Les personnes qui goûtent les Romans, & qui y attachent un grand mérite, trouveront dans les siens bien des qualités propres à les leur rendre intéressans ; il offrent de la légéreté, de la délicatesse, du sentiment, & sont exempts de ce ton odieux de licence, si prodigué par cette sorte d'Esprits qui ont la démangeaison d'écrire, sans autre inspiration que celle du vice.
L'amour patriotique ne s'y fait pas moins sentir que le talent de rendre, avec une sorte d'énergie, les traits les plus frappans de notre Histoire, & qui font le plus d'honneur à la Nation.
Que l'équité les regle, on s'empresse à s'y rendre ; On se plaît à vous voir, on aime à vous entendre, On applaudit aux traits qui vous font respecter ; Mais notre hommage est libre, il faut le mériter.
Les changements survenus dans les évènements rendent nécessaire de rappeler que les Odes II, VI, VII, VIII et XV de ce recueil ont été publiées successivement depuis l’année 1819.
Ceux qui auraient pu nous rendre ce service ont préféré leur gloire particulière à l’intérêt public et mieux aimé avancer la science d’un pas que de tracer les pas qu’elle a faits.
Et nous la rend pareille en un cadre impassible. […] Le plus mauvais service qu’on puisse rendre à une pièce avant son apparition, c’est d’en parler. […] Alors, songez au rendez-vous que je vous donne. […] Mme de Mégée ne se rend pas ce soir à l’invitation de Formont, le mariage est rompu ! […] Grand rendra des services considérables à la Comédie.
Pour eux sans doute ils chercheront à la rendre plus juste et plus convaincante et plus vraie. […] On ne peut la lire tout haut, elle semble sèche, froide et courte, elle ne rend pas un son humain. […] Claude Debussy vint lui rendre une vie sonore. […] Clouard se rend-il compte maintenant de mon effarement devant sa conclusion extatique ? […] Il faut que chaque mot y rende comme un son de bronze, et que plus rien ne flotte entre les mots.
Les snobs ont rendu Botticelli burlesque. […] C’est surtout rendre un très mauvais service à l’auteur à qui l’on veut plaire. […] Le souvenir du Parthénon nous rend indulgents pour la Madeleine. […] Rendez-vous est pris. […] En divulguant leurs procédés, ces maîtres rendirent le métier trop facile aux artisans.
Mais quand l’amitié et les sentiments de la nature seraient sans exigence, quand la religion serait sans fanatisme, on ne pourrait pas encore ranger de telles affections dans la classe des ressources qu’on trouve en soi ; car ces sentiments modifiés rendent cependant encore dépendant du hasard : si vous êtes séparé de l’ami qui vous est cher, si les parents, les enfants, l’époux que le sort vous a donné, ne sont pas dignes de votre amour, le bonheur que ces liens peuvent promettre, n’est plus en votre puissance ; et quant à la religion, ce qui fait la base de ses jouissances, l’intensité de la foi, est un don absolument indépendant de nous ; sans cette ferme croyance, on doit encore reconnaître l’utilité des idées religieuses, mais il n’est au pouvoir de qui que ce soit de s’en donner le bonheur.
Léonce de Lavergne ou Arthur Young ; quand, par exemple, il étudie l’étable et le bétail ; quand il nous fait assister au premier essai de la nouvelle charrue, de l’instrument aratoire moderne qui a contre soi la routine et bien des jaloux ; quand il nous décrit la race des bœufs du mézenc (montagne du pays), qui, au labour, craignent peu de rivaux et qui rendent au maître plus d’un office : Le lait, le trait, la chair, c’est triple bénéfice.
Chaque poème de la Tour d’ivoire est un tableau et pourrait se rendre à la façon de Fragonard et de Watteau.
Remy de Gourmont Les Soliloques du pauvre exigeaient peut-être un peu d’argot, celui qui, familier à tous, est sur la limite de la vraie langue ; pourquoi en avoir rendu la lecture si ardue à qui n’a pas fréquenté les milieux où l’on parle pour n’être pas compris de ces « mess », « flics » ou « cognes » ?
Le sort plein d’injustice, M’ayant enfin rendu Ce reste, un pur supplice ; Je serois plus heureux, si je l’avois perdu.
Son Epître à Racine, celle à M. le Cardinal de Bernis, & la plupart de ses autres Pieces fugitives, annoncent de l’esprit, de l’imagination, & le talent de rendre, d’une maniere naturelle, & de revêtir d’une versification douce & variée, les différentes affections du cœur & de l’esprit.
Rien de plus honorable pour les Lettres que de les voir s’enrichir tous les jours des hommages que s’empressent de leur rendre des hommes qui, dans un autre siecle, auroient été forcés, par état ou par ton, de paroître les dédaigner, & qui auroient cru s’honorer davantage par une ignorance orgueilleuse & grossiere, que par une culture qui ne fait que relever l’éclat de la naissance & des dignités.
& de se livrer à des sarcasmes, qu’une trop grande affectation rend insipides & fatigans.
Il se rendit ensuite en Hollande, & y composa plusieurs Ouvrages, qui paroissent plus inspirés par l’indigence, que par le talent nécessaire pour écrire.
Quoiqu’il regne dans ce Roman un ton de métaphysique contre nature, sur-tout dans une femme, & très-nuisible à l’intérêt ; quoiqu’on y trouve quelques expressions alambiquées ; quoique le dénouement en soit totalement manqué, on ne peut cependant se refuser, en le lisant, au charme séducteur qui en rend la lecture agréable & en fait oublier les defauts.
Doué d’une sensibilité vive & touchante, d’une imagination brillante & féconde, nourri de la lecture des Ecrivains les plus substantiels, il n’a besoin, pour cet effet, que de mettre plus de liaison dans ses idées, communément nobles & élevées, plus de naturel dans son style, souvent énergique & élégant, mais surchargé de figures parasites, de métaphores recherchées, qui le rendent quelquefois emphatique & boursoufflé.
Si cet Auteur n’a pas été heureux dans la partie des Belles-Lettres, il s’est rendu justement recommandable dans la Faculté de Droit, en introduisant dans ses Ecoles la discipline qu’on y observe aujourd’hui.
Ses Comédies sont encore gâtées, pour la plupart, par l’affectation, ou, pour mieux dire, par la singularité de sa maniere de rendre les choses.
M. de Voltaire sur-tout n’y étoit pas ménagé ; c’en fut assez pour le rendre ennemi irréconciliable de l’Auteur.
Ce Plaisir tant regrettable Me répond : Rends graces aux Dieux ; S’ils m’avoient fait plus durable, Ils m’auroient gardé pour eux.
Mais en même temps qu’on se rendra mieux compte de la circonstance et du tour d’esprit naturel qui l’ont fait naître, il s’y joindra un regret : c’est qu’il soit arrivé à cette jolie pièce d’esprit un malheur qui arrive à toute chose nouvelle qui réussit, elle est devenue le point de départ d’une mode et d’un genre. […] Chapelle et son camarade de voyage, âgés l’un et l’autre de trente à trente-deux ans, se mettent en route pour faire un tour dans le Midi, et dans le compte rendu léger de leur voyage qu’ils envoient à leurs amis de Paris, ils trouvent moyen de faire avec un naturel parfait une charmante satire littéraire : de là le grand succès et cette vivacité de faveur qu’on ne s’expliquerait pas autrement aujourd’hui. […] Chez les anciens, dans ce Midi, la nature, dès le premier jour, était plus belle ; et puis la mer, en découpant les continents de toutes parts, leur faisait une élégante ceinture et les rendait plus accessibles, même dans leur primitive horreur.
Faire du courage n’est point, je le sais bien, une expression française ; mais je veux parler ma langue avant celle de ma nation, et nous devons souvent à l’irrégularité de nos pensées celle des expressions, pour les rendre telles qu’elles sont. […] Quelle illusion dans cette gloire qu’on prétend éterniser, dans ce bâtiment de quarante mille écus élevé à l’une des extrémités de la pièce d’eau, vraie pagode où se lisaient gravés sur le marbre tous les noms des visiteurs en ces quatre années, avec cette inscription de la façon de l’abbé Barthélemy : « Étienne-François, duc de Choiseul, pénétré des témoignages d’amitié, de bonté, d’attention dont il fut honoré pendant son exil par un grand nombre de personnes empressées à se rendre en ces lieux, a fait élever ce monument pour éterniser sa reconnaissance. » Que cet obélisque ministériel, inauguré dix ans avant la Révolution française, à quelques pas du volcan qui va engloutir la monarchie, est petit, vu de loin, et qu’il manque son effet dans la perspective ! […] Je viens vous rendre ce qui est à vous… » On peut juger de l’émotion de Mme de Choiseul en racontant cette visite inattendue ; des larmes altéraient sa voix.
Le roi pourtant fit, à ce passage, tout ce qu’il devait faire ; il le dit dans son propre récit, sans se vanter d’ailleurs et en s’appliquant à rendre à chacun la justice qui lui est due. […] Je connais cette rivière ; elle est très difficile à passer : il y a des places qu’on peut rendre bonnes ; je compterais aller à Péronne ou à Saint-Quentin, y ramasser tout ce que j’aurais de troupes, faire un dernier effort avec vous, et périr ensemble ou sauver l’État ; car je ne consentirai jamais à laisser approcher l’ennemi de ma capitale » ; celui qui dira cette parole est bien le même qui, quarante ans auparavant, a honoré et loué les Hollandais d’avoir tout fait pour lui fermer l’accès d’Amsterdam. […] Je pourrais insister sur d’autres parties de ce Mémoire si digne de son auteur ; j’aimerais à y remarquer une justice rendue en passant à ce modeste et utile officier, Martinet, tué au siège de Doesbourg, à qui Louis XIV accorde, au moment où il le perd, un tribut d’estime et de regret ; je pourrais relever aussi un certain air de satisfaction et de gloire répandu sur l’ensemble et qui couronne la récapitulation, l’espèce d’examen de conscience par où le roi termine le récit de cette magnifique année 1672.
Il a fait la physiologie du Centaure, si tant est qu’il y ait une telle physiologie possible ; il en a tiré et rendu, certainement, toute la poésie imaginable. […] Ces immobilités soudaines me laissaient ressentir ma vie tout émue… Autrefois, j’ai coupé dans les forêts des rameaux qu’en courant j’élevais par-dessus ma tête : la vitesse de la course suspendait la mobilité du feuillage qui ne rendait plus qu’un frémissement léger ; mais au moindre repos, le vent et l’agitation rentraient dans le rameau, qui reprenait le cours de ses murmures. […] Que ce soit la couleur du temps, le loquet d’une porte, un vieux château qu’elle visite, ou l’une quelconque des fêtes et, cérémonies rurales, le baptême ou la fonte d’une cloche, la bénédiction des bestiaux, la messe de Noël où elle se rend en famille à minuit « par des chemins bordés de petits buissons blancs de givre, comme s’ils étaient fleuris », elle trouve sur tous ces thèmes fortuits ou naturels des pensées charmantes, légères et célestes, dignes d’une Cymodocée chrétienne.
De tous les États et lieux qui faisaient partie de sa vaste monarchie, Charles-Quint choisit exprès, pour cet acte solennel, la capitale des provinces belges, où il était né, où il avait été nourri, qu’il affectionnait particulièrement, et aux institutions desquelles il rendait ainsi le plus bel hommage ; il voulut imprimer, à cette renonciation politique suprême comme un caractère de famille ; et lui, le plus hautain partout ailleurs et le grave des maîtres, il eut ce jour-là des accents de cordialité et presque de bonhomie. […] Un autre motif qui l’avait fait différer jusque-là, quoique cette idée de renonciation fût déjà très ancienne chez lui, c’était que, s’il avait abdiqué un peu plus tôt, et vers le temps de sa fuite d’Inspruck, il eût quitté la partie sur des revers, qu’il eût donné gain de cause aux ennemis de la foi catholique et eût paru céder au découragement moral, quand il ne se rendait qu’à la fatigue. […] L’inusité de semblables obsèques, une inexactitude de date qu’il suffit de corriger en avançant la scène d’un ou de deux jours pour rendre tout possible, le silence gardé par les secrétaires et les amis politiques de Charles-Quint, qui rougissaient peut-être en secret d’une semblable bizarrerie de leur maître, sont-ce des raisons suffisantes pour faire rejeter un récit qui est confirmé par celui de deux autres moines hiéronymites ?
Un travailleur modeste et patient, un de ces ouvriers utiles de l’Université qui depuis des années rendent chaque jour des services sans faire de bruit, M. […] La Chaire française, en le perdant, ne fit point une grande perte ; mais M. de Harlay, en se l’attachant, fit une excellente acquisition, et l’abbé lui rendit plus d’un service, y compris celui de nous aider aujourd’hui à nous faire une plus juste idée de ses talents qu’un seul défaut obscurcissait. […] À peine est-il entré que M. de Harlay lui saute au cou, l’embrasse, s’appelle lui-même le plus malheureux des hommes, se plaint à l’abbé Legendre, qui était présent, que la modestie obstinée du bon vieillard ne lui ait jamais permis de rien faire pour lui et de lui rendre ce qu’il en avait reçu autrefois de secours en tout genre : « Voilà, disait-il en se tournant vers l’abbé Legendre et en montrant le vieillard rustique, voilà un homme des plus distingués par l’esprit, par le cœur, par la science, et qui a bien mérité de moi à tous égards ; car, dans le cours de mes études, il m’a aidé des plus salutaires conseils, et plus d’une fois aussi de sa libéralité et de sa bourse. » On juge des pleurs du vieillard ainsi accueilli à bras ouverts par le premier et le plus illustre seigneur des prélats de France.
Elle est explicite là-dessus dans ses Mémoires tels qu’on nous les rend aujourd’hui ; elle se vante et s’honore de cette passion tardive et profonde, elle s’y rattache en toute rencontre avec orgueil, avec élévation ; et je dirai nettement que dans tout cet inédit dont on fait tant de bruit, il n’y a que cela de bien et qui en vaille la peine ; il n’y avait que cela qui méritât véritablement de nous être donné. […] Dès qu’il vit Buzot plus en pied que lui et plus favorisé, il s’irrita, s’ulcéra et prit la fuite : « C’était un bon et tendre frère, nous dit Mme Roland, parlant de Lanthenas ; mais il ne pouvait être autre pour mon cœur, et ce sentiment me rendait d’autant plus libre et franche dans l’intimité établie entre nous trois. Lanthenas, apparemment comme le vulgaire, content de ce qu’il a lorsque d’autres n’obtiennent pas davantage, s’aperçut que je ne demeurais point insensible, en devint malheureux et jaloux ; rien ne rend si maussade et même injuste : je le sentis, et j’étais trop fière pour l’épargner : il s’éloigna d’autant plus furieux, imaginant le pis ; ses opinions même prirent une nouvelle teinte ; son cœur l’empêchait d’être féroce comme les montagnards, mais il ne voulut plus voir comme moi, et bien moins comme celui qu’il me voyait chérir ; il prétendit se mettre entre le Côté droit dont il blâmait les passions, et le Côté gauche dont il ne pouvait approuver les excès ; il fut moins que rien, et se fît mépriser des deux parts. » C’est bien dur et bien écrasant pour Lanthenas, qui avait souffert pour elle, qui ne s’éloignait qu’à cause d’elle, et qui était dans le vrai en étant jaloux.
Tout d’abord je dois dire, pour qu’il n’y ait pas à se méprendre sur les éloges si dus à cet état d’une belle âme inaltérable et pure, que l’angélique princesse est au fond dans l’inintelligence politique la plus entière de la situation ; elle voit nettement les faits, et elle les rend comme elle les voit ; mais la raison, la nécessité qui les produit et les enchaîne lui échappe. […] M. de Mercy-Argenteau eût été sans doute un bon conseiller pour la reine ; mais cette qualité d’ambassadeur de l’empereur son frère le rendait suspect, et sa présence seule était un inconvénient. […] On a le compte rendu de la reine à son frère l’empereur Léopold, dans une lettre du 7 : « Mon cher frère, M. de Mercy vous a sans doute fait connaître après combien d’incertitudes nous nous sommes déterminés à faire parler à Mirabeau.
Duveyrier en a rendu parfaitement le dessin, et un dessin exact et sévère comme son objet. […] À la différence des marabouts arabes qui attendent leurs clients à domicile, les marabouts des Touâreg, pour peu qu’ils veuillent exercer de l’influence sur leurs contribules ou concitoyens, sont obligés, comme des missionnaires, de se rendre partout où leur intervention est nécessaire. […] Il veut se rendre à In-Salah et de là tenter d’arriver à Timbouktou.
Et puis, quand on a lu, qu’on a été saisi, choqué, attiré, secoué et repris de mainte manière et par bien des fibres, il vient un moment où la rébellion cesse, où l’on rend les armes et où, tout rempli des qualités évidentes d’un auteur honnête, hardi, piquant, pittoresque, cordial et généreux, on se plaît à ajouter ce trait qui vient le dernier et qui manquerait à tout éloge de femme, s’il ne le couronnait pas : « Elle doit être vraiment aimable ! […] Le protestantisme, au xixe siècle, a eu comme le catholicisme son esprit nouveau qui a soufflé dessus et qui lui a rendu une nouvelle fraîcheur, au moins à la surface, et un peu aussi au fond. […] Vivant dans un pays de grande nature, elle a su regarder et elle a osé rendre : elle est paysagiste d’abord, et, selon moi, c’est ce qu’elle est le mieux.
De quelque côté qu’on la prenne et qu’on essaye de la retourner, l’action n’est pas belle ; c’est une perfidie, et si l’espèce de fureur dont est saisi Saint-Simon toutes les fois qu’il y revient peut faire sourire, n’oublions pas qu’il est meilleur juge que personne de la noirceur du tour, puisqu’il savait seul à quel semblant de bonne grâce, d’émotion et de tendresse à son égard s’était portée, dans le tête-à-tête, la reconnaissance du duc de Noailles pour les offices généreux qu’il lui avait rendus. […] Quoiqu’il ne puisse rien rouler sur mon compte particulier, je vous dirai, Madame, que c’est avec la dernière peine que je me suis rendu aux instances de Monseigneur le duc d’Orléans. […] C’est la juste harmonie du jugement avec l’imagination, qui constitue l’homme d’esprit ; joignez-y la conception nette et facile, c’est l’homme de beaucoup d’esprit ; avec le courage de plus, c’est l’homme de génie : mais, avec le feu seul de l’imagination, on extravague… « Il est de ces familles de Cour, tirées de l’obscurité par le bonheur et par l’intrigue, sans avoir jamais rendu d’éclatants services, sans avoir produit d’hommes d’un mérite élevé71.
Et en dehors de ce corps d’élite, il y avait peu de régiments d’infanterie dont on pût dire du bien. » Dans une lettre particulière au roi, le maréchal ne dissimulait rien de cette mauvaise conduite des troupes : la perte matérielle n’était pas grande, elle était même moindre peut-être, à ce combat de Dettingen, que celle de l’ennemi ; mais c’était le rendre aux troupes le courage et de ranimer la confiance du soldat qui semblait le plus difficile. […] Je sais qu’on m’a mené vite à Paris ; mais, Dieu merci, je n’ai eu qu’un effort dans le col, lequel a dégénéré en rhumatisme, dont je me sens encore un peu, mais qui ne m’empêche de rien, et mon sang est resté tout entier dans mes veines, sans qu’il en soit sorti plus d’une goutte, occasionnée par une coupure que je me suis faite au petit doigt, en soupant, dimanche dernier, au grand couvert. » Je ne sais si c’est la Correspondance de Napoléon dont je suis plein, qui me gâte et me rend plus difficile, mais il me semble qu’il est impossible d’écrire une phrase telle que celle qu’on vient de lire, à la Louis XV, et de partir vaillamment en guerre le lendemain pour être un héros. […] Cette dernière affaire notamment, cette belle occasion manquée en Alsace et la fâcheuse impression qu’on en reçut à Paris, sont bien senties et rendues. — Un contrôle d’un tout autre ordre et qui se rapporte à l’histoire la plus sévère, à la science même, nous est fourni par la Relation de la Guerre de Succession, que le général Jomini a ajoutée à celle de la Guerre de Sept ans, dans la 4e édition de son Traité des grandes Opérations militaires.
