera comprendre aux plus sourds. » Il lui donne toutes sortes de bons conseils pour la pratique de la vie, d’abord de ne plus faire de lettres de change, ce qui donne prise sur lui ; et puis de calmer son imagination, car le pauvre poëte fourvoyé était plein de chimères. […] David d’Angers avait fait de lui un beau médaillon en marbre, et on le mit en loterie à 20 francs le billet ; la loterie, bien entendu, était toute au bénéfice du pauvre rapsode : « Si nous plaçons promptement ces billets, lui dit Béranger, vous aurez enfin de quoi renouveler cette maudite garde-robe qui s’en va toujours trop vite pour nous autres pauvres diables ; car je me rappelle le temps où je n’avais qu’un pantalon, que je veillais avec un soin tout paternel, et qui ne m’en jouait pas moins les tours les plus perfides.

124. (1767) Salon de 1767 « Peintures — [autres peintres] » pp. 317-320

Pauvre homme. […] Pauvre artiste. […] Et venons à nos sculpteurs. ô qu’ils sont pauvres, cette année !

125. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LONGUEVILLE » pp. 322-357

Qui oserait, après avoir assisté avec nous de près à sa pénitence, l’appeler autrement qu’une pauvre âme délicate et angoissée ? […] Cette pauvre femme. Mme de Sévigné, parlant de la mort de M. de Turenne, dit : Ce pauvre homme. Si grands que nous soyons ou que nous croyions être, il est plus d’une circonstance, et il viendra tôt ou tard un jour où l’on dira de nous : Ce pauvre homme ! Cette pauvre femme !

126. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre III. Le Petit Séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet (1880) »

Ils devinrent le type de ma vie, et je n’eus d’autre rêve que d’être, comme eux, professeur au collège de Tréguier, pauvre, exempt de souci matériel, estimé, respecté comme eux. […] Au contraire, j’ai un goût vif pour le peuple, pour le pauvre. […] J’avais été heureux, j’avais été pauvre avec elle. […] Mais sûrement la vie de ce pauvre H. de *** a été traversée par quelque grand naufrage. […] Du pauvre petit provincial le plus lourdement engagé dans sa gaine, il avait tiré un esprit ouvert et actif.

127. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verlaine, Paul (1844-1896) »

Jaubert, le comte Tolstoï nous dit l’histoire d’un pauvre musicien ivrogne et vagabond qui exprime avec son violon tout ce qu’on peut imaginer du ciel. […] Si j’étais Russe, du moins si j’étais un saint et un prophète russe, je sens qu’après avoir lu Sagesse je dirais au pauvre poète aujourd’hui couché dans un lit d’hôpital : « Tu as failli, mais tu as confessé ta faute. […] Pauvre Samaritain, à travers ton babil d’enfant et tes hoquets de malade, il t’a été donné de prononcer des paroles célestes. […] Le pauvre homme n’en avait guère personnellement ; mais ses bruyants admirateurs n’en manquent pas, il faut le reconnaître, et, grâce à eux, la langue française est en train de devenir un adorable bafouillis de nègres. […] Edmond Pilon La bonne Vierge-Vénus et la Vénus-Marie Se penchent, se désolent, sanglotent et prient Sur ton tombeau plus blanc que celui des colombes, De l’Olympe, du Pélion, du Paradis, Des anges, des satyres et des séraphins prient Pour le pauvre homme bon et le poète parti Vers les églises d’encens et les riches prairies Où la harpe entremêle à la flûte fleurie Des rythmes de prière à des chansons d’orgie ; Ta vie toute pareille à celle du pèlerin, Dont la violente jeunesse grisée d’amour et de vin Avance peu à peu vers la prière des anges, Aboutit — ô Verlaine — à ce tombeau étrange Bâti des impuretés de ta jeunesse ardente Et des strophes liliales de tes poèmes chrétiens ; Te voici, à présent, couché dans la prairie ; Mais la rouge passiflore à la fleur de Marie Enlace, malgré tout, sa passion orgueilleuse Aux tiges de la pensée et des fleurs religieuses Que placeront des amis, que sèmeront des fidèles Et que planteront de beaux anges avec leurs ailes… La couronne d’épines et la couronne de roses, Le bâton de Tannhauser et la houlette des fêtes Que Watteau dessina, pour toi, voici deux siècles, S’emmêlent sur ton ombre tourmentée et posent Leur symbolique trophée au bord de ton silence… Verlaine, ton tombeau est un tombeau étrange Que veillent à la fois les amours et les anges… [La Vogue (15 juin 1900).]

128. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Dernière semaine de Jésus. »

Le trésorier avide calcula de suite combien le parfum aurait pu être vendu et ce qu’il eût rapporté à la caisse des pauvres. […] Aussi quand on lui parla de pauvres, il répondit assez vivement : « Vous aurez toujours des pauvres avec vous ; mais moi, vous ne m’aurez pas toujours. » Et s’exaltant, il promit l’immortalité à la femme qui, en ce moment critique, lui donnait un gage d’amour 1050. […] Les Galiléens étendirent leurs plus beaux habits en guise de housse sur le dos de cette pauvre monture, et le firent asseoir dessus. […] Mais si la folle envie de quelques pièces d’argent fit tourner la tête au pauvre Juda, il ne semble pas qu’il eût complètement perdu le sentiment moral, puisque, voyant les conséquences de sa faute, il se repentit 1072, et, dit-on, se donna la mort.

129. (1893) Impressions de théâtre. Septième série

Le pauvre Parny semble bien pâle. […] tu mentais aussi, pauvre fille ! […] Pauvre Auguste ! […] le pauvre homme ! […] pauvre fille et pauvre garçon !

130. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Je vois tout cela, et j’en deviens pauvre… » En 1834, ç’avait été bien pis, à l’époque de la grande insurrection ouvrière et républicaine dont elle avait été témoin, et dont elle s’était sentie comme victime. Elle avait, à cette date, adressé une espèce de cantique à la reine Marie-Amélie au nom des femmes et des mères : cette complainte touchante a été imprimée dans Pauvres Fleurs, mais elle a un certain air de ballade du temps jadis, du temps de la reine Blanche ; le poète s’y déguise en trouvère. […] qu’il faille arrêter les élans d’un pauvre cœur qui bat toujours si vite pour ceux qu’il a aimés et qu’il aimera toujours !  […] « Je t’en écrirai les détails quand je respirerai du tumulte de tant de soins, et des terribles embarras d’argent où je tourne épouvantée. — L’avenir de notre chère Ondine est assuré et tout à fait convenable ; mais juge de cette époque pour sa pauvre famille si fière, si pauvre !  […] Une pièce du recueil intitulé : Pauvres Fleurs.

131. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIVe entretien. Mélanges »

La pauvre bête semblait dire: Ce berceau, vide pour vous, l’est aussi pour moi ! […] L’amour qui vous sevra vous fait la vie amère ; Votre lait s’est tari, comme à ce pauvre agneau Qu’un pasteur vigilant sépare de sa mère Pour lui faire brouter l’herbe, avec le troupeau. […] — Rien, me répondit-il en pleurant, excepté un pauvre jeune homme, le cadet de ses fils, à qui ma femme et moi nous donnons la soupe tous les soirs, et que nous vêtons de temps en temps pour lui donner le courage de porter son nom sous ses haillons dans les rues de Paris. — Et que fait-il ? […] Mais il resta au pauvre et généreux Aubry-Foucault le souvenir de sa fidélité jusqu’après la mort et d’une reconnaissance qui mesure ses bienfaits non à ses actes, mais aux bons sentiments de son âme. Que Dieu le récompense, ainsi que sa pauvre femme, du bien non qu’ils ont fait, mais qu’ils ont voulu !

132. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

Le pauvre enfant ! […] * * * À toute demande, sa réponse de premier mouvement est un « non », ainsi qu’un pauvre enfant, qui vit dans une perpétuelle crainte d’être grondé. […] Me voici relevé et remplaçant Pélagie près du lit de mon pauvre et cher frère, qui n’a pas repris la parole, qui n’a pas repris connaissance, depuis jeudi à deux heures de l’après-midi. […] Avant-hier jeudi, il me lisait encore les Mémoires d’outre-tombe, car c’était le seul intérêt et la seule distraction du pauvre enfant. […] Sur le blanc de l’oreiller, sa pauvre tête est renversée, avec l’ombre portée de son profil amaigri et de sa longue moustache projetée par les lueurs d’une bougie mourante, luttant avec le jour.

133. (1894) Critique de combat

Le pauvre homme, s’il existait ! […] Pauvre Pologne ! […] Pauvre niais de Cladel ! […] — Un pauvre et rude mercenaire ? […] Ô pauvre France !

134. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Valentine (1832) »

Nous sommes donc dans la famille Lhéry, bons fermiers enrichis, dont la fille est une demoiselle et s’appelle Athénaïs : elle a passé deux ans dans un pensionnat d’Orléans ; on la destine à Bénédict, son cousin germain, jeune homme orphelin et pauvre que son bon oncle et sa bonne tante Lhéry ont recueilli chez eux en bas âge et ont, plus tard, envoyé étudier à Paris. […] On sentait qu’il avait fallu toute une race de preux pour produire cette combinaison de traits purs et nobles, toutes ces grâces quasi royales qui se trahissaient lentement, comme celles du cygne jouant au soleil avec une langueur majestueuse. » Quoi qu’il en soit de l’explication dont je ne suis pas garant, la beauté fine et aristocratique de Valentine, qui ne répond point, dans le premier instant, au type rêvé de Bénédict, le gagne peu à peu, et la pauvre Athénaïs, déjà si compromise dans son cœur, lui semble une bourgeoise plus frelatée que jamais. […] Si Louise était une toute jeune sœur de Valentine, une sœur de huit à dix ans au plus ; si, dans son bonheur de retrouver son aînée, et au milieu des baisers reçus et rendus avec ivresse, l’enfant naïve s’écriait : « Et ce pauvre Bénédict, il n’y a donc rien pour lui, ma sœur, pour lui qui a été assez bon pour vous amener à moi !  […] Dans ces doux lieux, le long de ces jours si simplement remplis, on partage l’ivresse et le gonflement de cœur du jeune homme entouré et aimé de trois femmes (car la pauvre Louise l’aime aussi), de trois femmes dont une seule suffirait à un moindre orgueil.

135. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Docteur Favrot »

Rappelez-vous, si vous le pouvez, les articles de madame Sand (qui n’est pas, il est vrai, plus matérialiste qu’autre chose), et ceux de plusieurs autres phrasiers philosophiques comme elle, sur l’extrême convenance qu’il y aurait maintenant à brûler les morts au lieu de les enterrer ; pauvres articles, du reste, qui n’étaient, après tout, que de l’archéologie païenne et de l’impertinence contre l’Église ! […] , actualité comme l’incendie quand il flambe, et à laquelle tout ce qui pense, tout ce qui a un pauvre mort aimé sous la terre (et qui n’en a donc pas ?) […] Le pauvre Edgar Poe l’a poussé comme Pascal ; Edgar Poe, organisé comme Pascal, mais dans un milieu différent, qui eut horreur de cet enfer du matérialisme d’être enterré vivant, comme Pascal avait horreur de l’autre enfer ; Edgar Poe, qui eut le cerveau timbré de cette terrible idée, qui en timbra ses œuvres, qui en timbra sa vie, et qui en mourut fou plus encore que du delirium, tremens ! […] Ils ont autorisé ce massage de la mort, ces horribles exercices de clown, auxquels les médecins doivent se livrer sur un pauvre cadavre pour en constater la rigidité souvent trompeuse.

136. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Mm. Jules et Edmond de Goncourt. » pp. 189-201

Ils la plaquent de rouge, cette pauvre imagination, qui est née très-fraîche, et ils la flétriront, s’ils continuent, car il n’y a pas de mensonge innocent, et on porte la peine de son fard comme de ses autres menteries, mais enfin ils en ont ! […] charger ainsi cette pauvre bourrique ? […] Ce n’est pas une pauvre bourrique ni une vieille domestique que l’expression très-fringante et encore très-vivante de MM. de Goncourt, mais ils sont deux pour la monter, comme ils étaient deux dans la Fable. Ils sont deux esprits exigeants sur elle, deux enragés de style qui veulent faire toujours feu des quatre pieds de leur monture, ce qui donne à trembler pour la pauvre diablesse.

137. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « L’Abbé *** »

L’Abbé ***44 I Que j’aurais donc voulu me taire sur ce pauvre livre, digne, tout au plus, de l’in pace du silence, et que de mystérieux faiseurs nous avaient annoncé avec le mot sacramentel de tous les montreurs de lanterne magique : « Vous allez voir ce que vous allez voir !  […] S’il l’avait préalablement exigé, ces messieurs l’auraient bien payée dix mille francs pour ses pauvres, cette splendide réclame qu’il leur aura donnée pour rien ! […] Le roman du Maudit s’ouvre par une scène grossière du confessionnal et par le détroussement d’un pauvre neveu et d’une charmante nièce de toute la fortune de leur tante, que les jésuites se font donner selon l’immémorial usage de ces captateurs éternels. […] Pauvre Voltaire !

138. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXIV » pp. 247-253

Ma pauvre femme ! […] pauvre mère ! […] » Il y aurait dans le texte ma pauvre femme !

139. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Desbordes-Valmore, Marceline (1786-1859) »

. — Pauvres fleurs (1839) […] Sainte-Beuve Elle et lui, Lamartine et Madame Valmore ont de grands rapports d’instincts et de génie naturel : ce n’est point par simple rencontre, par pure et vague bienveillance, que l’illustre élégiaque a fait les premiers pas au-devant de la pauvre plaintive ; toute proportion gardée de force et de sexe, ils sont l’un et l’autre de la même famille de poètes. […] ………………………………… Cette pauvre barque, ô Valmore, Est l’image de ton destin.

140. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

Et les pauvres petites mines de plomb de M.  […] … et nous confessions, en même temps, les tendresses maternelles qui vous viennent pour ces pauvres créatures, nous rendant si malheureux. […] » — et je vois mon pauvre de Nittis, avec la figure d’un vilain jaune, et une inquiétude hagarde des yeux, dont j’ai peur. […] La pauvre fille me raconte dans son baragouin, entrecoupé de sanglots, cette soudaine mort de Nittis. […] Pauvre enfant !

141. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1886 » pp. 101-162

le pauvre garçon n’a pas la hautaine indépendance d’un contempteur carré, d’un je m’en foutiste. […] Le pauvre garçon ne se doute pas de la terrible opération. […] Je ne puis m’empêcher de penser avec tristesse, au plaisir, que cette publication aurait fait à mon pauvre cher frère. […] Daudet me dit que les couches ont été affreuses, que la pauvre femme a été entourée des affres de la mort. […] Et la pauvre chlorotique peinture métaphysique d’Ary Scheffer !

142. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

Reniant Dieu, ils ont renié le pauvre, ils ont fatalement abandonné son âme. […] Certes ils croyaient que le catholicisme est le salut de la société humaine et, par conséquent, des pauvres ; mais ils semblaient préoccupés moins directement de l’âme des pauvres que de celle des riches, et ils gardaient à ceux-ci, malgré leurs vices et leur indignité, une sympathie et une considération involontaires. […] Veuillot a parlé du peuple, en maints endroits, avec la plus profonde tendresse, et de la dignité des pauvres avec la grâce de saint François d’Assise. […] C’était une institution si belle, le pauvre petit peuple en avait si grand besoin ! […] Et je songe : « Quel pauvre être de volupté suis-je donc, moi, pour aimer à la fois, — et peut-être également, — Renan et Veuillot ! 

143. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mithouard, Adrien (1864-1929) »

. — Le Pauvre Pêcheur (1899). — Le Tourment de l’unité (1901). […] Son dernier volume, Le Pauvre Pêcheur, est en tous points digne de son talent brodé d’humilité pieuse et de sincérité admirable.

144. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre I. Le quatorzième siècle (1328-1420) »

Ni les hommes ni les œuvres ne manquent : mais, si la matière est riche pour l’historien ou pour le philologue, elle est pauvre pour le critique, qui s’arrête seulement aux œuvres littéraires, c’est-à-dire aux idées, sentiments, expériences, rêves que l’art a revêtus d’éternité. […] Faut-il nous étonner après cela de la sympathie du chroniqueur pour « les pauvres brigands » qui gagnent à « dérober et piller les villes et les châteaux » : ils font métier de chevaliers. […] De la cet incurable optimisme, cette belle humeur interne chez l’historien de tant de hontes, de crimes et de douleurs : jamais homme n’a été plus satisfait de la fête offerte à ses yeux par ce pauvre monde. […] Dans l’horreur de Deschamps pour la noblesse et la finance entre un sincère amour du peuple ; la pitié des pauvres gens, qu’on vexe, qu’on tond, et qu’on méprise, est peut-être le plus profond sentiment que Deschamps ait ressenti. […] Mais c’est encore bien du mal pour un pauvre curé, un simple moine, que de diviser et dilater lui-même son sermon, même secundum foniinm syllogisticam.

145. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Ernest Renan »

Toujours vieille fille romanesque, l’imagination publique s’était monté la tête, et c’était bien la peine, la pauvre diablesse ! […] D’un autre côté, quoiqu’aussi le mensonge soit nécessaire au succès de la vérité, la pauvre conscience de Renan a sur le nez la mouche importune du miracle, et il fait tout ce qu’il peut pour la chasser. […] Et moi je ne sais pas, depuis le baiser de Judas, qu’il excuse, qu’il appelle, en larmoyant du plaisir de se reconnaître : le pauvre Judas ! […] Ce douceâtre diminutif de Rousseau (Rousseauculus) recommence, à sa manière, ces pauvres Lettres de la Montagne qu’il fallait toute l’inanité métaphysique du siècle des Philosophes pour admirer. […] L’Église, enfin, est la Vérité visible dont nos pauvres yeux de chair ont tant besoin, et qui faisait dire un jour à une femme, en parlant de Jésus-Christ : « Tout me serait aisé si je pouvais parfois voir passer sa robe bleue ».

146. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « André Theuriet »

Le pauvre Séverin, lui, n’est qu’un pauvre diable… Lisez cette page. Si vous n’êtes, d’aventure, que le fils de tout petits bourgeois de province, elle vous attendrira : Le logis des Malapert était étroit comme la vie qu’on y menait, pauvre comme la bourse de l’ancien agent voyer… Dans cette demeure froide et nue, on vivait parcimonieusement et   solitairement. […] Et il est vraisemblable aussi que c’est la secrète dignité dont s’inspire l’ingénieuse économie de maman Malapert qui se tourne, chez le pauvre petit employé, en héroïsme sentimental.

147. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « MM. Delondre et Caro. Feuchtersleben et ses critiques. — L’Hygiène de l’âme » pp. 329-343

Il peut trouver ce pauvre Feuchtersleben une tête énergiquement pensante et son Hygiène de l’âme un Novum organum… en raccourci. […] C’était un pauvre souffreteux de naissance, mort, à quarante-huit ans, plus vieux que Fontenelle, qui en avait cent, mais qui s’était tout doucettement trempé dans un égoïsme meilleur que le Styx pour rendre un homme invulnérable. […] Ces préceptes, je vous les dirai, et il les a fidèlement suivis, le pauvre homme ! […] un honnête homme, que ce pauvre docteur, un de ceux-là dont les servantes disent : « Il était trop bête pour que le bon Dieu eût le courage de le damner ! 

148. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Laurent Pichat »

Pauvre trésor, pauvre coffret ! […] Pauvre clé rose, elle a roulé Dans les torrents de ma jeunesse. […] Tu regardes avec pitié nos pauvres rêves            Et nos larmes avec dégoût.

149. (1886) Le roman russe pp. -351

Pauvre langue ! […] C’est la même veine, retardée et plus pauvre. […] Le fond était trop pauvre. […] Il ne possédait rien, donnant tout aux pauvres. […] Dostoïevsky donne les Pauvres Gens.

150. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Ferdinand Fabre  »

C’était horrible, cet avilissement d’un pauvre petit diable, et chaque fois j’injuriais l’imprésario… Mais, au reste, je suis persuadé que ces fils de paysans qui entrent quelquefois au séminaire par intérêt y prennent peu à peu des sentiments plus élevés. […] Sévéraguette regarnit la bourse de monsieur le curé sans qu’il s’en doute, et bientôt le pauvre desservant est repris par sa manie de bâtisse : il rêve d’une école de Sœurs. […] Ce saint n’hésite pas, pour secourir les pauvres, à réduire à la pauvreté la vieillesse de sa mère. […] Les conversations avec Marianne qui ne veut pas qu’il jeûne pendant le carême (« Vous avez bien soixante-quatre ans, vous, Marianne, et pourtant vous pratiquez la loi de l’Église dans sa rigueur  Moi, c’est différent… Si vous l’avez oublié, je suis née à Éric-sous-Caroux, dans une pauvre cabane…, et je ne vous ressemble pas plus..   […] Ce plaisir si rare et si noble, le plus pauvre desservant peut sans doute le goûter ; mais on connaît, d’autre part, l’état de sujétion absolue où les prêtres sont tenus par leurs évêques.

151. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

Que dans des poëmes prolixes et uniformes la langue poétique soit pauvre, qui s’en étonnerait ? […] « Du reste, ajoute Faux-Semblant, ce ne sont pas les pénitents pauvres que je dispute aux prélats. […] Né de parents obscurs et pauvres, Villon eut tous les goûts du franc basochien. […] Le poète continue : Allé s’en est, et je demeure Pauvre de sens et de savoir. […] Il revient sur sa pauvreté, sur sa naissance, sur sa pauvre petite extrace : son père, son aïeul, étaient pauvres : Pauvreté tous nous suyt et trace.

152. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

L’indiscipline corrompt les riches, l’indigence asservit le caractère des pauvres. […] Dans les petites, au contraire, la masse entière se divise très facilement en deux camps sans aucun intermédiaire, parce que tous, on peut dire, y sont ou pauvres ou riches. […] « En outre, les séditions et les luttes étant fréquentes entre les pauvres et les riches, jamais le pouvoir, quel que soit le parti qui triomphe de ses ennemis, ne repose sur l’égalité et sur des droits communs. […] Dans aucune ville, on ne citerait cent hommes de naissance illustre, de vertu irréprochable ; presque partout, au contraire, on trouvera des masses de pauvres. […] Dans les oligarchies, au contraire, la sollicitude du gouvernement doit être fort vive pour les pauvres ; et, parmi les emplois, il faut qu’on leur accorde ceux qui sont rétribués.

153. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire de la maison royale de Saint-Cyr, par M. Théophile Lavallée. » pp. 473-494

Louis XIV le reconnut et eut à cœur de s’en acquitter : 1º en fondant l’Hôtel des Invalides, dont une partie fut réservée pour des officiers vieux ou blessés ; 2º par la formation des compagnies de cadets qu’on exerçait dans les places frontières, et où l’on élevait 4 000 fils de gentilshommes ; 3º enfin, dès que Mme de Maintenon lui en eut suggéré l’idée, par la fondation de la maison royale de Saint-Cyr, destinée à l’éducation de 250 demoiselles nobles et pauvres. […] Mme de Maintenon était sincèrement religieuse ; à peine tirée de l’indigence par les bienfaits du roi, elle se dit qu’elle devait en répandre quelque chose sur d’autres qui étaient pauvres comme elle l’avait été. Cette idée de secourir les demoiselles pauvres pour les préserver des dangers où elle-même avait passé, fut chez elle très ancienne, très naturelle ; elle l’envisageait comme une dette et comme une rançon, devant Dieu, de sa grande fortune. […] Beaucoup de compassion pour la noblesse indigente, parce que j’avais été orpheline et pauvre moi-même, un peu de connaissance de son état, me fit imaginer de l’assister pendant ma vie. […] Il vous aurait édifiée, le pauvre homme, si vous aviez vu son humilité dans sa maladie, et son repentir sur cette recherche de l’esprit.

154. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de La Mennais »

que tout ce qui nous touche si vivement, pauvres habitants des vallées, paraît petit, vil et misérable à ceux qui sont placés à cette hauteur ! […] Cette pauvre âme languit et s’épuise entre deux vocations incertaines qui l’attirent et la repoussent tour à tour. […] (Suit le passage de Fénelon, qui lui-même introduit une citation de saint Augustin.) » Les années 1812, 1813, sont très pauvres en correspondances ; sans doute nous n’avons pas tout ce qu’il a écrit. 1814 au contraire est fort riche. […] Blaize donnent une pauvre idée du goût et de la méthode qui présidaient à son instruction. […] Il s’en est rencontré un qui a fait ployer sous lui le monde entier, et voilà que quelques pauvres évêques, en disant seulement : Je ne puis, brisent ce pouvoir qui prétendait tout briser et triomphent du triomphateur au milieu de sa capitale et dans le siège même de son orgueilleuse puissance !

155. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

Quelques bons juges ne se laissèrent point prendre à de si pauvres raisons, et ils reconnaissaient la main de Richelieu en plus d’un passage ; pourtant la question ne fut tout à fait éclaircie qu’en 1823, lorsque M.  […] La ville de Luçon n’était guère qu’un bourg, dont les habitants pauvres étaient accablés de taxes : il écrit pour obtenir qu’ils en soient un peu déchargés. […] Cet homme puissant qui tiendra la France à ses pieds et fera trembler l’Europe commence par être bien pauvre et à la gêne ; il écrit à une Mme de Bourges, à Paris, qui lui faisait ordinairement ses commissions de ménage, et qui lui avait acheté les ornements dont son église avait besoin : (Fin d’avril 1669.) […] C’est grande pitié que de pauvre noblesse, mais il n’y a remède ; contre fortune bon cœur. […] Les vieux conseillers Villeroi, Jeannin, étaient mis de côté ou à peu près ; le garde des Sceaux Du Vair, soi-disant philosophe et homme de lettres en renom, qui avait succédé à Sillery, et qui fait là une assez pauvre mine, n’était bon qu’à entraver les affaires.

156. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

Ma cousine, ayez une pensée compatissante et une prière pour cette pauvre âme. […] Ce ne sont donc pas nos pauvres « splendeurs » qui peuvent étonner le roi des rois. […] (Il n’y a peut-être que celle de pauvre qui présente encore plus de difficultés.) […] Elle y joignait la romance sur l’amour maternel, sur les pauvres, sur le printemps. […] le pauvre homme, il est d’un trop vieux bateau pour ça !

157. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803 » pp. 2-15

Je voudrais vous dire aussi quelques mots de ce pauvre Chateaubriand. […] Joubert, toute cette description préalable et si complète n’est dans sa pensée qu’une concession faite aux juges sévères et aux adversaires intimes : « Il est tout cela, je le sais, je vous l’accorde ; mais étant tout cela, et précisément parce qu’il est tel, il y a de certaines fautes combinées, compliquées, dont il est incapable. » Telle est la thèse de l’avocat ami qui n’a cédé sur tant de points que pour être plus en mesure ensuite de défendre le pauvre accusé sur tout le reste. […] J’ai écrit hier à ce pauvre garçon, par une voie indirecte, pour l’encourager. […] Il y a en effet, dans le fond de ce cœur, une sorte de bonté et de pureté qui ne permettra jamais à ce pauvre garçon, j’en ai bien peur, de connaître et de condamner les sottises qu’il aura faites, parce qu’à la conscience de sa conduite, qui exigerait des réflexions, il opposera toujours machinalement le sentiment de son essence ; qui est fort bonne.

158. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Paroles d'un croyant »

La liberté n’y revient pas comme un mot sonore et creux ; il y a une intelligence précise des misères du pauvre et des iniquités qu’il subit. […] « Pouvez-vous aller d’un lieu à un autre si on ne vous le permet, user des fruits de la terre et des productions de votre travail, tremper votre doigt dans l’eau de la mer et en laisser tomber une goutte dans le pauvre vase de terre où cuisent vos aliments, sans vous exposer à payer l’amende et à être traînés en prison ? […] Le dernier verset cité rappelle le Pauvre Jacques, de Béranger. […] « Ce bruit, formé de tant de bruits qu’on ne les pourrait compter, est la voix d’un nombre innombrable de pauvres petites créatures imperceptibles.

159. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre II. Le lyrisme bourgeois »

Volontiers aussi les faiseurs de chansons se regardaient eux-mêmes et disaient leur vie, ses joies et ses misères ; les pauvres diables qui attendaient leur subsistance de la libéralité des nobles patrons ou des auditeurs populaires, étaient amenés à se prendre pour sujets de leurs chansons comme de leurs fabliaux. […] Il prit deux fois femme ; et la deuxième au moins, laide, vieille et pauvre — mais pourquoi l’épousait-il ? […] Les baillis et prévôts pillent le pauvre monde ; les marchands vendent cher de mauvaises denrées ; et pour les ouvriers, Ils veulent être bien payés Et petit de besogne faire. […] Il aime les pauvres curés qui vivent de peu dans les villages en prêchant l’Évangile.

160. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVIII. Souvenirs d’une Cosaque »

Franz, avec sa préface admirative, mise à la tête du livre, pour nous apprendre que la dame Chez Lacroix, cosaque, auteur ou muse de ce livre, au luxe et aux passions cosaques, est, après tous ses tapages de faste et de passion, réduite maintenant à la pauvre mansarde) où elle vit modestement, entre son piano et son lit de fer (je le crois de fer, effectivement), ce qui, par parenthèse, est très peu cosaque ; si cet honnête et fort inconnu M.  […] Pauvre cochon de lait, du reste, qui me fait l’effet d’un symbole, — le symbole du pauvre Monsieur, traîné par sa Cosaque qui se venge, tout le long du livre, devant tous les loups et tous les chacals de l’Europe ; devant tous ces envieux, féroces et bas, qui sont heureux d’avoir, — n’importe d’où il tombe, — un morceau de grand artiste, dans leurs sales gueules, à déchiqueter ! […] — l’abandon dans une société qui a exaspéré toutes les vanités de la femme jusqu’au délire de vouloir devenir des hommes contre les homme, et qui, pour les consoler de ces abandons qui prouvent bien qu’elles ne sont pas des hommes, ces pauvres orgueilleuses, ne leur a même pas laissé Dieu !

161. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Lamennais »

À ces deux moments d’une vie rompue et qu’il jeta, comme une branche d’arbre cassée, de deux côtés si différents, Lamennais avait le masque colossal que le génie se compose lui-même et qui fait croire à la toute-puissance de la vie et de l’intensité dans ces sublimes infirmes, dans ces pauvres créatures souvent délicates et souffrantes, que ce soit Lamennais lui-même, Pascal ou Byron, et c’est ce masque oublié, délacé dans des lettres familières et faciles, où l’on respire même de son talent, qui permet de trouver, sous l’écrivain, l’homme. […] Le 24 mai 1826, écrivant à la comtesse de Seult, un de ces anges d’amitié comme il en passa plusieurs dans sa vie, il se définissait sans regret, sans amertume et même sans tristesse : « un homme pauvre, sans nom, sans place, sans position, à qui bien prenait de ne rien demander aux hommes et de ne vouloir absolument rien d’eux » ; et excepté le sans nom, car la gloire, à cette heure-là, faisait du sien le plus beau qu’il y eût alors en Europe, tout était vrai dans cette définition qu’il donna de lui-même et qui resta vraie, même quand il eut abandonné Dieu pour les hommes. […] Il n’en ressentit pas le moindre trouble, et ce n’est pas cette haute dignité qu’il regretta, mais ces pauvres biens de quatre sous qu’il n’eut pas davantage : l’indépendance et l’obscurité. […] » Ingénieux jusque dans l’énergie : « Cette pauvre société idiote — s’écrie-t-il en 1827 — qui s’en va à la Morgue, en passant par la Salpêtrière ! 

162. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Édouard Gourdon et Antoine Gandon » pp. 79-94

Prenez-le comme il est là, assis sur ce banc, qui est probablement le banc de pierre du corps de garde, son képi posé près de lui avec ses deux simples contre-épaulettes, sa large poitrine, qui n’a pour toute décoration que son pauvre cœur intrépide, et son sabre, entre ses deux jambes écartées, sur lequel il s’appuie comme sur un ami sans avoir besoin de le regarder : il est, en vérité, à sa façon, aussi simple que M. de Turenne, ce soldat d’hier mort aujourd’hui tout entier, mais dans l’ombre du drapeau, qui vaut presque la gloire ! […] Si Jean Gigon avait été pieux, la religion aurait mis de son auréole autour de cette tête tondue en brosse, selon l’ordonnance ; elle aurait mis de son rayon d’espoir dans ce mâle regard rectangulaire qui n’a peut-être jamais, sous la visière de son képi, cherché là-haut ce « je ne sais quoi » qui prend pitié du pauvre soldat, comme il prend pitié « du pauvre sauvage » ! […] Jean Gigon, un moine presque, sans le savoir, par le renoncement, la résignation, l’obéissance, et qui aurait pu être si aisément un héros à la manière de ces zouaves que je voyais l’autre jour servir la messe, en grande tenue, à de pauvres capucins en guenilles ; Jean Gigon ne devait pas être enterré, même par Shakespeare, comme aurait pu l’être M. le chevalier Falstaff.

163. (1890) L’avenir de la science « XX »

La ploutocratie, dans un autre ordre d’idées, est la source de tous nos maux, par les mauvais sentiments qu’elle donne à ceux que le sort a faits pauvres. […] Le remède au mal n’est pas de faire que le pauvre puisse devenir riche, ni d’exciter en lui ce désir, mais de faire en sorte que la richesse soit chose insignifiante et secondaire ; que sans elle on puisse être très heureux, très grand, très noble et très beau ; que sans elle on puisse être influent et considéré dans l’État. […] « Nous saurons tout cela dans le paradis. » Réponse spirituelle que faisaient les religieuses hospitalières, un peu impatientées, à un toqué scientifique, qui, échoué dans un hospice, assommait, les pauvres filles qui le soignaient de ses élucubrations déplacées.

164. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé à Quimper »

Je passe l’été près de Perros, au milieu d’un hameau de très pauvres gens ; notre petite aisance doit leur paraître de la richesse ; mais, comme dit Dante, « cela ne leur abaisse pas le cil ». […] Cela me parut surprenant ; ils sont tous pauvres comme Job. […] Je jouis de leurs économies de pensée ; je suis reconnaissant à ces pauvres gens qui m’ont procuré, par leur sobriété intellectuelle, de si vives jouissances.

165. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

Mûre, et jouant encore les travestis (pauvre femme !) […] Et elle pense toujours à Yann, la pauvre fille ; mais elle n’espère plus. […] Mais, depuis l’effroyable jour, la pauvre enfant est folle, et ne parle plus. […] Et la pauvre fille n’ose pas retourner à l’atélier de Pierre. […] … J’ai dit que les pauvres petits cabots de M. 

166. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Léon Dequillebec » pp. 165-167

La gaieté du ciel et des arbres, le piaillement criard des moineaux, l’allégresse des cloches qui appelaient aux vêpres du dimanche, la quiétude heureuse, l’apaisement des choses de ce coin provincial, accentuaient le délabrement de la salle nue et froide où toussait ce pauvre malade, en qui les yeux seuls brillaient, comme si tout le vœu de vivre s’y était réfugié. […] C’est là qu’il est mort sans bruit, comme il avait vécu, sans une mention dernière dans les feuilles publiques, et le jour même où le convoi entrait sous les voûtes de Notre-Dame du Bon Voyage, l’Académie décernait des couronnes et jetait, comme une suprême ironie, sur le cercueil de ce poète mort pauvre, un bruit inutile de pièces d’or.

167. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre II »

Étouffant toute personnelle sympathie, ils atteignirent, d’emblée, une quasi-férocité : Flaubert, que nous retrouverons maintenant à chaque pas de notre étude, car il fut par excellence antithétique et divers, adressait à Feydeau, au sujet de la mort prochaine de Madame Feydeau, cet encouragement décisif : « Pauvre petite femme ! […] Le voir saler son poisson à la salière, prendre sa fourchette à pleine main, manger comme un pauvre enfant, c’est trop… » Troubles organiques encore que ces « pétrifications, ces immobilités d’une demi-heure avec des battements de paupières sur des pupilles remuantes et roulantes. » 9 mai : Première crise légère. […] Il est sensible à un entremets, il est heureux d’un vêtement neuf. » 18 juin : Attaque épileptiforme : « Avant-hier, jeudi, il me lisait encore les Mémoires d’outre-tombe, car c’était le seul intérêt et la seule distraction du pauvre enfant. […] Me voici relevé et remplaçant Pélagie près du lit de mon pauvre et cher frère qui n’a pas repris la parole, qui n’a pas repris connaissance depuis jeudi à deux heures de l’après-midi. » Période agonique : Continuation de la nuit de samedi à dimanche, quatre heures du matin : « La mort s’approche, je la sens à sa respiration précipitée, à l’agitation qui succède au calme relatif de la journée d’hier, je la sens à ce qu’elle met sur sa figure. Sur le blanc de l’oreiller, sa pauvre tête est renversée, avec l’ombre portée de son profil amaigri et de sa longue moustache projetée par les lueurs d’une bougie mourante, luttant avec le jour.

168. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mme de Graffigny, ou Voltaire à Cirey. » pp. 208-225

La pauvre Mme de Graffigny habite une grande chambre ouverte à tous les vents et où l’on gèle. […] s’écriait-il, allons, madame, écrivez qu’on vous renvoie l’original et les copies. » La pauvre femme ne comprenait pas bien et ne savait que répondre. — « Eh ! […] madame, criait-il de plus belle, il faut de la bonne foi, quand il y va de la vie d’un pauvre malheureux comme moi !  […] Voltaire pourtant, saisi de quelque compassion pour la pauvre femme qui était là chez eux, à leur merci, anéantie et en silence, prit à travers le corps Mme du Châtelet qui menaçait de se porter aux derniers excès, et il sembla, en voulant la modérer, se modérer un peu lui-même. […] Le jour venu, Mme de Graffigny était malade, au désespoir ; elle n’avait pas un sou vaillant (la pauvre femme !)

169. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Th. Dostoïewski »

Des actes farouches s’accomplissent, une mort soudaine, une tentative de viol, le double assassinat d’une vieille usurière et d’une mûre mystique ; et ces faits se répercutent en d’infinis affolements ; l’on assiste au trouble naissant puis despotique et mortel que cause, en une pauvre cervelle de petite fille, le souvenir d’un passé de cruauté et de souffrance ; dans Crime et châtiment l’horrible fièvre du remords sévit, étreint le meurtrier, le relâche, l’endurcit, le rompt et le prosterne en une faiblesse mêlée de férocité et de désespoir, jusqu’à ce que, cerné par la société, retranché de sa famille et renié de lui-même, il trouve auprès d’une humble fille le secret oublié des larmes et la paix du châtiment. […] La sordide saleté des mansardes, où rôde un solitaire, qu’empeste toute une famille, la puanteur des escaliers pauvres, la nourriture immangeable et rare, la nausée et la rage que met dans la tête le vide de l’estomac, l’existence farouche du déclassé dans l’étincellement des capitales, requièrent l’âpre insistance de son style ; et au-delà de ces choses physiques, il a vu les vices et les atroces indélicatesses auxquelles condamne l’inclémence de ce sort. […] Des colères vésaniques le saisissent, dans lesquelles il crie, insulte, serre les poings et grince des dents avec des grondements de dogue ; puis il s’affaisse et se considère ; la misère de tout son pauvre être lui apparaît et il geint encore comme une bête domestique, et cherche avec des yeux lourds une main qui le flatte. […] Masloboïef, dans Humilies, reconnaît sans impudence sa coquinerie, et avec une sorte de tristesse matoise offre ses services au pauvre écrivain dont il tâche, malgré son métier, de rester l’ami. […] Malade de la névrose épileptique, ayant passé en sa jeunesse par le choc effroyable d’une condamnai ion à mort, et gracié les pieds sur l’échafaud, pour aller traîner des années dans un bagne en Sibérie avec toute la vermine d’une société primitive, il vécut ensuite sous le ciel, « saturé d’encre », de Saint-Pétersbourg, et promena dans cette sombre ville, dure aux pauvres, sa silhouette râpée.

170. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une croisade universitaire » pp. 107-146

» Mais, puisque c’est une ruine, mon pauvre monsieur de Suttières… je ne vois pas d’à-propos à démolir les démolitions. […] On la regarde d’un air railleur quand elle traverse la place, et nos ennemis se frottent les mains, en chuchotant, sur le pas de leurs portes ; la pauvre fille est bien malheureuse. […] Mais qui donc, mon pauvre garçon, te forçait à cet aveu lamentable ? […] Tu avais mal vu, mon pauvre ami : c’est que la mauvaise foi rend myope. […] là, sans flatterie, après la solennelle déclaration faite par toi de ta pauvre conduite au Figaro, cela gênerait ma délicatesse d’écrire en ta compagnie et de faire fraterniser nos signatures dans le même journal. — Tu ne m’en veux point, n’est-ce pas ?

171. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Pauvre homme ! […] Est-ce que tu en sais le premier mot, cher pauvre orchestre ? […] Pauvre Jean-Jacques ! […] Il est pauvre, il est fier. […] Pauvre Molière !

172. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

Pour ton pauvre père ! […] Lui aussi est un pauvre être souffrant. […] Le Français malin (pauvre petit !  […] Pauvre petite femme ! […] pauvres folles !

173. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VI. Les romanciers. » pp. 83-171

Au milieu de cette gloire et de ce bonheur, elle reste humble, dévouée et tendre ; son cœur est plein, et de toutes parts la reconnaissance y afflue encore. « Cette pauvre, pauvre sotte fille sera aujourd’hui, midi sonné, aussi bien sa femme que s’il épousait une duchesse ! […] Voyez de quel air il rassure un pauvre domestique inquiet de lui avoir livré Clarisse : « Mon cher Joseph, ne vous tourmentez pas. […] Mais il souffrira qu’on le batte jusqu’au sang plutôt que d’exposer un pauvre garde-chasse. […] Un jour l’oncle Toby, le pauvre capitaine invalide, attrape, après de longs essais inutiles, une grosse mouche bourdonnante qui l’a cruellement tourmenté pendant tout le dîner ; il se lève, traverse la chambre sur sa jambe souffrante, et, ouvrant la fenêtre : « Va-t’en, pauvre diablesse, va-t’en ; pourquoi est-ce que je te ferais du mal ? […] Le pauvre ministre a perdu sa fortune, et, transporté dans une petite cure, il est devenu fermier.

174. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

Pauvre ou riche, heureux ou malheureux, il avait la raison suffisante de toute chose. […] Je n’étais pas pauvre alors, puisque je possédais le paradis en espérance. […] Vous répondez : Tu serais plus pauvre encore et moins libre sans la société. […] pourquoi les pauvres ne se mettraient-ils pas à la place des riches ? pourquoi des inférieurs, pourquoi des pauvres ?

175. (1893) Alfred de Musset

Pauvre enfant ! […] Le pauvre homme ! […] Et moi, où suis-je, pauvre George ? […] Pauvre Camille ! […] Pauvre, pauvre Camille !

176. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

Et la pauvre femme meurt de cette découverte — et d’une maladie de cœur. […] dit la mignonne, le pauvre homme ! […] On s’est dit : — Pauvres petits ! […] Démosthène, qu’on leur fait encore un peu traduire (pauvres anges !) […] mon pauvre Curiace !

177. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

Il a gardé la belle orpheline pauvre et l’a appelée Hyacinthe. […] Que peut faire ce pauvre Blandinet ? […] Et ce pauvre Valette reste seul avec son déshonneur. […] « Pauvre papa ! […] Il s’attendrit sur la pauvre Germaine.

178. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Le pauvre préfet sue une sueur d’angoisse. […] « Je suis pauvre », dit-il. « Je suis pauvre », dit-elle. […] Les concierges, c’est pour les pauvres diables de locataires comme nous. […] Ils horripilent ce pauvre Aubier. […] Une pauvre veuve étant morte laissant deux orphelins en bas Âge, M. 

179. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Souvenirs militaires et intimes du général vicomte de Pelleport, publiés par son fils. » pp. 324-345

À la manière dont il parle de la mort de ce général et de sa tombe « pareille à celle du pauvre », on voit poindre chez Pelleport un sentiment qui se développera de plus en plus, le respect et presque la piété pour les chefs qui l’ont bien mené dans la carrière. […] À Nîmes, repoussé tout net par les gens aisés qui le mettent à la porte, il allait être réduit à passer la nuit à la mairie sur un lit de camp, lorsqu’une bonne femme, dont le fils unique était à l’armée, le retira chez elle : Nous étions, dit-il, aussi pauvres l’un que l’autre ; elle vivait de son travail, et je n’avais qu’une modique solde en assignats dont personne ne voulait plus. […] Pauvre pays ! […] Ce pauvre Motte ne comprit pas qu’il avait une belle occasion pour se faire tuer, en léguant à ses camarades un bel et utile exemple à suivre. […] Pelleport est bon à entendre ; il dit nettement leur fait aux fournisseurs et à ceux qu’il appelle « riz-pain-sel », ces hommes qui exploitèrent effrontément l’armée et le pays conquis ; mais les soldats et officiers restaient intacts : Nous étions pauvres en entrant en Italie, dit-il après ces deux immortelles campagnes ; nous en sortîmes bien vêtus et parfaitement équipés : voilà l’exacte vérité en ce qui concerne la troupe.

180. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vien » pp. 74-89

Ces deux personnages qui conversent sur le fond sont d’une couleur sale, mesquins de caractère, pauvres de draperie ; du reste, assez bien ensemble. […] Pauvre d’idées, il restera pauvres d’idées. […] Je n’ai pas fait la satyre de l’évidence, mais j’ai pris la liberté de me moquer de ces pauvres diables de charlatans économistes qui nous ont offert depuis quelque temps le mot évidence comme une emplâtre douée d’une vertu secrète contre tous nos maux ; j’ai le malheur de croire que les mots ne guérissent de rien. […] La pauvre chose, dira le littérateur ! […] " le littérateur aura donc raison de dire la pauvre chose ; et l’artiste la belle chose que ce tableau !

181. (1900) Molière pp. -283

pauvre Barbouillé, que tu es misérable ! […] Hélas, mon pauvre argent ! mon pauvre argent ! […] Dom Juan veut forcer le Pauvre à blasphémer, et le Pauvre s’y refuse. […] Dom Juan est vaincu ; le Pauvre ne blasphème pas.

182. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre premier. Prostitués »

le pauvre être double. […] Elle me dit, cette pauvre femme : — Non, ta tête me déplaît, et tu pourrais m’offrir des millions, et je pourrais crever de faim complètement, je te refuserais quand même. […] les êtres vils qui rêvent « le roman d’un jeune homme pauvre » et qui l’écrivent, dévoilant naïvement toute la pourriture de leur désir.

183. (1895) La comédie littéraire. Notes et impressions de littérature pp. 3-379

Il l’eût résolu aux dépens du pauvre Arnolphe. […] Elle n’a idée de rien cette pauvre enfant. […] Il ne fut pas repoussé par sa famille, mais sa famille était pauvre. […] oui, les riches auraient dû se dépouiller pour les pauvres. […] — La pauvre femme !

184. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

Ils aiment et ils détestent fortement, ces pauvres. […] Nous les retrouvons souvent, quelques années plus tard, Sœurs d’hôpital, Sœurs débarbouillant et gardant les enfants dans les crèches, Sœurs des pauvres, Sœurs d’écoles, mêlées à toutes les misères, à toutes les peines, jamais à nos joies, qu’elles n’ont pas l’air de nous envier. […] Micawber, si pauvre, §i généreux, si follement visionnaire, avait vécu sous le nom de John Dickens ? […] J’ignorais complètement ce que j’écrirais plus tard, quand je tâchais de pénétrer la vie difficile, pauvre et miroitante de l’employée de la mode. […] En regardant, aux Champs-Élysées ou au Parc Monceau, ces théories de nourrices arrivées à Paris avec une chemise et une robe, à présent superbes, béates, tout enchâssées et ruchées de broderies, comment ne pas penser à ce contraste si dangereux, et au nombre des ménages pauvres qu’il a troublés et rompus à jamais ?

185. (1896) Impressions de théâtre. Neuvième série

— Je ne peux pas, répond le pauvre homme. — Qu’as-tu à craindre ? […] — C’est d’être pauvre comme moi […] Il s’en va dans l’ermitage à la recherche de la pauvre méconnue. […] C’est la vieille histoire du secrétaire pauvre qui épouse une héritière. […] Pauvre ancienne patrie, jetée bas d’un seul coup, épuisée de gloire !

186. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre III. L’écrivain »

Les personnages y sont généraux ; dans les circonstances particulières et personnelles, on aperçoit les diverses conditions et les passions maîtresses de la vie humaine, le roi, le noble, le pauvre, l’ambitieux, l’amoureux, l’avare, promenés à travers les grands événements, la mort, la captivité, la ruine ; nulle part on ne tombe dans la platitude du roman réaliste et bourgeois. […] Son chien fait des raisonnements fort exacts ; « mais, n’étant qu’un simple chien », on trouve, qu’ils ne valent rien, « et l’on sangle le pauvre drille. » Notre Champenois souffre très bien que les moutons soient mangés par les loups et que les sots soient dupés par les fripons ; son renard a le beau rôle. […] » Cette morale est celle du pauvre, de l’opprimé, en un mot, du sujet. Nous n’avons plus le mot, mais nous avons encore la chose : « Ne pas sourire respectueusement au seul nom de M. le préfet, disait Beyle, passe aux yeux des paysans de la Franche-Comté pour une imprudence signalée, et l’imprudence dans le pauvre est promptement punie par le manque de pain. » L’état des choses n’a guère changé, et les maximes qui en naissent n’ont pas changé davantage.

187. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre IV. L’antinomie dans l’activité volontaire » pp. 89-108

Renan insiste également dans la Vie de Jésus sur cette idée que les pauvres, dans les pays d’Orient, sont moins pauvres et plus cultivés que chez nous. […] Le pauvre d’autre part y avait des loisirs et souvent une culture sentimentale très raffinée. C’est ce qui explique que Jésus, bien que pauvre, put s’élever à une culture supérieure et acquérir une influence exceptionnelle.

188. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre dixième. »

Les deux derniers vers : Quiconque en pareil cas se voit haï des cieux, Qu’il considère Hécube, il rendra grâce aux dieux ; sont excellens ; mais la moralité qu’ils enseignent est énoncée d’une manière bien plus frappante dans une fable de Sadi, fameux poète persan ; la voici : « Un pauvre entra dans une mosquée pour y faire sa prière : ses jambes et ses pieds étaient nus, tant sa misère était grande ; et il s’en plaignait au ciel avec amertume. Ayant fini sa prière, il se retourne et voit un autre pauvre appuyé contre une colonne et assis sur son séant. Il apperçut que ce pauvre n’avait point de jambes. Le premier pauvre sortit de la mosquée, en rendant grâce aux dieux. » Fable XIV.

189. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Buloz »

Pour ne plus être choqué d’aucune couleur, il voulut que désormais la Revue des Deux Mondes fût revêtue, en tous ses articles, d’un uniforme qui ressemblait à l’habit des pauvres dans certains hôpitaux, et ce fut aussi chez lui l’habit des pauvres. […] On y parlait, au début, de Platon et des siens, et le pauvre rédacteur, épris d’antiquité, disait élégamment : « Lorsque les brises de la mer Égée parfumaient l’atmosphère de l’Attique, quelques hommes, préoccupés de l’éternel mystère, venaient, dans les jardins d’Acadème, se suspendre aux lèvres de Platon, etc. » Buloz prit peur de cette phrase comme de la plus audacieuse hardiesse, et de sa patte dictatoriale et effarée il supprima le tout et mit à sa place ; « Il y eut aussi dans la Grèce des sociétés savantes. » Une autre fois, dans une étude sur la mystique chrétienne, on disait : « L’amour de la vérité cherche celle-ci dans les solitudes intérieures de l’âme » ; mais Buloz, qui ne connaît pas les solitudes intérieures de l’âme, traduisit d’autorité : « Les esprits curieux fuient les embarras des villes », qu’il connaît ! […] Veut-on que nous parlions de ce pauvre Jules de la Madelène, cette charmante espérance littéraire, détruite dans sa fleur par le questionnaire qui ne donne pas la torture qu’aux œuvres ?

190. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

Pauvre Verlaine ! […] Elle a eu raison, la pauvre femme. […] pauvre petite ! […] Il y a bien loin de là au pauvre enfant traînant dans les ruisseaux de la rue Mouffetard. […] Notre pauvre Bouilhet a été superbe, il les a envoyées promener.

191. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

Pauvre tradition ! […] Suivez bien ses phrases ampoulées, développez ses traînantes périphrases, soulevez ses images vieillies, et vous trouverez quelques pauvres allusions qu’on débite courageusement, car il n’y a pas de danger à les dire ; vous y verrez à chaque phrase, à chaque mot, l’éloge du temps où il avait voix délibérative dans les affaires du pays ; vous y sentirez, cachée sous des réticences, l’attaque envieuse contre tout ce qui est jeune, contre tout ce qui vit, contre tout ce qui a de l’avenir ; c’est la malédiction de la mort contre la vie ; c’est l’exaltation de tout ce qui est médiocre, mesquin, incolore, ordinaire, connu, ressassé, pauvre et croulant ! […] Il est possible que les faiseurs de portraits daguerriens aient fait du tort à quelques pauvres peinturlureurs qui barbouillaient un portrait pour cinquante francs, ressemblance garantie, en une séance. […] En récompense, on donnait au pauvre hère quelques écus de six livres, une place à l’office et un lit dans les communs. […] Pauvres étalons de pur-sang attelés à une charrette de moellons.

192. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

Ici je suis sans souvenir autre que le vôtre ; à Villeneuve j’aurai celui de ce pauvre Joubert. […] À Terni je m’étais arrêté avec une pauvre expirante. […] Elles sont menées en Europe par de bien pauvres gens, par des gens qui ont discipliné la barbarie. […] Quels pauvres diables nous sommes en fait d’art, auprès de tout cela ! […] Le premier atteint fut le pauvre Ballanche.

193. (1890) La vie littéraire. Deuxième série pp. -366

Il faut aussi que les pauvres d’esprit aient leur idéal. […] Non, ils étaient pauvres avec joie, humbles avec allégresse. […] J’aurais pu vous faire les portraits de quelques-uns de ceux-là, mais ils vous auraient moins amusés, je crois, que ceux de mon pauvre vicaire et de mon pauvre chanoine. […] Ce pauvre méchant ! […] Gyp n’est pas tendre pour les pauvres séducteurs.

194. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — II » pp. 39-56

Cependant, sur ce premier trouble du pauvre Santeul, un jeune jésuite, régent à Rouen, le père du Cerceau, lança une pièce en vers glyconiques et asclépiades intitulé Santolius vindicatus, qui courut manuscrite et vint siffler comme une flèche à l’oreille de l’imprudent. […] tu n’aurais plus raison à mes yeux. » Les jésuites voulaient quelque chose de plus positif, de moins conditionnel, et qu’il mît sapias au lieu de saperes, c’est-à-dire : « Tu n’as plus raison à mes yeux. » Le pauvre Santeul fit deux copies, l’une où était saperes pour les amis de M.  […] Ce pauvre garçon est mort le cinquième de ce mois, dans une chambre du logis du roi, à une heure et demie de la nuit du dimanche au lundi. […] Ce pauvre garçon s’attachait aux lieux où il passait quand ils lui plaisaient. […] Après tout, le pauvre homme aurait fini plus heureusement sa course, s’il fût demeuré dans Saint-Victor en suivant les conseils et les exemples du Père Gourdan.

195. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Legkzinska »

Fille d’un roi électif et détrôné, ayant connu de bonne heure les vicissitudes extrêmes de la fortune, moins princesse que noble et pauvre demoiselle, elle était avec son père et sa mère au château de Wissembourg, profitant de l’hospitalité française à la frontière et vivant avec les siens d’une pension assez mal payée, lorsqu’on vint lui annoncer qu’il ne tenait qu’à elle d’être reine de France. […] Elle a pleuré à Marianne ; elle a ri à l’Indiscret ; elle me parle souvent, elle m’appelle mon pauvre Voltaire. […] La reine, on le voit par ce début, aimait assez les Lettres ; elle allait un peu vite en appelant d’emblée Voltaire son pauvre Voltaire ; elle eut bientôt, parmi les gens d’esprit d’alors, d’autres choix et des préférences : on la verra plus tard goûter Fontenelle, le président Hénault, se plaire surtout avec ce dernier et avec Moncrif ; mais pourtant, malgré les lectures sérieuses qu’elle faisait, c’est tout au plus si l’on peut dire,-avec son nouveau biographe, « qu’elle ne s’isolait pas du mouvement intellectuel de l’époque. » Cette idée de mouvement ne cadrait en rien avec sa nature d’esprit, et si c’est un éloge, ce n’est pas elle, c’est Mme de Pompadour, à son heure, qui le méritera. […] Elle était déjà aumônière, étant pauvre : que sera-ce donc, étant reine ? […] Ici commence une triste période pour la pauvre reine : elle put s’y faire, s’y accoutumer par la suite ; tant qu’elle le put, elle ignora : il est impossible que, quand elle sut tout à n’en pas douter, elle n’en ait pas cruellement souffert.

196. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « La génération symboliste » pp. 34-56

La France est riche d’argent mais pauvre de sang. […] Les pauvres, seuls, les accueillent. […] Pauvres enfants, condamnés à l’isolement et au martyre ! […] S’ils s’irritent d’errer, parfois, comme lui, pauvres, inconnus, à travers les quartiers riches et la ville en fête, ils n’ont point son fiel ni son aigreur ni cette basse envie qui lui fait considérer le succès des autres comme un vol fait à sa part de destin. […] Ô pauvre et grand Samain, vous n’en aurez goûté, ici-bas, que l’amertume.

197. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

Il va mieux, merveilleusement mieux, mais au fond, il a une pauvre figure ruinée, avec dessus des rougeurs et des pâleurs d’un sang bien appauvri. […] Elle avait été assez heureuse pour arrêter son saignement de nez, mais Mlle Aimée qui était très jalouse d’elle, lui avait repris l’enfant d’entre les mains, n’avait pas su arrêter le saignement de nez, quand il était revenu, et le pauvre enfant était mort d’anémie, à la suite de la perte de tout son sang. […] Du bateau que j’ai pris pour aller à Paris, je vois battre outrageusement, par des sergents de ville, de pauvres diables d’inoffensifs, et leurs chapeaux voler du quai sur la berge de la Seine. […] Cet envers écrit de leurs armoires, c’est l’ingénu Livre de raison de ces pauvres hères. […] Maintenant qu’il est mort, mon pauvre grand Flaubert, on est en train de lui accorder du génie, autant que sa mémoire peut en vouloir… Mais sait-on, à l’heure présente, que de son vivant la critique mettait une certaine résistance à lui accorder même du talent.

198. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

Shakespeare, qui peut-être pleurait sa jeunesse, l’a revue, et dans sa pensée il a fait du Shakespeare disparu le Roméo immortel, comme peut-être aussi a-t-il fait sa Juliette de quelque autre poussière tombée, mais ramassée et fidèlement gardée dans le creux de son pauvre grand cœur. […] Idée commune, d’ailleurs, à tous les esprits sans véritable profondeur, qui croient que la sensibilité dans les arts ou dans l’expression littéraire des sentiments est la même que la sensibilité dans la vie, et qui fait, par exemple, s’éprendre de tant de poètes secs, tant de pauvres filles par trop tendres ! […] Elle attachait un rêve à chaque coup qu’elle donnait à la pauvre feuille déchiquetée ; mais qui pouvait reconnaître, dans le travail de sa rêverie, la feuille brillante de l’arbre immortel dont on couronne le front des héros et des dieux ? […] Le Pauvre Tom, dans lequel toutes les misères du Moyen Âge se reflètent avec une si incroyable poésie, a donné à Walter Scott l’idée de tous ces fous et de toutes ces folles qui passent dans ses romans avec des yeux et des propos si étranges ; mais comme le Pauvre Tom a bien plus de mordant et de hardiesse ! […] Dans le Père Goriot, pas de Pauvre Tom, pas de Fou du roi, pas de Cordélie !

199. (1898) Le vers libre (préface de L’Archipel en fleurs) pp. 7-20

De là, les raffinements les plus extraordinaires : après la Rime riche, on a voulu la Rime rare ; et toutes les gentillesses exotiques imaginables s’implantèrent comme des panaches de roi nègre au derrière du pauvre Alexandrin. — De là, un étrange abus du Sonnet dont on fit une sorte de monstre tour à tour tableau, statue, orfèvrerie, quinquaille, appelant cet éloge : « Comme c’est bien fait !  […] Je lui dirais : « Mon frère, te voici venu tout seul, tout ignorant, tout pauvre, dans un monde où l’isolement, l’ignorance et la pauvreté sont des caves froides et noires sur lesquelles la Matière repue a bâti son palais. […] les pauvres êtres mi-partis !

200. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Michel Van Loo » pp. 66-70

Et puis un luxe de vêtement à ruiner le pauvre littérateur si le receveur de la capitation vient à l’imposer sur sa robe de chambre. […] Le pauvre missionnaire épuisa toutes les ressources de sa rhétorique pour débaucher quelques spectateurs à son heureux voisin. […] Le pauvre, qui ramasse un louis ne voit pas tout à coup tous les avantages de sa trouvaille ; il n’en est pas moins vivement affecté.

201. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Lettres portugaises » pp. 41-51

À en croire les Mémoires de Saint-Simon et de Duclos, c’était même un assez pauvre homme, officier général, il est vrai, mais qui n’avait pour toute poésie (car c’en est une !) […] Lorsque cette pauvre madame de Sévigné, cette prude dont Bussy se moquait, parlait de la tendresse des Lettres portugaises, elle n’était pas fort difficile. […] Madame de Sévigné s’y est trompée, mais la pauvre sœur Louise de la Miséricorde, interrogée, aurait répondu, du fond de ses Carmélites de Chaillot, que les passions qui souffrent ont d’autres accents dans les maisons du Seigneur… Madame de Sévigné, le xviiie  siècle, Saint-Simon, et plus tard Duclos, toute la terre enfin, ont été dupes de quelque mystification inconnue.

202. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

Pauvre École, pauvre sanctuaire profané, souillé, sacrilègement livré à l’impie ! […] Pauvre Manet qui ne fut rien, pas même académicien ! […] Pauvre Manet, qui savait voir et voulait voir ! […] Pauvre Fanette, le doux poison est bu. […] Pauvre tendre mère, qui me la rendra ?

203. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff (suite) » pp. 317-378

barine, donne au pauvre vagabond de quoi s’acheter une bouteille d’eau-de-vie. […] Pendant vingt ans, notre pauvre Allemand chercha fortune. […] Comme tout lui sembla sale, pauvre, mesquin ! […] s’écria la pauvre veuve tout effarée. […] Ensuite il s’accroupit dans la cour, sans même couvrir sa pauvre tête blanche.

204. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

Le pauvre Pierre tomba sur une chaise et murmura en pleurant : « Il est mort ! […] Le pauvre Boris n’est point oublié dans ce cercle d’affections. […] La pauvre Tatiana justifiait cette croyance superstitieuse. […] La pauvre fille ne savait que faire. […] La pauvre fille refusa longtemps de jouer ce jeu cruel, puis finit par céder.

205. (1888) Poètes et romanciers

. — Cette fois au moins, pauvre et inquiet penseur, es-tu rassuré ? […] Ô le pauvre jus ! […] Quel pauvre Dieu, bon Dieu !      Quel pauvre Dieu, quel pauvre Dieu, Né dans un mauvais lieu. […] Le jeune homme pauvre est encore plus content de lui, s’il est possible.

206. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — E — Elskamp, Max (1862-1931) »

— Six chansons de pauvre homme pour célébrer la semaine de Flandre (1896). — La Louange de la Vie (1898). — Enluminures (1898). […] Albert Arnay Le titre seul, Six chansons de pauvre homme pour célébrer la semaine de Flandre, dit bien ce que le poète s’est proposé.

207. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Franc-Nohain (1873-1934) »

Elle prête une âme aux choses, et sa verve jette un reflet de vie sur les pauvres objets, accessoires familiers de tous les ridicules humains, de nos faiblesses et de nos infirmités. Il chante l’angoisse des Chandelles d’hôtel meublé attendant le client imprévu qui les fera témoins, jusqu’à l’aube, de quelque frénétique adultère, ou de ses cauchemars… ou de ses indigestions ; — il chante la tristesse et la solitude de la pauvre bottine de l’invalide qui a son autre jambe en bois !

208. (1864) Le roman contemporain

— Et que notre pauvre Ourliac était comique dans les rôles d’Arlequin ! […] Le Roman d’un jeune homme pauvre. […] Son jeune homme est pauvre comme Némorin est berger. […] « Peut-être bien, si j’étais pauvre, se dit Marguerite […] Elle exerce un pouvoir extraordinaire même sur un pauvre insensé, Jacques Feray.

209. (1890) Impressions de théâtre. Quatrième série

Le pauvre homme bafouille. […] pauvre petite Angélique ! […] Pauvres nous ! […] Elle cache les vices du pauvre garçon et lui prête des vertus. […] réplique le pauvre garçon. — Je n’ai pas de volonté !

210. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

Le pauvre garçon, lui aussi, est pris par la maladie qui ne pardonne pas ; le voilà à l’infirmerie. […] Ma pauvre Germaine, voilà mon départ encore retardé. […] Il était possible qu’elle allât lui porter, dans l’un de ces logis misérables, l’aumône d’un pauvre repas. […] Était-ce, par la bouche d’Évelin, la pauvre femme secourue, était-ce Évelin lui-même ? […] Et cela sans contorsions de vers, de rimes pauvres par leur richesse, rien qu’en laissant parler en lui la nature.

211. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXVIII » pp. 113-116

Pauvre petit Capitole et assorti en vérité à toute cette gent ! […] Vous pourriez peut-être citer les vers que Hugo avait faits pour cette pauvre jeune femme au moment de son mariage et de sa sortie de la maison paternelle : Aime celui qui t’aime et sois heureuse en lui ; Adieu !

212. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre IV. Services généraux que doivent les privilégiés. »

Dans l’Artois, où souvent la dîme prélève 7 1/2 et 8 pour 100 du produit de la terre, nombre de curés sont à la portion congrue et sans presbytère ; leur église tombe en ruines et le bénéficier ne donne rien aux pauvres […] En ceci comme pour le reste, les pauvres sont chargés pour décharger les riches. […] Je vois en eux des sergents qui, comme leurs pareils dans l’armée, ont perdu l’espoir de jamais devenir officiers. — C’est pourquoi il y en a chez qui la colère déborde : « Nous, malheureux curés à portions congrues ; nous, chargés communément des plus fortes paroisses, telles que la mienne qui a, jusqu’à deux lieues dans les bois, des hameaux qui en feraient une autre ; nous dont le sort fait crier jusqu’aux pierres et aux chevrons de nos misérables presbytères », nous subissons des prélats « qui feraient encore quelquefois faire par leurs gardes un procès au pauvre curé qui couperait dans leurs bois un bâton, son seul soutien dans ses longues courses par tous chemins ». À leur passage, le pauvre homme « est obligé de se jeter à tâtons le long d’un talus, pour se garantir des pieds et des éclaboussures de leurs chevaux, comme aussi des roues et peut-être du fouet d’un clocher insolent », puis « tout crotté, son chétif bâton d’une main et son chapeau, tel quel, de l’autre, de saluer humblement et rapidement, à travers la portière du char clos et doré, le hiérarque postiche ronflant sur la laine du troupeau que le pauvre curé va paissant et dont il ne lui laisse que la crotte et le suint ». […] En l’état où est l’impôt, chaque largesse du monarque est fondée sur le jeûne des paysans, et le souverain, par ses commis, prend aux pauvres leur pain pour donner des carrosses aux riches  Bref le centre du gouvernement est le centre du mal ; toutes les injustices et toutes les misères en partent comme d’un foyer engorgé et douloureux ; c’est ici que l’abcès public a sa pointe, et c’est ici qu’il crèvera.

213. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VI »

Desroncerets est un inventeur d’assez pauvre aloi, qui s’est déjà ruiné en inventions saugrenues. […] Figure bornée et touchante, pauvre d’esprit, grande de cœur. […] Tandis que sa pauvre mère l’embrasse, en pleurant de joie et d’orgueil, maître Guérin l’accueille avec une rudesse goguenarde où perce une pointe d’ironie. […] Le piège est trop sûr pour intéresser, et ce dernier trait achève le pauvre homme. […] Cantenac est tué, mais le pauvre baron est blessé à mort ; son médecin intime ne lui donne pas vingt-quatre heures à vivre.

214. (1857) Cours familier de littérature. III « XVe entretien. Épisode » pp. 161-239

Viens, reconnais la place où ta vie était neuve, N’as-tu point de douceur, dis-moi, pauvre âme veuve, À remuer ici la cendre des jours morts ? […] Dans ce pauvre homme je venais de reconnaître un des plus vieux coquetiers de ces montagnes, qui louait à notre mère des ânesses au printemps pour donner leur lait à ses pauvres femmes malades, qui lui servait de guide, d’écuyer pour promener ses enfants avec elle sur ces solitudes élevées, où elle voyait la nature de plus haut, et où elle adorait Dieu de plus près. […] » lui criai-je en me rapprochant de lui ; « j’ai repris le cheval : il ne fera ni peur à votre âne, ni mal à vous. » Et je m’arrêtai à l’ombre d’un poirier sauvage, devant le pauvre homme. […] La fidélité de ces pauvres oiseaux m’attendrit. […] Je marchai vers la fosse avec eux, et je jetai à mon tour les gouttes d’eau, image des gouttes de larmes, sur le cercueil de la jeune fille, et je rentrai sans avoir osé regarder le pauvre père !

215. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Les frères Le Nain, peintres sous Louis XIII, par M. Champfleury »

Je ne veux, entre ses divers romans, citer ici que les Souffrances du professeur Delteil, ce pauvre souffre-douleur de ses méchants écoliers, cet amoureux muet et désespéré d’une des trois sœurs modistes, et recommander la figure de ce docteur indulgent et tendre qui épouse celle même qui s’est rendue coupable d’une faute et qui le lui avoue. […] Champfleury d’avoir été proprement les peintres des paysans et des pauvres gens : « Les Le Nain, dit-il, chantent la vie de famille. […] « On peut donner une façon matérielle de reconnaître les tableaux des Le Nain, à l’entassement de chaudrons, écuelles, légumes, qui se trouvent souvent sur le premier plan… « Ce sont des peintres de pauvres gens. » Théorie vraie, mais un peu absolue toutefois ; car, sans compter les tableaux de sainteté qui, par leur nature, sortent du programme, il faut toujours faire exception pour celui des trois frères qu’on appelait le chevalier Le Nain, le gros monsieur et le grand seigneur de la famille, celui qui peignait Cinq-Mars et Anne d’Autriche. […] je laisse maintenant ces trouvailles à d’autres ; mais ce qui ne sera jamais démenti, c’est qu’ils étaient pleins de compassion pour les pauvres, qu’ils aimaient mieux les peindre que les puissants, qu’ils avaient pour les champs et les campagnards les aspirations de La Bruyère, qu’ils croyaient en leur art, qu’ils l’ont pratiqué avec conviction, qu’ils n’ont pas craint la bassesse du sujet, qu’ils ont trouvé l’homme en guenilles plus intéressant que les gens de cour avec leurs broderies, qu’ils ont obéi au sentiment intérieur qui les poussait, qu’ils ont fui l’enseignement académique pour mieux faire passer sur la toile leurs sensations : enfin, parce qu’ils ont été simples et naturels, après deux siècles ils sont restés et seront toujours trois grands peintres, les frères Le Nain. » J’honore le critique qui trouve de tels accents, et quand il aurait excédé un peu, comme c’est ici le cas, dans ses conjectures ou dans son admiration pour les trois frères indistinctement, il n’aurait fait que réparer envers ces bons et dignes peintres un long arriéré d’oubli et d’injustice, leur rendre avec usure ce que près de deux siècles leur avaient ôté ; il n’aurait pas fait d’eux un portrait faux, car il reconnaît et relève en toute rencontre leurs inégalités et leurs défectuosités originaires, il n’aurait donné en définitive qu’un portrait un peu idéal, ou du moins un portrait un peu plus grand que nature, un peu plus accusé et accentué de physionomie, mais toujours dans les lignes de la ressemblance et de l’individualité. […] je t’accepterai encore, et, s’il fallait opter, je te préférerais même ainsi, pauvre et médiocre, mais prise sur le fait, mais sincère, à toutes les chimères brillantes, aux fantaisies, aux imaginations les plus folles ou les plus fines, — oui, aux Quatre Facardins eux-mêmes, — parce qu’il y a en-toi la source, le fond humain et naturel duquel tout jaillit à son heure, et, un attrait de vérité, parfois un inattendu touchant, que rien ne vaut et ne rachète.

216. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

Quelle différence de cette châtelaine de Valleyres riche, heureuse, glorieuse épouse, avec l’autre châtelaine du Cayla, noble, fière, pauvre, qui fait ses bas, qui vaque aux plus humbles soins du ménage, et qui est si imposante et si aisée dans sa modeste dignité ! […] Les dames de la bande, des protestantes bien entendu, se sont hasardées après quelque hésitation à sonner à la porte du couvent ; elles se présentent comme pour faire des emplettes (on sait que les religieuses occupent leurs loisirs à mille petits travaux et à des objets de dévotion qui se vendent au profit de la communauté ou au profit des pauvres) : on fait monter les dames au premier étage. […] L’autre s’avoisine tout à fait ; elle est simple et grave ; il ne reste pas, on le dirait, une parcelle de sang dans les fibres de sa peau mate ; ses grands yeux s’arrêtent sur nous, amortis par le verre de ses lunettes ; ses manches, larges et pendantes, couvrent presque entièrement la main ; elle parle d’une voix égale, et nous montre, l’un après l’autre, par les trous de ta grille, les souris en pelote, les porte-montre brodés de perles, les coques d’œufs remplies de fleurs microscopiques, les coquilles d’escargots avec des saintes dedans, ces mille prodiges d’adresse et de laideur par quoi de pauvres recluses trompent leur ennui. […] Si mon âme aspire au soleil, mon pauvre individu se traîne dans l’ombre […] Elle monte d’un élan, et moi, selon que va mon cœur, selon que va ma prière, j’adore aussi dans mon langage ; voilà tout. — Il ne fut jamais bestiole plus pauvre, il n’y eut jamais esprit moins calculateur ; je vais le long de mon sentier, je cueille ce qui se présente, je me sens un grand amour pour tout ce qui est beau.

217. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SÉVIGNÉ » pp. 2-21

Elle écrit d’ordinaire au courant de la plume et le plus de choses qu’elle peut ; et quand l’heure presse, à peine si elle relit. « En vérité, dit-elle, il faut un peu entre amis laisser trotter les plumes comme elles veulent : la mienne a toujours la bride sur le cou. » Mais il y a des jours où elle a plus de temps et où elle se sent davantage en humeur ; alors, tout naturellement, elle soigne, elle arrange, elle compose à peu près autant que La Fontaine pour une de ses fables : ainsi la lettre à M. de Coulanges sur le mariage de Mademoiselle ; ainsi celle encore sur ce pauvre Picard qui est renvoyé pour n’avoir pas voulu faner. […] Mais, ce qui me fâche, c’est qu’en ne faisant rien les jours se passent, et notre pauvre vie est composée de ces jours, et l’on vieillit, et l’on meurt. […] Tant qu’elle se borne à rire des Etats, des gentilshommes campagnards et de leurs galas étourdissants, et de leur enthousiasme à tout voter entre midi et une heure, et de toutes les autres folies du prochain de Bretagne après dîner, cela est bien, cela est d’une solide et légitime plaisanterie, cela rappelle en certains endroits la touche de Molière : mais, du moment qu’il y a eu de petites tranchées en Bretagne, et à Rennes une colique pierreuse, c’est-à-dire que le gouverneur, M. de Chaulnes, voulant dissiper le peuple par sa présence, a été repoussé chez lui a coups de pierres ; du moment que M. de Forbin arrive avec six mille hommes de troupes contre les mutins, et que ces pauvres diables, du plus loin qu’ils aperçoivent les troupes royales, se débandent par les champs, se jettent à genoux, en criant Meà culpà (car c’est le seul mot de français qu’ils sachent) ; quand, pour châtier Rennes, on transfère son parlement à Vannes, qu’on prend à l’aventure vingt-cinq ou trente hommes pour les pendre, qu’on chasse et qu’on bannit toute une grande rue, femmes accouchées, vieillards, enfants, avec défense de les recueillir, sous peine de mort ; quand on roue, qu’on écartèle, et qu’à force d’avoir écartelé et roué l’on se relâche, et qu’on pend : au milieu de ces horreurs exercées contre des innocents ou pauvres égarés, on souffre de voir Mme de Sévigné se jouer presque comme à l’ordinaire ; on lui voudrait une indignation brûlante, amère, généreuse ; surtout on voudrait effacer de ses lettres des lignes comme celles-ci : « Les mutins de Rennes se sont sauvés il y a longtemps : ainsi les bons pâtiront pour les méchants : mais je trouve tout fort bon, pourvu que les quatre mille hommes de guerre qui sont à Rennes, sous MM. de Forbin et de Vins, ne m’empêchent point de me promener dans mes bois, qui sont d’une hauteur et d’une beauté merveilleuses ; » et ailleurs : « On a pris soixante bourgeois ; on commence demain à pendre. […] Le plus intéressant de ses protégés est assurément un gentilhomme de Provence, dont le nom n’a pas été conservé : « Ce pauvre garçon, dit-elle, étoit attaché à M.

218. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Balzac. » pp. 443-463

Pour exposer sa vraie théorie littéraire, il ne faudrait d’ailleurs qu’emprunter ses paroles : si je prends, par exemple, Les Parents pauvres, son dernier roman et l’un des plus vigoureux, publié dans ce journal même33, j’y trouve, à propos de l’artiste polonais Wenceslas Steinbock, les idées favorites de l’auteur et tous ses secrets, s’il eut jamais des secrets. […] Les Parents pauvres nous montrent ce talent vigoureux arrivé à sa plus forte maturité et se donnant toute carrière. […] Bette toute la première, qui donne son nom au roman, est une de ces exagérations : il ne semble pas que cette pauvre personne qu’on a vue d’abord une simple paysanne des Vosges, mal vêtue, mal mise, rude, un peu envieuse, mais non pas méchante ni scélérate, soit la même qui se transforme à un certain moment en personne du monde presque belle, et de plus si perverse et si infernale, un vrai Iago ou un Richard III femelle ! […] On sent d’abord le besoin d’aller s’y retremper, d’aller se jeter dans quelque lecture limpide et saine au sortir des Parents pauvres, — de se plonger dans quelque chant de Milton, in lucid streams , dans les purs et lucides courants , comme dit le poète. […] Les Parents pauvres parurent d’abord en feuilletons dans Le Constitutionnel.

219. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Brizeux. Œuvres Complètes »

qu’à applaudir à cette faveur d’une tombe dans la patrie, faite à un poète qui fut national et qui était assez pauvre pour rester exilé, après sa vie, à la place où il était mort… Avec la grâce franche, qui décore le don même qu’elle fait, le Ministre de l’instruction publique, qui est le Ministre des Lettres, a regretté de ne pas avoir à offrir à la famille de Brizeux une somme plus forte que celle qu’il a déposée sur son cercueil. […] Tout le temps qu’il garda pieusement ce pauvre don de Dieu, qui devait être son unique richesse, ce fut pour lui ce denier qui est tant compté dans l’Évangile, et qui s’y appelle le denier de la veuve et de l’orphelin. […] … Que pouvaient et la Science et l’Art et même l’Italie pour la pauvre Muse de Brizeux ? […] Pointillé à nous impatienter les yeux, l’auteur du Vieux Pauvre du Cumberland, de Lucy Gray, de l’Enfant aveugle, ose des recherches d’originalité, souvent heureuses, et au milieu des infiniment petits du détail, il sait ouvrir de l’horizon. […] avec l’expérience de cet âge ingénu, le pauvre Brizeux se trompait.

220. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVII. Forme définitive des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Par moments, on le prendrait pour un chef démocratique, voulant tout, simplement le règne des pauvres et des déshérités. […] A côté de l’idée fausse, froide, impossible d’un avènement de parade, il a conçu la réelle cité de Dieu, la « palingénésie » véritable, le Sermon sur la montagne, l’apothéose du faible, l’amour du peuple, le goût du pauvre, la réhabilitation de tout ce qui est humble, vrai et naïf. […] Quelques pauvres attardés qui gardent encore, en pleine époque réfléchie, les espérances des premiers disciples deviennent des hérétiques (Ébionites, Millénaires), perdus dans les bas-fonds du christianisme. […] Il est sûr que l’humanité morale et vertueuse aura sa revanche, qu’un jour le sentiment de l’honnête pauvre homme jugera le monde, et que ce jour-là la figure idéale de Jésus sera la confusion de l’homme frivole qui n’a pas cru à la vertu, de l’homme égoïste qui n’a pas su y atteindre.

221. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre IV. Critique »

Écraser un peu ces pauvres génies, pourquoi pas ? […] C’est, sous de funèbres épaisseurs derrière lesquelles tout est indistinct, la sombre mer des pauvres. […] Hardi donc à la promiscuité triviale, à la métaphore populaire, à la grande vie en commun avec ces exilés de la joie qu’on nomme les pauvres ! […] Les pauvres sont la privation ; soit l’abnégation.

222. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre II. Enfance et jeunesse de Jésus. Ses premières impressions. »

L’extrême simplicité de la vie dans de telles contrées, en écartant le besoin de confortable, rend le privilège du riche presque inutile, et fait de tout le monde des pauvres volontaires. […] La maison de Joseph ressembla beaucoup sans doute à ces pauvres boutiques, éclairées par la porte, servant à la fois d’établi, de cuisine, de chambre à coucher, ayant pour ameublement une natte, quelques coussins à terre, un ou deux vases d’argile et un coffre peint. […] La ville, comme à cette époque toutes les bourgades juives, était un amas de cases bâties sans style, et devait présenter cet aspect sec et pauvre qu’offrent les villages dans les pays sémitiques.

223. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le marquis de Grignan »

ils devenaient mestres de camp, brigadiers, généraux, illustrés finalement d’un coup de canon qui les coupait en deux, s’ils ne mouraient pas comme lui, ce pauvre Grignan, obscurément et bêtement de la petite vérole dans quelque ville de garnison ! […] En parlant de l’ancien régime, il en a pris la grâce, cette grâce avec laquelle ce pauvre ancien régime, à qui il ne restait plus que cela, est tombé comme le gladiateur ! […] … C’est là une question que lui seul et l’avenir résoudront, mais ces facultés sont si visibles en cette séduisante production qu’il a appelée le Marquis de Grignan, et qui est bien autre chose que la biographie de ce pauvre homme, qu’il était impossible à la Critique de ne pas les voir et de ne pas les signaler… 56.

224. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Swift »

Léon de Wailly, sous la rubrique où vous reconnaissez ce que, plus haut, nous appelions le cant de la plaisanterie : « Modeste proposition — nous dit Swift — pour empêcher les enfants des pauvres d’Irlande d’être à charge à leurs parents ou à leur pays et pour les rendre utiles au public. […] Mais ce qui la rend insupportable, ce n’est pas son horreur oratoire, qui pouvait produire un salutaire effet sur les oppresseurs de l’Irlande et les épouvanter de l’état de malheurs et de misère dans lequel ils tenaient ce pauvre pays, mais c’est le détail avec lequel elle est travaillée et retravaillée, pendant je ne sais combien de pages, comme un outil compliqué pourrait l’être par un ouvrier de Birmingham ou de Manchester, et c’est encore plus que tout le reste la froideur avec laquelle elle est travaillée. […] La femme est au-dessous du singe, dit-il à cette pauvre enfant qui venait lui demander, en tremblant et en rougissant, des conseils.

225. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre premier. Du Christianisme dans l’éloquence. »

Incapable de crainte et d’injustice, elle donne des leçons aux rois, mais sans les insulter ; elle console le pauvre, mais sans flatter ses vices. […] Quand M. de Montlosier s’écriait, à propos du clergé, dans l’Assemblée constituante : Vous les chassez de leurs palais, ils se retireront dans la cabane du pauvre qu’ils ont nourri ; vous voulez leurs croix d’or ; ils prendront une croix de bois ; c’est une croix de bois qui a sauvé le monde !

226. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Japonisme » pp. 261-283

La pauvre écritoire restait des années chez moi, très peu regardée par les amateurs, très peu appréciée même par les Japonais, dont l’un cependant, M.  […] pauvre créature que je suis ! […] Le seul parti qu’il eût à prendre, était de lui donner une lettre de divorce, et de l’envoyer avec ses plus jeunes enfants chez son père, lequel comprendrait, il en était certain, la véritable raison qui le poussait à agir ainsi et donnerait à la pauvre femme consolation et conseil.

227. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Charles Monselet »

… Après Desforges, Gorgy, Dorvigny, la Moreney, Plancher-Valcour, Baculard d’Arnaud, Grimod de la Reynière, Cubières, Olympe de Gouges, le chevalier de la Molière, le chevalier de Mouhy, quel indigent, quel pauvre honteux ou effronté de la littérature du xviiie  siècle, un curieux bienfaisant qui donne l’obole d’une biographie à des ombres peut-il évoquer ? […] tous les Pauvres en littérature ont jeté, depuis quelque temps, à ce noble génie, abondant et luxueux, de Chateaubriand, un mépris sous lequel se cachent hypocritement toutes les bassesses de l’Envie. […] bien souvent tout le pauvre et éclatant succès de la tête qui est dessous, si ce sont des gaîtés sont des gaîtés sombres, qui sont d’autant plus sombres qu’elles touchent de plus près à la vérité… IV Il y a dans Shakespeare un railleur aimable, — pas si littéraire peut-être, — mais, ma foi !

228. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Camille Desmoulins » pp. 31-44

Ce pauvre Louis XVI, dont tout le crime peut-être fut d’être un mouton qui se laisse bêtement égorger !!! […] Despois et Marc Dufraisse n’ont vu, ni l’un ni l’autre, le vrai de leur pauvre héros. […] Ce pauvre Camille n’était pas un prince, c’était au contraire l’ennemi des princes, mais, en fait de déplorable, je crois qu’il les a tous vaincus !

229. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Henri Murger. Œuvres complètes. »

Henri Mürger souffrit les mêmes souffrances qu’Hégésippe Moreau et si même son talent ne rencontra pas le même hasard de culture, si par ce côté-là il fut plus à plaindre que le poète de Provins, qui avait toutes les roses de son pays dans sa pensée, l’auteur de la Vie de Bohême eut tout de suite l’applaudissement collectif autour de son nom, et, plus tard, le temps de jouir d’une petite gloire, tandis que le pauvre Hégésippe n’a jamais fait manger à sa faim l’applaudissement de personne, pour la calmer. […] Tous ceux qui avaient été étudiants pauvres, déchirés, dérangés, déboutonnés, et c’est à peu près tout le monde à un certain niveau social, furent touchés, du fond de la tenue qu’impose plus tard la vie, de toutes les bêtises qu’ils avaient dites ou faites, et qu’on leur montrait dans cette lanterne magique de leur libre jeunesse, et ils parlèrent de M.  […] mais les quelques gouttes qui ne sont pas tombées de cette coupe du pauvre ne lui ont jamais échauffé le front, pour lui communiquer la chaleur profonde, la vraie vie et la fécondité.

230. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Corneille »

— mais aussi dans cette vie étouffante, bourgeoise et pauvre, qui en est une troisième, — paraît plus idéal et plus grand. […] Milton, aveugle et pauvre comme Corneille, moins heureux par ses filles, qui furent mauvaises, paraît-il, comme nous venons de le dire au chapitre précédent, que Corneille par ses enfants, vécut la dernière partie de sa vie entre l’orgue dont il jouait et la Bible qu’on lui lisait. […] On n’ose pas dire : « Pauvre Corneille ! 

231. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

Mais la pauvre créature ne semble pas rassurée. […] pauvre Villiers ! […] Mais le pauvre Agénor, tout à son veuvage, ne songe point qu’il est père. […] Il pleure la pauvre Lise, qui vient de trépasser. […] Bref, la pauvre Lise est en grand danger de porter dans l’enfer la chemise de soufre.

232. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

Et qu’il est bon, ce François qui, après le départ du poète, a épousé la pauvre fille ! […] À cet instant, Georges Desclos entre chez la pauvre fille. […] Pauvre petite ! […] ma pauvre enfant ! […] Cette aventure le laissera donc plus pauvre de vingt mille francs, qu’il ne pourra payer.

233. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. De Pontmartin. Causeries littéraires, causeries du samedi, les semaines littéraires, etc. »

La pauvre enfant qui ne sait rien, qui ne voit que rarement cette mère capricieuse et inégale, pour laquelle, du plus loin qu’elle s’en souvienne, elle s’est pourtant autrefois prononcée dans le cabinet du magistrat, lorsqu’il lui fut demandé de choisir entre elle et son père, la pauvre Aurélie arrive à l’âge de dix-sept ans, sans s’être rendu compte des difficultés de sa destinée. […] Marbeau appelle Aurélie dans son cabinet ; elle s’y rend accompagnée de la maîtresse de pension : la pauvre enfant reconnaît avec un peu d'effort de mémoire ce même cabinet où son père et sa mère se sont vus pour la dernière fois. […] tu voudrais que ton ami d’enfance, que ce pauvre comte d’Ermancey, qui t’aime depuis cinquante ans, fût cause qu’on pût dire un jour quelque chose d’offensant pour un d’Auberive ? […] Pauvre Aurélie, qui devrait s’appeler l’enfant maudit !

234. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

En la débarquant à Dunkerque, il retint à l’orpheline l’indigente petite malle qui contenait son peu d’effets, sous prétexte de se payer des menus frais de la traversée que la pauvre enfant ne pouvait acquitter. […] Le pauvre Murville, après les premiers mots, ne tarda pas à s’apercevoir de l’espèce de trouble qu’il causait : il alla au-devant, et tout en parlant art, jeu dramatique, Mlle Gaussin, Mlle Desgarcins et autres brillants modèles, il lui échappa de dire comme en murmurant entre ses dents : « Oh ! […] Ces pauvres Anglais avaient beau rappeler les droits de l’hospitalité ; rien n’était compris par ce peuple ours. […] Mais, avant de répondre, le parterre s’est mis à applaudir à toute outrance ce pauvre Pierson, qui en était stupéfait. […] Cette pauvre femme se tuait à faire des révérences à ce galant parterre : nulle pitié, et c’est ici qu’elle fut blessée ; elle tomba évanouie.

235. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

Jeudi 28 Un long moment, nous regardons, à travers la clôture de planches, la démolition de la maison de Gavarni, son pauvre atelier éventré… Gavarni s’est campé dans la petite maison à côté, en un pauvre intérieur, dans l’arrière-boutique d’un épicier de banlieue, où un teinturier occupe le devant. […] Presque toute la société se rallie à cette théorie, en déclarant qu’un Mirabeau échappe aux règles de la petite probité bourgeoise : « Alors, Messieurs, nous écrions-nous, il n’y a plus de morale, de justice chez les historiens en histoire, si vous avez deux mesures, deux balances, l’une pour les hommes de génie, l’autre pour les pauvres diables. […] C’était le temps de la disette, et on coupait aux pauvres enfants des lichettes de pain insuffisantes. […] Toute notre pauvre et régulière végétation d’Europe, me paraît fabriquée à la mécanique, dans une prison. […] — Et comment va-t-elle, cette pauvre diablesse, ce soir ?

236. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Pauvre homme, que vas-tu faire en ce pays hanté par les suppôts de galères ? […] Ensuite, si je quittais mon théâtre, que deviendraient ces pauvres gens que j’ai amenés de si loin ?  […] Pauvre, il avait peine à faire face à ses engagements de vieux et bon bourgeois et de commerçant honnête. […] Dimanche quand on se souvient de sa rencontre avec le Pauvre. […] Pauvre Molière !

237. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

Il parlera d’un pauvre honorable et se hâtera de demander si un pauvre peut avoir de l’honneur. […] Quelle différence y a-t-il entre un pauvre qui est gourmand ou sensuel et un pauvre qui est généreux ? […] Pauvre Werther ! […] Le pauvre Werther, qui est la candeur même, n’a rien de commun avec ces personnages. […] pauvre esprit moderne, pauvre Werther !

238. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

Un mot de plus du pauvre enfant, et il était assommé sur place. […] « Quant à la mère, l’aspect en était pauvre et triste. […] « Il se demanda si la société humaine pouvait avoir le droit de faire également subir à ses membres, dans un cas son imprévoyance déraisonnable, et dans l’autre cas sa prévoyance impitoyable ; et de saisir à jamais un pauvre homme entre un défaut et un excès, défaut de travail, excès de châtiment ; « S’il n’était pas exorbitant que la société traitât ainsi précisément ses membres les plus mal dotés dans la répartition des biens que fait le hasard, et par conséquent les plus dignes de ménagements. […] Lui, cette pauvre force tout de suite épuisée, il combat l’inépuisable. […] Avant le bagne, j’étais un pauvre paysan, très peu intelligent, un espèce d’idiot ; le bagne m’a changé.

239. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (5e partie) » pp. 145-224

Ces pauvres petits étaient perdus en effet. […] Les petits pauvres n’entrent pas dans les jardins publics ; pourtant on devrait songer que, comme enfants, ils ont droit aux fleurs. […] « Les deux petits pauvres regardèrent venir “ce monsieur”, et se cachèrent un peu plus. […] « Si les deux petits pauvres eussent écouté, et eussent été d’âge à comprendre, ils eussent pu recueillir les paroles d’un homme grave. […] C’est l’ensemble, c’est le composé de toutes les lois absolues dont le Créateur de ce pauvre embryon de Dieu, nommé l’homme, a formé sa courte et imparfaite créature, en le jetant, on ne sait pour quelle fin (châtiment, expiation, germination, mais, en tout cas, misère), sur ce petit globe misérable lui-même, composé d’un éclair de temps, d’un atome d’espace, d’un nombre infinitésimal de jours, d’un éclair de vie et d’une nuit de mort !

240. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIe entretien. Molière et Shakespeare »

De temps en temps, il entre lui-même dans les coins obscurs de la salle et il boit l’avant-goût du talent dans la coupe du pauvre. […] aspireras-tu à ce que tu regardes comme l’ornement de la vie pour vivre en lâche à tes propres yeux, laissant, comme le pauvre chat du proverbe, le je n’ose pas se placer sans cesse auprès du je voudrais bien ! […] Pauvre petit oiseau, répond la mère, ainsi tu ne craindras pas le filet, la glu, le piége, le trébuchet ? […] pauvre patrie ! […] tous mes pauvres petits poulets et leur mère, tous enlevés d’un seul horrible coup !

241. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 44-63

Le Quirinal et le Vatican ne semblent alors être pour vous, en effet, que des positions plus commodes, du haut desquelles vous canonnez et balayez à plaisir le pauvre monde. […] Pauvre Gil Blas, miroir et tableau fidèle de la vie humaine, il est bien innocent d’une intention si scélérate. […] Ce n’est pas lui qui flatte et embellit l’humanité : doué et armé comme il l’est d’un esprit de malice et de goguenarderie, il la voit tellement bête, tellement basse, cette pauvre humanité, qu’il a bien besoin, à la fin, de la rédemption et du crucifix pour ne pas la conspuer tout à fait. […] Croirait-on, à les voir couverts de cheveux blancs, de croix d’honneur, de lunettes d’or, de toges et d’habits brodés, fiers, bien nourris, maîtres de cette société qu’ils administrent, qu’ils jugent et qu’ils grugent…, croirait-on que leurs calculs sont dérangés, que leur sommeil est troublé par le bruit du fouet dont ils ont eux-mêmes armé un pauvre petit diable sans nom, sans fortune et sans talent… ?

242. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte. »

  Enfin l’heure libératrice arriva ; son frère, délivré bien avant lui, avait porté de ses nouvelles à sa famille ; si pauvre qu’elle fût, elle se saigna pour la délivrance de ce dernier fils ; de bon religieux, les Pères de la Rédemption, y aidèrent et ajoutèrent à la rançon un complément indispensable pour atteindre le chiffre exigé (19 septembre 1580). […] Pauvre et si aimable Don Quichotte, à combien peu il a tenu bien des fois qu’on ne te possédât jamais ! […] Son père était mort, sa famille des plus pauvres, et appauvrie encore par l’effort qu’elle avait dû faire pour sa délivrance. […] Heureusement pour la postérité et pour ce pauvre Don Quichotte, si souvent en péril de ne pas naître, la demande de Cervantes resta sans effet.

243. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

Le joli volume, avec ses élégies à la pauvre villageoise qui reviennent à des intervalles et comme à des nœuds égaux, avec les autres pièces noblement calmes et unies qui y sont entremêlées, me paraît exactement comparable à cette houlette pastorale dont il est dit dans l’églogue, Formosum paribus nodis atque ære, Menalca : De nœuds égaux formé, garni d’un bout de fer. […] Dans les Cornemuses par exemple, c’est un pauvre enfant italien qui va jouant de la piva ; il va de maison en maison, et personne ne l’écoute. […] Un autre jour, le poëte, errant dans Rome, vient à découvrir qu’une église y est dédiée au pauvre évêque breton, à Malo, sous le nom italien de saint Mauto, et dès ce moment, pendant bien des journées, il ne pense plus qu’à son patron chéri ; si Saint-Pierre est, un soir, illuminé en l’honneur de quelque saint inconnu, il se dit que c’est pour le sien ; et, tout fier d’avoir signalé la basilique cachée, il s’écrie : Patron des voyageurs, les fils de ton rivage, Venus à ce milieu de l’univers chrétien, Connaîtront désormais ton nom italien, Et tu seras un but dans leur pèlerinage. […] Jacques est une belle idée : un pauvre homme du peuple, un maçon qu’on a vu le matin quitter sa femme et son enfant, tombe, ou plutôt se précipite du haut d’un toit, victime d’un dévouement héroïque.

244. (1874) Premiers lundis. Tome I « Charles »

Quant à Charles, il ne s’aperçoit pas d’abord de Léonide : son père, qui est un Grec et un vrai Grec du siècle de Miltiade, a fait de lui un Romain, comme dit Morzande ; notre Romain est fou de gloire, de liberté, de littérature même, et la pauvre Léonide a besoin de lui découvrir son amour avant qu’il songe à l’aimer. […] Tout semble une seconde fois achevé, lorsque Delmida, on ne sait pourquoi, se rappelle que Charles n’est que son fils adoptif, un pauvre enfant trouvé qu’il a autrefois recueilli par charité ; et, par une inexorable délicatesse, il croit devoir résister à un mariage qu’il n’a jusque-là combattu que vaguement.

245. (1875) Premiers lundis. Tome III « Lafon-Labatut : Poésies »

La pauvre femme était morte de la peste en route, à Gibraltar ; le père et l’enfant, après mille traverses, exténués de misère et de besoin, arrivaient donc seuls ; ils furent reçus avec cordialité. […] Un ami, ce même ami de son père, à qui parvinrent les essais du pauvre aveugle, eut l’idée de les faire imprimer.

246. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Augier, Émile (1820-1889) »

. — Les Lionnes pauvres, avec Ed.  […] Que, dans Gabrielle, qui est une comédie d’une haute moralité, il mît hardiment, dans la bouche des personnages contemporains, le ferme alexandrin du xviie  siècle ; que, dans l’Aventurière, il fît passer, à travers ce même vers classique le souffle du lyrisme et de la fantaisie ; que, pris d’une vertueuse indignation, il marquât, dans le Mariage d’Olympe, la fille triomphante avec le fer rouge de la satire ; qu’après un regard épouvanté sur les progrès d’un luxe corrupteur, il dénonçât la courtisane mariée, la lionne pauvre ; — toujours il nous faisait admirer et applaudir des œuvres d’une composition solide et harmonieuse, d’un intérêt poignant et irrésistible.

247. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « De la peinture. A propos d’une lettre de M. J.-F. Raffaëlli » pp. 230-235

« Que ceux qui ont une idée médiocre ou pauvre et qui ont besoin d’être en face de grands hommes pour s’apercevoir de la grandeur de l’homme, s’adressent à nos de Lesseps, à nos Edison, à nos Pasteur ou bien à nos politiques, aux généraux, aux écrivains, aux artistes, aux grands commerçants, aux industriels fameux, aux philosophes ; mais que ceux qui se sentent l’âme élevée et le cœur vibrant pour la suprême beauté de leur race prennent les plus humbles, les va-nu-pieds et les derniers pauvres gens.

248. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

En effet, c’est le sentiment qui l’attache à ses pauvres héros à quatre pattes, petites gens qu’on dédaigne et qu’on rebute. […] On leur coupera le cou la semaine prochaine, je le sais, et, tout à l’heure peut-être, une servante en arrivant fera déloger à coups de pied mon pauvre chat. […] Qui est-ce qui ne s’est pas arrêté, en passant sur une route, auprès d’une pauvre plante, d’un buisson solitaire qui pend, demi-déraciné, le long d’un talus ? […] Quel ton triste et doux que celui du pauvre agneau ! […] Il dit qu’il est « bonne créature. » Il plaint « le pauvre baudet si chargé qu’il succombe. » Mais il connaît la lourdeur et l’impertinence de l’animal.

249. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Paul Verlaine et les poètes « symbolistes » & « décadents ». »

Vous ne sauriez imaginer quelle chose bizarre et tourmentée est devenu le XVIIIe siècle, en traversant le cerveau troublé du pauvre poète. […] C’est ma pensée De toute éternité, pauvre âme délaissée, Que tu dusses m’aimer, moi seul qui suis resté. […]                                     — Pauvre âme, c’est cela ! […] Pauvre âme pâle, au moins cette eau du puits glacé, Bois-la. […] C’est étonnant comme les pas de femme Résonnent au cerveau des pauvres malheureux.

250. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

Le monde se montrait à moi médiocre, pauvre en vertu. […] Elle se figurait ma position encore plus difficile qu’elle ne l’était, et, comme, en me gâtant malgré notre pauvreté, elle m’avait rendu très délicat, elle croyait qu’une vie rude et commune ne pourrait jamais m’aller. « Toi, qu’une pauvre petite souris empêchait de dormir, m’écrivait-elle, comment vas-tu faire ? […] Ce pauvre Flaubert ne put jamais comprendre ce que Sainte-Beuve raconte, dans son Port-Royal, de ces solitaires qui passaient leur vie dans la même maison en s’appelant monsieur jusqu’à la mort. […] Ce pauvre Beulé, qui me regardait avec une sorte de curiosité affectueuse mêlée d’étonnement, ne revenait pas que j’en fisse si peu d’usage. […] Malgré de sensibles défauts, malgré l’humilité de son origine, ce fils de paysans et de pauvres marins, couvert du triple ridicule d’échappé de séminaire, de clerc défroqué, de cuistre endurci, on l’a tout d’abord accueilli, écouté, choyé même, uniquement parce qu’on trouvait dans sa voix des accents sincères.

251. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre II. Mme Le Normand »

Pauvre madame de Staël ! […] Pauvre madame de Staël ! […] Oui, un livre, bel et bon, pour le compte de Mme Le Normand, laquelle ajoute à ces pauvres lettres que Mme de Staël a oublié de jeter au feu, une biographie de Mme de Staël que nous y jetterons, nous !

252. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Antoine Campaux » pp. 301-314

Et même comme écornifleurs, avec l’identité de la même faim, creusant leurs pauvres ventres à tous les deux, il y avait encore une différence notable entre Colletet et Villon, L’un nettoyait modestement les assiettes, et l’autre les cassait, quand il ne les prenait pas ! […] Et vraiment, si l’imagination humaine est ainsi faite que, dans les poèmes de lord Byron, par exemple, elle pardonne même au crime en faveur d’un noble sentiment que l’âme a gardé dans sa pureté première, si la fidélité de Conrad le Corsaire est plus belle enchâssée dans cette vie de bandit, comme un diamant qui rayonnerait mieux dans une monture noire, cette fidélité dans l‘amour qu’il avait, lui aussi, profitera au pauvre Villon. […] comme dirait Shakespeare. — Vieux, fripé, le tabard en loques, le nez tuberculeux, c’est un de ces Pauvres sublimes, types immortels des misères méritées, que Callot campe sur des béquilles avec des tournures qu’il est impossible d’oublier !

253. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le comte de Fersen et la cour de France »

C’est la patience de ce pauvre rouleur du rocher de Sisyphe, qui roule sa pierre, et qui recommence éternellement, avec cette misérable pierre retombant toujours ! […] Quand cette philosophie incrédule avait faussé des têtes de la force de celles de Frédéric de Prusse et de Catherine II, que pouvait-elle faire de la pauvre cervelle des médiocrités qui menaient le monde ? […] Et ailleurs : « La conduite imbécille des princes leur a toujours fait repousser les gens utiles et accepter les inutiles. » Pauvre Fersen !

254. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « X. Doudan »

C’est bien plus vrai de certains esprits que de Catherine II, qui aurait été très attrapée si elle n’avait eu que cet empire-là… Doudan était justement de ces esprits qui ont leur empire dans leur front, et qui sont pauvres, excepté de cela. […] Pour mon compte, je sais bien tout ce que ce pauvre Doudan y a grippé. […] IV Et ils n’y ont vu que du feu, ces pauvres diables d’Académie.

255. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

Elle aime le Pauvre âpre et franc Ou timide. Elle est la faucille Dans le blé mûr pour le pain blanc Du Pauvre et la sainte Cécile Et la Muse rauque et gracile Du Pauvre, et son ange gardien, À ce simple, à cet indocile. […] Et je vous prie de croire que ce pauvre empereur n’était guère plus ménagé dans ses mœurs qu’à propos de toutes autres choses par le disciple que par le maître. […] J’en connais même des vers, et non des moins intéressants, que mon pauvre ami m’avait communiqués verbalement, en grande quantité, grâce à sa prodigieuse mémoire. […] Pauvre grand Baudelaire, d’ailleurs si méconnu, si inconnu !

256. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

… Roi par le dévouement de la pauvre comédienne ! […] la pauvre petite femme ! […] Le pauvre petit Fondette tué par hasard au lieu de Birac ? […] Et le grand-père, indigné, met le pauvre Jacquemin à la porte. […] Le seul tort du pauvre Pierre, c’est qu’il vient trop tard.

257. (1913) Le mouvement littéraire belge d’expression française depuis 1880 pp. 6-333

Elle fait son pauvre métier ainsi qu’une autre danserait. […] Le pauvre cœur de François Remy, comme il est aimant, irrésolu, meurtri ! […] J’aime surtout ces six chansons de pauvre homme. […] Les pauvres marionnettes, effarouchées, inquiètes et gauches, les pauvres et tendres marionnettes, touchantes infiniment dans leur candeur timorée ! […] Épuisé. — La Chanson du pauvre.

258. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

nous sommes en style d’atelier, il faut en prendre son parti) que les jours précédents, grâce à un nouveau venu auquel j’ai donné l’hospitalité : c’est un pauvre pinson que les autans nous ont apporté. […] Les lions, les hyènes et les chacals se chargeaient de la musique et se disputaient dans l’ombre les mules et les chevaux que nous laissions derrière nous sur la route ; car, ma chère amie, tu ne peux te faire une idée de la quantité de ces pauvres animaux qu’on abandonne, faute de pouvoir les nourrir. […] Aussi nos pauvres soldats mouraient-ils comme des mouches. […] Représente-toi, sur un monceau de plus de cent cadavres de femmes et d’enfants, que les Kabyles dépouillaient ou achevaient lorsqu’ils respiraient encore, un sergent et un soldat du 17e leur disputant, les armes à la main, un pauvre petit être de quatre ans, encore attaché au corps de sa mère morte. […] Il me rappelle toujours ce mot de Saint-Arnaud, un homme du même jet et de la même sève : « Ma pauvre compagnie, si belle il y a deux mois, s’écriait le maréchal encore simple capitaine, cent dix brillantes baïonnettes bien pointues, bien agiles !

259. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

Pauvre, timide et fier, et à vingt ans, on est aisément pour les doctrines ardentes qui promettent le bouleversement du présent et la remise en question de l’avenir, de même qu’à cinquante ans, établi, rassis, ayant épuisé les passions, et raisonnant plus ou moins à son aise sur les vicissitudes diverses, on est naturellement pour un statu quo plus sage. […] Vieux vagabond qui tends la main,     Enfant pauvre et sans mère, Puissiez-vous trouver en chemin     La ferme et la fermière ! De l’escabeau vide au foyer     Là le pauvre s’empare, Et le grand bahut de noyer     Pour lui n’est point avare ; C’est là qu’un jour je vins m’asseoir,     Les pieds blancs de poussière ; Un jour… puis en marche ! […] C’est ainsi que, dans une autre pièce, représentant l’entrée du Tasse à Rome au milieu d’une pluie de couronnes et de fleurs, il dira : Le pauvre fou sentit, dans la ville papale, Une douche de fleurs inonder son front pâle. […] Enfant, j’ai bien souvent, à l’ombre des buissons, Dans le langage humain traduit ces vagues sons ; Pauvre écolier rêveur et qu’on disait sauvage, Quand j’émiettais mon pain à l’oiseau du rivage, L’onde semblait me dire : « Espère !

260. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Le Prince » pp. 206-220

Si cela n’est pas, l’artiste est faux ; si cela est, il n’y a donc point de pauvres ; s’il n’y a point de pauvres, et que les conditions les plus basses de la vie y soient aisées et heureuses, que manque-t-il à ce gouvernement ? […] Ceux du côté du Gros-Caillou étaient des brigands ; ceux du côté de Chaillot, les uns étaient de bonnes gens qui cultivaient la terre, d’autres des paresseux qui vivaient aux dépens de leurs voisins ; mais de temps en temps les brigands de l’autre rive passaient la rivière à la nage et en bateaux, tombaient sur nos pauvres agriculteurs, enlevaient leurs femmes, leurs enfans, leurs bestiaux, les troublaient dans leurs travaux et fesaient souvent la récolte pour eux. […] Sur le fond, entre ces deux femmes, deux esclaves froides et pauvres. […] Substituez aux figures de Le Prince des français ajustés à la mode de leur pays, et vous verrez combien les mêmes tableaux exécutés de la même manière perdront de leur prix, n’étant plus soutenus par des détails, des accessoires aussi favorables à l’artiste et à l’art. à la jolie petite femme du concert substituez une de nos élégantes avec ses rubans, ses pompons, ses falbalas, sa coëffure ; et vous verrez le Bel effet que cela produira, combien ce tableau deviendra pauvre et de petite manière.

261. (1868) Curiosités esthétiques « VII. Quelques caricaturistes français » pp. 389-419

Ils circonviennent la pauvre enfant, lui disent à l’oreille des câlineries ou des saletés, et la poussent doucement vers l’étroit corridor. […] Ce n’est pas précisément de la caricature, c’est de l’histoire, de la triviale et terrible réalité. — Dans une chambre pauvre et triste, la chambre traditionnelle du prolétaire, aux meubles banals et indispensables, le corps d’un ouvrier nu, en chemise et en bonnet de coton, gît sur le dos, tout de son long, les jambes et les bras écartés. […] Dans le fond, se profilent tristement deux ou trois petits corbillards attelés de haridelles comiques, et, au milieu de ce forum de la désolation, un pauvre chien désorienté, sans but et sans pensée, maigre jusqu’aux os, flaire le pavé desséché, la queue serrée entre les jambes. […] Il me reste à parler de Trimolet, de Traviès et de Jacque. — Trimolet fut une destinée mélancolique ; on ne se douterait guère, à voir la bouffonnerie gracieuse et enfantine qui souffle à travers ses compositions, que tant de douleurs graves et de chagrins cuisants aient assailli sa pauvre vie. […] Quoi qu’en dise la race des optimistes qui, selon Désaugiers, se laissent quelquefois choir après boire, au risque d’écraser un pauvre homme qui n’a pas dîné, il y a des génies qui ont passé de ces nuits-là !

262. (1874) Premiers lundis. Tome II « La Comtesse Merlin. Souvenirs d’un créole. »

La fuite de chez la tante, la mystification du bon moine Fray Matéo qui ne peut courir après l’espiègle fugitive, sont gaiement contées, et la rencontre de la pauvre négresse qui pleure sur son enfant mort termine cette folle aventure en sensibilité naturelle et touchante. La pauvre mère ne sait que montrer la terre qui recouvre son enfant et s’écrier en son idiome natal, Alkanaa, Alkanaa !

263. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre VII. Suite du précédent. — Paul et Virginie. »

De même, quand l’écho me fait entendre les airs que tu joues sur ta flûte, j’en répète les paroles au fond de ce vallon… …………………………………………………………………………………………… Je prie Dieu tous les jours pour ma mère, pour la tienne, pour toi, pour nos pauvres serviteurs ; mais quand je prononce ton nom, il me semble que ma dévotion augmente. […] On reconnaît encore le chrétien dans ces préceptes de résignation à la volonté de Dieu, d’obéissance à ses parents, de charité envers les pauvres ; en un mot, dans cette douce théologie que respire le poème de Bernardin de Saint-Pierre.

264. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Restout » pp. 187-190

Ce Pluton et cette Proserpine sont pauvres ; d’accord. […] Si c’est là le rôle d’un souverain en pareil cas, les souverains sont de pauvres amoureux.

265. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Encore au quinzième siècle104 plusieurs de ces pauvres gens s’emploient à cette besogne ; le français est le langage de la cour, c’est de cette langue qu’est venue toute poésie, toute élégance ; on n’est qu’un pataud tant qu’on est inhabile à la manier. […] Peu à peu ils voient se rapprocher d’eux les simples chevaliers, leurs collègues à la cour du comté, trop pauvres pour assister avec les grands barons aux assemblées royales. […] En effet, c’est le héros national : Saxon d’abord, et armé en guerre contre les gens de loi, « contre les évêques et archevêques », dont les juridictions sont si pesantes ; généreux de plus, et donnant à un pauvre chevalier ruiné des habits, un cheval et de l’argent pour racheter sa terre engagée à un abbé rapace ; compatissant d’ailleurs et bon envers le pauvre monde, recommandant à ses gens de ne pas faire de mal aux yeomen ni aux laboureurs ; mais par-dessus tout hasardeux, hardi, fier, allant tirer de l’arc sous les yeux du shérif et à sa barbe, et prompt aux coups, soit pour les embourser, soit pour les rendre. […] Aussi y a-t-il plus d’hommes pendus en Angleterre en un an pour vol à main armée et pour meurtre, qu’il y en a de pendus en France pour la même espèce de crime en sept ans… Si l’Anglais est pauvre et voit un autre homme ayant des richesses qu’on puisse lui prendre par force, il ne manquera pas de le faire, à moins qu’il ne soit lui-même tout à fait honnête150. » Ceci jette un jour subit et terrible sur l’état violent de cette société armée où les coups de main sont journaliers, et où chacun riche ou pauvre, vit la main sur la garde de son épée. […] Ils ne portent point de laine, hormis un pauvre gilet sous leur vêtement de dessus, qui est fait de grosse toile et qu’ils appellent une blouse.

266. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

De là procès à ce pauvre A…, tout surpris. […] » Et je déclamais, et mes pauvres infirmières eurent toutes les peines du monde à me recoucher. […] Car les fleurs se fanent devant elle : voyez, la lumière meurt sur cette pauvre joue et la laisse pâle. […] Pauvre « photo » ! […] Quant à Vermersch qu’on accusait d’être « un chef », j’atteste qu’il était très pauvre, le plus pauvre peut-être de toute la proscription de Mai, et que sa veuve, au témoignage de son beau-père, qui me l’écrit, voyage, pour vivre, « avec une famille riche ».

267. (1888) Impressions de théâtre. Première série

Mais voici quelque chose de plus imprévu : la scène du pauvre. […] Et le pauvre Molière est repris. […] Qu’il les conserve tant qu’il y aura des pauvres ! […] Pauvre Froufrou ! […] À peine ce pauvre homme est-il un homme.

268. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Pauvre Jenny ! […] « Pauvre M. de Sacy !  […] Pauvre cher grand homme ! […] Il a trop de parents pauvres, trop d’amis à pourvoir. […] Ce pauvre aigle !

269. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

J’en vois passer un autre, son pauvre mouchoir noué sur la tête, un édredon vert sur les jambes. […] Un pauvre vieil homme prend peur, à côté de moi, sur le pont-levis, et tombe dans le fossé. […] Ça a été abominable, cette pauvre petite poule voletant, un moment, dans le jardin, sans tête. […] Concevez-vous, depuis septembre dernier… » Puis, le monsieur à la pauvre femme, qui a fini de dîner, s’en va. […] Et, le repas vite achevé, la vieille femme court donner à un pauvre la portion de son fils.

270. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Charles Dickens »

Que ce soit encore le confortable, la chaleur resserrée de quelque gai petit logis de pauvre, l’originale maison, par exemple, que le pécheur Peggotty s’est faite dans une vieille barque ensablée à deux pas du long grondement de la mer grise, le style de l’écrivain encore se contourne et se complaît avec des airs de souriante satisfaction. […] Mme Dorrit a suivi son pauvre homme de mari à la prison pour dettes ; elle est sur le point d’accoucher, il lui faut une garde, celle-ci se présente et le discours graphique par lequel elle débute montre tout entière cette singulière personne bavarde, niaisement serviable et toute prête à se consoler la première par ses bonnes paroles. […] Dick de David Copperfield ; Smike, l’idiot de Nicolas Nickleby, qui représentent la bonté des créatures inintelligentes selon le monde, ce pauvre enfant malade de gens riches, le petit Paul de Dombey, qui, avec une âme vieille de moribond, porte à sa sœur un exclusif attachement dont son père est si douloureusement jaloux. […] Né dans une famille de pauvres employés du commissariat de la marine, son père étant le brave homme dépensier, cérémonieux et faible que nous montre M.  […] Le ménage était pauvre et dissipé ; l’enfant n’allait guère à l’école, mais parmi les dernières choses que l’on n’avait ni vendues ni mises en gage, était une petite bibliothèque de romans qu’il lisait avidement, le Tom Jones de Fielding, les œuvres de Smollett, Le Vicaire de Wakefield, Robinson Crusoé, Don Quichotte.

271. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Eugénie de Guérin, Reliquiae, publié par Jules Barbey d’Aurevilly et G.-S. Trébutien, Caen, imprimerie de Hardel, 1855, 1 vol. in-18, imprimé à petit nombre ; ne se vend pas. » pp. 331-247

tenons-nous là, pauvres humains, s’écriait-elle, tenons-nous à l’ancre immuable. […] Ta berceuse est venue, la pauvre femme, toute larmes, et portant gâteaux et figues que tu aurais mangés. […] Je l’avais mise en toi, pauvre frère. » Elle se reproche de chercher des consolations dans les lettres d’amis : Écrit à Louise comme à Marie ; il fait bon écrire à celle-là. […] Il se dispersait avec un détachement injuste, mon pauvre Maurice, n’estimait rien de lui, et il s’en est allé sans jouir d’aucun des dons dont il était si riche.

272. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — I » pp. 1-17

Né sous le beau ciel du Midi, d’une ancienne famille noble et pauvre, Maurice de Guérin, rêveur dès l’enfance, fut tourné de bonne heure vers les idées religieuses et inclina, sans effort, à la pensée de l’état ecclésiastique. Il n’avait pas douze ans lorsque, dans les premiers jours de janvier 1822, il sortait pour la première fois, pauvre oiseau exilé, de ses tourelles du Cayla, et arrivait à Toulouse pour y faire ses études, — je crois, au petit séminaire. […] Les fentes des cloisons et des croisées gémissent comme en janvier, et moi, dans ma pauvre enveloppe je me resserre comme la nature. […] Pauvre Bretagne, tu as bien besoin d’un peu de verdure pour réjouir ta sombre physionomie.

273. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les deux Tartuffe. » pp. 338-363

Le butor qui racontait aux gens l’histoire de ses puces, qui rotait à table et s’empiffrait à en crever, nous apparaît maintenant comme un homme de bonne éducation, comme un gentilhomme pauvre, et qui, même au temps de sa détresse, a conservé un valet. […] « C’est trop, me disait-il, c’est trop de la moitié ; Je ne mérite pas de vous faire pitié » ; Et quand je refusais de le vouloir reprendre, Aux pauvres, à mes yeux, il allait le répandre… Mélange de fierté décente et d’humilité chrétienne, Tartuffe a donc pu apparaître à Orgon bien moins comme un mendiant que comme une façon de bon Monsieur de la Société de Saint-Vincent-de-Paul (excusez cet anachronisme), intermédiaire de bonne volonté entre les personnes pieuses et les pauvres. […] et combien j’ai peur que, tout au contraire, cette inaptitude à considérer les aspects divers des choses n’entraîne l’incapacité de se connaître soi-même et de voir sa pauvre vie comme elle est, et toutes les tristes suites de l’aveuglement sur soi !

274. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie Stuart, par M. Mignet. (2 vol. in-8º. — Paulin, 1851.) » pp. 409-426

Nous voilà loin du roux, et je ne vois de moyen de tout concilier que d’en passer par ces cheveux « si beaux, si blonds et cendrés » qu’admirait Brantôme, témoin très oculaire ; cheveux que la captivité devait blanchir, et qui laisseront apparaître, à l’heure de la mort et aux mains du bourreau, cette pauvre reine de quarante-cinq ans « toute chenue », comme dit L’Estoile. […] Quant aux autres fautes, aux fautes morales de la pauvre Marie Stuart, elles sont bien connues et aussi démontrées aujourd’hui que fautes de ce genre peuvent l’être. […] Le pauvre Chastellard eut la tête tranchée ; il mourut en récitant, dit-on, un hymne de Ronsard, et en s’écriant tout haut : « Ô cruelle Dame ! […] Dans les préparatifs de cet horrible guet-apens, elle lui marquait plus d’une fois sa répugnance à tromper ce pauvre malade crédule qui se confiait en elle : Si ne m’éjouirai-je jamais, disait-elle, à tromper celui qui se fie en moi.

275. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Les Gaietés champêtres, par M. Jules Janin. » pp. 23-39

C’est une idylle rustique empruntée à la vie réelle, et peut-être imitée des Grecs, dans laquelle le poète nous représente un pauvre laboureur se levant avant l’aube et préparant avec peine, avant de se rendre à l’ouvrage, son mets frugal composé d’ail et d’autres ingrédients : c’est ce mets qui avait nom Moretum. […] Bientôt, sous le souffle ardent du bonhomme, se réveille une flamme oubliée et qui suffit à rallumer la lampe, ranimée elle-même par un peu d’huile que lui verse une main avare ; la faible clarté remplit à peine un coin obscur de cette masure. — Allons, au travail, mon pauvre Hilaire ! […] On sait que, dans la pastorale de Daphnis et Chloé, à un certain jour les gens de Méthymne déclarent la guerre à ceux de Mytilène, et un capitaine de navire s’empare de la pauvre enfant Chloé et de son troupeau. […] Et pourtant je ne veux pas te maudire, mon pauvre enfant : ton esprit était bon, ton cœur était sans fiel ; tu as été affable comme moi, amoureux plus que moi ; tu n’as jamais aimé la vengeance, et le pardon s’est rencontré toujours dans ton sourire et dans tes yeux.

276. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) «  Poésies inédites de Mme Desbordes-Valmore  » pp. 405-416

…     Une fois dans ma vie, Fierté, j’ai mieux aimé mon pauvre cœur que toi :     Tue, ou pardonne-moi ! […] …     Une fois dans ma vie, Fierté, j’ai mieux aimé mon pauvre cœur que toi :     Tue, ou pardonne-moi ! […] La seconde fille de Mme Desbordes-Valmore, poète également si l’on peut appeler de ce nom la sensibilité elle-même, avait plutôt en elle la faculté de souffrir de sa mère, cette faculté isolée, développée encore et aiguisée à un degré effrayant ; pauvre enfant inquiet, irritable, malade sans cause visible, elle se consumait, elle se mourait lentement, et par cela seul qu’elle se croyait moins regardée et favorisée, moins aimée ; devenue l’objet d’une sollicitude continuelle et sans partage (car elle était restée seule au nid maternel), rien ne pouvait la rassurer ni apprivoiser sa crainte, et la plus tendre chanson de sa mère ne faisait que bercer son tourment sans jamais réussir à l’apaiser ni à l’endormir : Inès Je ne dis rien de toi, toi la plus enfermée.

277. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre IV »

. — Il ne reste donc pour la milice que les plus pauvres, et ce n’est pas de bon cœur qu’ils y entrent. […] L’embaucheur, payé à tant par homme qu’il recrute et à tant par pouce de taille au-dessus de cinq pieds, « tient ses assises dans un cabaret, régale » et fait l’article : « Mes amis, la soupe, l’entrée, le rôti, la salade, voilà l’ordinaire du régiment » ; rien de plus, je ne vous trompe pas, le pâté et le vin d’Arbois sont l’extraordinaire787. » Il fait boire, il paye le vin, au besoin il cède sa maîtresse : « après quelques jours de débauche, le jeune libertin qui n’a pas de quoi s’acquitter est obligé de se vendre, et l’ouvrier, transformé en soldat, va faire l’exercice sous le bâton ». — Étranges recrues pour garder une société, toutes choisies dans la classe qui l’attaque, paysans foulés, vagabonds emprisonnés, gens déclassés, ; endettés, désespérés, pauvres diables aisément tentés et de cervelle chaude, qui, selon les circonstances, deviennent tantôt des révoltés et tantôt des soldats. […] Par exemple, près de Liancourt, le duc de la Rochefoucauld avait un terrain inculte ; « dès le commencement de la Révolution800, les pauvres de la ville déclarent que, puisqu’ils font partie de la nation, les terrains incultes, propriété de la nation, leur appartiennent », et tout de suite, « sans autre formalité », ils entrent en possession, se partagent le sol, plantent des haies et défrichent. « Ceci, dit Arthur Young, montre l’esprit général… Poussées un peu loin, les conséquences ne seraient pas petites pour la propriété dans ce royaume. » Déjà, l’année précédente, auprès de Rouen, les maraudeurs, qui abattaient et vendaient les forêts, disaient que « le peuple a le droit de prendre tout ce qui est nécessaire à ses besoins »  On leur a prêché qu’ils sont souverains, et ils agissent en souverains.

278. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre II. Filles à soldats »

Cette intelligence valétudinaire, préoccupée uniquement de ses petits malaises et des petits plaisirs paradoxaux que lui procurera son mal, est exactement, dans sa sécheresse, dans l’étriqué de ses gestes courts, pauvres, rapaces et frileux, le contraire de la large et généreuse intelligence créatrice. […] Eugène Réal, qu’ils chargent plus particulièrement d’exprimer leurs opinions, est un pauvre garçon flottant : tantôt il condamne la guerre, « vaste et criminel assassinat » ; tantôt il s’affirme qu’il fait, en assassinant, « son devoir de soldat, de Français ». […] Mais il leur arrive aussi, pauvres fils de soldat, d’écrire des énormités telles : « Comme aux tirs de foires autrefois, sur le mail, avec un plaisir d’enfant, fouetté d’un âpre vertige, il charge, épaule, tire.

279. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre X. Mme A. Craven »

Eugénie de Guérin, qui fit le miracle posthume de plaire à Villemain, ce sec qui s’humecta pour elle, fut aussi couronnée par l’Académie, mais elle était morte, la pauvre fille ! […] Le Mot de l’énigme qu’on cherchera, sans le trouver, car il n’y a dans le livre de Mme Craven ni énigme, ni mot (il n’y a que des mots, à moins que ce mot de l’énigme ne soit pourtant de se faire dévote, lorsque votre mari vous trompe), le Mot de l’énigme est un roman de la même pauvre inspiration ou du même parti pris que Fleurange. […] Les romans de Mme Craven ne sont point destinés à vivre, tandis que le Récit d’une sœur est destiné à ne pas périr… La vérité, qu’elle n’a pas faite, est plus puissante et plus durable que les pauvres fictions qu’elle a inventées… Mme Craven a trouvé presque la gloire sans la chercher, le jour où elle a rassemblé des souvenirs qui méritaient d’être immortels ; mais à présent qu’elle la cherche opiniâtrement et dans des voies où la vanité littéraire la promène, elle ne la trouvera plus.

280. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Louis XVI et sa cour »

Il ne sied guères qu’à ceux qui l’ont tué ou à ceux qui partagent leur opinion terrible de se donner, en parlant de lui, les airs d’une pitié généreuse et dédire le mot accablant qui sera le mot de l’Histoire : « Pauvre, pauvre roi !  […] Pauvre roi, qui mettait son énergie dans ses mains à l’heure où la puissance appartenait aux idées, et qui savait si mal le prix du temps qu’il dérobait à sa fonction !

281. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Si j’avais une fille à marier ! » pp. 215-228

Il a cru que dans le mystère, le mystère profond de la vie, une question d’éducation pouvait toujours résoudre une question de destinée : ce qui rendrait la vie aussi plane en réalité qu’elle est hérissée de complications formidables ; et alors, moraliste appliqué exclusivement à la femme, il est devenu le Chesterfield de mademoiselle sa fille, et il l’a formée pour un mari dans une suite de chapitres où il parle à la seconde personne, et qui ressemblent à des lettres, absolument comme le lord anglais, plus superficiel, formait pour le monde et la politique son gentilhomme de fils qui, je crois, aurait été un assez pauvre diplomate, et, à ce qu’il paraît, a eu toute sa vie assez mauvais ton ! […] Nous parlions récemment de ce pauvre petit bon diable de docteur Feuchsterleben, ce divertissant médecin d’Allemagne qui enseigne qu’avec l’Apollon du Belvédère et de la musique on peut guérir de tout, comme avec un air de violon on guérit de la tarentule. […] Ainsi la vierge qui se consacre au service des pauvres et se fiance à Dieu n’est pas de son ressort paternel, et ne lui semble pas, comme la femme mariée à un être de son espèce, « la véritable prêtresse de l’amour (encore textuel) ».

282. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVII. Mémoires du duc de Luynes, publiés par MM. Dussieux et Soulier » pp. 355-368

Pour en revenir à Saint-Simon, le pauvre homme, qui était un diable d’homme, voulait être ministre. […] Ce n’est pas certainement au profit de ce pauvre duc de Luynes qui veut être un Dangeau et qui rate, ni à celui de son descendant, M. le duc de Luynes actuel, le patron de MM.  […] … ce que c’était que draper, — que jeter l’eau bénite, — que souper dans les petits appartements, etc., etc., et à mettre péniblement, en faisant d’effroyables efforts de mémoire, des noms propres et des dates à toutes ces pauvres notions.

283. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Maynard »

Depuis qu’il existe, il a toujours préféré à tout les facultés altières de l’esprit, les brutalités de sa force et la profondeur de ses perfidies… Mais lui démontrer, à propos de ce merveilleux et pauvre prêtre, — saint Vincent de Paul, — que Renan, ce rude connaisseur, ne trouvait ni imposant ni poétique, et dont il faisait tout au plus un saint bonhomme ; lui démontrer que ce saint bonhomme pouvait avoir dans la tête, à la même place précisément que Richelieu ou Napoléon, un génie égal ou supérieur au génie des plus fiers, des plus impérieux, ou même des plus mauvais qui aient mené un jour les hommes et dompté les choses, ne vous y trompez pas ! […] L’abbé Maynard n’a pas manqué de nous rappeler mille traits charmants de saint Vincent, de ce pauvre paysan des Landes, qui avait été berger dans son enfance, et que tout semblait avoir prédestiné à l’humilité la plus complète qu’on ait vue jamais parmi les hommes. […] » Saint Vincent de Paul est le saint qui a baisé avec le plus ardent respect les haillons, splendides pour lui, de la misère, et mis plus bas une tête illuminée de pensées angéliques, de prévoyances, de génie et de plans célestes, aux pieds des pauvres, qui, le croira-t-on ?

284. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gustave Rousselot  »

On a de lui des vers adorablement touchants, où il dit de son génie « mon pauvre génie !  […] Cela donne à penser que dans ce pauvre temps de débilitation universelle la race des poètes n’est pas encore perdue, et que Gustave Rousselot est peut-être du bois dont se font ces flûtes enchantées. […] … Tout est bon ; tout est beau… La pauvre race humaine A force de pleurer son âme sur sa chaîne L’a dissoute au sel de ses pleurs… l’enivré d’espoir impossible qui s’écrie : C’est ainsi qu’écartant la vieillesse et l’enfance Nous referons la vie… et, grisé de jouvence, Le monde aura toujours vingt ans !

285. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Madame Sand et Paul de Musset » pp. 63-77

… Ou bien serait-ce ce pauvre Alfred de Musset, répondant par son frère (car c’est bien lui qui répond) à un livre affreusement mijoté contre lui pendant vingt-cinq ans, pour empoisonner sa mémoire ? […] Laurent, c’est le pauvre héros d’Elle et Lui. […] seulement deux lignes plus bas, ce pauvre cerveau chancelant, que les critiques galantins de ce temps appellent une tête forte, écrit, de sa plume titubante de femme littéraire : « L’exercice de la vie est le combat éternel contre soi », et elle ne s’aperçoit pas qu’elle est en pleine contradiction avec elle-même !

286. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Deux romans scandaleux » pp. 239-251

… Ou bien serait-ce ce pauvre Alfred de Musset, répondant par son frère (car c’est lui qui répond) à un livre, dit-on affreusement mijoté contre lui depuis vingt-cinq ans, pour empoisonner sa mémoire. […] Laurent, c’est le pauvre héros d’Elle et Lui. […] Deux lignes plus bas que celles dans lesquelles Thérèse se donne et qu’il ne faut pas se lasser de citer : « J’ai été coupable envers toi, et n’ayant pas eu la prudence égoïste de te fuir, il vaut mieux que je sois coupable envers moi-même », oui, seulement deux lignes plus bas, ce pauvre cerveau chancelant, que les critiques galantins de ce temps appellent une tête forte, écrit de sa plume titubante de femme littéraire, « l’exercice de la vie est le combat éternel contre soi », et elle ne s’aperçoit pas qu’elle est en pleine contradiction avec elle-même !

287. (1904) Le collier des jours. Souvenirs de ma vie

… Avec quel respect, mêlé de terreur, ma pauvre nounou prononçait ce mot ! […] Pauvre nounou elle dut s’arrêter bientôt pour pleurer. […] En effet, la pauvre Nini ne sut jamais lire. […] Comme c’était drôle et comme il rageait, le pauvre professeur ! […] Pauvre père Damon !

288. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XVI » pp. 64-69

— L'État, journal quotidien, par Charles Didier, paraît : c’est pauvre et creux et sans avenir… — Une chose piquante ! […] C'est ainsi que tout passe et que tout change, et qu’après soixante ans d’une vie honorable et constante, ce pauvre Athénée, tombé en enfance, s’en va avant peu de mois mourir.

289. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « PAUL HUET, Diorama Montesquieu. » pp. 243-248

L’homme ne joue guère de rôle dans cette manière d’envisager les lieux et de les reproduire : le groupe d’usage n’y est pas ; la pastorale et l’élégie y sont sacrifiées ; point de ronde arcadienne autour d’un tombeau ; point de couples épars et de nymphes folâires et d’amours rebondis ; point de kermesse rustique, de concert en plein air ou de dîner sur l’herbette ; pas même de romance touchante, ni de chien du pauvre, ni de veuve du soldat : c’est la nature que le peintre embrasse et saisit ; c’est le symbole confus de ces arbres déjà rouillés par l’automne, de ces marais verdâtres et dormants, de ces collines qui froncent leurs plis à l’horizon, de ce ciel déchiré et nuageux, c’est l’harmonie de toutes ces couleurs et le sens flottant de cette pensée universelle qu’il interroge et qu’il traduit par son pinceau. […] Hoffmann, en son admirable conte de l’Église des Jésuites, à l’endroit où le peintre Berthold, ce pauvre génie incomplet, s’épuise dans ses paysages à copier textuellement la nature, introduit à son côté un petit Maltais ironique, espèce de Méphistophélès de l’art, qui lui frappe sur l’épaule et lui donne de merveilleux conseils : on dirait que M.

290. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Appendice. Note concernant M. Laurent-Pichat, et Hégésippe Moreau. (Se rapporte à la page 395.) » pp. 541-544

Hégésippe Moreau est mort pauvre, à l’hôpital ; poète de sensibilité et de talent, il intéresse par ses écrits et par son malheur. […] Le génie de Moreau était sain et vigoureux ; il ne l’avait emprunté nulle part ; le pauvre enfant avait eu à peine le temps de lire.

291. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre ix »

Il n’était si pauvre famille qui n’eût envoyé à son soldat, fils, mari, parent, quelque victuaille. […] Un secteur avec ses tranchées et ses cagnas ressemble beaucoup à ces petits réduits qu’étaient les premières communautés, groupées dans les catacombes, dans un pauvre faubourg, et dont les fidèles, plus unis que des frères, vivaient de la même foi et des mêmes espérances.

292. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

La pauvre petite est déjà assez malheureuse d’être obligée de se fourrer du latin dans la tête. […] — Mais c’est vous qui êtes fou, mon pauvre docteur ! […] Le bourgeois, si abhorré, et qui n’est que le pauvre ou le descendant de pauvre enrichi, paraît infiniment moins prolifique que l’indigent qui, malgré ses inquiétudes, donne le jour à des demi-douzaines d’enfants ; il suffit d’avoir visité les recoins des faubourgs, des communes les plus pauvres, pour être frappé de cette disproportion. […] » Et la pauvre tante restée seule, songe avec un attendrissement blessé : « Pauvre petit méchant ! […] Une seule de ces pommes aurait calmé un peu mon pauvre estomac, et je la demandai à Marbot.

293. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

et tous les orages tombent sur mon pauvre cœur. […] Les pauvres gens ont fait bien vainement une lieue à pied ! […] un pauvre ! […] Nous posons tous devant elles. — Les pauvres créatures, elles te prennent pour un trône, ô Publicité ! […] Vous n’étiez pas un Paria intelligent comme l’est devenu votre pauvre enfant.

294. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

Vous avez daigné honorer notre pauvre village de votre présence ; vous nous avez comblés par là de bonheur pour le reste de nos jours. […] Ma pauvre jument s’enfonçait dans la boue, glissait et bronchait à tout moment ; le forestier marchait en tête, tantôt à droite, tantôt à gauche du brancard, et s’avançait dans l’ombre comme un spectre. […] — Quand ce ne serait que mon pauvre cheval… — dit le paysan ; — laisse-moi au moins mon cheval… c’est tout mon bien… ne me l’enlève pas. […] La curiosité enfantine de ce pauvre jeune homme mourant et abandonné m’émut, je l’avoue, jusqu’aux larmes. […] Le pauvre paysan se troubla, et il se disposait déjà à sortir du cabaret, lorsque la voix retentissante de Diki-Barine se fit entendre.

295. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

Le pauvre barde écoutait peut-être la voix aérienne du Roi Artus, lorsque le char argien l’écrasa. […] Et il s’écriait : « Tel est le pauvre cœur, le pauvre cœur !  […] Pauvre charmante Isabelle ! […] Ma pauvre chère belle, que tu me désoles ! […] C’est alors qu’il se moqua du pauvre Letourneur avec entrain.

296. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

Il y a bientôt des riches et des pauvres. […] le pauvre homme, comme il s’y applique ! […] Pauvre maman ! […] Voilà donc le pauvre Rousseau en fuite. […] Sa mère était pauvre, mais « de condition ».

297. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

C’est ainsi qu’en continuant encore deux ans à recevoir pour d’autres cette subvention individuelle, et grâce au travail, j’espère mourir pauvre, mais probe. […] une vie misérable, un galetas au cinquième et l’hiver, tout se réunissait cette fois contre notre pauvre ami, qui, par caractère encore, n’était que trop disposé à s’exagérer sa situation. […] Il est pauvre, et jusqu’aux livres de son étude, il s’en passe, faute de quoi. […] Vous aviez l’air pauvre, de cette pauvreté fière parce qu’elle est volontaire et ne se laisse ni caresser ni acheter. […] c’est que vos Consolations ne soient pas aussi recherchées du commun des lecteurs que les infortunes si touchantes du pauvre Joseph, qui pourtant ont mis tant et si fort la critique en émoi.

298. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « [Appendice] » pp. 417-422

En vain je soupire et je gronde, Mes destins le veulent ainsi ; Et les prudes de l’autre monde Sont les folles de celui-ci. » Là cette ombre amoureuse et folle Poussa mille soupirs ardents, Se plaignit, pleura quelque temps, Puis en m’adressant la parole : « Pauvre âme, dit-elle, à ton tour. […] « Et puisque les destins terribles La forceront, avec le temps, D’aimer quelques morts insensibles, Qu’elle aime quelque bon vivant. » Après ces mots, cette pauvre ombre Se tut, rêvant à son destin, Et retombant dans son chagrin Reprit son humeur triste et sombre.

299. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame du Hausset, femme de chambre de madame de Pompadour. »

Ce fut là tout son art, toute sa préoccupation ; elle était grande : « Ma vie s’écriait-elle, est comme celle du chrétien, un combat perpétuel. » La petite maréchale de Mirepoix lui disait : « C’est votre escalier que le roi aime, il est habitué à le monter et à le descendre ; mais s’il trouvait une autre femme à qui il parlerait de sa chasse et de ses affaires, cela lui serait égal au « bout de trois jours. » Aussi, quand l’éclat de ses charmes baissa et que l’âge commença de les glacer, quand on en fut réduit aux pauvres expédients, au chocolat à triple vanille et au régime du docteur Quesnay, quand enfin il fallut opter entre des rivales ou des suppléantes, la noble amante n’hésita pas : sa tendresse désintéressée n’en voulait qu’au cœur du roi ; en le conservant, elle lui remit tout le reste ; elle fit mieux, et, dans son abnégation platonique, elle ne dédaigna pas de condescendre aux soins les plus prévoyants et les plus intimes. […] Fille d’un pauvre gentilhomme de province, au lieu, suivant l’usage, d’entrer au couvent, elle entra au service de la maîtresse favorite, et, femme de chambre à la cour, elle y resta simple et j’oserai dire naïve.

300. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 4. Physionomie générale du moyen âge. »

Pauvre et triste temps que cette fin du xe  siècle où se fait entendre à nous la voix grêle qui dit la vie et la mort de saint Léger. […] Si grossières et pauvres que soient les formes où se réalise actuellement cette conception morale, il suffit qu’elle existe pour en faire émaner une lueur de noblesse et de beauté.

301. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rollinat, Maurice (1846-1903) »

Il eut aussi de l’amitié pour une certaine demoiselle squelette, et pour une pauvre buveuse « d’absinthe » qui était toujours « enceinte ». […] La musique avec laquelle il interprète la Mort des pauvres, la Cloche fêlée, le Flambeau vivant, l’idéal, de ce grand Baudelaire que je vis mourir, n’appartient assurément à aucune école « conservatoiresque », dit-il lui-même en son langage singulièrement imagé.

302. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

Comment se fait-il qu’un peuple souvent ingrat, toujours oublieux, se fasse de soi-même l’exécuteur testamentaire d’un de ses plus pauvres citoyens perdus dans la foule ? Comment se fait-il que ce peuple proclame ce pauvre citoyen parent de tout le monde, père de la patrie, cendre nationale ? […] Un petit volume enlacé de deux ou trois feuilles de laurier de famille est le seul trophée de leur pauvre cercueil. […] Je veux rester pauvre pour rester plus grand que vous par l’abnégation de vos richesses. […] Il dit, dans deux de ses chansons, qu’il est né en pleine roture ; il y parle cinq ou six fois de son grand-père le pauvre tailleur d’habits de la rue Montorgueil ; il prend pour armoiries les ciseaux et l’aiguille de cet honnête artisan de Paris.

303. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIVe entretien. Épopée. Homère. — L’Odyssée » pp. 445-524

Elle faisait une courte lecture de piété appropriée à l’intelligence et à la condition de cette famille : c’était le plus souvent un petit épisode tout rural et tout pastoral de la Bible, suivi d’un petit commentaire qui faisait sentir à ces pauvres gens la similitude de leur vie à la vie des patriarches aimés de Dieu, puis une courte prière pour bénir le jour et le lendemain. […] À ce geste Ménélas reconnaît le fils d’Ulysse. » — « N’est-ce pas, nous dit notre mère, le geste de la pauvre orpheline du village à qui je demandais, l’autre jour, des nouvelles de sa mère dont j’ignorais la mort ? […] Mais suivez-moi, venez dans ma cabane, ô pauvre vieillard ! […] Ainsi le sage Eumée conduit à la ville son roi, qui s’appuyait sur un bâton comme un pauvre vieux mendiant, ses membres couverts de livides haillons. […] Cependant vos traits et votre stature ne sont point d’un pauvre esclave ; au contraire, vous avez l’apparence d’un roi ; vous ressemblez à l’homme riche qui, lorsqu’il s’est baigné, qu’il a mangé, se repose paresseusement dans son jardin.

304. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) » pp. 305-364

Jean Valjean est un voleur bien intentionné d’abord, puis un récidiviste bien conditionné, et bien près d’être un assassin, quand il répond à l’hospitalité confiante de l’évêque, son hôte, son sauveur et son bienfaiteur, par le vol domestique et par la forte tentation de l’égorger pendant son sommeil, et quand il met le pied sur la pièce de quarante sous du pauvre enfant son guide, en fermant le poing pour l’assommer. Les Thénardier sont des vampires humains suçant le sang des morts et des blessés sur le champ de bataille, volant un enfant à la pauvre mère Fantine, volant leurs propres hôtes, volant ou cherchant à voler les trésors qu’ils n’ont pas enterrés, cherchant à voler Marius par le chantage de la dénonciation, et s’en allant avec le prix de leurs crimes voler en Amérique, parce que le terrain du vol leur manque en Europe. […] Dans tout cela, je vois bien l’écume ou la lie d’une société qui fermente, mais de vrais misérables sans cause, je n’en vois point, excepté les pauvres filles et les petits enfants de Thénardier couchés, par la charité d’un jeune bandit des rues, dans la voûte de l’éléphant de la Bastille. […] On la lui refuse ; il fait susciter, par un avoué complaisant de la ville voisine, un mauvais procès de dépossession aux pauvres gens, possesseurs de la chaumière, de quelques champs limitrophes et de quelques châtaigniers dont ils vivent. […] Secondement, ce même Valjean devient parfaitement digne des galères par le vol, dépourvu de toutes circonstances atténuantes, de l’argenterie de l’évêque, et parfaitement caractérisé d’une vraie perversité aggravante, par l’hésitation entre assassiner ou épargner son sauveur, et parfaitement surchargé d’une criminalité odieuse par le vol de la pièce de quarante sous, à main armée, du pauvre enfant sans force et sans armes !

305. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

Nous sommes des pauvres êtres, de très pauvres êtres. […] Le monde pauvre, le système pauvre, le langage pauvre. […] Ni pour le pauvre, vous m’en faites la preuve. […] Par de pauvres professeurs, je veux dire par des professeurs pauvres de collèges et de lycées. […] Nos pauvres bonnes actions.

306. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre III. Les dieux »

Toutes les fois qu’on lit dans Bossuet les triomphes de Dieu, on pense à ceux du prince ; le paradis qu’il décrit n’est pas fort différent de Versailles ; l’assemblée des élus est une cour où l’on distribue beaucoup de cordons bleus, et l’orateur lui-même, du haut de sa chaire, tonne par les mains de « son grand Dieu », comme l’ambassadeur en Hollande foudroyait les pauvres mynhers de la colère de son roi. — Et remarquez bien que ce dieu monarchique se trouve comme le roi placé entre le despote asiatique et le souverain moderne. […] Il y eut une sorte de jargon grec et latin convenable au même titre qu’une perruque ; on employa Apollon et les Muses comme l’hémistiche et la césure ; on mit en oeuvre l’Amour et les Grâces comme les cédrats confits et les billets doux ; il y eut un dictionnaire mythologique comme un code du savoir-vivre, et les pauvres dieux antiques arrivèrent à cette humiliation extrême de servir de potiches et de paravents. […]          Le pauvre Jupiter se tut.

307. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VII. La littérature française et les étrangers »

Qui ne sait les éternelles lamentations du pauvre abbé Galiani, exilé dans sa patrie, loin de la Chevrette, de Grandval et des vendredis de Mme Necker ? […] Les lettres de la bonne Mme Geoffrin faisaient la consolation du pauvre roi Poniatowski au milieu de la ruine de sa patrie ; et, quand elle alla le voir, cette bonne bourgeoise qui représentait l’esprit français fut reçue comme en triomphe. […] Ce fut une grande époque dans la vie du pauvre Galiani quand Aufresne vint donner des représentations à Naples.

308. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre II. Le dix-neuvième siècle »

maigreur terrible du pauvre corps humain ! […] le grabat des pauvres filles se couvre tout à coup de soie et de dentelles, et c’est là la pire misère ; à côté du malheur il y a le vice, l’un poussant l’autre. […] la pauvre misérable humanité !

309. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre septième. »

C’est après avoir parlé du ciel, qu’il ferme sa porte a ces pauvres gens. […] Elle a d’ailleurs l’inconvénient de retomber dans la moralité de la précédente, qui vaut cent fois mieux ; aussi personne ne parle de Messire Jean Chouart, mais tout le monde sait le nom de la pauvre Perrette. […] Pauvres gens !

310. (1860) Ceci n’est pas un livre « Mosaïque » pp. 147-175

Feydeau : — Pauvre Daniel ! […] — C’est mon père qui m’envoie sa malédiction… — Pauvre garçon ! […] — Sire répond le maire, cette pauvre rivière, obstruée de joncs, aux eaux dormantes comme celles d’un marais, n’est bonne à rien et voudrait bien être bonne à quelque chose.

311. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XV. Mme la Mise de Blocqueville »

Mme la Mise de Blocqueville16 I D’habitude, je ne vais pas volontiers, de ma propre impulsion, aux livres des femmes… Je suis si profondément convaincu de l’impossibilité absolue où elles sont de toucher à un grand nombre de sujets, qu’il faut, de deux choses l’une, pour que ma critique s’en occupe : qu’elles aient, à tort ou à raison, leur place, comme les pauvres enfants de Pascal, au soleil de la littérature, ou l’un de ces mérites qui tranchent tout et classent haut… Mme la marquise de Blocqueville, l’auteur des Soirées de la villa des Jasmins, est-elle dans cette alternative ? […] , doivent servir à mettre au jour nos brumes intérieures… » Drôle de fonction pour l’amitié, mais qui peut devenir dangereuse ; car, dans le livre que voici, on ne voit plus goutte en tous ces brouillards qui sortent d’elle et auxquels ses amis, ses pauvres chers amis, servent, si commodément et avec tant d’abnégation, de soupape ! […] Mais avec ou sans talent, du reste, être un bas-bleu, avoir toutes les affectations du bas-bleu, l’exorbitance insupportable de toutes les prétentions du bas-bleu, l’extravagance de l’orgueil et le pédantisme des connaissances du bas-bleu, entassées, comme des affiquets dans un sac à ouvrage, dans une pauvre mémoire qui en crève ; mais joindre à cet affreux bagage les frivolités de la femme, qui plaisent dans la femme et qui ne sont que des puérilités ridicules dans ce gonflement monstrueux du bas-bleu, voilà le mal !

312. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XX. Mme Gustave Haller »

Elle fait une classe à part. » Mais cette pauvre phrase qui, après avoir affirmé l’amitié entre homme et femme, la nie et en fait une classe à part ; cette phrase peu honorable pour la netteté d’esprit de La Bruyère, — moraliste du reste plus piquant que profond et dont habituellement l’expression pique plus que la pensée, « ne pouvait engendrer rien de bien lucide, dans la tête, qui l’est très peu, de Mme Haller. […] Seulement, un jour, cette amitié consolatrice et sufficiente est, tout à coup, brisée — et je ne dirai pas de quelle sotte manière ; je vous l’épargnerai. — Alors, le pauvre ami, aussi malheureux que le pauvre amant, meurt d’un désespoir, compliqué, il est vrai, d’un fort anévrisme, et c’est ainsi que Mme Gustave Haller prouve du même coup la puissance de l’amitié chez son héros, et chez elle, la puissance de l’invention et de la pensée !

313. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXI. Mme André Léo »

(Pauvre Diderot ! […] Mme André Léo ne se débarrasse jamais entièrement de ce ton d’institutrice, qui apprend ses devoirs et ses droits au pauvre monde, et qui gâte, à toute place, le talent qu’elle aurait peut-être sans cet insupportable ton, La raideur de l’institutrice, — de ce piquet intellectuel qu’on appelle une institutrice, — supprime les mollesses de la femme, qui feraient son génie, comme les rondeurs font sa beauté, et durcit, quand elle l’a, jusqu’au sentiment maternel. […] Le mariage est une loi dont les hommes, pauvres sacrilèges, ont voulu faire une institution… Si j’étais législateur, j’écrirais un seul article dans le code humain, L’Amour OU le mariage étant d’institution divine est nécessairement indissoluble.

314. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Agrippa d’Aubigné »

… Il y a, je ne sais où, un adorable conte d’une bergère qui a trouvé un os de femme qu’elle prend pour un ivoire et qu’elle dole avec son couteau pour voir ce que c’est, quand, tout à coup, voilà que l’os se met à chanter mélodieusement qu’il est celui d’une pauvre femme assassinée. […] Hausse-moy dessus le rang De la pauvre humaine race, Ma chair de ta chair se fasse, Et mon sang de ton pur sang. […] Avoir besoin de ce pauvre rayon d’une date au-dessus de sa tête, n’est-ce pas tout ce qu’on peut dire de pis du génie, qui ne relève pas du temps et qui est absolu comme Dieu ?

315. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Le Sage » pp. 305-321

… II Il était né riche, à ce qu’il paraît, mais, dit la notice, il devint pauvre de bonne heure. […] Le pauvre Le Sage ne se douta jamais de cette magnifique Espagne-là. […] Mais ni Turcaret, qu’on prit longtemps pour un chef-d’œuvre, ni Crispin rival de son maître, ne tirent plus rouler carrosse au pauvre Le Sage que le Gil Blas et Le Diable boiteux.

316. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Edmond About » pp. 91-105

On prend, par exemple, Les Parents pauvres et Les Intimes, et en y ajoutant le perpétuel ricanement de ce personnage d’un des romans de Frédéric Soulié, qui dit, à propos de tout, des choses les plus affreuses ou les plus dégoûtantes : « histoire de rire », on écrit très-bien la Germaine M.  […] Germaine est effectivement, non de trame ou d’événements, mais d’inspiration générale, de caractères, et quelquefois de mise en scène, un mélange et une imitation grossière, turbulente et manquée, des Parents pauvres et des Intimes. […] Le baron Hulot, des Parents pauvres, se retrouve encore dans le duc de La Tour-d’Embleuse.

317. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Paul Féval » pp. 145-158

Il n’eût pas écrit davantage Les Parents pauvres de Balzac (cette gloire), lesquels faillirent bien d’être interrompus dans le journal, qui s’était oublié au point de les accepter, et tant il ennuya messieurs les abonnés, ce chef-d’œuvre ! […] Mais on ne sait pas, on a trop oublié avec quel pauvre vestiaire et quelles loques Le Sage et Beaumarchais, en ceci égaux tous les deux, habillèrent une Espagne de leur invention, laquelle, mystification inénarrable ! […] Exemple, la scène incroyablement nouvelle et d’une bouffonnerie si déchirante, dans laquelle une pauvre femme, contrefaite et méprisée, s’attelle elle-même à une petite voiture de pâtissier, pour charrier à un bal, où elle n’entrera pas, l’homme qu’elle aime sans espoir et qui n’a pas de quoi payer une voiture, par un abominable temps de pluie.

318. (1858) Cours familier de littérature. V « XXXe entretien. La musique de Mozart (2e partie) » pp. 361-440

Sa sœur Nanerl se marie à peu près en même temps à Salzbourg ; son pauvre père reste seul ; Mozart se dévoue à ses vieux jours et l’appelle auprès de lui à Vienne. […] Il est mort récemment, pauvre et oublié, à l’âge de quatre-vingt-dix-sept ans, aux États-Unis, où le flot de ses aventures et de ses malheurs l’avait porté ; il a écrit, dans ses dernières années, des Mémoires dignes de ceux du comte de Grammont. […] Un vieillard mystérieux, qui avait amassé une fortune de cinquante mille ducats en mendiant sur le pont de Venise, remarque la bonne grâce et la charité de d’Aponte envers les pauvres. […] Sa femme, qui était à côté de lui, lui avait apprêté un grand verre de punch, dont l’effet, joint à la fatigue extrême, assoupissait fréquemment le pauvre Mozart. […] si ces deux pauvres enfants étaient avec nous à présent, s’écria-t-il, quelle ne serait pas leur joie et la nôtre ?

319. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

C’est sans doute un lamentable spectacle que celui des souffrances physiques du pauvre. […] Oui, ces pauvres gens seront plus malheureux, quand leurs yeux seront ouverts. […] Croyez-vous donc que ce seront ces pauvres gens qui résoudront le problème ? […] C’est impossible, la chaîne est trop forte : le pape, l’empereur, les rois, les ordres religieux, les universités ; et pour soulever tout cela, un pauvre moine. […] Et, vis-à-vis de tout cela, quelques obscurs savants, pauvres, sans appui dans les masses, Galilée, Descartes.

320. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

L’écrivain en qui était déposée la vertu suprême de donner la vie, d’en reproduire les innombrables formes, de la comprendre totalement dans un immense embrassement d’intelligence, s’est détourné de soi, s’est repris au monde avec lequel il était entré en une plus intime communion qu’il n’appartient d’habitude à un homme, et s’est réduit aux pensées étroites d’un religieux qu’inquiètent seulement la pratique et la prédication d’une doctrine selon les pauvres d’esprit. […] Mêlée de vues bornées chez Lévine et sa femme, de morgue chez Wronsky, d’exaltée amertume chez Anna, de sèche étroitesse chez Karénine, cette bonté élémentaire et comme animale éclate pure cependant et puissante chez ce groupe d’êtres de haut rang, et dans le grave tableau de la mort de Nicolas Lévine, où son frère et la femme de celui-ci viennent simplement et cordialement s’asseoir au chevet de ce pauvre agonisant à côté de la prostituée dont il a fait sa compagne et, plus haute encore et plus belle, quand Anna adultère au su de son mari, et croyant mourir des couches de la fille de son amant joint la main de l’homme pour qui elle s’est perdue à celle de l’homme qu’elle a trahi et induit Karénine à pardonner avec tant de noblesse à son ennemi que le comte Wronski reste troublé de devoir s’incliner devant celui qu’il méprisait. […] Que l’on rapproche ce salut par la simplification de l’esprit et par l’innocence de la vie, de la conversion do Lévine, à ces pauvres paroles d’un paysan, qu’il faut vivre pour autrui ; que l’on relise la série de récits moraux, publiés sous le titre : La Recherche du Bonheur, Les Trois Morts, La Mort d’Ivan Iliitch, La Puissance des Ténèbres, Ivan l’Imbécile, ce sera encore l’humilité d’esprit, la pureté de cœur, la frugalité et la pauvreté que les œuvres de Tolstoï paraîtront recommander et suggérer avec une onction communicative et une insistance ouverte qui sont le fait, non plus d’un artiste, mais d’un prédicant. Et en effet, le penchant à ne représenter de l’homme que ses tendances morales, le désir de ne susciter l’approbation que pour ces inclinaisons presque futures et d’ériger en héros des personnages qui trouvent aux problèmes de la destinée ces pauvres solutions, portent le romancier russe, en dépit de son réalisme et de l’étendue de son observation, à laisser de singulières lacunes dans sa description de l’humanité. […] Il fallait qu’en cette vie, dès ce moment, les hommes devinssent meilleurs et plus heureux, que cela fût facile, simple, instantané ; et le psychologue le plus génial de ce temps, celui dont la large âme a pénétré et recréé toute la multitude des types divers, qui a compris et fixé le plus véridiquement le plus large fragment du spectacle du monde, en est venu ces dernières années à élaborer un pauvre manuel de morale pratique ne contenant que quelques règles, mais telles que le plus religieux des hommes passerait pour fou à tenter de les accomplir, prônées cependant comme tout aisées, praticables sur l’heure, de nature à donner immédiatement le plein bonheur, et se résumant en ce précepte, de ne faire en aucune occasion de mal à qui que ce soit, même pour se défendre des méchants.

321. (1767) Salon de 1767 « Peintures — La Grenée » pp. 90-121

La robbe ou la justice que l’innocence désarme et à qui la prudence applaudit. étoit-il possible d’imaginer rien de plus pauvre, de plus froid, de plus plat ? […] Le commissaire, qui étoit poli, descendit pour recevoir la belle, pauvre et vieille comtesse. […] La quatrième, c’est que rien n’est si mesquin, si pauvre, si maussade, si ingrat que nos vêtements. […] Pauvre, très pauvre chose. […] Rien ne fait grouppe ou masse, ce qui rend cette partie de la scène pauvre, vuide et maigre.

322. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jean Richepin »

Jean Richepin est un écuyer de cirque, ou plutôt un beau saltimbanque — non pas un de ces pauvres merlifiches, hâves, décharnés, lamentables sous leurs paillons dédorés, les épaules étroites, les omoplates perçant le maillot de coton rosâtre étoilé de reprises  mais un vrai roi de Bohême, le torse large, les lèvres rouges, la peau ambrée, les yeux de vieil or, les lourds cheveux noirs cerclés d’or, costumé d’or et de velours, fier, cambré, les biceps roulants, jonglant d’un air inspiré avec des poignards et des boules de métal ; poignards en fer-blanc et boules creuses, mais qui luisent et qui sonnent. […] III Ce qu’il y a d’inspiration sincère dans la Chanson des Gueux, le poète nous le dit lui-même dans sa préface : J’aime mes héros, mes pauvres gueux lamentables, et lamentables à tous les points de vue ; car ce n’est pas seulement leur costume, c’est aussi leur conscience qui est en loques. […] Pauvre garçon ! […] Les Trois matelots de Groix et le Serment sont de beaux poèmes, égaux pour le moins aux Pauvres gens, et où il entre plus d’humanité que M. 

323. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VI. Pour clientèle catholique »

Mais il est de ceux, déjà bien extraordinaires, qui laisseront des pages et je ne sais guère de contemporains capables de nous donner l’équivalent de La Femme Pauvre. […] Barbey d’Aurevilly, écrivain et poseur admirable, noble sans doute, mais plus hautain que noble, et puissant par l’image, et par l’expression trouvée, et par le rythme bruyant et empanaché, et par la verve méprisante, mais dont la pensée est un squelette dont on entend à peine le pauvre cliquettement sous les pourpres triomphales qui le drapent, reproche continuellement lui aussi aux non-catholiques de ne point penser. […] Et la page de La Femme Pauvre qui méprise toute la philosophie allemande, sous prétexte qu’elle est venue depuis Luther, n’est peut-être pas exempte de tout ridicule. […] Huysmans et Léon Daudet, pauvres êtres sans équilibre, ne verraient bientôt contre la folie menaçante d’autre refuge que le catholicisme.

324. (1902) La poésie nouvelle

» Des hallucinations encore et des délires bouleversent sa pauvre âme, en fièvre de sanctification. […] Dernières illuminations de son pauvre cerveau ! […] (Agiter le pauvre être avant de s’en servir !)‌ […] Pauvre moment Que celui où nous savons l’heure.‌ […] L’orgue s’acharne : il ne recrute pour sa fête piteuse, tristes danseurs, que deux pauvres fous et deux folles.‌

325. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Casuistique. » pp. 184-190

Ce meurtre enveloppé, invisible, et qui ne saurait être confondu avec l’infanticide proprement dit, si quelque pauvre servante l’a commis dans un accès de désespoir et de demi-folie et parce qu’elle n’avait à choisir qu’entre cela et être jetée sur le pavé pour y mourir de faim… il ne la faut point absoudre sans doute, mais comme il faut avoir pitié d’elle, et comme il faut se demander quelle part de responsabilité revient, dans son crime, à la dureté de notre état social ! […] (Meurtriers pleins de gentillesse et de fantaisie quelquefois : on m’en a signalé un qui invite de temps en temps une de ses faciles amies à venir le voir « opérer » dans sa clinique, et qui lui offre, pour divertissement, le spectacle des pauvres filles endormies dont il taille les chairs secrètes.)

326. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre IV »

Les pauvres enfants auxquels on a fait croire que les syllabes du mot stère contiennent l’idée de solide ne sont-ils pas tout disposés à comprendre stéréoscope ? […] défendent d’imprimer le mot sou dans une indication de prix, peu de gens se sont encore résignés à appeler ce pauvre sou proscrit autrement que par son nom unique et vénérable.

327. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure »

» Le pauvre battu se montre le plus qu’il peut à la Cour, à la ville, mais personne ne le plaint, et ceux qu’il croyait ses amis lui ont tourné le dos. […] Il y a de bonnes petites anecdotes, des traits philosophiques, en un mot de tout ce qu’il faut pour plaire, et j’ai bien regretté ma pauvre Mme de Mérigniac, qui en était folle. […] Mais, comme nous dit Marais, « le pauvre Fontenelle n’avait-il pas bien affaire d’être mêlé là dedans ? […] Le pauvre père n’a pu désavouer ses enfants, quoique anonymes ; ils lui tendaient leurs petits bras persans, et il leur a sacrifié l’Académie. […] Le pauvre Marais n’y entend plus rien, et ce brusque revirement l’intrigue : « On m’a assuré que le président de Montesquieu est rentré à l’Académie ; je ne sais par quelle porte… Aurait-il désavoué ses enfants ?

328. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville »

Le fait est qu’il faut une loupe pour nous apercevoir en France ; mais, en Amérique, on nous considère avec un télescope ; l’illusion dure encore, bien que nous continuions à être polis comme de pauvres diables, et que nous n’ayons pu encore nous habituer au sans-gêne et aux manières impertinentes des gens de conséquence. […] Les terres qu’ils habitent depuis des siècles leur appartiennent sans doute : personne ne leur refuse ce droit incontestable ; mais ces terres, après tout, ce sont des déserts incultes, des bois, des marais, pauvre propriété vraiment. […] les pauvres Indiens prennent leurs vieux parents dans leurs bras ; les femmes chargent leurs enfants sur leurs épaules ; la nation se met enfin en marche, emportant avec elle ses plus grandes richesses. […] si tu savais, mon pauvre Edouard, quelle fête je me faisais de le revoir ! […] mon pauvre ami, je voulais t’écrire tranquillement ; mais ces cruelles idées sont plus fortes que ma volonté, et je vois à peine ce que j’écris.

/ 2098