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60. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Bonaventure, prirent chacun la défense de leur ordre. […] Le Pape alors régnant, Sixte IV, avoit été de leur ordre. […] Berthold pour premier général de l’ordre. […] Élie fit Élisée général de l’ordre. […] Les généraux des deux ordres furent chargés de contenir leurs inférieurs.

61. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « IX. L’abbé Mitraud »

C’est un utopiste du même genre, resté utopiste, malgré des expériences qui auraient corrigé l’abbé de Saint-Pierre s’il avait vécu dans notre temps, et si les prêtres tombés de plus haut que les autres hommes dans l’Ordre spirituel, pouvaient se relever et n’étaient pas presque toujours incorrigibles ! […] Il ne le comprend ni dans l’ordre politique, ni dans l’ordre moral, ni dans l’ordre domestique. […] La théologie qu’il a étudiée et qui aurait dû donner de la trempe à son esprit n’a pu l’empêcher d’être et de rester un métaphysicien d’un ordre inférieur, qu’attire un problème qui échappe à sa portée. […] -C. toutes les sociétés, excepté la société juive, étaient en dehors de l’ordre moral. […] Mitraud que nous ne l’avons été pour ce qu’il croit sa philosophie ; car, littérairement, on ne trouve ni la déduction, ni l’ordre d’un livre dans cet écrit, décousu comme un pamphlet, et qui n’a ni commencement, ni milieu, ni fin.

62. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIVe entretien. Littérature, philosophie, et politique de la Chine » pp. 221-315

Je n’y ai aucune répugnance, et j’attends respectueusement vos ordres.” […] L’observation de ces devoirs ainsi formulés constitue l’ordre social, le bon gouvernement, la vertu. […] L’autorité elle-même des gouvernements et l’ordre des sociétés périssent dans ces guerres civiles. […] Mais Confucius concilie dans une mesure très équitable les nécessités de l’ordre avec la dignité de la liberté. […] Pour remplir exactement tous ses devoirs sans troubler l’économie de l’ordre, il faut savoir connaître, il faut savoir distinguer, il faut appliquer à propos cette connaissance sûre, ce sage discernement, cet équilibre d’ordre, d’autorité, d’obéissance, de liberté !

63. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre quatrième »

Ce sont les idées générales, c’est-à-dire les vérités de l’ordre philosophique et de l’ordre moral dont l’expression, dans un langage définitif qu’elles seules peuvent inspirer, constitue la littérature ou l’art. […] La scolastique n’est pas une science, car une science suppose un corps de vérités de l’ordre physique ou de l’ordre intellectuel qui subsistent ; or, quelles vérités nous sont demeurées de la scolastique ? […] Mais pour les idées générales de l’ordre littéraire, pour celles qui seules développent les langues, je crois que les grands clercs de cette époque en ont fort peu fourni. […] Froissart en mêle trop rarement à ses charmants récits mais là composition est elle-même une idée générale d’un ordre supérieur. […] Leur imagination se repaît des choses présentes ; leur raison ne pénètre pas au-delà, et ne voit que les effets dans leur suite et leur ordre matériel.

64. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre II : La psychologie »

Les deux premiers reposent en dernière analyse sur celui-ci ; la succession étant une différence d’ordre ; la coexistence une non-différence d’ordre (une indifférence dans l’ordre)139. […] C’est dans le monde matériel qu’il faut chercher la raison dernière de la nature de nos pensées, de leur ordre, de leur liaison. […] Le problème consiste donc à déterminer leur ordre », c’est-à-dire à déterminer a loi même de l’intelligence. […] Il y a six sciences fondamentales, et il y a entre elles un ordre de filiation. […] Il n’y a pas entre elles d’ordre de filiation.

65. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

Même dans l’ordre de la vérité, nos qualités nous servent souvent moins que nos défauts. […] La méthode scientifique, en cet ordre, est ce qu’on appelle la critique. […] L’ordre du possible, qui touche de près à celui du rêve, n’est pas l’ordre des faits. […] Littré reste donc excellente dans l’ordre des faits auxquels il l’applique d’ordinaire. […] Il y a aussi dans l’ordre intellectuel des sens divers, des oppositions apparentes qui n’excluent pas au fond la similitude.

66. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre premier. Les fonctions des centres nerveux » pp. 239-315

Peu importe que cet ordre soit, comme chez l’homme, l’effet d’un apprentissage personnel, ou, comme chez l’animal, le jeu d’un mécanisme héréditaire ; il est toujours un ordre de représentations, c’est-à-dire d’images groupées ; partant, si les images sont détruites, il est détruit. […] Pour que les divers nerfs moteurs aient joué dans l’ordre indiqué, il faut que leurs cellules respectives aient joué dans le même ordre. Pour qu’elles puissent jouer dans cet ordre, il faut que, par des filets nerveux, elles communiquent entre elles dans l’ordre indiqué. […] Dans le premier cas, entre l’information et l’ordre, la distance est courte : il n’y a qu’un corridor entre le bureau des nouvelles et le bureau des injonctions. […] Mais, si elle y entre, la modification organique et la prédisposition acquise feront leur effet ; le courant nerveux suivra la route frayée ; chacune des cellules hibernantes recommencera sa danse dans l’ordre préétabli, et cet ordre de danses, propagé de groupe en groupe à travers l’écorce, repassera du dernier au premier plan.

67. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1828 »

Il était donc peut-être nécessaire d’observer quelque ordre dans la fusion des trois volumes in-18 en deux in-8°. […] Les poëmes sont le plus souvent rangés par ordre de dates. Pour en finir de ces détails, peut-être inutiles et à coup sûr minutieux, nous ferons observer que les préfaces qui avaient accompagné les trois recueils aux époques de leur publication ont été imprimées, avec celle-ci, également par ordre de dates. […] Espérons qu’un jour le dix-neuvième siècle, politique et littéraire, pourra être résumé d’un mot : la liberté dans l’ordre, la liberté dans l’art.

68. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

Mais pour que tout soit clair et solide à la base de notre description, laissez que je vous fasse connaître amplement le lieutenant Pierre Fourier de Rozières, un Lorrain de Mirecourt, destiné à être l’honneur des lettres lorraines et françaises, et dont la brève carrière militaire fut prodigieuse, comme l’attestent quatre citations, dont une à l’ordre de la division et trois à l’ordre de l’armée.‌ […] Il est proposé pour une citation à l’ordre de l’armée. […] De l’absence de celle-ci et parfois de celle-là, nos campagnes lorraines se vulgarisent… L’ordre, voilà la volonté de Dieu. […] »‌ Le 6 octobre, à l’attaque d’Auberive, en portant les ordres sous un feu violent d’artillerie « a toujours été volontaire pour les missions dangereuses », dit sa citation à l’ordre), Henri Lagrange fut jeté à terre. […] Par exemple, il y a des républicains démocrates et laïques, des adeptes de la philosophie des droits de l’homme, appuyés sur un principe d’ordre juridique et non d’ordre économique, révolutionnaires si on veut, mais qui se rattachent aux idées de la Constituante.

69. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre III. La complication des sociétés »

En conséquence peut-être l’homme primitif fait-il, toutes proportions gardées, plus de choses variées que le moderne ; mais il les fera toutes avec les mêmes compagnons, dans les mêmes cadres, sous les ordres d’un même chef. […] Seules les associations d’ordre économique sont dûment dénombrées. […] Par là s’expliquent les avantages démocratiques de tout événement ou institution qui enchevêtre les différents ordres de la société. […] Les ordres privilégiés pressentent bien, d’ailleurs, l’effet de ces croisements, puisque, le plus souvent, pour sauver leur prestige et garder leurs distances, ils recommandent à leurs membres de ne pas se commettre avec ceux des autres ordres : lier partie avec un inférieur, c’est déjà déroger. […] Il entre dans des combinaisons multiples, mais il y conserve toujours le même numéro d’ordre, toujours commandant, ou servant toujours.

70. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Rivarol. » pp. 62-84

Pourtant, ce qui se pardonne aisément chez un chanteur, un pianiste ou violoniste, chez un talent spécial, se pardonne moins dans l’ordre de l’esprit. […] Il raconte ce qui s’est passé aux États généraux avant la réunion des ordres, et il suit ce récit à mesure que les événements se développent. […] L’honneur de Rivarol, selon moi, est, dans quelque ordre d’idées qu’il pénètre, d’y rester toujours ce qu’il est essentiellement, un écrivain précis, brillant, animé, prompt aux métaphores. […] Il est un quatrième ordre non moins essentiel, qui consiste à voir et à démontrer Dieu et sa Providence jusque dans les catastrophes et les calamités même des empires. Rivarol omet cet ordre orageux d’objections et de preuves, et reste en chemin.

71. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

Retiré chez le curé de Ville-d’Avray, il met en ordre ses observations et ses souvenirs de voyage ; il rédige ses mémoires sur la Hollande., la Prusse, la Saxe, la Pologne et la Russie ; son plan s’étend à mesure qu’il s’y applique. […] … » Et Rousseau lui répondait dans la même pensée : « Il y a un si bel ordre dans l’ordre physique, et tant de désordre dans l’ordre moral, qu’il faut de toute nécessité qu’il y ait un monde où l’âme soit satisfaite. » Et il ajoutait avec effusion : « Nous avons ce sentiment au fond du cœur : Je sens qu’il doit me revenir quelque chose. » Que les personnes religieuses, avant de frapper sur Bernardin et sur Rousseau, veuillent toujours se rappeler ces deux belles paroles de l’un et de l’autre, ce quelque chose et ce quelqu’un. […] J’ai à mettre en ordre des matériaux fort intéressant, et ce n’est qu’à la vue du ciel que je peux recouvrer mes forces. […] Vous vous faites illusion, monsieur : le roi ne vous doit rien pour ce que vous avez fait en Pologne, ni pour vos mémoires, parce que vous n’avez point agi par son ordre. […] Hennin continue :) Je n’ai pas pris les ordres de M. le comte de Vergennes sur votre seconde lettre.

72. (1888) La critique scientifique « La critique et l’histoire »

Grâce à celle tentative méthodique et progressive de résurrection, le passé aurait repris d’un coup tout ce qui lui reste de vie dans ses monuments de tout ordre. […] Les gens simples pleurent au théâtre comme devant de véritables infortunes ; les chants guerriers soulèvent les masses ; et fort souvent cette émotion factice suffit à ceux qui l’éprouvent et leur ôte l’envie d’en éprouver de vraies de même ordre. […] Une enquête minutieuse sur une centaine de grands hommes de tout ordre et de tout pays fournira probablement des confirmations exactes à nos critiques et permettra de mesurer avec une certaine approximation, l’effet de ces deux forces qui s’exercent, sans doute, mais avec des résultats d’autant moins discernables que la complexité sociale s’accroît, c’est-à-dire, en somme, eu raison inverse de la civilisation. […] Ces trois parties donnent, chacune, des ordres divers de notions. […] Enfin, un troisième ordre de connaissances, extraites de la notion de la relation entre l’œuvre et son admirateur, nous permet de fonder cette science qui jusqu’ici n’existait que de nom : la psychologie des peuples.

73. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre II : De la méthode expérimentale en physiologie »

Claude Bernard me paraît établir avec une parfaite rigueur qu’il y a un déterminisme absolu des phénomènes tout aussi bien dans l’ordre de la vie que dans l’ordre de la matière brute26. […] Aussi la distinction objective des causes n’est jamais que relative à l’état de nos connaissances, et nul ne peut affirmer d’une manière absolue que deux ordres de causes ne se réduiront pas plus tard à un seul. […] La force vitale serait donc, selon moi, cette portion d’inconnu qui, dans le domaine de l’intelligible, correspond à cet ordre particulier de phénomènes qui est propre aux êtres organisés. […] Qu’il y ait un monde où les choses ne se passent pas ainsi, qu’il y ait un ordre de causes métaphysiques qui agissent d’après d’autres lois, c’est ce que le physiologiste n’affirme ni ne nie ; c’est ce qu’il ignore, c’est ce dont il n’a pas à s’occuper. […] L’esclavage, quel qu’il soit (civil ou politique), a pour effet de changer la personne en chose, de faire retomber l’homme du règne de la liberté dans le règne de la nature, et de l’ordre idéal, pour lequel il est fait, dans l’ordre mécanique, où il plonge naturellement.

74. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

Mais ses vrais débuts, les premières campagnes de lui qui comptent sont celles de Flandre, qu’il fit sous les ordres du maréchal de Saxe. […] Le roi ne parut point blessé de ce discours ; au contraire, il dit à M. le comte de Clermont de rester, et l’ordre accoutumé fut rétabli. » Le comte de Clermont était en veine de courage ces années-là. […] L’évacuation de ce magasin se fit avec un ordre et un sang-froid de la part de ces ouvriers du corps royal d’artillerie, qui forcèrent mon admiration. […] M. le comte de Clermont, aux ordres de qui il était, lui envoya dire de s’arrêter. […] Ce qu’on n’osait pas dire au maréchal de Saxe, on le lui disait. — La vérité est que l’ordre d’aller en avant n’arriva pas pour le moment : le comte d’Estrées ne put donner son coup de collier que plus tard.

75. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Féletz, et de la critique littéraire sous l’Empire. » pp. 371-391

Notez que je ne parle ici que de ces questions et de ces sujets qui semblent éternellement à l’ordre du jour, Racine, Corneille, Voltaire, La Bruyère, Lesage. […] Un homme puissant replaçait sur ses bases l’ordre social et politique. Toutes les fois qu’après un long bouleversement l’ordre politique se répare et reprend sa marche régulière, l’ordre littéraire tend à se mettre en accord et à suivre de son mieux. […] Quelques journaux eurent ordre de se taire ou de baisser le ton. […] Étienne, établi rédacteur en chef par ordre supérieur, conserva à leur poste les habiles rédacteurs littéraires, et leur adjoignit Hoffman.

76. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre V. L’antinomie esthétique » pp. 109-129

L’art classique représente la règle, l’ordre, la discipline, l’idée du gouvernement en art. Et certes, la règle, l’ordre, l’autorité en art ne sont pas la même chose que la règle, l’ordre, l’idée de gouvernement en politique et en sociologie. […] C’est pourquoi l’esprit classique est volontiers respectueux de l’ordre politique comme de la discipline esthétique : il ne sera pas aisément un esprit de révolte et d’individualisme antisocial. […] L’esprit classique représente ainsi, à certains égards, une volonté d’unité esthétique, sociale et morale, une volonté d’obéissance à l’ordre établi, d’adaptation et de subordination de l’individu au milieu. L’art romantique est au contraire un appel aux idées d’indépendance individuelle dans l’ordre esthétique et par contrecoup dans l’ordre social53. — Le caractère antisocial de l’art décadent est encore plus fortement marqué.

77. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface du « Roi s’amuse » (1832) »

Taylor qui me communique cet ordre de la part du ministre. […] Le ministre avait, en effet, de son autorité privée, de son droit divin de ministre, intimé l’ordre en question. […] Le 23, ce n’était qu’un ordre du ministre, le 24, ce fut un ordre du ministère. […] Le lendemain de la représentation, la pièce est défendue par ordre. […] Il y a deux ans on pouvait craindre pour l’ordre, on en est maintenant à trembler pour la liberté.

78. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLIXe Entretien. L’histoire, ou Hérodote »

N’hésite pas à la remplir, et ne cherche pas à éluder mes ordres. […] Tous obéissaient à mes ordres : seul, il n’a pas voulu les reconnaître et n’en a fait aucun cas. […] Je le menaçai en même temps des plus grands supplices s’il n’exécutait pas fidèlement ces ordres[…] L’ordre fut exécuté et le corps suspendu à un mur. […] Un courrier à cheval fut dépêché immédiatement pour porter cet ordre.

79. (1874) Premiers lundis. Tome I « J. Fiévée : Causes et conséquences des événements du mois de Juillet 1830 »

Dans l’ancien ordre de choses, la France avait succombé sous ces quatre vieillesses royales. […] Toutes ces fictions de notre ordre politique s’appuyaient sur ce qu’on appelait le principe monarchique, la prérogative royale. […] A part même le courage et le talent dont ils ont fait preuve, leur vêtement uniforme était un point de ralliement, et mettait l’ordre à la place de la confusion. […] Il faut prendre son parti à cet égard, ne pas croire que les titres expriment ce qu’ils exprimaient, et qu’il y ait encore des prestiges dans l’ordre social. […] Il faut au contraire la concevoir dans toute son étendue, et se dire avec franchise : « Tout mouvement qui affermit l’ordre social par ses propres forces met à découvert la faiblesse des pouvoirs.

80. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre X. L’antinomie juridique » pp. 209-222

Le grand bienfait de ce jugement est de rétablir l’ordre troublé, de sauvegarder la paix sociale. […] Ce dogmatisme juridique s’exprime naïvement dans l’article IV du Code civil qui enjoint au juge de juger coûte que coûte : « Le juge qui refusera de juger sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice. » Ainsi, en tout état de cause, la décision juridique doit être tenue pour bonne et elle doit l’être parce que, quelle qu’elle soit, elle vaut mieux pour l’ordre social que l’absence de jugement qui laisserait se perpétuer un débat et une cause de trouble. […] Ils admettent qu’il ne doit plus y avoir élimination indistincte et mécanique de tous les individus qui ont troublé en quelque manière l’ordre public. […] Elle oppose le droit individuel au droit social ; le sentiment de la justice, tel qu’il s’exprime dans la conscience de l’individu à l’idée de la justice considérée du point de vue social, idée qui se ramène à celle du maintien de l’ordre ; l’idée d’individualité à l’idée de loi. […] La fin du droit, quoi qu’on fasse, n’est pas de donner satisfaction au sentiment de justice éprouvé par les consciences individuelles, mais de sauvegarder l’ordre social.

81. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

Nous lui devons beaucoup pour avoir voulu soumettre la pensée à la méthode ; l’ordre des scolastiques n’était qu’un désordre. […] Les idées, et les perfectionnements du langage ont dû suivre cet ordre. […] Les principaux de l’ordre héroïque furent appelés rois de la cité, et administrèrent les affaires communes, en ce qui touchait la guerre et la religion. […] Ainsi le besoin de l’ordre et de la sécurité fonde les monarchies. […] Carlo de Sangro, 1707, faites par ordre du comte de Daun, général des armées impériales dans le royaume de Naples. — Autre en l’honneur de l’empereur Joseph, 1711, faite par ordre du vice-roi, Charles Borromée. — Autre en l’honneur de l’impératrice Éléonore, faite par ordre du cardinal Wolfgang de Scratembac, vice-roi.

82. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre III. Buffon »

Quand on lit ses lettres, on est saisi de cette sérénité imperturbable, de cette indifférence aux polémiques et aux passions du temps, de cette régularité laborieuse, de cet esprit d’ordre, qui permirent à Buffon de mener à bonne fin le grand ouvrage qu’il avait conçu. […] Il produit les espèces comme il les trouve dans la nature, dans la même confusion, dans le même isolement : comme il faut un ordre, il prend la première division venue, animaux sauvages, animaux domestiques, les gros d’abord, les petits ensuite. […] Mais, pour faire goûter son œuvre sévère et impartiale, Buffon eut besoin d’un talent d’écrivain de premier ordre. […] Mais Buffon seul a donné au sentiment de la nature toute sa profondeur ; il en a fait une émotion philosophique où l’impression des apparences s’accompagne d’une intuition de la force invisible, éternelle, qui s’y manifeste selon des lois immuables, où le spectacle de l’ordre actuel évoque par un mélancolique retour les vagues et troublantes images des époques lointaines dont le débris et la ruine ont été la condition de notre existence. […] Le châtelain de Montbard n’aimait pas la terre improductive, qui ne donne pas de revenu, ni la vie désordonnée, dont l’épanouissement n’est pas réglé par la géométrie de l’esprit humain : il avait, je l’ai dit, la passion de l’ordre.

83. (1890) L’avenir de la science « XIV »

L’État n’est pas à mes yeux une simple institution de police et de bon ordre. […] Certains ordres religieux qui appliquaient à l’étude cette tranquillité d’esprit, l’un des meilleurs fruits de la vie monastique, réalisaient autrefois ces grands ateliers de travail scientifique, dont la disparition est profondément à regretter. […] Quoi qu’il en soit, on ne peut nier que l’abolition des ordres religieux qui se livraient à l’étude et celle des parlements, qui fournissaient à tant d’hommes lettrés de studieux loisirs, n’aient porté un coup fatal aux recherches savantes. […] Dom Mabillon, dom Ruinard, dom Rivet, Montfaucon n’eussent point accompli leurs œuvres gigantesques s’ils n’eussent eu sous leurs ordres toute une communauté de laborieux travailleurs, qui dégrossissaient l’œuvre à laquelle ils mettaient ensuite la dernière main. […] Un million vaut un ou deux hommes de génie, en ce sens qu’avec un million bien employé on peut faire autant pour le progrès de l’esprit humain que feraient un ou deux hommes de premier ordre, réduits aux seules forces de l’esprit.

84. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Sur la reprise de Bérénice au Théâtre-Français »

Certes, nous n’irons pas l’élever au nombre de ses chefs-d’œuvre : on sait l’ordre et la suite où ceux-ci viennent se ranger. […] Dans l’ordre poétique comme dans l’ordre moral, la grandeur est au prix de l’effort, de la lutte et de la constance ; l’idéal habite les hauts sommets. […] On lit partout l’anecdote de son origine, l’ordre de Madame, ce duel poétique et galant de Racine et de Corneille, la défaite de ce dernier. […] Mme de La Fayette, qui était de ce cercle, et au premier rang, a écrit d’Esther, cette autre tragédie commandée bien plus tard, cette autre Juive aimable et qui correspond dans l’ordre religieux à sa première sœur, que c’était une comédie de couvent. […] S’il fallait exprimer l’ordre de structure employé ici, je dirais que c’est simplement une longue galerie en cinq appartements ou compartiments, et le tout revêtu de peintures et de tapisseries si attrayantes au regard, qu’on passe insensiblement de l’une à l’autre sans trop se rendre compte du chemin.

85. (1936) Réflexions sur la littérature « 6. Cristallisations » pp. 60-71

Ce livre et celui de Stendhal se font suite, dans l’ordre du développement philosophique, de façon curieuse, et nous donnent la sensation très nette de ce que la philosophie de la vie a ajouté à la philosophie analytique du XVIIIe siècle. […] Mauclair transfigure l’idée de cristallisation en la transportant dans l’ordre du temps. " le spasme est une incursion momentanée dans la mort, un essai de mort permis à l’être vivant par la nature. […] On pourrait la transporter tout entière dans le monde de son art, dans le rythme intérieur de la création hugolienne, de l’ordre de Vénus dans celui d’Apollon. […] Mauclair l’étend dans l’ordre de l’être et s’efforce de la faire sortir de l’individualisme où Stendhal, selon lui, l’a trop enfermée. […] Tout ce livre est écrit pour aboutir à la troisième partie, le miracle de l’amour, et pour orienter ce miracle même vers celui du rythme universel, de l’ordre profond du monde.

86. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » p. 293

Ses Ouvrages, sans le placer parmi les Auteurs du premier ordre, ne laissent pas d’avoir leur genre d’utilité. […] Menestrier les répéta avec facilité, non seulement dans l’ordre où ils avoient été lus, mais encore selon tel ordre & tel arrangement qu’on voulut lui prescrire.

87. (1899) L’esthétique considérée comme science sacrée (La Revue naturiste) pp. 1-15

La distribution des travaux, la classification des sciences, la mise en ordre des systèmes, et l’anéantissement des hiérarchies, toutes ces opérations fondamentales dépendent de l’esthétique seule. […] L’ordre ardent des sphères bondissantes se reproduit, en les réglant, dans quelques hymnes. […] Il est hors de doute, par exemple, que dans un ordre spirituel, la justice a la même valeur que l’harmonie. […] Appliquons toute notre énergie à nous embellir nous-mêmes constamment ; par un inflexible et sévère travail, augmentons-nous dans tous les ordres de la beauté. […] La classification des sciences, le perfectionnement de la race, la mise en ordre du système et l’anéantissement des hiérarchies, voilà quel doivent être les effets de nos travaux.

88. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre I : La science politique au xixe  siècle »

Le pouvoir illimité d’un seul appuyé sur deux ordres privilégiés, l’un chargé de la défense, l’autre de l’éducation de la société, lui paraît le principe essentiel et éternel de tout ordre politique. […] Quant à M. de Montlosier, ce gentilhomme d’Auvergne qui, dans l’Assemblée constituante, eut un mot sublime pour défendre le clergé, et auquel le clergé, à sa mort, refusa la sépulture, il est aussi ennemi que personne du pouvoir absolu ; il veut que l’on fonde l’ancienne société avec la nouvelle ; il accuse de folie toutes les revendications des émigrés contre les faits révolutionnaires : il comprend et admire la gloire militaire de la nouvelle France ; il combat avec une énergie qui ne fut pas pardonnée les empiétements du clergé dans l’ordre politique. […] Ce qui distingue les doctrinaires des purs royalistes, c’est qu’ils acceptent sans réserve l’ordre civil sorti de la révolution, c’est-à-dire l’égalité des partages et la sécularisation de l’État. […] Ce que j’ai jamais entendu dire de plus amer sur les vices de l’ancien régime, sur les folies et les ridicules des émigrés et des ultras, c’est lui qui l’a dit. » Mais si les doctrinaires acceptaient la démocratie dans l’ordre civil et lui faisaient une part dans l’ordre politique, ils n’en étaient pas moins très-effrayés de ses progrès ; ils le détestaient sous sa forme violente, l’esprit révolutionnaire : ils le redoutaient même régulier et modéré dans le gouvernement de l’État. […] Destutt de Tracy, qui est un excellent économiste, comprend très-bien le caractère des sociétés modernes, sociétés laborieuses, industrielles, commerçantes, qui ont besoin d’ordre et de liberté, et non de lois somptuaires.

89. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Le père Augustin Theiner »

En choisissant pour nous la raconter la vie de Clément XIV, ce pontificat de quatre années qui ne contient guères qu’une seule chose : la suppression de l’Ordre des jésuites, et en élevant, à propos de ce fait si lamentablement fameux qui contrista tous les cœurs dévoués à la cause du catholicisme, un monument de louange et de respect au pontife de l’abolition, le P.  […] telle est pour nous la question, — et elle est plus haute à notre sens que tout ce qui, jusqu’à ce moment, s’est dit ou s’est écrit sur elle : — l’abolition de l’Ordre des jésuites est-elle un fait honorable ou dommageable à la gloire de Clément XIV ? […] Eh bien, nous ne craignons pas de le dire et l’ignorance seule pourrait nous demander de le prouver, l’abolition de l’ordre des jésuites est la plus grande faute que le pouvoir pontifical ait pu commettre ! […] Si, comme on l’a ici donné à entendre, il se cachait plus de haine que d’amour au fond de son livre ; si la polémique qu’il a soulevée passait à travers Clément XIV pour atteindre l’Ordre de Jésus lui-même, et pour le toucher de cette main modérée dont parle Junius dans ses lettres et qui tue d’autant mieux qu’elle tue avec modération ? […] En attaquant directement, et avec une violence qui n’a rien de sacerdotal, un écrivain qui avait publié comme lui l’histoire de Clément XIV, et de plus que lui l’histoire de l’Ordre de Jésus, le nouvel historien de Clément XIV a provoqué de la part de Crétineau-Joly deux réponses auxquelles, nous le croyons du reste, le P. 

90. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

La succession des arts se fait dans un ordre rationnel et fatal ; exposons sommairement la loi de cette succession, et sa concordance avec un développement parallèle dans l’ordre moral comme dans les ordres religieux et politique. […] Deux ordres d’idées supposent deux états de notre âme, deux ordres de propriétés dans les objets extérieurs, et enfin deux classes dans les œuvres de l’art et du langage qui nous mettent en rapport avec ces objets. […] Ces deux ordres de rapports sont nécessaires, quoique inégaux en noblesse et en fécondité. […] Deux états de l’âme si différents ne sauraient se traduire sous les mêmes formes littéraires 5 de là dans la poésie elle-même deux ordres très distincts et comme deux courants opposés, l’ordre héroïque et religieux et l’ordre comique. […] L’uniformité dans l’ordre physique, c’est l’impossible, c’est le néant ; l’extrême égalité dans l’ordre moral, c’est l’extrême injustice, c’est le mensonge.

91. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

Des principaux écrivains du second ordre au xvie siècle. — § II. […] Des principaux écrivains du second ordre au XVIe  siècle. […] Ils développent certains points ; ils s’attachent à un ordre particulier d’idées ; ils l’enrichissent de quelques détails. […] C’est de la comédie, quoique d’un ordre inférieur à celle qui démasque les personnages par le soin même qu’ils mettent à se cacher. […] Il convenait à celui par qui l’ordre et l’unité s’établissaient dans l’État, de les prescrire dans les ouvrages de l’esprit.

92. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre I : L’histoire de la philosophie »

« La vérité est la correspondance entre l’ordre des idées et l’ordre des phénomènes, de telle façon que l’un réfléchisse l’autre ; le mouvement de la pensée suivant le mouvement des choses. » Remarquons ces termes « ordre des idées », « mouvement de la pensée », substitués à la formule ordinaire : conformité de l’idée avec l’objet. […] Si le mouvement de notre pensée est contrôlé par le mouvement des choses, il y a vérité : si nos idées sont arrangées dans un ordre qui ne correspond point avec l’ordre des phénomènes, il y a erreur. Atteindre cette correspondance entre l’ordre interne et l’ordre externe, c’est ce que nous cherchons : et nous employons pour cela deux méthodes : « La méthode objective qui moule ses conceptions sur les réalités, en suivant de près les mouvements des objets, tels qu’en particulier ils se présentent aux sens, de sorte que les mouvements de la pensée puissent synchroniser avec les mouvements des choses. » « La méthode subjective qui moule les réalités sur ces conceptions, et s’efforce de découvrir l’ordre des choses, non en lui ajustant pas à pas l’ordre des idées, mais par une anticipation précipitée de la pensée, dont la direction est déterminée par les pensées et non contrôlée par les objets. » (§ 13) Toute recherche contient une observation, une conjecture, une vérification. […] Mais comme la vérité est simplement une correspondance entre l’ordre interne et l’ordre externe, nous nous assurons de son exactitude par la certitude de son ajustement. […] Le sujet et l’objet se combinent dans la même connaissance, comme l’acide et la base se combinent dans le sel203. » II Entrons maintenant dans l’histoire proprement dite. — Comme elle est surtout dogmatique et critique et qu’elle n’a été bien souvent pour l’auteur qu’une occasion d’exposer ses propres idées, nous aurions pu sans trop d’effort réunir ces fragments de doctrine épars et en faire un tout : il nous a semblé qu’il valait mieux respecter l’ordre suivi par l’auteur.

93. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VIII. Suite du chapitre précédent. De la parole traditionnelle. De la parole écrite. De la lettre. Magistrature de la pensée dans ces trois âges de l’esprit humain » pp. 179-193

Magistrature de la pensée dans ces trois âges de l’esprit humain Dans l’ordre naturel des idées, ce chapitre ainsi que le précédent devraient se trouver après celui où je me propose de développer la théorie de la parole ; mais il faut que j’intervertisse cet ordre naturel des idées, pour me soumettre à un plan non moins impérieux, qui consiste à mettre de suite tout ce qui peut amener à comprendre le caractère de l’âge actuel. […] Lorsque, plus tard encore, la parole écrite a admis les explications de la parole traditionnelle, il a fallu maintenir la magistrature de la pensée avec des modifications nécessitées par le nouvel ordre de choses. […] Il n’y a pas de l’ignorance à n’employer, à un âge de l’esprit humain, ou dans une sphère d’idées, que les directions applicables à cet âge, ou en harmonie avec cet ordre de choses. […] Dès lors la liberté de la presse devient un des éléments nécessaires des gouvernements représentatifs, qui eux-mêmes sont un résultat forcé d’un tel ordre de choses, ainsi que la coopération des jurés dans les procès criminels ; car, encore une fois, tout se tient et tout marche en même temps. […] Ainsi j’admets la liberté de la presse comme un moyen d’obvier aux nombreux inconvénients qui doivent résulter de l’établissement du nouvel ordre de choses dans lequel nous entrons.

94. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « M. MIGNET. » pp. 225-256

A des études vastes, continues, profondes, à la possession directe des sources supérieures, M ignet n’a cessé de joindre le soin accompli (cultus) de composer et d’écrire ; chaque œuvre de lui se recommande par l’ensemble, par la gravité et l’ordre, comme aussi par l’éclat de l’expression ou par l’empreinte. […] Le pas en effet est glissant, de la confusion se peut faire sans trop d’effort, si l’on n’y prend garde : M ignet du moins ne l’a jamais entendu ainsi, et quel qu’ait été, selon lui, le rôle assigné aux individus par le destin ou la Providence dans l’ordre successif des choses, il a toujours mis à part l’intention morale. […] On se l’explique à merveille : l’auteur portait, pour la première fois, l’ordre et la loi dans des récits qui jusque-là, sous d’autres plumes, n’avaient offert qu’anarchie et confusion comme leurs objets mêmes. […] S’attachant à un ordre unique de causes, il négligea toutes celles qui n’avaient agi que pour une part indéterminée et confusément appréciable, comme s’il en avait trop coûté à son esprit rigoureux d’admettre de la réalité autre part que là où il découvrait de l’ordre et des lois. […] Si la mort, qui frappe à coups pressés dans les rangs des mêmes générations, ne met pas toujours de la variété dans ses choix et apporte inévitablement quelque monotonie dans l’ordre des sujets qui se succèdent, elle fait passer aussi un à un devant l’historien-orateur les principaux représentants de toutes les grandes idées qui ont eu leur jour.

95. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

Les vérités apportées au monde par la Renaissance appartiennent à l’ordre des vérités simples ou philosophiques, qui n’expriment que ce qui se fait. […] Outre donc ce qui manquait à l’ordre des vérités philosophiques transmises par l’antiquité au monde moderne, tout un ordre nouveau de vérités morales devait venir du christianisme par la voix de la Réforme, c’est-à-dire de la renaissance de l’antiquité chrétienne. […] De là, une science nouvelle de l’homme, qui devait découvrir et mettre en culture toutes ces terres inconnues de l’antiquité païenne, quoique peut-être soupçonnées de ses sages agrandir notre nature ou plutôt lui restituer sa grandeur, en un mot, compléter l’ordre des vérités philosophiques, et fonder tout un ordre nouveau de vérités morales. […] Chaque ordre de vérités fait la matière d’un livre, lequel se subdivise en chapitres, où chaque vérité ou proposition particulière est traitée méthodiquement. […] Luther, quoique moins docte, ne l’avait pas ignorée mais il se fiait plus à cette méthode d’instinct, qui est le don des hommes de génie, et sa fougue le rendait incapable d’ordre et de proportion.

96. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre I. De l’évolution de la vie. Mécanisme et finalité »

Elle nous présente partout le désordre à côté de l’ordre, la régression à côté du progrès. […] C’est précisément à une cause d’ordre psychologique que certains néo-lamarckiens ont recours. […] Le finalisme tiendrait compte de leur ordre. […] En un certain sens, le mouvement est plus que les positions et que leur ordre, car il suffit de se le donner, dans sa simplicité indivisible, pour que l’infinité des positions successives ainsi que leur ordre soient donnés du même coup, avec, en plus quelque chose qui n’est ni ordre ni position mais qui est l’essentiel : la mobilité. Mais, en un autre sens, le mouvement est moins que la série des positions avec l’ordre qui les relie ; car, pour disposer des points dans un certain ordre, il faut d’abord se représenter l’ordre et ensuite le réaliser avec des points, il faut un travail d’assemblage et il faut de l’intelligence, au lieu que le mouvement simple de la main ne contient rien de tout cela.

97. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

Mme Dacier, par sa traduction de L’Iliade, ayant fourni le moyen de la lire à ceux qui n’entendaient pas le grec (et c’était alors l’immense majorité, même des gens réputés instruits), La Motte s’en était servi à loisir pour mettre en ordre ses arguments et tirer ses conclusions. […] S’il était besoin d’expliquer d’ailleurs cette indignation d’un homme d’esprit et philosophe envers un si misérable adversaire, et la forme sous laquelle elle se produisit, il faut se rappeler que le livre de Gacon avait paru avec l’approbation d’un censeur, l’abbé Couture, approbation donnée dans les termes ordinaires : « J’ai lu par ordre de Mgr le chancelier, etc. […] Il est, par principe, un grand admirateur de notre langue, de sa perfection au point de vue de la clarté et de la précision ; il tient pour l’ordre direct et régulier grammatical, qui n’est pas l’ordre sensible et passionné. […] Son verbe ne manque pas de marcher derrière, suivi d’un adverbe, etc. » L’abbé de Pons rend la pareille de cette moquerie au latin et aux phrases à la Cicéron, « à ces périodes immenses dont le sens vaste, mais confus, ne commence à se développer que lorsqu’il plaît au verbe dominant de se montrer, verbe que l’orateur romain s’obstine à faire marcher à la suite de toutes les idées qu’il aurait dû précéder selon l’ordre de nos conceptions ». Voilà la contradiction nettement posée, Rivarol se chargera de confirmer et de mettre en relief la pensée de l’abbé de Pons quand il dira dans son Discours sur l’universalité de la langue française : Le français, par un privilège unique, est seul resté fidèle à l’ordre direct, comme s’il était tout raison ; et on a beau, par les mouvements les plus variés et toutes les ressources du style, déguiser cet ordre, il faut toujours qu’il existe ; et c’est en vain que les passions nous bouleversent et nous sollicitent de suivre l’ordre des sensations, la syntaxe française est incorruptible.

98. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VIII. La mécanique cérébrale »

Il semble impossible, dit Gratiolet, de décider comment s’accomplira ce passage de l’excitation au repos : à priori cependant il doit y avoir un ordre dans ce retour. Mais quel sera cet ordre ? […] Gratiolet pour expliquer l’habitude et la mémoire ; l’habitude étant dans l’ordre des mouvements, ce que la mémoire est dans l’ordre des idées. […] Par exemple, si je récite la série des nombres, ou l’alphabet, si je repasse dans ma mémoire les notes de la gamme ou les couleurs du spectre, les phénomènes ne se déroulent dans mon imagination que dans un ordre unilatéral et sans aucune rétrogradation.

99. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XV. Des ouvrages sur les différentes parties de la Philosophie. » pp. 333-345

Il est bon de remarquer qu’ils sont plus intelligibles dans la version & plus convenables aux différens ordres des lecteurs. […] Il l’a depuis étendu & comme refondu pour en faire sa grande histoire, où l’on ne sçait ce que l’on doit le plus admirer de l’érudition, de la netteté, & de l’ordre dans lequel les matieres sont traitées, & de la solidité de jugement, ou des graces du style de l’auteur. […] Pour suivre à présent l’ordre des principales parties de la Philosophie, on pourra le borner pour la Logique au fameux Art de penser, par les illustres Solitaires de Port-Royal, à la Logique de Crousaz, à l’introduction à la Logique & à la Métaphysique, par M. […] Exposer l’ordre & l’enchaînement des connoissances humaines, présenter sur chaque science & sur chaque art, soit libéral, soit méchanique, les principes généraux qui en sont la base, & les détails les plus essentiels qui en sont le corps & la substance ; c’est-là le vaste, le magnifique projet des auteurs de l’Encyclopédie. […] On trouve, sous ce mot, l’ordre des connoissances qu’il faut acquérir avec la succession des idées qu’il est bon de recueillir du Dictionnaire même.

100. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame, secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. »

— Mais nous mettrons un peu d’ordre dans notre étude, et avant d’arriver à l’archevêque, qui est notre sujet principal, nous dirons de son biographe ce qu’il importe de savoir. […] Simple abbé, il se distingua fort par sa parole et sa conduite dans les Assemblées du Clergé ; en une circonstance mémorable où le second Ordre était en conflit avec le premier, il se refusa à un rôle de chef de parti, de chef de file, qu’un ambitieux plus imprudent eut recherché : il aima mieux pousser à un rapprochement. […] Le plus présent et le plus agréable à la Cour des archevêques de province, il était le président habituel de son Ordre, l’orateur à la fois royal et sacré. […] Il y a dans sa vie ecclésiastique et politique assez de faits importants, d’actes de premier ordre, pour mériter examen, analyse et tableau. […] L’exemple de M. de Harlay nous est la preuve, au contraire, que, dans l’ordre régulier des choses, il suffit d’un défaut, d’un vice mal placé, pour tuer un homme.

101. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Le maréchal de Villars. »

Il déclarait au roi ne pouvoir prendre sur lui plus de responsabilité, à moins qu’il ne reçût un ordre positif ; et si l’ordre était venu, il eût été le premier sans doute à proposer les objections. […] Villars, en se montrant toujours très-jaloux de livrer une bataille rangée, dont il crut même avoir trouvé l’occasion dans les plaines de Lens, n’eut pas ordre de l’engager et n’en fut peut-être pas très-fâché au fond : il prit sa revanche, selon sa coutume, en tentant de petites actions. […] « Rompre les desseins des ennemis sans commettre son armée », c’était l’ordre que le roi lui donna, et il s’acquitta parfaitement de la mission. […] Il me semble, à vous parler naturellement, qu’après les ordres réitérés de Sa Majesté, les plus fortes réflexions du général doivent être pour bien faire ses dispositions et profiter des moments. […] L’attaque se fit de concert « avec beaucoup d’ordre et une magnifique disposition. » Les bataillons s’avancèrent sous le feu de l’ennemi, l’arme au bras, sans plier, sans tirer un coup de fusil.

102. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

Pascal a distingué trois ordres divers, et, dans chaque ordre, des princes : il y a, selon lui, l’ordre de la politique et des conquêtes, des grandeurs et des puissances terrestres ; il y a celui de l’intelligence pure et de l’esprit ; il y a enfin l’ordre de la beauté morale et de la charité. Or, dans l’ordre de l’esprit, il met en tête Archimède. […] Sans entrer dans aucune discussion sur la prééminence des talents et sur la préséance des genres, il m’a toujours paru en effet que le premier rang dans l’ordre de l’intelligence pure était dû à ces hommes qu’on appelle Archimède, ou Newton, ou Lagrange. […] Il avait besoin, même dans l’ordre intellectuel, d’une grande dépense physique. […] Depuis que l’ordre des sciences naturelles est séparé de celui des sciences mathématiques, Cuvier a donné, bien qu’un peu brièvement, d’excellents exemples ; M. 

103. (1914) Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne pp. 59-331

Un (autre) ordre. […] Il a été un saint ordinaire, le premier dans l’ordre, mais dans l’ordre. […] En un mot c’est de l’ordre de l’homme et de l’ordre de l’événement, le passage des prophéties aux Évangiles est de l’ordre de l’homme et de l’ordre de l’événement, nullement de l’ordre de la déduction logique, mathématique, physique, censément scientifique, nullement de l’ordre déterministe et du moderne. […] Les unes en procèdent dans l’ordre du cœur, les autres dans l’ordre de la pensée. […] Ceux qui sont loin de l’ordre ou évidemment contraires à l’ordre ne peuvent nuire à l’ordre au-delà d’un certain point.

104. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

suivant quel ordre ? […] L’ordre alphabétique est très commode lorsque l’ordre chronologique et l’ordre géographique ne conviennent pas. […] Toute matière historique peut être distribuée suivant trois espèces d’ordre différents : l’ordre chronologique (ordre des temps), — l’ordre géographique (ordre des lieux, qui souvent coïncide avec l’ordre des nations), — l’ordre des espèces d’actes appelé d’ordinaire ordre logique . […] Leur forme (coutume, ordres, loi, précédents) ? […]Ordre . — Dans quel ordre doit-on aborder les matières ?

105. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

Un ordre, comme le clergé, le Parlement, l’armée, l’Académie française, et même le journalisme, — un ordre où le confrère est le camarade, — le client du confrère et les ordres rivaux, siège et parquet, l’ennemi. […] Discours signifie ordre. […] Faute d’avoir atteint cette fin, Flaubert demeure dans le second ordre. […] Faire de la critique, en France du moins, c’est créer un ordre, ou plutôt des ordres. […] J’appellerai ces quatre ordres : l’ordre générique, l’ordre traditionnel, l’ordre contemporain et l’ordre local.

106. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

Le sens commun est un jugement sans réflexion, partagé par tout un ordre, par tout un peuple, par toute une nation, ou par tout le genre humain. […] Ignorants comme ils étaient, ils appliquèrent mal cette idée, mais l’effroi que leur inspirait la divinité telle qu’ils l’imaginèrent, commença à ramener l’ordre parmi eux. […] L’ordre des idées doit suivre l’ordre des choses. […] Les querelles dans lesquelles les différents ordres cherchent l’égalité des droits, sont pour les républiques le plus puissant moyen d’agrandissement. […] Les nobles font de la connaissance des lois le secret de leur ordre, afin qu’elles dépendent de leurs caprices, et qu’ils les appliquent aussi arbitrairement que des rois.

107. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7172-17709

Il y a une égale liberté sur le choix des moyens que l’on peut employer, pour exprimer la correlation des mots dans l’ordre de l’énonciation, & celle de leurs idées dans l’ordre analytique de la pensée. […] Le sens accidentel est celui qui résulte de la différence des relations des mots à l’ordre de l’énonciation. […] La construction usuelle, est celle où les mots sont rangés dans l’ordre autorisé par l’usage de chaque langue. […] Tel est l’ordre que nous mettons dans notre maniere d’envisager la Grammaire. […] C’est donc une nécessité de conclure, que l’inversion est le renversement d’un autre ordre, ou un autre renversement d’un certain ordre, & l’hyperbate, le renversement du même ordre.

108. (1890) L’avenir de la science « XI »

Welcker traite avec beaucoup de mépris, et les œuvres de second ordre des littératures classiques, si elles servent moins à former le goût, offrent quelquefois plus d’intérêt philosophique et nous en apprennent plus sur l’histoire de l’esprit humain que les monuments accomplis des époques de perfection. […] Partout une langue ancienne a fait place à un idiome vulgaire, qui ne constitue pas à vrai dire une langue différente, mais plutôt un âge différent de celle qui l’a précédé ; celle-ci plus savante, plus synthétique, chargée de flexions qui expriment les rapports les plus délicats de la pensée, plus riche même dans son ordre d’idées, bien que cet ordre d’idées fût comparativement plus restreint ; image en un mot de la spontanéité primitive, où l’esprit confondait les éléments dans une obscure unité et perdait dans le tout la vue analytique des parties ; le dialecte moderne, au contraire, correspondant à un progrès d’analyse, plus clair, plus explicite, séparant ce que les anciens assemblaient, brisant les mécanismes de l’ancienne langue pour donner à chaque idée et à chaque relation son expression isolée. […] Fixée d’ordinaire dans une littérature antique, dépositaire des traditions religieuses et nationales, elle reste le partage des savants, la langue des choses de l’esprit, et il faut d’ordinaire des siècles avant que l’idiome moderne ose à son tour sortir de la vie vulgaire, pour se risquer dans l’ordre des choses intellectuelles. […] C’est un fait encore que, chez les nations peu avancées, tout l’ordre intellectuel est confié à cette langue, et que, chez les peuples où une activité intellectuelle plus énergique s’est créé un nouvel instrument mieux adapté à ses besoins, la langue antique conserve un rôle grave et religieux, celui de faire l’éducation de la pensée et de l’initier aux choses de l’esprit.

109. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Dupont-White »

Sortie des flancs de l’idée chrétienne, la France se résume et se constitue dans la double unité de la famille et de l’ordre : — de la famille, que le père nourrit, domine et défend, et qu’il doit représenter tant au profit de sa propre prépondérance qu’au profit de celle de l’État ; de l’ordre, dont la magistrature dessine la circonférence, l’armée le rayonnement, et le sacerdoce le centre. Magistrature, armée, sacerdoce, triple force de l’ordre éternel, appuyées à la force triple de la famille représentée par ses chefs, voilà la force majeure des pays, et visiblement, pour qui sait ouvrir les yeux et regarder, les deux degrés électoraux que Dieu a rangés autour du pouvoir, et dont, en réalité, seul il dispose. […] Il aurait vu que l’État, en France du moins, n’est rien de plus que la famille chrétienne et l’ordre appuyant le pouvoir, et se ralliant virtuellement à lui pour la logique d’un seul et même intérêt. […] Tout autant que les individualistes, enfants trouvés ou perdus de Jean-Jacques Rousseau, auxquels il fait justement la guerre, Dupont-White n’a pas même l’air de se douter que l’État réel, dont il change les définitions aux pages viii, xiii xix, xx de sa préface, enfermé dans le cadre des mœurs, tient essentiellement dans cette double réserve de la famille et de l’ordre toujours retrouvée à la marée basse de toute révolution, et que peuvent toujours sortir de là, à la voix du législateur et du pouvoir, ramassé par le premier caporal venu, l’organisme social et la vie !

110. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — I. » pp. 325-345

Pourtant aucune mauvaise passion ne s’y mêla, et s’il fut de ceux, comme il en convint ensuite, qui contribuèrent à trop énerver et à trop désarmer le pouvoir, il n’eut jamais l’intention de désorganiser l’ordre et la société. […] Dans mes rapports avec la Commune de Paris, je reconnus que c’était un énorme contresens de faire conférer par le peuple aux administrateurs l’investiture de fonctions instituées pour l’exécution des ordres du gouvernement, comme si on avait voulu que les ordres venant du centre aux extrémités heurtassent pour l’exécution contre les oppositions naturelles aux extrémités contre le centre. […] Mais faire marcher l’administration et l’ordre public, faire fonctionner la machine au lieu de l’entraver et de la désorganiser, c’était déjà se rendre suspect aux yeux des démagogues50. […] Mais toutes ces réfutations, empruntées à l’ordre économique ou à l’ordre providentiel, sont également vaines quand la société n’a pas la force en main pour appuyer les raisons. […] Nous le verrons sortir de sa retraite tout à fait mûri, dévoué à la restauration de l’esprit public et de l’ordre social, sans abjuration de rien d’essentiel.

111. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse esthétique »

Ces œuvres sont essentiellement des ensembles de moyens d’action sur les sens, propres à susciter des émotions d’un certain ordre. […] L’ordre dans lequel ces deux questions seront traitées importe peu, car la solution de l’une n’implique pas la solution de l’autre. […] Les émotions étant désignées, il conviendrait d’en mesurer l’intensité ; mais c’est là un ordre de recherches qui est inabordable pour le moment et le restera sans doute longtemps. […] L’auteur maintiendra continuellement l’ordre simple de la proposition, ou usera d’inversions violentes. […] Elle est de même ordre que le déplaisir de la contradiction.

112. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre III : Théorie psychologique de la matière et de l’esprit. »

Ces postulats posés, « la théorie psychologique maintient qu’il y a des associations naturellement et même nécessairement produites par l’ordre de nos sensations et de nos réminiscences de sensations, lesquelles, en supposant qu’il n’existât dans la conscience aucune intuition d’un monde extérieur, en produiraient inévitablement la croyance et le feraient regarder comme une intuition. » Et d’abord, que voulons-nous dire par ces mots : un monde extérieur, une substance externe ? […] Enfin, nous ne reconnaissons pas seulement des groupes fixes, mais aussi un ordre fixe dans nos sensations, un ordre de succession qui, quand l’expérience le confirme, donne naissance aux idées de cause et d’effet. […] En un mot, des sensations possibles, des groupes de sensations, un ordre entre ces groupes et un accord entre notre croyance et celle de nos semblables : c’est là toute notre idée de la matière. […] Que toute la réalité du monde extérieur est dans l’esprit qui le connaît, que nous ne savons de la matière. que ce qu’en disent nos sensations et nos idées, la sensation nous révélant les attributs, et l’idée, l’ordre entre les attributs : la première étant plutôt la connaissance vulgaire, la seconde plutôt la connaissance scientifique ; mais que le tout se réduisant en dernière analyse à des états de conscience, on peut soutenir par suite que toute la réalité de la matière est en nous ; que ce n’est aucunement nier l’existence de la matière, que c’est simplement dire que nous en avons une connaissance relative, et qu’elle n’est que la cause possible de nos sensations et de nos idées. […] Mill, outre les faits, admet l’ordre entre les esprits.

113. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre III »

Le parlementaire, conservateur par état, aurait horreur de renverser l’ordre établi. […] Barnave, averti de l’affront, vint emmener sa femme et dit tout haut : « Je sors par ordre du gouverneur ». […] Qu’a-t-il été jusqu’à présent dans l’ordre politique598 ? […] Tout cela est le fruit d’un travail ingénieux encore plus que de la richesse… Le moyen ordre s’est enrichi par l’industrie… Les gains du commerce ont augmenté. Il s’est trouvé moins d’opulence qu’autrefois chez les grands et plus dans le moyen ordre, et cela a mis moins de distance entre les hommes.

114. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre II : Examen critique des méditations chrétiennes de M. Guizot »

Guizot Pour suivre l’ordre même des idées de M.  […] Je ne désarme donc point l’école spiritualiste dans ses efforts pour prouver, comme vous le dites, l’existence d’un ordre invisible. […] Les miracles, dira-t-on, sont divins, soit ; mais les raisons de croire aux miracles sont des raisons humaines, du même ordre que celles que l’on donne pour n’y pas croire. […] On s’appuie, pour autoriser l’hypothèse du péché originel, sur des analogies empruntées à l’ordre physique ou à l’ordre moral. Voyez, dit-on, dans l’ordre physique, le mal naître du mal, la maladie se transmettre de génération en génération.

115. (1903) La renaissance classique pp. -

Mais, dans l’ordre pratique, tu dois agir comme si cet inconnu n’existait point. […] Bientôt nous rapprendrons le charme et la vertu de l’ordre : nous essayerons de composer. […] On obtiendra la liberté dans l’ordre, l’unité stricte dans la plus riche diversité. […] Il est la plus haute expression de la vie dans son effort incessant vers l’ordre et la beauté. […] Une raison sage, amoureuse de l’ordre et de l’éclat, a réglé l’expansion de ces énergies sauvages.

116. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — II. » pp. 460-478

Sa cécité presque absolue le mettait dans l’impossibilité de lire et d’écrire : il n’en suivait pas moins tous les mouvements de l’assemblée, maintenait l’ordre avec fermeté, et, connaissant la place de chaque membre dont il distinguait merveilleusement le son de voix, il ne commettait jamais la moindre erreur en accordant ou refusant la parole. […] Comme conseiller d’État, dès cette époque, l’ordre des services rendus par Portalis est double : les uns se rapportent à la rédaction du Code civil, et les autres à l’œuvre du Concordat. […] Confondant l’ordre moral avec l’ordre civil, raisonnant et concluant, sans s’en apercevoir, de l’un à l’autre, il brouillait tout et s’attirait de la part de son sage réfutateur des remarques parfaites de justesse et de finesse, qu’il n’a jamais lues, et qui ne l’auraient probablement point corrigé, tout homme d’esprit qu’il était. […] Le second ordre de services que Portalis rendit sous le Consulat et sous l’Empire se rapporte à l’œuvre du Concordat et de l’administration des Cultes. […] Ce discours tout entier est semé et comme tissu de vérités et de beautés morales du premier ordre.

117. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre premier. De l’invention dans les sujets particuliers »

Il s’agit, quelle que soit l’œuvre, immortelle ou enfantine, d’évoquer un certain ordre de sentiments et d’idées, à l’exclusion de tout autre : on doit donc, avant tout autre soin, reconnaître quel est cet ordre. […] Il a revu avec l’émotion d’un bon Français les guerres religieuses et civiles, les désastres et les ruines du temps où le pouvoir royal était humilié, et le grand bienfait de la paix et de l’ordre suivant la restauration de l’autorité absolue : il a vu la souveraineté d’un seul procurant la sécurité de tous. De là la chaleur émue, la conviction contagieuse des discours de Cinna : dans la bouche du Romain, par les exemples de l’histoire romaine, un cœur français professe le culte de la monarchie, gardienne de l’ordre.

118. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre II. Les sensations totales de la vue, de l’odorat, du goût, du toucher et leurs éléments » pp. 189-236

. — Chacun d’eux est un idiome spécial construit pour représenter un seul ordre de faits. — Théorie générale des sens. — Tous sont des idiomes. — Le sens du toucher est un idiome général. […] Ainsi les quatre sens spéciaux sont quatre langues spéciales, chacune appropriée à un sujet différent, chacune admirable pour exprimer un ordre de faits et un seul ordre de faits. […] Les sensations spéciales de la vue, de l’ouïe, de l’odorat et du goût, sont des représentants délicats et limités qui, par leurs caractères, traduisent rigoureusement et uniquement un ordre spécial de faits extérieurs. Les sensations générales du toucher sont des représentants grossiers et universels, qui, par leurs caractères, traduisent à peu près tous les ordres de faits extérieurs. […] En tout cas, il s’agit d’un ordre de positions qui s’altère, puis se rétablit.

119. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre deuxième. L’idée de l’espace. Son origine et son action »

De plus, pour les ranger dans l’espace selon tel ordre et non selon tel autre, il faut qu’il y ait en elles une marque locale déterminée ou déterminable ; il faut qu’elles tendent d’elles-mêmes à prendre telle place et à se ranger dans tel ordre ; il faut, en un mot, qu’il y ait dans le mécanisme physiologique et dans le dynamisme psychique l’explication du caractère extensif. […] La sensibilité perçoit donc la direction dans l’espace plus facilement qu’elle ne perçoit l’ordre dans le temps. […] Malgré cela, tant que la main est immobile, le tout est encore très vague ; mais, si elle se meut le long d’une ligne ou d’une surface, le souvenir juxtapose les sensations et en fait apparaître l’ordre sériel. […] En ce sens, on pourrait supposer avec Leibniz que l’espace est simplement l’ordre des coexistences, c’est-à-dire une certaine manière dont nous ordonnons et rangeons nos sensations simultanées de résistance. […] Comme la résistance nous révèle l’objectif, c’est-à-dire un objet différent de notre propre activité, l’étendue devient pour nous l’ordre des choses objectives, l’ordre des objets ; cette idée est conséquemment le grand mode de représentation dont nous nous servons pour nous figurer l’objectivité, pour poser devant nous et distinguer nettement de nous les objets qui résistent à notre action.

120. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — II » pp. 57-80

) À mesure que ce siège de Landau approche du terme prévu, les ordres de la Cour redoublent de vivacité pour qu’on avise au moins par quelque endroit à une revanche. […] Louis XIV, en lui donnant l’ordre de partir, lui a dit expressément « qu’il voudrait bien inspirer à ce qui est à la tête des armées l’audace naturelle à quiconque mène des Français » ; et ce mot-là a plus que suffi pour l’électriser lui-même. […] L’ordre que vous avez donné au marquis de Villars y convient parfaitement, pourvu qu’il vous puisse joindre en cas que vous jugiez avoir besoin de lui : il peut y arriver le 10 ou le 12 au plus tard. […] Car Villars, quel que soit le rang qu’on lui assigne en ordre de mérite, est un général en chef : ce n’est pas un lieutenant ni un second. « En lui, commander, a-t-on dit, était comme son état naturel. […] Il y prend les ordres du roi et repart treize jours après avec la permission de faire le siège de Kehl, s’il le croyait convenable.

121. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

La malheureuse fin d’un engagement trop tendre me conduisit enfin au tombeau : c’est le nom que je donne à l’Ordre respectable où j’allai m’ensevelir, et où je demeurai quelque temps si bien mort, que mes parents et mes amis ignorèrent ce que j’étois devenu. » Cet Ordre respectable dont il parle, et dans lequel il entra à l’âge de vingt-quatre ans environ, est celui des Bénédictins de la congrégation de Saint-Maur ; il y resta cinq ou six ans dans les pratiques religieuses et dans l’assiduité de l’étude ; nous le verrons plus tard en sortir. […] On l’occupa successivement dans les diverses maisons de l’Ordre à Saint-Ouen de Rouen, où il eut une polémique à son avantage avec un jésuite appelé Le Brun ; à l’abbaye du Bec, où, tout en approfondissant la théologie, il fit connaissance d’un grand seigneur retiré de la cour qui lui donna peut-être la pensée de son premier roman ; à Saint-Germer, où il professa les humanités ; à Évreux et aux Blancs-Manteaux de Paris, où il prêcha avec une vogue merveilleuse ; enfin à Saint-Germain-des-Prés, espèce de capitale de l’Ordre, où on l’appliqua en dernier lieu au Gallia Christiana, dont un volume presque entier, dit-on, est de lui. […] Un léger mécontentement, qui n’était qu’un prétexte, mais en réalité ses idées, dont le cours le détournait plus que jamais ailleurs, l’engagèrent à solliciter de Rome sa translation dans une branche moins rigide de l’Ordre ; ce fut pour Cluny qu’il s’arrêta. […] L’amour du marquis pour dona Diana, l’assassinat de cette beauté et surtout le mariage au lit de mort, sont d’un intérêt qui, dans l’ordre romanesque, répond assez à celui de Bérénice en tragédie. […] Pour sa famille, je ne répondrais pas qu’il l’amusât constamment ; mais nous qui ne sommes pas amoureux, le moyen de lui en vouloir quand il nous dit : « Je lui prouvai par un raisonnement sans réplique que ce qu’il nommoit amour invincible, constance inviolable, fidélité nécessaire, étoient autant de chimères que la religion et l’ordre même de la nature ne connoissoient pas dans un sens si badin ? 

122. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre huitième »

Mais, étudiés dans leur ordre, les chefs-d’œuvre de ces deux grandes époques seront toujours la plus forte école où notre nation puisse apprendre à se continuer, en valant mieux. […] Au risque de n’être pas compté parmi les sages, je confesse n’avoir vu l’ordre ni dans les détails ni dans les grandes parties. […] Cependant, les considérations dans Montesquieu se pressent par moments dans l’ordre rigoureux de raisons qui s’enchaînent. […] Il est certain qu’il ne le compte pas comme un compagnon d’armes dans la guerre du dix-huitième siècle contre l’ordre établi. Oui, telle a été la pensée de Montesquieu, qu’il a paru plus près de vouloir le maintien des abus que le renversement de l’ordre établi.

123. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

Demandez à tout bon Français qui lit tous les jours son journal dans son estaminet ce qu’il entend par progrès, il répondra que c’est la vapeur, l’électricité et l’éclairage au gaz, miracles inconnus aux Romains, et que ces découvertes témoignent pleinement de notre supériorité sur les anciens ; tant il s’est fait de ténèbres dans ce malheureux cerveau et tant les choses de l’ordre matériel et de l’ordre spirituel s’y sont si bizarrement confondues ! […] Si les denrées sont aujourd’hui de meilleure qualité et à meilleur marché qu’elles n’étaient hier, c’est dans l’ordre matériel un progrès incontestable. […] Transportée dans l’ordre de l’imagination, l’idée du progrès (il y a eu des audacieux et des enragés de logique qui ont tenté de le faire) se dresse avec une absurdité gigantesque, une grotesquerie qui monte jusqu’à l’épouvantable. […] Dans l’ordre poétique et artistique, tout révélateur a rarement un précurseur. […] — mais d’un ordre inférieur, d’un ordre quasi maladif.

124. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

Nous sommes arrivés à une de ces époques de renouvellement où, après la destruction d’un ordre social tout entier, un nouvel ordre social commence. […] Ne voyez-vous pas que l’ordre social est détruit, comme l’ordre religieux ? […] C’est ainsi que tout principe d’ordre et toute règle d’obéissance est détruite aujourd’hui. […] Un spectre pâle et tremblant se présente, et dit : Rentrez dans l’ordre, je suis la Société. […] Il ne conçoit le désordre que parce qu’il conçoit l’ordre : donc l’ordre renaîtra.

125. (1870) La science et la conscience « Chapitre I : La physiologie »

On peut certainement admettre le parallélisme entre les deux ordres de faits cérébraux et psychiques qui a tant frappé M.  […] Cela le conduit nécessairement à reconnaître tout un nouvel ordre de faits et un nouveau mode d’observation. […] Ce ne sont pas les phénomènes qu’ils confondent, ce sont les causes, lorsqu’ils parlent indifféremment de faits psychiques ou de faits cérébraux, et qu’ils s’efforcent d’expliquer comment les phénomènes de l’ordre physiologique se transforment en phénomènes de l’ordre psychique. […] Et parce que les faits moraux ont aussi leur ordre, leur enchaînement, leur loi enfin, est-ce une raison pour en conclure que l’homme n’est point un être libre ! N’y a-t-il pas entre les lois de l’ordre physique et celles de l’ordre moral une assez grande distance pour que la liberté y trouve sa place ?

126. (1900) L’état actuel de la critique littéraire française (article de La Nouvelle Revue) pp. 349-362

Elles sont d’ordre matériel et d’ordre moral, influant les unes sur les autres, et il sera simple d’aller directement à la question en commençant par examiner les causes matérielles. […] Quoi qu’il en soit, la presse ne peut plus insérer que des jugements « à la vapeur » jetés en hâte au public parmi le flot des ordres de bourse et des télégrammes venus des quatre coins du monde. […] Par contre, Baudelaire était un critique de premier ordre. […] Un homme capable de constater des analogies et des liens abstraits qu’on ne soupçonnait pas entre des formes et des images de la nature ; or, le critique véritable peut être ce poète, dans le domaine idéologique, et c’est parce qu’elles se sont élevées à cette haute compréhension de la critique que de grandes consciences poétiques comme Baudelaire, Carlyle, Mallarmé, ont été aussi des organismes critiques de premier ordre. […] Et une pareille organisation, transportée à l’étranger, créerait un échange international de volumes sobres, débordants de pensée concentrée, qui enrichiraient les bibliothèques et constitueraient, à côté de la bibliographie effective, un memento intellectuel de premier ordre.

127. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Mémoires de Daniel de Cosnac, archevêque d’Aix. (2 vol. in 8º. — 1852.) » pp. 283-304

Cosnac eut ordre du roi de se retirer dans son diocèse, et de ne pas reparaître à la Cour ni à Paris. […] Je recevais toutes les dépêches de l’armée, et j’y faisais les réponses par l’ordre de mon maître. […] Pendant que cette troupe se disposait à venir sur mes ordres, il en arriva une autre à Pézenas, qui était celle de Cormier. […] Je répondis d’un air fort sérieux que je venais lui parler de sa part ; ensuite je la pris en particulier, et je lui dis les ordres que j’avais. […] Dès que ma commission fut faite, je lui dis que j’avais un ordre pour lui faire donner six cents pistoles.

128. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Introduction »

Il se trouve encore des esprits qui, même dans l’ordre de la foi, voudraient que l’État intervînt pour fixer ce qu’il faut croire et ce qu’il est permis de ne pas croire. […] C’est ce qui a eu lieu incontestablement dans l’ordre des sciences physiques et mathématiques ; il faut espérer qu’il finira par en être de même dans l’ordre moral. […] Est-ce volontairement que les enfants nés dans les États-Unis du Sud apprenaient dès le plus bas âge que l’esclavage était une institution divine, nécessaire à l’ordre de la société et au bonheur des esclaves eux-mêmes ? […] Si la liberté de penser ne trouve pas de limites dans l’ordre rigoureusement scientifique, n’entrouvera-t-elle pas alors qu’on passera des vérités physiques et mathématiques aux vérités morales ? […] Dans l’ordre moral et social, la liberté de penser semble particulièrement périlleuse et scandaleuse.

129. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome IV pp. -328

L’ordre de la police étoit troublé. […] quel affront pour tout l’ordre ! […] Le conseil d’état motive ainsi ses ordres. […] Fronteau, aussi chanoine régulier du même ordre. […] Les deux ordres avoient toujours vécu dans la meilleure intelligence.

130. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Dans tous les ordres, la vie veut être prise au sérieux. […] Il existe une nature sociale, comme il existe une nature physique, c’est-à-dire des lois de l’ordre humain, comme des lois de l’ordre mécanique, chimique, biologique. […] Il y en a un dans l’ordre des connaissances, dans celui des moyens. […] Partout l’ordre règne. […] Bainville, lui, plus particulièrement appliqué à considérer les relations des États les uns avec les autres, dénonce, comme un symptôme alarmant, l’absence d’un ordre politique stable, — ordre dans l’action extérieure de ces États, ordre dans leur action intérieure.

131. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre V. Le Séminaire Saint-Sulpice (1882) »

Le goût de l’ordre et le dévouement au devoir étaient le principe de toute leur vie. […] Il ne peut être question de progrès dans un tel ordre d’exposition. […] Mes raisons furent toutes de l’ordre philologique et critique ; elles ne furent nullement de l’ordre métaphysique, de l’ordre politique, de l’ordre moral. Ces derniers ordres d’idées me paraissaient peu tangibles et pliables à tout sens. […] Cela ne devra paraître singulier à personne, puisque l’âge m’obligerait à mettre un intervalle entre mes ordres.

132. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — I. » pp. 495-512

Trouvant cette Histoire assez mal ordonnée, dit-il, et mise en langage assez rude, il s’est appliqué à la polir et à la dresser en meilleur ordre qu’elle n’était auparavant. […] Plus de trois ans se passèrent avant l’exécution du vœu, pendant lesquels saint Louis fit ses préparatifs et pourvut à l’ordre du royaume durant son absence. […] On a la proclamation ou l’ordre du jour de saint Louis à ses barons avant de débarquer. […] Sachons comprendre en lui-même chaque héroïsme, et ne rendons pas moins d’hommage à celui de l’ordre invisible. […] Joinville en demanda une à Jean de Beaumont, chambellan du roi, qui avait ordre de la donner, mais qui la refusa.

133. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Mais pour cela il faut un corps, un ordre ; or, cet ordre est tout trouvé, il existe ; il ne s’agit que de le ressusciter en France. » Toutefois, l’entreprise au premier abord était étrange. En se faisant dominicain, il se séparait nettement sans doute des jésuites, qui sont l’ordre rival et adverse ; mais il ne se rapprochait point pour cela du préjugé populaire. […] Je ne sais si sa tentative d’ordre réussira ; mais du moins, on put s’en apercevoir dès le premier jour, sa robe blanche de dominicain ne lui nuisait pas. […] Cette oraison funèbre me paraît un chef-d’œuvre dans l’ordre des productions modernes. […] Lacordaire a eu jusqu’ici à prononcer trois oraisons funèbres, celle d’O’Connell, celle de l’évêque de Nancy, Forbin-Janson, et celle enfin du général Drouot ; je les range non par ordre de dates, mais selon le mérite.

134. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Conclusion »

Au reste, les critiques anglais, et Bain à leur tête, viennent de reconnaître en lui « un psychologiste d’un ordre peu commun » ; et nous nous associons pleinement à leur jugement : « que ses traités sont des plus suggestifs que l’École de l’expérience ait publiés en Angleterre, dans ces dernières années. » Signalons encore M.  […] Nous essayerons de les ramener à quelques propositions fondamentales et les exposer dans un ordre méthodique. […] Ces sensations, d’un caractère très général et les premières dans l’ordre chronologique, forment comme un genre à part ; 2° sensations organiques qui nous révèlent le bon ou le mauvais état de nos organes internes ; 3° goût ; 4° odorat ; 5° toucher ; 6° ouïe ; 7° vue. […] D’ailleurs si ces idées sont primitives et toutes faites dans l’intelligence, pourquoi se produisent-elles si tard, au lieu d’être les premières dans l’ordre chronologique ? […] Le rapport de simultanéité est une duplication du précédent : il consiste en une succession qui peut être renversée, c’est-à-dire pensée indifféremment, d’abord dans un certain ordre, ensuite dans l’ordre contraire ; de sorte que l’on va également de A à G et de C à B.

135. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Montalembert orateur. » pp. 79-91

En effet, à ne le prendre que dans cette carrière déjà si pleine qu’il a fournie durant treize années au sein de la Chambre des pairs, je vois en lui un orateur des plus distingués, l’avocat ou plutôt le champion, le chevalier intrépide et brillant d’une cause ; mais tous ses développements d’alors roulent sur deux ou trois idées absolues, opiniâtres, presque fixes : il défend la Pologne, il attaque l’Université, il revendique une liberté illimitée pour l’enseignement ecclésiastique, pour les ordres religieux ; il a deux ou trois grands thèmes, ou plutôt un seul, la liberté absolue. […] Dans un ou deux cas, M. le chancelier le rappela bien à l’ordre pour la forme ; mais la faveur qui s’attachait au talent couvrait tout. […] il s’agit de nous-mêmes : C’est un vaincu, annonçait-il en commençant, qui vient parler à des vaincus, c’est-à-dire aux représentants de l’ordre social, de l’ordre régulier, de l’ordre libéral qui vient d’être vaincu en Suisse, et qui est menacé, dans toute l’Europe, par une nouvelle invasion de barbares. […] Deux volumes contenant les préliminaires, sur la formation, le développement et le rôle des ordres monastiques au Moyen Âge, sont imprimés, mais non publiés.

136. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre I : Qu’est-ce qu’un fait social ? »

Ce qui démontre catégoriquement cette dualité de nature, c’est que ces deux ordres de faits se présentent souvent à l’état dissocié. […] En effet, les faits qui nous en ont fourni la base sont tous des manières de faire ; ils sont d’ordre physiologique. Or il y a aussi des manières d’être collectives, c’est-à-dire des faits sociaux d’ordre anatomique ou morphologique. […] Sans doute, si les phénomènes d’ordre morphologique étaient les seuls à présenter cette fixité, on pourrait croire qu’ils constituent une espèce à part. […] Mais il est permis de croire que les inductions de la première de ces sciences sur ce sujet sont applicables à l’autre et que, dans les organismes comme dans les sociétés, il n’y a entre ces deux ordres de faits que des différences de degré.

137. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Introduction. Du bas-bleuisme contemporain »

Il est, dans l’histoire de l’humanité, des époques de véritable hermaphrodisme social, où l’homme s’effémine et la femme s’hommasse, et quand ces fusions contre nature se produisent, c’est toujours, pour que l’ordre soit troublé davantage, la femelle qui absorbe le mâle jusqu’à ce qu’il n’y ait plus là ni mâle ni femelle, mais on ne sait plus quelle substance neutre, pâtée à vainqueur pour le premier peuple qui voudra se l’assimiler ! […] Toujours est-il qu’à l’heure qu’il est, dans tout ordre de faits, l’élément mâle se laisse absorber par l’élément femelle et que l’homme se prête à cet immense ridicule ! […] L’ordre n’est qu’à ce prix. […] Or ce qu’elles ont, ce sont des facultés quelquefois exquises et relativement puissantes mais des facultés de l’ordre femelle. […] En effet, dans l’ordre des écrivains, vous chercheriez en vain une femme qui vaille, dans l’ordre des danseuses, Mlle Taglioni IV Et voilà justement ce que l’Histoire et la Critique que nous allons faire ici devront constater.

138. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VI. Jules Simon »

Saisset, pour l’ordre des nuances et des dégradations. […] Jules Simon, qu’il appelle La Religion naturelle, et qui pourrait très bien, sans jeu de mots, dispenser du devoir qui a dû le suivre, car, quel que soit l’ordre de succession dans la publicité, il est certain que le devoir est la conséquence de la Religion naturelle, au moins dans la tête de l’auteur ! […] Il est, dans l’ordre laïque et philosophique, dans un ordre étendu et profond, ce que fut l’abbé Châtel, dans l’ordre ecclésiastique et circonscrit.

139. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « SUR ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 497-504

Nous aurions eu aussi une Promenade à Saint-Cloud par le frère de Marie-Joseph, car André eût été le partisan, ce me semble, de l’ordre sans l’usurpation, de la gloire sans la tyrannie, des lauriers soumis aux lois. Mais quand même, chez lui, les idées d’ordre eussent pris davantage le dessus, ses opinions philosophiques, et un peu païennes en religion, se fussent mal prêtées, j’imagine, au Concordat, au rétablissement du culte. […] André Chénier, vivant, eût été le grand poëte français, immédiatement antérieur à M. de Chateaubriand, lequel date du Christianisme renaissant, du culte restauré, et d’un ordre de sentiments spiritualistes que le génie d’André n’eût sans doute pas accueillis. […] Les plus grandes places de poëtes sont dues, à coup sûr, à ceux qui ont mis de puissantes facultés d’imagination, de sensibilité et d’intelligence, au service des intérêts et des sentiments d’un grand nombre de leurs concitoyens et de leurs contemporains ; qui les ont soutenus, animés, récréés, ennoblis ; qui les ont aidés à pleurer, à espérer, à croire, soit dans un ordre purement héroïque et humain, soit par rapport aux choses immortelles.