A force d’or et de diamants, prodigués par la famille et les amis du dehors à l’un des geôliers, il était parvenu à s’évader et vivait dans une cachette sûre ; mais quelqu’un raconta devant lui que son avocat venait d’être arrêté comme soupçonné de lui donner asile : M. de Flahaut, pour justifier l’innocent, quitta sa retraite dès six heures du matin, et se rendit à la Commune où il se dénonça lui-même ; il fut peu de jours après guillotiné. […] L’auteur de Lélia, qui a été également élevée dans un couvent, et qui en a reçu une impression très-profonde, a rendu avec un tout autre accent sa tranquillité fervente dans ces demeures. […] Mais, dès qu’ainsi ton doux soin m’est rendu, D’où vient, Enfant, que ta bouche innocente Soulève eu moi le soupir, et qu’absente J’aille peut-être au rêver défendu ?
Il faut ensuite qu’il soit philosophe, c’est-à-dire qu’il ne se borne pas à la surface des faits, mais qu’il les creuse et qu’il les interroge pour leur faire rendre le sens caché qui est en eux, ou la sagesse des choses humaines ; car les événements ne sont pas une vaine accumulation de faits et de personnages, passant devant les yeux de Dieu et devant les yeux des hommes, sans autre langage que ce fracas du temps, qui roule tumultueusement dans son cours les religions, les institutions et les empires. […] Descendre ou naître des princes est un hasard qui ne nous rend digne d’aucune estime ; dans l’adoption, le choix est entier et le jugement libre, et, si l’on veut bien choisir, l’opinion publique vous éclaire. […] Il se rend au camp avec Galba, puis au sénat, pour se faire reconnaître héritier de l’empire.
Il recueillait « les détails les plus minutieux des chroniques et des légendes, tout ce qui rendait vivants pour lui ses vainqueurs et ses vaincus du xie siècle, toutes les misères nationales, toutes les souffrances individuelles de la population anglo-saxonne ». […] On comprendrait moins bien le génie historique de Michelet, si l’on n’avait vu dans ces ouvrages à quel point la poésie de son style et ce don d’évocation qui rend ses récits si vivants résultent d’une communion d’âme avec toutes les manifestations de la vie. Les descriptions qu’ils renferment, paysages, ou phénomènes naturels, ou bien actes des êtres vivants, nous aident aussi à reconnaître la singulière acuité de sa vision : son œil reçoit l’impression des plus fines modifications de la nature sensible, et sa mémoire les rend en leur fraîcheur première.
Le plus bel effort de la civilisation la plus raffinée, c’est de mettre les sexes aux prises dans les conditions les plus propres à rendre la lutte charmante ; c’est de multiplier, de nuancer et de prolonger les bagatelles à demi innocentes et tout le jeu préliminaire de l’amour, afin de sauver les oisifs de l’ennui. […] Et elle se donne généreusement, avec un entrain de tous les diables, dans ces rendez-vous de Versailles qui nous sont si bien contés, avec des détails si savoureux et des nuances si subtiles. […] Il a la science et l’adresse des célèbres séducteurs des romans du XVIIIe siècle : il n’a pas leur entrain ni leur fougue ; il n’a pas ce qui rend le désir irrésistible ; il ne tient pas assez au dénouement.
. — L’intégration ainsi entendue rend-elle les individus plus libres et plus heureux ? […] La seule multiplication des groupements auxquels un même homme peut appartenir rend ces groupements à la fois moins exclusifs et moins oppressifs. […] Un groupe ment à ses propres membres : il répand parmi eux les mensonges utiles à l’autorité et rend ces mensonges obligatoires pour les individus s’ils ne veulent pas encourir de sanctions sociales désagréables.
Le juif, au contraire, grâce à une espèce de sens prophétique qui rend par moments le sémite merveilleusement apte à voir les grandes lignes de l’avenir, a fait entrer l’histoire dans la religion. […] Le lendemain, de bonne heure, on sera à Jérusalem ; une telle attente, aujourd’hui encore, soutient la caravane, rend la soirée courte et le sommeil léger. […] C’était tout au plus le Dieu de Job, sévère et terrible, qui ne rend raison a personne.
Un toucher subtil ne rend personne aveugle et ce n’est pas parce qu’on a de la malice qu’on devient bossu. […] Elle lui restitue, cette bienfaisante terre patriale, la sève bien sage et raisonnablement coulante et le rend tout à fait digne du riche mariage qui récompense les conversions durables non moins généreusement que les innocences. […] À condition de lire très vite, elle paraît supportable dans l’action orageuse et dans l’analyse : Adolphe Dennery et Paul Bourget nous ont rendus si peu exigeants… Ceux qui aiment Montégut doivent admirer dans Le Geste une inspiration particulièrement heureuse et un livre relativement harmonieux.
Mais au moment de sa fuite il devint indifférent et, plus tard, ses bavardages de revenant le rendirent ridicule. […] Tu reproches à ceux de Rennes de n’avoir pas rendu « l’honneur » à Dreyfus. […] Si son noble effort commercial a rendu sa phrase moins sûre, en revanche elle l’a doué d’un mérite dont je le croyais incapable, la souplesse oratoire.
Il eut de gros appointements, une loge au théâtre, une voiture pour s’y rendre, sans compter le reste. […] Hoffman avait une bien autre étendue de connaissances et d’idées que Dussault ; il savait toutes choses, assez bien l’Antiquité, très bien la géographie, de la médecine, sans compter qu’Hoffman était un auteur dans le vrai sens du mot ; il a fait preuve de cette faculté à la scène dans d’agréables inventions, dans le joli Roman d’une heure, dans l’excellente bouffonnerie des Rendez-vous bourgeois. […] Ses connaissances théologiques et philosophiques le rendaient capable aussi d’aborder, à l’occasion, des sujets sérieux.
Il n’y a que mon application qui pourra peut-être un jour me rendre utile à ma patrie ; et c’est là toute la gloire que j’ambitionne. […] « Il n’est pas donné à tout le monde, lui disait-il, de faire rire l’esprit. » On ne saurait mieux rendre cette espèce d’attrait, de don lumineux et jaillissant particulier à Voltaire. […] Voltaire en dit quelques-unes au roi, et Frédéric les lui rend : « Vous avez eu les plus grands torts envers moi, écrit-il à Voltaire… Je vous ai tout pardonné, et même je veux tout oublier.
Mais, dans une note qu’il ajouta à la lettre de son ami, La Harpe, l’un des rédacteurs du Mercure, le prit de plus haut : S’il s’est tu jusqu’à présent, disait-il, c’est par mépris : Mais aujourd’hui que l’on voudrait infirmer l’hommage que je rends à la liberté, et faire croire que ma haine pour l’aristocratie n’est que le sentiment de jalousie que l’on suppose aux conditions inférieures, je suis obligé de déclarer qu’en effet le hasard m’a fait un assez bon gentilhomme, d’une famille originaire de Savoie et établie dans le pays de Vaud, remontant en ligne directe jusqu’à l’année 1389, où l’un de mes ancêtres était gentilhomme de la chambre de Bonne de Bourbon, comtesse de Savoie. […] Ce La Harpe du Lycée, dans les années 1786-87-88, et les services sans mélange qu’il rendit alors à la raison littéraire et à la culture publique, doivent être toujours présents à ceux qui le jugent, et arrêter les plaisanteries qu’il est trop aisé de répéter quand il s’agit de lui. […] Le compte que rendit de Warwick L’Année littéraire se composait surtout de deux lettres adressées au rédacteur, l’une de Dorat et l’autre d’un anonyme, et l’on ne peut dire que La Harpe n’y reçût point une part d’éloges très suffisante.
Liottier, elle débuta dans le monde sous le Directoire ; elle a rendu à ravir l’impression de cette époque première dans plusieurs de ses romans, mais nulle part plus naturellement que dans Les Malheurs d’un amant heureux. […] Les volumes suivants, dans lesquels le maître du valet de chambre narrateur est devenu aide de camp du général en chef de l’armée d’Italie, nous rendent, à travers un romanesque surabondant, quelques échos sentis de cette époque d’enthousiasme et d’ivresse, « où l’on ne voulait pour prix de ses dangers que du plaisir et de la gloire ». […] Vers la fin, elle promettait quelquefois à ses amis qu’elle irait mourir chez eux : « Je ne veux pas que cette demoiselle (disait-elle de la mort) me trouve seule. » Ne lui demandez pas dans ses jugements cet esprit de justesse et d’impartialité qui prend sa mesure dans les choses mêmes et qui rend à chacun ce qui lui est dû.
La fortune le lui rend bien : voyez comme elle le punit de sa taquinerie et de son scepticisme. […] Laissez-le en jouir à souhait et sans dessein ; il nous en rendra ensuite avec pureté et lumière quelque fragment de tableau. […] La passion, pour la première fois, se mêla avec suite dans sa vue pratique des choses ; son humeur d’ailleurs le rendait tout propre à l’opposition.
On a un tableau ironique comme en aurait pu tracer un Philippe de Commynes, et il le termine par ces considérations si dignes de lui, de l’homme resté, en tout temps, royal : Je reconnus en cette occasion que tout parti composé de plusieurs corps qui n’ont aucune liaison que celle que leur donne la légèreté de leurs esprits…, n’a pas grande subsistance ; que ce qui ne se maintient que par une autorité précaire n’est pas de grande durée ; que ceux qui combattent contre une puissance légitime sont à demi défaits par leur imagination ; que les pensées qui leur viennent, qu’ils ne sont pas seulement exposés au hasard de perdre la vie par les armes, mais, qui plus est, par les voies de la justice s’ils sont pris, leur représentant des bourreaux au même temps qu’ils affrontent les ennemis, rendent la partie fort inégale, y ayant peu de courages assez serrés pour passer par-dessus ces considérations avec autant de résolution que s’ils ne les connaissaient pas. […] Ce fut la résistance et l’effort qu’il eut à faire pour maintenir ce qu’il ne tenait que d’emprunt, qui le rendit parfois tyrannique de procédé et d’allure. […] Sans la modestie, les grands esprits sont si amateurs de leurs opinions, qu’ils condamnent toutes les autres, bien qu’elles soient meilleures ; et l’orgueil de leur constitution naturelle, joint à leur autorité les rend tout à fait insupportables.
Tu me rends mélancolique, car je t’aime de tout mon cœur. […] Si je savais quelque chose de plus capable de vous attirer, je le dirais également. » Milord Maréchal se rendit à ce cordial rappel et s’en revint habiter à Potsdam une maison bâtie exprès pour lui dans le faubourg. […] À l’histoire seule appartient le devoir de l’apprécier dans son ensemble, de marquer avec impartialité les mérites, les grandeurs et les défauts du souverain, et de prendre toute sa mesure : c’est assez pour la critique littéraire, si elle a pu rendre sur un point un hommage et une justice bien dus au plus littéraire des rois.
Il se rendait à Rome, où il vendait un tableau 25 francs, gagnait Florence, où il n’était sensible qu’à la peinture des Primitifs, attrapait Milan, où sur les 650 francs qui lui restaient, il était volé de 500 francs, dans son auberge, par des voleurs qu’il qualifie de véritables artistes. […] » Enfin six heures et demie, nous nous rendons dans le grand hôtel, pour le dîner fin. « Quel poisson avez-vous ? […] * * * — Dans cette vie de succulence, qui est, en cette maison, le dernier mot de la cuisine provinciale, et peut-être son chant du cygne, il me vient un doux hébétement, qui me rend incapable d’écrire une ligne.
Le demeurant de cette préoccupation se retrouve dans la disposition des Palais Nomades ; ce ne fut d’ailleurs qu’une étape, car le vers libre a le devoir de tout rendre suffisamment dans le corps des poèmes ; mais ceci marque le point de raccord avec la tradition. […] Brunetière donnant l’occasion de clarifier quelques notions : « Il faut bien admettre que, ainsi des mœurs et des modes, les formes poétiques se développent et meurent, qu’elles évoluent d’une liberté initiale à un dessèchement, puis à une inutile virtuosité ; et qu’alors elles disparaissent devant l’effort des nouveaux lettrés préoccupés, ceux-ci, d’une pensée plus complexe, par conséquent plus difficile à rendre au moyen de formules d’avance circonscrites et fermées. […] Nous considérons les strophes incluses en ce volume et dans nos autres livres comme des agencements, utiles momentanément, rendus stricts pour cette seule occasion.
Je ne veux point entrer dans des détails odieux pour les états et pour les particuliers, et je me contenterai de dire que l’esprit philosophique qui rend les hommes si raisonnables, et pour ainsi dire, si consequens, fera bien-tôt d’une grande partie de l’Europe ce qu’en firent autrefois les gots et les vandales, supposé qu’il continuë à faire les mêmes progrès qu’il a faits depuis soixante et dix ans. […] Or, on peut avancer que c’est à l’aide de ces instrumens qu’ont été faites les observations qui ont enrichi l’astronomie et l’histoire naturelle, et qui ont rendu ces sciences supérieures aujourd’hui à ce qu’elles étoient autrefois. […] Il n’y a pas plus long-temps qu’on a rendu sa largeur véritable à l’ocean qui est entre l’Asie et l’Amerique, et qu’on appelle communément la mer du Sud.
Si l’idéal ne dépend pas du réel, il ne saurait y avoir dans le réel les causes et les conditions qui le rendent intelligible. […] Dans les premiers cas, c’est l’idéal qui sert de symbole à la chose de manière à la rendre assimilable à la pensée. Dans le second, c’est la chose qui sert de symbole à l’idéal et qui le rend représentable aux différents esprits.
Je dois rendre cette justice à Verlaine, qu’il refusa de s’embrigader parmi les chevaliers du Symbole, poussant l’abnégation jusqu’à se séparer de ses caudataires pour demeurer seul avec son idée. […] il imite Sarcey que l’absence de toute caractéristique rend presque inimitable. […] Pour cela j’ai fréquenté assidûment pendant quelques semaines le café où se rendent les poètes « magnifiques ».
Du Méril s’est donné à la science en pur don, comme on se donne à tout ce qu’on aime, et la science, ingrate comme tout ce qu’on aime, ne lui a pas même rendu de la gloire. […] Je n’ignore pas, sans doute, qu’il y a eu l’art en sus, l’art qui s’est développé dans les derniers temps et qui, plus tard, a fait ces chefs-d’œuvre dont quelques-uns nous ont rendus si fiers. […] L’a-t-elle rendu célèbre ailleurs qu’en Allemagne, dans cette serre de savants qui ressemble à une grande cloche à cornichons ?
C’est, sous son nom abstrait, mis bravement à la tête du livre pour faire tête de Méduse aux sots et les empêcher d’y toucher, — car les sots de moins dans un débat en rendent facile la conclusion, — une thèse vieille comme l’Église elle-même. […] Le mérite est la forme qui rend l’homme visible au milieu de la gloire, et l’amour est le signe de race qui doit le réunir à Dieu… » Est-ce assez plein, assez carré, assez cubique, pour qui sait comprendre ? […] Il explique aussi l’amour, et le sacrifice, et la prière, et le renoncement toujours et nécessairement inspirés par l’amour, — cet amour dont la douleur, « l’auxiliaire de la création depuis le malheur de la chute », est « le levier » dans le cœur de l’homme, — et tout ce mysticisme d’accent qui semble couronner le livre d’une auréole de sainteté (surnaturel à part) ne le rend pas plus vrai, mais plus éloquent, plus touchant, plus pénétrant, plus chaud aux âmes et plus maître d’elles, si, dans ce triste temps, il y en avait !
Elle rend ce dimanche de guerre à peu près semblable aux dimanches du pays. […] L’immortalité, conviction tranquille et lumineuse, les rend à peu près capables du sacrifice exigé. […] Aumônier de la plus haute valeur morale qui a, par son influence personnelle due à ses vertus, rendu les plus grands services.
Tout succès attise le feu de la haine et rend plus épaisse la fumée qui retombe. […] P… avoit rendus à ces Messieurs. » Je sais bien que le P. […] Il plantait la terre au milieu du monde, ce qui rendait ses admirables calculs d’une effroyable complexité. […] Il faut imaginer une accommodation qui la rende pratique. […] On dit que les Arabes connaissent un breuvage qui rend les femmes stériles.
Il est de l’Île Bourbon, de l’une de ces îles du Tropique, patrie à demi orientale qu’a marquée Parny dans ses chants et que nous a divinement rendue Bernardin de Saint-Pierre.
Marsolleau sait rendre les situations les plus osées et les passions les plus hardies.
Je ne sçais si ces deux Ecrivains s’étoient rendus malheureux dans leur Profession, mais leurs Ouvrages ne sont rien moins que concluans.
Les Maximes ou Réflexions de M. de la Rochefoucault ne seroient plus lues aujourd’hui, s’il se fût contenté de dire une vérité en peu de mots, sans en amener, par des tours différens, de nouvelles qui rendent la premiere plus sensible.
L’Auteur a eu l’art de disposer les Scènes de maniere que l’action ne languit point, & c’est par cette espece de magie, peu connue des Poëtes tragiques d’à présent, qu’il a su en rendre les défauts moins sensibles.
Quand la science est animée par l’esprit de Religion, bien loin de nuire aux vertus du cloître, elle ne peut que les rendre plus éclairées, plus solides, & plus respectables : l’Abbé de la Trappe en étoit un exemple lui-même.
Evremont, vient de ce que Mairet s’étoit appliqué, dans cette Piece, à rendre les mœurs des personnages conformes à celles de son Siecle, ce qui ne pouvoit manquer de plaire aux Spectateurs : au lieu que Corneille, attaché au vrai goût de l’antiquité, n’avoit pas eu la complaisance de s’écarter de la nature, pour flatter les esprits frivoles.
Quinault en fit une courtisanne, pour la rendre digne d’épouser Lully, & la peignit si bien sous le masque, que le sévere Boileau s’y trompa, & condamna Quinault à l’Enfer, & sa Muse aux prisons de St.
Les Journaux ont rendu le compte le plus flatteur de son petit Poëme de Zélis au bain, dont les tableaux, à trop de mollesse près, ne sauroient être plus agréables, ni le coloris plus brillant.
Ses Traductions sont fidelles & élégantes, sur-tout celle du Poëme de la Peinture; par M. l’Abbé de Marsy, dans laquelle il a saisi & très-bien rendu l’esprit de l’Original.
Qu'on ajoute à ces différentes especes de mérite, la connoissance de plusieurs Langues vivantes, une application constante à l'étude, & l'on croira sans peine que le titre d'Académicien a été, par rapport à lui, non une vaine décoration accordée au rang & au crédit, mais un hommage rendu au savoir & au mérite.
En écartant les termes scientifiques, le ton pédantesque ; en s'expliquant d'une maniere claire & précise, il a rendu son Cours de Philosophie propre à être lu avec fruit par les Femmes même.
Il rendit illustres la religion, les arts et l’armée : il est beau que les ruines de son palais servent d’abri aux ruines de l’armée, des arts et de la religion.
Marcel cherche à pallier les défauts, Van Loo cherche à rendre leur influence sur toute la personne ; il faut que la figure soit une.
Un particulier peut même mettre dans son cabinet, tout l’esprit et toute la poësie qui sont dans des chef-d’oeuvres, dont les beautez sembloient reservées pour les cabinets des princes, ou de ceux qui se sont rendus aussi riches qu’eux en maniant leurs finances.
Son domestique ne se bornait pas à cette bonne Laforest, confidente célèbre de ses vers, et les gens de qualité, à qui il rendait volontiers leurs régals, ne trouvaient nullement chez lui un ménage bourgeois et à la Corneille. […] Sans cela, leur dit-il, je ne puis m’y trouver, et vous pourrez rendre l’argent. […] Baron, ayant vu le sang qu’il venoit de rendre, s’écria avec frayeur. — Ne vous épouvantez point, lui dit Molière, vous m’en avez vu rendre bien davantage. […] Enfin il rendit l’esprit entre les bras de ces deux bonnes sœurs ; le sang qui sortoit par sa bouche en abondance l’étouffa. […] La Révolution close, Napoléon, qui restaurait nombre de vieilleries sociales qu’avait ébréchées autrefois Molière, lui rendit un singulier et tacite hommage ; en rétablissant les Princes, Ducs, Comtes et Barons, il désespéra des Marquis, et sa volonté impériale s’arrêta devant Mascarille.
« Si un Romantique était ici présenté, je ne fais aucun doute, messieurs, qu’il ne se permît, dans quelque misérable pamphlet, de rendre un compte ridicule de nos travaux si importants pour la gloire nationale. […] Si ces messieurs n’avaient été que des écrivains brillants d’esprit, que de simples successeurs des Voltaire, des La Bruyère, des Boileau, ils auraient cherché à rassembler dans leur écrit des raisons invincibles, et à les rendre intelligibles à tous par un style simple et lumineux. […] Un des amis de ma famille, auquel j’étais allé rendre mes devoirs dans sa terre, disait à son fils : « Que signifient vos sollicitations éternelles et vos plaintes amères contre M. le ministre de la guerre ? […] Demat, honnête imprimeur de Bruxelles, ne manquera pas de vous rendre le même service qu’à M. […] Le manque de finesse et le pédantisme puritain rendent impossible, dans cette république, la comédie d’Aristophane.
Et avec Daudet, nous disons, qu’il faudrait renouveler la pantomime, jeter à l’eau tous les gestes rondouillards, tous les gestes qui racontent, et ne garder que les gestes de sentiment, les gestes de passion, auxquels Margueritte mettrait les grandes lignes de sa pantomime, — et nous parlions d’une pantomime sur la peur, dont ses traits savent si éloquemment rendre l’expression. […] Une émotion qui me fait sauter de mon lit de très bonne heure, et un état nerveux qui me rend le transport en voiture insupportable, comme inactif, et me fait descendre longtemps, avant d’arriver au théâtre. […] Puis c’est une fillette de dix ans, une petite-fille de Bouffé, qui rend gravement son rôle à Porel, parce qu’elle ne le trouve pas assez important. […] Mercredi 28 novembre Un landau vient me prendre à onze heures, je vais chercher les Daudet, et nous nous rendons chez les Charpentier. […] De le voir jouer ainsi, cette scène, ça me rend aujourd’hui tout à fait insupportable, la suppression du tableau du dîner, dans le bois de Vincennes, où il aurait été si amusant, si drolatique.
Je ne puis donc douter que la sélection naturelle n’ait été cause de la couleur affectée par chaque espèce de Tétras, et n’ait continué d’agir pour la rendre permanente une fois acquise. […] Ils seront ainsi protégés, élus, pourvu toutefois qu’avec leur agilité nouvellement acquise ils conservent assez de force pour terrasser leur proie et s’en rendre maîtres, à cette époque de l’année ou à toute autre, lorsqu’ils seront mis en demeure de se nourrir d’autres animaux. […] De plus, ces deux variétés, n’étant que des formes légèrement modifiées, auront toutes chances d’hériter des avantages qui ont rendu l’espèce mère, A, dominante dans la contrée. […] D’autre part elles tendent à transmettre à leur postérité modifiée cette supériorité qui les a rendues elles-mêmes dominantes dans les contrées qu’elles habitent. […] On conçoit combien souvent, du reste, en pareille matière, ce terme peut rendre une idée fausse, ainsi une espèce peut paraître indigène dans sa patrie natale par suite de sa rapide extension en d’autres contrées ; par contre, une espèce peut paraître aborigène en une contrée, par suite seulement de son extinction ou de son existence inconnue dans sa vraie patrie d’origine.
Denne-Baron, dans une pièce lyrique qui semble avoir été composée avant le Lac, a rendu à sa manière un soupir né du même sentiment.
Remy de Gourmont La fréquentation des poètes lyriques anglais, allemands, russes, le tourment d’une âme qui ne veut pas désespérer, quoiqu’elle sache l’inutilité des révoltes et combien sont précaires, puisqu’elles sont limitées, les réalisations humaines, — et le désir de rythmer de telles émotions et de se les rendre sensibles, il y aurait bien là de quoi faire un poète, même en négligeant d’autres causes, le don naturel, la sensibilité native, l’orgueil de se vouloir égaler à son propre idéal.
Judas ayant accompli un miracle, ayant rendu la vie à une jeune fille morte, le miracle aura sa suite logique ; il aura des conséquences impures, puisqu’il a obéi à l’incantation d’un être impur.
Charles Maurras Il y a dans cette joie, dont l’expression semble exagérer la vivacité, il y a, si je ne me trompe, un arrière-fond d’élégie ; et, de plus, au ton familier du discours, en dépit de la solennité de l’alexandrin, se dessine, dans une forme vague encore, comme une aspiration au système d’une poésie plus intime, l’idée d’un retour à Parny… Mais voilà qui va me rendre odieux à la jeune lyre des Élévations poétiques.
Une raison prématurée lui ayant fait connoître de bonne heure, que rien ne contribuoit plus que les Belles-Lettres & les Sciences à rendre la vie douce & agréable, il a consacré à l’étude un temps que les personnes de son âge & de son rang donnent ordinairement aux plaisirs & à la dissipation.
Il les a rendus raisonnables, intéressans, les a soumis aux regles de l’intrigue, de l’unité ; s’il ne les eût pas faits si longs, le commun des Lecteurs pourroit s’en accommoder encore, à l’exemple de quelques Poëtes qui y ont puisé tant de fois les situations, les sujets même de leurs Opéra & de leurs Tragédies.
Il s’appelle François-Thomas, & non Jacques ; il est vivant, & non mort : double erreur, dont nous nous étions rendus coupables dans la premiere Edition, & qu’il nous a joliment reprochée par une Lettre insérée dans le Mercure du mois d’Avril 1773.
Ce n’est pas qu’il ait tiré tout de son propre fonds : la vie d’un homme ne suffiroit pas pour produire une si grande abondance d’idées & de préceptes sur tant de matieres différentes : mais on doit lui savoir gré d’avoir soutenu si courageusement la fatigue & le dégoût des recherches, & d’avoir présenté les pensées d’autrui sous un jour qui les rend plus sensibles & plus intéressantes que dans les originaux.
Il s’est cependant rendu utile à plusieurs égards, ce qui doit lui mériter une place parmi les bons Littérateurs de ce Siecle.
Pluche aura la gloire d’avoir contribué à faire naître, parmi nous, le goût de la Physique & de l’Histoire Naturelle ; ce qui suppose l’art de communiquer ses connoissances d’une maniere intéressante, & de les rendre, en quelque sorte, familieres à tous les esprits.
La Censure ne doit être employée que pour corriger les Hommes ; l'esprit n'y doit semer de l'agrément que pour la rendre plus saillante, & par-là plus utile.
Cet infatigable Académicien a rendu de services éternels à la France par les découvertes & les expériences qu’il a faites en ce genre.
C’est, d’ailleurs, que Stendhal n’est pas seulement un des écrivains les plus originaux de ce siècle, mais qu’un certain nombre de lettrés, sincèrement ou par imitation, les uns pour paraître subtils et les autres parce qu’ils le sont en effet, considèrent Beyle comme un maître unique, comme le psychologue par excellence, et lui rendent un culte où il y a du mystère et un orgueil d’initiation. […] Il faut commencer par sentir les choses profondément — et brièvement pour être capable de les rendre ensuite dans leur vérité.
« Il les publie, dît-il dans sa préface, pour faire valoir l’esprit de ses illustres amies, et pour ne rien ôter à si reconnaissance et à leur gloire. » Il ajoute : « Je leur dois rendre le témoignage que leurs innocentes faveurs ont adouci tout le chagrin de ma vie et m’ont mis en état de me passer plus aisément de ce qu’on appelle fortune… Les femmes de qualité ont poli mes mœurs et cultivé mon esprit ; et comme je ne leur ai jamais eu d’obligation pour ma fortune, je n’ai jamais souffert auprès d’elles de servitude ni de contrainte. » Ces paroles ne sont pas d’un homme méprisable. […] Plus tard, M. de La Rochefoucauld étant devenu goutteux et madame de La Fayette maladive, leur mauvaise santé les rendit nécessaires l’un à l’autre. « Je crois, disait madame de Sévigné, que nul amour ne peut surpasser la force d’une telle raison. » Madame de Sévigné date des lettres à sa fille, tantôt de chez M. de La Rochefoucauld où était madame de La Fayette, ou de chez madame de La Fayette où était M. de La Rochefoucauld.
Lâche tremblant, toujours préoccupé de sa chère guenille et qui aime sa santé et sa maladie comme on aimerait deux filles, vous êtes entraîné, pour vous rendre les faits extérieurs intéressants, à les traduire, sadique inconscient, en phénomènes pathologiques. […] Ils s’enthousiasment pour Gambetta, pour Chanzy et pour Faidherbe qui voulaient et qui, semble-t-il, auraient réussi si leur don complet et leur tenace énergie n’avaient été rendus inutiles par la faiblesse résignée des deux autres.
Cela a l’air d’un tableau qu’on a suspendu dans une cheminée pour le rendre ancien. […] Le crime rend égaux ceux qu’il associe… " en dépit de la sublimité de l’idée, à ce sifflement aigu de syllabes rheni medüs… etc, à ce rauque croassement de grenouilles, quos inquinat, oequat, je me bouche les oreilles et je jette le livre.
Analyses et comptes rendus. […] H., rendons-lui toute justice, ne voulait pas cela, et il réintègre dans la synthèse, par voie régressive, les données qu’il écartait de l’analyse.
Mme de Girardin, en signant ces Lettres du nom du vicomte de Launay, a-t-elle cru rendre plus piquante sa pensée, comme certaines femmes croient, en s’habillant en hommes, rendre plus voluptueuse et plus apparente leur beauté ?
Toutes ces choses entrevues nous paraissaient excellentes et nous rendaient, sur la foi d’autrui, mouton de Dindenaut nous-même, extrêmement sympathique aux travaux de Fournier. […] II C’est Charles Nodier, en effet, qu’Édouard Fournier a intellectuellement adopté pour son père ; mais je ne crois pas que Charles Nodier, qui était malin quoique bonhomme, le lui eût rendu et l’eût adopté à son tour.
Il faut être juste : la philosophie, qui se moque des hypocrites religieux et qui a les siens, les révolutions, qui ont détruit les grandes fortunes et rendu la vie si exiguë, ne devaient-elles pas arriver à ce résultat de nous pousser l’imagination, de toute la force de l’ennui enragé qu’elles ont créé pour les peuples modernes, vers le temps passé des grandes existences et des plaisirs largement conçus et splendidement réalisés ? […] Elle y perd les grandes qualités qui la rendent la plus imposante et la plus robuste des Muses : l’ampleur, la majesté, l’ordonnance de composition, — et ce n’est pas tout ; qui oserait dire qu’elle n’y perd pas de sa vérité ?
I Le plus grand service que la critique historique pût rendre à l’Histoire et, ce qui importe bien davantage, à la moralité contemporaine, serait d’enseigner correctement le Moyen Âge à ceux qui l’ignorent. […] Le livre qu’Ernest Semichon a publié sous ce beau titre : La Paix et la Trêve de Dieu 21, est une tentative de justice rendue au Moyen Âge par un esprit qui croit aimer le Moyen Âge dans l’Église, qui comprend la grandeur du rôle que l’Église a joué alors, — et même qui la comprend trop, car ce rôle-là, il l’exagère, et c’est le vice profond et dangereux de son travail.
Marier sa fille et la marier bien, l’élever, de longue main, en vue de ce grand fait du mariage qu’il croit la destinée la plus sublime de la femme, ce notable embarras qui a tant fait gauloiser l’esprit français, cette vieille difficulté que les moralistes de l’ancien temps, les moralistes anti-rêveurs, croyaient éternelle, — comme, du reste, ici-bas, toutes les manières d’être heureux, — Alexandre Weill a cru qu’il pourrait, en s’y prenant bien, la diminuer, ou complètement s’en rendre maître. […] Il a cru que dans le mystère, le mystère profond de la vie, une question d’éducation pouvait toujours résoudre une question de destinée : ce qui rendrait la vie aussi plane en réalité qu’elle est hérissée de complications formidables ; et alors, moraliste appliqué exclusivement à la femme, il est devenu le Chesterfield de mademoiselle sa fille, et il l’a formée pour un mari dans une suite de chapitres où il parle à la seconde personne, et qui ressemblent à des lettres, absolument comme le lord anglais, plus superficiel, formait pour le monde et la politique son gentilhomme de fils qui, je crois, aurait été un assez pauvre diplomate, et, à ce qu’il paraît, a eu toute sa vie assez mauvais ton !
Excepté leur étude sur Marie-Antoinette, dans laquelle ils se haussent par le sujet et par l’émotion jusqu’à la grande histoire, MM. de Goncourt ne firent que celle des frivolités de ce siècle frivole, — qui rendit frivole jusqu’à l’âme de Marie-Antoinette, retrouvée tout à coup si sérieuse et si héroïque devant l’échafaud ! […] ce sont ces deux laideurs du réalisme qui le rendent si affreux.
Cette vie fort douloureuse et fort triste, qu’il fut toujours disposé à donner pour rien et qu’il a donnée pour moins que rien, car ce fut pour une question qui ne le regardait pas, toute cette vie fut éternellement dominée par deux impossibilités qui la rendirent intolérable. […] Du moins, rendons-lui cette justice, c’est que sous la logomachie révolutionnaire, l’uniforme de son opinion, et qui lui était imposée, il avait, en sa qualité de bonapartiste, le sentiment vrai de l’honneur militaire de la France, et la douleur des traités de 1815 fut la seule chose peut-être, dans sa conduite et ses écrits, qui ne fut pas une consigne, un texte appris, arrangé et pédant, « un devoir extérieur », comme dit le cardinal de Retz.
S’il n’est pas poète, comme Lord Byron, par l’instrument, le rhythme, la langue ailée, le charme inouï et mystérieux des mots cadencés qui rendent fous de sensations vives les esprits vraiment organisés pour les vers, il l’est par l’image, le sentiment, le frémissement intérieur qu’il éprouve et qu’il cause, et ces dons immenses doivent un jour en lui s’approfondir et se modifier ; mais pour le moment ils n’y sont point purs et sans écume. […] L’auteur ne s’est point épuisé dans le rendu prodigieux de la force physique et morale, de la force complète de son héros.
Doublet s’est imaginé que l’histoire de l’intelligence était écrite en nous, dans quelque repli de notre être, et il s’est dévoué à rendre visible ce palimpseste et à le déchiffrer. […] Qui peut lui rendre ce Dieu perdu ?
Ils lui ont rendu un fier service, quoique le service n’ait pas infiniment servi… Ils lui ont tué Jésus-Christ, et avant de le tuer, ils l’ont couvert d’ignominies. […] Il dit d’eux : C’étaient, à l’égard de Rome, « des incendiaires de désir », et on leur rendait leur incendie de désir par des incendies en réalité.
Et il est mort sans s’être plus rendu qu’elle ! […] Mais ce qui rend cette impression encore plus profonde, c’est qu’immédiatement après avoir tracé cet écrit qu’on ne sait trop comment nommer, cette espèce de révélation testamentaire de sa vie, Amédée Pommier soit mort, après l’avoir signée· Cette mort presque subite donne, je trouve, à sa vie, la grandeur d’une destinée.
S’il n’est pas poëte, comme lord Byron, par l’instrument, le rhythme, la langue ailée, le charme inouï et mystérieux des mots cadencés qui rendent fous de sensations vives les esprits vraiment organisés pour les vers, il l’est par l’image, le sentiment, le frémissement intérieur qu’il éprouve et qu’il cause, et ces dons immenses doivent un jour en lui s’approfondir et se modifier ; mais pour le moment ils n’y sont point purs et sans écume. […] L’auteur ne s’est point épuisé dans le rendu prodigieux de la force physique et morale, de la force complète de son héros.
Il appartient au christianisme social, voisin du Sillon, qui veut rendre la vie terrestre possible et établir dans l’humanité le règne de Dieu. […] Seigneur, rends au centuple à ces infirmières tout le bien qu’elles m’ont fait ; je suis un pauvre, moi, mais toi tu es le dispensateur des richesses.
Gallien, qui fut à la fois voluptueux et brave, et qui se rendit célèbre par des victoires et des bons mots, avait le talent de bien écrire, et fit des vers pleins de volupté et de goût. […] « Défenseur de l’État au-dehors, au-dedans il sait le rendre heureux.
C’était un reste d’hommage que l’Europe, au bout de dix siècles, rendait encore à ses anciens tyrans. […] Il est triste, pour tant d’écrivains, qu’en les oubliant on ne leur ait rendu que justice.
Barbey d’Aurevilly vient de rendre à Dieu son âme généreuse et sonore de catholique, de chouan, de dandy, de romantique et de mousquetaire. […] Rendons-la si amusante, si amusante, que les étrangers s’en retournent épuisés, comme après une orgie. […] On rend tout le temps hommage à M. […] Ce qu’ils savent suffit à orner leur vie, à la rendre commode et gaie. […] Sans doute le travail des toréadors n’est pas extrêmement malaisé ; mais ce qui le rend méritoire, c’est qu’il ne souffre pas la moindre faute.
La terre natale lui est clémente, apaisante : elle lui semble l’aimer, et il lui rend un fort amour. […] Ce vaporeux, cette indétermination, qu’on trouve chez lui, cela vient justement de ce qu’il rend surtout le sentiment, autant que possible épuré des idées, des perceptions, des faits, qui le produisent ou l’accompagnent chez tous les hommes. […] Et de fait, sans idées ni émotions, il a rendu les fragments du monde extérieur qui tombaient sous son expérience. […] Il est comme ces graveurs qui aiment mieux rendre un tableau qu’un paysage naturel787. Et c’est peut-être parce que Gautier n’est pas créateur ; il aime à trouver le sujet composé, l’impression et le caractère dégagés par un artiste : alors il comprend l’intention, et il rend les effets avec une surprenante sûreté d’œil et de main.
Mais il est un monument sur lequel sont écrites toutes les phases diverses de cette Genèse merveilleuse, qui par ses mille aspects représente chacun des états qu’a tour à tour esquissés l’humanité, monument qui n’est pas d’un seul âge, mais dont chaque partie, lors même qu’on peut lui assigner une date, renferme des matériaux de tous les siècles antérieurs et peut les rendre à l’analyse ; poème admirable qui est né et s’est développé avec l’homme, qui l’a accompagné à chaque pas et a reçu l’empreinte de chacune de ses manières de vivre et de sentir. […] La nature leur parlait plus qu’à nous, ou plutôt ils retrouvaient en eux-mêmes un écho secret qui répondait à toutes ces voix du dehors, et les rendait en articulations, en paroles. […] L’enfant la possède encore avant de parler ; mais il la perd, sitôt que la science du dehors vient rendre inutile la création intérieure. […] Il y a, je le sais, des éléments communs que l’examen de tous les peuples et de tous les pays rendra à l’analyse. […] Les orientalistes se rendent souvent ridicules en attribuant une valeur absolue aux littératures qu’ils cultivent.