140. (1874) Premiers lundis. Tome I « M.A. Thiers : Histoire de la Révolution française Ve et VIe volumes — I »

Du jour où les Girondins furent proscrits, le retour à l’ordre légal fut indéfiniment ajourné, et la France, constituée dans un état violent, inouï, d’un avenir incalculable. […] Et qu’on ne pense pas que cette unité de marche, que nous signalons, soit l’effet d’une illusion historique ; elle est empreinte dans chaque acte émané de cette Assemblée célèbre, dans ses allures brèves, dans ses sommations, ses ordres du jour et ses rigueurs ; elle est surtout explicitement professée dans les rapports de Saint-Just et de Barrère. […] « Il fallait à la fois, dit l’historien, mettre la population debout, la pourvoir d’armes, et fournir, par une nouvelle mesure financière, à la dépense de ce grand déplacement ; il fallait mettre en rapport le papier-monnaie avec le prix des subsistances et des denrées ; il fallait disposer les armées, les généraux, convenablement à chaque théâtre de la guerre, et enfin satisfaire la colère révolutionnaire par de grandes et terribles exécutions. » De là, d’abord, la levée en masse, la mise en disponibilité de la population entière, et cet inépuisable fond d’armée nationale, dans laquelle se recrutaient les autres ; armée majestueuse, solennelle, échelonnée par rang d’âge et mise en ordre de bataille par générations. […] Pour lui, sauver la France, c’était se dissoudre ; car, le siège une fois levé, le pouvoir militaire s’anéantit devant l’ordre légal, et le camp redevient une cité.

141. (1875) Premiers lundis. Tome III « Le roi Jérôme »

Il faudrait savoir et se donner et se doubler en quelque sorte, élever son cœur en même temps qu’anéantir sa volonté propre, comprendre d’un seul coup d’œil toutes les destinées futures qui intervertissent l’ordre antérieur et s’y résigner en grandissant. […] Il ne me manque point de vaisseaux, ni de matelots, ni d’un grand nombre d’officiers de zèle, mais il me manque des chefs qui aient du talent, du caractère et de l’énergie. » Le désir, le besoin de Napoléon eût été de susciter quelque part, dans les rangs trop éclaircis de ses flottes, un grand homme de mer et du premier ordre, qui pût tenir en échec la puissance rivale dans cette moitié flottante de l’empire du monde ; mais un tel génie, à la fois supérieur et spécial, se rencontre quand il plaît à la nature, et ne se suscite pas. […] Capitaine de frégate, ayant ordre, en 1805, d’appareiller avec la Pomone et deux bricks pour se rendre dans les eaux d’Alger et y réclamer du Dey 250 Génois pris par les corsaires algériens et jetés dans les fers, il montra une énergie, une volonté devant laquelle la puissance barbaresque dut plier. […] Il lui confia 25,000 hommes de troupes bavaroises et wurtembergeoises, avec lesquelles le prince Jérôme s’empara de la Silésie, et rendit à la grande Armée, alors en Pologne, d’utiles services : « Le prince Jérôme, disait l’empereur dans un de ses bulletins, fait preuve d’une grande activité et montre les talents et la prudence qui ne sont d’ordinaire que les fruits d’une longue expérience. » — Le 14 mars 1807, Napoléon nommait son jeune frère général de division, et le 4 mai il écrivait au roi de Naples, Joseph : « Le prince Jérôme se conduit bien, j’en suis fort content, et je me trompe fort s’il n’y a pas en lui de quoi faire un homme de premier ordre.

142. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XII. Des livres de jurisprudence » pp. 320-324

Les Loix Ecclésiastiques de France dans leur ordre naturel, & une analyse des livres de droit canonique, conferés avec les usages de l’Eglise Gallicane, in-fol. 1756. par M. d’Hericourt. […] Les Loix Civiles dans leur ordre naturel, par Domat, in-fol. 1756. […] Ce Prince a disposé le droit romain dans un ordre naturel, a retranché les loix étrangeres, & a établi pour ses Sujets un droit certain & universel.

143. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Préface »

L’originalité de M. de Tocqueville en effet a été de voir avec pénétration que la démocratie était un danger non-seulement pour l’ordre, ce qui est banal, mais surtout pour la liberté. […] La Science nous présente un autre ordre de problèmes. […] L’âme et la liberté morale sont d’un autre ordre, et quand même il s’en approcherait sans cesse par une sorte d’asymptote indéfinie, il ne les atteindra jamais.

144. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre V. Ruines des monuments chrétiens. »

Dans les ordres grecs, les voûtes et les cintres suivent parallèlement les arcs du ciel ; de sorte que, sur la tenture grise des nuages ou sur un paysage obscur, ils se perdent dans les fonds ; dans l’ordre gothique, au contraire, les pointes contrastent avec les arrondissements des cieux et les courbures de l’horizon. Le gothique, étant tout composé de vides, se décore ensuite plus aisément d’herbes et de fleurs, que les pleins des ordres grecs.

145. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IV : Sélection naturelle »

J’ai constaté que, dans nos contrées, les arbres ont plus fréquemment des sexes séparés que les arbustes ou les plantes herbacées appartenant aux mêmes ordres. […] Or, c’est dans l’eau douce que nous trouvons sept genres de poissons Ganoïdes, seuls restes actuels d’un ordre autrefois prépondérant. […] Waterhouse et d’autres l’ont remarqué, nos groupes de Carnivores, de Ruminants et de Rongeurs, puissent avec succès soutenir la concurrence contre ces ordres si profondément distincts. […] En fin de compte, il y a plusieurs causes très diverses pour que des organismes d’ordres inférieurs existent actuellement en grand nombre dans le monde entier. […] Peut-on soutenir d’ailleurs que des variétés végétales, ou appartenant aux ordres inférieurs du règne animal, soient souvent très répandues à côté de la forme mère ?

146. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

Qui dit au-dessus ou en dehors de la nature dans l’ordre des faits dit une contradiction, comme qui dirait surdivin, dans l’ordre des substances. […] Tout cela est du même ordre. […] Des spéculations de l’ordre de Kant et de Schelling ont coexisté dans des têtes brahmaniques avec des fables plus extravagantes que celles qu’Ovide a chantées. […] Tout cela est de même ordre que le petit genre tout innocent et paterne des poètes de la Société, du Cerceau, Commire, Rapin, etc  Les travaux des bénédictins sont d’un tout autre ordre, mais ne prouvent pas contre ma thèse. […] Tel ouvrage allemand de premier ordre est lourd et insupportable en français ; ôtez à l’eau de rose sa senteur, elle ne vaut pas de l’eau ordinaire.

147. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — I » pp. 1-17

Il dit : Mon ordre, mon cordon bleu ; il l’étale ou il le cache par ostentation ; un Pamphile, en un mot, veut être grand ; il croit l’être, il ne l’est pas, il est d’après un grand. » Puis vient Saint-Simon, qui profite beaucoup du journal de Dangeau pour établir ses mémoires, pour en fixer bien des faits et en rajuster des souvenirs, mais qui se moque constamment et de l’œuvre et du personnage ; il achève de nous peindre Dangeau en charge, en caricature, tant il donne de relief à ses ridicules et tant il efface ses bonnes qualités : C’était le meilleur homme du monde, dit-il, mais à qui la tête avait tourné d’être seigneur ; cela l’avait chamarré de ridicules, et Mme de Montespan avait fort plaisamment, mais très véritablement dit de lui qu’on ne pouvait s’empêcher de l’aimer ni de s’en moquer. Ce fut bien pis après sa charge et ce mariage (avec Mlle de Loewenstein) : sa fadeur naturelle, entée sur la bassesse du courtisan et crépie de l’orgueil du seigneur postiche, fit un composé que combla la grande maîtrise de l’ordre de Saint-Lazare que le roi lui donna. […] Quand le roi l’eut fait grand maître de l’ordre de Saint-Lazare, en même temps qu’il s’adonna beaucoup au cérémonial et prêta à jaser aux railleurs, Dangeau conçut une idée utile, honorable : il fonda une pension à l’usage des jeunes gentilshommes de l’ordre, et qui visait à être dans son genre un pendant de Saint-Cyr. […] Comme il était grand maître de l’ordre de Saint-Lazare, il se chargea généralement de l’entretien et de l’éducation de vingt jeunes gentilshommes, qu’il fit chevaliers de cet ordre, et les rassembla dans une maison de la rue de Charonne, en bon air, avec un jardin, mur mitoyen du couvent de Bon-Secours. Il y établit un principal instituteur qui choisissait les autres, ce qui n’empêchait pas le marquis et l’abbé de Dangeau, son frère, de venir de temps en temps inspecter la manutention et l’ordre de la maison.

148. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

Et certainement rien n’est plus propre à former un véritable homme de guerre qu’un métier qui apprend à attaquer hardiment, à se retirer avec ordre et avec sagesse, et enfin qui accoutume à voir souvent l’ennemi de fort près. […] Le matin de la journée de Senef, à un mouvement que faisaient les ennemis, la plupart des officiers généraux qui étaient autour du prince crurent qu’ils fuyaient. « Ils ne fuient pas, dit Villars, ils changent seulement leur ordre. » — « Et à quoi le connaissez-vous ?  […] Après quelques ordres donnés, le prince se mit à la tête des premiers escadrons et tira son épée. […] Tantôt ils se flattent de ne rien devoir qu’à leur mérite, à leur vertu, sans rien laisser au hasard ; tantôt ils sont plus fiers de paraître tout devoir au hasard qu’à leurs qualités propres : c’est qu’il semble alors qu’un génie suprême, l’âme même des astres et de l’univers s’occupe d’eux, — change et incline l’ordre général pour eux. […] Cependant Villars s’attachait de plus en plus à l’électeur de Bavière ; il eut ordre de le suivre à Munich, et put prendre auprès de lui la qualité d’envoyé extraordinaire de la Cour de France : il alarma par ses progrès celle de Vienne, qui envoya, pour le contrecarrer, ses meilleurs hommes d’État, de ceux qu’il aura plus tard à combattre comme généraux.

149. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. »

Zeller, avec son bon et droit esprit, a résolu le problème assez délicat d’être court, substantiel toutefois et complet, de ne se perdre ni dans le détail ni non plus dans les généralités, de resserrer les faits, d’en composer un tissu intéressant, et de choisir chaque fois un ordre d’événements et d’actions personnifié dans une ou deux principales figures, un ensemble qui eût un sens et qui fût un tableau. […] Cette suite va devenir l’idée essentielle de Bossuet : suite, ordre, dessein, unité providentielle, le contraire du hasard, c’est son point de vue constant, régulier, comme inévitable, et en quelque sorte la loi impérieuse de son esprit. […] Tant de liaison règne entre ses idées, que toujours l’une éveille l’autre, et que cette multitude d’origines, de catastrophes et de noms célèbres semble se disposer dans le seul ordre qui lui convienne. […] Créateur pur, il est infiniment supérieur au Dieu des philosophes, premier moteur et simple ordonnateur du monde, et qui avait trouvé une matière toute faite : le Dieu de nos pères et celui de Bossuet a tout fait, la matière et la forme, l’ordre et le fond : il ne lui en a coûté qu’un mot. […] Il est croyant (puisque j’ai touché ce mot) d’une façon bien remarquable, et que j’ose dire singulière chez un aussi grand esprit et chez un génie de cet ordre ; il l’est, ce me semble, sans avoir eu aucune peine pour cela, sans avoir jamais, à aucun temps, admis ni connu le doute.

150. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

Et en effet, le duc de Reichstadt était à peine arrivé, qu’il s’approcha du maréchal et se félicita de faire la connaissance d’un guerrier qui avait servi avec tant de distinction sous les ordres de son père. […] Le maréchal lui répondit qu’il serait entièrement à ses ordres. […] Blanc eut beau se jeter à ses pieds, exprimer son désespoir, son besoin d’embrasser sa femme et ses enfants, le général parut impitoyable et donna ordre de le rembarquer et de le remmener à terre. […] Il y était à peine ; il allait dicter un premier ordre ; il se retourne vers Marmont et lui dit : « Et notre homme d’Égypte !  […] Le même officier, M. de La Rue, au moment de retourner en France, lui dit un autre jour tout naturellement qu’il était prêt à prendre ses ordres pour Paris.

151. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

Royer-Collard remarque excellemment que ce qui manque le plus aujourd’hui, c’est dans l’ordre moral le respect, et dans l’ordre intellectuel l’attention. […] L’armée française, sous les ordres de Montesquiou, envahit la Savoie le 22 septembre 1792. […] Au lieu de nous dépiter follement contre un ordre de choses que nous ne comprenons pas, attachons-nous aux vérités pratiques. […] En 1796, M. de Maistre prédisait sans marchander une Restauration et en dictait d’avance le bulletin avec l’ordre et la marche de la cérémonie. […] Mais un autre ordre de temps est venu ; de nouvelles conditions générales ont été introduites dans le monde ; un Lycurgue s’y briserait.

152. (1896) Psychologie de l’attention (3e éd.)

Le même progrès qui, dans l’ordre moral, a fait passer l’individu du règne des instincts à celui de l’intérét ou du devoir ; dans l’ordre social, de la sauvagerie primitive à l’état  d’organisation ; dans l’ordre politique, de l’individualisme presque absolu à la constitution d’un gouvernement  le même progrès, dans l’ordre intellectuel, a fait passer du règne de l’attention spontanée au règne de l’attention volontaire. […] Mais comment se produit l’équivalent de cette inhibition dans l’ordre mental ? […] La volition sous sa forme positive, impulsive, la volition qui produit quelque chose, est la première dans l’ordre chronologique. […] C’est un extrait de deuxième ou troisième ordre. […] On pourrait aussi la comparer à un phénomène d’ordre moteur, la contracture.

153. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre IV. Comparaison des variétés vives et de la forme calme de la parole intérieure. — place de la parole intérieure dans la classification des faits psychiques. »

L’imagination suppose toujours la mémoire ; son acte est une modification du souvenir ; un souvenir inexact est un souvenir mêlé d’imagination ; le moindre changement dans l’ordre des éléments du souvenir est une œuvre de l’imagination. […] Image, que nous fournit la langue vulgaire, est équivoque, à cause de son dérivé imagination, dont le sens a été spécialisé, et aussi parce que ce terme semble devoir s’appliquer surtout à une espèce du genre, les phénomènes d’ordre visuel ; nous l’emploierons pourtant, faute d’un meilleur, mais seulement dans les cas où l’équivoque sera impossible. […] La parole intérieure considérée comme habitude Pour expliquer cette force étrange, que les origines de la parole intérieure ne pouvaient faire prévoir, il est nécessaire de recourir à des causes d’ordre supérieur. […] La parole intérieure réunit ces deux qualités, en apparence incompatibles, par ce fait qu’elle se compose d’habitudes élémentaires à la fois particulières et positives, tandis qu’elle-même reste générale, c’est-à-dire indifférente à l’ordre des actes particuliers qui la réalisent. […] Nous devons nous borner ici à indiquer brièvement cet ordre de considérations, qui dépasse le programme, essentiellement descriptif, de notre étude.

154. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

Pour les en tirer, on essaierait vainement de changer l’ordre des choses. […] Il semble que sa haine pour l’ordre actuel ne pouvait pardonner même à la première origine d’où cet ordre était dérivé. […] Raynal y étale avec complaisance des principes opposés au bon ordre de toute société. […] La Providence fait parfois sortir le bien du mal, l’ordre de l’anarchie, la liberté du despotisme. […] Un roi est le symbole sacré de tout l’ordre social.

155. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Mémoires ou journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guetté. Tomes iii et iv· » pp. 285-303

Mme Bossuet, sa belle-nièce, est une mondaine, et l’abbé Bossuet est tout à fait aux ordres de sa belle-sœur. […] Ainsi la sœur Cornuau a un recueil de toutes les lettres de Bossuet à elle adressées, mais elle y a mis un certain ordre de matières qui n’est pas du tout l’ordre des dates : « Ainsi moi qui ai pris l’ordre des dates, écrit l’abbé Le Dieu d’un air triomphant, j’en serai encore mieux instruit qu’elle et ceux à qui elle communiquera ce volume. » Tel est l’homme auquel, pendant vingt ans qu’il l’eut près de lui, Bossuet ne parvint à rien communiquer de sa religion puissante et sincère, de sa bonté ni de ses vertus. […] » — Et plus loin, 1er juillet : Étant à Paris, j’ai acheté par ordre de M. l’abbé Bossuet des livres pour son cabinet, et plusieurs exemplaires de ceux de M. de Meaux pour le père de La Rue, jésuite, et il a été content de ces emplettes. […] Le grand cabinet d’audience, orné de tableaux superbes, tous de piété ou de la cour de Rome et de France, sur des tapisseries de damas violet sans or, est la dernière pièce de ce superbe appartement, destinée aux audiences publiques : des bureaux, des fauteuils, des paravents se voient à l’entour dans un grand ordre, et rien ne manque de ce qui est nécessaire à la propreté et à la magnificence ; et il y avait aussi fort bon feu. […] Il ouvrit alors son paquet et parcourut ses lettres : « Elles sont, dit-il, un peu malaisées à lire ; il faudra les étudier à loisir. » — « J’espère, monseigneur, de votre bonté, lui dis-je, que vous l’honorerez d’une réponse, afin qu’elle voie que j’ai exécuté ses ordres et que je lui porte de vos nouvelles de vive voix et par écrit. » — « Je n’y manquerai pas, ajouta-t-il ; et encore il faut bien lui recommander la fermeté. » — « Elle en sait l’importance et la nécessité, lui dis-je, monseigneur, car elle ne peut se déplacer sans lettre de cachet, et elle ne veut pas si souvent faire parler d’elle… » Comme on était déjà venu avertir pour dîner, il se leva et m’invita à venir prendre place à sa table.

156. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

Il les a distribuées par ordre chronologique ; il y a joint les notes et éclaircissements qu’on peut désirer, une introduction historique où il envisage le caractère et le rôle du personnage, et une préface où il rend compte du procédé matériel de l’écrivain. […] Les secrétaires d’État qui, comme on sait, n’étaient que ses premiers commis, venaient prendre ses ordres, faisaient exécuter, chacun dans ses bureaux, le travail convenu, le soumettaient, quand il était nécessaire, au Premier ministre, et puis le signaient eux-mêmes. […] Ce n’est pas qu’on sente beaucoup, dans ces premières lettres de Richelieu, les entrailles d’un pasteur, mais il y paraît un esprit d’ordre et d’équité qui veut qu’autour de lui il y ait justice et proportion. […] Son premier acte politique proprement dit fut la harangue qu’il eut l’occasion de prononcer, le 23 février 1615, lors de la clôture des États généraux, et en présentant les cahiers de son ordre. […] Les affaires étaient en cet état, et le parti des princes aussi bas que possible, lorsque tout changea en un clin d’œil par la mort du maréchal d’Ancre, qui fut tué le 24 avril 1617 par ordre du roi et à l’instigation de Luynes.

157. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre deuxième »

La Hollande convenait mieux à son humeur et à sa santé ; il y goûtait la liberté de l’incognito, l’ordre, l’aisance de la vie. […] Il n’y a pas, dans l’histoire de l’esprit humain, un second exemple d’un homme s’élevant à ce haut état de spiritualité, dans l’ordre de la science ; et peut-être, dans l’ordre de la foi, le plus haut état de spiritualité n’est-il pas plus absolument pur de tout mélange de l’imagination et des sens. […] Ces vérités, exposées avec un ordre et un enchaînement extraordinaires, frappèrent les esprits d’admiration. […] Et qu’entend-on par la nature dans l’ordre intellectuel, sinon ce qu’il y a de semblable et d’identique dans tous les hommes, c’est-à-dire la raison ? […] L’ordre des temps excepte de cette influence Corneille, qui, comme Descartes, n’eut pas d’ancêtres ni de tradition.

158. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

La ligne honorable d’André Chénier s’y dessine déjà tout entière : Lorsqu’une grande nation, dit-il en commençant, après avoir vieilli dans l’erreur et l’insouciance, lasse enfin de malheurs et d’oppression, se réveille de cette longue léthargie, et, par une insurrection juste et légitime, rentre dans tous ses droits et renverse l’ordre de choses qui les violait tous, elle ne peut en un instant se trouver établie et calme dans le nouvel état qui doit succéder à l’ancien. […] Et il va chercher quels sont les moyens de lui faire reprendre cette assiette le plus tôt possible, et quelles sont les causes ennemies qui s’opposent à l’établissement le plus prompt d’un ordre nouveau. […] Tel est, dans cette admirable pièce, l’ordre et la suite des idées, dont chacune revêt tour à tour son expression la plus propre, l’expression hardie à la fois, savante et naïve. […] En vertu d’une ordre du comité de sûreté générale du quatorze vantose qu’il nous a présenté le dix-sept de la même anée dont le citoyen Guenot est porteur de laditte ordre, apprest avoir requis le membre du comité révolution et de surveillance de laditte commune de Passy les Paris nous ayant donné connaissance dudit ordre dont les ci-dessus étoit porteurs, nous nous sommes transportés, maison quaucupe la citoyene Piscatory ou nous avons trouvé un particulier à qui nous avons mandé quil il était et le sujest quil l’avoit conduit dans cette maison11 il nous à exibée sa carte de la section de Brutus en nous disant qu’il retournaist apparis, et qu’il étoit Bon citoyent et que cetoit la première foy quil renoit dans cette maison, quil étoit a compagnier d’une citoyene de Versaille dont il devoit la conduire audit Versaille apprest avoir pris une voiture au bureaux du cauche il nous a fait cette de claration à dix heure moins un quard du soir à la porte du bois de Boulogne en face du ci-devant chateaux de Lamuette et apprest lui avoir fait la demande de sa démarche nous ayant pas répondu positivement nous avons décidé quil seroit en arestation dans laditte maison jusqua que ledit ordre qui nous a été communiquié par le citoyent Genot ne soit remplie mais ne trouvant pas la personne dénomé dans ledit ordre, nous lavons gardé jusqua ce jourdhuy dix huit. […] Pastoret ; il y fut rencontré par le commissaire et ses acolytes qui y faisaient, de leur côté, une visite domiciliaire, et qui prirent sur eux de s’assurer de sa personne, sans ordre et par mesure de précaution.

159. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Appendice aux articles sur Roederer. (Voir page 393.) » pp. 533-543

— La conversation retomba sur les troupes revenant de Saragosse tous les ordres du maréchal Mortier. […] J’ai cependant entendu dire, je ne sais plus par qui, que l’on se plaignait dans l’Aragon que les ministres de Madrid n’y donnaient aucun signe d’existence, et qu’on n’y recevait aucun ordre du roi. […] Le général Lasalle a donné ses ordres pour son départ, a pris du café et du rhum, a allumé sa pipe dans un coin, et est revenu à la cheminée, où nous étions en cercle, debout. […] — Le général donne des ordres pour son départ ; je me retire. […] [NdA] Ville brûlée par ordre du général Lasalle il y avait six mois, après quelque acte de trahison.

160. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre I : Des sens, des appétits et des instincts. »

Ce qui précède peut laisser entrevoir combien l’auteur excelle dans cette méthode de naturaliste, qui consiste à classer et à décrire ; mais voici des analyses d’un ordre, plus difficile, celles qui ont pour objet la perception de l’extériorité et de l’étendue. […] Quand l’ordre sériel de nos sensations ne peut être changé ni renversé, c’est une succession. Quand il peut être renversé, parcouru dans un ordre indifférent, il y a coexistence. […] Contrairement à ces états de conscience constituant notre perception de séquence, qui s’opposent irrésistiblement à tout changement dans leur ordre, ceux qui constituent notre perception de coexistence souffrent que leur ordre soit renversé et suivent aussi facilement une direction que l’autre162. » Les sensations combinées de mouvement et de toucher nous donnent les notions de longueur, de surface (étendue à deux dimensions), solidité (étendue à trois dimensions). […] Pris dans leur ensemble, ils constituent tout un ordre de dispositions primitives, toute une structure primordiale qui sert de base à ce que l’être humain deviendra plus tard, au développement du sentiment, de la volition et de l’intelligence.

161. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre II. Le cerveau chez les animaux »

Le cerveau augmente de dimensions et se perfectionne quant à la structure à mesure que l’on passe des poissons aux oiseaux, des oiseaux aux mammifères, et que dans cette dernière classe on remonte la série des espèces dans l’ordre de leurs facultés intellectuelles. […] « Dans l’ordre intellectuel, dit Leuret, passer des insectes aux poissons, ce n’est pas monter, c’est descendre ; dans l’ordre organique, c’est suivre le perfectionnement du système nerveux. En effet, tout ce que nous savons des mœurs, des habitudes, des instincts propres aux poissons, nous oblige à regarder ces animaux comme généralement inférieurs aux insectes, et à les placer fort au-dessous des fourmis et des abeilles, tandis que leur système nerveux, comme celui de tous les vertébrés, offre de nombreux caractères qui le rapprochent du système nerveux de l’homme. » De cette considération, Leuret conclut, à l’inverse de Gratiolet, « qu’il ne faut pas attribuer à la forme de la substance encéphalique une très grande importance11. » Sans sortir de l’ordre des mammifères, il est très difficile d’attribuer une valeur absolue à la forme cérébrale, car s’il est vrai que le singe a un type de cerveau tout à fait semblable à celui de l’homme, en revanche, nous dit Lyell, « l’intelligence extraordinaire du chien et de l’éléphant, quoique le type de leur cerveau s’éloigne tant de celui de l’homme, cette intelligence est là pour nous convaincre que nous sommes bien loin de comprendre la nature réelle des relations qui existent entre l’intelligence et la structure du cerveau » 12. […] Dans l’ordre des rougeurs, qui a passé longtemps pour être presque entièrement dépourvu de circonvolutions, le cabiai a le cerveau plissé : or il n’est nullement supérieur en intelligence aux autres rongeurs ; mais il l’emporte sur eux par la taille. […] Or nous savons par Frédéric Cuvier que l’ordre d’intelligence chez les mammifères est précisément celui que nous venons d’indiquer : à savoir les rongeurs, les ruminants, les pachydermes, les carnassiers, les singes et l’homme.

162. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Avertissement de l’auteur »

Après un petit nombre de séances, une maladie grave m’empêcha, à cette époque, de poursuivre une entreprise encouragée, dès sa naissance, par les suffrages de plusieurs savants du premier ordre, parmi lesquels je pouvais citer dès lors MM.  […] Je me bornerai donc, dans cet avertissement, à déclarer que j’emploie le mot philosophie dans l’acception que lui donnaient les anciens, et particulièrement Aristote, comme désignant le système général des conceptions humaines ; et, en ajoutant le mot positive, j’annonce que je considère cette manière spéciale de philosopher qui consiste à envisager les théories, dans quelque ordre d’idées que ce soit, comme ayant pour objet la coordination des faits observés, ce qui constitue le troisième et dernier état de la philosophie générale, primitivement théologique et ensuite métaphysique, ainsi que je l’explique dès la première leçon. […] Mais je n’ai pas dû choisir cette dernière dénomination, non plus que celle de philosophie des sciences, qui serait peut-être encore plus précise, parce que l’une et l’autre ne s’entendent pas encore de tous les ordres de phénomènes, tandis que la philosophie positive, dans laquelle je comprends l’étude des phénomènes sociaux aussi bien que de tous les autres, désigne une manière uniforme de raisonner applicable à tous les sujets sur lesquels l’esprit humain peut s’exercer.

163. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Préface »

Ce sont, presque sans ordre, les images qui me sont apparues et les réflexions qui me sont venues à l’esprit, pendant que j’évoquais ainsi un passé vieux de cinquante ans. […] L’ordre naturel de ce livre, qui n’est autre que l’ordre même des périodes diverses de ma vie, amène une sorte de, contraste entre les récits de Bretagne et ceux du séminaire, ces derniers étant tout entiers remplis par une lutte sombre, pleine de raisonnements et d’âpre scolastique, tandis que les souvenirs de mes premières années ne présentent guère que des impressions de sensibilité enfantine, de candeur, d’innocence et d’amour. […] La supériorité de la science moderne consiste en ce que chacun de ses progrès est un degré de plus dans l’ordre des abstractions. […] Une société où la distinction personnelle a peu de prix, où le talent et l’esprit n’ont aucune valeur officielle, où la haute fonction n’ennoblit pas, où la politique devient l’emploi des déclassés et des gens de troisième ordre, où les récompenses de la vie vont de préférence à l’intrigue, à la vulgarité, au charlatanisme qui cultive l’art de la réclame, à la rouerie qui serre habilement les contours du Code pénal, une telle société, dis-je, ne saurait nous plaire.

164. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

Littré apporte en ces considérations d’un ordre si étendu et si vaste. […] Littré, je suis obligé de prendre un parti et de diviser l’homme, sans quoi je ne pourrais le suivre de front dans tous les ordres de travaux. […] Littré mettait en ordre, annotait et publiait, de concert avec Paulin, les Œuvres politiques et littéraires d’Armand Carrel. […] Gustave Fallot, enlevé trop tôt, plus tard M. de Chevallet, enlevé de même, essayaient d’apporter quelque ordre dans l’idée qu’on devait se faire des origines et de la formation de notre langue et des langues modernes. […] J’abrège ; mais on voit de quelle nature est cet ordre d’objections que je ne prétends pas dissimuler.

165. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — II » pp. 71-89

Montluc, au moment d’être congédié et renvoyé à M. d’Enghien, eut ordre, sur le midi, d’aller trouver le roi, qui était déjà entré en son conseil. […] Il jugera à l’occasion que c’est une faiblesse au duc de Guise de vouloir écrire de sa main tous ses ordres pour les tenir plus secrets ; et dans une boutade plaisante, au milieu de son admiration pour le grand capitaine, il lui échappera de dire un jour dans son antichambre, et entendu de lui sans s’en douter : « Au diable les écritures ! […] Sur cette idée un peu folle, ainsi qu’il l’appelle, il avait donné ordre à un sien valet de lui tenir son cheval turc prêt à monter derrière le bataillon ; mais une fugue du valet mit du retard à l’entreprise, et Montlue, après un temps de galop, vit qu’il lui fallait renoncer à ce supplément d’honneur et de gain. […] Vinrent pourtant les objections, de la part du connétable surtout : pour cette place de lieutenant du roi dans une république italienne, au milieu des partis et des ordres divers de citoyens à contenir et à ménager, il fallait un grand fonds de prudence, et Montluc, disait-on, en manquait : sa réputation d’homme fâcheux, bizarre et colère, était mise sans cesse sur le tapis. […] On cite d’ordinaire, dans les poèmes épiques en renom, tel ou tel chant célèbre ; il faudrait citer de même, dans l’ordre des grandes choses historiques, le troisième livre des Commentaires de Montluc.

166. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Des prochaines élections de l’Académie. »

elle ne dresse donc point de liste par ordre de mérite avant l’élection, comme cela se pratique ailleurs et à côté d’elle, à l’Académie des Sciences, à l’Académie des Beaux-Arts par exemple ? […] L’Académie ne s’astreint pas, en général, à la ressemblance ni même à l’analogie dans l’ordre de succession ; elle aime assez souvent les diversités et se plaît aux disparates. […] Je me place pour un moment dans un autre ordre de choses, dans un tout autre système qui rapprocherait l’Académie française de la pensée fondamentale de l’Institut. […] Chaix-d’Est-Ange n’y est plus, puisque nous avons et possédons au sein de l’Académie ces deux puissances et ces deux gloires de l’Ordre, M.  […] L’ordre et le rang dans la liste ne me regardent pas.

167. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens. par M. Le Play, conseiller d’État. (Suite et fin.) »

Dans une suite de chapitres ou de livres traitant de la religion, de la propriété, de la famille, du travail, de l’association, des rapports privés et du gouvernement, il a parcouru et approfondi tous les aspects, les modes de combinaison et les ordres de sentiments et de faits sous lesquels se présentent les sociétés modernes, et il a proposé en détail dans chaque ordre son plan raisonné de réforme. […] Il faisait remonter très-haut la déchéance et la dégradation de l’ancien ordre social ; il voyait déjà Louis XI rendant des édits contre les droits de primogéniture ou de substitution. […] Lui aussi, il rend justice au passé, à l’ancien ordre social disparu : il croit que ce sont les derniers règnes seulement et les vices de Cour, avant tout, qui ont tué l’ancienne monarchie ; il regrette que les passions, excitées et portées au dernier paroxysme par les abus et les scandales dont la tête de l’ancien régime donnait l’exemple, aient amené l’explosion finale et rendu la rupture aussi complète avec l’ancienne tradition, avec l’ancienne nationalité française. […] Que d’autres en félicitent l’ordre actuel et y voient un puissant motif d’encouragement et un stimulant plus prompt pour l’ambition de tout homme nouveau et de tout prolétaire qui aspire à s’élever et à devenir créateur à son tour : lui, il ne peut voir dans cette incessante mobilité qu’une cause d’affaiblissement pour les mœurs, pour la fécondité des mariages, pour les bonnes traditions domestiques, pour la meilleure culture des terres, pour l’exercice des influences bienfaisantes. […] Assurément il n’y a qu’un petit nombre d’hommes qui puissent grandir ainsi par la lutte de la vérité contre l’erreur ; mais tous s’élèvent dans l’ordre moral, à la vue des exemples de tolérance donnés par les classes dirigeantes, en s’habituant à résister à la tentation de persécuter leurs semblables.

168. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre dixième »

Buffon n’exagère rien : ni le zèle de la prédication, ni les raffinements du spéculatif ne le passionnent et ne forcent son langage ; c’est la science qui regarde tranquillement une violation de l’ordre moral, et qui la décrit comme elle la voit. […] Il s’en faut pourtant qu’il soit indifférent ; il a l’émotion que donne la vue du désordre à l’historien de l’ordre. […] Un coin du voile est levé, l’œuvre de Dieu est mieux connue ; de nouvelles idées d’ordre, de beauté, d’harmonie, entrent dans nos esprits charmés, à la suite de ces vérités qui guident désormais les naturalistes, en brillant pour tout le monde. […] L’idée du livre subsiste également ; et quelle idée plus belle, dans cet ordre de spéculations, a suscité plus de découvertes ? […] Il avait sous la plume le mot nature ; s’il écrit « l’auteur de la nature », c’est qu’à ce moment-là, l’explication des beautés de l’ordre suprême par une force aveugle et impersonnelle ne satisfait pas son esprit.

169. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Vigny »

Moi, je crois qu’on n’acquiert pas grand’chose dans l’ordre de l’intelligence et qu’on naît même ce qu’on doit devenir ; mais il n’en est pas moins vrai que Vigny, qui avait le génie poétique à fleur et à fond d’âme, n’avait qu’à fond d’âme le génie de la prose. […] C’est un chef-d’œuvre, et un chef-d’œuvre dans l’ordre le plus élevé, — qu’on me passe le mot ! — dans l’ordre le plus aristocratique de la pensée ; car il s’agit dans ce livre de poètes, d’artistes, d’êtres exceptionnels, dont la cause est plaidée dans un langage exquis contre la société que Vigny accuse. […] Dans son Stello, vous l’avez vu, comme Rousseau, jeter sa malédiction à la face de l’ordre social ; puis, comme Pascal, — mais un Pascal doux et calme, quoique sans crucifix, — ramasser cette malédiction et la replacer sur le cœur troublé dont elle est sortie. Et, cependant, ce qu’il a ébranlé par ses plaintes contre l’ordre social et par les douleurs homicides de ses poètes, il ne le raffermit pas.

170. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 11-15754

(ordre Encyclopéd. […] Billet à ordre, c’est-à-dire, payable à ordre. […] Payable a ordre. […] Monasteres des Augustins, par ordre alphabétique. […] Les Payens frappés de l’éclat des astres & de l’ordre qui leur paroissoit régner dans l’univers, lui donnerent un nom tiré de cette beauté & de cet ordre.

171. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

Combien d’autres par son ordre avaient dû supporter des fers plus lourds !  […] Obéir aux ordres du Gouvernement est le premier devoir des fonctionnaires auxquels il a confié une portion quelconque de son autorité. […] M. le duc de Raguse annonce l’intention d’y mettre de l’ordre : avant qu’il n’ait effectué son projet, il y aura bien eu du gaspillage. […] Je m’empresse de t’apprendre l’heureuse sortie de l’escadre aux ordres du contre-amiral Villaret, composée de 25 vaisseaux, 8 frégates et 8 corvettes. […] J’ai donné ordre, ce matin, à la Précieuse, d’aller encore croiser pendant huit jours dans les parages où j’attendais Vanstabel.

172. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.) »

Catinat, asservi à ses ordres, ne s’en écarta en rien, garda ses postes et points importants de Pignerol, Suse, Nice et la Savoie, mais n’entreprit rien d’actif pour inquiéter le duc et l’obliger à lâcher prise dans sa pointe en France. […] La victoire fut des plus complètes et vraiment parfaite selon l’art, exécutée et gagnée (en grande partie au pas de charge et à la baïonnette) dans l’ordre même où elle avait été conçue. Marcher en avant, la baïonnette au bout du fusil, sans tirer un coup, c’était l’ordre du maréchal : « D’abord que nous fûmes dans l’ordre que je viens de marquer, dit-il dans sa Relation au roi, nous marchâmes droit devant nous pour charger tout ce que nous trouverions. Du moment que notre attaque fut indiquée par notre marche et le feu des décharges, toute la ligne s’ébranla comme en même temps et marcha dans le plus bel ordre que l’on saurait dire à Votre Majesté et avec une telle furie qu’elle enfonça tout. […] Valeur et bon ordre jusqu’en pleine action, c’est le trait qui distingue cette journée : Catinat avait obtenu ce résultat et imprimé son caractère et ses propres qualités à sa victoire.

173. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. J. J. AMPÈRE. » pp. 358-386

Il en est exactement de l’ordre littéraire comme de l’ordre naturel d’organisation, et de l’esprit comme de la vie. […] Les monuments humains ne s’élèvent jamais que moyennant de certaines perspectives où la grandeur et l’ordre l’emportent, et où l’esprit de l’architecte s’impose sur bien des points. […] La loi de décroissance dans l’ordre des hérésies et de progrès dans l’affermissement du christianisme est lumineusement aperçue. […] Lorsqu’on en est au 1er siècle de l’Église, un discours préliminaire encore sur l’état des lettres en ce siècle précède la série particulière des écrivains ; même ordre pour les âges suivants. […] Ces volumes sont comme des sacs pleins de toute marchandise, bien rangés et étiquetés par ordre de débarquement ; il ne reste qu’à les ouvrir et à y tailler, s’il se peut, l’étoffe aux justes endroits.