Van Dyck et Blauwaert, Mme Boidin-Puisais doivent à ce maître leur intelligence de l’œuvre, la belle netteté, si peu commune, de leur diction : mais le drame wagnérien n’est point appris facilement ; ces artistes avaient trop de choses à oublier encore pour s’y rendre parfaits. […] Sans doute, le public a saisi ce caractère ce l’œuvre ; une interprétation un peu hésitante aux débuts, mais bonne en somme6, une mise en scène minutieusement soignée par les directeurs, lui ont rendu plus aisée l’intelligence. […] La Bruyère. « L’opéra n’est qu’un rendez-vous public où l’on s’assemble à certains jours sans trop savoir pourquoi ; c’est une maison où tout le monde va, quoiqu’on pense mal du maître et qu’il soit assez ennuyeux. » Qui parle ainsi ? […] Beckmesser accorde son luth, qui rend des sons miraculeusement faux et bizarres et se met à croasser je ne sais quelle rapsodie saugrenue. […] Il veut reprendre, il veut continuer ; son luth rend des sons de plus en plus burlesques et sa voix s’éraille sans merci.
Gaveaux avait rendu cette pensée rêveuse et ce charme de la solitude qui font le caractère d’Atala » et remarquait que « depuis deux mois les journaux sont attelés à ce roman, on en morcelle, on en altère chaque phrase, on le parodie sans esprit, on le plaisante sans gaîté » ; mais, ajoutait-il, « le nom de l’héroïne et de l’auteur seront dans toutes les bouches qui récompensent le succès ». […] La versification mécanique du xviiie siècle pétrifiait la poésie et la rendait impuissante à exprimer les nouveaux sentiments de l’âme sociale. […] IV Mme de Staël vécut des années dans un intime et forcé tête-à-tête avec les Alpes et leur virginale neige, leurs mystérieux précipices et leurs mélancoliques sapins, sans en être plus inspirée que ça : elle ne découvrit les beautés de la nature qu’après un voyage en Italie, qu’après surtout des études à bâtons rompus de métaphysique kantienne, que l’on introduisait en France pour l’opposer au matérialisme rendu responsable des crimes et des horreurs de la révolution. […] La célèbre Mme Cottin, dans son premier roman publié en 1798, lu et admiré pendant un demi-siècle, en 1844 on le republiait encore, l’héroïne, « la plus sublime des femmes », Claire d’Albe écrit à son amant, le protégé de son mari, qui le traite comme un fils : « L’image de ce bonheur que vous me demandez égare mes sens et trouble ma raison ; pour le satisfaire, je compterais pour rien la vie, l’honneur et jusqu’à ma destinée future : vous rendre heureux et mourir après serait tout pour Claire : elle aurait assez vécu. » Elle se donne à son amant « abattue par les sensations… au bas de son jardin, sous l’ombre des peupliers, qui couronnent l’urne de son père et où sa piété consacra un autel à la divinité ». […] Elle s’indigne que « des fortes têtes regardent les travaux de la pensée, les services rendus au genre humain comme seuls dignes de l’estime des hommes… Mais combien d’êtres peuvent se flatter de quelque chose de plus glorieux que d’assurer à soi seul la félicité d’un autre.
Il suffisait d’un discours, d’une émeute, d’une conspiration pour changer ces destinées, pour lui imposer la tyrannie ou lui rendre la liberté, pour amener le triomphe d’un parti. […] C’est le génie de l’Allemagne, il faut lui rendre cette justice, qui a conçu, développé dans toutes ses conséquences, suivi dans toutes ses applications la théorie dont le plus allemand de tous les philosophes de ce pays a donné la formule métaphysique36. […] Si bien instruit qu’il soit des faits, on peut lui reprocher de juger les personnes et les choses en homme d’école plutôt qu’en historien ; mais on lui rendra cette justice, que sa mesure de jugement n’a rien de commun ni avec la morale du succès, ni même avec la morale de l’utile. […] Se gouverner soi-même dans les temps ordinaires, se sauver soi-même dans les jours de crise, et cela par le concours de toutes les volontés individuelles, voilà le rôle d’une démocratie où chaque effort a son résultat, où chaque dévouement a son utilité, où le citoyen le plus modeste peut se rendre la justice d’avoir non-seulement fait son devoir, mais accompli le bien dans sa sphère d’action. […] Dans l’histoire des guerres de religion qui ont désolé la France au xvie siècle, si l’on se rend bien compte du fanatisme des sectes religieuses, des passions populaires, des intérêts politiques engagés dans la lutte, on parvient à comprendre comment la Saint-Barthélemy n’est point sortie tout entière du cabinet d’une Catherine de Médicis, abusant de la signature d’un Charles IX.
Je ne parle point même, Halévy, des services que vous m’avez rendus, de tant de services d’amitié. […] Mais il faut me rendre. […] À présent il faut me rendre. […] C’est que vous êtes rendu au même point. C’est que vous êtes en réalité rendu au point d’aboutissement du même voyage.
On peut dire que la mise en scène est l’épanouissement, rendu visible, d’un germe idéal. […] Un tel exemple est de nature, il semble, à nous rendre légèrement sceptiques relativement à la valeur de la couleur locale. […] Personne n’entre à la Comédie-Française avec la prétention de se rendre meilleur, de former son goût, d’élever son esprit. […] C’est un hommage tacite rendu à l’antique division dramatique. […] Je ne sais si celle-ci se rend bien compte de l’arme puissante que les révolutions de l’esprit remettent entre ses mains.
Charles Frémine, la note y est juste, le paysage vu et rendu avec une émotion délicate.
Elle sort plus belle du creuset terrible ; elle rend maintenant un son de métal, affreusement triste, mais singulièrement pur ; elle s’exprime avec candeur, franchise et simplicité.
Son Ode au Cardinal de Richelieu, louée par Boileau lui-même, laquelle a près de trois cents vers ; ses autres Pieces lyriques, ses Sonners, ses Madrigaux (petites Pieces préférables à beaucoup d’autres de la même espece, qui figurent dans nos Recueils), ne sont pas les Ouvrages qui l’ont rendu ridicule ; ils suffiroient, au contraire, pour établir la réputation d’un homme qui n’auroit pas fait la Pucelle.
Le Rendez-vous, la Pupille, l’Amitié Rivale, Joconde, sont, sans contredit, ce qui le distingue de la foule des Auteurs comiques de ce siecle.
Les Vers latins sont rendus par des Vers françois, parmi lesquels il s’en trouve quelques-uns d’heureux.
Il entendoit bien le Grec & le Latin, & connoissoit parfaitement sa Langue ; mais ceux qui le regardent comme un de nos meilleurs Traducteurs, font consister, sans doute, l’art de traduire dans la seule fidélité à rendre le texte de l’Original.
vient aussi de la même source, & celui-ci a infiniment mieux rendu les caracteres de l’Original que les deux autres Imitateurs.
La plupart des Auteurs d'à présent ne sont plus si dupes ; ils savent dans la plus grande précision ce qu'un volume doit rendre ; cet objet paroît plus les toucher que celui de la gloire.
le Tourneur a eu le talent d’embellir, par une touche aussi vigoureuse que sublime, les moindres pensées du Poëte lugubre & énergique qu’il a traduit, mérite qui ne doit pas paroître médiocre aux yeux de ceux qui savent que la Langue Angloise est supérieure à la nôtre, pour rendre les idées sombres, fortes & pittoresques.
Ces lettres d’amour données et rendues, et autres pareils incidents ne sont pas mal imaginés.
Alceste est, je l’avoue, un des caractères les plus difficiles à saisir et à rendre qui soient à la scène. […] Sauf ces réserves que je ne pouvais passer sous silence, je dois rendre à M. […] Et, quand nous contestons les services rendus par l’Académie, ce n’est pas que nous la regardions comme irrévocablement inutile, loin de là ! […] Il envoie son frère dans un couvent, et il surveille si mal l’exécution de ses ordres, que don Juan se rend précisément au couvent de Charles-Quint. […] Malgré le vent et la pluie qui rendent les chemins impraticables, le hardi moine ne craint pas de venir demander un gîte à Thécla.
Ils s’y plaisent et s’y sentent à l’aise : le chevalier et le prêtre rendent les armes au siècle.
Saint-Marc Girardin a voulu nous donner une leçon de goût, nous la lui rendons.
Ainsi que le titre l’indique, les poèmes de ce recueil sont une suite de cantiques à la gloire de l’homme, de l’Homme dernier-né des dieux, qui a vénéré autrefois, dans les religions sublimes, les beautés de sa propre pensée, et rend aujourd’hui à cette pensée même l’hommage qui lui est seul dû.
Ce genre de composition est inexcusable, quand la bile & la grossiéreté y regnent ; & l’on se rend justement odieux, quand, en disant du mal des autres, on fournit, par la maniere, des armes légitimes contre soi.
Il a peut-être rendu en cela des services très-utiles ; mais c’est à ceux pour qui il a travaillé à apprécier son mérite.
On ne peut cependant se dissimuler qu’il n’ait rendu des services essentiels à la Religion & aux mœurs, en décréditant Voltaire, leur plus dangereux ennemi ; car de tous les Ouvrages publiés contre ce célebre Ecrivain, aucun n’a autant contribué, que le tableau de ses erreurs, à lui faire perdre l’espece d’autorité que ses talens lui avoient acquise sur l’opinion publique.
Une justice qu’on doit rendre à M.
Les Ecrivains Latins s’abandonnoient chacun en leur maniere, en ne songeant qu’à rendre leur expression juste, nette, élégante, & précise.
Son génie heureux & facile, qui savoit se plier à tout, le rendit trop indulgent à lui-même ; il auroit dû se défier de la grande facilité, qui l'entraîne sans lui permettre ni le choix ni la correction ; de l'intempérance d'idées, qui s'appesantit sur un sujet & ne le quitte qu'après l'avoir épuisé.
Sa maison fut constamment le rendez-vous des Gens de Lettres, qui, à ce titre, étoient assurés d'être bien accueillis.
Il y a dans ces machines un moment où le coude de la manivelle rend la position du bras de levier très-haute ; il faut alors ou que l’homme abandonne la manivelle ou que ses bras puissent atteindre à cette hauteur, les poings fermés, sans quoi la machine revient sur elle-même et le poids redescend.
Ils nous traiteront de gens esclaves des préjugez, parce que nous ne nous rendrons pas à leur décision.
Sitôt arrivé à Bayonne, M. de Sassenay se rendit au château de Marac où résidait l’empereur. […] Une chaloupe canonnière vint, le long du bord, sommer les fugitifs de se rendre. […] Il avait des rendez-vous avec sa momie. […] Mais, de plus en plus, l’enquête historique tend à rendre ondoyante et diverse la figure du passé. […] Aujourd’hui, rendez-leur Dieu si vous pouvez.
Le Scamandre rend les troupeaux roux et les eaux de l’Ecosse font que la laine des moutons devient fauve. […] On mêle au lait des jeunes chiens du sang de fauve pour les rendre meilleurs chasseurs. […] Les plantes charnues rendent les hommes charnus, et les plantes osseuses augmentent la force des os. Il y a pareillement des plantes cartilagineuses, des plantes nerveuses, qui rendent d’analogues offices. […] De son temps, on croyait à la valeur d’un témoignage rendu de bonne foi.
L'éloquent secrétaire perpétuel, au moment où il posait la couronne sur le front du lauréat, avait tout l’air de s’en laver les mains : « Vous allez entendre, Messieurs, l’éloge de Voltaire, nous ne pouvons nous empêcher de le couronner, mais rendez-nous cette justice, ce n’est pas certes nous qui l’aurions fait. » Tel était le sens et des paroles et du geste, nous assure-t-on, de M.
Lafenestre, ce serait d’avoir écrit des poèmes avec la seule préoccupation du beau, sans songer un instant à la nécessité d’étonner, que la paresse des lecteurs modernes rend si implacable.
Il aime les rivages délaissés ; il a ramené de l’oubli les dépouilles opulentes de Rousseau le Pindarique, et il a rendu tributaire jusqu’à notre Lebrun.
le guide les montrait à Dumas tandis qu’il se rendait chez le poète : « Merci, je ne les vois pas !
Les œuvres des deux poètes que j’ai choisis me serviront plutôt à rendre plus claire l’expression de certaines idées qui me hantent et à illustrer quelques réflexions sur la philosophie dans l’art, sur la méthode, la forme et la technique de ceux que l’on a appelés les Symbolistes ; en analysant ce que contiennent la Chevauchée d’Yeldis et les Poèmes anciens et romanesques, par exemple, je voudrais arriver à établir indirectement le compte de doit et avoir d’une génération dont ces livres indiquent assez complètement, dans les limites de l’art, les tendances diverses.
On peut orner la raison, des charmes de l’imagination & de l’esprit ; on peut donner à la morale une tournure piquante, en développer les maximes d’une maniere ingénieuse, sans déroger au génie fabuliste, qui est la simplicité ; on se rend même par-là plus intéressant, sur-tout quand il n’est pas possible d’atteindre un modele inimitable par lui-même.
Lucain est en effet difficile à traduire d’une maniere intéressante, parce qu’il n’a pas pris soin de se rendre intéressant lui-même.
Les Ouvrages des hommes de génie, & l’on peut appeler de ce nom l’Auteur du Grondeur, devroient être sacrés pour ceux qui n’en sont que les organes, & qui n’ont de mérite qu’à proportion qu’ils savent en rendre les beautés dans toute leur valeur.
Non véritablement : & faut, veuillez ou non, que vous desrorrillonniez, deschauvesourissiez, déretiez, c’est-à-dire, que ne portiez plus en aisles de chauvesouris ou en façon de retz, vos cheveux par lesquels soulez prendre diaboliquement & enfiler les hommes pour rassasier votre désordonné appétit, ou bien que vous soyez perdues & damnées……. par cette mondanité qui vous abuse, voire qui vous rend si laides & abominables à regarder ; que si vous saviez comme cela vous messied, vous y mettriez plutôt le feu que de les montrer par la mauvaise grace qu’ils vous donnent ; & pleust à la bonté de Dieu qu’il fust permis à toutes personnes d’appeler celles qui les portent, Paillardes & Putains, afin de les en corriger !
Il s’est rendu encore très-utile par un Traité des Libertés de l’Eglise Gallicane, & par un autre, de l’Origine des Chevaliers, Héraults, &c.
FRANÇOIS DE SALES, [Saint] Evêque & Prince de Geneve, sa patrie, né en 1567, mort à Lyon en 1622 ; Ecrivain au dessus de son siecle, & que le caractere de son génie ne rendra jamais inférieur aux siecles qui le suivront.
Il s’est rendu justement méprisable par l’abus qu’il a fait de son esprit, de son imagination, & de sa vivacité, toujours dépourvue de goût & de jugement.
Larue a quelquefois plus d’élévation, & sa morale annonce un esprit aussi fin observateur, qu’heureux à trouver des expressions & des tours propres à rendre ses idées, & à les faire saisir par une vive impression.
C’est particuliérement par cette derniere qu’il a rendu de grands services aux Historiens.
M. de Valois répandit un jour lumineux sur tous ces objets, en quoi il s'est rendu plus utile qu'une foule d'autres Compilateurs qui ont augmenté le nombre des Livres, sans augmenté celui des connoissances.
C'est dommage que ce Livre, dont l'idée est si heureuse & qui renferme tant d'excellentes choses, puisse devenir dangereux à quelques égards, faute d'être assez décidé dans le ton qu'on a choisi pour le rendre intéressant.
Il faut la voir ; comment rendre le mouvement, la mêlée, le tumulte d’une foule d’hommes jetés confusément les uns à travers les autres ; comment peindre cet homme renversé qui a la tête fracassée et dont le sang s’échappe entre les doigts de la main qu’il porte à sa blessure ; et ce cavalier qui, monté sur un cheval blanc, foule les morts et les mourants.
Et aucune maison, aussi, n’a fait plus savamment payer ses services rendus, surtout ses services à rendre. […] Le théâtre musical est rendu très apte par ses limites même à exprimer des idées philosophiques très générales. […] Il avait besoin de voir son texte typographié pour le trouver mauvais ou être enragé du désir de le rendre meilleur. […] Or, la question est de décider si le savoir rend la femme forte. […] Cela est bien rendu dans le livre de M.
Il préférait retrouver une petite bande d’amis, auxquels il donnait rendez-vous à table. […] Elles aiment les honnêtes gens, puisqu’elles les rendent si heureux. […] On se rend populaire en faisant peindre les guérites, en autorisant le port de la barbe ou en goûtant le rata. […] La justice est rendue par des magistrats dont Portalis et Treilhard dictent encore les décisions. […] Toutes ces prouesses, tous ces exploits qui rendent jaloux les autres jeunes gens, il les lui offre en secret.
Trois autres personnages, dont les premiers sont les victimes, ont été rendus avec une rare vérité. […] D’ailleurs le joug de l’armée se brise et rend la liberté relative au peuple après une éclipse d’une certaine durée ; rien n’est éternel, surtout en France. […] Il me la passa, et j’y bus un peu de mauvais vin blanc avec beaucoup de plaisir ; je lui rendis le coco. […] ajouta-t-il d’un air qu’il voulait rendre fin et licencieux. […] Aucun soin ne lui coûtait pour elle ; il était jaloux de ceux qu’il ne lui rendait pas.
Elle n’est pas tenue sans doute d’étudier la poétique comme elle étudie la psychologie, la morale ou la métaphysique ; mais, quand elle traite des beaux-arts, comme le fait Aristote, en posant les principes généraux et essentiels, c’est un service de plus qu’elle rend à l’esprit humain, et qu’elle seule est capable de lui rendre. […] Évidemment elle ne peut être que la forme du corps, non pas du premier corps venu, comme l’ont dit les Pythagoriciens et quelques autres, mais d’un corps formé par la nature, et doué par elle d’organes qui le rendent capable de vivre. […] Rendons d’abord toute justice à la forme même de l’ouvrage et à sa composition. […] Mais le dialogue ne peut être la forme vraie de la science, malgré les services qu’il lui a rendus une fois. […] VIII Honorons ce grand traducteur, non-seulement pour avoir compris, mais pour avoir combattu son modèle, et félicitons notre siècle d’avoir fait naître une intelligence et une vertu dignes de nous avoir rendu, dans Aristote, non pas un philosophe infaillible, mais le plus grand des philosophes de l’antiquité. — C’est Barthélemy Saint-Hilaire !
La Société écossaise y conclut : 1º Que les chants d’Ossian sont d’une antiquité et d’une authenticité incontestables ; 2º Qu’à une époque de l’histoire très-reculée, les montagnes de l’Écosse virent naître un barde, ou poëte populaire, dont les œuvres rendirent le nom immortel et dont le génie n’a été surpassé par aucun moderne ou même ancien émule. […] Rends mon corps à la jeune Moïna ; Ducomar était l’objet de ses songes. […] Ils vainquirent et enchaînèrent Starno, roi de Loclin ; mais ils le rendirent à ses vaisseaux ; son cœur était gonflé d’orgueil et de ressentiment ; il méditait au fond de son âme ténébreuse la mort du jeune vainqueur, car jamais, jamais nul autre que Fingal n’avait dompté la force du puissant Starno. […] Cependant les accents de la joie se font entendre ; les harpes frémissent et rendent des sons d’allégresse. […] « — Veux-tu te rendre ou combattre ?
S’il en est ainsi, on conçoit donc que la sélection naturelle vienne constamment en aide au défaut d’exercice pour rendre l’atrophie de l’œil de plus en plus complète. […] Qu’on ne suppose pas non plus qu’il n’apparaisse jamais aucunes différences dans la constitution des jeunes plantules de Haricots ; on a publié un compte rendu constatant au contraire que certains semis se montraient beaucoup plus résistants que les autres. […] Je n’ai pu constater qu’elle s’appliquât aux plantes, ce qui aurait beaucoup ébranlé ma confiance en sa valeur, si la grande variabilité des plantes ne rendait pas extrêmement difficile toute comparaison des degrés relatifs de cette variabilité. […] N’est-il pas plus naturel de supposer que l’espèce aveugle de Bathyscia qui vit au dehors des cavernes descend de l’espèce aveugle qui en habite l’intérieur ; et que si la sélection naturelle a pu réussir à adapter celle-ci à ses conditions de vie, elle n’a pas encore eu le temps ou l’occasion d’agir sur l’autre pour lui rendre graduellement la vue ? […] Or, il résulte de leur peu d’importance pour la conservation des individus que la sélection spécifique n’a aucune prise sur eux pour les rendre fixes et permanents.
Les Réformés odieusement persécutés, poursuivis comme des fauves à la voix des ministres du Dieu d’amour et de justice, mais rendus audacieux par la sainteté de leur cause, se relevèrent et combattirent, décidés, s’il le fallait, à périr en défendant la foi nouvelle. […] L’Édit de Nantes qu’il rendit en 1598 ne pouvait sanctionner qu’une transitoire et précaire paix religieuse. […] Écoutons l’histoire : « Chaque assemblée quinquennale redoublait, au moment du vote du don gratuit, d’instances pour la destruction de l’hérésie : « Nous ne demandons pas, Sire, disaient les évêques, que votre Majesté bannisse à présent de son royaume cette malheureuse liberté de conscience, qui détruit la véritable liberté des enfants de Dieu, parce que nous ne jugeons pas que l’exécution en soit facile ; mais nous souhaitons que si votre autorité ne peut étouffer tout d’un coup ce mal, elle le rende languissant et le faire périr peu à peu73 » Sous ce langage patelin, ne reconnaissons-nous pas ce fait positif, que l’épiscopat n’accordait au roi l’argent dont il avait besoin pour entretenir sa valetaille, que contre une promesse formelle de persécution 74 ? […] Mais comme la confiscation ne peut avoir lieu que quand il sera condamné, il faut attendre qu’il ayt esté rendu un jugement contre luy ; après quoy, je le proposerai au Roy, selon vos instructions. » Autre document : Note extraite des mémoires d’un augustin déchaussé, Léonard de Sainte-Catherine de Sienne : « De Paris, ce 5 juillet 1699. […] Ils espérèrent longtemps que justice leur serait rendue ne voulant pas croire encore que de tels crimes pussent être commis avec l’agrément du pouvoir. « Du milieu des supplices et du fond des galères, écrit Michelet, les ministres firent encore un appel à la discussion, et Bossuet répondit par un altier mépris à ces hommes livrés au bourreau. » Et lorsque rendus à l’évidence ceux qui étaient encore libres, furent résolus à s’enfuir, la nécessité seule les y força. « La fuite du protestant est chose volontaire, écrit encore Michelet.
Cette célébrité même et le caractère passionné de ses poésies furent cause qu’après sa mort il se forma insensiblement sur elle une légende qui, accueillie et propagée sans beaucoup d’examen par des critiques d’ordinaire plus circonspects, par Antoine Du Verdier et Bayle, recouvrit bientôt le vrai et finit par rendre l’intéressante figure tout à fait méconnaissable. […] Voici la traduction : « Les odes de l’harmonieuse Sapho s’étaient perdues par la violence du temps qui dévore tout ; les ayant retrouvées et nourries dans son sein tout plein du miel de Vénus et des Amours, Louise maintenant nous les a rendues. […] Maints grands seigneurs à mon amour prétendent, Et à me plaire et servir prests se rendent ; Joûtes et jeux, maintes belles devises, En ma faveur sont par eux entreprises ; Et néanmoins tant peu je m’en soucie, Que seulement ne les en remercie. […] Une muse tendre qui a vécu quelque temps sous le même ciel et qui en a respiré l’influence, Mme Valmore, s’est rendue l’écho de cette tradition vaguement charmante sur elle dans les vers suivants, qui sont dignes de toutes deux : ……………..
Voilà, en effet, Mme de Krüdner, telle qu’elle aurait dû venir pour remplir toute sa destinée, pour ne pas être seulement un romancier charmant et bientôt une illuminée qui fit sourire, pour ne pas manquer, comme il lui est arrivé, cette seconde partie de son rôle et d’une vie qu’elle avait voulu rendre sans réserve à Dieu, à la charité, à l’œuvre de la sainte parole, au salut et au renouvellement du monde. […] Dès le matin, les voitures de l’empereur la vinrent prendre, et les honneurs que Louis XIV rendit à Mme de Maintenon, au camp de Compiègne, ne surpassent point la vénération avec laquelle le conquérant la traita. […] « Dites aux peuples étonnés que les Français ont été châtiés par leur gloire même ; dites aux hommes sans avenir que la poussière qui s’élève retombe pour être rendue à la terre des sépulcres ! […] Ayant obtenu, à un moment, la permission de se rendre à Saint-Pétersbourg, elle en fut bannie peu après pour s’être déclarée en faveur des Grecs, et elle mourut en 1824 en Crimée, où elle essayait de fonder une espèce d’établissement pénitentiaire.
. — Mais il faudrait des événements et des sentiments pour appuyer cela ; il faudrait au moins des études sérieuses pour me rendre témoignage à moi-même. […] Morin, à Fontenay-aux-Roses ; il s’y rendait deux fois par semaine, et le reste du temps il vivait à Paris, jouissant de ses anciens amis et des nouveaux qu’il s’était faits. […] Il écrivait dans une note : « Je rends grâces à Dieu ; « De ce qu’il m’a fait homme et non point femme ; « De ce qu’il m’a fait Français ; « De ce qu’il m’a fait plutôt spirituel et spiritualiste que le contraire, plutôt bon que méchant, plutôt fort que faible de caractère. […] » Et plus hardi à mesure qu’elle était plus confuse, il la serra dans ses bras, et il rendit à ses lèvres qui fuyaient les siennes, le baiser qu’il en avait reçu.
. — Les privilégiés ne rendent pas ces services en France […] De même les trois lieutenants généraux : chacun d’eux « reçoit, à tour de rôle et tous les trois ans, une gratification de 30 000 livres, pour services rendus à cette même province, lesquels sont vains et chimériques, et qu’on ne spécifie pas » ; car aucun deux ne réside, et, si on les paye, c’est pour avoir leur appui en cour. « Ainsi, M. le comte de Caraman, qui a plus de 600 000 livres de rente comme propriétaire du canal du Languedoc, reçoit 30 000 livres tous les trois ans sans cause légitime, et indépendamment des dons fréquents et abondants que la province lui fait pour les réparations de son canal. » — La province donne aussi au commandant comte de Périgord une gratification de 12 000 livres en sus de ses appointements, et à sa femme une autre gratification de 12 000 livres, lorsque pour la première fois elle honore les États de sa présence. […] Mais depuis il a représenté qu’il dépenserait par-delà son revenu, et le roi lui a rendu ses 50 000 écus. » — Vingt ans plus tard, en 1780, quand Louis XVI, voulant soulager le Trésor, signe « la grande réforme de la bouche », « on donne à Mesdames 600 000 livres pour leur table » ; rien qu’en dîners, voilà ce que trois vieilles dames, en se retranchant, coûtent au public. […] Les charges de judicature sont les plus assujetties aux services rendus ; et cependant combien le crédit et la recommandation n’influent-ils pas sur la nomination des intendants, des premiers présidents », et des autres Necker, entrant aux affaires, trouve 28 millions de pensions sur le Trésor royal, et, sitôt qu’il tombe, c’est une débâcle d’argent déversé par millions sur les gens de cour.
Quand, dans le moyen âge de Rome papale, la belle et infortunée Cinci devint complice de la mort d’un tyran féodal, féroce et incestueux, qui était son père, et quand la juste inflexibilité du pape refusa la grâce d’une coupable, grâce que toute l’Italie demandait à cause de la fatalité, de l’innocence et de la beauté de la victime, un peintre illustre saisit son pinceau et retraça, pendant qu’elle marchait à l’échafaud, la figure angélique et la pâleur livide de la Cinci ; ce portrait rendit à la condamnée une vie immortelle. […] Cette justice rémunératoire que Dieu a placée dans nos actes mêmes comme une conscience plus sainte que la fatalité des anciens ne se manifesta jamais avec plus d’évidence ; jamais la loi morale ne se rendit à elle-même un plus éclatant témoignage et ne se vengea plus impitoyablement. […] Ses cheveux blond-cendré étaient longs et soyeux ; son front haut et un peu bombé venait se joindre aux tempes par ces courbes qui donnent tant de délicatesse et tant de sensibilité à ce siège de la pensée ou de l’âme chez les femmes ; les yeux de ce bleu clair qui rappelle le ciel du Nord ou l’eau du Danube ; le nez aquilin, les narines bien ouvertes et légèrement renflées, où les émotions palpitaient, signe du courage ; une bouche grande, des dents éclatantes, des lèvres autrichiennes, c’est-à-dire saillantes et découpées ; le tour du visage ovale, la physionomie mobile, expressive, passionnée ; sur l’ensemble de ces traits, cet éclat qui ne se peut décrire, qui jaillit du regard, de l’ombre, des reflets du visage, qui l’enveloppe d’un rayonnement semblable à la vapeur chaude et colorée où nagent les objets frappés du soleil : dernière expression de la beauté qui lui donne l’idéal, qui la rend vivante et qui la change en attrait. […] De toutes les passions du peuple, celle qu’on y flattait le plus, c’était la haine ; on le rendait ombrageux pour l’asservir.
Son œil bleu, très doux, mais très éclairé d’arrières-lueurs, regarde timidement la foule et hardiment le ciel ; ses joues sont fraîches, de la fraîcheur du lait des montagnes où il est né et où il habite ; le frisson des Alpes court sur sa peau et la rend tour à tour, au souffle de l’inspiration, pâle ou vermeille. […] L’âpre bon sens aiguisé d’esprit et rendu tranchant comme l’acier par l’expression originale, était le caractère de style de cet oncle, ami des Christins de Ferney. […] Si, comme moi, vous avez chevauché dans les déserts et dans les vallées des deux Arabies, vous reconnaîtrez tout de suite que les hommes descendus de Tartarie en Arabie, d’Arabie en Scythie, de Scythie en Hongrie, de Hongrie en Franche-Comté et en Bresse ont passé par là, ont colonisé ses contrées et ont imposé au plus beau fleuve du pays ce nom arabe et générique d’Ain (l’eau par excellence) dont en perdant l’accent Aïn, nos pères, moins euphoniques que les Arabes, ont fait Ain, nom rendu guttural et trivial comme le balbutiement à bouche ouverte d’un enfant hébété. […] Mais pardon encore de cette digression déplacée à propos de la rivière d’Ain, à laquelle les Arabes avaient donné un nom sonore comme l’écho des rochers d’où il tombe en cascades de saphir, et que les Gaulois ont rendu muet comme leur langue de corne et de caoutchouc.
« Je me sens saisi devant tes œuvres, non-seulement de ce tressaillement sacré qui m’écrase d’enthousiasme devant tes immensités et tes perfections réunies, mais encore de la passion de te rendre gloire dans tes ouvrages, comme un insecte qui, ayant vu la trace du pied d’un géant imprimée sur le sable, s’arrête épouvanté d’admiration, la mesure, l’adore et la baise, comme une mesure de la grandeur de l’Être inconnu, — avant de la décrire pour lui et pour les autres. […] » — Allons à lui par la contemplation, et rendons-nous compte de son œuvre complète, afin de l’adorer plus complètement dans son œuvre, qu’il me permet d’entrevoir, jusqu’au moment où des instruments intellectuels plus parfaits me rapprocheront encore davantage, et où la science fera tomber les voiles qui me dérobent la perfection et l’immensité de l’infini. […] — Quelle science, que la négation du seul principe qui peut rendre raison de tout ! […] On se rend fort bien compte de la nature de ces soutiens et de leur façon de croître, quand on examine une série de jeunes sujets d’âges différents.
Ils se disaient nobles de trois cents ans, issus de Jean Boileau, notaire et secrétaire du roi, anobli en 1371 : prétention qui fut confirmée par un arrêt authentique rendu en 1699 à la requête de notre poète. […] Par un scrupule de conscience, il rendit un bénéfice qu’il avait obtenu du temps où on le destinait à l’Église, et il restitua même une somme égale à tous les revenus qu’il avait touchés. […] Bourdier s’étant retiré pour n’être pas témoin d’une entreprise aussi téméraire » ; l’éclatant monosyllabe qu’il articula en sortant de l’eau, et que jamais il ne put arriver depuis à faire sortir une seconde fois de son gosier ; enfin son retour à Paris, et toutes les recettes dont il essaye, sans confiance et jamais tout à fait sans espoir, tisane d’érysimum, grains de myrrhe transparente, et même simple eau de poulet, qui avait rendu la voix à un chantre de Notre-Dame : tout cela fait une comédie digne de Molière. Il ne faut pas croire que la maladie rendît Despréaux fort morose.
Parce que, dans la situation unique qu’il occupait sur la planète et que ses origines rendaient plus extraordinaire, la mesure du bien et du mal ne devait pas lui sembler la même pour lui que pour les autres hommes. […] Et je ne sais rien de plus beau, de plus riche de sens et de poésie, de plus saisissant par la grandeur et l’importance de l’idée exprimée, et en même temps par la simplicité superbe et la rapidité précise et ardente de l’expression, que ces trente vers où nous est rendue présente, comme dans un large éclair, la suprême découverte de la science et la conception la plus récente de l’unité du monde physique. […] Ce vibrant messager solaire Dans les forêts couve, s’endort Et se réveille après leur mort Dans leur dépouille séculaire, Noir témoin des printemps défunts, Qui nous réchauffe, nous éclaire Et nous rend l’âme des parfums ! […] … Tu sais comment me fut rendu Ce repos que j’avais, en t’oubliant, perdu.
Les procédés les plus délicats, il les rend infâmes par sa façon de les ressentir, de les solliciter bientôt, de les exiger tout à l’heure, à moins qu’il n’en détourne l’abondance à son profit par des manœuvres répugnantes. […] La justice civile et pénale est boiteuse et myope ; elle rend des arrêts qui sont rarement l’expression de l’équité absolue, et la plupart des jugements sont des cotes mal taillées. Cependant, le corps social a besoin d’une magistrature et il est nécessaire qu’on rende la justice, tant bien que mal. […] Le succès récent de Marc Elder montre que l’Académie Goncourt rend parfois des arrêts équilibrés, raisonnables, et dignes d’approbation.
Le fier Camille lui-même se rend bien, dans le conte de La Fontaine, lorsque la courtisane amoureuse pose son pied sur son sein nu, avec une servilité si touchante : Je me déclare aujourd’hui votre amant Et votre époux, et ne sais nulle femme Qui vous valût pour maîtresse et pour femme… Voilà comment Constance réussit. […] Admettons, et il faut l’admettre, puisque c’est vrai, que je ne sois pas digne, en bonne morale, du nom et de la position que j’ambitionne, est-ce bien à vous, qui avez contribué à m’en rendre indigne, à me fermer la route honorable où je veux entrer ? […] Comment une femme du vrai monde peut-elle se rendre à une entrevue suspecte, à une visite dangereuse, sur la sommation d’une lettre anonyme ? […] Les accusations arrivent trop tard, elles semblent fabriquées pour le besoin de la cause ; des actions véreuses, des pêches en eau trouble, d’anciens trous faits à de vieilles lunes ne suffisent pas pour rendre subitement odieux un caractère qui, jusque-là, n’avait pas semblé déplaisant. « Vous m’ennuyez à la fin !
Enfin il n’y a que cette idée des contraires qui puisse nous rendre relativement libres en nous montrant le possible à côté de l’actuel. […] « La différence entre un mouvement volontaire et un mouvement involontaire de la jambe, dit Spencer, c’est que, tandis que le mouvement involontaire se produit sans conscience antécédente du mouvement à faire, le mouvement volontaire ne se produit qu’après qu’il a été représenté dans la conscience. » Selon nous, cette première caractéristique est insuffisante ; si je suis sur un précipice, je puis me représenter d’avance ma chute, ce qui ne la rend pas volontaire. […] Renouvier, que le jugement détermine la volonté, puisque la volonté intervient dans la formation du jugement même et contribue ainsi à rendre tel ou tel motif plus ou moins fort ? […] « Mais n’arrive-t-il pas, dit-on, que la volonté rende pratiquement prépondérant un motif qui, théoriquement, n’était pas la résultante des forces qui sollicitaient l’âme164. » Dans ce cas, le calcul théorique était incomplet : il portait seulement sur la valeur intrinsèque des forces sollicitant le cerveau et ne tenait pas compte de la réaction des forces inhérentes au cerveau même : c’est la résultante de ces deux facteurs qui seule est pratique, et en même temps seule exacte théoriquement.
… Non, c’est pour rendre au temps à la fin tous ses jours, Pour faire confluer, là-bas, en un seul cours Le passé, l’avenir, ces deux moitiés de vie Dont l’une dit jamais et l’autre dit toujours. […] Le vent du midi avait redoublé d’haleine à mesure que le soleil était monté sous le ciel ; il avait pris les bouffées et les rafales d’une tempête sèche ; depuis que le soleil avait commencé à redescendre vers le couchant, il avait balayé comme un cristal le firmament ; il faisait rendre aux bois, aux rochers, et même aux herbes, des harmonies qui semblaient mêlées de notes joyeuses et de notes tristes, d’embrassements et d’adieux, de terreur et d’enthousiasme ; il amoncelait en tourbillons les feuilles mortes, et puis il les laissait retomber et dormir en monceaux miroitants au soleil : ce vent avait dans les haleines des caresses, des tiédeurs, des sentiments, des mélancolies et des parfums qui dilataient la poitrine, qui enivraient les oreilles, qui faisaient boire par tous les pores la force, la vie, la jeunesse d’un incorruptible élément. […] Je jetai enfin, comme l’âme fait toujours quand elle est trop chargée, mon fardeau dans le sein de Dieu ; il reçoit tout, il porte tout, et il rend tout. […] » ajouta-t-il avec un accent de regret attendri. — « Oui, c’est moi, père Dutemps », lui dis-je : « Donnez-moi votre main, que je la serre encore en reconnaissance des bons services que vous nous avez rendus, des bons fagots que vous nous avez brûlés, des bonnes galettes de sarrasin que vous nous avez cuites à votre feu, et de l’amitié que Madeleine, ses filles et vous, vous aviez pour notre mère et pour ses enfants !
C’est ainsi, par exemple il faut vous rappeler tout au moins quelques-uns de ces contes c’est ainsi, par exemple, que la Poule aux Œufs d’or, le Trésor et les deux Hommes, les Femmes et le Secret, l’Astrologue, l’Ours et les deux Compagnons, le Vieillard et les trois Jeunes Hommes, le Jardinier et son Seigneur, la Jeune Veuve, la Fille, sont de petites nouvelles presque toujours imitées d’anciens conteurs, mais relevées par une certaine manière de considérer l’humanité avec malice, avec indulgence et avec un certain souci de la rendre, je ne dis pas meilleure, encore une fois, le mot ne conviendrait pas, mais plus sage, plus sensée et même plus juste. […] Je le pris au mot, et ainsi votre oncle demeura seul, et alla coucher à Châtellerault, où nous promîmes de nous rendre le lendemain de grand matin. » C’est absolument clair, La Fontaine est au moins aussi surveillé par M. de Châteauneuf que son oncle. […] Elles ne nous rendirent notre salut, qu’en faisant une légère inclination de tête, marchant toujours avec une gravité de déesses, et ne daignant presque jeter les yeux sur nous, comme simples mortels que nous étions. […] Jannart et M. de Châteauneuf à l’auberge du Cheval Blanc, je suppose, et, après s’être promené, c’est à l’auberge du Lion d’Or qu’il se rend et où il est tout à fait chez lui.