174. (1902) L’œuvre de M. Paul Bourget et la manière de M. Anatole France

Mais il y a en lui quelque chose qui, dès la première heure, lui fut propre ; et il s’agit de quelque chose de remarquable, ne serait-ce que son extraordinaire aptitude à subir des influences de l’ordre le plus élevé. […] Bourget, l’on y sera quand même contraint, en constatant qu’il a très peu évolué depuis ses premières œuvres, lesquelles auraient tout l’air d’être des produits de sa maturité, n’était l’hésitation de facture que l’on y observe tout juste, qui les place à leur ordre. […] Car le paradoxe n’est guère qu’apparent, attendu que le philosophe eût été de second ordre, parce que manquant d’envolée et à cause surtout de la grande sensibilité de l’homme. […] Et donc, aujourd’hui comme hier, pénétrer dans les replis les plus intimes de l’âme, atteindre à la formule de cette somme d’impressions monochromes et diverses, qui s’alignent en synchroniques théories de contrastes dans les vallées de notre for intérieur et en constituent l’ordre normal, reste une tâche inouïe. […] Bourget, le mérite d’y avoir réellement grandi, qu’il l’eût assumée toute, dans cette complexité inextricable et déroutante, qui est à l’ordre rationnel ce que l’ordre de la nature est à notre idée d’harmonie, c’est-à-dire aussi fermée à notre intime pénétration qu’est déconcertant, pour une oreille vulgaire, le faste musical d’une symphonie de Mendelssohn.

175. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

Dans le même ordre d’idées, voici un autre caractère qui n’est que général. […] Dieu est surtout pour lui un mécanicien, un horloger, qui a calculé et réglé pour toujours la rotation des astres dans leur orbite, qui a organisé suivant les lois de la géométrie la transmission de la lumière et du son à travers l’espace, qui veille à ce que cette harmonie, cet ordre ne soient pas dérangés. […] Les mots de la langue et les genres littéraires sont divisés en nobles et en roturiers, de même que l’homme est coupé en deux parties, l’une toute animale et l’autre presque divine, de même que la France est séparée en ordres et en castes. […] On ne saurait ici codifier des prescriptions précises, indiquer un ordre qui s’impose. […] Quel que soit d’ailleurs l’ordre qu’on préfère, il faut réserver une place d’honneur aux grands hommes et aux chefs-d’œuvre qui représentent sans doute leur époque, mais la dépassent et l’entraînent à leur suite, qui sont la brillante expression de l’esprit de leur temps, mais en même temps de puissants agents d’innovation.

176. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

Il est le premier de sa race qui ait marqué dans l’ordre de la pensée. […] À ces morceaux de critique, de premier ordre d’ailleurs, et si dignes de haute estime, il faut joindre l’Éloge du savant orientaliste M. de Sacy, prononcé par le duc de Broglie à la Chambre des pairs le 27 avril 1840, très bel éloge, très grave, religieux de ton, sobrement orné, et de tout point conforme au sujet. […] Quiconque a eu de près affaire à la vie, soit dans l’ordre public, soit même dans l’ordre privé, a connu ce jour-là. […] À mesure que l’ordre se rétablira, le poste que nous occupons deviendra de plus en plus l’objet d’une noble ambition ; les Chambres, dans un temps plus tranquille, verront les changements d’administration comme quelque chose qui compromet moins l’ordre public ; les hommes s’usent vite d’ailleurs, messieurs, aux luttes que nous soutenons. […] Mais sa présence déjà est un bon signe, une garantie d’ordre et de considération.

177. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Ayant vu à Fontainebleau une cérémonie dans laquelle on dégrada deux chevaliers de l’Ordre (le duc d’Elbeuf et le marquis de La Vieuville), elle en demanda la raison : on lui dit que c’était à cause qu’ils avaient suivi le parti de Monsieur. […] Dès qu’elle fut dans les plaines de Beauce, elle monta à cheval, elle se mit à la tête de l’armée de la Fronde qui était aux environs ; on tint conseil de guerre devant elle, et il fut dit que rien ne se ferait plus que par ses ordres. […] Mazarin dit que ces coups de canon tirés par ordre de Mademoiselle avaient tué son mari, donnant à entendre qu’elle ne pouvait plus désormais prétendre à épouser le roi. […] Ces deux actions si reprochables, je les ai faites par votre ordre ; si elles étaient à recommencer, je les ferais encore, parce que mon devoir m’y obligerait… Il vaut mieux avoir fait ce que j’ai fait que de pâtir pour n’avoir rien fait. […] Cette correspondance assez agréable marque très bien un moment dans la littérature française ; elle représente et caractérise la nuance espagnole pastorale qui y régna depuis le roman de d’Urfé jusqu’à ceux de Mlle de Scudéry, et à laquelle le bon sens de Louis XIV, aidé de Boileau, allait mettre bon ordre.

178. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Leopardi »

Mais précisément parce qu’il est mussetien, il a pris l’ordre chez de Musset pour traduire Leopardi, vanté par son maître, ce qui, par parenthèse, a dû cruellement l’ennuyer ; car je le connais, M.  […] Son traduit, dans l’ordre littéraire, est à peu près ce qu’est son petit, dans l’ordre sentimental et paternel. […] Helléniste de premier ordre, il faisait des vers italiens comme il eût pu faire des vers grecs.

179. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

Dans quel ordre les concevons-nous ? […] L’ordre de la nature est différent. […] et dans quel ordre se succèdent-elles ? […] L’ordre admirable qui y règne est une image de l’ordre divin, et ses lois ont Dieu lui-même pour principe. […] Le dernier mot de l’ordre universel.

180. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre IV. Services généraux que doivent les privilégiés. »

D’autres corps, survivants quoique rabougris, l’Assemblée du clergé et les États provinciaux, protègent encore un ordre et quatre ou cinq provinces ; mais cette protection ne couvre que l’ordre ou la province, et, si elle défend un intérêt partiel, c’est d’ordinaire contre un intérêt général. […] Tous les cinq ans elle se réunit, et, dans l’intervalle, deux agents choisis par elle veillent aux intérêts de l’ordre. […] Si les deux premiers ordres sont contraints de se réunir aux communes, c’est qu’au moment critique les curés font défection. […] On trouve encore l’ordre matériel ; on ne trouve plus l’ordre moral. […] « La dépense que font les gens de cour pour avoir deux habits neufs et magnifiques, chacun pour les deux jours de fête et cela par ordre du roi, achève de les ruiner. » 115.

181. (1904) En méthode à l’œuvre

(En quoi une loi d’ordre naturel nous couvre : lorsque l’organisme a amassé un surcroît de vitalités, alors seulement il est apte et appelé à procréer, à multiplier sa valeur). […] *** La langue-musique ainsi restituée, similitude intime entre les émissions phonétiques de la Parole et les sons matériellement instrumentaux, « voix » dont le Vers multipliera et opposera les sonorités : nous voulons maintenant nous trouver en droit de relier à tel et tel ordre de ses sons, de ses timbres-vocaux, — tel et tel ordre de sentiments et d’idées… Nous pouvons dire, en généralité, que la relation s’authentique du principe même qui dénonce la Matière allant à se savoir en se pensant, — quand évolutivement la pensée ne se peut désunir de l’instinct et de l’émotion qui l’engendrent. […] Harmonie et ordre. […] —  Méditation Ordre. […] Non plus sonorité de hasard en un ordre préconçu et illogique, mais sonnant à l’unité-de-durée que nous avons montrée la mesure totale du Vers.

182. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’ancien Régime et la Révolution »

Mais qu’en se détournant des événements, qui se sont produits dans leur ordre de temps et d’espace, on se mette résolument à nous donner les propres considérations de son esprit sur des époques aussi complexes et aussi discutées encore que l’ancien Régime et la Révolution française, il faut se croire, pour le moins, de la race intellectuelle de Machiavel ou de Montesquieu. […] L’auteur a-t-il enfin donné le mot de ces deux ordres de choses, dont l’un a fini l’autre en le brisant ? […] Il a fermé volontairement les yeux à un état des choses qui a reçu son accomplissement absolu de la main d’un homme qu’il lui coûte de louer à cette heure, et il a tout attribué de l’ordre administratif à l’ancien Régime : la justice, la tutelle, et jusqu’à la garantie des fonctionnaires ! […] Tocqueville, qui a de la propreté plus que de la propriété dans la phrase, est un écrivain de troisième ordre, et, pour emprunter aux faits de son livre une image, il ne sortira jamais du tiers pour passer dans l’ordre de la noblesse littéraire.

183. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Arsène Houssaye » pp. 271-286

Le système de l’ordre mince et de l’ordre profond du grand Frédéric fut emporté par le système de masses écrasantes et concentrées sur un point donné de Napoléon, et l’ordre mince du roman, par Balzac. […] Je vais la traiter comme si elle était un roman de l’ordre mince ou de l’ordre profond.

184. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — II. (Suite.) » pp. 463-478

La Guerre d’Alsace pendant le grand schisme d’Occident, terminée par la mort du vaillant comte Hugues, surnommé le soldat de saint Pierre, drame historique en prose, sans nom d’auteur, imprimé à Bâle en 1780, et qui paraît n’avoir eu aucun écho en France, fut la dernière tentative de Ramond dans l’ordre de la littérature proprement dite et de l’imagination. […] On sait d’ailleurs que Ramond retourna en Suisse dans les années 1783-1784, et pour y rejoindre sans doute Cagliostro ; il l’accompagna ensuite à Lyon, et ce fut lui qui, par ordre du cardinal, l’installa à Paris, dans la rue Saint-Claude au Marais, en février 1785, prenant à cet effet tous les arrangements et passant tous les marchés nécessaires. On ne peut s’empêcher de regretter ici que Ramond n’ait pas écrit ses mémoires ; qu’il n’ait pas, un jour ou l’autre, raconté, et s’il le fallait, confessé toute la vérité sur cet épisode intéressant et mystérieux de sa vie, Toute part faite à la déférence, à l’obéissance qu’il devait aux ordres du cardinal, on se demande quelle était en ceci cette autre part, fort peu aisée à déterminer, mais assez active, ce semble, qui lui était personnelle et propre. […] Une femme intrigante et criminelle, Mme de La Motte, se mit, vers le même temps, à exercer sur le cardinal son ascendant funeste et vraiment fabuleux, qui conduisit ce malheureux prince à acheter des joailliers de la reine le fameux Collier, en croyant n’obéir qu’à un ordre de sa souveraine. […] Il ne disait pas assez en parlant ainsi ; il ne disait pas que dans ses propres écrits comme dans ceux d’un bien petit nombre de savants exacts, il était entré quelque chose de la beauté de l’art et de la magie du talent, et qu’il y aurait à citer des disciples de premier ordre dans la postérité de Buffon : lui-même, fût-il le seul, en serait la preuve.

185. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — II » pp. 263-279

Dans les années où l’abbé Bossuet, lié avec les prêtres de la mission, avec saint Vincent de Paul et avec son successeur, faisait à Saint-Lazare les entretiens ou conférences pour l’ordination des jeunes prêtres, soit à Pâques, soit à la Pentecôte, les ordinands choisissaient de préférence le temps où il devait faire ces instructions pour se préparer aux ordres, et Fleury fut de ce nombre ; lorsqu’il quitta la profession d’avocat pour embrasser la prêtrise, il voulut être un des fruits de cette excellente parole de Bossuet. […] On est d’avis à l’assemblée d’exclure le second ordre, c’est-à-dire les abbés, dans les délibérations concernant la foi et la morale, de ne leur laisser que la voix consultative et non la voix délibérative et le vote : de là grande rumeur. Ce second ordre, en partie composé d’abbés de qualité, des Louvois, des Caumartin, des Pomponne, se récrie et est près de s’insurger contre les évêques. […] Tout ce second ordre, au reste, reconnaissait volontiers Bossuet pour son chef et son oracle, et, pour peu qu’il eût fait un signe, lui eût servi d’armée et de cortège. […] Dans l’ordre social où il vivait, et dans ce cadre religieux-politique dont il était l’un des liens, si Bossuet se fût montré tolérant comme nous l’entendons aujourd’hui et comme cela eût convenu à Bayle, c’est qu’il eût été plus ou moins indifférent.

186. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Il plaida dès son début quelques causes avec succès, à la satisfaction des anciens de l’Ordre. […] C’est par un effet de cette même habitude d’ordre et de comptabilité privée, qu’au milieu des affaires les plus suivies de son intendance de Montauban, il songeait encore à noter sur un petit papier : « 1679, tel mois, j’ai prêté cinq louis d’or à M. le duc d’Elbeuf, qu’il ne m’a pas rendus. » Le bourgeois Foucault tient de son père d’être exact et strict en tout. […] Une lettre de Colbert (18 octobre 1680) dictait à Foucault sa ligne de conduite ; mais celui-ci n’avait pas besoin d’y être poussé : « Sa Majesté, était-il dit dans cette lettre que Colbert écrivait sans doute à contre-cœur, m’a ordonné de déclarer aux fermiers qu’elle voulait qu’ils les révoquassent (les commis qui étaient de la Religion) ; elle leur a donné seulement deux ou trois mois de temps pour exécuter cet ordre, et Sa Majesté m’ordonne de vous en donner avis et de vous dire, en même temps que vous pourriez vous servir de cette révocation et du temps qu’elle ordonne, pour les exciter tous à se convertir, Sa Majesté étant convaincue que leur révocation de leur emploi peut beaucoup y contribuer. » C’était la morale administrative avouée en ce temps là ; Foucault l’affiche et la professe avec la plus grande ingénuité dans ce Journal, écrit pourtant dans les premières années du xviiie  siècle et sous la Régence. […] Le temple démoli, et privés de leurs ministres ordinaires, qui étaient relégués, par ordre, au moins à six lieues de là, les protestants de Montauban se voyaient obligés d’envoyer leurs enfants à quelque ville voisine pour y être baptisés, et souvent ces nouveau-nés mouraient en chemin. […] S’il n’avait fait qu’y rétablir l’ordre, introduire plus de régularité et de décence dans ce bizarre parlement de Pau et dans la conduite extérieure des principaux officiers, mettre à la raison certain procureur général de trop folle humeur et des plus libertins, on n’aurait qu’à le louer ; on ne ferait que rire de quelques histoires singulières qu’il raconte : mais tout à côté de ces réformes de bon aloi, il faut bien prêter l’oreille à tous ceux que l’intendant proconsul va faire saigner et pleurer, et dont les cris de douleur sont venus jusqu’à nous.

187. (1890) L’avenir de la science « XII »

Car, en abordant un ordre de recherches, on ne peut deviner par avance ce qui en sortira, pas plus qu’on ne sait au juste, en creusant une mine, les richesses qu’on y trouvera. […] Bien des ordres de recherches resteront ainsi comme des mines exploitées jadis, mais depuis abandonnées, parce qu’elles ne récompensèrent pas assez les travailleurs de leurs fatigues et qu’elles ne laissent plus d’espoir aux explorateurs futurs. […] Rien de plus difficile que de prédire l’importance que l’avenir attachera à tel ordre de faits, les recherches qui seront continuées et celles qui seront abandonnées. […] Il ne faut pas demander, dans l’ordre des investigations scientifiques, l’ordre rigoureux de la logique, pas plus qu’on ne peut demander d’avance au voyageur le plan de ses découvertes. […] Mais il faut qu’il en soit ainsi : car, si tout ce qui est dit et trouvé était assimilé du premier coup, ce serait comme si l’homme s’astreignait à ne prendre que du nutritif Au bout de cent ans, un génie de premier ordre est réduit à deux ou trois pages.

188. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le baron de Besenval » pp. 492-510

On a remarqué que ce fut le père de Besenval qui, en mai 1720, lorsque Law était déjà menacé par le peuple, eut ordre de le protéger avec un détachement des Gardes suisses, et que Besenval eut plus tard un ordre du même genre au commencement des troubles de la Révolution, mais un peu plus difficile à exécuter. […] M. le Régent dit au major qui l'accompagnait qu’il pouvait se retirer. » Ceci n’a nulle proportion, on en conviendra, avec l’ordre qu’eut le fils de réprimer la sédition dans Paris pendant les journées qui aboutirent à la prise de la Bastille ; toute idée de comparaison s’évanouit. […] On le voit dans la guerre de Sept Ans (1757) aide de camp d’abord du duc d’Orléans, avec le grade de brigadier ; puis, maréchal de camp, commander en 1758 sur la Meuse un corps de troupes sous ses ordres ; en 1760 il prit part à l’opération sur Wesel et au beau combat de Clostercamp, où M. de Castries commandait. […] Sa défense de Paris au 12 juillet, défense bien modérée et réduite, paralysé qu’il était sous les ordres du maréchal de Broglie, avait rendu Besenval très impopulaire. […] Il fut acquitté en janvier 1790, et il mourut seize mois après, le 2 juin 1791 à l’âge de soixante-dix ans, échappant au spectacle des derniers malheurs où allait achever de se confondre l’ordre social qu’il avait aimé.

189. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XI. L’antinomie sociologique » pp. 223-252

Durkheim et son école, sont proprement sociologiques en ce qu’elles se retrouvent dans tous les ordres de faits sociaux, en ce qu’elles régissent les masses sociales et sont indépendantes des individus qui les subissent. […] Le christianisme a été une révolte morale des humbles et des pauvres contre l’ordre établi. Le socialisme contemporain est une révolte du prolétariat contre l’ordre économique existant. […] Le nouvel idéal social ne libère l’individu qu’en tant qu’il se dresse contre l’ancien ordre oppressif. […] Bouglé admettrait toutes les conséquences et toutes les applications possibles de la loi de l’entrecroisement des groupes dans cet ordre d’idées.

190. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Campagnes d’Égypte et de Syrie, mémoires dictés par Napoléon. (2 vol. in-8º avec Atlas. — 1847.) » pp. 179-198

Dans l’ordre des genres, il semblerait plus naturel de le comparer aux grands rois, aux grands ministres qui ont laissé des écrits. […] L’administration française eut ordre de respecter les propriétés des mosquées, des fondations pieuses. […] Mais saint Louis eut besoin de tous ses malheurs pour être grand, et c’est dans l’ordre des choses du cœur qu’il a sa couronne. […] Il ne donna que deux ordres, qui deux fois le sauvèrent. […] En un mot, même en face de César, et pas trop au-dessous dans l’ordre de la pensée, il y a place toujours pour Cicéron, et pour toutes les formes variées de discours, riches, faciles, naturelles, éloquentes ou ornées, que ce nom de Cicéron représente.

191. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

… Un immense bonhomme, mais de second ordre. » Il n’est pas jusqu’à M.  […] L’ordre et toujours l’ordre ! […] Celles-ci sont réduites de parti pris à l’ordre intellectuel. […] Nous ne savons pas à quel point, en les modifiant, nous ébranlerions la stabilité d’un ordre qui, après tout, est préférable, par cela seul qu’il est un ordre, au chaos des barbaries primitives. […] L’esprit critique a exécuté, dans l’ordre des idées, la même besogne que l’esprit démocratique accomplit dans l’ordre des conditions.

192. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre II. De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »

À la base de la reconnaissance il y aurait donc bien un phénomène d’ordre moteur. […] C’est surtout, croyons-nous, la difficulté d’en modifier l’ordre. […] Ainsi, selon que nous désirons articuler un son ou un autre, nous transmettons l’ordre d’agir à tels ou tels de ces mécanismes moteurs. […] Or, en fait, chaque perception enveloppe un nombre considérable de ces sensations, toutes coexistantes, et disposées dans un ordre déterminé. D’où vient cet ordre, et qu’est-ce qui assure cette coexistence ?

193. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Avant-propos de la septième édition »

Pour être allé jusque-là, Berkeley se vit incapable de rendre compte du succès de la physique et obligé, alors que Descartes avait fait des relations mathématiques entre les phénomènes leur essence même, de tenir l’ordre mathématique de l’univers pour un pur accident. La critique kantienne devint alors nécessaire pour rendre raison de cet ordre mathématique et pour restituer à notre physique un fondement solide, — à quoi elle ne réussit d’ailleurs qu’en limitant la portée de nos sens et de notre entendement. […] Quand la philosophie prétend appuyer cette thèse paralléliste sur les données de la science, elle commet un véritable cercle vicieux : car, si la science interprète la solidarité, qui est un fait, dans le sens du parallélisme, qui est une hypothèse (et une hypothèse assez peu intelligible 1, c’est, consciemment ou inconsciemment, pour des raisons d’ordre philosophique. […] La conception de l’aphasie qui était alors classique, universellement admise et tenue pour intangible, est fort battue en brèche depuis quelques années, surtout pour des raisons d’ordre anatomique, mais en partie aussi pour des raisons psychologiques du même genre que celles que nous exposions dès cette époque 2.

194. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « L’Académie française »

On redoutait jusqu’à l’ombre de la dictature, même dans l’ordre de la pensée ; que dis-je ! surtout dans cet ordre-là. […] Les sujets proposés en ces années par l’Académie française sont d’un ordre élevé et qui fournissait une juste arène aux jeunes talents. […] Pourquoi, par ce genre de travaux tout à fait à l’ordre du jour, n’essayerait-on pas de piquer au jeu, de captiver nos plus jeunes confrères eux-mêmes, les derniers élus, la plupart peu assidus et trop visiblement indifférents ? […] cet homme d’ordre, de goût classique, ce défenseur des règles, ce champion rigide de la raison dans les Lettres, M. 

195. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre II. De la multiplicité des états de conscience. L’idée de durée »

De fait, ce n’est pas une nécessité d’ordre physique, c’est une nécessité logique qui s’attache à la proposition suivante : deux corps ne sauraient occuper en même temps le même lieu. […] Dans la seconde, ce serait une réalité aussi solide que ces sensations mêmes, quoique d’un autre ordre. […] Ce qu’il faut dire, c’est que nous connaissons deux réalités d’ordre différent, l’une hétérogène, celle des qualités sensibles, l’autre homogène, qui est l’espace. […] Or, quand on parle d’un ordre de succession dans la durée, et de la réversibilité de cet ordre, la succession dont il s’agit est-elle la succession pure, telle que nous la définissions plus haut et sans mélange d’étendue, ou la succession se développant en espace, de telle manière qu’on en puisse embrasser à la fois plusieurs termes séparés et juxtaposés ? La réponse n’est pas douteuse : on ne saurait établir un ordre entre des termes sans les distinguer d’abord, sans comparer ensuite les places qu’ils occupent on les aperçoit donc multiples, simultanés et distincts en un mot, on les juxtapose, et si l’on établit un ordre dans le successif, c’est que la succession devient simultanéité et se projette dans l’espace.

196. (1908) Après le naturalisme

C’est l’ordre des choses renversé. […] Un phénomène d’ordre spécial se produit parmi l’animé. […] Il lui faut un ordre différent, approprié. […] L’imprimerie, l’instruction obligatoire ont fait cela, et reconnaissons-le, parce que cela était l’ordre de l’esprit, l’ordre de l’homme. […] Mais c’est l’ordre vrai.

197. (1895) De l’idée de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines pp. 5-143

Premièrement, d’où sait-on que le lien entre l’ordre mécanique et les ordres supérieurs est lâche et susceptible de ruptures ? Ensuite, qui nous garantit que les ordres de choses ainsi superposés à l’ordre mécanique ne seront pas, eux aussi, des déterminismes, différents peut-être, mais également inflexibles ? […] Chaque ordre de sciences suppose ainsi des postulats qui lui sont propre. […] Schelling et Hégel glorifient, aux yeux du philosophe, la recherche du développement historique, en posant l’identité de l’ordre logique et de l’ordre historique. […] En effet, elles règlent l’ordre des choses dans le temps.

198. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre III. Le lien des caractères généraux ou la raison explicative des choses » pp. 387-464

. — Ordre de ces propositions. — En quoi consiste le syllogisme scientifique. […] Car, par hypothèse, il n’y a rien de plus en lui que ce qu’on y a mis, et on n’y a mis que certains éléments groupés dans un certain ordre, lesquels, ainsi que leur ordre, sont exprimés par la définition. […] En ce cas, le composé n’étant que l’ensemble de ces éléments arrangés dans un certain ordre, nous savons d’avance que l’efficacité appartient à ces éléments ou à leur ordre. […] Très probablement, l’ordre des idées claires par lesquelles on vient de démontrer le principe est aussi l’ordre des idées obscures grâce auxquelles nous l’admettons avant qu’il soit démontré. […] À mon avis, c’est dans cet ordre, d’après la compréhension et non d’après l’extension, qu’il faut ranger les termes.

199. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

Il n’y avait guères qu’un ordre à suivre dans la traduction des œuvres de Shakespeare, c’était l’ordre chronologique, le seul qui mette bien l’œuvre d’un homme dans sa véritable lumière et nous donne les développements successifs de son génie. L’ordre chronologique est comme une sorte de biographie de la pensée… Malheureusement cet ordre manque entièrement pour Shakespeare, ce poète moderne aussi peu connu qu’un Ancien, dont nous ne sommes séparés que par les quarante-huit heures de deux siècles, mais qui, en bien des choses, est, pour nous, aussi mystérieux que s’il était reculé et enfoncé dans l’ombre du temps. […] Seulement, entre la moralité de la pensée et la moralité de la vie, entre la moralité des œuvres et la moralité des actes, il y a l’abîme qui sépare la volonté de l’homme de son esprit, lesquels sont des puissances d’un ordre différent et incommutable. […] En effet, pour Carlyle, sur Shakespeare, il n’y a plus dans l’homme de facultés distinctes ni de faits d’ordre différent. […] Ce grand génie de l’ordre humain, Shakespeare, à l’intuition sociale, ne croyait pas que la bâtardise fût un fait indifférent dans la vie d’un homme, un fait simplement mélancolique.

200. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — I. Faculté des arts. Premier cours d’études. » pp. 453-488

Rien n’est plus contraire à l’ordre d’enseignement que l’ordre alphabétique ; rien ne s’y assujettit moins que l’histoire naturelle, qui a toujours été l’asile des méthodes. […] J’en vais exposer beaucoup d’autres : je m’élève contre un ordre d’enseignement consacré par l’usage de tous les siècles et de toutes les nations, et j’espère qu’on me permettra d’être un peu moins superficiel sur ce sujet. […] J’oubliais Démosthène que l’ordre des temps place après Xénophon. […] Ordre des études grecques et latines. […] Par d’Holbach, ou par ses ordres, de 1752 à 1764 ; voyez ci-dessus p. 388, note.

201. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre V : Règles relatives à l’explication des faits sociaux »

Non seulement ces deux ordres de problèmes doivent être disjoints, mais il convient, en général, de traiter le premier avant le second. Cet ordre, en effet, correspond à celui des faits. […] En effet, les caractères ethniques sont d’ordre organico-psychique. […] Ne dit-on pas couramment que l’histoire a précisément pour objet d’enchaîner les événements selon leur ordre de succession ? […] On comprend bien que les progrès réalisés à une époque déterminée dans l’ordre juridique, économique, politique, etc., rendent possibles de nouveaux progrès, mais en quoi les prédéterminent-ils ?

202. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

Balzac, qui est devenu si sérieux, qui s’est épuré en montant, qui est devenu le calme et l’impartial observateur de La Comédie humaine et cette grande tête d’ordre et d’autorité que les désordonnés d’esprit nient encore comme ils nient l’ordre dans la nature, Balzac avait dans le sang, et plus que personne puisqu’il était un génie français, cette goutte de lait maternel, cette propension au rire, à la comédie, à la gaîté qui touche aux larmes, tant sa force épuise vite la nature humaine ! […] Si nous voulons nous rendre compte de nos différents ordres d’impressions, le drolatique n’est pas le fantastique, mais il y touche par le côté heureux et dilaté de la nature humaine. […] Lévy n’ont fait précéder d’aucun avant-propos qui justifie la conception quelconque, s’il y en a une, et il doit y en avoir une, d’après laquelle ils se sont permis de changer l’ordre de La Comédie humaine de l’édition de Furne. […] Si donc, dans le premier de ces volumes, on trouve après La Maison du Chat qui pelote, Le Bal de Sceaux, qui est un des premiers romans de Balzac et qui sent encore sa jeunesse, et les Mémoires de deux jeunes mariées, l’un des derniers de sa maturité, et de sa maturité la plus accomplie, de deux choses l’une, et même toutes les deux : en faisant cela, les éditeurs ont interverti l’ordre prescrit par Balzac et qui avait sa profonde raison d’être, et, de plus, ils ont interverti l’ordre chronologique dans la production de sa pensée. […] Ils ont introduit l’anarchie dans l’ordre et la hiérarchie de Balzac, comme si le génie des plus grands écrivains ne leur avait été donné que pour que des éditeurs pussent s’y vautrer tout à leur aise.

203. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de la Mennais (suite et fin.)  »

Le temps approche où il faudra fonder un nouvel Ordre de Frères ignorantins pour enseigner aux prêtres, voire aux évêques, leur Credo. Je ne me mettrai pas de cet Ordre-là, j’aurais affaire à de trop dures têtes. » « (19 février 1815)… Je n’ai courage à rien, le siècle est trop sot. […] Toutes les vertus que possède l’abbé Carron ravissent son cœur, et les qualités même qu’il n’a pas, ses limites du côté des idées du siècle et dans l’ordre de l’intelligence philosophique, lui semblent une vertu de plus, un signe de perfection et d’avancement dans la ligne évangélique. […] Carron d’un côté, moi de l’autre, nous l’avons entraîné, mais sa pauvre âme est encore ébranlée de ce coup. » Habemus confitentes… Il est évident, quand on suit l’ordre aujourd’hui si bien établi des faits et des pensées, que l’abbé Jean et M.  […] Ainsi, par exemple, rien au monde qu’un ordre formel ne me décidera jamais à aller demeurer chez M. de Janson120.

204. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre III : Examen de la doctrine de Tocqueville »

Dans l’ordre naturel, nul homme n’est le maître d’un autre homme, quelque supériorité qu’il ait sur lui. […] Tel est l’ordre de faits qu’on aurait voulu voir décrit et jugé par M. de Tocqueville. […] Le christianisme avait résolu la difficulté en transportant cette idée dans l’ordre religieux. Tous sont frères et égaux en Jésus-Christ, ce qui laisse ici-bas la porte ouverte à toutes les différences de condition ; mais lorsqu’on a transporté cette idée de l’ordre moral et religieux dans l’ordre social et politique, on a été bien embarrassé. […] La liberté de penser, au moins dans l’ordre spéculatif et scientifique, est donc une première limite à l’esprit de tyrannie des démocraties.

205. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Maine de Biran. Sa vie et ses pensées, publiées par M. Ernest Naville. » pp. 304-323

Royaliste par affection et par conviction, voulant le bien, l’ordre et la paix, on ne sera pas tenté, après la lecture de son journal, de lui attribuer plus de vertus publiques qu’il n’en eut. […] Même là où il est sur son terrain et dans sa voie, il a peine à s’en bien démêler ; il entreprend plus d’un écrit philosophique ou politique avec le sentiment qu’il n’en finira jamais : Je fais un écrit politique (sur L’Ordre et la liberté, en 1818) comme Pénélope faisait sa toile. […] J’ai alors le sentiment intime, la vraie suggestion de certaines vérités qui se rapportent à un ordre invisible, à un mode d’existence meilleur, et tout autre que celui où nous sommes. […] Il m’est évident que ce n’est pas moi, ou ma volonté, qui produit cette intuition vive et élevée d’un autre ordre de choses. […] Lachelier, un jeune maître éminent, dans une lettre du 30 août 1868 ; et entre Maine de Biran et lui, il se plaît à désigner, comme faisant la chaîne, cet autre disciple d’un ordre bien élevé, M. 

206. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Journal et mémoires du marquis d’Argenson, publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque du Louvre pour la Société de l’histoire de France, par M. Rathery » pp. 238-259

Pendant que d’Argenson était intendant en Hainaut, Law traversa la province pour fuir à l’étranger ; d’Argenson le fit arrêter et le retint à Valenciennes jusqu’à ce qu’il eût reçu les ordres de la Cour. […] Il se désennuya comme il put, en écrivant ses idées sur tous les sujets à l’ordre du jour, en s’occupant activement de considérations politiques dans la petite société de l’Entresol dont il était l’un des membres assidus, et en espérant de l’amitié de M.  […] M. le Cardinal (et je pense de même) a une politique plus bourgeoise qui va à la bonne économie, à l’ordre, à la tranquillité ; reste le choix ingénieux des moyens pour ce bonheur, l’activité et la fermeté pour y aller, et malheureusement les hommes n’ont pas tout ; mais, dans ce déficit, on aura toujours raison de préférer les qualités du cœur à celles de l’esprit, et la vertu aux talents, pourvu que la disette des talents n’aille pas à l’imbécillité. […] Celle qui ne devrait avoir que des gens de premier ordre à sa tête… Que faisons-nous à cela, je le demande, quelles mesures, quel plan ? […] De là grand effroi, grande rumeur par toute la maison ; M. d’Aube, réveillé, donne des ordres, gronde son oncle, et, quand tout est fini, il gronde encore ; enfin il revient si souvent à la charge, fait tant de questions, tant de raisonnements et de démonstrations à propos de cette robe de chambre, que Fontenelle, presque impatienté, lui répond : « Je vous promets que si je mets une autre fois le feu à la maison, ce sera autrement. »

207. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite et fin.) »

La victoire en effet, si complète qu’elle fût, n’eut au point de vue stratégique aucun grand résultat ; on ne put ni rien entreprendre sur Turin, ni faire le siège de Coni, malgré le désir et l’ordre exprès de Louis XIV, ni même prendre ses quartiers d’hiver dans le Piémont. […] Ce commandement devait être compliqué : il s’agissait pour Catinat de se concerter avec le prince de Vaudemont, général pour le roi d’Espagne notre allié, et de plus d’être ainsi que lui sous les ordres du duc de Savoie notre allié également, lorsque ce prince serait arrivé à l’année. […] Catinat, dès ce moment se relève ; en voyant arriver son successeur, il va regagner dans un autre ordre, par sa grandeur d’âme, au-delà de ce qu’il a perdu en renommée militaire ; il accepte l’infériorité, il se soumet sans réserve au désagrément amer, et n’a qu’un désir, contribuer encore au succès des affaires, à leur rétablissement, et payer de ses conseils si on l’écoute, ou, en tout cas, de sa personne. […] Compris en 1705 dans la nomination qui, de tous les maréchaux de France, faisait des chevaliers de l’Ordre, il remercia humblement le roi dans un entretien particulier, et s’excusa sur ce qu’il n’aurait pu, sans supercherie, faire ses preuves de noblesse ; ce refus d’un homme revenu de tout, et d’un ami de la vérité, fut plus applaudi au dehors qu’il n’aurait voulu. […] Il déplorait les fautes signalées qu’il voyait se succéder sans cesse, l’extinction suivie de toute émulation, le luxe, le vide, l’ignorance, la confusion des états, l’inquisition mise à la place de la police ; il voyait tous les signes de destruction, et il disait qu’il n’y avait qu’un comble très-dangereux de désordre qui pût enfin rappeler l’ordre dans ce royaume. » Le corps de Catinat, enterré en l’église de Saint-Gratien, y reposa en paix jusqu’en 1793.

208. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre III »

Ils n’ont pas l’instrument intérieur qui divise et discerne ; ils pensent par blocs ; le fait et le rêve leur apparaissent ensemble et conjoints en un seul corps  Au moment où l’on élit les députés, le bruit court en Provence742 « que le meilleur des rois veut que tout soit égal, qu’il n’y ait plus ni évêques, ni seigneurs, ni dîmes, ni droits seigneuriaux, qu’il n’y ait plus de titres ni de distinctions, plus de droits de chasse ni de pêche ; … que le peuple va être déchargé de tout impôt, que les deux premiers ordres supporteront seuls les charges de l’État ». […] On vous a laissé ignorer que, dans toutes les classes du Tiers-état, la fermentation est au comble, qu’une étincelle suffit pour allumer l’incendie… Si la décision du roi est favorable aux deux premiers ordres, insurrection générale dans toutes les parties de la province, 600 000 hommes en armes et toutes les horreurs de la Jacquerie. » — Le mot est prononcé et l’on aura la chose. […] « À Paris, dit Mercier778, il est mou, pâle, petit, rabougri, maltraité, et semble un corps séparé des autres ordres de l’État. […] » Aussi bien l’ordre n’est maintenu que par la force et la crainte, grâce aux soldats du guet que la multitude appelle tristes-à-patte. […] Procès-verbaux de l’Assemblée provinciale de l’Orléanais, 296. « Une défiance toujours tremblante règne encore dans les campagnes… Vos premiers ordres d’assemblées de département n’ont en quelques endroits réveillé que des soupçons. » 746.

209. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire des travaux et des idées de Buffon, par M. Flourens. (Hachette. — 1850.) » pp. 347-368

Cette première liaison du côté de l’Angleterre fut d’ailleurs très utile à Buffon : elle le mit à même d’être informé de bonne heure de ce qui s’y était accompli de grand dans l’ordre des sciences. […] Il aime l’ordre, il en met partout. » Avec cette justice parfaite et cette bonté qui dérivait de la règle et du tempérament, il ne cessa de faire du bien dans ses alentours, et les gens de Montbard l’adoraient. […] Quand il parle des animaux, c’est toujours des animaux plus ou moins analogues à l’homme, des animaux vertébrés d’un ordre supérieur. […] » Comme peintre de métaphysique, dans ce Discours et dans ceux qui sont relatifs aux sens, Buffon est du premier ordre. […] Il est élevé, moins par le mouvement et le jet, que par la continuité même dans un ordre toujours sérieux et soutenu.

210. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — I. » pp. 127-148

En nommant ces deux-là, j’ai nommé deux grands inoculateurs dans l’ordre moral ou philosophique ; mais Bolingbroke en exil, et venu au début du siècle, n’a agi que sur quelques-uns, tandis que Franklin, venu tard, et à une époque de fermentation générale, opéra sur un grand nombre. […] Cependant son frère fut arrêté et emprisonné par ordre du président de l’Assemblée générale du pays pour avoir inséré un article politique d’opposition : il ne fut relâché que moyennant défense de continuer à imprimer son journal. […] Quand il s’agira de fonder l’ordre de Cincinnatus, il y sera opposé avec grande raison, mais il ne fera aucune réserve en faveur de la chevalerie, considérée historiquement et dans le passé. […] Dans l’ordre habituel de la vie, Franklin reste le plus gracieux, le plus riant et le plus persuasif des utilitaires. […] À ses heures de spéculation, il laissait volontiers aller sa pensée, tant dans l’ordre moral que dans l’ordre physique, à des conjectures et à des hypothèses très hardies et très lointaines.

211. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

Attaché comme volontaire au maréchal Ney, il continuait de porter dans l’armée française l’uniforme suisse ; il avait à transmettre des ordres à de brillants lieutenants du maréchal ; lui-même, Ney, avait ses vivacités, ses brusqueries d’homme de guerre. Ainsi, dès les premiers jours, ayant à expédier un ordre aux divisions Malher (?) […] Le biographe de Jomini, le colonel Lecomte, expose en détail l’action utile de Jomini auprès de Ney, aux environs d’Ulm, sa résistance aux ordres intempestifs de Murat, son ferme conseil à l’appui du bon parti adopté par Ney, et sur lequel roulait le plein succès de cette première campagne : — l’investissement et la capitulation de Mack. […] » — « Sire, c’est un chef de bataillon suisse faisant fonction d’aide de camp du maréchal. » — « Fort bien. » Et il eut l’ordre d’aller se reposer pour repartir au plus tôt. […] Frédéric le Grand, par ses actions glorieuses, par une série d’exemples et d’opérations d’un ensemble et d’un ordre supérieurs à ce qui avait précédé, vint renouveler la matière des raisonnements et ouvrit le champ de la théorie : il suscita de nouveaux historiens et des critiques dignes de lui.

212. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre II. Rapports des fonctions des centres nerveux et des événements moraux » pp. 317-336

. — Le second ordre de faits est lié au premier. — Cette liaison semble inexplicable. — Utilité des réductions précédentes et de la théorie des sensations élémentaires. […] Autre méthode d’investigation. — Les deux idées peuvent être irréductibles entre elles, sans que les deux ordres de faits soient irréductibles entre eux. — Deux objets nous semblent différents quand les voies par lesquelles nous acquérons leurs idées sont différentes. — Exemples. — La loi générale s’applique au cas dont il s’agit. — Différence absolue entre le procédé pair lequel nous acquérons l’idée d’une sensation et le procédé par lequel nous acquérons l’idée des centres nerveux et de leurs mouvements moléculaires. — Les deux idées doivent, être irréductibles entre elles. — Il est possible que leurs deux objets soient un seul et même objet. […] Un examen plus approfondi a permis de reconnaître que cette conception de différents agents spécifiques hétérogènes n’a au fond qu’une seule et unique raison : c’est que la perception de ces divers ordres de phénomènes s’opère en général par des organes différents, et qu’en s’adressant plus particulièrement à chacun de nos sens ils excitent nécessairement des sensations spéciales. […] IV Il se peut donc que la sensation et le mouvement intestin des centres nerveux ne soient au fond qu’un même et unique événement condamné, par les deux façons dont il est connu, à paraître toujours et irrémédiablement double. — Un autre ordre de raisons conduit à une conclusion semblable. […] Supposez un livre écrit dans une langue originelle et muni d’une traduction interlinéaire ; le livre est la nature, la langue originale est l’événement moral, la traduction interlinéaire est l’événement physique, et l’ordre des chapitres est l’ordre des êtres. — Au commencement du livre, la traduction est imprimée en caractères très lisibles et tous bien nets.

213. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « La Religieuse de Toulouse, par M. Jules Janin. (2 vol. in-8º.) » pp. 103-120

Ce que la fondatrice voulait établir, ce n’était pas un ordre religieux ni un cloître austère ; c’était quelque chose d’intermédiaire entre la retraite et le monde, un asile en faveur des filles qui n’auraient point de vocation pour le mariage ni pour le couvent proprement dit, et qui voudraient concilier l’éloignement du siècle avec une vie exempte de clôture et affranchie de la solennité des vœux. […] On voit que, les trois ordres subsistaient là comme ailleurs. […] Janin a pris la plupart des noms qui figurent dans son livre ; je dis les noms, car il a donné aux personnages un tout autre caractère, et les a complètement métamorphosés. à partir d’un certain moment, l’institut de l’Enfance étant devenu suspect, la Cour donna ordre de le surveiller étroitement et d’y introduire des espions, ce qu’on appelait dès lors des mouches. […] En fait, on chargeait surtout la maison de Toulouse et la supérieure de deux accusations graves : 1º d’avoir donné asile à deux ecclésiastiques, poursuivis pour avoir résisté aux ordres du roi dans l’affaire dite de la Régale ; 2º d’avoir une imprimerie clandestine, d’où sortaient, au moment voulu, des placards, et même de petits pamphlets théologiques, qui se répandaient dans tout le midi de la France. […] Mais, à peine arrivée, elle reçut l’ordre du roi de se rendre à Coutances, en Basse-Normandie.

214. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

Mais ce système a un ordre spécial qu’il faut déterminer. […] J’ai les mêmes sensations, l’ordre seul en est interverti. […] En effet, d’après une loi de notre esprit nous tendons à reproduire dans le même ordre deux idées, une fois que nous les avons associées dans cet ordre. […] Quand on définit le beau par l’ordre, cela revient au même : l’ordre n’est qu’un rapport exact entre les parties du tout. […] D’où vient l’ordre du monde ?

215. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Police générale d’une Université et police, particulière d’un collège. » pp. 521-532

Qu’il ne se fasse aucune innovation ni dans l’ordre des études ni dans les règlements, sans la sanction expresse de la souveraine. Que ces règlements soient examinés et confirmés tous les cinq ans, non pour changer l’ordre de l’enseignement qui doit être éternel, s’il est bon, mais pour en perfectionner l’exécution. […] Au sortir des études, les élèves passeront sous un nouvel ordre de maîtres que nous appelons ici maîtres de quartier ou répétiteurs. […] J’ai suivi jusqu’ici l’ordre et la discipline de nos collèges, parce que j’en ai connu par mon expérience l’utilité pour les bonnes mœurs et pour les progrès dans la science. […] La cloche sonne, et des domestiques ad hoc répètent, le matin, son ordre suprême à toutes les portes, frappant jusqu’à ce qu’on leur ait répondu.

216. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gasparin » pp. 100-116

Tous deux sont des individualistes et des radicaux absolus : l’un dans l’ordre politique, l’autre dans l’ordre religieux ; mais c’est un bon chemin (et même il n’y en a pas d’autre) pour mener au radicalisme politique, que le radicalisme religieux. […] Et, en effet, Jésus-Christ, qui n’est pas venu pour, dans l’ordre religieux, changer la loi, mais pour l’accomplir, n’est pas venu davantage pour la changer dans l’ordre métaphysique du monde. […] Ce sont des hommes d’ordre surnaturel, prêchant des doctrines surnaturelles, et y mêlant, quand ils sont des Massillon et des Bourdaloue, des torrents de notions sur le cœur humain, qu’ils tiennent et tordent dans leurs chirurgicales mains de confesseurs.

217. (1874) Premiers lundis. Tome II « Quinze ans de haute police sous Napoléon. Témoignages historiques, par M. Desmarest, chef de cette partie pendant tout le Consulat et l’Empire »

Homme d’ordre, de probité ferme, de régularité judicieuse et laborieuse, d’amélioration sociale moyennant l’action administrative, il a surtout apprécié l’époque par cet aspect ; lui-même, dans son rang secondaire, il avait mérité l’estime de l’empereur ; son excellent travail de premier commis passait tous les soirs sous cet œil d’aigle. […] Desmarest l’a très bien posé, rougissait désormais du rôle d’aventurier et d’assassin par ordre ; il tenait cette fois (et il l’a lui-même proclamé dans son interrogatoire) à réunir des conjurés d’élite, à attaquer le premier Consul de vive force, mais avec des armes égales à celles des gardes de son escorte, à le frapper enfin de l’épée dans un choc militaire, comme un vaillant, et non sous les formes clandestines du meurtre. […] Fouché en parla au général, d’après l’ordre du consul. […] Ne manquez pas, Fouché, d’exécuter mon ordre. » Il était minuit quand Fouché revint des Tuileries avec cette commission étrange : on envoya quérir Moreau ; M. 

218. (1875) Premiers lundis. Tome III « Profession de foi »

Par des extraits de voyages, par des traductions et des analyses d’ouvrages étrangers, par des études de toute espèce sur le passé, le Globe cherchait à mettre sous la main de ses lecteurs les principaux éléments des questions ; à leur représenter les travaux antérieurs et l’état de la science contemporaine sur chaque point de controverse ; à leur apporter et à leur distribuer en ordre les matériaux les plus complets pour les solutions les plus larges et les plus conciliantes. […] Nous crûmes qu’avec les éléments actuels de la société, avec un peuple et une bourgeoisie qui avaient fraternisé, avec une monarchie républicaine et une représentation nationale purgée d’aristocratie, il y aurait lieu de fonder un ordre de choses, transitoire sans doute, et qui n’était pas encore l’âge d’or de l’humanité, mais du moins un ordre stable et progressif, à l’exemple duquel l’Europe pût se modeler dans son affranchissement, et qui donnât le temps aux idées futures de mûrir. […] Le souci croissant qui nous irritait contre l’ordre présent, désormais manqué et mesquin, se convertit en une aspiration confiante vers un état organique que nous avions cru fort éloigné d’abord, mais dont les fautes des gouvernants dans cette crise avaient de beaucoup rapproché l’avènement.

219. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Biot » pp. 306-310

Les réserves que l’orateur a cru devoir apporter à ses éloges ne sauraient surprendre ; les hommes de l’ordre de M.  […] Ne disons donc pas, éternels ingrats, qu’il est inutile ou indifférent au développement de l’esprit, cet ordre stable et ce gouvernement qui seul rend possibles ce que j’appelais tout à l’heure les fêtes de l’esprit ; car je n’y vois et n’y veux voir que cela. […] Ne confondons pas les sphères, et laissons les paroles, les promesses du Christ dans toute leur portée sublime et qui n’est point de l’ordre terrestre.

220. (1865) La crise philosophique. MM. Taine, Renan, Littré, Vacherot

Ici, et dans l’ordre de la pure philosophie, nous sommes avec M.  […] Quel est le principe du mouvement, de l’ordre et de l’harmonie dans l’univers ? […] Il est l’ordre où la métaphysique, les mathématique, la logique, sont vraies. […] Ces deux idées sont profondément distinctes et appartiennent à deux ordres différents. […] Les savants, dans les autres ordres de connaissances, ne commettent pas une pareille faute.

221. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

Un certain ordre a été dérangé, il devrait se rétablir. […] Il y a un certain ordre de la nature, lequel se traduit par des lois : les faits « obéiraient » à ces lois pour se conformer à cet ordre. […] Tout concourt, encore une fois, à faire de l’ordre social une imitation de l’ordre observé dans les choses. […] Il en résulte une transposition des ordres et des appels en termes de raison pure. […] Le moment est venu de penser à soi. » Voilà l’ordre naturel bouleversé.

222. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Cette ressemblance entre deux hommes de génie, d’ailleurs si différents, tirant de la rigueur de l’esprit géométrique une règle pour la recherche et la démonstration de tous les ordres de vérités, a fait de la méthode de Descartes une loi de l’esprit français. […] Les vérités que recherche Descartes sont de l’ordre spéculatif ; elles sont du domaine de l’intelligence pure. […] Regardons maintenant quel est le degré d’intérêt de ces deux ordres de vérités, soit pour celui qui les enseigne, soit pour ceux auxquels il s’adresse. […] Il ne s’agit pas pour lui d’une opinion spéculative, dans laquelle sa réputation de bel esprit serait seule engagée, ni d’une découverte, dans l’ordre des choses physiques, que la science plus exacte d’un émule aurait contestée. […] Comment donc s’étonner qu’après avoir demandé l’explication de ce mystère à deux ordres de vérités, dont l’un est à peine aussi sûr que l’instinct populaire, et dont l’autre offre de répondre à tout, il se soit attaché au dernier ?

223. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XII : Distribution géographique (suite) »

Or, les oiseaux de cet ordre sont généralement grands voyageurs, et on les a parfois trouvés sur les îles les plus stériles et les plus éloignées en pleine mer. […] Les espèces de tout ordre qui habitent les îles océaniques sont en petit nombre, comparativement à celles qui peuplent des régions continentales d’égale étendue : M.  […] Les différents ordres d’insectes qu’on trouve à Madère présentent encore des faits analogues. […] Les îles possèdent souvent des arbres ou arbrisseaux appartenant à des ordres qui, en d’autres contrées, ne contiennent que des plantes herbacées ; mais M.  […] Il faudrait d’abord établir que ces deux ordres de faits sont nécessairement liés par quelque rapport pour conclure avec droit de l’un à l’autre.

224. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mort de M. Vinet »

Vinet un critique littéraire du premier ordre, et c’est à ce titre qu’il nous touche particulièrement. […] Ce petit canton heureux et florissant, qui depuis quinze ans était un modèle d’ordre, de bien-être, de culture intellectuelle et morale, a été brusquement bouleversé. […] Je demande pardon, en parlant de lui, d’emprunter presque son langage ; mais quel autre moyen de faire comprendre un ordre de pensées si loin de nous ?

225. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (3e partie) » pp. 369-430

Dans l’ordre matériel, comme dans l’ordre littéraire, tout ce qui est poli est froid. […] Ses gestes sont des ordres, ses motions sont des coups d’État. […] Elle est l’ordre par égoïsme et par essence. […] Le peuple devient foule, et se porte sans ordre au danger. […] « On ne peut pas demander alors à la loi d’agir contre la loi, à la tradition d’agir contre la tradition, à l’ordre établi d’agir contre l’ordre établi.

226. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

Dans l’ordre intellectuel il en va de même : on ne peut effacer de son souvenir l’image du pauvre M.  […] Il n’est jamais qu’une doublure : il peut se substituer dans certains cas à l’ordre naturel… il ne le remplace jamais. […] Vainement, chercherait-on, dans l’ordre intellectuel, des similitudes aussi marquées : les catégories y sont mieux délimitées. […] Laissons dire : il n’est rien comme les esprits brouillons pour mettre sur le compte de l’impuissance ce qui n’est qu’ordre et méthode dans l’art de composer. […] Mais qu’elle connût du même coup et la réputation et les succès de librairie, cette fois c’en était trop : il importait d’y mettre ordre.

227. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

Les maîtres de l’opinion se laissaient dicter tous leurs jugements par ce caprice de satire envers l’ordre établi. […] Auteur d’une comédie de château, ce n’est encore qu’un bel esprit de second ordre. […] D’elle-même, elle n’est pas de l’ordre de la chair. […] Ce sont des types d’ordre ; ils confèrent une forme à l’âme qui se soumet à eux. Il est d’autres types d’ordre intérieur, d’autres principes d’unité pour le cœur et l’esprit t. 

228. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Pensées »

VIII Il y a des hommes qui ont l’ imagination catholique (indépendamment du fond de la croyance) : ainsi Chateaubriand, Fontanes ; les pompes du culte, la solennité des fêtes, l’harmonie des chants, l’ordre des cérémonies, l’encens, tout cet ensemble les touche et les émeut. — Il y en a d’autres qui (raisonnement à part) ont la sensibilité chrétienne , et je suis de ce nombre. […] Le goût s’applique volontiers aux deux ordres ; l’abbé Gédoyn l’a très-bien remarqué : « Le goût, à proprement parler, emporte l’idée de je ne sais quelle matérialité. » Il y entre une part de sens. […] XXXIII Ce serait encore une gloire, dans cette grande confusion de la société qui commence, d’avoir été les derniers des délicats. — Soyons les derniers de notre ordre, de notre ordre d’esprits.

229. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre III. L’analyse externe d’une œuvre littéraire » pp. 48-55

Le premier venu, en revanche, saura voir et faire voir dans l’Oraison funèbre du prince de Condé, par Bossuet, un ordre nettement indiqué dès le début et rigoureusement suivi jusqu’à la fin9. […] Se suivent-elles dans la correction et la régularité uniformes de l’ordre grammatical ? […] Quel ordre préfère-t-il, celui de la vie qui a souvent la complexité de la nature, ou celui de la logique qui est une simplification factice ? […] On étudiera ses transitions d’un ordre d’idées à un autre.

230. (1682) Préface à l’édition des œuvres de Molière de 1682

Monsieur de Molière faisait le Docteur, et la manière dont il s’acquitta de ce personnage le mit dans une si grande estime, que sa Majesté donna ses Ordres pour établir sa Troupe à Paris. […] Ce qui était cause de cette inégalité dans ses ouvrages, dont quelques-uns semblent négligés en comparaison des autres, c’est qu’il était obligé d’assujettir son génie à des sujets qu’on lui prescrivait, et de travailler avec une très grande précipitation, soit par les Ordres du Roi, soit par la nécessité des affaires de la Troupe, sans que son travail le détournât de l’extrême application, et des études particulières qu’il faisait sur tous les grands rôles qu’il se donnait dans ses Pièces. […] Ce changement obligea les compagnons de Monsieur de Molière à chercher un autre lieu, et ils s’établirent avec permission et sur les Ordres de sa Majesté, rue Mazarini, au bout de la rue Guénégaud, toujours sous le même titre de la Troupe du Roi. […] Les Comédiens de l’Hôtel de Bourgogne, qui depuis un si grand nombre d’années portaient le titre de la seule Troupe Royale ont été réunis avec la troupe du Roi le 25 Août 1680 cela s’est fait suivant l’Ordre de sa Majesté donné à Charleville le 18 du même mois, par Monsieur le Duc de Créquy Gouverneur de Paris, premier Gentilhomme de la Chambre en année, et confirmé par une Lettre de Cachet, en date du 21 Octobre.

231. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Seconde partie. Émancipation de la pensée » pp. 300-314

Ainsi, quoique l’ouvrage de M. de Bonald semble s’appliquer à un ordre de choses qui n’existe plus, cet ouvrage n’en est pas moins d’une très grande importance et d’une utilité incontestable, parce que la vérité est toujours la vérité, parce que le don primitif de la parole n’a pas cessé d’être l’origine de nos connaissances. […] J’arrive donc enfin à cette conclusion que j’avais annoncée : Le christianisme a été une première émancipation du genre humain, dans l’ordre moral ; l’extension des limites de la liberté morale par l’affranchissement des liens de la parole est une seconde émancipation, dans l’ordre intellectuel. […] Nous avons remarqué que les langues différentes ont été affectées de diverses prérogatives ; nous pouvons ajouter, en d’autres termes, qu’elles ont eu la mission de faire entrer dans les trésors de l’esprit humain, où rien ne se perd, différents ordres d’idées.

232. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXII. Philosophie politique »

Qu’il prenne, s’il veut, Fénelon, l’auteur du Télémaque et le précepteur du duc de Bourgogne, mais qu’il ne mette la main ni sur Suarez, ni sur Bellarmin, ni sur Bossuet lui-même, car Bossuet, comme saint Augustin, n’a pas cessé d’être un évêque, et sa politique n’est point tirée de l’ordre philosophique, mais de l’Écriture Sainte. […] L’ordre universel le renferme par le libre arbitre ; il est au fond de nos consciences, dans l’exercice de nos vertus ; mais la fonction terrestre ne doit que l’ordre matériel, l’ordre dans les rues, mais elle nous le doit à tout prix, et si nous confondons notre dette, à nous, avec la sienne, tous les sophismes vont se redresser avec fureur.

233. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Vigny. Œuvres complètes. — Les Poèmes. »

La littérature du xviie  siècle, la littérature de l’unité et de l’ordre, et même de l’ordre un peu dur, a commencé par l’indépendant génie de Corneille, impérieux et altier dans son indépendance, et la littérature du xixe  siècle, la littérature de l’indépendance et de la variété et même du dérèglement dans sa variété, a commencé par le doux génie de Racine, si suave dans sa correction, et c’est M.  […] Et où l’expression est, au contraire, l’invention, quelle qu’elle soit, fût-elle de l’ordre le plus froidement et le plus prosaïquement scientifique, a doublé. […] Quoique Stello et Grandeur et Servitude militaires soient, dans leur ordre, des chefs-d’œuvre, la poésie d’Eloa est encore plus belle que ces deux livres ne sont beaux !

234. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7761-7767

Des plaisirs de l’ordre. Il ne suffit pas de montrer à l’ame beaucoup de choses, il faut les lui montrer avec ordre ; car pour lors nous nous ressouvenons de ce que nous avons vu, & nous commençons à imaginer ce que nous verrons ; notre ame se félicite de son étendue & de sa pénétration : mais dans un ouvrage où il n’y a point d’ordre, l’ame sent à chaque instant troubler celui qu’elle y veut mettre. La suite que l’auteur s’est faite, & celle que nous nous faisons se confondent ; l’ame ne retient rien, ne prévoit rien ; elle est humiliée par la confusion de ses idées, par l’inanité qui lui reste ; elle est vainement fatiguée & ne peut goûter aucun plaisir ; c’est pour cela que quand le dessein n’est pas d’exprimer ou de montrer la confusion, on met toûjours de l’ordre dans la confusion même. […] Une longue uniformité rend tout insupportable ; le même ordre des périodes long-tems continué, accable dans une harangue : les mêmes nombres & les mêmes chûtes mettent de l’ennui dans un long poëme. […] Un bâtiment d’ordre gothique est une espece d’énigme pour l’oeil qui le voit, & l’ame est embarrassée, comme quand on lui présente un poëme obscur.

235. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

Rien ne m’est pénible comme de voir le dédain avec lequel on traite souvent des écrivains recommandables et distingués du second ordre, comme s’il n’y avait place que pour ceux du premier. […] L’ordre, l’économie, le travail, un petit commerce, et surtout la frugalité, nous entretenaient dans l’aisance. […] Par sa péroraison, il entraîne avec lui toute la classe de rhétorique, qui, n’ayant plus qu’un mois d’études avant les vacances, prend sur elle d’abréger, de proclamer l’année scolaire close un mois plus tôt, et de se retirer en masse et en bon ordre avec les honneurs de la guerre. […] Voilà l’erreur ; et c’est parce qu’il n’a pas le goût assez sûr pour discerner à l’instant ces nuances, que Marmontel n’est pas un véritable artiste, ni même un critique du premier ordre. […] Menacé de ruine à son tour et voyant sa fortune crouler avec l’ancien ordre de choses, il songea à s’abriter dans quelque asile champêtre pour continuer d’y vaquer à l’éducation de ses enfants.

236. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

D’autres principes du même ordre l’accroissent et la développent. […] L’unité et la variété s’appliquent à tous les ordres de beauté : parcourons rapidement ces ordres différents. […] L’art se met-il aveuglément aux ordres de la religion et de la patrie ? […] On ne peut refuser à Puget des qualités du premier ordre. […] Le besoin de la sécurité me ramène de l’anarchie au besoin de l’ordre, pourvu que l’ordre soit à mon profit, et je deviens tyran, si je puis, ou serviteur doré du tyran.

237. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

L’instinct de l’ordre est avant tout une condition de conservation. […] Mais alors ce sont les choses qui agissent et non le temps seul, qui, comme seul, nous paraît toujours un ordre conçu et abstrait. […] Ainsi, outre l’ordre logique, est donné l’ordre mathématique de la nature, et cela sans aucune considération de finalité. […] Dire que tout ce qui est réel a non seulement une raison intelligible, mais une cause active, c’est simplement affirmer que la pure intelligibilité pour la pensée est un ordre abstrait de vérités, qui présuppose l’ordre réel des choses et ne suffit pas à le produire. […] Celle-ci est une manière de se représenter, à notre image, les raisons explicatives qui nécessitent et les phénomènes et leur ordre.

238. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres complètes de Buffon, revues et annotées par M. Flourens. » pp. 55-73

Prenant l’homme pour centre de ses tableaux, il ne voulait étudier l’univers, les animaux, les plantes, les minéraux que par rapport à ce roi de la création et selon le degré d’utilité qu’il en pouvait tirer : c’était là un ordre moral et d’artiste plutôt que de savant. […] On apprécie surtout mieux ce constant et noble effort qui porte un si vigoureux talent à se fortifier, à s’étendre, à se perfectionner sans cesse, à posséder de plus en plus toute cette matière immense qu’il dispose avec ordre, développement et grandeur, et qui lui sert à bâtir un monument le plus digne du modèle pour la majesté. […] En tout, Linné, l’homme de l’ordre et de la méthode, observateur neuf, ingénieux, inventif, à l’œil de lynx, écrivain concis et expressif, poète même dans son latin semé d’images et taillé en aphorismes, Linné fait un parfait contraste avec Buffon, le peintre du développement et des grandes vues, et dont la phrase aux membres distincts et nombreux, enchaînés par une ponctuation flexible, ne se décide qu’à peine à finir. […] Il aimait assez, dans son premier ordre, à prendre les choses et les êtres par rang de taille, si l’on peut dire, et de grandeur physique ; c’est ainsi qu’il croit convenable de commencer l’histoire des oiseaux par celle de l’autruche qui est comme l’éléphant du genre. […] Il est un autre ordre de savants aussi positifs et plus philosophes (Cuvier le premier), qui semblent au contraire avoir vu chez Buffon tout ce qui est digne d’être loué, avoir fait la part des progrès réels que lui doit la science, du genre de création qu’il y a porté, des divisions capitales qu’il a entrevues.

239. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

et, avant de s’y asseoir franchement, dans cet ordre moderne, que de revirements et d’erreurs encore ! […] Pendant deux ans et demi, soit dans son séjour en Suisse, soit à Venise où il retourna un moment, Rohan se trouva exposé à des ordres et à des contre-ordres continuels ; il y eut jusqu’à six revirements dans la conduite principale qu’on essayait de lui tracer. […] La manière dont il sut traverser la Suisse à l’improviste sans prévenir les cantons qu’au moment même, étant déjà entré avant qu’on s’aperçût qu’il y dût passer ; la rapidité, la précision de sa marche, la justesse de ses ordres et de ses calculs, tout répondit à sa réputation d’habileté. […] Au réveil et dans la convalescence, soit que Rohan ne soit plus tout à fait le même, soit que les affaires aient empiré, il ne voit plus moyen de concilier les ordres qu’il reçoit de la Cour avec les nécessités impérieuses qui l’enserrent de plus en plus près. […] Au sortir de là, Rohan, bien qu’il eût titre toujours de général de l’armée du roi, se retira à Genève et refusa de ramener son armée par la Franche-Comté ; il se méfiait du cardinal, dont il n’avait pas suivi les ordres, et qui le lui rendait bien : Il est donc certain, dit ce redoutable ministre, ou que ledit sieur duc, qui était habile homme et connu pour tel, avait l’esprit troublé, ou qu’il y eut trop de timidité en son fait, ou beaucoup de malice ; et ce qui le condamne, c’est de s’être retiré du service du roi, de n’être point venu commander l’armée en la Franche-Comté, et d’être demeuré à Genève ; car, s’il n’avait point failli, et qu’il n’eût pu mieux faire ainsi qu’il disait, pourquoi feindre d’être malade à Genève, puis dire que l’armée qu’on lui donnait à commander était trop faible ?

240. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. »

La réaction de 1815 peut s’étudier dans deux ordres principaux et parallèles de faits où elle s’est concentrée, déchargée, où elle a fait éruption : à savoir les condamnations capitales avec accompagnement de massacres organisés dans les départements du Midi, et les propositions de la Chambre introuvable, cette Chambre où il ne fut pas même permis de parler de ces massacres comme d’un on dit et par manière d’hypothèse, et de laquelle, pour peu qu’on l’eût laissée faire, toute une contre-révolution sociale allait sortir, au risque de faire éclater et sauter sur place la seconde Restauration dès sa naissance. […] La condamnation de ces deux derniers, anciens généraux de brigade sous la République, et depuis longtemps rentrés dans l’ordre civil, présente des circonstances d’animosité féroce que l’historien, s’il ne se replonge dans les passions du temps, a peine à s’expliquer. […] Le seul avocat qu’on leur donna d’office, lors du pourvoi en révision, le bâtonnier de l’ordre, M.  […] Domingon, s’approchant pour prêter serment, voulut commenter sa pensée : « Je demande, dit-il, à mon seigneur et roi la parole pour… » Il fut interrompu par le duc de Richelieu qui, après s’être incliné vers le roi comme pour recevoir ses ordres, rappela que l’usage immémorial de la monarchie ne permettait pas, dans des occasions semblables, de prendre la parole en présence du monarque sans sa permission, et ordonna, au nom de Sa Majesté, de continuer l’appel nominal. […] Il hésita, n’insista pas, s’excusa presque en disant qu’il n’avait entendu parler que de bruits vagues, et ne fut pas moins rappelé à l’ordre.

241. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

Ordre profond, ordre organique. […] Mais un ordre profond, un ordre de race, un ordre de chair même est dans Corneille. […] L’ordre règne. […] L’ordre est un souverain. […] Dans l’ordre il ne peut y avoir qu’un ordre.

242. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Elle appartient à un autre genre, à un autre ordre. […] Le Paradis du Dante élève un ordre d’allégories au-dessus de l’Enfer qui est un ordre de passions. […] Des romans ont pu rendre des services du même ordre ou d’un autre ordre. […] L’ordre visuel au contraire est l’ordre des choses qui ne sont pas à notre portée de vie, l’ordre de ce qui nous est coexistant et qui, par rapport à notre existence propre, demeure, dans sa presque totalité, du pur possible. […] Il y a évidemment un ordre dans Les Révolutions, À celle qui est restée en France ou Le Retour de l’Empereur, un ordre plutôt qu’un beau désordre ; mais ordre ne signifie pas ici plan : c’est un ordre spontané déposé par l’inspiration, pendant que s’écrivait le poème.

243. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la liberté de l’enseignement »

Je serais presque tenté de le croire, car du moment qu’il y a un lien d’association comme dans l’Ordre de la franc-maçonnerie par exemple, oh ! […] L’heure de la reconnaissance, pour cet ordre considérable d’esprits, a depuis longtemps sonné. […] Je vote pour l’ordre du jour. A peine avais-je prononcé ces mots : « je vote pour l’ordre du jour », qu’un sénateur, M.  […] quoi, parce que je vote pour l’ordre du jour ainsi que je venais de le motiver, j’ai voté contre la liberté !

244. (1875) Premiers lundis. Tome III « Sur le sénatus-consulte »

Un des plus grands politiques, et qu’il est bon quelquefois de relire, le cardinal de Retz faisant le récit de la Fronde, ne peut s’empêcher de se demander, lui aussi, comment de l’état de somnolence et de léthargie où l’on était tombé, où l’on était encore « trois mois avant la petite pointe des troubles » qui faillirent bouleverser tout l’État et l’ordre même de la monarchie en France, on passa presque subitement à une commotion violente et universelle. […] Eh bien, donc, préoccupé dès les premiers temps de l’Empire et à l’époque de ses triomphes (c’est assez dans ma nature d’être préoccupé), me posant dès lors la question du lendemain et de la situation morale des esprits, de ceux surtout de mon ordre, de l’ordre littéraire, qu’ai-je vu ? […] Mais, même sans les attendre, j’aimerais qu’au sein du Sénat il fût dit et compris tout d’abord, qu’à un ordre de choses tout nouveau, il convient d’apporter un nouvel esprit. […] Ce que je dis là est si peu une fiction qu’un de mes amis, homme politique et savant, avec qui je cause de la situation sans lui faire part d’ailleurs de ce que je viens d’écrire, me dit tout naturellement (et cet ami n’est pas un littérateur proprement dit, c’est un savant dans l’ordre du droit et plutôt occupé des sciences morales et politiques, M. 

245. (1890) L’avenir de la science « XXI »

Il peut naître chez les races fortes et aux époques de crise des monstres dans l’ordre intellectuel, lesquels, tout en participant à la nature humaine, l’exagèrent si fort en un sens qu’ils passent presque sous la loi d’autres esprits et aperçoivent des mondes inconnus. […] L’ordre est une fin, non un commencement. […] Certes l’ordre est désirable et il faut y tendre ; mais l’ordre lui-même n’est désirable qu’en vue du progrès. […] Parcourez nos villes, nos promenades publiques, partout des barrières, des consignes, nécessaires il est vrai pour l’ordre, mais défendant toute fantaisie.

246. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVII. Forme définitive des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Les idées apocalyptiques de Jésus, dans leur forme la plus complète, peuvent se résumer ainsi : L’ordre actuel de l’humanité touche à son terme. […] Ce nouvel ordre de choses sera éternel. […] Le royaume de Dieu n’est alors que le bien 814, un ordre de choses meilleur que celui qui existe, le règne de la justice, que le fidèle, selon sa mesure, doit contribuer a fonder, ou encore la liberté de l’âme, quelque chose d’analogue à la « délivrance » bouddhique, fruit du détachement. […] Malgré l’église féodale, des sectes, des ordres religieux, de saints personnages continuèrent de protester, au nom de l’Évangile, contre l’iniquité du monde. […] Une sorte de divination grandiose semble l’avoir tenu dans un vague sublime embrassant à la fois divers ordres de vérités.

247. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVe entretien. Alfred de Vigny (2e partie) » pp. 321-411

« Le 28 fructidor 1797, je reçus ordre d’appareiller pour Cayenne. […] J’aime le silence et l’ordre, moi. […] on a l’ordre d’éteindre tous les feux du bâtiment. […] Cependant il fallait bien en venir là : j’ouvris la pendule, et j’en tirai vivement l’ordre cacheté. — Eh bien ! […] — On me répond : Il pouvait déchirer l’ordre et mourir lui-même.

248. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Cette suite de réflexions d’ordre social se raccorde étroitement aux réflexions d’ordre littéraire du premier volume. […] Encore une fois, c’est une émotivité toute pareille dans l’ordre de la pensée à celle d’un don Juan dans l’ordre de l’amour. […] Les faits chimico-physiques sont d’un ordre. Les faits biologiques sont d’un autre ordre. […] S’il y a véritablement des ordres étagés ou juxtaposés de phénomènes, chacun de ces ordres exige un principe spécial.

249. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IV. Des femmes qui cultivent les lettres » pp. 463-479

Il arrivera, je le crois, une époque quelconque, où des législateurs philosophes donneront une attention sérieuse à l’éducation que les femmes doivent recevoir, aux lois civiles qui les protègent, aux devoirs qu’il faut leur imposer, au bonheur qui peut leur être garanti ; mais, dans l’état actuel, elles ne sont, pour la plupart, ni dans l’ordre de la nature, ni dans l’ordre de la société. […] Si la situation des femmes est très imparfaite dans l’ordre civil, c’est à l’amélioration de leur sort, et non à la dégradation de leur esprit, qu’il faut travailler. […] Examinez l’ordre social, lui dirait-on, et vous verrez bientôt qu’il est tout entier armé contre une femme qui veut s’élever à la hauteur de la réputation des hommes.

250. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIX. Progression croissante d’enthousiasme et d’exaltation. »

La même chose fût arrivée dans l’ordre de saint François, si cet ordre avait réussi dans sa prétention de devenir la règle de la société humaine tout entière. […] On dirait un « Ordre » constitué par les règles les plus austères. […] » — « Seigneur, lui répond cet homme, laisse-moi d’abord aller ensevelir mon père. » Jésus reprend : « Laisse les morts ensevelir leurs morts ; toi, va et annonce le règne de Dieu. » — Un autre lui dit : « Je te suivrai, Seigneur, mais permets-moi auparavant d’aller mettre ordre aux affaires de ma maison. » Jésus lui répond : « Celui qui met la main à la charrue et regarde derrière lui, n’est pas fait pour le royaume de Dieu 887. » Une assurance extraordinaire, et parfois des accents de singulière douceur, renversant toutes nos idées, faisaient passer ces exagérations. « Venez à moi, criait-il, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous soulagerai.

251. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXII. Machinations des ennemis de Jésus. »

Le « parti de l’ordre » (je prends cette expression dans le sens étroit et mesquin) a toujours été le même. […] Le mouvement qu’il dirigeait était tout spirituel ; mais c’était un mouvement ; dès lors les hommes d’ordre, persuadés que l’essentiel pour l’humanité est de ne point s’agiter, devaient empêcher l’esprit nouveau de s’étendre. […] Mais les ordres pour l’arrêter, dès qu’on le reconnaîtrait à Jérusalem, étaient donnés. […] Pour l’ordre des faits, dans toute cette partie, nous suivons le système de Jean.

252. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre V, la Perse et la Grèce »

. — Tout ordre sorti de sa bouche était fatal et irrévocable. […] Il se repent en effet, il est content d’apprendre que Crésus vit encore ; mais il punit de mort les exécuteurs qui ont osé discuter son ordre. — Plus tard, Xerxès, après Salamine, surpris par une tempête dans sa fuite, demande au pilote s’il reste une chance de salut : l’homme lui répond que le vaisseau sombrera, s’il n’est déchargé de la moitié de ses passagers. […] » Un esclave eut ordre de se tenir debout derrière lui, à sa table, et de lui répéter par trois fois, pendant le repas ; — « Maître, souviens-toi des Athéniens !  […] Un interprète, qui accompagnait l’envoyé des Perses, avait transmis en grec l’ordre de Darius.

253. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « César Daly »

Inévitable conséquence de l’esprit moderne et de notre état de société, admis par l’opinion en principe et en fait, les concours ont cependant besoin, pour mériter ce nom d’institution, qui implique l’ordre et la durée traditionnelle, d’un peu plus que d’un principe, même généralement consenti, et d’un fait irrégulier ou mal assis. […] de cet esprit philosophique et mathématique à la fois, qui a autant d’audace dans la déduction que de prudence dans l’ordre de ses raisonnements pour ne pas manquer la vérité. […] Nous voulons rester dans l’ordre purement intellectuel. […] Moi aussi, je pense comme Daly que l’art est un symbole, — l’expression symbolique des hautes convenances d’ordre et de vérité souveraine, la prescience universelle des choses qu’il faut nommer et connaître, l’inventaire innocent du bien et du mal, de ce qu’il faut imiter et de ce qu’il faut écarter.

254. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Lettres d’une mère à son fils » pp. 157-170

Rivarol disait, avec la belle voix d’or de son esprit : « La grandeur de nos facultés dépend de Dieu, mais de nous dépend leur harmonie. » Quel que soit donc celui des trois systèmes sur la nature humaine que l’on adopte, il est d’observation indéniable qu’il y a au fond de nous-mêmes une tendance prononcée à nous croire le centre de tout, à ne juger les choses que par rapport à nous, à traverser incessamment et dans tous les sens le plan de l’ordre avec mépris, et même les armes à la main. […] L’être humain existe, cependant, indépendamment de cette impulsion naturelle, fatale obstinée et sensible, que nous devons aider la famille et l’ordre à transformer en agissant avec une intrépide constance sur le ressort de notre liberté, comme le marin sur le gouvernail de son navire. Eh bien, ce concours de notre intelligence et de notre volonté, ce consentement éclairé de la liberté à la loi, de l’individu à l’ordre, c’est l’éducation ! […] Quand madame d’Alonville, qui a de l’esprit et qui aime à faufiler de la tapisserie de caractères, nous a parlé de la bienveillance, de l’égoïsme, de l’orgueil, de la vanité, du devoir d’être de son temps, de la grâce d’être jeune, de l’avantage d’être timide (quand on a vingt ans), de la susceptibilité, du loisir contraire à l’ordre de la nature, de l’esprit de conversation, de la réprobation de l’épigramme, des horreurs du jeu, de la Bourse (enfin !)

255. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Georges Caumont. Jugements d’un mourant sur la vie » pp. 417-429

pas là une tête philosophique d’un ordre fécond et redoutable, mais c’est une imagination et une sensibilité extraordinaires, que le désespoir de mourir exalte jusqu’à la folie, mais à la plus éloquemment navrante des folies ! […] Pour moi, il n’était pas né pour être nettement et absolument supérieur dans l’ordre de la pensée comme il eût pu l’être dans l’ordre de la sensation et du sentiment. Or, cet ordre de la sensation et du sentiment, l’aurait-il jamais mieux trouvé que dans le mal physique et moral qui l’a dévoré avant l’heure ?

256. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Docteur Favrot »

Assurément l’Allemagne est un pays excellent, et peut-être le plus naturellement moral de l’Europe ; mais moi qui ne crois absolument qu’aux moralités surnaturelles, je m’imagine qu’il ne peut y avoir qu’un Ordre religieux qui puisse faire avec perfection ce fatigant service de nuit et de jour des chambres mortuaires. […] un Ordre religieux déjà créé, — ou, ce qui vaudrait mieux, qu’on créerait spécialement pour cet office et qu’on appellerait l’Ordre des Morís ! Mais le docteur Favrot, qui, en sa qualité de matérialiste, ne se préoccupe pas beaucoup d’ordres religieux, passe outre sur cette question, dont il ne se doute pas, comme sur toutes les autres, et son livre finit tout à coup sans que sur aucun point on soit, comme on le voudrait, édifié.

257. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre II. L’antinomie psychologique l’antinomie dans la vie intellectuelle » pp. 5-69

D’autres théories, individualistes, opposent l’individualité à la sociabilité dans l’ordre de la connaissance. […] Or, quand on passe des principes les plus généraux de la pensée aux vérités de l’ordre social, le critérium pragmatisme devient d’une extrême subjectivité. […] Ici, la réponse sera, plus évidemment encore que dans les philosophies rationalistes, d’ordre personnel et sentimental. […] En nous familiarisant avec l’idée d’un ordre naturel, elle nous prépare à accepter l’idée d’un ordre social. […] Raisonneur géométrique, il croit que tout se tient dans l’ordre intellectuel comme dans l’ordre social ; que la révolte contre la religion doit entraîner la révolte contre la raison, la révolte contre l’État, contre la morale, contre la société, contre toutes les idées qui ne sont pas la propriété exclusive et qui ne portent pas la marque de fabrique de l’Unique.

258. (1714) Discours sur Homère pp. 1-137

Outre que l’occasion demandoit nécessairement ces discours, ils sont encore rangés avec art, et dans un ordre propre à augmenter toujours le plaisir du lecteur. […] Je juge aussi favorablement d’un ordre qu’un des chefs de l’iliade donne à ses soldats dans le fort d’une bataille. Cet ordre, à ce qu’on dit, signifie également quatre choses toutes différentes ; et c’est un beau secret, continue-t-on, de pouvoir dire tant de choses à la fois. […] Pour le traduire, il faut suivre son ordre, rendre son sens, et trouver, s’il se peut, des expressions équivalentes aux siennes. […] Les premieres ont leur utilité pour ceux qui n’y cherchent que de l’érudition ; on s’y instruit des choses qu’un auteur a traitées, et de l’ordre qu’il a suivi.

259. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Ces molla nous écrivaient le nom des quartiers, des rues, des églises, des bâtiments publics, des palais et principaux édifices, avec le nom et les emplois de ceux qui les avaient construits, et qui y demeuraient, les antiquités et les fondations, la police des tribunaux, l’ordre qu’on tient dans les registres et dans les comptes de l’État. […] Ce jour-là, il fut de bonne heure au palais, et, tirant à part ce qu’il y trouva de gens qu’il savait être ennemis du grand vizir, entre lesquels le plus considérable était le grand maître de l’artillerie, il leur dit qu’il avait ordre du roi d’aller prendre la tête du premier ministre, et les pria de l’accompagner. Ils prirent encore avec eux d’autres gens de leur cabale qu’ils rencontrèrent sur le chemin, sans leur dire pourtant autre chose, sinon qu’ils allaient porter à ce ministre un ordre du roi de la dernière importance. […] Le roi seul en peut tirer, comme je le viens de dire, ou son ordre spécial ; or, quand le roi donne cet ordre, ce n’est pas directement, mais en défendant de porter à manger au fugitif dans le lieu où il est, ce qui le réduit enfin à en sortir. […] Elle fut plantée à Ispahan, et embellie d’un grand nombre d’édifices somptueux, par les ordres et sous l’inspection immédiate de Châh A’bbâs Ier, dans la onzième année de son règne, l’an 1006 de l’hégire (1597-8 de l’ère vulgaire).

260. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre I. De la sélection des images, pour la représentation. Le rôle du corps »

Mais inversement, si vous vous donnez un système d’images instables disposées autour d’un centre privilégié et se modifiant profondément pour des déplacements insensibles de ce centre, vous excluez d’abord l’ordre de la nature, cet ordre indifférent au point où l’on se place et au terme par où l’on commence. […] La correspondance entre l’étendue visuelle et l’étendue tactile ne peut donc s’expliquer que par le parallélisme de l’ordre des sensations visuelles à l’ordre des sensations tactiles. Nous voici donc obligés de supposer, en outre des sensations visuelles, en outre des sensations tactiles, un certain ordre qui leur est commun, et qui, par conséquent, doit être indépendant des unes et des autres. […] Nous nous trouvons donc enfin conduits à l’hypothèse d’un ordre objectif et indépendant de nous, c’est-à-dire d’un monde matériel distinct de la sensation. […] Pour l’idéaliste au contraire, ces perceptions sont le tout de la réalité, et l’ordre invariable des phénomènes de la nature n’est que le symbole par lequel nous exprimons, à côté des perceptions réelles, les perceptions possibles.

261. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — I. » pp. 84-104

C’est ce que tirent exemplairement les réfugiés français de la Bidassoa, placés sous les ordres du colonel Fabvier ; ils exécutèrent la consigne politique qui leur avait été donnée, et qui conciliait à la fois jusqu’à un certain point les devoirs de l’insurrection et le respect dû à la patrie : ils firent, en un mot, de l’insurrection passive. […] Le premier conseil de guerre s’étant déclaré incompétent, il fut traduit devant un second, qui eut ordre de passer outre, et il fut condamné à mort. […] Il dira de Cromwell, au moment où il se saisit du pouvoir, en chassant les indépendants : Il fut heureux pour l’Angleterre qu’un tel homme prît sur lui la responsabilité d’une violence inévitable, parce que l’ordre vint de l’usurpation au lieu de l’anarchie, et que l’ordre était nécessaire. […] L’homme qui s’exprimait de la sorte était déjà un écrivain d’un ordre élevé et n’avait plus qu’à poursuivre. […] Ce général (s’il l’avait été, en naissant vingt-cinq ans auparavant) aurait certainement écrit tôt ou tard ; il aurait raconté ses campagnes, les guerres dont il aurait été témoin et acteur, comme on l’a vu faire à un Gouvion Saint-Cyr ou à tel autre capitaine de haute intelligence ; mais ici, dans l’ordre littéraire ou historique, ce n’est pas seulement ce qu’il a senti et ce qu’il a fait que Carrel doit exprimer ; il est obligé d’accepter des sujets qui ne le touchent que par un coin, de s’y adapter, de s’y réduire, d’apprendre l’escrime de la plume, la tactique de la phrase ; il y devient peu à peu habile, et, dès qu’un grand intérêt et la passion l’y convieront, il y sera passé maître.

262. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre III. L’art et la science »

Tout en étant équité dans l’ordre moral et équilibre dans l’ordre matériel, tout est équation dans l’ordre intellectuel. […] Dans le rythme, loi de l’ordre, on sent Dieu. […] La Tête-de-Porc de la phalange et l’Ordre aigu de la légion ont un moment reparu, il y a deux cents ans, dans le Coin de Gustave-Adolphe ; mais à cette heure, où il n’y a plus ni piquiers comme au quatrième siècle ni lansquenets comme au dix-septième, la pesante attaque triangulaire, qui était autrefois le fond de toute la tactique, est remplacée par une volée de zouaves chargeant à la baïonnette. […] Il savait d’innombrables choses, entre autres celles-ci : — La terre est plate. — L’univers est rond et fini. — La meilleure nourriture pour l’homme est la chair humaine. — La communauté des femmes est la base de l’ordre social. — Le père doit épouser sa fille. — Il y a un mot qui tue le serpent, un mot qui apprivoise l’ours, un mot qui arrête court les aigles, et un mot qui chasse les bœufs des champs de fèves. — En prononçant d’heure en heure les trois noms de la trinité égyptienne, Amon-Mouth-Khons, Andron d’Argos a pu traverser les sables de Libye sans boire. — On ne doit point fabriquer les cercueils en cyprès, le sceptre de Jupiter étant fait de ce bois. — Thémistoclée, prêtresse de Delphes, a eu des enfants et est restée vierge. — Les justes ayant seuls l’autorité de jurer, c’est par équité qu’on donne à Jupiter le nom de Jureur. — Le phénix d’Arabie et les tignes vivent dans le feu. — La terre est portée par l’air comme par un char. — Le soleil boit dans l’océan et la lune boit dans les rivières. — Etc. — C’est pourquoi les athéniens lui élevèrent une statue sur la place Céramique, avec cette inscription : À Chrysippe, qui savait tout.

263. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Xavier Aubryet » pp. 117-145

Hope dans l’ordre de la critique littéraire : c’est, en un mot, un esprit généralisateur. […] Xavier Aubryet, raffiné, sentimental, profond dans son ordre de perception, idéaliste de tendance, platonicien dans le grand sens du mot, Xavier Aubryet a-t-il une métaphysique et quelle est-elle ? […] ces institutions dans l’esprit dont l’absence fait qu’un despote de génie dans l’ordre de l’intelligence n’est, comme dans l’ordre politique, rien de plus qu’un accident heureux, il a de la pensée et il n’a point l’anarchie de faire de l’image, qu’il a aussi, autre chose que ce qu’elle est : — la servante de la pensée. […] Aubryet ne tremble pas non plus devant ces supériorités littéraires qui ne sont pas même des Washington dans leur ordre de mérite et de célébrité, mais il les voit peut-être avec ce trouble de la jeunesse qui n’est gracieux que pour ceux qui le causent, et dont l’aplomb de la vie, gagné à vivre, le débarrassera. […] Selon moi, il faut être un romancier de premier ordre pour se permettre la nouvelle.

264. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « J. de Maistre » pp. 81-108

Pour moi, je crois bien qu’il n’y a qu’une seule loi qui gouverne ces esprits de premier ordre qu’on appelle des hommes de génie, — et cette loi, évidente dans l’œuf du génie de Joseph de Maistre aussi bien que dans l’œuf du génie de Bossuet, par exemple, n’est peut-être que l’apparition instantanée d’une seule idée qui va se préciser et faire l’unité et la puissance de leur vie intellectuelle, à ces esprits étonnants qui ne changent pas, mais se développent, mobiles dans l’immobilité comme Dieu, dont ils sont bien plus près que nous ! […] Et voilà pourquoi il remporte (à mes yeux du moins) sur Bossuet même ; car le génie, c’est ce qui ne change pas, mais ce qui se tient immuablement — stat — dans l’ordre de la vérité ! […] C’est une impression de cet ordre que vous causera ce gros volume de cinq cent cinquante pages, où il y a de la sciure de ces idées qui, depuis, sont devenues des monuments ! […] L’émancipation, à laquelle s’opposait le comte de Maistre, a été proclamée, et il est curieux de connaître sur quels faits produits par un esprit de cet ordre le gouvernement russe a passé. […] Nous voulons seulement prouver que le comte de Maistre n’est pas plus un utopiste en arrière qu’il n’est un utopiste en avant et que sa rigueur politique, dont on a tant parlé et dont tant de gens parlent encore, n’est pas plus inflexible que celle de Dieu et de l’Histoire, des mains desquels il prend pieusement tous les faits, sans leur demander rien de plus que ce que l’ordre de la Providence et la conduite de l’homme y ont mis ou en ont ôté.

265. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iii »

Déjà médaillé militaire et cité à l’ordre pour sa superbe attitude sur les champs de bataille. […] Déjà cité à l’ordre de l’armée. » (J. […] Déjà cité à l’ordre. […] Adjudant au 69e d’infanterie, il a obtenu une superbe citation à l’ordre de l’armée, la croix de guerre, la médaille militaire et la médaille anglaise. « Prie Dieu, écrit-il à un ami, pour que je porte allègrement la croix qui donne droit à la vraie récompense, la croix de souffrances, celle du Christ. » Telle est leur sublime ambition secrète. […] L’ordre du jour, paru à l’Officiel du 9 juin suivant, résume en quelques mots cette vie :‌ De Torquat de la Coulerie (François-Marie-Joseph), capitaine au 48e d’infanterie : « Officier démissionnaire, établi à l’étranger, est accouru en France dès l’annonce des hostilités.

266. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [M. de Latena, Étude de l’homme.] » pp. 523-526

Après Montaigne et quand on eut vu son succès, il prit sans doute envie à plus d’un gentilhomme campagnard de jeter par écrit ses fantaisies sans beaucoup d’ordre, et de devenir auteur à ses moments perdus sans cesser de courir le lièvre. […] En obéissant à son goût naturel et réfléchi, M. de Latena cependant ne s’y est point laissé aller comme un simple amateur ; il n’a pas jeté au hasard et sans suite les remarques que lui suggérait l’étude de l’homme ou le spectacle de la société, et, sans enchaîner précisément toutes ses notes et ses aperçus dans une combinaison de chapitres se succédant avec méthode et transition, il a tenu à y établir un ordre général qui maintient la liaison des principales parties ; il a fait et voulu faire un ouvraget ; il a eu tout le respect du sujet qu’il traitait. […] Car, pour louer ensuite plus à mon aise M. de Latena, je veux en passant avouer une disposition de mon esprit qui est peut-être un faible, mais dont je ne puis faire tout à fait abstraction dans mes jugements : je suis (sans être Alcibiade) du goût de celui-ci, à qui Socrate disait : « Vous demandez toujours quelque chose de tout neuf ; vous n’aimez pas à entendre deux fois la même chose. » Je suis de ceux qui, dans cet ordre moral, pencheraient plus volontiers du côté du nouveau (si le nouveau est possible) que du trop connu ; en ce qui est de l’expression, le brillant du tour et la pointe (dans le sens des anciens) ne me déplaisent pas non plus autant qu’à d’autres.

267. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre II : Termes abstraits »

Comme il est presque impossible, en restant exact, d’analyser une analyse, nous n’essayerons pas de suivre l’auteur dans son examen des idées de ressemblance et différence, antécédent et conséquent, position dans l’espace, ordre dans le temps, quantité, qualité, etc. […] Espace est un mot compréhensif, renfermant toutes les positions ou la totalité de l’ordre synchronique. Temps est un mot compréhensif, renfermant toutes les successions ou la totalité de l’ordre successif.

268. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Conclusion »

Si les phénomènes sociologiques ne sont que des systèmes d’idées objectivées, les expliquer, c’est les repenser dans leur ordre logique et cette explication est à elle-même sa propre preuve ; tout au plus peut-il y avoir lieu de la confirmer par quelques exemples. […] Car elle n’a de raison d’être que si elle a pour matière un ordre de faits que n’étudient pas les autres sciences. […] Quand, comme condition d’initiation préalable, on demande aux gens de se défaire des concepts qu’ils ont l’habitude d’appliquer à un ordre de choses, pour repenser celles-ci à nouveaux frais, on ne peut s’attendre à recruter une nombreuse clientèle.

269. (1818) Essai sur les institutions sociales « Préface » pp. 5-12

Je ne connais rien du moins qui fasse mieux concevoir la succession inévitable de deux ordres de choses très divers qu’un ouvrage de la nature de celui-ci. […] J’avais eu soin (page 131) de disculper l’ancien ordre de choses : il ne faudrait pas pour cela vouloir le ressusciter. […] Le troisième entretien me rappelle, sur le repos du peuple, repos qui tient à sa confiance dans l’ordre fondé par la Charte, me rappelle, dis-je, la fin du premier volume.

270. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « Introduction »

La rentrée dans l’ordre de la réalité s’effectuait. […] La Renaissance a été le réveil de l’individu d’Occident, sa sortie de l’ordre médiéval par son adhésion à l’antiquité remise en honneur. […] Bien que pour l’immense majorité, la vie individuelle n’existe pas ou à peine, que la vie religieuse n’ait pas changé, et que la vie sociale ne soit encore qu’un espoir, il n’en est pas moins vrai qu’un esprit nouveau a déterminé l’évolution des cinq derniers siècles, ayant pour caractéristique première la rentrée de l’homme dans l’ordre naturel.

271. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — N. — article » pp. 405-406

On est sur-tout choqué d’y trouver un chaos perpétuel, qui n’est assujetti à aucune regle, pas même à l’ordre chronologique, pas même à l’ordre alphabétique.

272. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XX. Du dix-huitième siècle, jusqu’en 1789 » pp. 389-405

Rousseau, portant dans son sein une âme souffrante, que l’injustice, l’ingratitude, les stupides mépris des hommes indifférents et légers avaient longtemps déchirée ; Rousseau, fatigué de l’ordre social, pouvait recourir aux idées purement naturelles. […] L’écrivain qui ne cherche que dans l’immuable nature de l’homme, dans la pensée et le sentiment, ce qui doit éclairer les esprits de tous les siècles, est indépendant des événements ; ils ne changeront jamais rien à l’ordre des vérités que cet écrivain développe. […] Il n’a rien découvert, mais il a tout enflammé ; et le sentiment de l’égalité, qui produit bien plus d’orages que l’amour de la liberté, et qui fait naître des questions d’un tout autre ordre et des événements d’une plus terrible nature, le sentiment de l’égalité, dans sa grandeur comme dans sa petitesse, se peint à chaque ligne des écrits de Rousseau, et s’empare de l’homme tout entier par les vertus comme par les vices de sa nature. […] Des intérêts plus animés, des passions encore vivantes jugeront ce nouvel ordre de recherches ; mais je sens néanmoins que je puis analyser le présent avec autant d’impartialité que si le temps avait dévoré les années que nous parcourons.

273. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre IV »

Contre la sédition universelle, où est la force   Dans les cent cinquante mille hommes qui maintiennent l’ordre, les dispositions sont les mêmes que dans les vingt-six millions d’hommes qui le subissent, et les abus, la désaffection, toutes les causes qui dissolvent la nation dissolvent aussi l’armée. […] L’ouvrier tailleur est aigri contre le maître tailleur qui l’empêche d’aller en journée chez les bourgeois, les garçons perruquiers contre le maître perruquier qui ne leur permet pas de coiffer en ville, le pâtissier contre le boulanger qui l’empêche de cuire les pâtés des ménagères, le villageois fileur contre les filateurs de la ville qui voudraient briser son métier, les vignerons de campagne contre le bourgeois qui, dans un rayon de sept lieues, voudrait faire arracher leurs vignes792, le village contre le village voisin dont le dégrèvement l’a grevé, le paysan haut taxé contre le paysan taxé bas, la moitié de la paroisse contre ses collecteurs, qui à son détriment ont favorisé l’autre moitié. « La nation, disait tristement Turgot793, est une société composée de différents ordres mal unis, et d’un peuple dont les membres n’ont entre eux que très peu de liens, et où, par conséquent, personne n’est occupé que de son intérêt particulier. […] Il ne reste en lui pour le conduire que l’habitude moutonnière d’être conduit, d’attendre l’impulsion, de regarder du côté du centre ordinaire, vers Paris, d’où sont toujours venus les ordres. […] L’autre, qui suggère et dirige, enveloppe le tout dans les Droits de l’Homme et dans la circulaire de Siéyès. « Depuis deux mois, écrit un commandant du Midi797, les juges inférieurs, les avocats dont toutes les villes et campagnes fourmillent, en vue de se faire élire aux États Généraux, se sont mis après les gens du Tiers-état, sous prétexte de les soutenir et d’éclairer leur ignorance… Ils se sont efforcés de leur persuader qu’aux États Généraux ils seraient les maîtres à eux seuls de régler toutes les affaires du royaume, que le Tiers, en choisissant ses députés parmi les gens de robe, aurait le droit et la force de primer, d’abolir la noblesse, de détruire tous ses droits et privilèges, qu’elle ne serait plus héréditaire, que tous les citoyens, en la méritant, auraient le droit d’y prétendre ; que, si le peuple les députait, ils feraient accorder au Tiers-état tout ce qu’il voudrait, parce que les curés, gens du Tiers, étant convenus de se détacher du haut clergé et de s’unir à eux, la noblesse et le clergé, unis ensemble, ne feraient qu’une voix contre deux du Tiers… Si le Tiers avait choisi de sages bourgeois ou négociants, ils se seraient unis sans difficulté aux deux autres ordres.

274. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « G.-A. Lawrence »

Après avoir lu ce mâle début de Lawrence dans l’observation du cœur humain et de la vie des classes élevées en Angleterre, je suis convaincu que je tiens là — non pas entièrement venu, mais très apparent déjà, — un maître dans l’ordre du roman, et, s’il n’a pas la conscience de cela, il faut que la Critiqué la lui donne. […] Guy Livingstone est le frère du Giaour, de Lara, de Conrad le Corsaire, moins coupable sans doute que ces sombres figures de la Force blessée au cœur et qui continuent de vivre avec la fierté de la Force jusqu’au moment où, d’un dernier coup, Dieu les achève… C’est un héros de Lord Byron resté au logis (at home), dans son ordre social, qui a été très bon pour lui et qui lui a donné à peu près tout ce que l’ordre social peut donner : la naissance, la fortune, l’éducation, les relations, tout ce qui s’ajoute à la force individuelle dans un pays où l’ordre social est si bien fait qu’un homme s’y dira, avec la certitude qu’on n’a jamais ailleurs, dans les pêles-mêles que l’on prend pour les sociétés : « Je nais ici, et c’est là que je puis mourir. » Comme les héros de Lord Byron, Guy Livingstone est un de ces Puissants taillés pour l’Histoire, et qui les jours où l’Histoire se tait, — car il y a de ces jours-là dans la vie des peuples, — débordent de leur colosse inutile le cadre de la vie privée.

275. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVIII. M. Flourens »

Flourens n’avait qu’une seule importance, — s’il n’était qu’un savant d’un ordre supérieur, enfermé dans la carapace d’une grande spécialité, impénétrable à tout ce qui ne serait pas savant, sinon du même niveau que lui, au moins du même courant d’études, — nous ne nous hasarderions point à vous en parler… Nous laisserions aux livres purement scientifiques ou aux Mémoires de l’Académie, dont il est le secrétaire perpétuel, à vous entretenir de ses découvertes en anatomie et de ses travaux en physiologie et en histoire naturelle. […] C’est, comme on le voit, le dernier mot philosophique, prononcé dans un ordre d’idées qu’il forclôt, et contre lequel nulle objection ne peut désormais se relever. […] D’ailleurs, il faut bien en convenir, quelle que soit la doctrine dont il est question, ce n’est jamais par des arguments tirés d’un ordre d’idées déterminé, qu’on peut enfoncer et ruiner les arguments tirés d’un bon ordre d’idées contraires, et tout de même que le Spiritualisme ne peut mourir que sous des raisons spiritualistes, tout de même le Matérialisme ne peut périr et crouler que sous des raisons, tirées de lui-même : or l’honneur de M. 

276. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Marquis Eudes de M*** »

Du reste, ce n’est ni une question ni deux que ce livre de cinq cents pages secoue avec puissance, mais c’est tout un ordre de questions qui, résolues au sens de l’auteur, entraîneraient du coup la ruine de toutes les philosophies connues, éclaireraient l’Histoire d’un jour nouveau, et consommeraient enfin et définitivement cette fusion, maintenant entrevue par tous les penseurs un peu forts, de la Religion et de la Science. […] Ces forces sont de deux ordres opposés : celui du bien et celui du mal. Mais, comme les circonstances y obligent et qu’il faut, avant tout, se débarrasser du fardeau le plus pesant, ce premier mémoire sera consacré aux forces du dernier ordre. […] Nul livre dans la littérature contemporaine n’est, sur les phénomènes magnétiques à l’ordre du jour, plus renseigné que celui-là, et nul ne mérite d’être compté davantage aux yeux de ces sortes d’hommes, sans hardiesse et sans puissance logique, qui ne veulent jamais voir que les faits seuls dans toutes les questions.

277. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « G.-A. Lawrence » pp. 353-366

Lawrence dans l’observation du cœur humain et de la vie des classes élevées en Angleterre, je suis convaincu que je tiens là, — non pas entièrement venu, mais très-apparent déjà, — un maître dans l’ordre du roman, et, s’il n’a pas la conscience de cela, il faut que la Critique la lui donne. […] Guy Livingstone est le frère du Giaour, de Lara, de Conrad le Corsaire, moins coupable sans doute que ces sombres figures de la Force blessée au cœur et qui continuent de vivre avec la fierté de la Force jusqu’au moment où, d’un dernier coup, Dieu les achève… C’est un héros de lord Byron, resté au logis (at home), dans son ordre social, qui a été très-bon pour lui et qui lui a donné à peu près tout ce que l’ordre social peut donner : la naissance, la fortune, l’éducation, les relations, tout ce qui s’ajoute à la force individuelle dans un pays où l’ordre social est si bien fait, qu’un homme s’y dira, avec la certitude qu’on n’a jamais ailleurs dans les pêles-mêles que l’on prend pour les sociétés : Je nais ici, et c’est là que je puis mourir.

278. (1716) Réflexions sur la critique pp. 1-296

Ne semble-t-il pas qu’il falût se soumettre aveuglément aux ordres de ces dévins ? […] Tel est l’inconvénient ordinaire de l’érudition, et il n’y a que les esprits du prémier ordre qui puissent l’éviter. […] L’ordre n’est-il pas aussi positif que la promesse ? […] C’est de ces obstacles que je dis : enfin voilà pour nous l’ordre de Jupiter. […] La netteté consiste à choisir des objets aisez à imaginer et à ranger dans leur ordre, de sorte que le lecteur croye voir ce qu’on lui dit.

279. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome I

Elles ne sont jamais d’ordre purement intellectuel. […] C’est quand il est bon qu’il veut que la vertu corresponde à un ordre éternel. […] Au nom de quoi dire à un être humain : tu respecteras l’ordre public, si cet ordre n’est que cette figuration de brigandage masqué ? […] Il y a ainsi un ordre chimico-physique, un ordre biologique et un ordre psychique, pour prendre des exemples accessibles aux plus ignorants. […] À ces ordres différents doit correspondre une différence de procédés d’étude.

280. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal de Dangeau. tomes III, IV et V » pp. 316-332

Au moment où le corps de la Dauphine est exposé dans sa chambre, avant l’autopsie, il s’est commis une irrégularité dont le narrateur ne manque pas de nous avertir : « Mme la Dauphine a été à visage découvert jusqu’à ce qu’on l’ait ouverte, et on a fait une faute : c’est que pendant ce temps-là, les dames qui n’ont pas droit d’être assises devant elle pendant sa vie, n’ont pas laissé d’être assises devant son corps à visage découvert. » Les choses se passent plus correctement en ce qui est des évêques : « Il a été réglé, nous dit Dangeau, que les évêques qui viennent garder le corps de Mme la Dauphine auront des chaises à dos, parce qu’ils en eurent à la reine ; l’ordre avait été donné d’abord qu’ils n’eussent que des tabourets. » L’acte de l’adoration de la croix, le jour du vendredi saint, est avant tout, chez Dangeau, l’occasion d’une querelle de rang, d’un grave problème de préséance : « Ce matin, les ducs ont été à l’adoration de la croix après les princes du sang. […] Le roi prend lui-même connaissance de l’affaire et décide ; presque tout est jugé en faveur de Sainctot, qui a pour lui une longue possession : il restera indépendant de M. de Blainville, ne prendra point l’ordre de lui, marchera à sa gauche, mais sur la même ligne, etc […] Il paraît croire, d’ailleurs, que si Louvois n’était pas mort à propos ce jour-là, les ordres étaient donnés pour le conduire à la Bastille. […] Le roi y est pris de goutte ; ce qui ne l’empêche pas de tout voir, de donner ordre à tout. […] Racine se figure que le soleil n’a jamais éclairé un égal rassemblement de troupes ni un pareil ordre de bataille ; mais, en fait de revues, écoutez ceux qui en reviennent, la dernière est toujours la plus belle.

281. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 44-63

Je me trouvai de la Résistance ; j’aurais été tout aussi volontiers du Mouvement, et même plus volontiers. » Il méprisait en effet la bourgeoisie, tout en défendant l’ordre public ; il avait en pitié le pays légal tout en le servant. […] C’était le séjour le plus commode à une idée unique, à un culte de l’imagination ou du cœur, et j’en avais sous les yeux trois ou quatre existant ensemble, d’un ordre tout différent. […] Pourquoi, dans ce même Çà et Là (car je ne m’astreins pas à l’ordre chronologique), à propos d’une visite et d’un séjour en Alsace, courir sus aux Juifs en masse, aux Luthériens, aux Piétistes ou non Piétistes, aux humbles pasteurs de ces contrées : « On rencontre par la campagne, dit l’auteur, des charretées de personnages, hommes et femmes, vêtus de noir, avec un certain air d’honnêteté douceâtre et de santé blafarde. […] Mais je vais plus loin et je ne suis pas au bout : — Cet homme, — un autre homme encore, — est arrivé à admettre, à comprendre, à croire non-seulement la Création, non-seulement l’idée d’une Puissance et d’une Intelligence pure, distincte du monde, non-seulement l’incarnation de cette Intelligence ici-bas dans un homme divin, dans l’Homme-Dieu ; mais il admet encore la tradition telle qu’elle s’est établie depuis le Calvaire jusqu’aux derniers des Apôtres, jusqu’aux Pères et aux pontifes qui ont succédé ; il tient, sans en rien lâcher, tout le gros de la chaîne ; il est catholique enfin, mais il l’est comme l’étaient beaucoup de nos pères, avec certaines réserves de bon sens et de nationalité, en distinguant la politique et le temporel du spirituel, en ne passant pas à tout propos les monts pour aller à Rome prendre un mot d’ordre qui n’en peut venir, selon lui, que sous de certaines conditions régulières, moyennant de certaines garanties ; et ce catholique, qui n’est pas du tout un janséniste, qui n’est pas même nécessairement un gallican, qui se contente de ne pas donner dans des nouveautés hasardées, dans des congrégations de formation toute récente, dans des résurrections d’ordres qui lui paraissent compromettantes ; — ce catholique-là, parce qu’il ne l’est pas exactement comme vous et à votre mode, vous l’insulterez encore ! […] Certainement il faut des avocats de plume et de parole, des avocats éloquents (et on lui en connaît) au parti catholique pour les grandes questions à l’ordre du jour, ce n’est pas ce dont il s’agit ici.

282. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Contes de Perrault »

Il est excellent dans son ordre et d’un singulier à propos ; il vient heureusement en aide à ce sentiment de justesse et de perfection qui caractérise la belle heure de Louis XIV ; il en est le plus puissant organe, le plus direct et le plus accrédité en son genre ; il est, on peut le dire, conseiller d’État dans l’ordre poétique, tant il contribue efficacement et avec suite à la beauté solide et sensée du grand siècle. […] Là aussi, « dans cet ordre littéraire comme dans l’ordre religieux, a dit un pieux et savant Anglais44, un peu de foi et beaucoup d’humilité au point de départ sont souvent récompensés de la grâce et du don qui fait aimer, c’est-à-dire comprendre les belles choses. » Je n’irai pourtant pas jusqu’à dire, avec un autre critique de la même nation, « qu’il faut feindre le goût que l’on n’a pas jusqu’à ce que ce goût vienne, et que la fiction prolongée finit par devenir une réalité. » Ce serait donner de gaîté de cœur dans la superstition et l’idolâtrie. […] Les huit premiers Contes de Perrault, et qu’on peut appeler autant de petits chefs-d'œuvre, sont (je les donne dans leur ordre primitif qu’on a interverti, je ne sais pourquoi, dans les éditions modernes), la Belle au bois dormant, le Petit Chaperon rouge, la Barbe bleue, le Maître Chat ou le Chat botté, les Fées, Cendrillon ou la petite Pantoufle de verre, Riquet à la houppe, et le Petit-Poucet, couronnant le tout.

283. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Mélanges scientifiques et littéraires, (suite et fin.) »

Après la gloire de faire des découvertes dans cet ordre élevé et d’une sublimité sereine, il n’est rien de plus honorable que de se rendre compte directement de ces découvertes faites par les premiers génies, et de les pleinement comprendre. […] A ceux dont la pensée, subtile et ferme tout ensemble, saisit une fois et ne lâche plus ces séries et ces enchaînements de vérités immuables, un juste respect est dû. — Que s’ils joignaient à la possession de ces hautes vérités mathématiques le sentiment et la science de la nature vivante, la conception et l’étude de cet ordre animé, universel, de cette fermentation et de cette végétation créatrice et continue où fourmille et s’élabore la vie, et qui, tout près de nous et quand la loi des cieux au loin est connue, recèle encore tant de mystères, ils seraient des savants plus complets peut-être qu’il ne s’en est vu jusqu’ici, quelque chose, j’imagine, comme un Newton joint à un Jussieu, à un Cuvier, à un Gœthe tout à fait naturaliste et non plus seulement amateur, à un Geoffroy Saint-Hilaire plus débrouillé que le nôtre et plus éclairci. — Que s’ils y ajoutaient encore, avec l’instinct et l’intelligence des hautes origines historiques, du génie des races et des langues, le sentiment littéraire et poétique dans toute sa sève et sa première fleur, le goût et la connaissance directe des puissantes œuvres de l’imagination humaine primitive, la lecture d’Homère ou des grands poèmes indiens (je montre exprès toutes les cimes), que leur manquerait-il enfin ? […] Biot sur ce parfait isolement et cet aparté de la science, et je ne vois pas pourquoi, arrivés au sommet de leur ordre et à la plénitude de leur vie, les savants ne seraient point légitimement appelés et invités à concourir de leurs lumières à la chose publique, à résoudre tant de questions pratiques et utiles qui intéressent la bonne police des sociétés humaines, et sur lesquelles ils ont qualité, plus que personne, pour décider. […] Mais sur les temps anciens, sur la grande époque de sa jeunesse, sur les savants du premier ordre dont il avait gardé le culte, il était très intéressant à écouter. […] Biot qui venait de mourir : « C’était un savant du premier ordre, un chrétien des premiers temps, et l’un de mes amis les plus dévoués » On fait plus qu’entrevoir par là que le savant était resté en, relation avec le parti légitimiste, de même qu’il s’était mis en règle avec le parti religieux.

284. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

Bossuet, dans cet ordre de considérations morales, reprend les avantages et l’ascendant que son symbolisme sacré trop continu aurait pu lui faire perdre sur l’esprit de plus d’un lecteur. […] On n’a jamais mieux fait entendre depuis Pascal que c’est là une nouvelle conduite, un nouvel ordre moral qui commence. […] Si l’on ne voit pas, dit-il, « que tous les temps sont unis ensemble, que la tradition du peuple juif et celle du peuple chrétien ne font qu’une seule et même suite, que les Écritures des deux Testaments ne font qu’un même corps et un même livre » ; si on n’y découvre pas « un dessein éternel toujours soutenu et toujours suivi » ; si on n’y voit pas « un même ordre des conseils de Dieu qui prépare dès l’origine du monde ce qu’il achève à la fin des temps, et qui, sous divers états, mais avec une succession toujours constante, perpétue aux yeux de tout l’univers la sainte Société où il veut être servi, on mérite de ne rien voir et d’être livré à son propre endurcissement comme au plus juste et au plus rigoureux de tous les supplices. » A un moment l’orateur impatient, le prédicateur se lève : « Qu’attendons-nous donc à nous soumettre ? […] A l’entendre nous développer le secret de ce peuple-roi dans sa discipline, dans son ordre et sa tactique, dans son courage exempt du faux point d’honneur, comparer ensemble la phalange macédonienne et la légion romaine, puis pénétrer dans les conseils de son Sénat, dans cette conduite si forte au dehors, si ferme au dedans, Bossuet se montre historien philosophe, comme auparavant il était historien prophète. […] L’auteur conclut en revenant à son dessein principal et en rattachant cette troisième partie à la seconde par un rappel énergique des conseils divins et des ordres secrets de la Providence.

285. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand »

Membre lui-même du haut clergé, il faisait bon marché de son Ordre et donnait résolument la main au tiers état. […] M. de Talleyrand a longtemps nié être venu cette fois à Londres pour un autre motif que celui d’échapper aux périls qu’il courait en France : ce qui n’empêcha point qu’il ne reçût l’ordre de quitter l’Angleterre en janvier 1794, parce qu’on l’y considérait comme un hôte dangereux13. […] Maurice Talleyrand allant à Londres par nos ordres… Ainsi j’étais sorti de France parce que j’y étais autorisé, que j’avais reçu même de la confiance du gouvernement des ordres positifs pour ce départ. » Cependant, quarante ans après, dans son dernier séjour de Londres, et dans toute sa gloire d’ambassadeur, il se plaisait à raconter comment il aurait obtenu et presque escamoté ce passeport de Danton par une sorte de stratagème et en souriant d’une plaisanterie que ce personnage redouté venait de faire sur le compte d’un autre pétitionnaire. […] On finit par apprendre qu’ayant reçu des menaces de mort réitérées, M. de Talleyrand avait craint que le Clergé ne le fît assassiner ce jour-là, et qu’il avait écrit cette lettre, mais en donnant des ordres pour qu’elle ne fût remise que dans la soirée, ayant l’intention de la reprendre s’il vivait encore avant la fin du jour, ce que son trouble lui aura fait oublier. » (Mémorial de Gouverneur-Morris, tome I, p. 308.)

286. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XI. Quelques philosophes »

Ainsi l’univers, délivré tout à l’heure de la causalité, de l’ordre, du but, est pris maintenant dans la nécessité plus forte et sans soudure d’une continuité cyclique. […] Originalité d’ordre poétique bien plus que d’ordre philosophique. […] Il ne voit guère qu’une recommandation à faire à l’artiste : « Il faut obéir à son génie. » Et il dit à tous : « On n’agit décemment qu’en conformité avec sa propre nature ; les gens qui veulent agir ou ne pas agir d’après les ordres d’une morale extérieure à leur vérité personnelle finissent, Dieu aidant, dans les compromis les plus saugrenus. » Décidément cet homme ne respecte rien : morale extérieure, lois, science aux prétentions « législatives », il raille toutes les beautés rectilignes qui émeuvent les braves gens de la « règle » et du « droit chemin ». […] « Le style, dit largement Buffon, n’est que l’ordre et le mouvement qu’on met dans ses pensées. » L’écriture est chose plus petite, plus multiple, uniquement curieuse du détail.

287. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre troisième. L’idée-force du moi et son influence »

Chaque sensation, on s’en souvient, s’associe et s’agrège avec sa classe, son ordre et sa variété, grâce à l’irradiation des mouvements cérébraux dans les parties similaires qui produisent des impressions similaires. […] L’unité que nous mettons dans nos sensations, l’ordre que nous leur imposons, cette fameuse « fonction synthétique » de la pensée, c’est en grande partie une fonction « sociale », un effet de l’action et de la réaction mutuelles entre l’individu et tous les êtres plus ou moins semblables à lui-même avec lesquels la nécessité de vivre le met en constante relation. […] En même temps que les mouvements se coordonnent ainsi par les actions ou réactions mutuelles de la substance nerveuse et du milieu, la sensibilité devient moins diffuse et moins confuse : la vie, qui n’était d’abord qu’une sorte de bruit non musical, s’enfle en un son rythmé et distinct ; l’être sent plus clairement son plaisir d’être, parce qu’il y a augmentation d’intensité et d’ordre par la convergence des forces. […] La pensée continuera donc le mouvement vers l’unité commencée dans la sensibilité et l’appétit : pour se conserver et se développer, elle unifiera, elle aussi, elle réalisera, par une faim et une soif d’ordre supérieur, une intussusception, une assimilation, une nutrition interne. […] Vous verrez dès lors s’organiser dans le cerveau une disposition linéaire des sensations, émotions, appétitions, le tout rangé en ordre selon les similitudes : c’est l’avenue du temps, la grande route de la vie.

288. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVI. »

Lui-même, dans une ode admirable de l’ordre critique, si on peut parler ainsi, a dénombré tout ce qu’il avait pu lire de Pindare, trésor en grande partie disparu pour nous, les dithyrambes irréguliers du poëte, ses autres hymnes sacrés, ses élégies, et enfin ses chants pour les vainqueurs dans les quatre grands Jeux de la Grèce. […] Properce le remplaça ; et, dans l’ordre du temps, je vins en quatrième après eux. » Ailleurs enfin Ovide, plus malheureux et plus découragé que jamais, semble épuiser, dans une dernière élégie, la suite des grands poëtes dont il se félicite d’être le contemporain, Marsus, Rabirius, Macer, vingt autres encore. […] » Mais il faut quelque chose de plus grave aux oreilles romaines que cette mythologie pittoresque, et le poëte reprend alors : « Que dirai-je avant la louange tant répétée du Père souverain, qui régit les choses humaines et divines, l’Océan, la terre et le monde, dans l’ordre varié des saisons, immortel principe, d’où ne sort rien de plus grand que lui, et près de qui ne s’élève rien de semblable ou d’approchant. […] ce petit tableau d’impudence conjugale qu’il trace en quelques vers, cette femme qui se lève de table, à l’ordre du riche et du puissant, non sans la connivence du mari, rappellera trait pour trait une anecdote de la vie d’Auguste189, du pieux réformateur qu’Horace avait entrepris de célébrer. […] Horace, par l’ordre d’Auguste, va grandir cet exploit pour en faire un titre à la famille impériale : « Les barbares ont compris ce que pouvait une âme, fi une nature nourrie dans un fortuné sanctuaire, et le pouvoir du cœur paternel d’Auguste sur les jeunes Nérons.

289. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLVII » pp. 186-187

. ; mais, comme association, comme Ordre, ils n’ont eu que ce qu’ils méritent, car les meilleurs peuvent à l’instant devenir mauvais et funestes par leur loi d’obéissance : c’est toujours le bâton dans la main de l’aveugle. En France on a senti cela d’instinct ; tout ce qu’il y a eu de généreux, de sain et d’intègre s’est du premier jour révolté contre eux ; et comme Ordre, je ne sais qu’un éloge qu’on pourrait leur donner avec vérité : il faut les louer de toutes les vertus qu’ils ont suscitées et fomentées contre eux par leur présence. » Il nous semble qu’un tel jugement est acquis à l’histoire et subsistera, nonobstant tout ce que pourra réclamer d’adoucissements particuliers et d’égards l’apologie sincère écrite par un individu vertueux.

290. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

Ce n’est pas une comparaison que j’établis entre deux ordres profondément distincts et parfaitement inégaux, mais c’est un rapprochement qui rendra plus saillante ma pensée. […] Mais avec la marche des siècles, après les révolutions et les cycles laborieusement accomplis, les astres se rejoignent et redeviennent cléments ; l’harmonie, la suprême beauté se retrouve ; elle éclate, elle resplendit dans le monde des arts, dans cette Rome aimable et raphaélesque de Léon X : dans un ordre moins brillant, mais plus estimable peut-être, dans l’ordre moral et de la parole éloquente, de la poésie sincère et convaincue, elle reparaît en France sous le règne de Louis XIV. […] Rassurez-vous, messieurs, les grands hommes en tout genre, — et surtout, je le dirai, dans l’ordre de l’esprit, — ne sont jamais des fous et des barbares. […] Et, en cela, je suis averti d’être circonspect, quand je me rappelle combien les plus grands des esprits, les plus fermes et les plus hautes intelligences dans les différents ordres (Laplace, Lagrange, Napoléon), sont sobres d’éloges, mais aussi comme ils les font tomber juste sur la partie principale d’un mérite ou d’un talent ; et alors, il suffit d’un mot pour le marquer à jamais. […] Je m’oublie, messieurs ; nous aurons assez d’occasions d’appliquer ensemble et de vérifier dans une pratique assidue ces diverses observations que je vous présente ici sans trop d’ordre et de méthode, l’Art poétique de notre maître Horace nous ayant dès longtemps autorisés à cette manière de discourir librement des choses du goût.

291. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

Les bizarreries, inventées ou naturelles, étonnent un moment l’imagination ; mais la pensée ne se repose que dans l’ordre. […] Le hasard même a frappé leur figure de quelques désavantages repoussants ; ils se vengent sur l’ordre social de ce que la nature leur a refusé. […] La méditation profonde qu’exigent les combinaisons des sciences exactes, détourne les savants de s’intéresser aux événements de la vie ; et rien ne convient mieux aux monarques absolus, que des hommes si profondément occupés des lois physiques du monde, qu’ils en abandonnent l’ordre moral à qui voudra s’en saisir. […] J’adopte de toutes mes facultés cette croyance philosophique : un de ses principaux avantages, c’est d’inspirer un grand sentiment d’élévation ; et je le demande à tous les esprits d’un certain ordre, y a-t-il au monde une plus pure jouissance que l’élévation de l’âme ? […] J’entends par philosophie la connaissance générale des causes et des effets dans l’ordre moral ou dans la nature physique, l’indépendance de la raison, l’exercice de la pensée ; enfin, dans la littérature, les ouvrages qui tiennent à la réflexion ou à l’analyse, et qui ne sont pas uniquement le produit de l’imagination, du cœur, ou de l’esprit.

292. (1890) L’avenir de la science « XVIII »

Le problème est donc plus compliqué qu’on ne pense ; la solution ne peut être obtenue que par le balancement de deux ordres de considérations : d’une part, le but à atteindre ; de l’autre, l’état actuel, un terrain qu’on foule aux pieds. […] C’est renverser l’ordre public. […] La vérité en cet ordre de choses est savante et cachée. […] Les premiers qui abordent un nouvel ordre d’idées sont condamnés à être des charlatans de plus ou moins bonne foi. […] Je n’admets pas comme rigoureuse la preuve de l’immortalité tirée de la nécessité où serait la justice divine de réparer, dans une vie ultérieure, les injustices que l’ordre général de l’univers entraîne ici-bas.

293. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

La France était une grande société d’actionnaires formée par un spéculateur de premier ordre, la maison capétienne. […] Elle avait ce qu’elle voulait, l’ordre et la paix. […] Grâce à l’ordre, à la paix, aux traités de commerce, Napoléon III apprit à la France sa propre richesse. […] Ces deux ordres de questions se font en quelque sorte équilibre ; l’avènement des unes signale l’éclipse des autres. […] La colonisation en grand est une nécessité politique tout à fait de premier ordre.

294. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 36, des erreurs où tombent ceux qui jugent d’un poëme sur une traduction et sur les remarques des critiques » pp. 534-536

Supposons qu’après avoir fait méthodiquement le procès au plan, aux moeurs, aux caracteres et à la vraisemblance des évenemens, soit dans l’ordre naturel, soit dans l’ordre surnaturel, il apprétie ces deux poëmes, certainement il décidera en faveur de la Pucelle, qui se trouvera dans cette operation un poëme plus régulier et moins défectueux en son genre que le Cid ne l’est dans le sien.

295. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

Bourdaloue suppliait le chef de son ordre de lui permettre de se retirer du monde. […] La destruction de cet ordre a fait un mal irréparable à l’éducation et aux lettres ; on en convient aujourd’hui. […] Bientôt le premier ordre s’altère, et s’altère à la fois dans l’ordre politique et religieux. […] L’abbé L’enfant avait aussi appartenu à cet ordre, qui a tant donné de martyrs à l’Église. […] L’auteur pense que l’ordre et le repos sont les deux plus sûrs moyens d’arriver à ce but.

296. (1878) Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux. Tome I (2e éd.)

Il se passe en effet dans les tissus, dans les organes, des phénomènes vitaux d’ordre physico-chimique dont l’anatomie ne saurait rendre compte. […] Nous devons nous préoccuper seulement d’en fixer les caractères en les rangeant dans leur ordre naturel de subordination. […] Notre science devra tendre, comme but pratique, à fixer les conditions et les circonstances de ces deux ordres de phénomènes. […] Nous ne saurions concevoir aucun être vivant, aucune particule vivante même, sans le jeu de ces deux ordres de phénomènes. […] Il faut maintenant poursuivre cette division dans ses détails et étudier séparément les deux ordres de phénomènes vitaux qui s’y rapportent.

297. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre II : Règles relatives à l’observation des faits sociaux »

Il part de cette idée qu’il y a une évolution continue du genre humain qui consiste dans une réalisation toujours plus complète de la nature humaine et le problème qu’il traite est de retrouver l’ordre de cette évolution. […] Dans tout ordre de recherches, en effet, c’est seulement quand l’explication des faits est assez avancée qu’il est possible d’établir qu’ils ont un but et quel il est. […] Ils ne sont pas dus à je ne sais quelle anticipation transcendantale de la réalité, mais ils sont la résultante de toute sorte d’impressions et d’émotions accumulées sans ordre, au hasard des circonstances, sans interprétation méthodique. […] Mais, à moins que le principe de causalité ne soit un vain mot, quand des caractères déterminés se retrouvent identiquement et sans aucune exception dans tous les phénomènes d’un certain ordre, on peut être assuré qu’ils tiennent étroitement à la nature de ces derniers et qu’ils en sont solidaires. […] Quand, donc, le sociologue entreprend d’explorer un ordre quelconque de faits sociaux, il doit s’efforcer de les considérer par un côté où ils se présentent isolés de leurs manifestations individuelles.

298. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De l’état de la France sous Louis XV (1757-1758). » pp. 23-43

Dans cette absence d’ordre et de direction supérieure, le duc de Richelieu avait voulu revenir à Paris comme s’il n’y avait eu rien à faire en Hanovre (janvier 1758) ; tous les généraux demandaient à revenir de même : « Ce sont les Petites-Maisons ouvertes. » Le comte de Clermont, prince du sang, envoyé pour commander en chef, fit faute sur faute ; il commença par une retraite précipitée, d’une longueur exagérée, et semblable à une déroute. Il semblait que ce descendant du Grand Condé n’eût rien eu de plus pressé que de mettre la panique à l’ordre du jour. […] Dieu seul peut y mettre ordre. » À Paris, l’exaspération du public était arrivée à son comble dans cet été de 1758, et ce déchaînement dura jusqu’à ce que quelques succès de M. de Broglie, l’année suivante, vinssent rompre l’uniformité des revers : On me menace par des lettres anonymes, écrivait Bernis, d’être bientôt déchiré par le peuple, et, quoique je ne craigne guère de pareilles menaces, il est certain que les malheurs prochains qu’on peut prévoir pourraient aisément les réaliser. […] Louis XV coupa court à la difficulté par un ordre que Bernis reçut le 13 décembre et qui l’exilait dans son abbaye près de Soissons : une lettre de lui au roi écrite au reçu de l’ordre, et une autre lettre écrite dans la soirée de la même journée à Mme de Pompadour, n’expriment que des sentiments de soumission parfaite et de reconnaissance infinie pour le passé, sans un seul mouvement de plainte. […] Et en même temps on sort de cette lecture plus disposé à rendre justice à M. de Choiseul qui, d’une situation si compromise et si perdue en réalité, sut tirer des résultats assez spécieux, assez brillants, pour jeter un voile sur la décadence et pour relever la nation à ses propres yeux, en attendant qu’elle se régénérât décidément à travers les orages et qu’elle entrât, désormais vaillante et rajeunie (mais toujours selon l’esprit des chefs qui la guident), dans l’ordre de ses destinées nouvelles.

299. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre V. Des ouvrages d’imagination » pp. 480-512

Voltaire est de tous les écrivains celui dont les ouvrages servent le mieux à démontrer combien un ordre politique raisonnable ôterait de ressources à la plaisanterie. […] Toutes les plaisanteries qui portent sur les institutions civiles et politiques contraires à la raison naturelle, perdent leur effet dès qu’elles atteignent leur but, la réformation de l’ordre social. […] Rien n’aurait donc paru plus singulier que de chercher à rendre ridicule un ordre politique entièrement dépendant de la volonté générale. […] Il existe sans doute, dans les ouvrages d’esprit, un autre genre de gaieté que celle qui tient presque uniquement à des plaisanteries sur l’ordre social ou sur la destinée humaine ; c’est l’observation juste et fine des passions et des caractères. […] L’ordre social qui, chez les anciens, créait des esclaves, creusait encore plus avant l’abîme de la misère, élevait encore plus haut la fortune, et donnait à la destinée humaine des proportions vraiment théâtrales.

300. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre I. La littérature sous Henri IV »

Caractères généraux de cette période : restauration monarchique et catholique ; ordre et tolérance ; rationalisme et éloquence ; détermination des objets littéraires ; stoïcisme chrétien ; sincérité et naturel. […] On n’a qu’un très petit nombre de ses sermons : c’en est assez, avec ses Entretiens spirituels qu’on a recueillis, pour nous faire juger cette éloquence solide et insinuante, qui semble une causerie aisée, soudaine, enlevée jusqu’au pathétique par une émotion intérieure : c’est parfois un commentaire chaleureux de quelque texte sacré, parfois une libre instruction sans ordre apparent, ou divisée sans subtilité. […] Un grand besoin d’ordre et de paix s’est à la longue éveillé, surtout dans le peuple et dans la bourgeoisie : on se réfugie dans la monarchie absolue, à qui l’on demande le salut de l’État et la protection des intérêts privés. […] Un esprit sérieux, pratique, sensé, bourgeois, a pris possession de la littérature, et, comme dans l’ordre politique et religieux, il ne rêve plus de subversions ni de reconstructions totales. […] On sait l’amitié qui l’unit à Mme de Chantai, fondatrice de l’ordre de la Visitation, et à l’évêque de Belley, Camus.

301. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Monsieur de Bonald, (Article Bonald, dans Les Prophètes du passé, par M. Barbey d’Aurevilly, 1851.) » pp. 427-449

Le livre de Bonald, introduit en France et expédié de Constance à Paris, fut en grande partie saisi et mis au pilon par ordre du gouvernement : il n’eut donc pas d’effet et fut alors comme non avenu53. […] À côté des pages denses et serrées de M. de Bonald, j’ai lu quelques pages de Bossuet, dans le même ordre d’idées absolues : La Politique tirée de l’Écriture. […] Il sentait plus que personne la portée politique et publique d’une question où quelques-uns ne voyaient qu’un règlement de l’ordre privé et qu’une facilité domestique. […] Ainsi, dans la société, M. de Bonald croit à un ordre particulier, aussi naturel et aussi nécessaire que l’ordre général de l’univers : il marche donc dans sa voie, tranquillement, fermement, sous l’œil de Dieu et de ceux qu’il a préposés, comme au temps de Moïse et du Décalogue, comme au temps de Grégoire VII et  III, comme au temps de saint Louis. […] Le nom et le personnage de M. de Bonald sont une de ces représentations les plus justes et les plus fidèles qu’on puisse trouver de l’ordre monarchique et religieux pris au sens le plus absolu ; il a été l’un des derniers sur la brèche et n’a pas cédé une ligne de terrain en théorie.

302. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — I. » pp. 471-493

Mallet du Pan, dans son ordre de prévision et de perspicacité, n’appartient en rien à cette école ni à cette nature de Joseph de Maistre, avec lequel il ne s’est rencontré qu’un instant : c’est un appréciateur tout positif et moins sublime, ne faisant intervenir dans les choses humaines aucun autre élément que ceux qui se prêtent à l’observation, nullement prophète ni voyant : ce n’est qu’un esprit ferme et sensé, très clairvoyant et très prévoyant. […] Cependant, il entre dans les annales du temps de conserver avec les résolutions les motifs qui les ont déterminées, et le combat d’opinions au milieu duquel elles ont flotté… Les faits seuls racontés exactement, placés avec ordre, dégagés des longueurs inséparables de l’éloquence parlée, voilà ce que l’histoire consultera un jour, ce qu’attend le public et ce que nous lui devons. […] Romilly sur la résignation et sur l’immortalité de l’âme, de le voir prendre généreusement, et par un sentiment de pure équité, la défense du clergé catholique en parlant des séances où, à l’occasion du serment civique, cet ordre opprimé eut à subir de véritables avanies : La postérité comprendra facilement, dit-il, l’expropriation du clergé, la réduction de ses revenus, l’abolition de ses privilèges, les changements opérés dans sa discipline ; les esprits se partageront, dans cinquante ans comme aujourd’hui, sur la nécessité de cette réforme ; mais ce qu’on n’envisagera qu’avec un tremblement d’indignation, c’est l’impitoyable acharnement qui persécute les membres de cet ordre infortuné. […] — « Il est de l’essence de la démocratie, pense-t-il encore, d’aller toucher le pôle tant qu’aucun obstacle ne l’arrête. » Analysant avec une force de dissection effrayante les idées fausses, vagues, les sophismes de divers genres qui ont filtré dans toutes les têtes au milieu d’une nation amollie et de caractères déformés par l’épicuréisme, Mallet du Pan montre comment on n’a jamais opposé au mal que des moyens impuissants et des espérances dont se berçait la présomption ou la paresse : « Cependant on s’endormait sur des adages et des brochures : Le désordre amène l’ordre, disaient de profonds raisonneurs ; l’anarchie recomposera le despotisme. — La démocratie meurt d’elle-même ; la nation est affectionnée à ses rois. » C’est surtout aux émigrés, on le sent, qu’il parle ainsi ; et, tandis que les partis se nourrissaient de leurs illusions et de leurs rêves, les Jacobins seuls marchaient constamment au but : « Les Jacobins seuls formaient une faction, les autres partis n’étaient que des cabales. » Et il montre en quoi consiste cette faction, son organisation intérieure, son affiliation par toute la France, ses moyens prompts, redoutables, agissant à la fois sur toutes les mauvaises passions du cœur humain. […] Des conseils de cet ordre, en effet, n’ont chance de réussir que quand ils rencontrent à la tête des États des hommes qui sont de force à s’en passer et à se les donner eux-mêmes.

303. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Notice historique sur M. Raynouard, par M. Walckenaer. » pp. 1-22

Rien n’est moins convaincant que toute cette plaidoirie de l’auteur en faveur des Templiers : il veut tout rejeter sur les accusateurs, sur l’esprit d’un siècle ignorant, et il ne nous peint en rien ni ce siècle même, ni cet ordre orgueilleux et scandaleux, qui devait en tenir par plus d’une grossièreté et d’un abus ; il n’aborde en rien la réalité des accusations, il s’en prend toujours à la manière injuste, illégale et cruelle dont on s’est servi pour arracher aux membres certains aveux. […] Il n’avait, au lieu de cela, qu’à dire, ce qui est très vrai, que le grand maître avait eu la faiblesse de faire des aveux, soit par crainte, soit par l’espoir de sauver son ordre, et nous le représenter ensuite rendu au sentiment de l’honneur, par un retour heureux de courage et de vertu, et rétractant ses premiers aveux à l’aspect même du bûcher qui l’attend. […] Quand il composera des ouvrages en prose, tels que son Histoire du droit municipal en France (1829), il ne fera guère autre chose que de mettre en ordre et de classer chronologiquement les notes recueillies dans ses recherches, que de vider ses sacs et de ranger ses matériaux par chapitres avec aussi peu de lien que possible. […] À peine si on peut en saisir quelque indice, quelque vestige imprévu qui se glisse dans des écrits d’un autre ordre, et qui est ainsi arrivé par hasard jusqu’à nous. […] Raynouard ; mais, tout en suivant et caressant cet enfant gâté, l’érudit laborieux et sagace déchiffrait des manuscrits, recueillait d’anciens textes, retrouvait des poésies charmantes ; il trouvait même, sans trop le dire, ou du moins en ne le disant qu’incidemment, des grammaires en vieux langage où étaient indiquées avec précision les règles de l’ancienne langue des troubadours : il s’en prévalait adroitement pour dénoncer ces règles, pour les découvrir, pour remettre l’ordre et la régularité là où, au premier coup d’œil, on aurait été tenté de ne voir que hasard et confusionb.

304. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

Quand celui-ci est arraché à l’armée des Alpes et se voit à regret nommé au commandement de l’artillerie dans l’armée de l’Ouest, il emmène avec lui Junot et Marmont : « Quoique je ne fusse retenu auprès de lui qu’extraordinairement sur sa demande, dit Marmont, il me proposa de le suivre, et je me décidai à l’accompagner sans autre ordre que le sien. » En passant par la Bourgogne, Bonaparte s’arrête dans la famille de Marmont. […] Dans l’expédition d’Égypte, à Malte, au passage, il est le premier à se signaler ; il repousse la sortie des assiégés, s’empare du drapeau des chevaliers de l’Ordre. […] Ayant écrit pour l’un de ses ouvrages, et peut-être pour ses Mémoires, quelques pages où il se ressouvenait, avec une sorte de complaisance, de l’influence salutaire qu’il avait exercée sur les troupes soumises à ses ordres, soit en 1804 dans ce commandement de l’armée gallo-batave, soit en 1805 à l’armée de Dalmatie, soit en 1811 à l’armée de Portugal, et bien qu’il terminât sa récapitulation par ces seuls mots : « L’ensemble de ces souvenirs fait la consolation de ma vieillesse », il craignit d’en avoir trop dit, il raya les pages, et j’ai sous les yeux les feuillets condamnés avec ces mots en marge de sa main : « Je me décide à supprimer ce dernier paragraphe, qui avait été inspiré par un mouvement d’amour-propre 1. » Dans la campagne d’Austerlitz, Marmont, après avoir contribué à la prise d’Ulm, reçut ordre de se mettre à la tête des troupes occupant la Dalmatie ; elles étaient composées de ce qu’avait de moins bon l’armée d’Italie, il les organisa, les exerça, les anima de son zèle. […] Au même moment, un général Maucune, « homme de peu de capacité, mais très brave soldat », qui ne pouvait se contenir en présence de l’ennemi, descendit sans ordre d’un plateau où il était posté, et qui, bien occupé, devait être inexpugnable : Je m’en aperçus, dit le maréchal, et lui envoyai l’ordre d’y remonter.

305. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — II. (Fin.) » pp. 350-370

Necker avait compris quelque chose de l’immense danger social qui était prêt à sortir de toutes les doctrines irréligieuses du xviiie  siècle, et il venait montrer les avantages publics de la religion, l’appui efficace, l’achèvement qu’elle seule apporte à l’ordre général, en même temps qu’il parlait avec persuasion du bonheur intime et de la consolation intérieure qu’elle procure à chacun. […] Necker dans son ouvrage, c’est de faire voir ce qui peut, dans l’ordre actuel de la société, réconcilier le pauvre avec le riche ; le prolétaire avec le propriétaire, celui qui vit de son salaire de chaque jour avec « les dispensateurs des subsistances ». […] Necker dans cet ordre d’idées et de méditations religieuses. […] Il dira encore : Je souhaiterais que les hommes d’un esprit étendu, et qui découvrent mieux que personne comment tout se tient dans l’ordre moral, n’attaquassent jamais qu’avec prudence, et dans un temps opportun, tout ce qui communique de quelque manière avec les opinions les plus essentielles au bonheur. […] de laisser aux ordres le temps de s’irriter dans des discussions préliminaires qu’on eût pu trancher ?

306. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre VI. Des Livres qui traitent de la Rhétorique. » pp. 294-329

On trouve dans sa Rhétorique de l’ordre, de l’exactitude & une grande suite de principes & de raisonnemens bien liés. […] Non pour offrir aux yeux une parade vaine ; Mais placés avec ordre on les trouve sans peine. […] “Il peint, dit l’Ecrivain déjà cité, agréablement ses pensées ; son style est vif & élégant ; mais il y a peu d’ordre dans son traité ; ses fréquentes contradictions sont de la peine à des lecteurs attentifs ; elles se dérobent à la plûpart des lecteurs entraînés par les agrémens du style. […] A l’égard de l’ordre & de la méthode, la Rhétorique de M. […] Ce ne sont guéres que des pensées détachées, venues les unes après les autres en différens tems, rangées à peu-près dans l’ordre où elles me sont venues, & dès-lors peut-être assez mal arrangées.

307. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre v »

Ils l’accueillirent avec enthousiasme, comme un bouclier, et, dit le Peuple juif, « pas un commerçant juif des quartiers juifs ne s’abstint d’en apposer un exemplaire à sa devanture, bien en évidence… Dès le lendemain, une foule énorme se pressait dans les salles de l’Université populaire juive… Chacun voulait être inscrit au plus tôt et être en possession de la carte attestant son engagement ; carte magique qui rompait les files d’agents dans les services d’ordre et apaisait le courroux des concierges et des voisines trop zélées. » (Le Peuple juif, octobre 1916.)‌ […] Parti simple soldat, Amédée Rothstein fut promu sous-lieutenant, puis cité à l’ordre de l’armée pour avoir « montré une fougue et un sang-froid remarquables, qui ont fait l’admiration des officiers d’infanterie et de ses hommes », enfin nommé chevalier de la Légion d’honneur pour «  s’être particulièrement distingué le 25 septembre 1916 en sortant le premier des tranchées et en entraînant vigoureusement ses hommes, ce qui a contribué à donner un élan superbe à la première vague d’assaut ».‌ […] Au fond des tranchées, en première ligne, il note que les seuls événements de son histoire « ce sont les changements de l’ordre naturel, la tombée de la nuit, la naissance du jour, un ciel couvert ou étoilé, la chaleur ou la fraîcheur de l’air. […] Tombé au champ d’honneur, dans cette Argonne où, durant six mois, il avait inlassablement écouté dialoguer ses pensées, il est porté à l’ordre de la 18e brigade d’infanterie et pleuré, nous dit un sergent, par les hommes de sa compagnie.‌ […] » Au moment de l’attaque même, le devoir vous impose suffisamment de travail pour que l’on ne puisse penser qu’aux ordres reçus et aux moyens de les exécuter pour le mieux.

308. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — I »

« Quelques écrivains du premier ordre, Montesquieu lui-même, se sont délassés de leurs profondes recherches sur l’origine des gouvernements, et de leurs abstractions  philosophiques, par des contes impudiques, propres à enflammer les passions. » Serait-ce le piquant badinage des Lettres persanes ! […] Sir Walter Scott, avons-nous dit, prononce la clôture de la Révolution à la mort de Robespierre ; mais il ne tient pas à lui qu’elle n’ait été terminée plus tôt, et les projets de répression qu’il expose à ce sujet n’eussent pas manqué, si on les avait suivis, de tout rétablir dans l’ordre dès la journée du 14 juillet, qu’il appelle par inadvertance le 12 juillet. […] Et d’abord, le jour de la première séance, il nous montre « tous les yeux fixés sur les représentants du tiers état, vêtus  d’un habit modeste, conformes à leur humble naissance et à leurs occupations habituelles. » Il nous apprend que, parmi ces représentants, si modestement vêtus, se trouvaient beaucoup de gens de lettres « qu’on a y avait appelés, parce qu’on les savait partisans de  systèmes, la plupart incompatibles avec l’état présent  des choses ; que, dans le principe, ces gens de lettres avaient été tenus à l’écart par les avocats et les  financiers, leurs collègues ; mais qu’à la fin ils avaient  repris le dessus et s’étaient faits républicains décidés » ; — que pourtant ces républicains décidés, lesquels étaient« d’un ordre plus élevé et de sentiments plus honorables » — que les jacobins de club, avaient surnommé ceux-ci « les enragés » ; — que néanmoins il y avait dans l’Assemblée de furieux démagogues, désignés sous le nom de Montagne ; et que, « quand les jacobins de la Montagne s’efforçaient d’interrompre Mirabeau par leurs rugissements, celui ci s’écriait d’une voix de tonnerre : Silence aux trente voix ! et qu’à cet ordre le volcan rentrait dans le repos, etc., etc.

309. (1895) Histoire de la littérature française « Avant-propos »

Cependant j’espère, dans cette partie de mon travail comme dans les autres, n’avoir rien aimé ou blâmé que pour des raisons d’ordre littéraire. […] Je n’ai pas voulu faire l’Histoire de la civilisation, ni l’Histoire des idées ; et j’ai laissé de côté des écrits qui pour l’un ou l’autre de ces sujets seraient de premier ordre. […] Dans l’observation de l’ordre chronologique, j’ai cherché le moyen d’éviter ces chapitres-tiroirs où l’on déverse tout le résidu d’un siècle, ces défilés de noms, d’œuvres et de talents incompatibles auxquels on est ordinairement condamné, lorsqu’on a étudié les genres fixes et définis. […] Je me suis arrêté longuement aux grands noms ; j’ai plutôt diminué qu’accru le nombre des écrivains de second ou troisième ordre.

310. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre II. Le lyrisme bourgeois »

Malgré cette pièce et d’autres de même ordre, on pourrait désigner toute cette poésie d’origine bourgeoise sous un nom qui, en la distinguant de la poésie lyrique, marquerait bien le rapport qui les unit l’une à l’autre : on pourrait l’appeler poésie personnelle. […] Il n’est pas ami des moines et des nonnes, et il faut l’entendre dénombrer, avec une indignation qui s’échappe en mordantes épigrammes, tous les ordres que la protection royale a installés dans la bonne ville de Paris, dotés de privilèges et de riches revenus : Barrés, Béguines, Frères du sac, Quinze-Vingts, Filles-Dieu, la Trinité, le Val des Écoliers, Chartreux, Frères prêcheurs, Frères mineurs, Frères Guillemins, moines blancs, moines noirs, chaussés et deschanx, avec ou sans chemise, dont les uns assiègent les mourants, pour leur arracher des testaments, et les autres s’en vont criant par les rues : Donnez, pour Dieu, du pain aux frères ! […] Cette affaire mettait en jeu toutes les passions du poète : l’Université et son champion Guillaume de Saint-Amour luttaient désespérément pour interdire aux religieux des ordres mendiants, aux dominicains surtout, l’accès des chaires publiques, et pour défendre les maîtres séculiers d’une concurrence redoutable. C’est la querelle qui se renouvellera au xvie  siècle, quand un nouvel ordre paraîtra, celui des jésuites ; c’est l’éternelle querelle de l’enseignement : tout ce qui ne profite pas du monopole réclame la liberté.

311. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre IV. La folie et les lésions du cerveau »

Je ne vois là qu’une liaison tout empirique entre deux ordres de faits hétérogènes, mais rien qui ressemble à une explication. […] Dans l’état normal, ce même fait se reproduit souvent : nous sentons notre esprit traversé par des idées fortuites, accidentelles, qui rompent la suite de nos conceptions ; mais nous avons la force de les écarter pour suivre un certain ordre d’idées, ou, si nous nous y livrons, c’est avec conscience, et sans prendre des rapports tout subjectifs pour des rapports réels. […] Qui pourrait nier alors que le trouble initial ne soit dans l’ordre moral ? […] C’est ainsi que dans l’état normal même nous employons, pour exciter la pensée, tantôt des moyens physiques, tantôt des moyens moraux, l’espoir d’une récompense ou une tasse de café ; mais le trouble de l’esprit est un phénomène du même ordre que l’excitation de l’esprit, et il peut être produit par les mêmes causes.

312. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXI. Philosophie positive »

Comte le philosophe escamote littéralement, dans son système de philosophie positive, qui n’est que le vide positif, — d’abord Dieu et tout l’ordre surnaturel ; ensuite la métaphysique tout entière et le monde d’abstractions et d’explications qu’elle traîne à sa suite ; enfin, les causes finales et les causes premières ! […] Est-ce la division du pouvoir en pouvoir spirituel et pouvoir temporel, qu’il dit d’ordre majeur, la grande affaire, et que le Moyen Âge a léguée au monde moderne ? […] Est-ce l’idée que le gouvernement actuel doit abandonner le rétablissement de l’ordre intellectuel à la libre concurrence des penseurs indépendants, ce qui prouve, par parenthèse, qu’il n’y a rien de plus près d’un imbécile qu’un sectaire ?… Est-ce même sa définition du progrès, qui a besoin d’une autre définition pour qu’on l’entende, et qu’il appelle l’ordre continu ?

313. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Lacordaire. Conférences de Notre-Dame de Paris » pp. 313-328

Lacordaire, un homme de son ordre, ce Savonarole qui, en secouant son crucifix au-dessus de sa tête, secouait les passions de Florence comme une torche qu’on veut allumer, a laissé à la postérité distraite un volume de sermons politiques dont la lettre est à peu près morte, et un volume de sermons, purement catholiques, qui vivront toujours, comme le cœur de l’homme et la doctrine de vérité qui s’applique à ce cœur immortel : Immortale jecur ! […] Mais, dans l’ordre des vertus moins héroïques, il faut en convenir, l’enseignement cruel du monde donne aux prêtres une sûreté et une profondeur de regard que l’âme ne peut plus éviter. […] Cela serait-il vrai dans l’ordre de l’intelligence, comme dans l’ordre purement moral ?

314. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XV »

Faguet pour un critique de premier ordre. […] En principe, il a raison, et il est parfaitement entendu qu’à tout écrivain de moyen ordre, c’est-à-dire à quatre-vingt-dix-neuf sur cent, c’est-à-dire à quasi nous tous, je donnerai très exactement le même conseil. »‌ Je pourrais m’arrêter là. […] En principe, il a raison et il est parfaitement entendu qu’à tout écrivain de moyen ordre, c’est-à-dire à quatre-vingt-dix-neuf sur cent, c’est-à-dire à quasi nous tous, je donnerai très exactement le même conseil. » Nous voilà donc d’accord, et ceci est bien la conclusion, non seulement de M. 

315. (1903) La pensée et le mouvant

Celles-là sont d’ordre métaphysique. […] Le langage transmet des ordres ou des avertissements. […] Le désordre est simplement l’ordre que nous ne cherchons pas. […] Tout désordre comprend ainsi deux choses : en dehors de nous, un ordre ; en nous, la représentation d’un ordre différent qui est seul à nous intéresser. […] Ce qui revient à dire que la conception d’un ordre venant se surajouter à une « absence d’ordre » implique une absurdité, et que le problème s’évanouit.

316. (1894) Propos de littérature « Appendice » pp. 141-143

Vielé-Griffin M. de Régnier Invention Talent Instinct, spontanéité Sens de l’équilibre Poète Artiste Naïveté (Artificialité) Fluidité Rigidité Inconsistance Fermeté plastique Variété Homotonie Mouvement Stabilité Manière Impersonnalité (Flaubert) Un style Le style Subjectivité Objectivité (Temps) (Espace) Et encore cette petite table d’analogies : MUSIQUE PLASTIQUE Rythme (mouvement) Harmonie (son) Forme (lignes) Lumière Les rythmes Mesures Timbres L’harmonie Geste (trait) Attitude Coloris Valeurss TEMPS ESPACE On remarque que chaque ordre dans la musique correspond à l’ordre de même rang et de même position dans la plastique ; ainsi Rythme à forme, Harmonie à lumière, valeurs à harmonie, rythmes libres à gestes, etc.

317. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 266-268

Ce travail ne lui fait honneur, que parce qu’il fut entrepris par ordre du Roi & pour l’usage de M. le Dauphin. Les ordres des Princes peuvent inspirer du zele, mais ne donnent pas les talens.

318. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 219-221

C’est pourquoi on peut lui reprocher d’avoir plutôt raisonné d’après l’ordre à établir, que sur l’ordre établi.

319. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome II

C’était l’ordre véritable succédant aux tumultes de 89, de 93, du Directoire et à la réorganisation artificielle de l’Empire. […] Le tsar Alexandre pensait tour à tour pour rétablir l’ordre en France à Bernadotte ou à une République constitutionnelle. […] C’était dans le monde, à la table hospitalière d’une grande dame qui aimait à réunir des notoriétés de tout ordre. […] La principale était d’un ordre plus élevé encore et qui intéressait le fond le plus intime de sa personne. […] Cet ordre était un résultat, le legs d’un passé dont vous avez devant vous un des ouvriers.

320. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

. — Ainsi, dans tout l’ordre social et moral, le passé justifie le présent ; l’antiquité sert de titre, et si, au-dessous de toutes ces assises consolidées par l’âge, on cherche dans les profondeurs souterraines le dernier roc primordial, on le trouve dans la volonté divine. — Pendant tout le dix-septième siècle, cette théorie subsiste encore au fond de toutes les âmes sous forme d’habitude fixe et de respect inné ; on ne la soumet pas à l’examen. […] À quoi bon, dans un État uni et unique, tous ces compartiments féodaux qui séparent les ordres, les corporations, les provinces ? […] je puis observer, connaître les êtres et leurs rapports ; je puis sentir ce qu’est ordre, beauté, vertu ; je puis contempler l’univers, m’élever à la main qui le gouverne ; je puis aimer le bien, le faire, et je me comparerais aux bêtes !  […] instinct divin, immortelle et céleste voix, guide assuré d’un être ignorant et borné, mais intelligent et libre, juge infaillible du bien et du mal qui rends l’homme semblable à Dieu, c’est toi qui fais l’excellence de sa nature. » — À côté de l’amour-propre, par lequel nous subordonnons le tout à nous-mêmes, il y a l’amour de l’ordre, par lequel nous nous subordonnons au tout. […] Ainsi nous devrons tout à son autorité salutaire, la fondation de l’ordre nouveau comme la destruction de l’ordre ancien.

321. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre II. Le public en France. »

L’impiété leur semble une indiscrétion ; ils considèrent la religion comme le ciment de l’ordre public. […] — Anciens ressentiments et mécontentements nouveaux contre l’ordre établi […] Que de gênes dans l’ordre établi, et même dans tout ordre établi   En premier lieu, la religion. […] Monsieur et M. le comte d’Artois viennent de voyager dans nos provinces, mais comme ces gens-là voyagent, avec une dépense affreuse et la dévastation sur tout leur passage, n’en rapportant d’ailleurs qu’une graisse surprenante : Monsieur est devenu gros comme un tonneau ; pour M. le comte d’Artois, il y met bon ordre par la vie qu’il mène. » — Un souffle d’humanité en même temps que de liberté a pénétré dans les cœurs féminins. […] Je suis chargé de vous offrir de vous réunir à nous pour ne faire qu’un seul cahier. » — « Il faut trois qualités à un député, dit le marquis de Barbançon au nom de la noblesse de Châteauroux : probité, fermeté, connaissances ; les deux premières se trouvent également dans les députés des trois ordres ; mais les connaissances se rencontreront plus généralement dans le Tiers-état, dont l’esprit est exercé aux affaires. » — « Un nouvel ordre de choses se déploie à nos yeux, dit l’abbé Legrand au nom du clergé de Châteauroux ; le voile du préjugé est déchiré, la raison en a pris la place.

322. (1920) Action, n° 3, avril 1920, Extraits

Procédons par ordre. […] L’abus des jouissances de tous ordres aboutit à des recherches artificielles sensorielles et à des excitations du système nerveux, alcool, stupéfiants. […] Le désordre des conventions d’ordre pratique humaines ne témoigne donc nullement d’une manifestation instinctive. […] Enfin, comme aujourd’hui le problème d’ordre social se pose pour l’ensemble du monde, le problème d’ordre spirituel s’ouvre aussi pour ce total et c’est un afflux dans le piège dadaïste de tous les désemparés de la terre. […] En Allemagne, les gros intellectuels firent en bloc un manifeste historique dont la sottise fut inégalée de ce côté où ils agirent en ordre dispersé.

323. (1763) Salon de 1763 « [À mon ami Monsieur Grimm. » pp. 171-182

Bénie soit à jamais la mémoire de celui qui en instituant cette exposition publique de tableaux, excita l’émulation entre les artistes, prépara à tous les ordres de la société, et surtout aux hommes de goût, un exercice utile et une récréation douce ; recula parmi nous la décadence de la peinture de plus de cent ans peut-être, et rendit la nation plus instruite et plus difficile en ce genre. […] Peut-être y aurait-il quelque ordre sous lequel on pourrait les ranger ; mais je ne vois pas nettement ce travail compensé par ses avantages.

324. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire littéraire de la France. Ouvrage commencé par les Bénédictins et continué par des membres de l’Institut. (Tome XII, 1853.) » pp. 273-290

Il fut entrepris par des religieux bénédictins de la congrégation de Saint-Maur, ainsi que le titre le porte, mais plus véritablement par un seul bénédictin, dont l’humilité se dérobait sous le nom commun de l’ordre, par dom Rivet. […] Pour exécuter son dessein, il avait besoin des secours d’une grande bibliothèque ; il désira naturellement être placé à Saint-Germain-des-Prés, capitale de l’ordre, au centre de toutes les ressources et des trésors manuscrits. […] Enfin l’abbé Prévost (c’est tout simple) proposait un plan agréable, expéditif et un peu mondain, et il n’entrait pas dans celui de dom Rivet, dont l’originalité était dans le complet même : Ce sont, disait encore dom Rivet insistant sur ce plan qu’il voulait fertiliser à force de patience et animer d’une certaine vie suffisante aux esprits solides, ce sont les monuments connus de la littérature gauloise et française, recherchés avec soin, réunis avec méthode, rangés dans leur ordre naturel, éclaircis avec une juste étendue, accompagnés des liaisons convenables, dont nous formons l’Histoire littéraire de la France. […] Le Moyen Âge en France eut ses tableaux gracieux, d’une tendresse un peu enfantine, comme dans le roman d’Aucassin et Nicolette : en prose et dans un ordre plus sérieux, les récits du sire de Joinville éveillent le même sentiment de fraîcheur et d’enfance. […] De mécontentement il dresse la tête ; il n’y eut bête si hardie, Ours ni Sanglier qui ne tremblât à ce soupir et à ce mugissement de leur roi, et Couard, le Lièvre, en prit une telle peur, qu’il en eut deux jours la fièvre… Et encore : « De mécontentement, il (le roi) redresse sa queue et s’en frappe d’une telle colère, qu’en résonne toute la maison. » Quant à ce qui est de la fièvre que le Lièvre a prise, il est à remarquer qu’il ne s’en guérira qu’après avoir dormi sur le tombeau de la pauvre Poule qu’on enterre solennellement par ordre du roi, et qui, martyre du fait de Renart, devient un objet de vénération.

325. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. (Tome XII) » pp. 157-172

On y voit Drouet, honnête, minutieux, méticuleux, obstiné sous des dehors tranquilles, flottant ici entre des ordres contradictoires, et ne trouvant ni en lui ni dans les circonstances l’éclair qui illumine dans l’obscurité. […] Il résistait donc, autant qu’il l’osait faire, aux ordres de Paris, et il avait des objections, contre son habitude. […] Il veut savoir, il veut s’expliquer le mouvement des choses humaines, mais se l’expliquer d’une manière si particulière, si précise, si appropriée à chaque ordre de faits et à chaque branche d’affaires, que cette seule connaissance, pourvu qu’on y atteigne, lui paraît constituer la condition fondamentale, l’essence même de l’histoire ; il appelle cela l’intelligence. […] Je ne saurais accorder non plus que le plus parfait style en histoire doive être si limpide, si incolore, qu’il ressemble à la grande glace de l’exposition, qui laisse voir tous les objets au-delà sans qu’on la voie elle-même ; car remarquez, encore une fois, que les faits de l’histoire ne sont pas tout existants et tout disposés avec ordre indépendamment de celui qui les regarde. Chaque esprit d’historien porte en quelque sorte au dedans de lui son ordre de faits tels qu’il les voit et les conçoit dans le passé.

326. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

Écoutez le sage Fleury, son sous-précepteur : « C’était, nous dit-il, un esprit du premier ordre : il avait la pénétration facile, la mémoire vaste et sure, le jugement droit et fin, le raisonnement juste et suivi, l’imagination vive et féconde (que de choses !). […] Le vieux poète joue aux fables avec le jeune enfant ; il lui en récite, il lui en emprunte, il en compose sur des sujets de son choix (le Chat et la Souris), et il se déclare d’avance battu et vaincu : « Il faut, lui dit-il en tête de son douzième livre qui lui est tout dédié, il faut, Monseigneur, que je me contente de travailler sous vos ordres ; l’envie de vous plaire me tiendra lieu d’une imagination que les ans ont affaiblie ; quand vous souhaiterez quelque fable, je la trouverai dans ce fonds-là. » Et aussi, en récompense, quand La Fontaine meurt, on trouve parmi les thèmes ou les versions du jeune prince un très joli morceau sur cette mort (in Fontani mortem), un centon tout formé de la fleur des réminiscences et des plus élégantes expressions antiques. […] Or, c’est cette portée, que l’observateur a souci de déterminer et de saisir ; c’est le cran dans l’ordre des esprits, qu’il s’agit en définitive de marquer. […] Muni de ces leçons si dures dans le rang suprême, dont sa vertu et son excellent esprit avaient su si bien profiter, il se trouva, à la mort d’un père que sa piété lui fit regretter, l’unique appui et repos de l’âge avancé du roi, qui n’eut plus pour lui de réserve, qui ordonna à tous ses ministres d’aller travailler chez lui, de lui rendre compte de tout sans exception, de recevoir même ses ordres comme les siens sur les affaires qu’il lui renvoyait et dont il se déchargeait sur lui en grand nombre. […] Mais quand j’ai payé ces hommages aux individus et aux personnes, je me hâte d’ajouter que, eût-on réussi pour un temps en quelqu’un de ces biais et de ces remèdes palliatifs de l’ancien régime, on ne serait parvenu après tout qu’à faire ce qu’on appelle une cote mal taillée, rien de nettement tranché ni de décisif, et qu’il est mieux (puisqu’enfin les choses sont accomplies et consommées) qu’on en soit venu à cette extrémité dernière de n’avoir eu qu’un seul et grand parti à prendre, le parti à la Mirabeau et à la Sieyès : la France, en un mot, n’a pas perdu pour attendre ; et quand tout récemment, dans le compte rendu des séances du Sénat, je lisais ces déclarations spontanées d’un duc de La Force et d’un cardinal Donnet, si empressés à se replacer dans les rangs de tous, lorsqu’une parole inexacte avait paru un moment les en vouloir séparer, je pensais qu’au milieu de nos divisions mêmes d’opinions, il était consolant qu’on en fût venu à ce grand et magnifique résultat, aussi clair que le jour, à savoir qu’il n’y a plus en France qu’un seul ordre, une seule classe, un seul peuple.

327. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VIII. De l’invasion des peuples du Nord, de l’établissement de la religion chrétienne, et de la renaissance des lettres » pp. 188-214

L’on voit que, dans chaque siècle, de nouveaux peuples ont été admis au bienfait de l’ordre social, et que la guerre, malgré tous ses désastres, a souvent étendu l’empire des lumières. […] Ils ont fait, pour ainsi dire, une invasion dans les classes supérieures de la société, et tout ce que nous avons souffert, et tout ce que nous condamnons dans la révolution, tient à la nécessité fatale qui a fait souvent confier la direction des affaires à ces conquérants de l’ordre civil. […] C’est que l’art du raisonnement, la force de méditation qui permet de saisir les rapports les plus métaphysiques, et de leur créer un lien, un ordre, une méthode, est un exercice utile aux facultés pensantes, quel que soit le point d’où l’on part et le but où l’on veut arriver. […] Quand les opinions que l’on professe sur un ordre d’idées quelconque, deviennent la cause et les armes des partis, la haine, la fureur, la jalousie parcourent tous les rapports, saisissent tous les côtés des objets en discussion, agitent toutes les questions qui en dépendent ; et lorsque les passions se retirent, la raison va recueillir, au milieu du champ de bataille, quelques débris utiles à la recherche de la vérité. […] La chevalerie était nécessaire pour adoucir la férocité militaire par le culte des femmes et l’esprit religieux ; mais la chevalerie, comme un ordre, comme une secte, comme tout ce qui sépare les hommes au lieu de les réunir, dut être considérée comme un mal funeste, dès qu’elle cessa d’être un remède indispensable.

328. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Qu’est-ce qu’un classique ? » pp. 38-55

Le Moyen Âge, qui n’était pas aussi ignorant de l’Antiquité latine qu’on le croirait, mais qui manquait de mesure et de goût, confondit les rangs et les ordres : Ovide y fut traité sur un meilleur pied qu’Homère, et Boèce parut un classique pour le moins égal à Platon. […] Un tel classique a pu être un moment révolutionnaire, il a pu le paraître du moins, mais il ne l’est pas ; il n’a fait main basse d’abord autour de lui, il n’a renversé ce qui le gênait que pour rétablir bien vite l’équilibre au profit de l’ordre et du beau. […] En ce sens, les classiques par excellence, ce seraient les écrivains d’un ordre moyen, justes, sensés, élégants, toujours nets, d’une passion noble encore, et d’une force légèrement voilée. […] Cette seule pensée apprendrait à un esprit juste à ne pas envisager l’ensemble des littératures, même classiques, d’une vue trop simple et trop restreinte, et il saurait que cet ordre si exact et si mesuré, qui a tant prévalu depuis, n’a été introduit qu’artificiellement dans nos admirations du passé. […] Aujourd’hui ils sont classiques encore, et ils méritent de l’être, mais ils ne le sont que du second ordre, et les voilà à jamais dominés et remis à leur place par celui qui a repris la sienne sur les hauteurs de l’horizon.

329. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Observations générales, sur, l’art dramatique. » pp. 39-63

Un honnête spectacle est la plus belle éducation qu’on puisse donner à la jeunesse, le plus noble délassement du travail, la meilleure instruction pour tous les ordres de citoyens ; c’est presque la seule manière d’assembler les hommes sociables. […] Le poète, dit La Motte, travaille dans un certain ordre, et le spectateur sent dans un autre. […] L’art consiste à couvrir ce défaut par des beautés d’un ordre supérieur. […] Prêt à mourir pour vous, prêt à tout entreprendre, J’ai prévenu votre ordre. […] J’ai prévenu votre ordre.

330. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Seconde partie. Nouvelles preuves que la société a été imposée à l’homme » pp. 243-267

Il y a deux ordres de choses qui existent en même temps ; les unes sont faites par Dieu, car il ne faut pas oublier que Dieu s’est réservé le haut domaine sur la société ; les autres sont faites par l’homme, car il ne faut pas oublier non plus que l’homme est un être libre, et que, si la société lui a été imposée, il est des modifications qui peuvent lui appartenir. […] Les animaux sont comme des machines intelligentes, qui ont tout ce qu’il leur faut de facultés pour obéir à des ordres, et qui n’en ont pas assez pour les enfreindre. […] Trois grands hommes sont morts la même année, et ont laissé chacun un nom immortel, qui se rattache à un ordre différent d’idées : le dernier des Grecs, Philopœmen, enveloppé dans la gloire du guerrier qui défend ses foyers ; Scipion, qui venait de donner aux Romains le sceptre de la domination universelle ; et le plus grand des hommes de guerre qui ait jamais paru, Annibal, survivant, au sein de l’exil, à une patrie qu’il ne peut sauver. […] Sans doute le droit divin ne consiste point à admettre l’action de la Providence sur les sociétés humaines, comme sur l’ordre général de l’univers ; car l’une est une action pour ainsi dire physique, et l’autre une action toute morale : mais la parité est la même. […] Il a fallu partir de l’existence de la société pour raisonner avec certitude sur le nouvel ordre de choses qui tend à s’établir, quelque indépendant qu’il soit d’ailleurs de tout ce qui a précédé, comme il a fallu partir du don primitif de la parole pour arriver à expliquer l’émancipation graduelle de la pensée : c’est ce qui nous reste à faire pour achever le tableau de l’âge actuel de l’esprit humain.

331. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

C’est quand il est bon qu’il veut que la vertu corresponde à un ordre éternel. […] C’est, dans l’ordre politique, César ; dans l’ordre de la peinture, Léonard ; dans l’ordre des lettres, Gœthe. […] Sa correspondance abonde en trouvailles de cet ordre. […] L’architecture de tout l’ouvrage se développe avec un ordre étonnant. […] En eux s’incarnait le double besoin de l’époque avec une intensité surprenante : celui d’établir par la raison un ordre social nouveau, celui d’exterminer jusqu’au dernier vestige de l’ordre social ancien.

332. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Soumet, Alexandre (1788-1845) »

Léon de Wailly L’intention, qui est presque tout dans l’ordre moral, ne compte pour rien dans l’ordre intellectuel ; l’art ne s’occupe que des résultats obtenus.

333. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 419-421

C'est pourquoi, sans négliger les événemens principaux, il s'est attaché, dans son Histoire de France, à suivre l'Esprit humain dans sa marche, à développer les progrès successifs des vices & des vertus, les changemens opérés dans le caractere & les usages de la Nation, les principes de nos libertés, les sources de la Jurisprudence, l'origine des grandes dignités, l'institution des divers Tribunaux, l'établissement des Ordres Religieux & Militaires, l'invention des Arts, & tout ce qui peut avoir rapport à ceux qui les ont cultivés & perfectionnés. […] Il a su, malgré ces obstacles, la traiter de la maniere la plus intéressante, en la rapprochant, en quelque sorte, de nous ; en y développant les révolutions de nos mœurs ; en opposant, avec autant de justesse que de précision, les usages actuels à ceux de l'ancien temps ; en donnant aux matieres qu'il présente, une netteté, un ordre, un souffle de chaleur & de vie qui subjuguent l'attention & gravent profondément les objets dans la mémoire.

334. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Argument » pp. 287-289

De la conservation et distinction des ordres politiques. […] Pourquoi les empereurs romains favorisèrent la confusion des ordres.

335. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

Il hésitait d’abord à accepter, craignant que cela ne le dissipât et ne le jetât, comme il disait, dans l’externe, tandis qu’il sentait de plus en plus le goût des voies intérieures et silencieuses ; puis il pensa qu’il était peut-être appelé par là à rendre témoignage de sa doctrine et à briser quelque lance contre l’ennemi : Il est probable, pensait-il, que l’objet qui m’amène à l’École normale est pour y subir une nouvelle épreuve spirituelle dans l’ordre de la doctrine qui fait mon élément… Je serai là comme un métal dans le creuset, et probablement j’en sortirai plus fort et plus persuadé encore qu’auparavant des principes dont je suis imprégné dans tout mon être. […] Après avoir établi quelques principes de cet ordre, Saint-Martin a donc confiance que ce témoin perpétuel de Dieu, l’âme de l’homme, gagnera à l’épreuve présente, et que le miroir sera plutôt nettoyé qu’obscurci. […] Quand on la contemple dans ses détails, on voit que, quoiqu’elle frappe à la fois sur tous les ordres de la France, il est bien clair qu’elle frappe encore plus fortement sur le clergé… Plein de respect pour l’idée de sacerdoce, qui est à ses yeux peut-être la plus haute de toutes, Saint-Martin trouve tout simple que les individus de cet ordre aient été les premiers atteints et châtiés, de même que cette « révolution du genre humain » a commencé par les « lys » de France : « Comme aînés, dit-il, ils devaient être les premiers corrigés. » Je ne fais qu’indiquer ces manières de voir qui nous sont devenues depuis lors familières par le langage si net et si éclatant de M. de Maistre ; mais Saint-Martin y mêle des idées et des sentiments qui lui sont propres et qui ont beaucoup moins de netteté. Au fond, il est adversaire et rival du christianisme constitué et établi dans l’Église ; il a tout bas son ordre trouvé, sa religion à lui, son règne de Dieu qui doit en partie réparer le monde et réintégrer l’homme dans un état de presque divine félicité, lui rendre même des facultés tout à fait merveilleuses et des lumières présentement surnaturelles. […] À force de vouloir tout deviner dans le passé et dans l’avenir, de tels hommes ne voient plus rien de certain autour d’eux ; ils croient savoir au juste ce qui se passait dans le paradis terrestre et ce qu’était Adam avant son sommeil, ce que redeviendra l’homme après sa réparation, et ils n’entendent rien aux conditions les plus indispensables et les plus immédiates de l’ordre social et du bon ménage politique.

336. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Ce qui s’organise n’est autre chose que l’ordre dans le despotisme, pour le rendre plus également pesant et de manière à ce que rien ne puisse s’en affranchir ; et les lumières que le Pacha va soi-disant chercher au milieu de nos institutions philanthropiques ne sont que des armes qu’il aiguise et, pour ainsi dire, qu’un rasoir qu’il fait repasser pour tondre plus près. » Que dites-vous de ce rasoir ? […] Voilà tout ce qu’il leur faut pour attendre avec patience un nouvel ordre de choses. […] Un jour, à ce qu’on appelle un thé militaire, c’est-à-dire à une réunion de tous les officiers supérieurs dans un jardin où l’impératrice leur offrait un régal, l’empereur, après avoir pris la main d’Horace et la lui avoir tenue pendant un assez long temps, en lui parlant de ce qui venait de se passer pendant les manœuvres, s’était retourné et avait dit aux officiers : « Messieurs, Vernet fait partie de mon État-major, et je mets à l’ordre qu’il sera libre de faire tout ce que bon lui semblera dans le camp. » Prestige de notre gloire militaire qui se réfléchissait jusque sur son peintre ! […] arrange-toi comme tu voudras ; figure-toi remettre en ordre mon atelier… » Voilà tout Vernet épistolaire défini par lui-même. […] Je me sais bon gré de ma retenue pendant mon voyage et de n’avoir pas tout dit, car véritablement, d’après ce qui se fait ici par ordre supérieur, je crois que notre bon roi a voulu se ficher de moi en me chargeant de belles paroles ; car je ne puis douter que, d’un autre coté, il n’agisse autrement… » Évidemment, de part et d’autre, on l’avait chargé de simples politesses ; on ne l’avait pas pris très au sérieux comme ambassadeur.

337. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VIII. L’antinomie économique » pp. 159-192

Dans l’ordre des besoins et des fins économiques, l’homme le plus individualisé par ailleurs ne diffère pas essentiellement de ses voisins. […] Mais voici, dans l’ordre de la production, une question qui met aux prises l’individu en tant que tel et le groupe. […]   Considérons maintenant l’antinomie dans l’ordre de la répartition. […] Abordons maintenant l’antinomie dans l’ordre de la consommation. — Nous trouvons ici un conflit entre une théorie aristocratique et individualiste de la consommation et une autre théorie démocratique et égalitaire. […] Là est la source des antinomies que nous avons rencontrées soit dans l’ordre de la production, soit dans celui de la consommation, soit enfin dans le mode d’intégration des valeurs sociales.

338. (1890) L’avenir de la science « II »

En effet, dans l’état aveugle et irrationnel, les choses marchaient spontanément et d’elles-mêmes, en vertu de l’ordre établi. […] Le seul moyen de ramener l’ancien ordre de choses, c’est de détruire la conscience en détruisant la science et la culture intellectuelle. […] L’optimisme serait une erreur, si l’homme n’était point perfectible, s’il ne lui était donné d’améliorer par la science l’ordre établi. […] Avec autant de raison on eût pu dire en 1780 : l’État a toujours renfermé jusqu’ici trois classes d’hommes : les gouvernants, l’aristocratie limitant le pouvoir, la roture ; donc cela est de la nature humaine ; donc vous qui voulez changer cet ordre, vous êtes des fous dangereux, des utopistes. […] Mais il faut se garder de prendre cette nature, d’une façon étroite et mesquine, pour les usages, les coutumes, l’ordre que l’on a sous les yeux.

339. (1887) Discours et conférences « Rapport sur les prix de vertu lu dans la séance publique annuelle de l’Académie française »

Quand les deux lions qui accourent du désert, sur l’appel de saint Antoine, pour creuser la fosse de l’ermite Paul, ont gaillardement accompli leur besogne, saint Antoine leur donne sa bénédiction dans l’ordre des choses temporelles. […] Messieurs, que vos récompenses, comme on l’a dit, gâtent la vertu dans sa source et renversent les fondements de l’ordre moral. […] Connaissez-vous rien de plus triste que cette plaine de mesquine misère et de désolation sans poésie, que l’on traverse en sortant de Paris pour se rendre à Versailles par la rive gauche, cet amas sans ordre apparent de constructions qui ne sont plus urbaines et ne sont pas encore rustiques, ces chaumières (quelles chaumières ! […] Il a obéi à un ordre supérieur, à un oracle infaillible, à une voix qui commande de la façon la plus claire, sans donner ses raisons. […] Selon votre vieille et bonne manière d’entendre les choses, la littérature n’est pas seulement ce qui s’écrit ; le grand politique qui résout avec éclat les problèmes de son temps, l’homme du monde qui représente bien l’idéal d’une société brillante et polie, n’eussent-ils pas écrit une ligne, sont de votre ordre.

340. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

En ces cent années il s’est fait une assez grande révolution dans l’ordre et le gouvernement de la société, dans l’ensemble des mœurs publiques, pour que l’existence et la vie que menait cette petite reine fantasque nous semble presque comme un conte des Mille et Une Nuits, et pour qu’on se dise sérieusement : « Était-ce donc possible ?  […] Le jour où Louis XIV, cédant au désir de son fils, lui avait permis de se marier, il n’avait pu s’empêcher de dire, dans le bon sens de son préjugé royal : « Ces gens-là ne devraient jamais se marier. » Il prévoyait la confusion et les conflits que cette race équivoque de bâtards légitimés pouvait apporter dans l’ordre monarchique, qui était alors la constitution même de l’État. […] Il y eut des règlements dressés, des statuts ; une médaille fut frappée à cette occasion : tous ceux de l’ordre devaient la porter avec un ruban citron, quand ils seraient à Sceaux. […] Le scandale de ces fêtes et de ces divertissements ruineux devenait d’autant plus grand, ou du moins plus criant, que les malheurs de la famille royale étaient venus s’ajouter à ceux de la France ; mais la mort des principaux héritiers directs rapprochait le duc du Maine du pouvoir, ou même du trône ; chaque échelon de moins dans l’ordre de succession légitime était un degré de plus dans l’échafaudage de sa fortune. […] Elle resta persuadée comme auparavant que l’ordre du monde, quand il allait bien, était que tout fût pour elle et uniquement pour elle.

341. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Condorcet, nouvelle édition, avec l’éloge de Condorcet, par M. Arago. (12 vol. — 1847-1849.) » pp. 336-359

Partant de là et pour mieux conserver ce sentiment naturel dans toute son énergie et sa délicatesse : « J’ai renoncé, disait-il, à la chasse pour laquelle j’avais eu du goût, et je ne me suis pas même permis de tuer les insectes, à moins qu’ils ne fassent beaucoup de mal. » Turgot, avec qui il entre dans cet ordre de confidence, lui répond admirablement sur le chapitre de la morale, et il marque les points sur lesquels il diffère avec lui. […] La Révolution ne le porta point d’abord à l’Assemblée constituante, et il resta sur le second plan, en se contentant d’écrire et de publier ses idées sur tous les sujets à l’ordre du jour. […] Il commence par nier qu’il y ait dans l’Assemblée telle chose qu’un parti républicain, un parti ennemi de la Constitution, ennemi de l’ordre et de la paix (3 décembre 1791) : « Rien, dit-il, ne l’a prouvé jusqu’ici. […] La Chronique de Paris nous le montre, dans les derniers mois de 1792, s’élevant avec une sorte de fermeté contre les idées d’anarchie, contre « les idées immorales et destructives de tout ordre social qu’on travaille sourdement à accréditer parmi le peuple » (18 septembre). […] Il avait sur l’ensemble et sur chaque branche, sur chaque point de l’ordre scientifique et du mécanisme social, des idées arrêtées, méditées, ingénieuses parfois ; et, dans cette refonte universelle qui se tentait alors de la société et de l’esprit humain, il pouvait rendre de vrais services à l’instruction publique.

342. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

Enfin, quelle que soit la place qu’on occupe soi-même dans la grande bagarre humaine dont nous faisons tous partie, on ne peut plus méconnaître en lui un philosophe politique du premier ordre, un de ceux qui, en nous éclairant sur l’esprit d’organisation des anciennes sociétés, donnent le plus à penser sur les destinées et la direction future des sociétés modernes. […] En attendant cette propagande meilleure qu’il désire et qui viendra peut-être, il cherche à se rendre compte de la raison supérieure qui, dans l’ordre de la Providence à laquelle il croit, a pu déterminer le triomphe de la France sur les puissances conjurées qui aspiraient à la morceler : Rien ne marche au hasard, mon cher ami, écrivait-il au baron de Vignet (octobre 1794), tout a sa règle et tout est déterminé par une puissance qui nous dit rarement son secret. […] Le tour d’esprit de M. de Maistre était si naturellement aristocratique, qu’il le portait, politiquement parlant, jusque dans l’ordre de la pure intelligence, et il s’emparait de cet autre mot de Platon : « Le beau est ce qui plaît au patricien honnête homme ». […] Dans un ordre plus important encore que l’ordre littéraire, M. de Maistre témoigne de ces humilités sincères qui deviennent touchantes de la part d’un esprit aussi hautement doué et aussi élevé : Je ne sais, écrivait-il peu d’années avant sa mort, ce que c’est que la vie d’un coquin, je ne l’ai jamais été ; mais celle d’un honnête homme est abominable. […] C’est dans cet ordre de vérités que M. de Maistre est supérieur, et qu’il est venu à point pour crier holà aux fausses théories des Condorcet et des philosophes excessifs du xviiie  siècle.

343. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « L’abbé Maury. Essai sur l’éloquence de la chaire. (Collection Lefèvre.) » pp. 263-286

Il faut l’entendre là-dessus parler avec autorité et conviction : Les grands sujets de cette belle et solide instruction chrétienne, si bien indiqués par l’Église dans l’ordre annuel et la distribution des Évangiles ; ces sujets si importants, si féconds, si riches pour l’éloquence, et sans lesquels la morale, dépourvue de l’appui d’une sanction divine et déshéritée de l’autorité vengeresse d’un Juge suprême, n’est plus qu’une théorie idéale et un système purement arbitraire qu’on adopte ou qu’on rejette à son gré ; ces sujets magnifiques, dis-je, furent plus ou moins mis à l’écart par les orateurs chrétiens qui composèrent malheureusement avec ce mauvais goût, et qui, en s’égarant dans ces nouvelles régions, renoncèrent d’eux-mêmes aux plus grands avantages et aux droits les plus légitimes de leur ministère. […] Si je vous avais écrit pendant mon séjour à l’armée, je vous aurais parlé en franc garnisonnier de l’ordre profond et de l’ordre mince ; mais ma tête est refroidie à présent sur la tactique, et il ne me reste que des observations utiles à mon métier sur une classe d’hommes que je ne connaissais pas, et dont les mœurs méritent d’être étudiées. […] Quelques membres de la minorité de la noblesse voulaient se détacher de la gauche, et se rapprocher, à un certain moment, de la majorité de leur ordre. […] Quoi qu’il en soit, vus à distance, ces traits de présence d’esprit et de courage qui étaient soutenus d’une telle opiniâtreté de conduite au sein de l’Assemblée et d’une telle parade de résistance, l’éclat de certains discours où le bon sens et l’esprit de parti se combinaient dans une contexture spécieuse, l’ordre, l’ampleur, la marche imposante d’une parole exercée et toujours prête, tout cela avait conquis à l’abbé Maury, à la fin de l’Assemblée constituante, une réputation immense en Europe, et il ne manquait pas de souverains qui le considéraient à la fois comme un homme d’État et comme un homme de bien. […] Il appellera gredin, un moment après, l’un des grands dignitaires de l’ordre de Malte ; mais, même ce terme de valet à part, toute cette doctrine brutale sur la prééminence absolue de l’Académie française paraissait fort étrange à M. de Maistre, qui savait de quels noms s’honoraient l’Académie des inscriptions et celle des sciences.

344. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’art et la sexualité »

Des raisons de différent ordre peuvent expliquer cette fécondation de l’individu par lui-même, par exemple de graves imperfections physiques du sujet, l’influence d’un milieu puritain ou idéaliste, l’habitude de travaux spécialement intellectuels pervertissant la vie corporelle. Mais si des causes multiples peuvent y conduire, nulle raison ne peut la justifier, si ce n’est la maladie, l’emprisonnement, la vie déserte, ou quelque autre motif de cet ordre majeur. […] Pour ces âmes d’exceptionnelle clarté, l’isolement farouche est la condition essentielle de toute grandeur individuelle, tandis que le monde croupit autour d’eux, au-dessous d’eux, dans l’ordre des promiscuités. […] Je ne crois pas qu’il existe dans le monde entier une seule œuvre d’art, de premier ordre et d’incontestable grandeur, qui soit sortie de l’un des exemplaires de cette race inféconde. […] Il me faut encore faire une distinction du même ordre afin de pouvoir admettre cette autre objection de M. 

345. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

Jamais l’âme du prêtre n’a été scrutée à une telle profondeur, avec une pareille maîtrise, par un tel psychologue, triplé d’un penseur et d’un artiste de premier ordre. […] J’ai dit plus haut quelle haute signification comportait cette rentrée du prêtre dans l’ordre naturel. […] C’est là une vérité d’ordre tellement extra-humain, qu’il serait téméraire de prétendre l’expliquer. […] L’ordre des jugements à cet égard est exactement renversé. […] L’absorption du prêtre par l’humanité, sa rentrée dans l’ordre naturel m’apparaît pour cela d’une haute signification, comme le signe avant-coureur d’un avenir où l’imposture et le sophisme ne verront plus autour de leurs autels ébranlés que quelques rares dévots.

346. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

Il n’y a pas de vérité d’un ordre bas, car la vérité fait partie de Dieu. […] Il s’en tient à cet arrangement naturel où se disposent d’elles-mêmes les choses, selon leur ordre et leur importance, dans les têtes bien faites. […] Il a, dans chaque ordre d’idées, le langage à la fois le plus propre et le plus élevé. […] Pour la propriété du langage, dans tous les ordres de faits ou d’idées, Bossuet est sans égal. […] La matière en est, dans l’ordre humain, la plus haute qui se puisse traiter.

347. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la bienfaisance. »

Il y a des vertus toutes composées de craintes et de sacrifices, dont l’accomplissement peut donner une satisfaction d’un ordre très relevé à l’âme forte qui les pratique ; mais, peut-être, avec le temps découvrira-t-on que tout ce qui n’est pas naturel, n’est pas nécessaire, et que la morale, dans divers pays, est aussi chargée de superstition que la religion. […] La bienfaisance remplit le cœur comme l’étude occupe l’esprit ; le plaisir de sa propre perfectibilité s’y trouve également, l’indépendance des autres, le constant usage de ses facultés ; mais ce qu’il y a de sensible dans tout ce qui tient à l’âme, fait de l’exercice de la bonté une jouissance qui peut seule suppléer au vide que les passions laissent après elles ; elles ne peuvent se rabattre sur des objets d’un ordre inférieur, et l’abime que ces volcans ont creusé, ne saurait être comblé que par des sentiments actifs et doux qui transportent hors de vous-même l’objet de vos pensées, et vous apprennent à considérer votre vie sous le rapport de ce qu’elle vaut aux autres et non à soi ; c’est la ressource, la consolation la plus analogue aux caractères passionnés, qui conservent toujours quelques traces des mouvements qu’ils ont domptés. […] C’est sur ce fondement que tous ont intérêt au sacrifice de chacun, et qu’on retrouve, comme dans le tribut de l’impôt, le prix de son dévouement particulier dans la part de protection qu’assure l’ordre général.

348. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre II. La langue française au xvie siècle »

Par l’inversion notamment, une réaction de l’ordre analytique vers l’ordre synthétique se fait contre le vrai génie et le certain avenir de la langue. […] On sent bien que la langue s’est réglée plutôt par une sorte de lassitude générale que par une intime solidité d’organisation qu’elle reste livrée à tous les hasards de la fantaisie individuelle de toutes parts on aspire à l’ordre, à la stabilité, à l’unité.

349. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Le lyrisme français au lendemain de la guerre de 1870 » pp. 1-13

  « Monsieur, « Vous vous emparez d’une phrase dans une lettre qui était destinée à répondre à un ordre particulier d’arguments, mais vous ne me la renvoyez pas telle que je l’ai écrite : je n’ai pu dire en effet et je n’ai point dit : “Nul homme sérieux et sensé ne peut croire désormais, etc.” […] Une phrase de votre lettre m’effraye un peu : “Il y a, dites-vous, des malfaiteurs dans l’ordre intellectuel comme dans l’ordre social” ; et vous renvoyez les premiers comme les seconds devant les juges.

350. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre V : Rapports du physique et du moral. »

« Aristote ne pouvait être à la fois Aristote et un poète tragique ; Newton ne pouvait être un peintre de portrait, même de troisième ordre. » « On pourrait donner d’autres exemples. […] De là il déduit le nombre probable des éléments nerveux — cellules et fibres — nécessaires pour acquérir et conserver tel ou tel ordre de connaissance (mathématiques, musique, langues, etc.), et il montre comment ces diverses acquisitions se limitent réciproquement. […] C’est un excellent manuel, un livre classique mis au courant des récentes découvertes, et qui contient, — chose rare — une application de la logique à chaque ordre de science prise en particulier (logique de la physique, de la médecine, de la biologie, etc. ;).

351. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mon mot sur l’architecture » pp. 70-76

Mon mot sur l’architecture Il ne s’agit point ici, mon ami, d’examiner le caractère des différents ordres d’architecture ; encore moins de balancer les avantages de l’architecture grecque et romaine avec les prérogatives de l’architecture gothique, de vous montrer celle-ci étendant l’espace au-dedans par la hauteur de ses voûtes et la légèreté de ses colonnes, détruisant au-dehors l’imposant de la masse par la multitude et le mauvais goût des ornements ; de faire valoir l’analogie de l’obscurité des vitraux colorés, avec la nature incompréhensible de l’être adoré et les idées sombres de l’adorateur ; mais de vous convaincre que sans architecture, il n’y a ni peinture ni sculpture, et que c’est à l’art qui n’a point de modèle subsistant sous le ciel que les deux arts imitateurs de la nature doivent leur origine et leur progrès. […] D’où l’on doit conclure que ce système de mesures d’ordres vitruviennes et rigoureuses, semble n’avoir été inventé que pour conduire à la monotonie et étouffer le génie. […] Dans les ordres inférieurs il faut choisir l’individu le plus rare, ou celui qui représente le mieux son état, et se soumettre ensuite à toutes les altérations qui le caractérisent.

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