L’exemple, le conseil et le travail des mains Me pouvaient rendre utile à des troupes de saints… La réflexion à faire, semble-t-il, sur ce petit épisode, c’est que ce n’est donc pas par simple obéissance aux lois du genre que La Fontaine, dans ses fables, met toujours une moralité, car ici, quand il n’est pas forcé d’en mettre une, puisque ce n’est pas une fable qu’il écrit, même quand c’est un épisode d’un poème épique religieux, il y met une moralité. […] Aussitôt il me conte Les malheurs qui causaient son chagrin et sa honte ; Qu’ayant été d’humeur à ne se plaindre rien, Ses dents avaient duré plus longtemps que son bien, Et qu’un jeûne forcé le rendait ainsi blême. […] Lorsque l’amour s’empare de deux cœurs, Pour rompre leur commerce et vaincre leurs ardeurs, Employez les secrets de l’art et la nature, Faites faire une tour d’une épaisse structure, Rendez les fondements voisins des sombres lieux, Elevez son sommet jusqu’aux voûtes des cieux, Enfermez l’un des deux dans le plus haut étage, Qu’à l’autre le plus bas devienne le partage, Dans l’espace entre deux, par différents détours, Disposez plus d’Argus qu’un siècle n’a de jours, Empruntez des ressorts les plus cachés obstacles ; Plus grands sont les revers, plus grands sont les miracles : L’un, pour descendre en bas osera tout tenter, L’autre aiguillonnera ses esprits pour monter. […] De moment en moment enjambant l’intervalle, Enfin, ils feront tant, au milieu du dédale, Qu’imperceptiblement ensemble ils se rendront, Et malgré vos efforts, mon fils, ils se joindront : C’est un coup sûr.
Ces grands cadres académiques, que Mignet rend plus symétriques encore, écrasent le portrait quand le personnage n’est pas décidément un type à unité.
Tout cela rend ce discours sobre très-piquant.
Jules Lacroix de nous avoir rendu possible, on les transportant au théâtre, les belles scènes du Roi Lear.
Le poète est convaincu — et il le prouve du reste — qu’il n’est point de nuance, si subtile soit-elle, qu’on ne puisse rendre et pour ainsi dire faire toucher au moyen des mètres consacrés que le vrai poète sait toujours modeler sur la pensée.
Ses talens pour le Barreau l’auroient rendu célebre ; mais sa passion pour une Comédienne* l’engagea dans une autre carriere, où il ne s’est pas acquis moins de gloire.
Dans les trois Ouvrages dont nous venons de parler, il paroît instruit, judicieux, méthodique, & capable de rendre ses connoissances utiles ; ses idées sont nettes, son style est simple.
Racan est le premier qui ait su faire rendre aux chalumeaux François ces sons doux & naïfs qui firent autrefois les délices & la gloire de l’Italie.
En remontant jusqu’à la source primitive d’un systême de musique connu à la Chine depuis plus de quatre mille ans ; en approfondissant les principes sur lesquels ce systême appuie ; en développant ses rapports avec les autres sciences ; en déchirant ce voile épais qui nous a caché jusqu’ici la majestueuse simplicité de sa marche, ce Savant eût pénétré peut-être jusque dans le Sanctuaire de la Nature… Son Ouvrage nous eût peut-être fait connoître à fond le plus ancien systême de musique qui ait eu cours dans l’Univers [celui des Chinois] ; & en l’exposant avec cette clarté, cette précision, cette méthode qu’on admire dans son Mémoire, il eût servi comme de flambeau pour éclairer tout à la fois & les Gens de Lettres & les Harmonistes : les premiers, dans la recherche des usages antiques, & les derniers dans celle du secret merveilleux de rendre à leur Art l’espece de toute-puissance dont il jouissoit autrefois, & qu’il a malheureusement perdue depuis. »
De la vivacité dans le génie, de la facilité dans l'expression, de la hardiesse dans les pensées, mais très-souvent un défaut de goût & d'exactitude dans le style ; voilà le caractere de ce Poëte, que ses aventures fâcheuses ont rendu aussi célebre que ses Ouvrages.
C’est l’effet de la lumière ; c’est l’art de rendre pour ainsi dire sensible, cette vapeur légère qui règne dans les grands édifices, et telle qu’on la remarque dans ce morceau de Machy.
A tout instant on l’entendait dire : je suis allée ici ; je me suis rendue là.
Damiette s’étant rendue, saint Louis résolut d’y passer l’été (1249) pour attendre que le Nil fût diminué. […] Car, tandis qu’il est là, tout blessé, à défendre vaillamment le petit pont qu’on reconnaît encore aujourd’hui sur les lieux et qu’il a rendu célèbre, tandis qu’entre son cousin le comte de Soissons à main droite et monseigneur Pierre de Neuville à gauche, il couvre de son mieux la position menacée du roi, Joinville nous raconte comment ils ont fort à faire pour résister à ces vilains Turcs et à d’autres gens du pays (de vrais vilains et paysansw) qui les viennent assaillir de feu grégeois et de coups de pierres : et quand il y avait une trop grande presse de ces vilains Sarrasins à pied, le comte de Soissons et lui (qui n’était blessé, dit-il, qu’en cinq endroits et son cheval en quinze) piquaient des deux et les chargeaient d’importance : « Le bon comte de Soissons, en ce point-là où nous étions, se moquait à moi et me disait : “Sénéchal, laissons huer cette canaille ; car, par la coiffe-Dieu (c’était ainsi qu’il jurait), encore en parlerons-nous de cette journée dans les chambres des damesx.” » Voilà bien un propos noble et militaire. […] Pour se mieux assurer de l’exécution du traité et aussi pour rendre courage aux chrétiens de Syrie, le roi s’en va à la ville d’Acre.
Après avoir fait ses études au collège d’Alais, il quitta la France à dix-neuf ans et se rendit à Genève pour y étudier sans doute la théologie et s’y préparer au ministère évangélique. […] Maupertuis, président perpétuel de l’Académie de Berlin, a rendu de vrais services qui ont été appréciés par des juges compétents, et, en dernier lieu, par le regrettable M. […] Frédéric, le premier et le meilleur des juges, a constamment rendu à Maupertuis d’honorables et affectueux témoignages.
C’était peut-être une injustice pour quelques-unes de ces versions qui pouvaient donner une certaine idée de l’auteur latin, en attendant mieux ; et, comme il le disait naïvement en une de ses préfaces : « Si je n’ai pas rendu en cela un grand service au public, je crois facilement aussi que je ne lui ai pas fait beaucoup de mal. » Il écrivait ces paroles d’innocence dans la préface de son Tibulle, en 1653, et s’y plaignait dès lors du peu de cas qu’on faisait de son travail, du malheur de n’avoir point pour amis « ceux qu’on tenait pour arbitres de la réputation des livres », et du silence barbare qu’affectaient de garder au sujet de ses productions quelques personnes sur l’amitié desquelles il avait cru pouvoir compter. […] Il trouve des expressions significatives pour rendre l’espèce de répulsion et de frayeur qu’il avait produite : « Un silence profond de ceux qui étaient auparavant mes amis dans les lettres, et qui m’ont abandonné depuis, comme si je les avais offensés de leur avoir donné de mes livres, m’a fait assez apercevoir du sentiment public sur ce sujet26. » Je ne sais si l’on trouverait un autre exemple, un autre cas aussi caractérisé de discrédit que celui de Marolles ; c’est un phénomène à étudier dans son genre. […] Et encore dans une lettre à Huet, du 18 février 1662 (car Chapelain, en leur présentant Marolles, fait le tour de tous ses amis) : Jamais homme n’envisagea moins la vérité, n’entendit moins les auteurs, pour peu qu’ils soient difficiles, ne crut moins important de les rendre fidèlement, ni ne distingua moins les termes pour les employer…, et, ce qu’il y a de pis, jamais homme ne conçut moins la matière qu’il manie, n’eut moins de teinture des préceptes de l’éloquence et de la poésie, ni ne sut moins les principes de la philosophie.
Vous ne me connaissez pas encore assez pour me rendre une entière justice sur ces différents points. […] « Ayant imaginé, Monsieur, qu’après avoir demeuré quelque temps où vous êtes, vous seriez peut-être bien aise de voir l’Angleterre et même de vous y établir, j’ai écrit à des gens propres à vous en rendre le séjour agréable, et particulièrement à M. […] Concevez tous les motifs que j’avais de croire l’histoire fabuleuse ; combien ma surprise et mon ignorance que j’exprimais naïvement dans mes lettres (elle était à Pougues) contribuaient à la faire regarder comme telle par les personnes qui concluaient, ainsi que moi, que le baron d’Holbach n’eût pas dû être votre premier confident ; enfin, le déplaisir que vous m’avez causé par une conduite qui déroge un peu, ce me semble, à l’amitié que vous m’avez promise. » Puis, en venant au fond, elle estime que son ami le philosophe s’est laissé bien vivement emporter au sujet d’une injustice cruelle dont il a été l’objet, et dont une pauvre tête égarée a pu seule se rendre coupable : « Mais vous, au lieu de vous irriter contre un malheureux qui ne peut vous nuire, et qui se ruine entièrement lui-même, que n’avez-vous laissé agir cette pitié généreuse, dont vous êtes si susceptible ?
Vers la fin de mai 1789, Malouet fut fort étonné de se voir recherché de sa part, Mirabeau lui fit dire par deux de ses amis genevois, Du Roveray et Dumont, qu’il lui demandait un rendez-vous. Malouet, qui avait volontiers le premier mouvement circonspect et la répulsion un peu prompte, ne dissimula point sa répugnance à recevoir chez lui l’équivoque personnage ou à l’aller visiter : rendez-vous fut pris pour le soir en maison tierce, chez les négociateurs mêmes. […] Malouet eut le tort de ne pas s’y rendre, de ne pas accompagner Mirabeau, et de ne pas prendre sur lui de le piloter : une fausse délicatesse l’en empêcha.
Mais surtout, mais à tout moment, soit dans le courant d’une pièce, soit au début, la pensée part subitement du sein de Mme Valmore comme un essaim effaré ; on ne peut rendre l’essor de ces échappées violentes ; ceux qui ont entendu Mme Dorval, en quelques-uns de ses cris sublimes, ont éprouvé une impression également irrésistible. […] « J’avais quatre ans à l’époque de ce grand trouble en France. — Les grands-oncles de mon père, exilés autrefois en Hollande à la révocation de l’Édit de Nantes, offrirent à ma famille leur immense succession, si l’on voulait nous rendre à la religion protestante. […] Elle attribue beaucoup, pour l’inspiration élégiaque des Latins, aux obstacles que rencontrait l’amant dans la situation sociale de la femme, obstacles qui ne pouvaient être écartés que par elle ; elle ajoutaït en finissant : « S’il se trouvait donc un individu dont le sort, en aimant, dépendit absolument de la volonté, des désirs, des penchants d’un autre, sans qu’il lui fût permis de rien faire pour se le rendre favorable ; dont tous les sentiments éternellement réprimés se consumassent en souhaits inutiles, n’aurait-il pas un grand avantage pour la peinture des agitations du cœur ?
Sa fuite empressée, le soir, quand son coursier l’emporte au rendez-vous, provoque la bénédiction imprévue et presque tendre que le poëte envoie à l’amant. […] Un baiser, le premier qu’il ait donné à sa Mamette, comme il appelle Déidamia, va lui être rendu. […] Le procédé d’exécution répond tout à fait à ce qu’on peut attendre : une simplicité parfaite, une force continue ; point de pomposo ni de bavardage ; point de réflexions ni de digressions ; quelque chose de droit qui va au but, qui ne se détourne ni d’un côté ni de l’autre, et pousse devant, en marquant chaque pas, comme un bélier sombre ; point de vapeurs à l’horizon ni de demi-teintes, mais des lignes nettes, des couleurs fortes dans leur sobriété, des ciels un peu crus, des tons graves et bruns ; chaque circonstance essentielle décrite, chaque réalité serrée de près et rendue avec une exactitude sévère ; chaque personnage conséquent à lui-même de tout point ; vrai de geste, de costume, de visage ; concentré et viril dans sa passion, même les femmes ; et derrière ces personnages et ces scènes, l’auteur qui s’efface, qu’on n’entend ni ne voit, dont la sympathie ni l’amour n’éclatent jamais dans le cours du récit par quelque cri irrésistible, et qui n’intervient au plus que tout à la fin, sous un faux air d’insouciance et avec un demi-sourire d’ironie.
Le plus court et le plus sûr est de le renvoyer, car les Nouvelles ecclésiastiques 30 triompheront sur un homme de ce caractère… » J’ai cité cette lettre parce qu’elle me paraît caractériser à merveille, dans le ton paterne du bon octogénaire, le genre de libertinage, comme il disait, dont la muse de Gresset s’était rendue coupable ; c’est un petit libertinage léger et sans trop de fond, une gaieté de jeunesse très-émoustillée, et qui ne tire pas tellement à conséquence qu’elle ne fasse encore sourire le digne cardinal au moment où il la condamne : on sent que, s’il ne faut plus garder Gresset chez les jésuites, il n’est pas perdu sans ressources pour cela, et qu’il pourra revenir à résipiscence, comme y revint ce Vert-Vert lui-même qu’il a si gentiment chanté. […] En combien d’endroits de ses lettres Cicéron se montre préoccupé de ce je ne sais quoi si réel et si indéfinissable, soit que, du fond de la Cilicie, il écrive à un de ses amis plus heureux, qui vit, comme il dit, à la lumière : « Urbem, urbem, mi Rufe, cole et in ista luce vive 39, » soit qu’il écrive à cet autre qui se plaignait de lui, et qui tout d’un coup, en arrivant à Rome, change de ton : « Il a suffi du seul aspect de la ville pour te rendre ta première urbanité, adspectus videlicet urbis tibi tuam pristinam urbanitatem reddidit 40 ! […] Gresset, par exemple, dont Votre Majesté me parle, a deux emplois qui lui rendent deux mille écus ; il faut ajouter à cela une des plus jolies femmes de Paris pour maîtresse. » Frédéric espérait Gresset à Berlin et ne l’eut pas.
Il ne me surprend pas que Christine ait quitté le trône pour vivre paisiblement occupée des sciences et des arts qu’elle aimait… Pourtant, si j’étais reine, je sacrifierais mes goûts au devoir de rendre mes sujets heureux… Oui, mais quel sacrifice ! […] J’ai grand besoin de philosophie pour soutenir les assauts qui se préparent : j’en ai fait provision ; je suis comme Ulysse accroché au figuier : j’attends que le reflux me rende mon vaisseau. » M. […] Dans toute cette partie finale et déjà bien grave de la Correspondance, au milieu des vicissitudes domestiques et des malheurs qui assiégent l’existence de celle qui n’est déjà plus une jeune fille, il ressort pourtant une qualité qu’on ne saurait assez louer ; un je ne sais quoi de sain, de probe et de vaillant, émane de ces pages ; agir, avant tout, agir : « Il est très-vrai, aime-t-elle à le répéter, que le principe du bien réside uniquement dans cette activité précieuse qui nous arrache au néant et nous rend propres à tout. » De cet amour du travail qu’elle pratique, découlent pour elle estime, vertu, bonheur, toutes choses dans lesquelles elle a su vivre, et qui ne lui ont pas fait faute même à l’heure de mourir.
Son rôle eût été, si ses vers avaient su se rassembler et se publier alors, de reproduire avec un art achevé, et même superstitieux, de jolis ou grotesques sujets du Moyen-Age finissant, de nous rendre quelques-uns de ces joyaux, j’imagine, comme les Suisses en trouvèrent à Morat dans le butin de Charles le Téméraire165. […] La première doit être d’avant 1830, lorsqu’avec un peu de complaisance on se permettait encore de rêver un roi suzerain en son Louvre ; les deux autres portent leur date et nous rendent avec une grâce exquise le très-proche reflet d’une réalité douloureuse. […] Constatons seulement, et pour que les moins entraînés y réfléchissent, constatons la lutte éternelle, inégale, et que la société moderne, avec ses industries de toute sorte, n’a fait que rendre plus dure.
Ce grand convertisseur et manieur d’âmes sait bien que ni l’Évangile ni la vie selon l’Evangile ne sont choses plaisantes, et il faut ne l’avoir pas lu pour s’imaginer qu’il rende la dévotion aisée. […] Il a une singulière netteté de vision, et rend avec une puissance, un relief, une vie extraordinaires les physionomies, les attitudes, les propos des originaux qu’il a rencontrés. […] Comme il affranchit sa pensée, en supprimant la crainte des applications pratiques, il la rend efficace, en ôtant la tentation des aventures métaphysiques.
Et je suis tenté de croire que, parmi les causes qui nous ont rendus si différents des hommes d’autrefois, même des hommes d’il y a cent ans, il faut tenir grand compte de celle-là, et que cet amour de la nature a profondément modifié l’âme humaine (je ne parle, bien entendu, que d’une élite). Car cet amour suscite une sorte de rêverie qui nous apaise et nous rend plus doux, étant faite d’une vague et flottante sympathie pour toutes les formes innocentes de la vie universelle. […] En général, l’œil de M. de Glouvet décompose, mais ne résume pas : il nous laisse faire ce travail et se contente de nous le rendre facile.
Mais le travail était sur tout rendu malaisé parce qu’il s’agit de deux poètes modernes qui, en véritables poètes, ont dit indirectement ce qu’ils avaient à dire en réfléchissant leur pensée sur des images et des symboles. […] Mais il appartient au tact de l’artiste de dessiner sa pensée jusqu’à la rendre aisément perceptible en ses lignes générales sans la restreindre à une idée particulière. […] Il y a ici une objection : une œuvre d’art, — un drame par exemple, — peut rendre nécessaire l’existence simultanée de formes nullement connexes.
Que d’arrêts furent rendus et que de sottises débitées en son nom ! […] Et pourtant leur orgueil inconscient aboutissait à dire au public : — Ce qui est bon, c’est ce que j’aime. — Si on leur eût demandé quel garant ils avaient de la justesse de leurs arrêts (car forcément ils en rendaient quand même, et souvent de très durs), ils n’auraient pu que répondre comme la Médée de Corneille : Moi, Moi, dis-je, et c’est assez. […] Elle a, dans les jugements qu’elle rend, des motifs de derrière la tête, des considérants qu’elle ne dit pas et souvent qu’elle ne sait pas.
Ce n’est pas en vain que le drapeau tricolore a flotté au Kremlin comme à Lisbonne ; que Hambourg a été comme Rome une préfecture française ; que les proscrits de la République, de l’Empire et de la royauté restaurée ont promené en tous pays leur fidélité aux Bourbons, aux Bonapartes ou à la liberté ; que les nations coalisées ont rendu toutes ensemble à la France la visite armée que chacune d’elles en avait reçue. […] Ce qui peut en cas pareil consoler les plus désireux de voir leur patrie grande et forte, c’est que, si la France s’inspire parfois de ses voisins, ceux-ci le lui rendent avec usure. […] Il faut suivre avec un soin extrême l’ordre des dates, si l’on veut rendre à César ce qui appartient à César.
Dans ce sujet purement scientifique, qui est hors de notre domaine, la conclusion nous importe ; je la traduis : « Si cette hypothèse rend compréhensible la genèse du système solaire et des autres systèmes sans nombre qui lui ressemblent, le dernier mystère reste aussi impénétrable. […] En vérité, loin de rendre l’univers moins mystérieux qu’auparavant, elle en fait un plus grand mystère. […] De plus, comme le développement implique la continuité, toutes les sciences se tiennent, elles sont les parties d’un même tout ; il y a entre elles unité de composition, et chacune influe sur les autres ; un progrès rend possibles des découvertes nouvelles, qui jetteront plus de lumière sur ce qui est déjà acquis.
Sa physionomie annonce d’abord son esprit : un air du monde, répandu dans toute sa personne, le rend aimable dans toutes ses actions. […] Mlle Le Couvreur, après avoir pris conseil de ses amis, se rendit au lieu indiqué en se faisant accompagner. […] Elle donna donc un second rendez-vous à l’abbé, consulta ses amis, et le comte de Saxe lui-même ; il fut décidé que l’abbé aurait l’air de se prêter à tout et qu’il irait prendre les pastilles aux Tuileries.
Dans les pages de réflexions et de considérations élevées qu’il écrivit dans la retraite ou dans la captivité en 1792, il faut lui rendre cette justice qu’il parle surtout des choses et des événements généraux, et très peu de lui. […] Oui, elle alla à Robespierre diminuée en nombre et en étendue, mais accrue en intensité et portée jusqu’au fanatisme, ce qui la rendit plus réelle et plus redoutable. […] C’est alors que, voulant montrer tout le danger qu’il y avait pour la liberté même à rendre la personne du monarque responsable à ce degré soit en mal, soit en bien, il s’écria : « À ceux qui s’exhalent avec une telle fureur contre l’individu qui a péché, je dirai : Vous seriez donc à ses pieds si vous étiez contents de lui !
Il écrivait à ce fils en toute sincérité : « Du premier jour de votre vie, l’objet le plus cher de la mienne a été de vous rendre aussi parfait que la faiblesse de la nature humaine le comporte. » C’est vers l’éducation de ce fils que s’étaient tournés tous ses vœux, toutes ses prédilections affectueuses et mondaines, et, vice-roi d’Irlande ou secrétaire d’État à Londres, il trouvait le temps de lui écrire de longues lettres détaillées pour le diriger dans les moindres démarches, pour le perfectionner dans le sérieux et dans le poli. […] Un tel jugement est souverainement injuste, et si Chesterfield, dans le cas particulier, insiste tant sur les grâces des manières et sur l’agrément à tout prix, c’est qu’il a déjà pourvu aux parties plus solides de l’éducation, et que son élève n’est pas en danger du tout de pécher par le côté qui rend l’homme respectable, mais bien par celui qui le rend aimable.
si jamais des rois et de la tyrannie Mon front républicain subit le joug impie, La tombe me rendra mes droits, ma liberté… Si l’on se reporte au ton de l’époque et à l’âge de l’auteur, on n’attachera pas à ces cocardes d’un jour plus d’importance qu’il ne faut. […] Michaud un proscrit, et le rendit pour un temps à la poésie, aux affections douces, au rêve. […] Berryer lui rendait cette justice.
À cette probité réelle et fondamentale, Franklin tenait aussi à joindre le profit social légitime qui en revient ; mais, en remarquant les petites adresses et les petites industries qu’il mettait à se rendre de plus en plus vertueux au-dedans et à être de plus en plus considéré au-dehors, on ne saurait jamais séparer chez lui l’apparence d’avec la réalité. […] Franklin imagina un moyen de le gagner sans sollicitation ni bassesse, et ce moyen, ce fut de se faire rendre un petit service par lui : Ayant appris, dit-il, qu’il avait dans sa bibliothèque un certain livre très rare et curieux, je lui écrivis un mot où je lui exprimais mon désir de parcourir ce volume, et où je demandais qu’il me fît la faveur de me le prêter pour peu de jours : il me l’envoya immédiatement, et je le lui renvoyai au bout d’une semaine avec un autre billet qui lui exprimait vivement ma reconnaissance pour cette faveur. […] C’est une nouvelle preuve de la vérité d’une vieille maxime que j’avais apprise, et qui dit : Celui qui vous a une fois rendu un service sera plus disposé à vous en rendre un autre, que celui que vous avez obligé vous-même.
On ne rend pas volontiers justice aux justiciers. […] Il y a quelques années, « une plume fort autorisée », comme on dit en patois académique et officiel, écrivait ceci : — « Le plus grand service que puissent nous rendre les poëtes, c’est de n’être bons à rien. […] Que ce service rendu, coopérer à la civilisation, entraîne déperdition de beauté pour la poésie et de dignité pour le poëte, on ne peut énoncer cette proposition sans sourire.
Lorsque dans ce livre, qui ne dogmatise pas, qui ne prêche pas, qui ne professe pas, elle fait, par hasard ou par habitude, un petit mouvement protestant, elle le rend si joli, par ce qu’elle y met, qu’on le lui pardonne. […] Si vous mutilez mon être moral pour rendre à Dieu la tâche aisée, Dieu refusera de telles facilités. » Ni le repos promis par les uns, ni la contemplation immobile dans la lumière, décrite par les autres, car, le repos, « c’est l’oubli du passé, l’effacement de tout, excepté de l’ardeur présenté, éternelle, identique », ne peuvent satisfaire l’âme exigeante qui veut vivre dans les cieux avec des intensités plus grandes que celles de la terre, et qui demande au Paradis un Dieu personnel à aimer de toute l’énergie de sa personnalité à elle-même. […] Et même ailleurs, — rendons-lui cette justice, puisqu’elle n’est pas avec nous, et précisément parce qu’elle n’est pas avec nous, — on a rarement aimé Dieu mieux qu’elle.
On peut donc dire que du temps de Saint-Simon elle était d’hier… Excepté Dunois, le glorieux bâtard d’Orléans, qui fut un héros et qui racheta et effaça sa tache de bâtardise par les services qu’il rendit à la France, mais dont la postérité (la maison de Longueville) a gardé jusqu’à la dernière heure dans l’État, qu’elle n’a pas cessé de troubler, le caractère essentiel et pervers attaché à toute bâtardise, il faut descendre jusqu’à Louis XII pour trouver cette monstruosité de bâtards légitimés que Louis XIV, dans son orgueil de Nabuchodonosor, rendit plus monstrueuse encore. […] Transgression de la loi des races royales qui menaient le monde et de l’hérédité qui les rendait inamovibles et éternelles, encore une fois, c’était la fin !
Chargée de faire la leçon au public, elle est exactement dans le cas de ces bons précepteurs dont parle Fontenelle, qui travaillent à se rendre inutiles, ce que le prote hollandais ne comprenait pas. […] Et pourtant il s’était écrié autrefois, dans les Actions de Grâces rendues au Dieu qui avait frappé d’abord, puis réjoui sa jeunesse : J’ai vu sans murmurer la fuite de ma joie ; Seigneur, à l’abandon vous m’aviez condamné.
Ce genre léger était plutôt le rendez-vous commun de tous les gens d’esprit, du monde, de lettres, ou de cour, des mousquetaires, des philosophes, des géomètres et des abbés. […] Mais dès qu’elles se prolongent et se régularisent en cercles arrangés, leur inconvénient est de rapetisser, d’endormir le génie, de le soustraire aux chances humaines et à ces tempêtes qui enracinent, de le payer d’adulations minutieuses qu’il se croit obligé de rendre avec une prodigalité de roi.
Le lendemain, aux bureaux du National, la foule qui circula et s’inscrivit fut immense ; on y remarqua nombre d’ouvriers, Il y avait, sans doute, dans cette démonstration profonde, intérêt amical pour l’homme même, pour l’individu atteint ; il y avait hommage à un talent énergique, infatigable ; quelque chose de ce respect qu’on porte en France à toute belle intelligence que la valeur accompagne, à tout noble front où l’éclair de la pensée s’est rencontré volontiers avec l’éclair d’une épée ; mais il y avait aussi un sentiment dominant de solidarité, d’adhésion à des principes communs, de reconnaissance pour des services rendus, de confiance placée sur une tête forte et rare. […] Mais ce triage que bien des fois nous avons tenté et que nous tenterons encore, est rendu plus difficile par ces épines repoussantes qui blessent dès l’entrée.
Albert Wolff et Émile Blavet On vient de rendre un tardif hommage au plus grand poète de ce siècle : c’est Lamartine que je veux dire. […] Blavet se contente de rapporter des faits, et il les choisit bien, et il les rend divertissants, même quand ils ne le sont guère, et cela tous les jours ; M.
Mais les écarts de théologie de Joachim nous le rendent plus aimable. […] Au moins, il est profondément démocrate pourtant, ses maladresses le rendent impopulaire, en même temps que sa bienveillance tolère des manifestations que les « meneurs » exploitent comme des témoignages de la faiblesse du pouvoir.
Ses aises le lui conseillaient, et le peu de profondeur de ses attachements lui rendait les infidélités faciles. […] Bouhours détruit l’ordre de Boileau ; ce qu’il nous conseille, c’est d’apprendre à écrire avant que de penser, comme si le premier effort ne rendait pas incapable du second.
On va chez Salis par mode et comme on se rend à la ménagerie, avec l’espoir d’y rencontrer quelques bêtes curieuses. […] N’est-il point tout à fait typique que des écrivains de valeur : Paul Adam, Moréas, Henri de Régnier, se soient rendus possibles aux grands quotidiens !
Madame Fouquet s’y rendit le lendemain. […] Il se rend au camp devant Condé, le 21 avril, et prend cette ville le 28.
Mais tous les esprits ne sont pas susceptibles au même degré de vibrer au contact de l’œuvre d’art, d’éprouver la totalité des émotions qu’elle peut fournir ; de là le rôle du critique : le critique doit renforcer toutes les notes harmoniques, mettre en relief toutes les couleurs complémentaires pour les rendre sensibles à tous. […] En somme, ce ne sont point les lois complexes des sensations, des émotions, des pensées mêmes, qui rendent la critique d’art si difficile ; on peut toujours, en effet, vérifier si une œuvre d’art leur est conforme ; mais, lorsqu’il s’agit d’apprécier si cette œuvre d’art représente la vie, la critique ne peut plus s’appuyer sur rien d’absolu ; aucune règle dogmatique ne vient à son aide : la vie ne se vérifie pas, elle se fait sentir, aimer, admirer.
Il n’apercevait pas à l’horizon l’immense Prométhée couché, comme une montagne sur une montagne, sur des sommets entourés de tempêtes, car les dieux avaient rendu Prométhée invisible ; mais à travers les branchages des vieux chênes les gémissements du colosse arrivaient jusqu’à lui, passant ; et il entendait par intervalles le monstrueux vautour essuyer son bec d’airain aux granits sonores du mont Othrys. […] Poser de cette façon devant tous, et rendre visible à la foule cette grande échelle morale de la dégradation des races qui devrait être l’exemple vivant éternellement dressé aux yeux de tous les hommes, et qui n’a été jusqu’ici entrevue, hélas !
En reconnaissant avec une haute impartialité les services rendus par les nouvelles écoles, il montre que toutes, même les plus hostiles, quand elles sortent de la critique, en reviennent toujours à des principes qui ne sont sous d’autres noms que les principes mêmes qu’elles avaient combattus. […] L’esprit public, aveuglé et enivré par l’entraînement des réactions, les adoptera sans les reconnaître sous des noms différents ; puis viendra sans doute quelque esprit vigoureux qui, rassemblant ces éléments épars dans une synthèse nouvelle, rendra à la pensée spiritualiste sa puissance et son éclat.
L’an de Rome 591, le sénat rendit un décret pour bannir les philosophes de la ville ; et, six ans après, Caton se hâta de faire renvoyer Carnéade, ambassadeur des Athéniens, « de peur, disait-il, que la jeunesse, en prenant du goût pour les subtilités des Grecs, ne perdit la simplicité des mœurs antiques ». […] « Notre connaissance, dit-il, étant resserrée dans des bornes si étroites, comme je l’ai montré, pour mieux voir l’état présent de notre esprit, il ne sera peut-être pas inutile… de prendre connaissance de notre ignorance, qui… peut servir beaucoup à terminer les disputes… si, après avoir découvert jusqu’où nous avons des idées claires… nous ne nous engageons pas dans cet abîme de ténèbres (où nos yeux nous sont entièrement inutiles, et où nos facultés ne sauraient nous faire apercevoir quoi que ce soit), entêtés de cette folle pensée que rien n’est au-dessus de notre compréhension 153. » Enfin, on sait que Newton, dégoûté de l’étude des mathématiques, fut plusieurs années sans vouloir en entendre parler ; et de nos jours même, Gibbon, qui fut si longtemps l’apôtre des idées nouvelles, a écrit : « Les sciences exactes nous ont accoutumés à dédaigner l’évidence morale, si féconde en belles sensations, et qui est faite pour déterminer les opinions et les actions de notre vie. » En effet, plusieurs personnes ont pensé que la science entre les mains de l’homme dessèche le cœur, désenchante la nature, mène les esprits faibles à l’athéisme, et de l’athéisme au crime ; que les beaux-arts, au contraire, rendent nos jours merveilleux, attendrissent nos âmes, nous font pleins de foi envers la Divinité, et conduisent par la religion à la pratique des vertus.
Saint Augustin rend en quelque sorte raison de cet usage, en disant que tout ce qu’un musicien doit faire est presque renfermé sous le terme de modulation. […] La modulation, dit cet auteur, est l’art de rendre la prononciation d’une récitation suivie plus agréable, et d’en faire un bruit plus flateur pour l’oreille.
La photographie ne rendrait-elle pas complètement le paysage ? […] — sont rendus, l’arbre est analysé avec une admirable science ; et pourtant l’infinité des détails ne nuit pas à la masse imposante du chêne.
Si la philosophie inspire le goût des lectures utiles, le plus grand mérite auprès d’elle est de joindre l’agrément à l’utilité ; par là on rend nos plaisirs plus réels et plus durables. […] En vain un de nos plus beaux esprits a-t-il prétendu, qu’on ne doit avoir égard dans les vers qu’à la beauté du sens, à la clarté et à la précision avec laquelle il est rendu ; et que ces conditions une fois remplies, on doit se consoler que l’harmonie en souffre.
« Plus la civilisation se perfectionne, plus la pensée devient esclave des signes oraux et vocaux, c’est-à-dire de la parole, moins nous avons de pensées sans employer cet ordre de signes : les signes oraux sont tout pour nous ; nous finissons par ne plus évoquer les idées (les rapports rendus concrets et fixés), et par ne plus opérer le rappel des images et des sentiments qu’avec le secours de ces signes. […] Avant la création de ces mots, ou pendant les différentes époques successives du perfectionnement de la parole, on pense souvent avec des images ; un grand nombre de perceptions de rapports a lieu, et ces perceptions sont des idées, des pensées réelles, qui demeurent indépendantes de la parole, faute de mots pour les rendre concrètes, les fixer, les exprimer.
Elle n’a pas, à défaut du discernement qui lui manque, ce que j’appelle la caresse des œuvres que Mme de Staël rend plus belles, en les caressant. […] Par là, elle diffère encore de Mme Sand que nous lui avons comparée, et qui, pour faire mieux l’homme peut-être, a éteint en elle le christianisme, renversé l’autel du mariage et de la mort, et imprimé à son talent cette horrible grimace philosophique qui le défigure et qui a fini par le rendre affreux !
Elle n’a rien de ce qui fait haïr les bas-bleus et nous les rend insupportables. […] Tout est dans l’événement, dans une certaine combinaison de méprise et de hasards vulgaires, quand ils appartiennent à l’auteur de ces romans de surprise et d’attrape ; et qu’il rend vulgaires, quand ils ne lui appartiennent pas.
Elles deviendront indifférentes au service rendu, à la fonction exercée, au mérite obscur, au dévouement d’autant plus sublime qu’il est plus caché. […] Mais comment pourrait-on caractériser de manière à en donner l’idée la critique du feuilleton dramatique, non seulement en ce qui regarde les pièces, mais en ce qui regarde le comédien et la comédienne, ces demi-dieux auxquels on rend le plus bouffon des cultes, dans son sérieux et dans sa bonne foi ?
Horace, dit Joubert, contente l’esprit, mais il ne le rend pas heureux. […] Joubert fait presque un aveu d’ennui comme Byron, et il vous tue Horace très bien avec sa petite goutte d’essence ; Horace ne rend pas l’esprit heureux !
M. Rendu ; Platon en habit gris, que nos pères ont pu coudoyer, qui faisait des visites du matin et du soir comme le premier ennuyeux venu de notre connaissance, qui allait baiser la main de Mme de Vintimille ou de Mme de Beaumont avant de rentrer chez lui baiser celle de sa femme, car il ne connaissait que d’honnêtes femmes, cet honnête homme de Platon là, et il n’allait pas comme l’autre Platon, Platon le Grand, dire ses vêpres chez ces immenses coquines, Aspasie, Phryné et Laïs. […] M. Rendu, ni l’habit gris, ni la vie et les mœurs modernes, ennemies jurées de toute grandeur, n’empêchaient pas qu’il eût en lui, ce Joubert, je ne dirai point tout le Platon grec, dont le génie spacieux ne pourrait tenir dans cette bonbonnière d’homme, mais les meilleures miettes de cette substance divine qui pensait vers la 95e olympiade et qui est immortellement Platon.
Double rapprochement, qui, pour le dire en passant, ne rend que plus étrange la singulière élévation d’Aristote. […] on s’en doutait bien un peu, mais le livre de Lerminier rendra désormais à cet égard toutes les illusions impossibles.
Sans être marquée de ce cosmopolitisme du génie qui rend les grandes œuvres justiciables de la critique de tous les pays et en fait une acquisition pour le monde, cette histoire, que Macaulay s’est engagé à continuer jusqu’à nos jours, est, dans la pensée du célèbre écrivain, le monument de sa gloire future, ce point central sur lequel, quand on a quelque renommée, on veut en ramener les rayons. […] Malheureusement, cette justice à rendre à un homme qui mourut loin de son trône et loin de son pays, mais ferme dans sa conscience comme dans son poste, n’a point tenté Macaulay.
, Mirabeau donc, à qui l’on venait d’opposer une raison historique, s’écria qu’il méprisait l’Histoire, quand de Bonnay — un Rivarol de la droite — lui lança, d’une voix qui vibra comme une flèche : « Elle vous le rendra bien, monsieur de Mirabeau ! […] Il la traite sans cérémonie, et l’Histoire, ainsi traitée, le lui rend un peu.
Flourens l’a prouvé, ce qui distingue Buffon des hommes de son temps que la gloire rendit fous, comme Rousseau et Voltaire, de vrais parvenus, c’est que sa belle tête calme sut résister à cette syrène ! […] Assurément, nous ne croyons pas que jamais il sorte de cette critique de l’amour qui est la sienne quand il s’agit de Buffon, et qu’il puisse entrer dans cette impartialité froide qui est la vraie température de toute critique ; mais rendons-lui justice, et convenons que pour lui l’enfant de Buffon, le cartésien comme Buffon, l’homme incessamment occupé à brosser comme un diamant la gloire de Buffon, pour qu’elle brille davantage, il a cependant dans le regard une fermeté qui étonne quand il le porte sur son maître.
Rendu par ce double événement bien plus difficile à résoudre, un tel problème, malgré tout ce qu’il a inspiré dernièrement aux esprits les plus opposés, n’était cependant pas arrivé à ce point de démonstration qu’il pût imposer sa solution, comme une loi, à l’État lui-même, après l’avoir imposée à l’Opinion, comme une vérité. […] Conséquent à la manière des grands observateurs, qui généralisent quand ils concluent, anatomiste de la pensée comme Bichat et Cuvier l’étaient des organes, il a pris la tête humaine dans sa main et il a dit : Cette tête étant conformée comme elle est, il est évident que telles idées ou tels sentiments qu’on y infiltre quand elle est vierge encore doivent produire tel effet funeste, — absolument comme le chimiste dit : Tel liquide versé dans un autre liquide doit produire tel précipité à coup sûr ; — et par là il a donné à une argumentation épuisée le degré de solidité qui devait la rendre invincible.
Le hasard avait épaissi autour de lui cette obscurité qui rend les hommes plus grands, quand ils sont grands, comme l’ombre fait les diamants plus beaux. […] Il est vrai que le matérialisme la lui a rendue.
Elles resteront comme une des illustrations de la littérature catholique au xixe siècle, et, si j’osais employer un mot qui rendit juste ma pensée, comme une occasion perpétuelle de conversion pour les âmes qui n’ont pas la foi. […] Lacordaire une science et des traces qui le rendent plus éloquent et plus pénétrant.
Pour nous, vu le temps où nous sommes et les singulières dominations de la pensée contemporaine, nous dirons que jamais peut-être meilleur service ne fut rendu à la cause de la vérité. […] Sa méthode, nous dit-il, est au fond de toutes les grandes philosophies, et il le prouve en nous donnant de chacune d’elles une empreinte chaude, lumineuse, éclairée à l’intérieur et rendue translucide, comme seuls en savent lever les maîtres.
Il avale le globe et le rend… expliqué, seulement pour se distraire un peu, pour se récréer dans sa Suisse et dans sa vieillesse, pour reprendre haleine aussi, comme Michelet, après ses pesants travaux historiques. […] Est-ce chair ou poisson, que ce gros livre d’un méli-mélo enragé qui veut faire la science poétique et la poésie scientifique, et qui ne parvient qu’à rendre le tout ridicule ?
Aussi, après avoir oublié l’homme dans Balzac, avec sa virtualité et les circonstances, et tout ce qui rend l’illustre auteur de La Comédie humaine plus monumental que son monument, M. […] Buloz, passée dans la manche d’un lauréat d’académie, pour rendre plus solennels les coups que l’on veut porter à l’une des plus grandes gloires littéraires du dix-neuvième siècle ?
Mais le danger du livre, car il y a toujours un danger aux choses charmantes, serait peut-être de nous rendre ce déplacement trop facile. […] Mais la mort comme Gravillon nous la représente, si Rancé l’avait aperçue il se fût détourné d’elle comme de la tentation dernière, et il eût renfoncé son crâne chauve dans la poussière du lit de cendres sur lequel on l’avait étendu pour y rendre son âme à Dieu.
On lui rend sa seconde pièce de plus en plus difficile.
Guyon s’était chargé de rendre la calme et puritaine figure de Daniel.
Fuster, je dirai qu’elle se passe pendant la dernière guerre ; que deux fiancés, Louise et Pierre, recueille et, soignent un blessé, lequel se prend d’amour pour la jeune fille ; mais le malade, rendu à la santé, retourne parmi les siens ; Louise revient peu à peu à celui qui n’a cessé de l’aimer et oublie ce mirage d’un instant qui avait trompé son cœur.
Henri Ghéon est un amoureux de la nature, un poète qui sait bien voir et souvent bien rendre les féeries et les enchantements des prés et des bois… Dans ce livre, qui fleure bon la terre et l’herbe fauchée, on ne regrette qu’un métier plus habile et une musique moins élémentaire.
Si sa science s’étend aux langues anciennes, il est mieux armé encore, car il a rendu esclaves un plus grand nombre de mots, et, qu’il s’en serve ou pas, ils demeurent serfs et enrichissent le domaine du poète.
Et quelle histoire réussirait à rendre moins précieuses les leçons d’un professeur illustre, écrivain du goût le plus délicat et de la raison la plus ornée, qui a élevé la critique littéraire au rang de l’histoire, et qui, à l’exemple des antiques orateurs retravaillant leurs harangues pour l’épreuve de la lecture, a changé de brillantes improvisations en écrits durables ?
C’est à l’écrivain à se rendre assez maître de sa vie pour remplir son devoir envers le public et la vérité.
M. l’Abbé Batteux est du petit nombre des Auteurs qui ont rendu de vrais services à la Littérature.
Le talent de raisonner, & le meilleur usage qu’on en puisse faire, l’ont rendu justement célebre parmi les Défenseurs de la Religion.
Cet Auteur a depuis cherché à se rendre célebre par une autre Tragédie, intitulée, les Druïdes.
Pour les détails, on ne sauroit trop y applaudit : l’élégance, le naturel, l’aménité, y répandant un air de vie qui égaye l’imagination, la fixe sur tous les objets, & les lui rend sensibles.
Un célebre Critique a eu raison de dire de cet Ouvrage, « qu’il étoit la Production d’un excellent Citoyen, qui n’écrit que pour se rendre utile, qui voit tous nos travers & tous nos vices, non pour en plaisanter avec légéreté, mais pour nous en corriger ; qui gémit sur cet abîme-de corruption où nous sommes plongés, & qui voudroit nous en faire sortir ; qui nous offre la perspective la plus effrayante des maux que nous preparent des révolutions qu’amenera cette mollesse hébetée, qui tient nos sens engourdis : car le voile est aisé à lever ; ce tableau de la Grece est un miroir où la France doit se voir elle-même.
Ce seroit rendre un véritable service aux Lettres, que de faire connoître tout à la fois les ressorts qui les ont développées, les moyens qui les ont perfectionnées, & les vices qui concourent à leur affoiblissement & à leur ruine.
Il n’est pas, jusqu’aux Vies particulieres, qu’il n’ait su rendre intéressantes, par une touche vive, lumineuse, délicate, & remplie d’onction.
Les Idiomes Arabe, Persan, Turc, Tartare, Ethiopien, Arménien, lui étoient aussi familiers que sa propre Langue, & le rendirent capable d’être employé utilement par Louis XIV dans plusieurs négociations.
Nous parlerons encore de son Histoire de Turenne, moins pour en approuver l’ordonnance, que pour y rendre justice à des paralleles ingénieux, aux portraits bien dessinés, à la narration simple, noble & aisée, qui rendent cet Ouvrage supérieur aux Productions de nos Biographes modernes, sans en excepter l’Histoire de Louis XI, par M.
Sa maniere de présenter les choses, rend intéressans jusqu’aux plus petits détails.
Les Gouvernemens ayant déjà leur marche réglée, il est beaucoup plus sage de chercher à les rectifier par des ressorts imperceptibles, que de songer à les bouleverser, sous prétexte de les rendre meilleurs & plus heureux.
du Tillet, également estimable par ses vertus sociales, par l'aménité de ses mœurs, la franchise de ses procédés, & par les services multipliés qu'il a rendus aux Gens de Lettres.
Ceux qui revenaient de la Terre Sainte, de Sainte-Reine, du Mont-Saint-Michel, de Notre-Dame-du-Puy, et d’autres lieux semblables, composaient des cantiques sur leurs voyages, auxquels ils mêlaient le récit de la vie et de la mort de Jésus-Christ, d’une manière véritablement très grossière, mais que la simplicité de ces temps-là semblait rendre pathétique.
Voilà les effets de la prière publique rendue au peuple ; car celle-ci a été retirée du latin, reportée dans la langue vulgaire, et dans ce seul mot il y a une révolution. […] » Ils sondent anxieusement les mouvements involontaires de leur cœur qui seul peut répondre et la révélation intérieure qui seule les rend certains de leur pardon ou de leur perte. […] C’est que le fond du protestantisme est la doctrine du salut opéré par la grâce, et que, pour rendre cette doctrine sensible, nul artiste n’a égalé Bunyan. […] On entend ici un homme du peuple qui parle au peuple, et qui veut rendre sensible à tous la terrible doctrine de la damnation et du salut418. […] Cela me rendit désireux d’une sainte vie et passionné pour faire quelque chose en l’honneur et à la gloire du nom du Seigneur Jésus.
Le peintre, il paraît, a su s’élever à l’idéal et à la sainteté de cette situation touchante rendue avec tant de sublimité dans les Confessions.
Ce qui le préserve parfois de cette peste du siècle, et ce qui, par moments, le rend enchanteur, c’est la puissance d’artiste consommé qui lui fait tout à coup retrouver son cœur sous les vapeurs noires de son esprit.
Paul Adam À la représentation d’Antonia, les dames du balcon étaient bien les sœurs de ces misérables filles, rendues malades de rire, par la beauté d’un costume inhabituel.
Manuel a la franchise et la vigueur ; Boileau, qui aimait les antithèses, n’a jamais rien trouvé d’aussi beau comme alliance et opposition de mots que ces deux vers sur une fille de quinze ans que le vice précoce va rendre mère : Elle portait effrontément Le poids sacré de cette honte.
Il n’avoit pas encore vingt-six ans, qu’il avoit déjà rempli avec distinction plusieurs Chaires de la Capitale ; & à juger de ses lumieres & de son talent par son Eloge de Louis Dauphin, pere de Louis XVI, proposé par une Société de Gens de Lettres, qui lui a adjugé le prix d’une voix unanime, nous pouvons assurer qu’il égalera les plus grands Orateurs Evangéliques, s’il a soin d’employer avec plus de sobriété l’antithese, & de rendre son style plus nombreux.
C’est un singulier spectacle de voir avec quelle constance les Petits-esprits crient à l’outrage, depuis la sinistre publication des Trois Siecles, & combien les blessures de leur amour-propre les rendent ingénieux à échauffer leurs partisans.
Godeau à Louis XIII, une image, rendue presque mot à mot dans la Tragédie de Polieucte.
Un esprit d’indépendance, le plus funeste de tous les travers, rend son ame insensible, nous ne dirons pas à tout, mais du moins au blâme.
De là, le défaut de liaison & de suite dans ses idées, d’assortiment dans l’ensemble, de caractere dans son style, tantôt philosophique, tantôt religieux, & toujours froid ; de là, ces figures étrangeres au sujet & préparées avec effort, ces tours étudiés, ces expressions symétriques qui supposent de l’esprit, mais qui décelent un cœur vide de sentimens, & par conséquent incapable de toucher les autres cœurs & de s’en rendre le maître.
S’il juge à propos d’en faire présent au Public, on y reconnoîtra Lafontaine avec un air de Cour, qui eût rendu sa naïveté encore plus piquante.
Il est vrai qu'en corrigeant les Lettres d'un abus, cet Ouvrage leur a rendu un très-mauvais service en en bannissant l'érudition.
Il est assurément trop savant dans l'Histoire, pour n'avoir pas appris que l'envoi de Philoxene aux Carrieres ne rendit pas les Vers de Denis meilleurs.
Les deux Ouvrages dont nous venons de parler, ont une marche libre, noble, qui prouve que l’Auteur a su se rendre maître des événemens, & les disposer de la façon la plus propre à faire effet.
Il lui est arrivé en histoire ce qui lui arrive toujours en poésie : c’est qu’en déclamant contre la religion, ses plus belles pages sont des pages chrétiennes, témoin ce portrait de saint Louis : « Louis IX, dit-il, paraissait un prince destiné à réformer l’Europe, si elle avait pu l’être, à rendre la France triomphante et policée, et à être en tout le modèle des hommes.
La Banque rendue facile par Giraudeau, in-4°., à Genève, peut leur être très-utile, ainsi que les Opérations des changes des principales villes de l’Europe, Lyon, in-8°. 1765.
Et puis pour le rendre souffrant, il l’a fait contourné, convulsé, strapassé.
Bénie soit à jamais la mémoire de celui qui en instituant cette exposition publique de tableaux, excita l’émulation entre les artistes, prépara à tous les ordres de la société, et surtout aux hommes de goût, un exercice utile et une récréation douce ; recula parmi nous la décadence de la peinture de plus de cent ans peut-être, et rendit la nation plus instruite et plus difficile en ce genre.
Rendre sensible cette unité, telle devait être la pensée de celui qui au bout d’un siècle venait offrir à un public français un livre si éloigné par la singularité de sa forme des idées de ses contemporains.
Non seulement les hommes ont commencé par la science, mais par une science différente de la nôtre et supérieure à la nôtre, parce qu’elle commençait plus haut, ce qui la rendait même très dangereuse ; et ceci vous explique pourquoi la science dans son principe fut toujours mystérieuse et renfermée dans les temples, où elle s’éteignit enfin lorsque cette flamme ne pouvait plus servir qu’à brûler. […] Pareil à la torche ardente tournée rapidement, l’immense vitesse de son mouvement le rend présent à la fois sur tous les points de sa redoutable orbite. […] Le goût du paradoxe rendait rétrospectivement cruel en théorie le plus doux et le plus gai des hommes. […] Il s’efforcera de donner aux dogmes de la religion révélée l’expression la plus admissible par la raison pieuse de l’esprit humain ; il rejettera sur la barbarie des âges de ténèbres les actes coupables ou les pratiques regrettables dont l’intolérance et les supplices ont déshonoré, par la main des rois, des peuples ou des pontifes, la sainteté morale de la religion chrétienne ; il ne rendra pas le culte solidaire de la politique ; il ne fera pas de Dieu le complice de l’homme ; il ne bravera pas à chaque phrase la raison humaine par des défis de foi ou de servilité d’esprit qui révoltent l’homme, qui scandalisent l’intelligence et qui le repoussent par l’excès de superstition dans l’impiété. […] C’était le premier grand homme que j’eusse encore approché de si près dans ma vie ; j’étais fier de l’entendre, et je me recueillais respectueusement pour me souvenir ; je ne prévoyais pas que j’aurais un jour à le juger comme philosophe et à rendre témoignage de ses petites faiblesses et de sa haute vertu.
La Révolution, comme nous l’avons déjà dit bien des fois, avait dépassé le but en beaucoup de choses ; la ramener en arrière, quant à ces choses seulement, et pas plus en deçà qu’au-delà du but, était une réaction légitime, salutaire, que le premier Consul avait entreprise, et qu’alors il rendait admirable par la sagesse et l’habileté des moyens qu’il y employait. […] J’ai fait juger et exécuter promptement le duc d’Enghien pour éviter de tenter les émigrés qui se trouvent ici. » « Il le fallait surtout », ajoute le conseiller d’État Miot, confident de Joseph Bonaparte et admis indirectement à ce titre dans les demi-confidences de son frère, « il le fallait pour satisfaire et tranquilliser les restes des jacobins et les régicides membres de son gouvernement ; ils voulaient un gage irrévocable donné à la Révolution par l’homme auquel ils allaient décerner l’empire. » La colère fut sans doute pour quelque chose dans l’événement de Vincennes, la politique y fut pour beaucoup plus ; c’est ce qui rend ce meurtre de sang-froid plus impardonnable à l’histoire. […] — Dans un temps, avait répondu Moreau, dans un temps où l’armée de Condé remplissait les salons de Paris et ceux du premier Consul, je pouvais bien m’occuper de rendre à la France le conquérant de la Hollande.” […] Pourquoi se trouver de nuit à un rendez-vous avec le chef des conspirateurs, avec un homme qu’on ne pouvait rencontrer innocemment quand on n’était pas royaliste ? […] Rastadt, Biberach, Engen, Mœsskirch, Hohenlinden, ces beaux souvenirs mis à côté d’un peu d’argent, avaient soulevé l’auditoire et provoqué des applaudissements que l’invraisemblance de la défense commençait à rendre fort rares. » Moreau est à demi absous ; il faiblit comme tout caractère sous le poids d’une faute : il n’y a de force en pareil cas que dans l’innocence ; il écrit une lettre soumise et expiatoire à son rival triomphant.
Je ne rendis donc pas même une visite à madame Récamier, de peur que cette visite n’eût l’air d’une requête. […] Cette tête attirait et pétrifiait les yeux ; des cheveux soyeux et inspirés sous leur neige, un front plein et rebombé de sa plénitude, des yeux noirs comme deux charbons mal éteints par l’âge, un nez fin et presque féminin par la délicatesse du profil ; une bouche tantôt pincée par une contraction solennelle, tantôt déridée par un sourire de cour plus que de cœur ; des joues ridées comme les joues du Dante par des années qui avaient roulé dans ces ornières autant de passions ambitieuses que de jours ; un faux air de modestie qui ressemblait à la pudeur ou plutôt au fard de la gloire, tel était l’homme principal au fond du salon, entre la cheminée et le tableau ; il recevait et il rendait les saluts de tous les arrivants avec une politesse embarrassée qui sollicitait visiblement l’indulgence. […] XXVII Mais quelle était donc cette femme dont le charme survivait aux charmes, qui enchaînait au coin de son humble foyer le plus illustre des hommes de littérature et de politique de son siècle, et qui rendait les cours elles-mêmes jalouses d’une pauvre cellule d’un monastère de Paris ? […] Juliette effaçait tout, ne fût-ce que par la candeur, la fraîcheur et la pureté de son innocence ; l’innocence, ce charme qu’on ne peut se rendre par le fard quand on l’a perdu par le souffle des salons. […] Juliette n’était pas insensible à ces vives déclamations du cœur d’un frère du maître des armées ; elle n’acceptait de ces sentiments que le seul sentiment qu’elle pouvait rendre, l’amitié ; mais, dès l’âge de dix-huit ans, on voyait poindre dans ses réponses et dans sa réserve cet art naturel qui fut celui de sa vie : rester pure en paraissant émue, tout promettre et ne rien tenir.
Disciple de Weber, dit compositeur illustre, applaudi à Dresde et à Weimar, ailleurs encore, Wagner avait eu la musique une forme d’art bonne à susciter en nous de puissantes impressions, donc complément admirable à la parole et au geste pour former le drame ; la musique, donc, un auxiliaire qui crée autour du drame un milieu de rêve, qui intensifie l’effet du spectacle ; la musique, ce qui rend poignante aux foules, par Meyerbeer, une action inventée par Scribe ; et Wagner avait fait ces mélodrames avec musique Tannhæuser, Lohengrin. Mais, voilà que lui apparaissent les œuvres de Beethoven ; voilà qu’il entend les derniers quatuors, et qu’une signifiance merveilleuse à lui s’en transissue ; et voilà qu’il se plonge en ces poèmes, les Symphonies, les Sonates, les Ouvertures, et qu’un univers nouveau naît à lui ; « maintenant se révèle une vie toute faite d’esprit, une sensibilité douce tantôt, tantôt effrayante ; fiévreusement, le trouble, puis la paix, et les soupirs et l’angoisse, et la plainte et le transport ; tout cela semble avoir été pris au sol le plus profond de l’âme, et lui être rendu » ; et il comprend que la musique est, non plus l’élargissement d’autres modes de vie artistique, mais le spécial langage du monde spécial de l’âme… « Tirésias avait vu se fermer, devant lui, le monde de l’apparence ; et il avait pu aussi contempler avec ses yeux intérieurs le fond même de toutes les apparences. » Alors qu’importent les jeux des circonstances vaines, et que veut cette chimère, l’action d’un drame extérieur ? […] Remémorons les premiers actes ; le premier acte en majeure partie musical (l’éclosion d’une adolescence, les rappels d’anciennes émotions), avec les addendas de faits positifs et de secrets de forge dévoilés ; le second acte très incertain, incessamment et au cours de chaque scène oscillant entre la symphonie et le spectacle, des efforts à tout rendre à l’orchestre et des chutes soudaines (par exemple, lorsque c’est par des mots qu’est dénouée une scène musicale), enfin la très noble magnificence de cette mort d’âme exprimée dans la mort du bon Fafner, une des stupéfiantes pages de l’œuvre de Wagner ; depuis longtemps je désirais interpréter cette scène ; qu’on me le permette. […] Outre le fait qu’on s’y rendait « en pèlerinage », il fallait « y être ». […] Il s’agit du moment où le héros, accompagné de Gurnemanz se rend dans le temple du Graal.