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21. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET (La Confession d’un Enfant du siècle.) » pp. 202-217

ajouta-t-elle d’un ton charmant, traitez un peu votre expérience comme je traite ma fatigue ; nous avons fait une bonne course, et nous souperons de meilleur appétit. » M. de Musset se donne ici à lui-même les indications attrayantes et sensées suivant lesquelles il aurait pu, selon moi, mener à bien son livre et guérir véritablement son héros. Mme Pierson, durant toute cette première situation attachante, est une personne à part, à la fois campagnarde et dame, qui a été rosière et qui sait le piano, un peu sœur de charité et dévote, un peu sensible et tendre autant que Mlle de Liron ou que Caliste : « Elle était allée l’hiver à Paris ; de temps en temps elle effleurait le monde ; ce qu’elle en voyait servait de thème, et le reste était deviné. » Ou encore : « Je ne sais quoi vous disait que la douce sérénité de son front n’était pas venue de ce monde, mais qu’elle l’avait reçue de Dieu et qu’elle la lui rapporterait fidèlement, malgré les hommes, sans en rien perdre ; et il y avait des moments où l’on se rappelait la ménagère qui, lorsque le vent souffle, met la main devant son flambeau76. » Pour bien apprécier et connaître cette charmante Mme Pierson, il faudrait, après avoir lu la veille les deux premières parties de la Confession, s’arrêter là exactement, et le lendemain matin, au réveil, commencer à la troisième partie, et s’y arrêter juste sans entamer la quatrième : on aurait ainsi une image bien nuancée et distincte dans sa fraîche légèreté. […] Car l’auteur a beau dissimuler et ne faire semblant de rien ; la nouvelle Mme Pierson, fort charmante à son tour, n’est plus la même que la première ; celle qui a la blouse bleue n’est plus celle qui, un peu dévote et très-charitable, parcourait à toute heure, en voile blanc, ces campagnes qui l’avaient vu couronner rosière. […] C’est le lendemain même des fantaisies d’Octave que ce charmant dîner a eu lieu, et que le départ de Smith et de Brigitte pour l’Italie se décide ; qui nous répond que, l’autre lendemain, tout ne sera pas bouleversé encore, qu’Octave ne prendra pas des chevaux pour courir après les deux amants fiancés par lui, que Brigitte elle-même ne raccourra pas à Octave ? […] Et comme l’a dit, on ne saurait mieux, Théophile Gautier en parlant de ces pièces et saynètes : « … Quelque fantaisie charmante où la mélancolie cause avec la gaieté. » 75.

22. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Monselet »

Semblable à tous les hommes qui ont l’ambition de leur talent, il a pu rencontrer, dans cette forêt de Bondy enchantée qu’on appelle la littérature, les trois charmantes fées dont tout écrivain, comme le chevalier du Tasse, doit vaincre les charmes : la Bêtise, l’Envie et la Fausse Amitié ; mais ce n’est pas là une raison pour élever son ressentiment jusqu’à la Critique elle-même, dans sa notion pure et absolue. […] Ouvrez au hasard ce charmant petit livre, à l’encre rouge, et voyez si à toute page vous ne trouvez pas cet amour sensuel de la forme, cette exagération violente du pittoresque, ce mépris du bourgeois qui appartient à Gautier comme le mépris du philistin appartient à Heine, ce mutisme religieux, cette sombre et voluptueuse étreinte des choses finies, cette conception brute et blême de l’amour sans idéal et de la mort sans immortalité, et enfin, pour parachever le tout, l’éternelle assomption des Clorindes du bal Mabille et de la Maison-d’Or, qui meurent, dit le poète (dans Les Vignes du Seigneur) : L’estomac ruiné de champagne Et le cœur abîmé d’amour ! […] — des vers charmants ici et là rattachant des souvenirs, en lambeaux, de poésies qui ont timbré les siennes, comme un cachet timbre la cire : Haillons rattachés avec des saphirs, ne suffisent pas pour faire cet être sui generis qui est le poète. Il y a partout, et même dans tout ce qu’on ne lit plus, des vers charmants. […] Il nous citerait beaucoup de vers charmants et perdus, qui n’ont pu parvenir à faire des poètes de ceux qui les avaient écrits.

23. (1874) Portraits contemporains : littérateurs, peintres, sculpteurs, artistes dramatiques

» C’était une charmante vie. […] Un fantôme charmant a remplacé l’idole vulgaire, et Musette vaut les Béatrix et les Laure. […] Car c’était un poëte charmant que Louis de Cormenin. […] Quel charmant compagnon c’était, et comme nous eussions volontiers fait le tour du monde de conserve ! […] En regardant une de ses innombrables vignettes, l’on dit : « C’est charmant » et l’on passe outre.

24. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

ce charmant arbuste ne semble-t-il pas me faire signe de ses rameaux flexibles, que l’on prendrait pour autant de jolis doigts dans la mobilité que leur imprime le zéphyr ? […] Chère Sacountala, vois, tu oubliais cette charmante madhavi, quoiqu’elle ait crû en même temps que toi, par les soins que ton père Canoua se plaît à vous prodiguer à toutes deux. […] Mais vous-mêmes, charmantes filles, vous devez être fatiguées par toutes vos attentions pour moi : serais-je assez heureux pour que vous vous asseyiez un moment à mes côtés ? […] Charmantes filles, combien cette douce intimité qui règne entre vous s’accorde admirablement avec votre jeunesse et vos grâces ! […] De mon heureuse retraite je vais jouir de leur conversation, pleine du plus charmant abandon ! 

25. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

Et Labiche, mon vieil et charmant ami Labiche, qui me répétait toujours : — « Ah ! […] ajouta le charmant homme, je me suis entêté, je suis revenu et je suis de l’Académie française ! […] Et, quel qu’en fût le détail, l’ensemble en était charmant. […] répond-t-elle avec une charmante étourderie ! […] Je ne puis cependant résister au désir de citer cette page charmante de la vie intime d’Émile Littré.

26. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVIII » pp. 305-318

Il a trouvé le moyen d’établir que mesdames Deshoulières, de la Fayette et de Sévigné, qui, de son aveu, étaient les plus charmants esprits du siècle, étaient néanmoins du nombre des femmes dont Molière a voulu corriger la folie86 ; et il insinue qu’elles étaient de la coterie qui soutenait les Cottin, les Pradon et les Voiture ; il nous assure que madame de Sévigné, bien qu’admiratrice de Corneille, ne trouvait rien de plus charmant que le badinage de Voiture. […] Secondement, c’est dans Boileau, et dans Voltaire même, que le commentateur a vu l’éloge du charmant badinage de Voiture. […] C’est assurément accuser Molière d’une folie plus grande que celle dont il aurait voulu guérir les esprits les plus charmants de son siècle.

27. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gérard de Nerval  »

Et le lit resta toujours vide… Symbole charmant de son intellectuelle destinée ! […] Dans l’ordre intellectuel, il ne fut réellement rien de fort ni même d’assez charmant pour faire oublier son manque de force. […] Ni charmant poète, ni charmant prosateur, — comme on l’a trop dit, — il fut dans l’entre-deux… et encore pas dans l’entre-deux des premiers !

28. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

Quand viendra-t-elle donc, quand jaillira-t-elle encore une fois du rocher cette source, toujours attendue, d’une inspiration fraîche et charmante ? […] Et réfléchissant avec humilité à l’étincelle qui peut jaillir sur les âmes de cette œuvre modestement accomplie, le poète se rappelle et s’applique un fabliau charmant que son aïeule bretonne, dit-il, lui a souvent raconté. […] Si Moreau a pardonné à la Voulzie, ces charmants vers font aussi qu’on pardonne beaucoup à Moreau. […] Je ne prétends pas donner cela pour de la théologie exacte, mais pour de la poésie charmante. […] On devine, en lisant ces jolis récits et celui des Petits Souliers, et celui même de Thérèse Sureau, à voir cette imagination, cette gaieté, cette invention de détail, combien il devait être charmant quand il osait être familier, et qu’il consentait à être heureux.

29. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

Il les marie sans scrupules, et l’effet, insolite, souvent, souvent aussi insolent — de la bonne insolence — est charmant. […] Charmant, — effrayant sur la fin, — sur la fin tout à fait finale. […] (Il me semble me ressouvenir de ce dernier nom, peut-être bien même un peu de la personne, charmants tous deux, personne et nom.) […] London, jeune homme charmant, professeur dans une école secondaire, M.  […] Il ne tarda pas à épouser une jeune femme charmante qui lui donna un fils.

30. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires touchant la vie et les écrits de Mme de Sévigné, par M. le baron Walckenaer. (4 vol.) » pp. 49-62

Et, tout à travers cela, nous le trouvons amoureux de La Fontaine, le suivant dans ses rêveries jour par jour, nous le racontant par le menu, comme aurait pu le faire Pellisson, célèbre aussi par son araignée ; puis, s’occupant d’Horace, et donnant deux gros volumes, un peu gros vraiment, mais pleins de choses sur le charmant poète ; et, de là, revenant à La Bruyère, dont il a publié la meilleure et la plus complète édition ; enfin, s’attachant à Mme de Sévigné, comme s’il ne l’avait jamais quittée un instant et comme si, de toute sa vie, il n’avait rien eu autre chose à faire. […] Quelques mots de Tallemant caractérisent bien cette charmante et puissante nature de femme, telle qu’elle se déclarait toute jeune dans l’abondance de la vie ; après avoir dit qu’il la trouve une des plus aimables et des plus honnêtes femmes de Paris, « elle chante, ajoute-t-il, elle danse, et a l’esprit fort vif et agréable ; elle est brusque et ne peut se tenir de dire ce qu’elle croit joli, quoique assez souvent ce soient des choses un peu gaillardes… » Voilà le mot qu’il ne faut pas perdre de vue avec elle, tout en le recouvrant ensuite de toute la politesse et de toutes les délicatesses qu’on voudra. […] Vous savez que je suis comme on veut, mais je n’invente rien. » Cela veut dire que ce charmant esprit avait tous les tons et savait s’accommoder aux personnes. […] Réfugiée à Genève, elle put séduire un moment, par sa grâce et son hypocrisie charmante, nobles, bourgeois et syndics, les plus graves calvinistes eux-mêmes. […] C’est Du Boulay qui eut l’idée de réunir, pour les faire lire en confidence à ses amis, les lettres et les papiers de Mme de Courcelles : J’avais à me justifier, dit ce galant homme, d’avoir aimé trop fidèlement et trop fortement la plus charmante créature de l’univers, à la vérité, mais la plus perfide et la plus légère, et que je reconnaissais pour telle.

31. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Il semble que votre jeunesse vous revient, parée et charmante à l’unisson. […] puis quel charmant peintre de genre ! […] L’Étourdi est une œuvre charmante et gaie à ravir. […] que c’est charmant ! […] » Comme tout cela est charmant !

32. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

Il s’en glisse quelquefois dans les charmants récits de La Fontaine ; c’est comme une volupté de sa pensée, à laquelle il se laisse aller un moment ; mais bientôt il reprend son récit ; le poète ne s’est regardé un moment que pour mieux voir dans le cœur d’autrui. […] Tout a contribué à cet arrangement, l’instinct, le goût délicat et rapide, le dessein, l’humeur, tout, sauf la paresse ; car on sait que, pour aimer beaucoup le dormir et le rien-faire, La Fontaine ne se ménageait pas au travail ; sa paresse, dans l’intervalle de ces charmants chefs-d’œuvre, pourrait bien n’avoir été que du repos bien gagné. […] Cette fable des Lapins, malgré des traits charmants, est de ses plus faibles ; outre qu’on ne s’attend pas à y voir le peintre et l’ami des lapins à l’affût sur un arbre, Poudroyant à discrétion Un lapin qui n’y pensait guère. […] Il gémit, et, par un trait de naïveté charmante, il se croit seul à gémir : J’ai beau les évoquer, j’ai beau vanter leurs traits, On me laisse tout seul admirer leurs attraits. […] Les fautes lui paraissent le prix dont il est bien juste de payer les beautés si diverses et si charmantes des lettres.

33. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « II. M. Capefigue » pp. 9-45

ils étaient si charmants ! […] il l’est si bien devenu, que nous n’en apercevons plus les inconvénients et les dangers, et que nous trouvons charmante cette tête de Méduse et en caressons les serpents. […] Mme la duchesse de Berry, « fine et charmante de caractère » (surtout !) […] Ni donc, en ces sortes de femmes, le degré plus ou moins profond de corruption, ni même des qualités restées saines et charmantes, ne peuvent entrer en considération avec le mal absolu d’un vice élevé jusqu’à la hauteur d’une fonction ! […] sur le même banc de pierre que Louis XV, et d’appeler le fantôme charmant de la comtesse « à travers les vapeurs de la colline embaumée », pour se rassurer et pour se décider enfin à en publier la galante histoire.

34. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gill, André (1840-1885) »

De ce minuscule ouvrage de poésies, souvent volontairement risquées et vraiment peu recommandables dans les couvents et dans les lycées, j’extrais une pièce qui m’a paru charmante de grâce et de forme ; elle est écrite sans prétention et rappelle par certains côtés la délicate manière de Murger et de Thiboust : Le Chat botté… Pas de nom d’auteur ! […] Aujourd’hui que l’auteur est mort, j’ajoute que ce charmant petit poème était d’André Gill, le grand caricaturiste, qui a laissé d’exquises poésies manuscrites.

35. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier après les funérailles »

Dans des vers charmants que les lecteurs de cette Revue n’ont certes pas oubliés, Alfred de Musset, répondant à des vers non moins aimables du vieux maître190, lui disait, à propos de cette fraîcheur et presque de cette renaissance du talent : Si jamais ta tête qui penche Devient blanche, Ce sera comme l’amandier, Cher Nodier. […] La réunion était complète, on s’asseyait : c’est alors qu’il s’animait par degrés, que sa parole facile, élégante, retrouvait ses accents vibrants et doux, que le souvenir évoquait en lui les Ombres de ce passé charmant qu’il redemandait tout à l’heure au sommeil ; le conteur-poète était devant nous ; nous possédions Nodier encore une fois tout entier. […] Entouré de la famille la plus aimable et la plus aimée, d’une famille que l’adoption dès longtemps n’avait pas craint de faire plus nombreuse, de ses quatre petits-enfants qui Jouaient la veille encore, ne pouvant rien comprendre à ces approches funèbres, de sa charmante fille, sa plus fidèle image, son œuvre gracieuse la plus accomplie, Nodier a traversé les heures solennelles au milieu de tout ce qui peut les soutenir et les relever ; si une pensée de prévoyance humaine est venue par moments tomber sur les siens, elle a été comprise, devinée et rassurée par la parole d’un ministre, son confrère, l’ami naturel des lettres193. […] Oui, l’esprit charmant, l’esprit aidé et servi du cœur.

36. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIII. Mme Swetchine »

Il seyait à cette pure femme de n’être vue que dans le jour respectueux du souvenir de quelque grande amitié qui répondait pour elle, comme celle de Joseph de Maistre, par exemple, ou dans la lumière, émue et rougissante, dont les quelques gouttes tremblent d’une manière si charmante, dans ce peu de pages qu’elle nous a laissées. […] Ce n’est pas très fort, mais que c’est charmant, délicat, transparent, et, si l’on veut, de transparence imperceptible ! […] C’est la vieille femme dans sa magnifique et délicieuse acception d’autrefois, car nous n’avons plus maintenant que des femmes vieilles, qui veulent paraître jeunes toujours … Avant d’être vieille tout à fait, elle avait pu être une femme aimable, imposante ou charmante comme beaucoup de femmes charmantes, imposantes ou aimables, mais sa supériorité n’a daté nettement que de sa vieillesse.

37. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Joseph de Maistre »

Sainte-Beuve, qui était sans doute aux Antipodes quand la chose arriva, car non seulement nous avons discuté ces deux malheureux et coupables volumes dans lesquels Albert Blanc se permettait de couper et d’interrompre à sa convenance ces lettres charmantes ou magnifiques de Joseph de Maistre pour mettre, entre deux, ses énormités, à lui, Blanc, et des énormités saint-simoniennes, dans un style attaqué d’éléphantiasis, mais nous sommes allés jusqu’à soupçonner leur éditeur d’interpolation ! […] Nous la laisserons telle qu’elle est en toutes les imaginations, dans la grandeur de sa double force, imposante comme la bonté grave, et charmante comme la toute-puissance qui sourit. […] Or, à côté du sentiment et de la grâce de la paternité dans un homme de génie, il y a en Joseph de Maistre un sentiment bien plus étonnant et bien plus rare, un sentiment qui fait moins son train dans les cœurs et qui surtout, dans cette correspondance-ci (Correspondance diplomatique)44, s’élève en lui jusqu’à la plus haute raison et la plus haute vertu, sans cesser pour cela d’être une grâce, sans cesser d’être une chose charmante d’expression, et ce sentiment-là, c’est le respect voulu et maintenu de tout ce qu’on pourrait ne plus estimer ou mépriser peut-être. […] C’était quelque chose d’incomparable, — une sensibilité, une fierté, une conscience de soi, justement révoltées, et qui, armées de toutes les puissances de l’esprit, savaient s’en servir d’une manière charmante ou poignante, sans blesser une seule fois ce respect dans lequel de Maistre avait mis l’honneur de sa vie !

38. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Sophie Arnould »

La Correspondance qu’ils ont publiée — car leur livre s’appelle Sophie Arnould d’après sa correspondance — aurait dû les dégriser pourtant, ces grisés charmants qui voient en beau, quand ils sont gris. […] Sophie Arnould n’est peut-être pas que le phénomène d’esprit que réellement elle était, mais un phénomène bien plus complexe ; car ils la font, dans leur livre, charmante de toutes les manières dont une femme puisse être charmante, comme ils l’ont faite spirituelle dans ces misérables lettres où elle ne l’est plus et qui inspirent à qui les lit, excepté eux, plus de dégoût encore que de pitié. […] Edmond de Goncourt avait ajouté de ces choses qu’inspire la vie et qui nous font la mieux comprendre, à mesure que nous la perdons, le livre, œuvre éclatante et charmante, aurait pu devenir un chef-d’œuvre.

39. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXVII » pp. 306-312

— Jules de Rességuier, un poëte assez agréable et très-maniéré, a fait autrefois, dans une pièce adressée à Soumet, ce vers qui peint en un trait le défaut de celui qu’il croit louer : Et c’est peu qu’ils soient beaux, tes vers, ils sont charmants ! […] Ce mot charmant qui veut surenchérir sur le beau, peint à merveille la mignardise et le faux goût venant gâter des inspirations qui promettaient d’être belles. Ce charmant chez Soumet revient tous les trois ou quatre vers, qu’il s’agisse de tragédie ou d’épopée ; on pourrait appliquer encore à sa manière pompeuse, sonore et creuse, à son vers spécieux et brillant, le bellum caput, sed cerebrum non habet du fabuliste : belle forme, mais vide d’idées !

40. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La réforme prosodique » pp. 120-128

dans ses chansons si musicales, en dehors, bien entendu, des airs charmants qu’il y adaptait, rime faiblement : Ô mon amante, Ô mon désir, Sachons cueillir L’heure charmante. […] Sans s’embarrasser d’une barrière inutile, il donna au vers ternaire le droit de cité : Il a vaincu — la Femme belle — au cœur subtil… Néoptolème — âme charmante — et chaste tête… Et sur mon cœur — qu’il pénétrait — plein de pitié… Ces braves gens — que le Journal — rend un peu sots… Quoi que j’en aie — et que je rie — ou que je pleure… Rien de meilleur — à respirer — que votre odeur… Pour supporter — tant de douleur — démesurée… Pour, disais-tu, —  les encadrer — bien gentiment… Cette coupe nouvelle de vers, d’où l’on allait tirer des effets si imprévus, offrait toutes les garanties d’une réforme née viable, puisqu’elle était l’épanouissement naturel d’une idée lentement mûrie et qu’elle avait subi le contrôle à la fois du Génie et du Temps.

41. (1933) De mon temps…

J’ai lu les charmants vers de l’auteur des Roses d’antan. […] Telle m’apparut Méry Laurent, en l’année 1888, à ce dîner dont j’ai conservé un charmant souvenir. […] L’un d’eux, au pastel, était celui de la charmante Mme Robert de Bonnières. […] Il choisit ses mots avec une minutieuse exactitude et conduit sa phrase avec une charmante et fine rigueur. […] Alors, de quelque carton il tirait un dessin ou une estampe ; d’une vitrine, un bronze ou un laque, un charmant brimborion ou une charmante babiole qu’il maniait de ses doigts précautionneux ou palpait de sa belle main nerveuse.

42. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

Vers la fin il souffrait de la poitrine ; il retourna au Cayla après cinq ans d’absence, en 1838, pour respirer l’air natal ; il se maria cette année-là même avec une jeune Anglaise née dans l’Inde, qui lui apportait de la fortune, « une Ève charmante, venue tout exprès d’Orient pour un paradis de quelques jours. » Elle et lui jouirent peu de ce bonheur ; il mourut dans l’année. […] Elle se plut de bonne heure aux entretiens de ce frère poëte d’imagination et de nature : « Il m’était si doux de t’entendre, de jouir de cette parole haute et profonde, ou de ce langage fin, délicat et charmant que je n’entendais que de toi ! […] Elle se retourne sur elle-même, elle souffre tout bas ; quand elle se prête aux rires de ses jeunes amies, charmantes compagnes qu’on entrevoit passer, Louise, Marie, Lili, « ce lis intelligent », comme elle l’appelle, il y a de sa part moins de laisser-aller que de complaisance et d’indulgence ; mais elle, elle est ailleurs, ce n’est plus une jeune fille ; elle aspire déjà à se consumer uniquement du côté de son frère et de Dieu. […] Que ce soit la couleur du temps, le loquet d’une porte, un vieux château qu’elle visite, ou l’une quelconque des fêtes et, cérémonies rurales, le baptême ou la fonte d’une cloche, la bénédiction des bestiaux, la messe de Noël où elle se rend en famille à minuit « par des chemins bordés de petits buissons blancs de givre, comme s’ils étaient fleuris », elle trouve sur tous ces thèmes fortuits ou naturels des pensées charmantes, légères et célestes, dignes d’une Cymodocée chrétienne. […] Douce image qui des deux côtés est charmante, quand je pense qu’une sœur est fleur… » Aussitôt qu’il est parti, elle rentre dans la chambrette qu’il occupait ; elle prend le livre qu’il a lu : c’est un Bossuet où il a mis des signets de sa main, souvent aux mêmes endroits qu’elle avait notés elle-même : « Ainsi nous nous rencontrons partout comme les deux yeux ; ce que tu vois beau, je le vois beau. » Quand il est près de se marier, elle semble que cela ne réussisse pas et ne vienne à manquer par quelque côté, car ce frère chéri est, comme elle l’appelle, « un mauvais artisan de bonheur. » Elle se met à sa place et craint qu’il ne recule au dernier instant. « Toujours me semble « effrayant pour toi, aigle indépendant, vagabond.

43. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « I » pp. 1-8

Elle dit le mot charmant, une tête charmante… jeune, charmant, etc., de manière, il paraît, à faire frémir l’auditoire de tendresse.

44. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre quatrième. »

Le commencement de cette fable est charmant. […] Ce dernier vers produit une surprise charmante. […] L’importance que La Fontaine donne à cet oiseau est charmante.

45. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIII » pp. 109-125

Nous avons vu à quoi se réduisait la famille de la marquise de Rambouillet, depuis l’absence de la duchesse de Montausier : toutefois, j’ai omis, par inadvertance, de parler de la plus jeune sœur de la duchesse, Angélique Claire d’Angennes, mariée en 1658 au comte de Grignan, le même qui, après un second mariage, épousa en troisièmes noces, en 1669, mademoiselle de Sévigné, avec qui sa mère lia cette correspondance si charmante qui est entre les mains de tout le monde. […] L’entrée à l’hôtel Rambouillet de cette femme charmante, dont l’esprit et la grâce n’ont pas vieilli depuis deux siècles, dont la vertu a été aussi souvent citée que sa grâce et son esprit, n’est pas moins un hommage à la pureté de principes et de goût de la marquise de Rambouillet, que ne l’ont été la noble sagesse et l’austère vérité de Montausier, quand il s’y est établi. […] On pourrait assurer, sans les connaître, que ce sont les plus curieuses, les plus piquantes, les plus variées, les plus charmantes. […] Ce sel tant vanté de la Grèce En faisait l’assaisonnement ; Et malgré la froide vieillesse, * Son esprit léger et charmant, Eut de la brillante jeunesse Tout l’éclat et tout l’enjouement. » Vigneul de Marville en parle ainsi : « Elle écoutait avec une attention qui débrouillait toutes choses, et répondait encore plus aux pensées qu’aux paroles de ceux qui l’interrogeaient.

46. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IV. Mme Émile de Girardin »

Il y eut l’être inspiré, naturel et charmant, qui met ses prétentions à ses pieds, — à ces pieds qui, fussent-ils laids, — et elle les avait beaux, — se transfigurent presque comme ceux des Saintes, quand on y met ses prétentions ! […] Pour cet anachronisme charmant, pour cette résurrection de la grâce française, qui n’est pas, hélas ! […] Assurément on donnerait volontiers la main à ce charmant et noble jeune homme sur tous ces sujets de discussion contemporaine qu’il traite avec l’air de les cravacher ; et même parfois on la lui serrerait avec une cordialité ardente, mais ce n’est plus comme en chiffons, cet art de la femme. […] C’est une belle couleur de victime. » Comme les causeurs charmants dont le monde a gardé la mémoire, Rivarol, Boufflers, et surtout ce prince de Ligne, auquel elle fait penser sans cesse, elle pousse la gaieté jusqu’à la folie et même quelquefois jusqu’à la bêtise, ce genre de bêtises dont le prince de Ligne écrivait : « Je me les dis tout bas, pour me faire rire tout haut », et qu’il se disait tout haut aussi, l’indisciplinable aimable homme !

47. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIV. L’auteur de Robert Emmet »

des journaux, me font trouver l’obscurité une chose charmante, — comme un bandeau noir sur des cheveux blonds. […] a des prix de pitié pour elles, qui font concurrence à ses prix de vertu… Mais lorsque des femmes du monde, et du plus grand, investies de tous les avantages de la vie, de la naissance, de la richesse et quelquefois de la beauté, qui ont des salons pour y être charmantes, des familles pour y être vertueuses, se détournent assez d’elles-mêmes et de leur véritable destinée pour vouloir être littéraires comme des hommes et prétendent ajouter la gloriole de la ponte des livres à l’honneur d’avoir des enfants, la Critique n’est-elle pas en droit de les traiter comme les hommes qu’elles veulent être, sans crainte de passer pour brutale, ainsi que le fut un jour l’empereur Napoléon avec Mme de Staël ? […] Avec un sans-façon charmant et une admiration presque impertinente de familiarité, l’auteur de Robert Emmet met sa petite main blanche sur cet effrayant sujet de lord Byron que lui a laissé sa grand’mère, mais sans le lui léguer. « J’ai toujours eu un faible pour lord Byron », dit-elle dans son livre. […] Ses doigts de femme, que j’imagine charmants, ont la tache d’encre comme les doigts de Rosine, mais Rosine l’avait attrapée, cette vilaine petite tache, en écrivant à Almaviva, — une vraie occupation de femme ! 

48. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Jules de Gères »

Or, si l’une est la plus belle, l’autre est la plus charmante. […] Je voudrais pourtant, avant de finir, vous donner l’impression de l’accent de Gères, et je ne trouve à pouvoir insérer ici que cette pièce charmante qu’il a appelée Les deux Lierres : Autour d’un ormeau foudroyé Grimpait vivace un tendre lierre, Le vieux tronc s’effondrait, noyé Dans la guirlande familière. […] cela est charmant et cela serait parfait sans les deux débilités que j’ai soulignées ; mais ce n’est qu’un cil dans un bel œil bleu. […] Ce n’est que charmant, et il y a des choses superbes dans le recueil de Gères.

49. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules Sandeau » pp. 77-90

Jules Sandeau est un romancier d’un talent, d’une fécondité et même d’une moralité relatives ; mais, en France, il est plus utile, au point de vue des facilités et des aises de la gloire (quand la gloire ne doit être que ce viager charmant qui s’éteint avec nous, mais sur lequel on a vécu), de posséder des facultés mitoyennes que des facultés d’extrémité et d’intensité qui dérangent le train des cerveaux et font battre trop vivement les cœurs. […] La Maison de Penarvan n’est pas seulement un livre manqué sur un sujet qui pouvait devenir charmant, s’il eût été touché par une main habile ; mais, le croira-t-on ? […] Mais où Walter Scott est sublime de réalité, de nuances charmantes, de comique et de pathétique à la fois, M.  […] Or, c’est au moment où il va se livrer en paix à cette occupation salubre et charmante, que la guerre finie se rallume en Bretagne et que Renée y pousse son faible époux.

50. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Souvenirs et correspondance tirés des papiers de Mme Récamier » pp. 303-319

Voici un livre dont j’aurais dû parler depuis longtemps, d’abord parce qu’il est consacré à la mémoire d’une femme qui est restée charmante et unique dans la pensée de tous ceux qui l’ont connue et qu’elle a honorés de sa bienveillance, ensuite parce que c’est le livre qui, le mieux fait pour la rappeler fidèlement aux amis qui l’ont regrettée et qui la regrettent encore, est le plus propre à donner d’elle une juste idée, une idée approchante du moins, aux générations curieuses qui n’avaient su jusqu’ici que son nom. […] Le trait distinctif et caractéristique de Mme Récamier est d’avoir inspiré de l’amour, un amour très vif, à tous ceux qui la virent et la cultivèrent, et, en ne cédant à aucun, de les avoir conservés tous, ou presque tous, sur le pied d’amis. « Il n’y a guère que vous dans le royaume, écrivait Bussy à sa charmante cousine, qui puissiez réduire un amant à se contenter d’amitié. » Mme Récamier, plus belle, et d’une beauté plus irrésistible, que Mme de Sévigné, peut-être aussi un peu plus coquette et plus irritante au temps de ses élégances, eut bien plus à faire qu’elle pour réduire ensuite au devoir et à la douceur d’un commerce uni ceux qu’elle enflammait. […] Créature privilégiée, prenez un peu de confiance, soulevez votre tête charmante, et ne craignez pas d’essayer votre main sur la lyre d’or des poètes. […] Ce serait un vrai malheur qu’une si excellente créature ne passât que comme une ombre charmante. […] Ballanche, elle n’aura point passé comme une ombre charmante.

51. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Raphaël, pages de la vingtième année, par M. de Lamartine. » pp. 63-78

La charmante corailleuse de Naples est en partie une création. […] On ne saurait donc s’étonner si, en lisant ces pages, à côté de touches charmantes et de pensées toutes faites pour émouvoir, on en rencontre beaucoup d’autres artificielles, et si l’on n’y sent pas tout l’homme. […] qu’on dise tout ce qu’on voudra : j’ai pour moi les femmes et les jeunes gens. » Charmant et bien désirable auditoire sans doute, mais qui n’est pas définitif ; car les jeunes gens eux-mêmes cessent de l’être, et un certain jour, quand ils s’avisent de relire, ils sont étonnés. […] Oui, en partie ; il y a des instants où l’on croit voir et entendre cette charmante et délicate créature. […] C’est ensuite cette autre visite que fait le jeune poète, son manuscrit des Méditations en main, chez l’imprimeur Didot : la physionomie de l’estimable libraire classique, son refus, ses motifs, tout cela est raconté avec esprit et malice ; le poète en a tiré une charmante vengeance.

52. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

Fromentin a bien expliqué lui-même dans ses deux charmants livres : Un été dans le Sahara et le Sahel ? […] Mainte peinture de lui, spirituelle d’ailleurs et charmante, manque de solidité. […] Si Canova fut quelquefois charmant, ce ne fut certes pas grâce à ce défaut. […] Tout le monde a remarqué récemment dans la cour du Louvre une charmante figure de M.  […] Dans cet ouvrage, tout est charmant et robuste.

53. (1925) Portraits et souvenirs

Dans le cercle, il est charmant, empressé, spirituel, attentif, quoiqu’il soit une tête bien occupée. […] A côté des concisions épiques se montrent des douceurs charmantes. […] Le bon et charmant Gautier était un Olympien sans morgue et un Immortel de facile abord. […] Ils m’ont été d’une précieuse compagnie et d’un charmant secours. […] Rien ne dépare l’ensemble de ce charmant décor, coquet et suranné.

54. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

C’est là qu’il y a ce couplet charmant où se trouve le vers délicieux : Ni la grâce plus belle encor que la beauté… C’est l’introduction au poème d’Adonis. […] Ce qui est délicieux, ce qui rappelle les peintures les plus charmantes des peintres de l’amour les plus suaves, c’est ce que je vais vous lire. […] Il y a ceci, par exemple, ceci qui pourrait être mis en épigraphe, en tête des œuvres de La Fontaine, et l’épigraphe serait à demi menteuse comme la plupart des épigraphes, mais au moins elle répondrait à ce que La Fontaine a fait de plus beau, de plus charmant, de plus exquis. […] Vous avez pu en juger, car on l’a jouée il n’y a pas encore très longtemps ; je l’ai vu jouer, entre parenthèses, d’une façon charmante, par mon pauvre ami Leloir, qui était excellent dans ces silhouettes un peu falottes de nécromant, de sorcier, de bohème, etc. […] Ce serait dans une fable, à la fin d’une fable ou même à la fin d’un conte, on trouverait ces vers charmants et on les aurait mieux en mémoire.

55. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin (suite et fin.) »

 » Le paysage de cette contrée mitoyenne, un peu en-deçà du Midi et y confinant sans en être encore, qui tient de la Vendée et de l’Anjou, qui mêle l’air salin de la mer et la fraîcheur du bocage, et que Henri IV avait déjà décrite dans une charmante lettre à Gabrielle, datée de Marans, trouve en M.  […] Du premier jour, pourtant, Dominique s’y fait un ami d’un jeune gentilhomme du nom d’Olivier d’Orsel, venu récemment de Paris, qui en a déjà respiré le souffle, qui n’a rien de provincial ni de scolaire, et qui n’est et ne sera jamais qu’un charmant mauvais écolier, puis un charmant mauvais sujet fort aimable et naturel. […] Rousseau dans ce charmant passage des Confessions, voulant peindre Mme Basile, n’a pas fait autrement. […] Les cent pages où il nous a rendu l’enfance et l’adolescence de Dominique sont et resteront véritablement charmantes. […] Mais dans l’hôtel d’Orsel, c’est surtout aux hôtes, c’est aux jeunes et charmants visages qu’il fait attention, et il néglige volontiers le reste.

56. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de La Tour-Franqueville et Jean-Jacques Rousseau. » pp. 63-84

On y peut étudier en abrégé le progrès croissant de ses bizarreries et de ses humeurs, entremêlées de retours pleins de grâce, et de rares mais charmants rayons. […] J’en suis charmé pour votre sexe, et même pour le mien ; car, quoiqu’en dise votre amie, sitôt qu’il y aura des Julie et des Claire, les Saint-Preux ne manqueront pas ; avertissez-la de cela, je vous supplie, afin qu’elle se tienne sur ses gardes… Puis tout à coup il s’enflamme à l’idée de retrouver quelque part une image des deux amies inséparables qu’il a rêvées ; l’apostrophe, cette figure favorite qui est son tic littéraire, lui échappe : « Charmantes amies ! […] Et encore, parlant des éloges que Glaire donne à son amie, il dira : « Avec quel plaisir son cœur s’épanche sur ce charmant texte !  […] Si nos lecteurs n’ont pas tout à fait oublié un charmant Portrait, que nous avons cité autrefois, d’une grande dame du xviie  siècle, se dépeignant elle-même, la marquise de Courcelles4, ils peuvent se représenter les deux tons et les deux siècles dans leur parfaite opposition : d’un côté, la grâce fine, délicieuse et légère ; de l’autre, des traits plus fermes, plus dessinés, nullement méprisables, et un tour de grâce auquel il ne manque qu’une certaine négligence aisée et naturelle. […] » Ce fut là le plus bel instant : Savez-vous bien qu’elle est charmante votre lettre, répond Mme de La Tour, et que, pour ne pas vous trouver trop charmant vous-même, j’ai été obligée de me rappeler de combien de nuages vous avez obscurci les beaux jours que vous m’avez quelquefois procurés ?

57. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Œuvres littéraires de M. Villemain (« Collection Didier », 10 vol.), Œuvres littéraires de M. Cousin (3 vol.) » pp. 108-120

Ses jugements, si exquis à l’origine, sont difficiles à saisir dans leur conclusion ; il les faudrait surprendre comme au vol, à l’état d’épigrammes charmantes, ou les dégager soi-même des riches sinuosités où il les déploie. […] Cousin, tout occupé de la perfection, et avec ce sentiment du mieux qui est l’âme des grands talents, a revu et recueilli pendant les années dernières ses cours et fragments de philosophie en une douzaine de petits volumes, quelquefois charmants malgré le sujet, ou du moins remplis de variété et d’intérêt. […] Il avait l’air d’abord de ne vouloir donner que des textes plus corrects, quelques lettres ou papiers retrouvés au fond des bibliothèques, et voilà qu’il a fait apparaître, dans toute leur hauteur, de grandes figures, ou qu’il a ranimé avec feu des physionomies charmantes. […] Charles Nodier avait su y introduire, en son temps, de la fantaisie et des manies charmantes ; mais, ici, on a l’utilité du but sous l’idéal de la passion.

58. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre septième. »

Tournure poétique qui a l’avantage de mettre en contraste, dans l’espace de dix vers, les idées charmantes qui réveillent le printems, les oiseaux de Vénus, etc… et les couleurs opposées dans la description du peuple vautour. […] Description charmante, qui a aussi l’avantage de contraster avec le ton grave que La Fontaine a pris dans les douze ou quinze vers précédens. […] Cette fable est charmante jusqu’à l’endroit adieu veau, vache, etc. […] Tout le monde a retenu ces deux vers qui expriment si bien le vœu d’une âme douce et insouciante ; mais ce sentiment est encore mieux exprimé dans le charmant morceau de la fin de cet Apologue : Heureux qui vit chez soi, etc.

59. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Achille du Clésieux »

je connais, en ce moment, des fils, qui ne sont pas des monstres, et qui disent avec une familiarité révoltante : « mon ami », quand ils parlent à leur père, et, ce jour-là, ces imbécilles de pères les trouvent charmants ! J’en connais d’autres qui disent insolemment du leur : « le vieux », et sont trouvés charmants par des fils comme eux, vils parricides, sans main ! […] La langue de Racine a presque disparu, et fait l’effet maintenant de ce spectre charmant de Francesca, dans un des poèmes de Byron, à travers la main pâle de laquelle passe un clair rayon de la lune… Et ce n’est pas dire pour cela que la langue de Racine dût être l’idéal — éternel et immobile — de la langue poétique. […] Le poète d’Armelle n’a pas ces qualités prodigieuses, mais il en a de charmantes.

60. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Hector de Saint-Maur »

… Seulement, charmant d’indifférence et du goût le plus patricien en ne réclamant pas contre les mensonges de cette commère de renommée à laquelle il ne faut répondre jamais, puisqu’elle se noie bientôt elle-même dans les crachats qu’elle a expectorés, Saint-Maur laissa dire et laissa passer cette troupe de grues que j’appelle le public. […] De temps en temps, une Revue, à laquelle il faut rendre cette justice qu’elle n’a pas cessé d’être littéraire quand la littérature véritable, la littérature désintéressée n’avait pas une pierre pour reposer sa tête, L’Artiste, publiait des vers charmants à faire presque croire qu’Alfred de Musset vivait toujours… Ces vers, qui, d’ailleurs, ne jouaient ni au pastiche, ni au mystère, ces vers sincères, étaient sincèrement signés de ce nom euphonique de Saint-Maur, qui, du moins, n’écorchera pas la bouche de la gloire, si cette renchérie se donne la peine de le prononcer ! […] Le Romantisme, rectifié et purifié en lui par la plus charmante des natures, lui a laissé ce qu’il avait de bon : le sentiment de l’idéal, les tendresses vives ou rêveuses, les touches chrétiennes, ici et là, adorables à plusieurs places dans son livre (voir ses Fleurs de Missel), et la race de son esprit a ajouté à tout cela la verve joyeuse, l’observation inattendue et piquante, la bonhomie et le comique enfin. […] Un cimetière autour, sans aucun ornement, Quelques tertres verdis par places inégales, Que traverse une chèvre, où chantent les cigales, Tout embaumé de lys sauvages, — c’est charmant.

61. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Xavier Aubryet et Albéric Second » pp. 255-270

Par ses facultés comme par ses préoccupations, il devait donc mieux échapper à l’influence tyrannique de Paris qu’Albéric Second, bien plus homme d’esprit qu’homme de lettres, en sa facilité charmante, chroniqueur émérite et chevronné, un des plus excellents dans cette spécialité, que j’ai la rigueur de trouver mauvaise. […] Tout cela est charmant… Or, cette femme, une nuit, en chemin de fer, à moitié endormie (je ne discute aucune des circonstances qui s’entrelacent autour d’elle, cherchez-les dans le livre !) […] La Comtesse Alice 29, elle, ne nomme qu’une femme, et même une femme comme les autres… quand elles sont charmantes. […] Les parisiens littéraires, et il y en a eu de charmants et presque de puissants, — Nestor Roqueplan, par exemple, l’auteur de Parisine, et qui s’est flambé avec ce cigare de Paris ! 

62. (1761) Salon de 1761 « Récapitulation » pp. 165-170

Le peintre a donné à la fiancée une figure charmante, décente et réservée. […] Cette fille charmante n’est point droite, mais il y a une légère et molle inflexion dans toute sa figure et dans tous ses membres, qui la remplit de grâce et de vérité. […] Les deux enfants dont l’un assis à côté de la mère s’amuse à jeter du pain à la poule et à sa petite famille, et dont l’autre s’élève sur la pointe du pied, et tend le col pour voir, sont charmants ; mais surtout le dernier.

63. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

Mais une santé vermeille éclairait cette douce et charmante physionomie qui essayait vainement de s’attrister. […] Il aurait écu, à cette date, parmi ses contemporains, n’aurait paru Singulier à personne et eût trouvé tout le monde charmant. […] Quand tous voulaient être formidables, gigantesques et prodigieux, il se contenta d’être charmant. […] Flers, le maître de Cabat, trouvait des paysages charmants aux environs d’Aumale. […] Véron, mademoiselle Rachel, pensait à mettre l’art charmant de la bijouterie à la portée de toutes les femmes.

64. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIe entretien. L’Arioste (2e partie) » pp. 81-160

N’avez-vous pas dans la galerie du palais de charmants tableaux de bergeries et de nymphes, entremêlés à vos tableaux de religion ou de batailles ? […] Quoi de plus charmant que la description des gentillesses du petit chien, conduit par l’amant déguisé en ménétrier mendiant ? […] Argie sentit le plus ardent désir de posséder un petit chien si charmant, et envoya sa nourrice pour parler au pèlerin, auquel elle fit offrir un prix considérable. […] En résumant notre impression, cette lassitude devient le véritable jugement de ce poème : il est charmant, mais il est trop long ; c’est là son seul défaut, mais c’est le défaut du plaisir : la satiété ! […] c’est bien cela, s’écria la charmante enfant, en applaudissant à ma critique ; il me semblait à chaque instant que le poète, en se moquant de lui et de moi, me jetait de l’eau tiède et de l’eau glacée dans le cœur !

65. (1868) Curiosités esthétiques « I. Salon de 1845 » pp. 1-76

. — La tête rappelle un peu l’indécision charmante des dessins sur Hamlet. — Comme modelé et comme pâte, c’est incomparable ; l’épaule nue vaut un Corrége. […] un plus prodigieux accord de tons nouveaux, inconnus, délicats, charmants ? […] Achille Devéria a puisé, pour notre plaisir, dans son inépuisable fécondité, de ravissantes vignettes, de charmants petits tableaux d’intérieur, de gracieuses scènes de la vie élégante, comme nul keepsake, malgré les prétentions des réputations nouvelles, n’en a depuis édité. […] Béranger sont charmants — comme des Meissonier. […] Debay est un peintre qui a fait un groupe charmant, le Berceau primitif

66. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

Je n’ai que l’embarras du choix entre les tableaux et les frais paysages, entre les scènes de labourage, de semailles, de fauchaison et de fenaison, de récolte et de vendange, entre les charmants hasards du parc naturel, confinant au bois et à la forêt, et le monde bruyant de la basse-cour ; car tout cela est diversement peint, et presque toujours avec un rare bonheur dû à une extrême vérité. […] heureux qui l’invoque et le prie à chaque accident de la saison, qui compte sur lui seul comme aux jours de la manne dans le désert qui suit en fidèle ému, entre deux haies en fleur, la procession d’une Fête-Dieu champêtre, ou qui prend part avec foi et ferveur, le long des blés couchés ou desséchés, aux cantiques d’alarmes et aux pieux circuits des Rogations extraordinaires ; qui sait le chemin qui mène à la statue de la Vierge dressée au sommet du rocher ou logée au cœur du chêne antique où hantaient jadis les Fées ; qui ne méprise pas le Saint même du lieu et le miracle d’hier qu’on en raconte, toutes croyances et coutumes innocentes et charmantes, si, au lieu de devenir des affaires de parti, elles restaient ce qu’elles devraient être toujours, de touchantes religions locales et rurales !  […] Et d’abord il dit porc et non cochon : Ailleurs, un bon gros porc anglais, face gourmande, Blanc et rose, et charmant pour l’école flamande, De son petit groin, noyé dans son gros cou, Flaire si la pâtée arrive vers son trou ; Tandis que dame truie, amorçant de caresse Ses petits yeux chinois clignotant dans leur graisse, Des plus doux grognements qu’amour ait inventés Rappelle ses gorets épars de tous côtés. […] C’est ce sentiment d’affection et presque d’amitié, qui ne se borne pas aux animaux, mais qui se répand et s’épanche sur tout ce qui l’entoure, même les choses inanimées, qui est charmant chez M.  […] Mais il est de ces fragments, de ces accidents heureux d’art et d’étude, qui, n’ayant rien à démêler avec les œuvres triomphales, n’en existent pas moins sous le soleil : — un rien, un rêve, une histoire de cœur et d’amour, une vue de nature, une promenade près de la mare où se baignent des canards et qu’illumine un rayon charmant, — et ce que je voyais l’autre jour encore à l’exposition du boulevard des Italiens, une vue de Blanchisserie hollandaise, par Ruisdaël, le Moulin d’Hobbema, ou un simple chemin de campagne regardé et rendu à une certaine heure du soir par un pauvre diable de paysagiste français nommé Michel, qui avait le sentiment et l’amour des choses simples.

67. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Daphnis et Chloé. Traduction d’Amyot et de courier »

La composition est divisée en quatre-livres, dont les trois et surtout les deux premiers sont tout à fait charmants. […] prenez-le comme vous voudrez ; l’âge, du bonhomme, — un spirituel critique l’a baptisé très-heureusement le Bonhomme Jadis, — qui a tant goûté en son temps aux fruits d’amour et qui n’en est pas encore tout à fait sevré, permet de croire sur ce point à un léger et charmant radotage, à une confusion de souvenir bien excusable, au milieu des conseils pratiques excellents, mais un peu vagues, que ce vieux Nestor anacréontique est venu donner. […] Le paysage est tout à fait dans le style du Poussin, et quelques traits ont suffi pour dessiner dans la perfection le fond sur lequel se détachent les personnages. » Ils en reparlèrent encore les jours suivants ; mais ce fut dans la conversation du 20 mars 1831, pendant le dîner, que les idées échangées entre Gœthe et son disciple épuisèrent le sujet ; on y trouve le jugement en quelque sorte définitif sur cette production charmante,    Goethe venait de relire l’ouvrage dans le texte de Courrier-Amyot, et il en était plein ; son imagination tout hellénique s’en était sentie consolée et rajeunie : « Le poème est si beau, disait-il, que l’on ne peut garder, dans le temps misérable où nous vivons, l’impression intérieure qu’il nous donne, et chaque fois qu’on le relit, on éprouve toujours une surprise nouvelle. […] Il a interposé entre ses deux enfants cette création charmante et douloureuse, la pudeur. […] Les prédécesseurs vagues de Théocrite y sont très bien indiqués ; mais cela ne diminue en rien le charmant inventeur.

68. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXe Entretien. Souvenirs de jeunesse. La marquise de Raigecourt »

C’est à lui que je dus l’accueil empressé et l’amitié de madame la marquise de Raigecourt et de sa charmante famille.  […] Je ne le rencontre jamais sans me rappeler l’impression qu’il produisit sur moi ce jour-là ; depuis cette époque, il a marié sa charmante fille avec le fils de Raigecourt. […] Je reconnus le beau mousquetaire de la revue de 1814, aux traits charmants du duc de Rohan. […] Mais je me hâtai de revenir à Paris avec le duc et Genoude, pour retrouver la charmante princesse romaine que j’avais laissée malgré moi, et que je ne pouvais oublier. […] Je le retrouve tout entier dans le beau portrait de Gérard, qu’il avait légué à madame Récamier, son amie, avec la clause qu’elle me le léguerait elle-même en mourant, si je devais survivre à cette aimable et charmante femme.

69. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Gustave Droz » pp. 189-211

C’en est la mousse, le pétillement, la surface, les petits vices, — viciolets — les élégances, et les élégances jusqu’aux extravagances, tout cela très animé d’esprit, très cinglant d’ironie, très indifférent — et même trop — à la morale, et j’allais presque dire à la littérature ; car les hommes de talent qui font ce journal ont le dandysme de ne pas se montrer littéraires… Ils ont l’hypocrisie charmante d’être des hommes du monde et des observateurs de salon. […] Et quand ces écrits sont des articles, lus à distance les uns des autres, c’est charmant ; mais quand le tout est ramassé et massé dans un seul volume, qu’on lit d’une haleine, on finit par trouver que c’est trop de poudre comme cela, et on pense malgré soi à la fameuse anecdote du glorieux bailly de Suffren, qui avait l’habitude de fourrer de bien autres poudres que celles-ci dans son tabac d’Espagne, et qui, un jour qu’on voulut l’attraper et le corriger de ce goût étrange, en ne mettant, au lieu de tabac, que de cette poudrette dans sa tabatière, dit avec la majesté du connaisseur, après avoir aspiré fortement jusqu’au fin fond de son nez héroïque ce qu’il croyait du tabac encore : « Il est bon, mais il y en a trop !  […] … Ce qui attira tout d’abord les yeux sur ce talent charmant, ce fut une fraîcheur de pastel, de jolis détails, une sentimentalité voluptueuse. […] Et non seulement la femme du roman, l’héroïne du roman, n’aime point le prêtre qui est l’être supérieur du roman, comme elle en est l’être charmant ; mais elle aime son propre mari comme une honnête femme… qu’elle n’est pas cependant ; car pour être une honnête femme, dans la santé splendide de cœur et d’esprit que ce simple mot exprime, il ne faut pas mêler à son amour les idées et les dépravations qu’une société vicieuse a fait pénétrer dans les âmes ; or, c’est ainsi que madame de Manteigney aime son mari dans ce roman. […] Et, contraste charmant, quelle bonne humeur, à d’autres moments, dans l’imagination !

70. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gilkin, Iwan (1858-1924) »

Puis il en est un d’idée réellement charmante, très neuve, et tissée si joliment. […] Et, contraste charmant, ne voilà-t-il pas que, peu après, ce chantre sombre et tragique — pour nous reposer sans doute — nous apporte un recueil de vers si joliment baptisé Le Cerisier fleuri !

71. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Le billet, en forme d’ode, à l’abbé de Chaulieu, est bien à l’adresse de cet esprit aimable, un peu poète et charmant dans ce peu, et ces fleurs du paganisme ne messiéent pas dans des vers au plus païen des abbés. […] C’est un genre charmant, et Voltaire en est le modèle. […] Cependant, pour inventer, à la fin du dix-huitième siècle, parmi tous ces fades jeux d’esprit où achevait de s’énerver et de se perdre l’art des vers, une poésie jeune, fraîche, parfumée, qui nous transporte au milieu de vrais champs et nous ramène en nous-mêmes ; pour faire apparaître, parmi toutes ces fleurs de papier peint, un si charmant bouquet de fleurs naturelles, il fallait plus que les grands sentiments d’André Chénier, plus que sa raison supérieure ; il fallait ce qui peut s’appeler du même nom en religion et en poésie, il fallait la grâce. […] Par le peu qu’il a laissé d’ébauches imposantes ou charmantes, on peut deviner quelle eût été la beauté de l’œuvre achevée. […] Encore le sont-ils si peu que, sauf quelques passages charmants où ils sont naturels par le goût, je ne vois de rustique dans leurs poésies que l’archaïsme de leur langue.

72. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

On en a retenu le refrain et des vers charmants : La fleur des champs brille à ta boutonnière… Ces jours mêlés de pluie et de soleil… C’est très joli de motif, très spirituel d’idées, quelquefois très heureux d’expression. […] L’habileté, l’art, la ruse du talent de Béranger a été de faire croire à sa grandeur ; il a fait des choses charmantes, et il semble que, pour la grandeur, il n’y ait que l’espace qui lui ait manqué. […] Pour ne pas abuser des termes, Byron, Milton, Pindare restent seuls les vraiment grands poètes, et Béranger est un poète charmant. […] J’ai trouvé Béranger dans son avenue Sainte-Marie, près la barrière de l’Étoile, après dîner, seul, se promenant dans un petit carré de jardin grand comme la main, sans lunettes, bourgeonné, âgé de soixante-six ans, mais jeune d’esprit, vif, aimable et charmant autant que jamais. […] Mais en somme, dans toute cette conversation de deux heures, il a été charmant, bonhomme, piquant et fertile en idées, en jolies et fines observations.

73. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Goethe et de Bettina, traduites de l’allemand par Sébastien Albin. (2 vol. in-8º — 1843.) » pp. 330-352

Au printemps de 1807, il y avait à Francfort une charmante jeune fille, âgée de dix-neuf ans, et si petite qu’elle n’en paraissait que douze ou treize. […] Elle lui rouvrait tout un livre imprévu d’admirables images et de charmantes représentations. […] Goethe, à la différence de Rousseau, est charmant pour celle même qu’il tient à distance ; il répare à l’instant, par un mot gracieux et poétique, ses froideurs apparentes ou réelles, il les recouvre d’un sourire. […] Il lui renvoie souvent ses propres pensées à elle, revêtues du rythme ; il les fixe en sonnet : « Adieu, ma charmante enfant, lui dit-il ; écris-moi bientôt, afin que j’aie bientôt quelque chose à traduire. » Elle lui fournit des thèmes de poésie : il les brode, il les exécute. […] Tu m’as conduit, à travers un charmant labyrinthe d’opinions philosophiques, historiques et musicales, au temple de Mars, et dans tout et toujours tu conserves ta saine énergie… » Voilà bien le naturaliste contemplateur qui apprécie et réfléchit les impressions d’alentour, mais ne les partage pas.

74. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

Avec ces éléments, en puisant au trésor poétique de toute une race, il a composé ses œuvres les plus pures, les plus impersonnelles, les plus lues en Allemagne, des lieds vagues et charmants que pénètre toute la songerie diffuse et la mélancolie des populations du Nord, de merveilleuses petites pièces, d’un dessin moins arrêté que les quelques joyaux de l’Anthologie, mais plus émues et d’un chant plus profond. […] Tout cela se mélangea de la plus singulière façon en une âme diverse elle-même, inquiète et changeante, pleine de larmes et de ciel, violente et rêveuse, abandonnée, rétive et crispée, variable surtout, charmante et traîtresse comme un ciel d’équinoxe. […] Sur ce prototype de tous les romans, Heine a brodé de nouvelles et charmantes variations dans tous ses poèmes. […] Tel est ce poème d’amour libre et charmant, personnel, réaliste, plein de délicats détails visibles et perçus, libre de la rhétorique déclamation de Musset, de la trop pâle mélancolie de Lamartine, mais vif, tendre, amer, violent, sardonique et emporté, le plus bel effort de la lyre allemande. […] C’est en mai 1848, le jour où je suis sorti pour la dernière fois, que j’ai pris congé des charmantes idoles que j’ai adorées pendant mes temps heureux.

75. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

Avant de fermer le volume, je transcris encore une scène toute charmante de vérité. […] mon parrain, lui répond-elle en un rire charmant, vous m’aimez trop pour ça ! […] L’aller était charmant, mais le retour était un peu ennuyeux. […] Elle réunit en un rêve charmant ces deux têtes, l’une blonde, l’autre brune. […] Tout cela me paraissait charmant.

76. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Greuze » pp. 234-241

Que n’étais-tu à côté de cette jeune fille qui regardant la tête de ton Paralytique, s’écria avec une vivacité charmante : Ah, mon Dieu, comme il me touche ; mais si je le regarde encore, je crois que je vais pleurer ; et que cette jeune fille n’était-elle la mienne ! […] Que les bras de cette figure d’ailleurs charmante, sont roides, secs, mal peints et sans détails… Oh pour cela, rien n’est plus vrai. […] Il y a pourtant dans celui-ci des détails charmants, comme le petit chien, etc.

77. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mendès, Catulle (1841-1909) »

Tel est l’excellent et charmant morceau par lequel s’ouvre le livre lyrique de M.  […] On connaît la charmante anecdote de ce paysan disant avec fureur : « Je n’ai pas pu dormir ; il y avait là une canaille de rossignol qui n’a fait que gueuler toute la nuit !  […] S’il faut absolument chercher la figure de ce poète excellent dans l’iconographie chrétienne, j’arrangerai tout peut-être en choisissant cette figure des catacombes où l’on voit le Christ en Orphée charmant les animaux des sons de sa lyre. […] Autant que la Faute de l’abbé Mouret ou la Joie de vivre, le Roi vierge fit saisir aux mains actives l’inanité charmante des chapeaux de rêve. […] Mais il n’est que la charpente où s’étaye le discours du poète, qui est toujours charmant, souvent admirable.

78. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

Il n’est jamais l’égal de lui-même, et il ne tient qu’à un cheveu que ses pages les plus charmantes ne soient du galimatias. […] ô le défaut charmant et irréparable ! […] Feuillet est un esprit charmant. — Madame Allan est charmante. — M. Régnier est charmant. — Mademoiselle Fix est charmante. — Delaunay est charmant. — La toilette de madame de Vitré est charmante. — L’ameublement du deuxième acte est charmant. […] Vous, qui avez écrit des ballets charmants, faut-il vous apprendre que celui-ci est délicieux ?

79. (1913) La Fontaine « VIII. Ses fables — conclusions. »

Je n’ai pas besoin de vous rappeler, dans la fable des Lapins, cette peinture du crépuscule du matin qui est si charmante et qui, comme vous le savez, chez La Fontaine, était un thème qu’il a traité à plusieurs reprises…. […] C’est une description d’un jour charmant, de printemps probablement. […] La Fontaine a dédaigné ou négligé ce récit qui serait une chose charmante, et cette ressource poétique. Il ne s’est pas inquiété de compléter par un pendant, par une réplique, le charmant tableau de nature qu’il a fait au commencement. […] Ce qui fit réfléchir Voltaire et ce qui adoucit beaucoup son ton, c’est le charmant livre — ce n’était qu’une édition, mais quelles notes et quels charmants commentaires   cette édition de La Fontaine par Chamfort qui est exquise, absolument exquise.

80. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VII. Maurice Barrès et Paul Adam » pp. 72-89

Il y a eu dans Renan de l’ironie, en même temps qu’un style d’une syntaxe charmante dont Barrès, France, d’autres, sont nourris. […] Il est légitime, actuel et charmant de prendre un anarchiste délicat comme héros de roman. […] Ceci n’est qu’une nuance : le roman, n’est-ce pas, est charmant, et s’il ne nous emballe pas comme les Barbares, ce n’est pas la faute du poète, mais du lecteur qui a, vieilli, déjà, un peu, et que les premiers romans de Barrès avaient dès l’abord rendu trop difficile. […] Des images charmantes aident la femme grosse à engendrer en beauté.

81. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Gaston Boissier » pp. 33-50

C’était le plus charmant Arlequin de professeur qui ait jamais existé. […] Gaston Boissier n’a ni la fantaisie, ni la pétulance, ni le dandysme impertinent et charmant de Chasles, — mais il a pourtant, comme Chasles, du dandysme dans sa personne, et même dans sa littérature. […] Gaston Boissier ajoute, dans son livre, une érudition qui, pour la première fois, n’est pas haïssable, mais charmante. […] Les sornettes que ce charmant dandy de professeur met à la place de cela, sont magnifiques.

82. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — K — Klingsor, Tristan (1874-1966) »

Henri de Régnier Poésie singulière, à la fois galante et funèbre, attifée et naïve, qui sent la marjolaine et le cyprès, mêlée de froissements de soie et de cliquetis d’ossements, chansons qui voltigent sur des drames latents, chansons parfumées d’amour et de mort, charmant et délicieux livre que ces Squelettes fleuris où M.  […] Et qu’ils lui inspirent de charmantes choses !

83. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

Elles sont charmantes, ravissantes d’esprit, d’âme, de cœur, et tout cela pour moi ! […] « Vraiment il se passe de charmantes choses sur la cendre, et, quand je ne suis pas occupée, je m’amuse à voir la fantasmagorie du foyer. […] Le charmant musicien arrivait à peine et n’a fait que s’annoncer. […] « Ce repas au coin du feu, parmi chiens et chats, ce couvert mis sur les bûches, est chose charmante. […] « C’est bien dommage, car c’est un charmant pupitre, sur ce tertre du jardin si vert, si joli, si frais, tout parfumé d’acacias.

84. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

vous êtes des innocentes, des immaculées et des charmantes, comparées à ces Vésuviennes, à ces subtilités en chair et en os ! […] Sous la glace attachée aux guirlandes du bois doré, et dans cette poussière éteinte, on devine facilement la rose et la beauté qui se souriaient l’une à l’autre, et peu s’en faut que l’on n’entende encore les paroles, et le charmant duo de la fleur et du sourire ! […] C’est cette même voix qui aujourd’hui encore, en songeant à cet accent plein, sonore et d’un si beau timbre, vous fait paraître plus charmants les plus beaux vers de Molière. […] Ce fut le 18 avril 1844 que mademoiselle Mars se montra, pour la dernière fois, à ce public, dont elle était encore (après tant d’années) la fête la plus sérieuse et la plus charmante. […] Cette page heureuse exhale encore la suave odeur de nos saulées ; elle fut écrite, l’été passé, au bord de notre fleuve bien-aimé, ce diantre de Rhône, par un poète ingénieux, passionné, charmant, M. 

85. (1899) Le monde attend son évangile. À propos de « Fécondité » (La Plume) pp. 700-702

Ils ne se sont pas contentés de la gloire qui s’attache à des auteurs charmants. […] Il est charmant d’une telle manière qu’il épouvante. […] C’est une charmante et haute figure ; je ne puis pas l’examiner dans cette étude, mais je la décrirai un jour, il me suffit de dire maintenant quelle fut sa grandeur véritable et essentielle.

86. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre sixième. »

Vers charmant qui méritait de devenir proverbe, comme l’est devenu le dernier vers : Aide-toi, le ciel t’aidera. […] C’est une pièce de vers charmante. […] On verra que plusieurs des fables qu’il fit dans sa vieillesse, déparent un peu son charmant recueil.

87. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Cros, Charles (1842-1888) »

Lisez parmi ses monologues (c’est lui, entre parenthèses, qui a créé, ou je me trompe fort, ce genre charmant, le monologue, qu’on a sans doute bien galvaudé postérieurement à lui et dont Coquelin Cadet fut l’impayable propagateur), lisez, dis-je, entre de nombreux chefs-d’œuvre en l’espèce, le Bilboquet, flegme tout britannique, verve bien gauloise, exquis mélange d’humour féroce et de bon gros rire fin let sûr. […] Mais, pour le juger, pour l’admirer dans toute sa puissance de bon et très bon poète, es menester, comme dit l’Espagnol, de se procurer l’unique recueil de vers de Charles Cros, le Coffret de santal, et de se l’assimiler d’un bout à l’autre, besogne charmante mais bien courte, car le volume est matériellement mince et l’auteur n’y a mis que ce que, bien trop modeste, il a cru être tout le dessus de son magique panier.

88. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

Petites pensées de là-bas qui en valent bien des grandes d’ici, souvenir charmant d’un rapetissement de civilisation à la manière des réductions de Barbedienne. […] Pour le reste ou plutôt pour ce qui précède, je renvoie le lecteur à ce charmant et délicat petit livre. […] André Theuriet qui, sous le titre de l’Affaire Froideville, nous a peint un charmant tableau de genre pris sur le vif de l’intérieur de l’un de nos ministères. […] Aujourd’hui que l’auteur est mort, j’ajoute à cet article que ce charmant petit poème était d’André Gill, le grand caricaturiste, qui a laissé d’exquises poésies manuscrites. […] Guy Ropartz, à qui nous devons un charmant et juste éloge de Victor Massé, vient de publier, chez Léon Vanier, un recueil de poésies intitulé : Adagiettos, le tout précédé d’un « prélude » de Louis Tiercelin.

89. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Aicard, Jean (1848-1921) »

Je citerai, par exemple, comme une chose charmante, sa Déclaration d’amitié. […] Jean Aicard de nous dire, avec son éloquence, le beau et charmant poème de la naissance, de la vie et de la mort du Christ.

90. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Van Lerberghe, Charles (1861-1907) »

Van Lerberghe note ainsi sur l’amour, l’ingénuité de l’amour, sur la mort, sur l’attente de l’espérance de la découverte, des lieds imprécis et charmants, où les syllabes semblent du silence enchanté, et c’est ainsi : La Ménagère, Dans la pénombre (un poème de seize absolument charmant), La Barque d’or que connaissent bien les lettrés : Mais une qui était blonde,         Qui dormait à l’avant, Dont les cheveux tombaient dans l’onde,         Comme du soleil levant Nous rapportait sous ses paupières         La lumière.

91. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Célimène est charmante ; elle est veuve, elle est jeune : il est tout simple que les galants y abondent. […] Au lieu de perfectionner la langue à leur insu, comme fait la charmante Henriette, en sentant vivement et délicatement, et en parlant comme elles sentaient, elles ne prenaient garde qu’à se conformer à Vaugelas. […] Jamais paroles plus charmantes ne sont sorties d’un cœur paternel. […] Quel type charmant que l’aimable Henriette ! […] Aussi rien de romanesque dans ces fortes et charmantes peintures des sentiments de l’amour ; rien qui soit fait de tête, ni sur le modèle de la galanterie à la mode ; pas un trait qui n’aille à tous les temps et à tout le monde.

92. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IX. Eugénie de Guérin »

D’ailleurs nous avons pu un jour, à Paris, goûter les saveurs de cette « éducation sauvage », et nous affirmons que jamais nulle créature de direction mondaine ne nous a paru aussi douce et aussi aimable que cette Fauve charmante, grandie comme sainte Geneviève, parmi les pastours ! […] Il l’a dit dans des vers charmants de sentiment et de cadence, qui tombent parfois çà et là, sur une rime faible, mais trouvent le moyen de n’y pas rester et de s’envoler, Qu’importe, du reste ! […] Androgyne de mère et de sœur, Mlle Eugénie de Guérin, les années venues, resta l’une et l’autre, comme à l’époque où, mignonne fillette, elle avait la charmante majesté maternelle des quelques années de plus que le frère qu’elle appelait son enfant. […] Ainsi, elle avait des amies, cette solitaire, des relations, des connaissances avec qui elle vivait, toute supérieure qu’elle fût, dans un charmant plain-pied de cœur. […] Excepté de temps en temps, un regard charmant d’hirondelle, heurtant la tapisserie et cherchant son vieux mur du Cayla, à chèvrefeuille et à pariétaires, qui eût révélé dans cette fille calme autre chose qu’une femme du monde, capable de lui plaire, et, si elle avait voulu s’en donner la peine, de le dominer ?

93. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN FACTUM contre ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 301-324

C’est la première attaque qui vienne depuis longtemps s’essayer contre cette pure et charmante gloire. […] Je m’étais toujours figuré, je l’avoue, un rôle tout autre pour un homme de l’école moderne, de cette jeune école un peu vieillie, qui se serait mis sur le retour à étudier de près les Anciens et à déguster dans les textes originaux les poëtes : c’eût été bien plutôt de noter les emprunts, de retrouver la trace de tous ces gracieux larcins, et de nous initier à l’art charmant de celui qui se plaisait souvent à signer : André, le Français-Byzantin. […] Celui qui demain va mourir sent un regret à quitter la vie que consolait sous les barreaux une vue si charmante, mais il exprime ce regret à peine, et son émotion prend encore la forme d’une pensée légère, de peur de jeter une ombre sur le jeune front souriant94. […] On a le charmant morceau qui servait de préface, et dans lequel il énumère à plaisir les divers poëtes de son choix en les désignant chacun par une fleur appropriée. […] Lui, comme tous les chantres de la jeunesse, de la beauté et de l’amour, il forme un vœu plus doux, il rêve une gloire plus charmante, quelque Françoise de Rimini au fond : Ut tuus in scamno jactetur sæpe libellus, Quem legat expectans sola puella virum96.

94. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres de la marquise Du Deffand. » pp. 412-431

On trouverait bien encore, au commencement du xviiie  siècle, cette autre Mme de Staal (Mlle de Launay), auteur des charmants Mémoires, esprit élevé et ferme autant que fin ; mais elle n’a pas assez longtemps vécu, et, par les circonstances de sa condition première, elle n’a jamais été assez avant mêlée dans le plein milieu de la société, pour la personnifier de loin à nos yeux. […] Le grand prédicateur l’écouta, et dit pour toute parole en se retirant : « Elle est charmante. » L’abbesse insistant pour savoir quel livre il fallait donner à lire à cette enfant, Massillon répondit, après un moment de silence : « Donnez-lui un catéchisme de cinq sous. » Et l’on n’en put tirer autre chose. […] Une des personnes de sa société qu’elle appréciait le plus était la duchesse de Choiseul, femme du ministre de Louis XV, personne bonne, vertueuse, régulière à la fois et charmante, et qui n’avait d’autre défaut à ses yeux que d’être trop parfaite ; elle lui écrivait un jour : Vous ne vous ennuyez donc point, chère grand-maman (c’était un sobriquet de société qu’elle lui donnait), et je le crois, puisque vous le dites. […] Elle correspond avec Voltaire, dicte de charmantes lettres à son adresse, le contredit, n’est bigote ni pour lui ni pour personne, et se rit à la fois du clergé et des philosophes. […] Et dans un autre passage charmant où elle le compare à Walpole dans son manoir de Strawberry-Hill, elle conclut : « Allez, allez, Horace ressemble plus à Michel qu’il ne croit. » Ce qu’elle aime aussi dans Montaigne, c’est qu’il avait un ami et qu’il croyait à l’amitié.

95. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. Le Chateaubriand romanesque et amoureux. » pp. 143-162

Mais encore, si charmante et si réelle à certains égards que soit la Lucile des Mémoires d’outre-tombe, il en est peut-être moins dit sur elle et sur sa plaie cachée, que dans les quelques pages où nous a été peinte l’Amélie de René. […] M. de Chateaubriand devient ce secrétaire ; il vit là dans la famille ; il lit de l’italien avec la charmante miss Ives ; comme Saint-Preux, il se fait aimer. […] Cette charmante femme méritait certes bien des exceptions ; une telle parole toutefois est ingrate et fausse. […] Quelques lettres sont charmantes, et, même quand elles ne le sont pas, elles restent toujours naturelles, ce qui n’est pas commun chez lui. […] cet homme-là que nous avons vu à la fin, assis, muet, maussade, disant non à toute chose, cet homme cloué dans tous ses membres, et qui se ronge de rage comme un vieux lion, il a sous main des retours charmants, des éclairs.

96. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mme du Châtelet. Suite de Voltaire à Cirey. » pp. 266-285

On voit dans chacune de ses lettres combien elle se méfie de la sagesse du poète quand il est loin d’elle, abandonné sans conseil à toutes ses irritations, à ses premiers mouvements et à ses pétulances : « Croyez-moi, dit-elle à d’Argental, ne le laissez pas longtemps en Hollande ; il sera sage les premiers temps, mais souvenez-vous Qu’il est peu de vertus qui résistent sans cesse. » Si elle avait lu La Fontaine autant que Newton, elle citerait, pour le coup, ces vers charmants du bonhomme, qui vont si bien à Voltaire et à toute la race : Puis fiez-vous à rimeur qui répond D’un seul moment ! […] » (Charmant Mondain ! […] Presque dès le début de sa liaison avec Mme du Châtelet, il put lui dire et lui redire ces vers charmants : Si vous voulez que j’aime encore Rendez-moi l’âge des amours… Elle acceptait toutefois cette situation inégale, et jusqu’à un certain point pénible ; durant des années elle s’y montra constante et fidèle. […] En 1738, par exemple, au moment où Mme de Graffigny tomba à Cirey, Voltaire était dans une de ces crises et de ces quintes littéraires qui « altéraient tout à fait la douceur charmante de ses mœurs ». […] Ces lettres de Mme du Châtelet, il faut l’avouer, sont charmantes et vraiment tendres ; il semble que, sous l’empire d’un sentiment vrai, il se soit fait en elle une sorte de renouvellement de pensée et de rajeunissement.

97. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Saint-Bonnet » pp. 1-28

Je ne vois qu’un charmant sourire descendant d’une bouche bien humaine et bien éloquente. […] Le livre de Saint-Bonnet, que j’oserais critiquer dans l’architecture de sa composition s’il n’était pas bien moins un livre écrit pour le public que les Élévations solitaires d’un admirable penseur devant Dieu, ce livre de près de six cents pages étincelle de beautés de toute espèce, de rencontres heureuses, de détails charmants et de traits de génie, qui, comme des éclairs, vous entrouvrent un monde, où il n’y avait qu’un horizon ! […] Un penseur immense et charmant, un charmant et immense artiste, voilà la double nature de cet homme qui a fait des livres trop gros, dit-on, et les intitulait de ce grand mot sec, qui ne l’était pas pour lui : L’Infaillibilité ! […] — que le suicide universel, — pour faire suite au suffrage universel : charmante liaison d’idées !

98. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre II. L’homme »

Je vous en fais juge : sans parler d’autres merveilles sur lesquelles M. d’Hervart m’obligea de jeter la vue. » Ici perce la pointe de gaieté sensuelle ; mais il revient et ajoute avec une grâce charmante : « Si cette jeune divinité qui est venue troubler mon repos y trouve un sujet de se divertir, je ne lui en saurai point mauvais gré. […] Mme d’Hervart, jeune et charmante, veilla à tout, jusqu’à ses vêtements, prit soin, sans qu’il s’en doutât, de remplacer ses habits usés ou tachés, fut pour lui une mère, mieux encore, une maman. […] Il était dans ce monde charmant où les hommes sensés n’entrent jamais, qui n’est ouvert qu’aux simples d’esprit, aux gens un peu fous, aux rêveurs. […] C’est cette faculté qui transformait et embellissait en lui toutes les autres ; c’est elle qui, prenant la sensualité, la moquerie, la gaieté, toutes les inclinations gauloises, les rendait innocentes et charmantes ; c’est elle qui écartait de lui la médiocrité, la sécheresse, la vanité et l’affectation, qui ordinairement gâtent notre genre d’esprit.

99. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Les femmes de France : poètes et prosateurs  »

I La première impression, c’est que presque toutes ces femmes sont charmantes ou drôles, et de figures extrêmement variées. […] …  Puis c’est, à l’arrière-plan, Mme des Houlières, besoigneuse, « ayant eu des malheurs », intrigante, cherchant à placer ses deux filles, suspecte d’un peu de libertinage d’esprit, avec je ne sais quoi déjà du bas-bleu et de la déclassée… Voici, en revanche, deux perles fines, deux fleurs de malice et de grâce : Mme de Caylus, si vive, si espiègle et si bonne, et la charmante Mme de Staal-Delaunay, qui fait penser, par son changement de fortune et par la souplesse spirituelle dont elle s’y prête, à la Marianne de Marivaux  Une révérence, en passant, à la sérieuse et raisonneuse marquise de Lambert, et nous sommes en plein xviiie  siècle, parmi les aimables savantes et les jolies philosophes. […] Et celles-là sont encore pour nous les plus charmantes. […] Car si elles ont joué ce rôle, si elles ont eu cette influence, c’est qu’elles ont su se faire infiniment charmantes et séduisantes.

100. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Jules Janin » pp. 137-154

Les siennes, je le veux bien, étaient séduisantes ; mais, au bout du compte, elles n’avaient pas plus de valeur que les vibrations d’une charmante individualité. […] II Ainsi, un homme de style, — d’un style personnel, — un fantaisiste, d’un caprice charmant et d’une bonne humeur infatigable, qui disait tout ce qui lui passait par sa bonne grosse tête, voilà tout Jules Janin et son mérite. […] Il avait la simplicité qu’ont tous les hommes qui ne pensent jamais qu’à une seule chose, et pour lui c’était toujours à quelque page brillante ou charmante à écrire ! […] il me plaît tant, cet homme de lettres et d’esprit, et d’esprit français, que j’ai essayé de replacer aujourd’hui dans la lumière de son mérite, qui est immense et qui est charmant, et dont la nature est de passer, — de n’être pas plus immortel que les fleurs qui passent, — il me plaît tant que j’arrête ici mon chapitre !

101. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hervilly, Ernest d’ (1839-1911) »

Tes mains planent, sveltes et blanches, Sur les cordes des instruments, Comme un couple d’oiseaux charmants Qui se becquètent sur les branches. […] Alphonse Lemerre Au théâtre, La Belle Saïnara, comédie en un acte et en vers, joint, comme certains de nos plus charmants tableaux de genre, la couleur locale japonaise à la couleur locale parisienne.

102. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Mais avez-vous lu, ami lecteur, cette charmante satire d’Aristophane, Plutus ? […] Vous me semblez des personnes charmantes, je le déclare ; revenez, je vous en prie — ne nous réduisez pas au désespoir ! […] — Véritable fille de l’Espagne, élégante jeunesse, visage charmant et brun, éclairé par ces deux grands yeux bienveillants et étonné ?! […] Dès la première scène, Sganarelle est charmant, et comme on ne sait pas encore à quel abominable service ce brave homme est attaché, on rit franchement et de bon cœur. […] Le second acte commence par une scène charmante, charmante justement parce que Don Juan n’est pas là.

103. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Musset, Alfred de (1810-1857) »

Toutes les qualités féminines légères, délicates, fragiles, souffrantes ; ce qu’on entendait par de l’aristocratie quand le mot avait un sens ; la gracilité de ces héritiers élégants et maladifs en qui s’éteignent les familles nobles ; charmant, touchant, oui, — grand, non. […] Théodore de Banville Je voudrais le montrer non tel que l’a dessiné Gavarni en cette lithographie exquise où le dandy-poète, déjà fatigué de la lutte, pâli par les veilles, ferme à demi ses yeux et regarde tristement le fantôme de la vie ; — mais fier, charmant, jeune, beau comme dans le médaillon où David nous conserva l’image de son enfance adorable, et tel qu’il apparut à cette soirée chez Charles Nodier, où il lut pour la première fois les Contes d’Espagne et d’Italie, et d’où il sortit célèbre. […] Gustave Flaubert Musset aura été un charmant jeune homme et puis un vieillard, mais rien de planté, de rassis, de carré, de sérieux dans son talent (comme existence, j’entends) ; c’est qu’hélas !

104. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « L’abbé Galiani »

Il y avait autre chose que le feu de l’improvisation napolitaine dans ce Napolitain charmant, que j’aurais voulu prêtre pour mettre en valeur tout ce qu’il y avait de profond sous cette flamme, trop légère pour être dévorante, venant de cet éblouissant de conversation qui batifolait dans les idées avec une grâce si brillante, mais qui pourtant ne fut toute sa vie qu’un abbé qui n’était pas prêtre, — l’Abbé Arlequin ! […] L’abbé Galiani fit les délices d’une société charmante qui les lui rendit, et quand, par suite d’une indiscrétion diplomatique, car ce pétulant intellectuel, cette tête à feu et à fusées, ne pouvait pas être la tirelire à serrure des petits secrets politiques qu’il faut garder, il fut forcé de quitter cette société qui était devenue la patrie de son esprit, il la quitta comme on quitte une maîtresse aimée, et la Correspondance que voici atteste à chaque page ce sentiment presque élégiaque dans une nature si peu tournée à l’élégie, mais dont l’esprit souffre de regret comme un cœur ! […] Il rappelle, par la variété des connaissances et des aptitudes, un autre Italien de son siècle, monstrueux, il est vrai, dans l’ordre physique de l’action, mais charmant dans l’ordre de l’esprit, l’aventurier Casanova, dont on dit aussi : que ne fut-il pas et que n’aurait-il pas pu être ?

105. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Feuillet de Gonches »

Feuillet sortit de là biographe animé, charmant de renseignement et même de mélancolie. […] Littérairement, il représente, dans l’état actuel de sa pensée et de ses ouvrages, cette espèce d’hommes du monde charmants — et même brillants — qui ne sont pourtant que les seconds pour les femmes. […] Il a voulu aussi les instruire, et il a jeté dans leurs mémoires, aussi grand ouvertes que leurs yeux, des tournures de langue oubliées, de charmantes choses tombées en désuétude, des mots divins que La Fontaine, qui n’était pas fier, ramassait, et qu’il faut rapprendre à l’enfance, si on ne veut pas qu’elle périsse, l’ancienne langue française, exténuée dans les maigreurs du xviiie  siècle.

106. (1925) Proses datées

Il s’y détendait, s’y montrait gai, charmant. […] Il était exigu, mais charmant, situé au bord de l’eau. […] L’accueil de Pierre Loti est courtois et charmant, mais il a de la réserve et de la distance. […] De bord à bord, des relations charmantes s’établirent. […] Un jeune artiste, Daragnès, y a ajouté de charmantes et pittoresques illustrations.

107. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN DERNIER MOT sur BENJAMIN CONSTANT. » pp. 275-299

Hier encore, un estimable journal, du très-petit nombre de ceux dont les jugements comptent, le Semeur 86, tout ému de charmantes lettres d’amour écrites en 1814 par Benjamin Constant, et dont M.de Loménie a publié des extraits, semblait en conclure que nous avions perdu notre cause, comme si nous nous étions mêlé de cette délicate matière, et comme si nous avions rien dit qui pût faire injure à ces tendres billets. […] Jean-Jacques, au même âge et avec tous ses défauts, avait le sentiment passionné de la nature ; il faisait, on s’en souvient, cette charmante promenade, qu’il nous a si bien décrite, avec mesdemoiselles Galley et de Graffenried. […] Nous regrettons qu’une contradiction aussi directe, et partie d’un écrivain qui s’appuie à des autorités imposantes, nous oblige à pousser plus avant encore et à développer quelques-uns de nos motifs ; car, quoi que le critique ait pu dire, nous n’avions aucun parti pris à l’avance contre un esprit aussi charmant que celui de Benjamin Constant. […] Si jamais on publie ses lettres à cette Julie Talma dont il a tracé un si charmant portrait, je suis certain qu’elles seront charmantes elles-mêmes, et ici elles pourraient avoir, sans mentir en rien, les couleurs de l’attachement continu et du dévouement.

108. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) «  Mémoires et correspondance de Mme d’Épinay .  » pp. 187-207

Grimm en fut charmé, et, bien qu’amoureux, il ne l’était pas assez pour que son sens critique en fût troublé : « En vérité, disait-il de cet ouvrage, il est charmant. […] Et revenant quelques jours après sur le même portrait, il dit encore dans un tour charmant : Le portrait de Mme d’Épinay est achevé ; elle est représentée la poitrine à demi nue ; quelques boucles éparses sur sa gorge et sur ses épaules ; les autres retenues avec un cordon bleu qui serre son front ; la bouche entrouverte ; elle respire, et ses yeux sont chargés de langueur. […] L’amoureux Francueil, plus tard l’amoureux Grimm, ressembleront plus ou moins à tous les amoureux ; l’un à celui de la première jeunesse, l’autre à celui de la seconde, moins beau, moins délicieux et moins charmant, mais souvent plus sûr et qui guérit les plaies qu’a laissées le premier. […] C’est un homme de trente ans, raisonnable, que je voudrais ; un homme en état de vous conseiller, de vous conduire, et qui prit assez de tendresse pour vous pour n’être occupé qu’à vous rendre heureuse. » — « Oui, lui répondis-je, cela serait charmant ; mais où trouve-t-on un homme d’esprit, aimable, enfin tel que vous venez de le dépeindre, qui se sacrifie pour vous et se contente d’être votre ami, sans pousser ses prétentions jusqu’à vouloir être votre amant ?  […] Ce fut à la mort de Mme de Jully, sa belle-sœur, charmante femme, qui, sous ses airs indolents, possédait elle-même la philosophie du siècle dans toute son essence, et la pratiquait dans toute sa hardiesse et dans sa grâce.

109. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Le duc de Lauzun. » pp. 287-308

À première vue, il prit la charmante enfant en aversion, l’épousa néanmoins (le 4 février 1766) ; et il faut voir de quel ton il parle d’elle dans ses Mémoires, contrairement à ce que disent tous les contemporains, qui n’ont pour cette douce femme si sacrifiée qu’un concert d’admiration et de louanges. […] C’était une charmante personne. […] On lui donna la coupe ; il la porta à miss Marianne en y mettant un petit billet tout préparé à l’avance, qui disait : « Sir Marmaduke étant arrivé un instant trop tard, permettez-moi de suivre ses intentions et de mettre la coupe à vos pieds. » Miss Marianne reconnaissait l’écriture de Lauzun et disait : « Il est charmant !  […] Mais voici le trait essentiel : « Toute l’armée garda le secret de cette charmante étourderie, avec une fidélité que l’on n’eût pas osé espérer de trois ou quatre personnes. » On garda le secret à Mme Chardon parce qu’elle avait été brave, et on la traita comme un camarade qu’on ne veut pas compromettre. […] On ajoute que, dans un sentiment plus élevé, il s’écria à l’instant de la mort : « J’ai été infidèle à mon Dieu, à mon Ordre et à mon Roi : je meurs plein de foi et de repentir39. » On aime à penser qu’en ce moment de suprême équité, un autre nom, une autre infidélité lui serait revenue encore en mémoire, et qu’il se serait dit quelque chose de plus à lui-même s’il avait pu prévoir que, quelques mois après, sa femme, cette modeste, charmante et vertueuse femme dont il a si indignement parlé, et dont tous, excepté lui, ont loué l’inaltérable douceur, la raison calme et soumise, et les manières toutes pleines de timidité et de pudeur, monterait à son tour sur l’échafaud.

110. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Henri Heine »

Un fragment, tour à tour charmant et superbe, et qu’il intitule les Aveux d’un poète, ferme comme d’un jugement définitif ces deux volumes sur l’Allemagne et date avec éclat une ère nouvelle dans la pensée de Henri Heine. […] Nous voulons croire que comme cet autre glorieux grabataire, ce Milton de l’Histoire, qui a dit : « Dieu doit me regarder avec plus de tendresse et de pitié, parce que je ne puis voir que lui », Heine, le grand et charmant poète, reviendra à la source de cette lumière qui passe si bien, pour inonder une âme, à travers de pauvres yeux fermés. […] II17 Pendant que nous parlions de Henri Heine18 avec le détail que mérite ce charmant génie, — cette rose à mille feuilles de facultés différentes, — qui fut poète, philosophe, historien et critique, encyclopédique comme Voltaire, triste et gai comme Sterne, et sceptique comme le xixe  siècle tout entier, l’éditeur Lévy publiait sous le titre : De tout un peu, un volume de plus qu’il ajoutait aux livres déjà publiés des Œuvres complètes. […] Il est de la race du grand poète, impie au stoïcisme, qui disait : « Je les attends, les plus enragés stoïques, à leur première chute de cheval. » Ce n’est qu’un épicurien, sentant trop la douleur pour la nier, — mais un épicurien de la Pensée, un voluptueux de l’Idéal et de la Forme, ayant la sensibilité nerveuse de la femme et l’imagination des poètes qui s’ajoute à cette sensibilité terrible… Et, dans les livres où il parle de ses souffrances avec une expression tout à la fois délicieuse et cruelle, il ne songe pas une minute à se poser comme un résistant de force morale et de volonté héroïque… En ces livres, parfumés de douleur, il n’est que ce qu’il a été toute sa vie, dans ses livres de bonheur et de jeunesse, — c’est-à-dire bien moins une créature morale qu’une charmante créature intellectuelle, intellectuelle jusqu’au dernier soupir. […] Que de choses ironiques, moqueuses et charmantes, et malheureusement impies, écrites par Voltaire, auraient pu l’être par Henri Heine !

111. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre II. La vie de salon. »

Pour ses instincts de bienveillance et de vanité, il y a de charmantes douceurs dans l’habitude d’être aimable, d’autant plus qu’elle est contagieuse. […] Ceux-ci jouent avec eux et en font des poupées charmantes ; la prédication de Rousseau qui, pendant le dernier tiers du siècle, remet les enfants à la mode, n’a guère d’autre effet. […] Les enfants de M. de Sabran, fille et garçon, âgés de huit et neuf ans, ayant reçu des leçons des comédiens Sainval et Larive, viennent à Versailles jouer devant la reine et le roi l’Oreste de Voltaire, et le petit garçon qu’on interroge sur ses auteurs classiques « répond à une dame mère de trois charmantes demoiselles : Madame, je ne puis me souvenir ici que d’Anacréon ». […] En revanche, la chanson sur la bataille de Rosbach est charmante. […] Ne soyez point époux, ne soyez point amant, Soyez l’homme du jour et vous serez charmant.

112. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Lettres de Madame de Sévigné »

Mais lui-même, épris de son objet, il eut ses scrupules de puriste, son désir du mieux, ses idées de perfectionnement : il en résulta, dans la seconde édition qu’il donna, des corrections de son fait, méditées de longue main et portant presque toutes sur les naturelles et divines négligences d’un auteur charmant qui n’avait jamais songé à être auteur. […] Il y aura pourtant des endroits nouveaux tout à fait charmants, qui méritent qu’on s’en souvienne, des tendresses de grand’maman pour sa petite-fille. […] je me plais à vous nommer, vous qui me représentez toute cette classe d’esprits excellents, prudents et solides, comme il en est quelques-uns encore, qui aiment en toute chose qu’on avance avec lenteur et qu’on ne détruise point inutilement ; vous à qui l’on doit la dernière édition charmante de la Sévigné antérieure et intermédiaire39 ; vous ne serez dérangé qu’à peine par celle-ci, dont vous ne vouliez pas, à la fois nouvelle et plus ancienne ; vous ne le serez que juste autant qu’il faut pour mieux goûter ensuite votre objet. […] On ne peut rien détacher en ce genre ; lisez tous ces charmants endroits dans le livre (tome II, pages 149 et 173), mais surtout ce passage où elle nous expose et nous étale si plaisamment, si crûment, la satiété, le dégoût et la profonde nausée d’une nature repue et gorgée de plaisirs.

113. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis de Belloy »

On sortait de là, la mémoire involontairement remplie de mille semences poétiques, de mille charmantes réminiscences qui avaient leur réveil à toute heure. […] Si, dans les grands et pathétiques naufrages modernes, l’intérêt public se porte naturellement sur les deux ou trois survivants que le radeau a rapportés et qui représentent pour nous les absents abîmés et engloutis, il convient de faire, ce semble, la même chose dans l’ordre de l’esprit et du talent, et de ne pas trop chicaner un ancien qui nous est arrivé par exception et par un singulier bonheur, surtout quand il nous offre en lui des dons charmants, incontestables ; il sied bien plutôt de l’aimer et de le louer tant pour son propre compte que pour les amis et parents qu’il représente et qui ne sont plus, au lieu d’aller se servir de ces noms très grands assurément, mais un peu nus désormais et à peu près destitués de preuves, pour l’infirmer et le diminuer. […] Que d’œuvres charmantes cette mort si précoce nous a ravies ! […] Un dernier vers charmant.

114. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

On ferait une Anthologie charmante de tout ce qui échappe d’excellent à l’un ou à l’autre en tel jour de sa vie, et dont le public, non plus que l’auteur en son pêle-mêle, ne se doute pas. […] C’était là peut-être, en cette œuvre modeste et charmante, la seule trace d’école, de cette école qu’il fuyait. […] J’en ai vu un exemplaire aux mains de deux charmantes sœurs à qui on l’avait envoyé parce qu’elles avalent un chagrin ce jour-là, et il y était écrit pour épigraphe ces deux vers : Lire des vers touchants, les lire d’un cœur pur, C’est prier, c’est pleurer, et le mal est moins dur. […] Mais notre poëte, qui est au fond très-civilisé et très-probablement de la postérité de Callimaque et d’Horace, ayant appris le méfait, s’en fâcha, et écrivit de belle encre cette charmante lettre au chanteur du cru, pour le féliciter à la fois et le tancer, pour le remettre au pas et lui donner des conseils.

115. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « GLANES, PÖESIES PAR MADEMOISELLE LOUISE BERTIN. » pp. 307-327

Une des questions qu’elle se pose le plus habituellement est celle-ci : Si la mort est le but, pourquoi donc sur les routes Est-il dans les buissons de si charmantes fleurs ; Et, lorsqu’au vent d’automne elles s’envolent toutes, Pourquoi les voir partir d’un œil mouillé de pleurs ? […] dans ce beau lieu paré De tes plus charmantes étoiles, Cache mon âme ; elle a pleuré ; Couvre-la bien de tes longs voiles ! […] Sa petite Chloé surtout est charmante ; cette jolie enfant, pendant qu’Homère chante et que tous se taisent, ne peut s’empêcher d’interrompre et d’interroger, de demander si tous ces grands combats sont vrais, si le vieil aveugle les a vus jadis de ses yeux : « Connaissais-tu Priam, Pâris, son frère Hector, Et le fils de Laërte et le sage Nestor ? […] Après une charmante pièce, et toute vive, toute d’allégresse, sur le Printemps : Le voilà !

116. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre V. La Fontaine »

Ce n’est pas la seule fois où l’on voie l’égoïsme radical faire un caractère charmant : ces libres déploiements de la nature primitive, antérieure à toute morale, ont d’infinies séductions. […] Presque toutes ces idées trouvent leur développement, avec les exemples capables de les illustrer, dans le charmant livre de Taine. […] Nombre de fables sont encadrées dans des épitres, des discours, des causeries : le duc de la Rochefoucauld, Mme de la Sablière, Mlle de la Mésangère, Mlle de Sillery, Mlle de Sévigné422 reçoivent des pièces plus charmantes qu’aucune de celles qu’ont dédiées Voiture ou Voltaire. […] A vrai dire, le lyrisme est partout dans ces fables : l’individualité du poète s’épanche avec une grâce charmante, une individualité qui n’a rien de romantique, de fougueux, de tapageur, qui est toute en finesse ironique, en sensibilité discrète.

117. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Poésies nouvelles de M. Alfred de Musset. (Bibliothèque Charpentier, 1850.) » pp. 294-310

Alfred de Musset a écrites depuis 1840 jusqu’en 1849 ; son précédent recueil, si charmant, ne comprenait que les poésies faites jusqu’en 1840. […] Au point de vue poétique, rien de plus charmant, de mieux trouvé et de mieux enlevé. […] Les voilà, ces buissons où toute ma jeunesse, Comme un essaim d’oiseaux, chante au bruit de mes pas ; Lieux charmants, beau désert où passa ma maîtresse,               Ne m’attendiez-vous pas ? […] Ces fines esquisses, ces gracieux Proverbes qu’il n’avait pas écrits pour la scène, sont devenus tout à coup de charmantes petites comédies qui se sont levées et ont marché devant nous.

118. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Les romans de M. Edm. de Goncourt » pp. 158-183

Dans le foyer du cirque où les frères Zemganno attendent avant d’entrer en scène, les objets se diffusent sous les rayonnements que note l’auteur : C’étaient et ce sont sur ces tableaux rapides, sur ces continuels déplacements de gens éclaboussés de gaz, ce sont en ce royaume du clinquant, de l’oripeau, de laa peinturlure des visages, de charmants et de bizarres jeux de lumière. […] Conduit par son réalisme à l’étude d’une basse prostituée, d’ailleurs rétive et passionnée, il n’a fait depuis que des créatures fantasques et charmantes, des clowns bohémiens, une actrice, une jeune fille jolie, coquette et gâtée, des êtres changeants comme un ciel de printemps, extrêmes, ondoyants, d’une nature atrocement difficile à décrire et à montrer. […] A une époque où le souvenir du romantisme remplit les romans réalistes et les scènes brutales, de grands chocs tragiques et sanglants, de raffinements maladifs, M. de Goncourt a conservé le sens des choses naturellement charmantes, de la poésie dans les incidents journaliers, des âmes délicates de naissance, de ce qui est vif, simple et gai. […] Mais où le sens du joli éclate, c’est dans son nouveau livre, dans cette charmante étude de l’éclosion féminine qui forme la première moitié de Chérie, dans le geste mutin d’une petite fille perchée sur sa chaise et éventant sa soupe de son éventail ; dans la gaie répartie du maréchal consolant Chérie de s’apitoyer sur la douleur des parents des perdreaux servis à table ; dans la scène du baptême de la poupée ; dans l’inquiet effarement d’une troupe d’enfants enfermés dans les combles ; dans la bienveillante et aimable idée qu’a la maréchale de greffer sur les églantiers de de la forêt de Saiut-Cloud les roses du jardin impérial.

119. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « VII » pp. 25-29

La vente qui a lieu depuis lundi dans les appartements du Palais-Royal, et qui finit aujourd’hui mercredi au profit de la Guadeloupe et sous les auspices de la reine, a mis en circulation dans la haute société un charmant recueil de nouvelles inédites, trois nouvelles, Marie-Madeleine, Une Vie heureuse et Résignation, composées par une jeune femme du monde12 pour elle seule et quelques amis ; mais la reine l’ayant su a désiré que ce fût imprimé à l’Imprimerie royale et vendu pour cette infortune extraordinaire : il a fallu obéir. […] Les trois cents exemplaires ont été épuisés le second jour : un vrai, louable et charmant succès.

120. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Appendice — Début d’un article sur l’histoire de César »

Grand capitaine quand il le faut, endurci aux fatigues, rapide, agile, inépuisable en combinaisons, il ne se laisse ni entraîner par le vertige des conquêtes ni arrêter par des scrupules d’homme civil et des remords d’humanité sur les champs de bataille : humain et clément le lendemain, charmant à ses amis, conciliant à ses ennemis, attentif à tous, fécond jusqu’à la fin en projets immenses, mais utiles à l’empire, qu’il était à la veille d’exécuter sans nul doute et d’accomplir jusque sous les glaces de l’âge. […] Mais encore une fois, ce cachet singulier à part et ce vague éclair excepté, n’allez pas au fond, ne sondez pas trop avant, n’y cherchez rien de net ni de précis ; ils ont des aspirations plutôt que des desseins ; ne leur demandez surtout aucune des grâces, aucun des hors-d’œuvre charmants de l’autre, du grand et aimable César.

121. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « LES FLEURS, APOLOGUE » pp. 534-537

Un soir que le public s’était retiré, que les derniers rayons mourants éclairaient encore la serre, que les calices qui s’ouvrent de jour n’étaient pas encore fermés, et que ceux qui attendent la nuit pour éclore commençaient déjà à s’entr’ouvrir, à cette heure charmante, les plus nobles des fleurs rapprochées et faisant cercle vers le haut de la serre se mirent à rêver, à s’enivrer de leurs propres parfums, et à causer entre elles dans la langue des fleurs. […] — Or il y avait près de là, non pas dans la serre ni à titre de fleur rare (il n’en était pas digne), mais sur une fenêtre, un petit brin de réséda, poussé par hasard dans une fente de muraille ; il écoutait ces charmants discours des nobles fleurs, et quand la dernière eut parlé, il murmura de manière à être entendu : « Oui, mes sœurs (car vous l’êtes en parfum), oui le parfum est la gloire et l’orgueil des fleurs.

122. (1875) Premiers lundis. Tome III « Les poètes français »

Il a trouvé pour quelques-uns de ces regrets naturels qui reviennent sans cesse, sur la beauté évanouie, sur la fuite des ans, l’expressionla meilleure et définitive, une expression vraie, charmante, légère, et qui chante à jamais au cœur et à l’oreille de celui qui l'a une fois entendue. […] Qu’on relise ses deux ou trois charmantes Épîtres, il n’y a pas d’ode, d’épopée, de grands et sublimes vers qui puissent empêcher cela d’être agréable et joli, et de plaire à des Français. […] des vers charmants), de bonnes tirades, une veine riche, une sève courante, mais aussi bien des solutions de continuité, bien des inégalités, bien des troubles de diction ; après quelque chose de neuf et de vif, il rentre tout à coup dans le lieu commun, dans la copie des Anciens ; il divague. […] Voilà ce qui est à opposer au portait si séduisant, si chaud de verve, et si charmant de nonchaloir, que Régnier a tracé de lui-même. […] Il l’est, poète, dans la conversation, par le jet pétillant de l’esprit, par l’étincelle perpétuelle, par le tour vif et charmant qu’il donne à toute chose.

123. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Pour ne pas appuyer plus longtemps sur des souvenirs pleins de charmes pour moi, mais trop longs pour vous, je joins ici la Maison de ma mère 86, où mon cœur a essayé de répandre cette passion malheureuse et charmante du pays natal, quitté violemment à dix ans pour ne jamais le revoir… J’ai peur de cela. […] Sa mère l’appelait « notre charmante lettrée », indiquant par là qu’elle la croyait plus savante qu’elle. […] Nous devenons véritables Angevins : Molles comme dit César (ou un autre)… » Ainsi s’égayait la « charmante lettrée » à la veille de mourir. […] Sans doute ce n’est pas l’Espagne dont tu m’envoies le charmant écho dans cette vraie colombe dont tu traduis la langue avec émotion93 ; mais c’est du calme, de l’air, sans sonnette aux portes, sans pianos, sans bonnet grec dans un grenier. — Ici tout va de plain-pied… du moins à la surface des prés que j’ai parcourus. […] Mais, ne pouvant prendre aucun empire sur cet esprit charmant, à la fois prévenu et découragé, je la regarde, la torture dans l’âme, et je prie Dieu sans savoir ce que je dis, car j’ai bien du chagrin !

124. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Octave Feuillet »

Octave Feuillet, imitateur d’Alfred de Musset à la scène, — d’Alfred de Musset qui n’y est lui-même qu’un charmant fantaisiste ; — Octave Feuillet, esprit mince, talent flexible, d’observation quelquefois piquante, mais toujours sans profondeur dans le roman, — lequel demande tant de profondeur pour n’être pas vulgaire, — a précisément dans la pensée les qualités féminines qu’il faut pour réussir dans ce temps énervé. […] Il a eu, sans attendre, cette grande situation littéraire d’académicien, qui, chaque jour, aux choix qu’on fait, devient plus belle, et pour sa part il l’a embellie dans le sens où elle continue de devenir si charmante. […] En amour, si les recommencements sont charmants, il n’en est pas de même en littérature. […] Tous ces livres de Feuillet, manqués aux yeux de la critique exigeante, ne sont que des effleurements d’observation ou d’idées, mais ils ne choquent personne et paraissent charmants à la majorité des esprits, qui ne veulent pas qu’on les remue trop fort. […] De tous ceux qui se livrent à ce charmant et noble exercice de tirer deux moutures d’un sac, Octave Feuillet est peut-être le plus excusable.

125. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre II. Mme Le Normand »

La correspondance de la délicieuse femme qui s’était fait pendant trente ans adorer vertueusement de toute l’Europe, ne consistait qu’en quelques billets du matin que n’importe qui était capable d’écrire, et on put se plaindre, pour la mémoire d’un être charmant qui devait rester comme un idéal de femme dans nos esprits, d’un livre qui rabaissait évidemment, en nous la montrant dans les insignifiances de la vie. […] Les salons (je prends ce mot comme vous l’entendez) sont charmants parce qu’ils sont une école — sans pédantisme, celle-là !  […] Elle a gardé tous les défauts ondoyants, inconséquents, charmants et ensorcelants de la femme.

126. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Du Deffand »

Personne dans son temps, dans aucun temps, personne, fût-ce Voltaire, qui ne s’ennuya jamais, lui, ne fut plus intéressant et plus charmant que cette vieille, son égale en esprit et en grâce, dont l’ennui si intéressant pour nous fut si cruel et si tenace pour elle ; et ces deux volumes, en attendant ceux qui viendront encore, sont de nature à confirmer sur cette femme, la plus singulière de son siècle, ce que les volumes précédemment publiés nous avaient appris. […] Seulement, cette brise de l’esprit finit par ne plus rafraîchir son âme, quoiqu’elle y fit toujours ces plis charmants qui sont des rires ou des sourires. « On la croit sèche, — dit Sainte-Beuve, cité par M. de Saint-Aulaire, — et elle ne l’est point. […] Ce fut le bon sens et sa charmante fille, la plaisanterie, qui l’empêcha de tomber là-dedans, puisque ce ne furent point la religion et ses bons anges… Eh bien, cela suffirait, je ne dis pas à la gloire, mais à l’excuse de sa vie !

127. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. J. Autran. Laboureurs et Soldats, — Milianah. »

Avec les laboureurs, vous avez le plus beau poème didactique de l’Antiquité et vous pouvez avoir les plus charmants poèmes romanesques, comme les conçoit la tête moderne. […] Joseph Autran est le contraire d’Alfred de Musset, de cet incorrect aussi, mais de cet incorrect facile et charmant, qui joue et pleure avec la Muse, comme un souverain d’enfant gâté qu’elle adore M.  […] On rapporte qu’un jour, au plus fort de l’hiver, Entrant chez un vieillard malade et peu couvert, Quelle charmante litote !

128. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Lamartine »

C’est la délicieuse vie obscure des hommes célèbres, la nuit charmante avant l’aurore de leur gloire, et dont lord Byron, blasé de la sienne, disait avec mélancolie : « Il n’y a dans la vie qu’un malheur, c’est de n’avoir plus vingt-cinq ans !  […] Cela n’est que de la vie humaine, les premières impressions d’une âme charmante dans des milieux charmants, et qui les dit comme il les éprouve.

129. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules Janin » pp. 159-171

Son talent, ce barége rose, s’était épaissi ; cette diaphanéité charmante s’était empâtée. […] Il en a la verve enragée, mais bien plus soutenue ; la bonhomie charmante, mais non plus si bourgeoise et tout autant bonhomie. […] Nous avons un livre charmant et puissant dont les défauts (car il a des défauts, et je les connais bien) viennent non d’indigence, mais de plénitude.

130. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Les Mémoires d’une femme de chambre » pp. 309-321

les nez charmants qui ont trouvé cela doivent avoir de fiers polypes ! […] Seulement, le roman qui pouvait être, dans ces Mémoires, charmant ou puissant, selon le genre d’esprit de l’auteur, s’il avait pénétré tout ce qu’enferme l’idée de son titre, n’y est guère qu’abject et inepte, par une de ces combinaisons comme on en rencontre encore quelquefois… Oh ! […] J’ai cité Beaumarchais ; je pensais aussi à Laclos, au monstre charmant des Liaisons dangereuses.

131. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « L’Abbé *** »

Il a la banalité, si chère à la majorité des esprits, qui se trouvent charmants dans cette glace. […] s’il l’avait voulu, mais qui ne l’a pas fait, modération charmante ! […] Le roman du Maudit s’ouvre par une scène grossière du confessionnal et par le détroussement d’un pauvre neveu et d’une charmante nièce de toute la fortune de leur tante, que les jésuites se font donner selon l’immémorial usage de ces captateurs éternels.

132. (1884) La légende du Parnasse contemporain

C’est charmant. […] Chez Wagner, les journées étaient charmantes. […] Ce sont là les amitiés charmantes de la vingtième année. […] Ce fut le temps d’une intimité profonde et charmante. […] Mais peut-être, ingrats que vous êtes, ne vous souvenez-vous pas si bien de ses poèmes de jadis, déjà si charmants ou si beaux ?

133. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La femme au XVIIIe siècle, par MM. Edmond et Jules de Goncourt. » pp. 2-30

Figure charmante de finesse, de sveltesse et de gracilité ! […] Nos mœurs françaises deviennent charmantes. » Malgré le dénigrement anticipé de d’Argenson, le salon ouvert par Mme de Luxembourg vers 1750 devint en effet un des ornements et, à la longue, une des institutions du siècle. […] A peine l’eus-je vue que je fus subjugué : je la trouvai charmante, de ce charme à l’épreuve du temps, le plus fait pour agir sur mon cœur. […] » C’est ce qu’elle écrit dans les mauvais jours, quand elle se laisse aller à son humeur ; mais cependant elle est obligée de convenir que cette maréchale juge très-bien les gens, qu’ils sont démêlés et sentis par elle à souhait, qu’elle rend toute justice particulièrement au mérite de cette charmante duchesse de Choiseul. […] Mme de Souza, l’auteur délicat d’Eugène de Rothelin, nous a très-bien rendu, dans cette jolie production, une Mme de Luxembourg un peu adoucie sous les traits de la maréchale d’Estouteville6, et elle n’a pas oublié, auprès d’elle, le charmant contraste de la duchesse de Lauzun, devenue dans le roman Mme de Rieux.

134. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français et de la question des Anciens et des Modernes »

Méléagre vivait cent ans environ avant Jésus-Christ ; charmant poète lui-même, auteur d’idylles et d’épigrammes amoureuses remplies de grâce ou de flamme, il réunissait toutes les conditions pour réussir à un travail qui demandait une main heureuse. […] Egger, son gendre, — a eu l’idée d’ouvrir tous ce parc réservé et, moyennant quelques précautions indispensables, de faire jouir tout le monde du parterre où jusqu’ici (selon une expression heureuse) « quelques-uns seulement allaient discrètement cueillir quelques charmants boutons. » Ah ! […] Puisqu’elle est toujours belle était inutile à dire à des Grecs ; mais c’est une raison charmante à donner à des Français. […] Léonidas le nie spirituellement et s’inscrit en faux dans ce petit dialogue : « Un jour l’Eurotas dit à Cypris : « Ou prends des armes, ou sors de Sparte : la ville a la fureur des armes. » Et elle, souriant mollement : « Et je serai toujours sans armes, dit-elle, et j’habiterai Lacédémone. » Et Cypris est restée sans armes, et après cela il y a encore d’effrontés témoins qui viendront nous conter que chez eux la déesse est armée. » Comme variété de ton, je noterai une piquante épigramme dans un sens ironique et de parodie : il s’agit d’un philosophe rébarbatif, d’un laid cynique, Posocharès, qui s’est laissé prendre aux filets d’un jeune objet charmant ; et celui-ci, comme on fait d’un trophée après une victoire, se complaît à suspendre dans le temple de Vénus toute la défroque du cynique, son bâton, ses sandales, « et cette burette crasseuse, et ce reste d’une besace aux mille trous, toute pleine de l’antique sagesse. » Ceux qui savent leur Moyen-Age peuvent rapprocher cette épigramme du fabliau connu sous le titre du Lai d’Aristote. […] Ce préambule étendu, qui contient de charmantes choses, est un document précieux pour l’histoire de l’Anthologie.

135. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

Mais cet Arthur, qu’un hasard heureux, une saison plus recueillie, a laissé écrire avec plus de soin et de suite à un homme du monde redevenu chrétien ; ce roman, bien fait pour plaire à beaucoup, nous permet de parler, selon notre cœur et notre goût, d’un poëte aimable, d’un des naturels les plus charmants de ce temps-ci, et auquel il n’a manqué que le travail et l’haleine. […] Compatriote et de cette famille poétique de Vauquelin de La Fresnaye, de Racan et de Segrais, il aurait aimé du premier, s’il l’avait connu, le tendre sonnet de Damète et d’Amaranthe ; la paresse élégante et le goût sans travail du second lui semblaient dévolus, et il eût bien été capable de dire en une idylle, si Segrais ne l’avait fait déjà : O les discours charmants ! […] une corruption élégante, l’auteur, qui est auteur aussi peu que possible, écrit en prose comme on ferait dans des lettres charmantes à un ami. […] Guttinguer, La Suissesse au bord du lac, est devenue tout à fait populaire à Lausanne et aux environs ; il y a quinze ans, toutes les demoiselles vaudoises la chantaient dans sa primeur : il est vrai que la musique aussi en est charmante. […] dis, sous la fraîcheur du plus charmant ombrage, Dans tes loisirs sans fin, toujours et sans partage Suis-je en ton souvenir ?

136. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Mme de Caylus et de ce qu’on appelle Urbanité. » pp. 56-77

Ce fut une des modesties de Mme de Maintenonde marier médiocrement cette charmante nièce que les plus grands partis recherchaient. […] En ce sens complet et charmant, l’urbanité demande un caractère de bonté ou de douceur, même dans la malice. […] Elle est ainsi inépuisable de tours et de retours, d’instances charmantes sur ce thème perpétuel ; elle tâche, en un mot, d’envoyer à cette vieillesse qui se mortifie un de ses rayons : « Je sais bien mauvais gré au soleil de luire avec tant d’éclat dans mon cabinet quand vous n’y êtes pas. » Vers la fin elle est si bien entrée dans l’esprit de sa tante, qu’elle en est venue à ne faire qu’un et à conspirer avec elle pour distraire le roi : « Il est certain que nous rendrions un grand service à l’État de faire vivre le roi en l’amusant. » Mme de Maintenon, malgré ses airs de résistance, n’était pas insensible à tant de bonne grâce9. […] Mme de Maintenon, toute bonne paroissienne qu’elle la croyait, sentait bien pourtant que cette nièce charmante n’était pas devenue une recluse, et qu’elle recevait des amis de toute espèce : « Vous savez bien vous passer des plaisirs, lui disait-elle, mais les plaisirs ne peuvent se passer de vous. » Telle était Mme de Caylus autant qu’on la peut ressaisir d’après quelques pages où ne se trouve encore que la moindre partie d’elle-même : mais, avec l’aide des témoignages contemporains, nous sommes sûrs du moins de ne lui avoir rien prêté en cherchant à la définir. […] Mme des Ursins avait toujours pris parti pour Mme de Caylus, pour cette jolie amie qu’elle appelle « une des plus charmantes personnes du monde ».

137. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — II. (Suite.) » pp. 220-241

Ce charmant Barbier était composé et annoncé depuis longtemps. […] » tout est fait pour amuser et pour ravir dans cette charmante complication de ruse et de folie. […] » Pour peindre ce public français de la première représentation de Figaro et son pêle-mêle d’enthousiasme flottant, deux faits suffisent : lorsque le héros de nos flottes, le bailli de Suffren, entra dans la salle, il fut applaudi avec transport ; lorsqu’un moment après, la charmante actrice Mme Dugazon, relevant d’une maladie dont on savait trop la cause, parut sur le devant de sa loge, on l’applaudit également. […] Rien de charmant, de vif, d’entraînant comme les deux premiers actes : la comtesse, Suzanne, le page, cet adorable Chérubin qui exprime toute la fraîcheur et le premier ébattement des sens, n’ont rien perdu. […] Au contraire, les autres personnages plaisent et séduisent par une touche légère et d’une nuance bien naturelle : et Suzanne, « la charmante fille, toujours riante, verdissante29, pleine de gaieté et d’esprit, d’amour et de délices », très peu sage, quoi qu’on en dise, très peu disposée du moins à rester telle, mais qui n’en est encore qu’à la rouerie innocente et instinctive de son sexe ; de même, dans un ordre plus élevé, la comtesse, si habile déjà à son corps défendant, et si perfectionnée en femme du monde, sans avoir pourtant failli encore au devoir et à la vertu.

138. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Le Prince » pp. 206-220

Pourquoi le conte de la clochette est-il charmant ? […] La tête en est charmante, d’un caractère particulier et d’une expression rare ; c’est l’ingénuité des champs fondue avec la verve du talent. […] Composition charmante, certes un des plus jolis tableaux du sallon si les têtes étaient plus vigoureuses. […] Encore un mot, mon ami, sur cette femme charmante. […] Le concert est le meilleur ; il y a une figure de femme charmante, bien habillée, bien ajustée et d’un caractère de tête attrayant.

139. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Philarète Chasles » pp. 147-177

Il attrapait ce goddam charmant. […] À la place, j’y ai trouvé l’humeur peccante de la Libre-Pensée, et des passions qui ne sont plus la charmante passion littéraire. […] parce qu’on donne ses filles pour gardes à Galilée, et pour prison un palais dans une campagne charmante ; parce qu’on ne touche à aucune des aises de sa vie ; parce qu’on lui laisse s’entonner en paix un excellent vin grec, qui fait ainsi pleurer Chasles, dans le verre de Galilée, en regardant les étoiles : « Pauvre vieillard ! […] Madame Clotilde Schultz, la nièce de Chasles, qui avait une nièce, [ni plus ni moins qu’un curé, et charmante, m’a-t-on dit, qui tenait sa maison et dont il avait fait son secrétaire en jupe… un peu bleue ou au moins lilas, a publié, à la tête de la Psychologie sociale, une lettre très aimable pour Charpentier, l’éditeur de cette Psychologie, et cette lettre nous met au courant du livre sur lequel nous comptions si peu. […] Mais le critique humouristique et esthétique qui se fit un nom de critique si charmant à porter, il faut l’appeler maintenant le ci-devant Philarète Chasles !

140. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

Non ce n’est pas là Vénus, la déesse charmante, la mère de l’amour. […] Le dernier peignoir est charmant ainsi que la pelisse blanche. […] Ce serait charmant, romanesque, et, qui sait ? […] C’est bête ou charmant. Plutôt charmant.

141. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mme de Graffigny, ou Voltaire à Cirey. » pp. 208-225

Pour faire le plus charmant et le plus vrai portrait de Voltaire, il suffirait d’extraire avec choix quelques-unes de ses propres paroles ; Voltaire n’est pas homme à se contraindre, même en ce qui le juge, ni à retenir longtemps ses pensées : Ne me dites point que je travaille trop, écrivait-il vers ces années de Cirey : ces travaux sont bien peu de chose pour un homme qui n’a point d’autre occupation. […] À table, Mme de Graffigny nous le fait voir charmant, attentif, servi d’ailleurs en prince, avec ses laquais et son valet de chambre derrière son fauteuil : Son valet de chambre ne quitte point sa chaise à table, et ses laquais lui remettent (au valet de chambre) ce qui lui est nécessaire, comme les pages aux gentilshommes du roi ; mais tout cela est fait sans aucun air de faste, tant il est vrai que les bons esprits savent en toute occasion conserver la dignité qui leur convient, sans avoir le ridicule d’y mettre jamais de l’affectation. […] Devaux adressée à Mme de Graffigny, elle y lut ces mots : « Le chant de Jeanne est charmant. » Notez que l’honnête correspondant ne voulait dire autre chose sinon : « Le chant de Jeanne, tel que vous me le racontez en abrégé dans votre analyse, doit être charmant. » Mais la colère et le soupçon n’y regardent pas de si près.

142. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « quelque temps après avoir parlé de casanova, et en abordant le livre des « pèlerins polonais » de mickiewicz. » pp. 512-524

Tout lendemain d’article emporté vaillamment A pour moi son réveil matinal et charmant, Tant la pensée afflue et tant l’image arrive ! […] Je n’ai pas dit de ses Poésies tout ce qu’elles suggéreraient dans les détails ; il y en a de charmants, ou qui le seraient si quelque trait à côté n’y faisait tache, ou s’ils n’étaient en général compromis et comme enveloppés par le reflet, une fois reconnu, de l’ensemble. […] Théophile Gautier, à la date où j’écrivais ceci, n’avait point donné encore son recueil de Poésies complètes (1845), où il a inséré quantité de charmantes petites pièces, élégies et fantaisies, qui sont d’un bien véritable et bien ingénieux poëte.

143. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre X. Mme A. Craven »

C’est l’histoire d’une famille de chrétiens, charmants et sublimes tour à tour, comme le sont les âmes saintes, racontée par eux-mêmes encore plus que par Mme Craven, leur sœur et leur fille, qui n’a guère fait, elle, que de mettre en ordre leur correspondance et leurs mémoires. […] Elle sent certainement plus haut que tout le monde et cela lui constitue un langage qui vaut mieux que : Le petit chat est mort, ou La campagne à présent n’est pas beaucoup fleurie de la foule imbécile et vulgaire, cette charmante humanité ! […] Elle était restée femme comme il faut, en cette attitude charmante de femme comme il faut, qui se joue d’écrire et qui est chez soi, dans les choses de l’âme et de l’esprit, autant que dans les choses du monde.

144. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Soulary. Sonnets humouristiques. »

Il y a quelque temps, le hasard, qui n’est pas toujours un imbécile, jeta dans nos mains un recueil de vers dont on a parlé bien sobrement, — l’auteur n’était pas de Paris, — et c’est ce recueil, très-inconnu en raison du peu qu’en ont dit les hospitaliers généreux de cette ville charmante, c’est ce recueil d’un luxe typographique qui est une poésie à lui seul que nous voulons signaler à l’attention de ceux-là qui aiment la poésie, et on ne peut l’aimer maintenant qu’avec désespoir. […] Il l’a dit, du reste, en vers charmants : Je n’entrerai pas là, dit la folle en riant, Je vais faire éclater cette robe trop juste ! […] Vous le voyez, c’est la mort et c’est son ironie, à travers le riant et la grâce de ce charmant petit tableau.

145. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Théodore de Banville »

Les Odes funambulesques ne sont plus dans la sphère de ce lyrisme joyeux qui nous a donné, par exemple, dans Les Occidentales, nombre de poésies belles ou charmantes, interdites, par l’accent qu’elles ont, à tout autre qu’à M.  […] pas pu écrire, où le poète funambule, qui s’était grisé d’air sur la corde de son vers, reprend son aplomb de Cariatide et ce tempérament gaiement lyrique dans lequel l’esprit d’Aristophane et de Rabelais se joue de Pindare, et où le très étrange et très charmant poète bouffe que voici exécute des ponts-neufs et des pots-pourris sur une harpe aux cordes d’or. […] La haine belle à force de hideur, comme la Gorgone ; la haine, qui attend son moment, repliée, concentrée, se dévorant en attendant qu’elle dévore ; une haine infinie, éternelle, aux yeux de tigre altéré, brûlants, toujours ouverts, voilà le doux Banville en ses Idylles, et ses Amaryllis charmantes.

146. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

peut-être pour eux plus charmante. Mais s’ils ont voulu la faire plus charmante, ils lui ont, selon nous, de cette façon, ôté de son charme, et s’ils ont voulu ne la faire que vraie, ils l’ont faite trop charmante pour qu’on ne lui pardonne pas sa vérité, qu’il fallait montrer pour la faire haïr. […] V Mais, comme romanciers, ils ont été charmants. […] Je ne reprocherai donc pas à l’auteur des Frères Zemganno d’avoir abaissé son sujet en choisissant deux clowns pour incarner dans ces deux hommes, qui semblent n’avoir qu’un corps et qui passent leur vie à le retourner comme une paire de gants, un superbe sentiment, un de ces sentiments qui impliquent une âme élevée et charmante. […] Cet écrivain d’un talent raffiné et d’un coloris si souvent charmant, sur qui j’aurais presque pleuré quand il tomba de ses premiers romans sur le trottoir de La Fille Élisa, est resté meurtri et taché de cette chute.

147. (1890) La vie littéraire. Deuxième série pp. -366

Il incline doucement sa tête charmante. […] Heuzey, avec sa science sûre et charmante, nous le dirait. […] Appelons du fond du passé, son ombre charmante. […] Il est, par nature, inutile et charmant. […] Dieu me garde de médire d’un esprit si charmant.

148. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

Ludovic Halévy vient de réunir six charmantes nouvelles qui forment un volume paru chez Calmann-Lévy. […] Si j’ai commencé par les femmes coupables, c’est que le livre charmant que M.  […] » Les fois où elle ne le veut pas n’est-il pas charmant ? […] Il était charmant, vous le savez, et recevait des déclarations de tous côtés. […] Les réunions d’hommes de lettres furent charmantes autrefois.

149. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « [Béranger] » pp. 333-338

Jeune, au sein de la pauvreté, à travers les entraînements de l’âge, il ne cessa, par un travail secret, opiniâtre, de se préparer un talent supérieur aux choses légères et déjà charmantes auxquelles il s’essayait. […] Ses lettres, écrites avec soin à la fois et avec naturel, ont certainement été conservées par tous ceux qui en ont reçu ; on en pourra faire un recueil charmant et d’une grande richesse morale, qui sera dans le ton de Franklin.

150. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

et Milton, avec ses yeux devenus deux trous d’ombre sous son front blanchi, est plus jeune certainement pour créer et chanter son Ève que quand l’Italienne qui passait s’arrêta pour le voir, dormant sur le gazon, plus beau, aux rayons du soleil, que l’Endymion antique aux molles lueurs de la lune, et qu’elle lui laissa les vers charmants écrits sur ses tablettes : Occhi, stelle mortali, si chiusi m’uccidite, aperti, che farete ? […] L’éclat de ce rose charmant, fait avec du sang, étendu dans des larmes, n’a pas échappé à l’œil de Coleridge, qui a signalé, comme un poète, l’œuvre du poète, ici le plus adorable de tous : « Roméo et Juliette, — dit-il, — ce n’est que printemps et jeunesse ! […] C’est cette vie brillante des feux qui ne s’allument qu’une fois, de la flamme, vierge et céleste, d’un premier amour, et qui conduit deux êtres charmants à la mort partagée, à la tombe partagée, comme fut partagée en un clin d’œil toute leur vie ! […] la comédie domine dans le Marchand de Venise, malgré le terrible qui la traverse, et qu’elle rend plus terrible par le contraste du fond charmant sur lequel il jette, un instant, sa lueur sinistre et menaçante. […] C’est là, en effet, que vous trouverez ce personnage charmant du Fou du roi dont la folie est une sagesse, et cet admirable rôle du possédé que joue Edgar pour se déguiser, cet insensé de Pauvre Tom, dont l’effet fut si grand que la première édition du drame de Shakespeare portait ce titre : Vie historique du Roi Lear et de ses filles, avec la vie infortunée d’Edgar, fils du comte de Glocester, et sa sombre humeur assumée de Tom de Bedlam (1608).

151. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

Mais un livre gai de pétillement inattendu, qui leur fait tant de mal, à eux, nous fait du bien, à nous, nous donne une sensation nouvelle et charmante, par ce temps d’un ennui qui n’est pas seulement à l’Académie, mais qui est partout, et contre lequel nous nous révoltons, dans lequel nous nous abhorrons et ne voulons pas nous confire ! […] — ne fut d’une construction plus simple, dans sa donnée et dans ses éléments ; jamais bulle de savon ne fut mieux, d’un souffle, tirée d’un plus humble fuseau ; mais ce souffle est d’une délicieuse pureté, et jamais détails, d’une si simple donnée, ne furent plus inattendus et plus charmants. […] Mais dans ce Chevalier de Kéramour, joli comme le nom de son héros, il a désarmé sa gaîté et elle n’est plus que charmante. […] semble sorti des flancs de la grande histoire de Crétineau, ou, pour mieux parler, c’est l’histoire de Crétineau, citée à beaucoup de pages, refaite, mais condensée, mais affinée, mais couronnée de la flamme légère d’une âme et d’un esprit charmants que n’avait pas ce violent brûle-tout de Crétineau. […] Ainsi, d’esprit léger, fringant, français, avec la petite flamme bleue dans les cheveux, moqueur charmant à faire rire ceux dont il se moque, comme le fait Féval, avant lui, il n’y en avait pas.

152. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

Il établit volontiers ses comparaisons d’un ordre à l’autre : « On peut comparer, se dit-il, les âges instruits et savants, qui éclairent ceux qui viennent après, à la queue étincelante des comètes. » Il se promettait encore de « comparer les premiers hommes civilisés, qui vont civiliser leurs frères sauvages, aux éléphants privés qu’on envoie apprivoiser les farouches ; et par quels moyens ces derniers. » — Hasard charmant ! […] Il copie de sa main une épigramme de Myro la Byzantine qu’il trouve charmante, adressée aux Nymphes hamadryades par un certain Cléonyme qui leur dédie des statues dans un lieu planté de pins. […] Et quel plus charmant motif de tableau que cet enfant nu, sous l’ombrage, au bord d’une mer étincelante, et les dauphins arrivant aux sons de sa double flûte divine ! […] J’ai souvent pensé à cet idéal d’édition pour ce charmant poëte, qu’on appellera, si l’on veut, le classique de la décadence, mais qui est, certes, notre plus grand classique en vers depuis Racine et Boileau. […] Il y aurait là, peut-être, une gloire de commentateur à saisir encore ; on ferait son œuvre et son nom, à bord d’un autre, à bord d’un charmant navire d’ivoire.

153. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXIXe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (2e partie) » pp. 321-384

Douce image, qui des deux côtés est charmante, quand je pense qu’une sœur est fleur de dessous ! […] Nous avons rapporté des fleurs blanches, violettes, bleues, qui nous font un bouquet charmant. J’en ai détaché deux pour envoyer à E***, dans une lettre : ce sont des dames de onze heures ; apparemment ce nom leur vient de ce qu’elles s’ouvrent alors, comme font d’autres à d’autres heures, charmantes horloges des champs, horloges de fleurs qui marquent de si belles heures. […] C’est de tous côtés, de tous les arbres, des voix d’oiseaux, et mon charmant musicien, le rossignol de l’autre soir, chantant encore près du noyer du jardin. […] C’est cette petite reine Jeanne Gray, décapitée si jeune, si douce, si charmante, à qui je pense. » Le 10 août.

154. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française, par M. D. Nisard. Tome iv. » pp. 207-218

» Il y a un charmant passage que je veux pourtant citer, car je suis de ceux qui citent, et qui ne sont contents que quand ils ont découpé dans un auteur un bon morceau, un joli échantillon. […] Cicéron, tendre père d’une fille charmante, père désespéré quand il perdit Tullie, en est meilleur citoyen, plus attaché à ses amis, plus épris de la vérité, laquelle devient plus chère à l’homme chez qui la tendresse de cœur se communique à l’esprit, et qui aime la vérité à la fois comme une lumière et comme un sentiment. — J’ai peur que Voltaire n’ait aimé que son esprit… Il ne serait pas besoin d’avoir beaucoup vu M.  […] C’est à cause de cette rigoureuse recherche d’exactitude que je me permettrai de remarquer qu’en appréciant si bien André Chénier et en rendant à ce jeune et nouveau classique la part entière qui lui est due, il l’a un peu trop appareillé, en tout, et même pour la destinée, avec cet autre charmant poète de nos jours, Alfred de Musset.

155. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Feuilles d'automne, (1831) »

Pour qui a lu avec soin les livres IV et V des Odes, les pièces intitulées l’Âme, Épitaphe, et tout ce charmant poëme qui commence au Premier Soupir et qui finit par Actions de Grâces, il est clair que le poëte, sur ces cordes de la lyre, s’était arrêté à son premier mode, mode suave et simple, bien plus parfait que celui des Odes politiques qui y correspond, mais peu en rapport avec l’harmonie et l’abondance des compositions qui ont succédé. […] Si l’on compare avec les Feuilles d’Automne les anciennes élégies que j’ai précédemment appelées un charmant petit poëme, et qu’on pourrait aussi bien intituler les Feuilles ou les Boutons de Printemps, on aperçoit d’abord la différence de dimension, de coloris et de profondeur, qui, comme art du moins, est tout à l’avantage de la maturité ; il y a loin de l’horizon de Gentilly à Ce qu’on entend sur la Montagne, et du Nuage à la Pente de la Rêverie. […] J’ai besoin, pour me remettre, de m’étourdir avec le poëte au gai tumulte des enfants, à la folle joie de leur innocence, et de m’oublier au sourire charmant du dernier-né.

156. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « FLÉCHIER (Mémoires sur les Grands-Jours tenus à Clermont en 1665-1666, publiés par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont.) » pp. 104-118

» C’était bien un maître de Fénelon en effet, celui qui, avec Pellisson, Bussy et Bouhours, et plus qu’aucun d’eux, contribua à mettre en honneur la culture polie, la régularité ornée et simple, à conduire la langue, selon sa propre expression, dans un canal charmant et utile 42. […] On y reconnaît, à chaque phrase du narrateur, le Fléchier tel qu’il s’est retracé lui-même dans un portrait déjà connu, adressé, selon toute apparence, à mademoiselle Des Houlières43, portrait à la mode du temps, dans le goût un peu flatté des ruelles et des bergeries, tout peint et comme peigné par lui de charmantes caresses. […] Fléchier a dit cela au sujet de Camus, évêque de Belley, qu’il lisait beaucoup ; il comparait son style spirituel et folâtre à une source abondante et mal ménagée dont le bon prélat s’amusait à faire des jets d’eau, tandis qu’on en aurait pu faire un canal charmant et utile.

157. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre I. Vue générale du seizième siècle »

Elle travaillait à réaliser en latin, mais déjà aussi dans sa langue, les formes charmantes ou splendides qui la ravissaient dans l’éloquence et la poésie des anciens. […] Dans ce cadre charmant, elle posait l’idéal de l’homme complet : le corps souple, robuste, gracieux, amené à la perfection de sa force et de sa forme, non plus instrument vil et méprisé, mais valant par soi, ayant droit à l’entière réalisation de ses fins propres et particulières, droit d’être et de jouir le plus possible ; l’âme parfaite aussi en son développement, enrichie de tous les modes d’existence qu’il lui est donné de posséder, s’épanouissant avec aisance dans sa triple puissance d’agir, de comprendre et de sentir. […] De l’esprit et de la distinction, il semble que ce soit tout l’art où nous puissions atteindre : un art charmant et petit, dont la principale affaire sera d’orner les salons et d’amuser les cours, et qui n’aura guère que la grâce d’un bibelot ou la beauté d’un ajustement.

158. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre V. Chanteuses de salons et de cafés-concerts »

Dans la plus grande partie des Poèmes Saturniens, il échappe à l’influence parnassienne et nous chante, en toute simplicité, son âme mélancolique et charmante de ce temps-là. […] le soleil deviné, Pressenti… Il n’est pas de sourire plus charmant que la Bonne Chanson, Sagesse, Amour, Bonheur. […] Quand le reste de ce groupe, riche en versificateurs et pauvre en poètes, sera effacé, deux resteront quelque temps reconnaissables : l’un, éclatant de force et de passion contenue, viril de puissance immobile, grand d’impassibilité apparente et de profondeur désespérée ; l’autre, triste, délicat et tendre ; l’un stoïquement beau d’une sévérité sans défaillance ; l’autre, charmant et un peu décevant comme un sourire de femme.

159. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La Chine »

Les abbés Trublet sont des capacités honnêtes, quoique Voltaire, qui ne l’était pas, s’en soit moqué dans des vers charmants comme ce serpent d’homme savait en siffler ; mais, pour que la compilation mérite le petit salut de la critique en passant, il ne faut pas qu’elle ressemble au pêle-mêle des numéros d’un sac de loto qu’un enfant viderait sur une table. […] Reçois mes compliments, charmant roi de la Chine ! […] Dans cet article, un des plus charmants qu’on ait jamais écrits, avec cette pointe d’ironie qui est le parfum du filet de citron dans l’éloge, Balzac appelait Borget le Jacquemont de la Chine.

160. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Sabran et le chevalier de Boufflers »

Évidemment, un homme qui aurait eu une notion plus mâle de la famille n’aurait pas songé à publier ces lettres, qui ne sont pas adressées à son père, et il se serait souvenu davantage qu’il était Sabran, et non Boufflers… Mais ce ne sont pas là nos affaires… Le livre a paru, et c’est une chose charmante ! […] douloureusement charmante ! […] Toujours, en voulant la mettre, elle la déchire, et c’est une lutte charmante dont le naturel sort vainqueur.

161. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Arthur de Gravillon »

Il a la grâce charmante et phénoménale d’être heureux ! […] Pour l’imagination charmeresse et charmante de cet humouriste consolateur et réconcilialeur avec l’idée terrible, la mort, c’est simplement la vie qui s’en va de l’autre côté, mais qui pour cela n’a pas changé d’essence. […] Mais le danger du livre, car il y a toujours un danger aux choses charmantes, serait peut-être de nous rendre ce déplacement trop facile.

162. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Mais on lui faisait des rôles excellents dans des pièces charmantes ! […] Jamais on ne l’avait tant applaudi ; jamais on ne l’avait trouvé si charmant. […] la gaîté, où est-elle, la charmante et brillant gaîté de mademoiselle Mars ? […] Ce bel esprit était un épicurien ; il savait trouver des charmes aux choses mêmes les moins charmantes. […] — À nous montrer plus charmant que jamais, l’aimable amant d’Angélique !

163. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

La femme anonyme continue sa confidence et finit sa lettre par un mot charmant de caractère qui affirme l’irréprochabilité de sa liaison avec le grand homme. […] Je laissai la route libre ; la calèche s’arrêta à la grille en bois de la métairie, et j’en vis descendre, entre les mains tendues des trois jeunes filles du métayer, la charmante Romaine, encore présente à ma mémoire depuis les bals de la rue de la Paix. […] Vous me dites des choses charmantes sur ma gloire. […] Ma fatigue est extrême, et souvent je ne puis m’empêcher d’être sensible à ce beau et triste spectacle d’une ville si charmante et si désolée, et d’une mer presque sans vaisseaux ; et puis les vingt-six ans écoulés à dater du jour où je quittai Venise pour aller m’embarquer à Trieste pour la Grèce… Si je ne vous rencontrais pas dans ce quart de siècle, je ne dirais que des choses rudes au siècle. […] Mais pourquoi n’eût-elle pas couronné la vie toute studieuse et toute poétique d’Émile Deschamps, ce Saint-Évremond charmant des salons de Paris, en briguant pour lui le fauteuil de La Fare, de Quinault, de Ducis ?

164. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

En effet, c’est le rose de la chair, dans le blanc du linge, dans le brouillard laiteux de la gaze : le plus charmant prétexte aux colorations blondes et tendres. […] Le marié, charmant garçon, mais toujours un peu tombant de la lune, hannetonnait là-dedans, poussant l’un ou l’autre, dans quelque coin, avec des mains de caresse, vous disant des choses qu’il oubliait de finir, et qu’il terminait par un sourire heureux. […] Cela est tout à fait charmant. […] Ce pays est vraiment charmant. […] Il avait découvert, dans ses albums japonais, un ver de l’Extrême-Orient, un ver tout enveloppé de poils blancs, comme de la soie, un ver charmant, un petit animal d’art enfin, et comme il était vivant, il l’avait mis avec le plus grand soin dans une boîte, et comptait le présenter à la Société d’acclimatation.

165. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Voiture. Lettres et poésies, nouvelle édition revue, augmentée et annotée par M. Ubicini. 2 vol. in-18 (Paris, Charpentier). » pp. 192-209

II n’aurait pas été juste que la curiosité littéraire qui se reporte en tous sens vers le passé, et qui ne laisse aucun nom d’autrefois dans la négligence et dans l’oubli, n’arrivât point jusqu’à Voiture, cette renommée longtemps réputée la plus charmante ; son moment devait revenir, et il est venu. […] Ce sont les vers improvisés à la reine Anne d’Autriche dans une promenade à Ruel : Je pensais que la destinée Après tant d’injustes malheurs… C’est surtout l’épître à M. le prince, après son retour d’Allemagne où il avait failli mourir de maladie (1645), pièce charmante, philosophique et de la plus douce veine. […] Seulement, le bruit de ses succès charmants eût quelquefois de loin alarmé Voltaire. […] Il faut bien que les contemporains aient cru voir sur le visage de ce charmant homme une certaine grimace quand il parlait de son père ou quand on lui en parlait, pour qu’ils l’aient dit. « Il faisait son possible, dit Tallemant, pour cacher sa naissance à ceux qui n’en étaient pas instruits. » J’en reste donc là.

166. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poëme des champs par M. Calemard de Lafayette. »

Mais l’âme s’en pénètre ; elle se plonge, entière, Dans l’heureuse beauté de ce monde charmant ; Elle se sent oiseau, fleur, eau vive et lumière. […] « Objet charmant, je t’adore, mais je ne t’accepte pas. […] une chimère… Et pourtant quand tu penchas ta tête charmante sur mon épaule, quand des paroles enivrantes sortirent de ta bouche, quand je te vis prête à m’entourer de tes mains comme d’une guirlande de fleurs, il me fallut tout l’orgueil de mes années pour vaincre la tentation de volupté dont tu me vis rougir. […] J’ai reçu, il y a quelques jours, d’un simple vicaire de campagne qui habite dans les Vosges, M. l’abbé R…38, un charmant bouquet de fleurs de poésie tout en sonnets : ce n’est pas la forme avant tout qui les distingue et les recommande ; mais que de parfum !

167. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres inédites de la duchesse de Bourgogne, précédées d’une notice sur sa vie. (1850.) » pp. 85-102

Après avoir été une enfant délicieuse, elle grandit sans cesser d’être charmante ; son esprit se développa avec sa taille, et son jugement, chaque jour plus avancé, promettait une maturité précoce. […] Nous avons soupé ; elle n’a manqué à rien et est d’une politesse charmante à toutes choses ; mais, à moi et à mon fils, elle n’a manqué à rien et s’est conduite comme vous pourriez faire. […] Pour tout le reste, il est impossible de voir dans ces pages autre chose qu’une charmante description physique, extérieure, mondaine, sans la moindre préoccupation des qualités intérieures et morales. […] Le spirituel auteur de la Notice, essayant sur ce point de contredire Saint-Simon et tous les contemporains, nous dit : « Pourquoi cette charmante princesse n’aurait-elle pas eu des amis, des admirateurs, et point d’amants ? 

168. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1853 » pp. 31-55

J’aime le déshabillé d’un esprit charmant, je ne puis admettre cette nudité que l’Arsinoé de Molière aime tant. […] Tenez, f…… vous là, et faites-moi la femme de l’adjudant. — La charge faite — Ce bougre-là, c’est charmant, charmant… oh ! […] Veules est un coin de terre charmant, et l’on y serait admirablement s’il n’y avait pas qu’une seule auberge, et, dans cette auberge, un aubergiste ayant inventé des plats de viande composés uniquement de gésiers et de pattes de canards… Nous passons là un mois, dans la mer, la verdure, la famine, les controverses grammaticales, et nous revenons un peu refroidis avec l’humanitaire Leroy, au sujet de l’homicide d’un petit crabe, écrasé par moi sur la plage.

169. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Philarète Chasles » pp. 111-136

Mais tous ces dons de naissance furent mis à mal par sa naissance sociale ; et, comme dans l’explication de la Princesse Palatine pour faire comprendre l’inutilité des puissantes et charmantes facultés de son fils, son père à lui, Chasles, fut la fée méchante qui frappa et faussa les siennes. […] Il est tout cela, et tout cela est charmant ; mais, après tout, — il faut bien le dire, — insuffisant pour cette chose d’imposance et d’autorité qui est la Critique, et qui n’est plus la Critique si elle n’est pas chose d’autorité. […] Il n’y est plus le Chasles de ses autres livres, le merveilleux caméléon de vingt-cinq littératures réfléchies dans les mille facettes diamantées d’un esprit charmant, rutilant, brillant, multiface et multicolore, italien, félin, arlequin, — tout ce que j’ai dit qu’il était, cet esprit ! […] Critiques, tous deux, de sentiment et de sensation ; compréhensifs bien plus qu’exclusifs d’intelligence et de doctrine ; portant sur les choses de ce monde un regard curieux, ouvert et bienveillant ; ayant la même philosophie sans métaphysique, la même opinion politique, les mêmes goûts pour les lumières modernes et la même foi (un peu éblouie, selon moi) dans le progrès des sociétés, ils ne diffèrent guère que par la destinée, qui fait de ces charmants coups quelquefois : — c’est que Macaulay est monté plus haut dans son pays que Philarète Chasles dans le sien.

170. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. NISARD. » pp. 328-357

Sans me porter ici pour un défenseur de Stace comme l’était Malherbe, sans me donner du tout les airs d’avoir lu jusqu’au bout sa Thébaïde, il me semble que, dans les Sylves, plus d’une de ces pièces improvisées, non pas à la manière de Sgricci, mais comme le sont beaucoup de pièces de Hugo et de Lamartine, c’est-à-dire en deux matinées, méritait quelque distinction pour de charmants vers qui s’y trouvent. […] Il y a un vers charmant du vieux dramaturge Hardy, le seul bon, je crois, qu’il ait fait ; je demande pardon (en matière aussi classique) de ce qu’il y a d’un peu léger dans la citation : Couler une main libre autour d’un sein neigeux… Voilà le vers. […] Nisard avait (toutes proportions gardées) étouffé autant qu’il avait pu le charmant recueil de Marie, où brille en vers heureux plus d’une idylle, sœur d’enfance de Paul et Virginie. […] Saint-Marc Girardin dans sa ligne aussi, avec ses charmants mérites d’esprit sceptique et dégagé ; M. […] L’abbé du Guet, je me le rappelle, dans une lettre sur les études classiques, ne craint pas de recommander Stace pour quelques pièces charmantes des Sylves.

171. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

Ses contes de fées sont charmants sans doute, mais j’aime mieux ceux de Perrault. […] Byron, abandonnant pour un moment les passions violentes, a préludé à son Don Juan par le charmant poème de Beppo, si plein d’english humour, et en même temps si vrai dans la peinture des mœurs italiennes. La Petite Maison dans la Kolomna et le Comte Nouline sont deux charmants petits tableaux du même genre, non moins gracieux que leur devancier. […] Sur ce léger canevas Pouchkine a jeté de charmantes broderies. […] On a de Pouchkine quelques ouvrages en prose, des nouvelles, dont plusieurs sont charmantes, comme la Fille du Capitaine et la Dame de Pique ; beaucoup d’articles de critique littéraire, et un travail historique sur la révolte de Pougatchev.

172. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

Que dirait, qu’écrirait, — je le répète, — en face de phénomènes insolites, un de ces modernes professeurs-jurés d’esthétique, comme les appelle Henri Heine, ce charmant esprit, qui serait un génie s’il se tournait plus souvent vers le divin ? […] Il arrive quelquefois que l’œil tombe sur des morceaux charmants, irréprochablement vivants ; mais cette méchante pensée traverse alors l’esprit, que ce n’est pas M.  […] de charmants petits tableaux, pleins d’intimité et de profondeur ; il a illustré les murailles de nos palais, il a rempli nos musées de vastes compositions. […] Mais comment définir cet ordre de tableaux charmants, tels que Hamlet, dans la scène du crâne, et les Adieux de Roméo et Juliette, si profondément pénétrants et attachants, que l’œil qui a trempé son regard dans leurs petits mondes mélancoliques ne peut plus les fuir, que l’esprit ne peut plus les éviter ? […] Ces femmes ont même la beauté physique moderne, l’air de rêverie, mais la gorge abondante, avec une poitrine un peu étroite, le bassin ample, et des bras et des jambes charmants.

173. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

Mais aussi, que son double livre est charmant ! […] « Elle était elle-même si charmante ! […] Que ces repas étaient charmants ! […] cette unique et charmante créature avait sauvé deux fois la vie à M.  […] Rien n’était charmant comme de l’entendre causer et sourire.

174. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — P.-S. » pp. 38-40

Je reprends ma lettre où je l’ai interrompue le matin, pour vous dire que ce prédicateur est charmant par sa solidité, son onction, son ordre, sa netteté et sa vivacité d’élocution, et, au milieu de tout cela, par son incomparable modestie. […] Le second, d’environ trente-deux ans, a une belle physionomie, l’air fin, le son de la voix plus beau et plus soutenu, l’action plus agréable, une prononciation charmante, a puisé le christianisme dans les mêmes sources, car ils ont les mêmes principes et ont même étudié ensemble et de concert.

175. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Desbordes-Valmore, Marceline (1786-1859) »

Rien ne manque à ce charmant jardin d’un autre âge… [Les Poètes français, recueil par Eug.  […] Victor Hugo … Vous êtes la femme même, vous êtes la poésie même. — Vous êtes un talent charmant, le talent de femme le plus pénétrant que je connaisse… [Cité par Sainte-Beuve, Mme Desbordes-Valmore, sa vie et sa correspondance (1870).]

176. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Les frères Le Nain, peintres sous Louis XIII, par M. Champfleury »

Souvent encore, les Le Nain ont peint un vieux flûteur entouré de charmants enfants bouclés, qui prêtent une oreille attentive à la musique simple qui sort de cette flûte naïve. […] Derrière, adossé au manteau de la cheminée et tournant le dos à tout le monde, un charmant petit garçon blond, à longs cheveux négligés, à veste rouge, joue de tout son cœur et de toute son attention d’une espèce de flûte ou flageolet. […] Derrièr’ chez nous il y’a-t-un vert bocage, Le rossignol il y chant’ tous les jours ; Là il y dit en son charmant langage : Les amoureux sont malheureux toujours. […] Champfleury m’a remis heureusement en mémoire le charmant Essai de Charles Lamb, la Vieille porcelaine de Chine, où la légère manie qui y est retracée s’accompagne et se relève de tant de remarques fines, de tant d’observations délicates sur le cœur humain et sur la vie : le tableau entier respire une ironie indulgente et douce.

177. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Le mariage du duc Pompée : par M. le comte d’Alton-Shée »

Le duc Pompée a donc rompu avec Paris ; il y a fait un vide en disparaissant subitement après une dernière soirée de triomphe et de fête ; l’éclipse a été aussi brusque que complète, nul n’a suivi sa trace : pour lui, il a trouvé bientôt dans sa vie nouvelle un rajeunissement inespéré ; il s’est épris d’une idéale et sensible Allemande, mademoiselle de Blümenthal et l’a épousée ; il est heureux, il se croit converti, il est père d’un charmant petit Georges. […] » On la rassure ; ce n’est pas elle qui a vieilli, c’est Herman ; il prend tout sur lui, il s’excuse, il s’humilie ; la nécessité… ; il raconte son histoire, ce testament d’un vieil ami, d’un père… plus qu’adoptif ; c’est Pompéa du moins qui le dit, comme elle l’a deviné, à la simple vue d’un portrait et à la ressemblance ; — il parle de son amour pour sa femme, de ce sentiment nouveau qui lui est venu en la voyant : «  J’ai senti que près de cette charmante personne je devenais meilleur ; j’ai apprécié ses excellentes qualités ; je l’ai estimée, puis aimée d’un amour inconnu, confiant, impérissable… » Mais Pompéa n’est pas de celles qui prennent le change ; elle sourit d’un sourire de pitié : « Voilà une idylle qui a le défaut d’arriver trop tard ; hier je t’aurais cru, mais il ne fallait pas me faire passer la soirée avec ta belle-sœur. » Herman assure ne pas comprendre ; Pompéa reprend : « Est-ce qu’on nous trompe, nous autres ? […] Quand je vois, vers la fin du siècle, que tant de soupers charmants où la beauté, l’esprit, la poésie en personne (André Chénier en était), l’éloquence déjà elle-même et la politique à l’état d’utopie et de rêve, se cotisaient à l’envi pour payer leur écot, quand je vois que ces réunions d’élite n’ont eu pour annotateur qu’un Rétif de La Bretonne, j’en rougis pour les délicats convives ; un valet de chambre en eût mieux parlé. Ce n’eût pas été trop d’un prince de Ligne pour être l’historiographe des princes de l’esprit, — un historiographe comme il en faut aux choses sacrées et dites sous la rose, … un écouteur qui entend à demi-mot, qui court et qui passe, qui ne note que quelques traits rapides et charmants.

178. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Lorsqu’il a eu à parler de Mme Roland, comme s’il s’agissait avant tout de la disculper et de la défendre, il a essayé de diminuer son rôle actif auprès de son mari et sa part virile d’influence : il s’est refusé également à admettre qu’il se fût logé dans ce cœur de femme aucun sentiment autre que le conjugal et le légitime, ni aucune passion romanesque : « Écoutez-les, disait-il hier encore, en s’adressant par la pensée aux différents historiens ses prédécesseurs et en les indiquant du geste tour à tour : ceux-là, soit admiration sincère pour le mérite de Mme Roland, soit désir de rabaisser celui des hommes qui l’entouraient, voient dans la femme du ministre la tête qui dirige et son mari et les législateurs qui le fréquentent, et répétant un mot célèbre : Mme Roland, disent-ils, est l’homme du parti de la Gironde ; — ceux-ci, habitués à se laisser aller à l’imagination du romancier ou du poète, transforment l’être qu’ils ont créé en nouvelle Armide, fascinant du charme de ses paroles ou de la douceur de son sourire ceux qu’elle réunit dans ses salons ou qu’elle convie à sa table ; — d’autres enfin, scrutateurs indiscrets de la vie privée, se placeront entre la jeune femme et son vieux mari, commenteront de cent façons un mot jeté au hasard par cette femme, chercheront à pénétrer jusqu’aux plus secrets sentiments de son âme, compteront les pulsations de son cœur agité, selon que telle ou telle image, tel ou tel souvenir l’impressionne, et montreront sous un voile transparent l’être vers lequel s’élancent sa pensée et ses soupirs ; car à leur roman il faut de l’amour. » Et il ajoute, plein de confiance dans le témoignage qu’il invoque : « Mme Roland a raconté elle-même avec une simplicité charmante ce qu’elle a pensé, ce qu’elle a senti, ce qu’elle a dit, ce qu’elle a fait. » Eh bien ! […] Beugnot sont ici en défaut sur un point : Mme Roland n’était pas blonde, elle avait les cheveux et les yeux noirs, comme elle le dit elle-même ; mais, sauf cette légère inadvertance, l’impression charmante et morale qui ressortait de toute sa personne est vivement et fidèlement rendue par M.  […] En maint endroit de cette libre et charmante Correspondance elle a des gaietés, des élans et des entrains à ravir, — quand elle parle de la vie des champs, de ses occupations au Clos, de ses différentes manières d’être à Villefranche, à Lyon, à la campagne : « A la campagne, je pardonne tout…, à Lyon, je me moque de tout…, à Villefranche, je pèse tout… » La campagne surtout l’inspire : « Pends-toi, friand Crillon, nous faisons des confitures, du raisiné et du vin cuit, des poires tapées et du bonbon, et tu n’es pas ici pour les goûter ! […] peut-être ce qui nous déplaît, à nous, paraîtra-t-il charmant à d’autres.

179. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Henry Rabusson »

Roger de Trémont est un gentil garçon et un officier fringant, mais avec un assez grand fond d’ingénuité, et, s’il est charmant, c’est par ce qui lui manque pour être un mondain accompli. […] Le plus bel effort de la civilisation la plus raffinée, c’est de mettre les sexes aux prises dans les conditions les plus propres à rendre la lutte charmante ; c’est de multiplier, de nuancer et de prolonger les bagatelles à demi innocentes et tout le jeu préliminaire de l’amour, afin de sauver les oisifs de l’ennui. […] De se donner ou de se garder   Plus probablement ceci que cela, car une charmante figure mâle, ornée de fines moustaches et de grands yeux noirs à cils ombreux, couronnée de cheveux bruns coupés ras et poussant dru, passait dans la glace à chaque instant, montrant, dans un sourire très doux, des dents juvéniles, toutes blanches et au grand complet… Un dîner, une visite, cela suffit. […] Il est charmant, le style de M. 

180. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Chants du crépuscule (1835) »

C’est, comme l’indique le titre, une heure déjà assombrie, le déclin des espérances, le doute qui gagne, l’ombre allongée qui descend sur le chemin, et avec cela, à travers les aspects funèbres, des douceurs particulières comme il en est à cette heure charmante ; la nuit qui s’avance, mais la nuit que la tristesse aime comme une sœur. […] Hugo qui, dans le présent volume, a rimé de charmants messages de la Rose au Papillon, devrait mieux juger le maître antique. […] Charmante observation prise à la vie de famille !

181. (1899) L’esthétique considérée comme science sacrée (La Revue naturiste) pp. 1-15

Et quand le bon et charmant Magre déclare, dans la préface de la Chanson des Hommes : « À vingt ans, j’ai voulu traduire mon rêve d’amour. […] Qui sait si en croyant créer des strophes seulement belles et charmantes, nous n’écrivons pas pour le monde des livres sacrés ? […] Même si nous avions acquis de si efficaces notions, si nous connaissions toutes les lois du monde, si nous avions soudé des systèmes innombrables, si nous avions saisi le bruissement des planètes, nous ne serions pas capables de composer de belles strophes, des peintures riches et limpides, des statues charmantes et graves, ou d’éloquentes mélodies.

182. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Beaufort » pp. 308-316

Descamp ignore qu’on peut donner aux anges, aux amours, aux chérubins, aux génies des figures charmantes et aussi développées qu’on veut, parce que tels ils sont, tels ils ont été, tels ils seront ; ce sont des êtres symboliques et éternels ; encore s’écarte-t-on quelquefois de cette règle et leur conserve-t-on le joufflu, le chiffonné, le gras, l’informe, le potelé de nos marmots. […] C’est un très-beau tableau, sage sans être froid ; une grande variété de figures charmantes, toutes aussi vraies, aussi soignées que des portraits ; et des draperies qu’il faut voir. […] Je ne puis permettre la métamorphose d’Apollon en st Jean, sans permettre de montrer la vierge avec des lèvres rebordées, des yeux languissants de luxure, une gorge charmante, le cou, les bras, les pieds, les mains, les épaules et les cuisses de Vénus ; la vierge Marie Vénus aux belles fesses, cela ne me convient pas.

183. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Introduction. Du bas-bleuisme contemporain »

Elles touchèrent au bas-bleuisme, mais leurs bas restèrent toujours de soie, blanche ou rose… D’un autre côté, qu’une femme comme Mlle de Sévigné écrivît, si elle le pouvait, de charmants commérages à sa fille, ou comme Mme d’Aulnoy, des contes délicieux pour des enfants, ce n’étaient pas là non plus des Bas-bleus encore. […] Elles n’avaient jamais été que des êtres charmants, parfaitement femmes et c’était là leur charme, et voilà qu’elles ne voulurent plus l’être. […] — Un jour, dit le charmant apologue de Brucker, le petit cercle dit au grand cercle : Je suis ton semblable.

184. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Léon Gozlan » pp. 213-230

… À part le talent de ses œuvres, pour lequel on n’a trouvé que le mot de distingué, — ce qui n’est pas assez, — on n’a trouvé aussi pour caractériser l’esprit sur place de Gozlan que le mot banal de charmant causeur, et ç’a été à peu près tout, sauf les arabesques et les chatoiements de la phrase sur ces deux pauvres idées, l’aumône de la Superficialité émue un moment par la mort ! […] Quelle joliesse d’oiseau et quelle perversité de créature humaine charmante, quelle tournure de colibri et quels mouvements giratoires de couleuvre ! […] Ni Les Nuits du Père-Lachaise, où la nature humaine devient, comme les événements, par trop fantastique, — mais qui n’en sont pas moins ce que Léon Gozlan a produit de plus puissant dans l’outrance, comme Le Rêve d’un millionnaire est ce qu’il a fait de plus doux et de plus charmant (rappelez-vous cette tête suave de Reine Linon !)

185. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Note »

Ainsi un feuilletoniste, qui s’efforce de m’être agréable, dira par exemple : « Jeune, quand vous alliez à l’Abbaye-au-Bois, vous écoutiez ; maintenant, c’est votre tour de parler, on vous écoute… » Il semblerait en vérité que, dans ce charmant salon où présidaient la politesse et le goût, M. de Chateaubriand eût charge de rendre des oracles et que le rôle des autres fût de l’écouter bouche béante. […] Figurons-nous un monde charmant, une société d’élite, un vieillard illustre et glorieux qui se sentait heureux d’être compris et goûté par des hommes plus jeunes et qui n’étaient pas tout à fait ses disciples.

186. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Choses d’autrefois »

L’enseignement religieux devient souvent, ici, d’un illogisme charmant, l’institution même de la noblesse et jusqu’à ses préjugés d’honneur allant contre l’esprit de l’Évangile. […] J’ai aimé à voir s’épanouir, dans ce royal couvent, ces orgueilleuses et charmantes fleurs de notre race.

187. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Le termite »

Les réunions d’hommes de lettres furent charmantes autrefois. […] C’est peu d’être agréable et charmant dans un livre, Il faut savoir encore et converser et vivre.

188. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sully Prudhomme (1839-1907) »

Théophile Gautier Dans son premier volume, qui date de 1865 et qui porte le titre de : Stances et poèmes, les moindres pièces ont ce mérite d’être composées, d’avoir un commencement, un milieu et une fin, de tendre à un but, d’exprimer une idée précise… Dès les premières pages du livre, on rencontre une pièce charmante, d’une fraîcheur d’idée et d’une délicatesse d’exécution qu’on ne saurait trop louer et qui est comme la note caractéristique du poète : Le Vase brisé… C’est bien là, en effet, la poésie de M.  […] Et de quel droit en aurais-je privé un charmant jeune homme de Lausanne qui vient de me confier qu’il a « appris à sentir » dans les vers de cet aède ?

189. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Les dîners littéraires »

Mais que nous le disions, nous, ici, que nous disions tristement, car c’est une chose fort triste, que l’intelligence de tout un pays est en danger de s’atrophier sous les sensations dont on l’enivre depuis trente années, et que déjà ce qu’il y avait dans cette intelligence de plus charmant, de plus fin et de plus sonore, — l’esprit, ce chant et ce coup de bec du colibri !  […] … La postérité n’eût rien su de ces repas friands et voilés, entre quelques grands et charmants esprits, si la main toute-puissante et indiscrète de la gloire n’avait écarté le discret rideau qu’ils avaient su tirer sur eux.

190. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Armand Baschet »

C’est une chose gaie, en effet, par elle-même, que cette donnée, hardie comme la gaîté, — de la gaîté qui va parfois jusqu’à l’audace, — d’un coquebin à trente-six carats, marié, dans la prime fleur de ses jeunes années, à la jeune fille la plus charmante, dont le cœur bat sous le buse de l’étiquette, qu’elle enverra très bien promener au fond de son alcôve quand il le faudra, et qui, devant ce buse et devant ce cœur, reste les bras croisés, froid comme un saint de pierre qui ne connut jamais la tentation. […] II Figurez-vous donc qu’au lieu du précieux, compendieux et sérieux Armand Baschet, qui ne rirait pas pour un empire, nous eussions ici affaire à quelque génie plein d’abandon et de sincérité, à quelque grand caricaturiste historique, — car un caricaturiste peut être un historien, puisque la caricature n’est qu’une certaine manière de regarder la vérité, — figurez-vous donc, par exemple, un esprit comme Thomas Carlyle, que je regarde comme l’Hogarth de l’Histoire, tombant sur l’histoire de Baschet, le Dangeau posthume de Louis XIII, et demandez-vous quels effets grotesques et charmants et quelle conclusion de savoureuse moralité humaine il aurait tirés de ce conte de La Fontaine historique, qui fut une réalité, et, pour les gens intéressés à l’achèvement de ce mariage resté en l’air, la plus plaisante des mélancolies !

191. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DE LA MÉDÉE D’APOLLONIUS. » pp. 359-406

Ce thème prêtait à l’érudition géographique et généalogique, aux épisodes, et il y en a d’agréables, même de charmants, et à tout instant éclairés de comparaisons ingénieuses ou grandes, d’images vraiment homériques ; mais tout cela est successif, développé dans l’ordre des faits et des temps, sans beaucoup de feu ni d’action, et surtout sans ce flumen grandiose continu, qui est le courant d’Homère. […] Nous entrons ici avec Médée dans le dédale des contradictions charmantes que Virgile a si bien décrites chez sa Didon ; nous allons y marcher de plus en plus, et, pour qui sait par cœur son quatrième livre de l’Énéide, les réminiscences jailliront à chaque pas. […] Tableau pathétique et charmant, et bien supérieur par tout ce qu’il renferme à la situation des deux sœurs dans Virgile ; car Anna soror a beau faire, elle n’est qu’une très-noble confidente et n’a pas d’autre rôle que celui d’une magnifique utilité. […] Tous deux ils se tenaient l’un en face de l’autre, muets et sans voix, semblables à des chênes ou à de grands sapins qui ont pris racine au même lieu sur les montagnes, et qui demeurent tranquilles dans le silence des vents ; mais bientôt, sous le coup des vents qui renaissent, ils s’ébranlent et s’entre-répondent avec un murmure immense : c’est ainsi que tous deux allaient bientôt parler et rendre bien assez de sons charmants sous le souffle de l’Amour. […] Quand on parle aujourd’hui de la pléiade des poëtes d’Alexandrie, et qu’on se demande ce qui nous en reste de charmant, chacun nomme à l’instant Théocrite, et l’on a raison ; Théocrite en cela n’a rien usurpé ; il est digne de tous les souvenirs et d’un culte à jamais reconnaissant, à jamais nouveau de fraîcheur comme sa muse.

192. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIIe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset » pp. 409-488

Nous ne connaissons dans aucune langue une si charmante débauche d’esprit, de déraison et de style. […] malheureusement non : tout n’était pas original dans cette poésie charmante et bouffonne du nouveau poète. […] Son corps charmant ne la parait pas, il la voilait à peine. […] Voilà la vision à la fois charmante et surnaturelle que le hasard aurait dû placer à temps sur la route du poète dont nous parlons ! […] Charmante plaisanterie, triste symbole d’une foi absente qui ne donne aucune unité, aucune spiritualité, aucun but grandiose, aucune tendance même perceptible au génie ; ces mœurs délicieuses, mais toujours légères, sont des osselets avec lesquels un enfant joue sur les deux seuils de la vie.

193. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

Alfred Assolant, charmant conteur, hardi frondeur, attaque les choses de ce temps avec la froide courtoisie du duelliste. […] De ce mélange de rimes, prohibé aujourd’hui, naissent des effets d’une harmonie charmante. […] Ce livre, dans lequel des intermèdes de prose séparent et en même temps relient entre elles les pièces de vers, est de tout point charmant. […] Quel dommage pourtant que tant de charmantes choses soient perdues ! […] Pendant que sa terrible monture est au vert, le poëte s’égaye en toutes sortes de fantaisies charmantes.

194. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

Il a des vers isolés charmants, des alliances de mots heureuses, poétiques, élégantes ; il a les éléments de tout, « mais le tissu manque sous ses fleurs brodées ». […] Chez M. de Latouche, à tout moment, il y a de ces malheurs et de ces travers d’expression, qui gâtent ce qu’un vers charmant faisait espérer. […] » Non : sa vie est encore errante en mille atomes…       Objet de mes chastes serments, Tu n’as point revêtu la robe des fantômes, Et tes restes encor me sont doux et charmants. […] La plupart de ces petites méchancetés littéraires de M. de Latouche, quand il les racontait, semblaient charmantes, exquises, des noirceurs adorables ; écrites, elles devenaient froides, alambiquées, obscures. […] [NdA] Mme Sand a payé son tribut à la mémoire de M. de Latouche par trois charmants articles insérés dans le journal Le Siècle (18, 19 et 20 juillet 1851).

195. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Michelet » pp. 167-205

On sait si ce talent était brillant, et charmant, et amusant, — trop amusant !  […] Elle est impuissante, Les phrases de Michelet, charmantes et dangereuses comme des caresses, n’y font rien. […] Il y a, en effet, dans ce livre, çà et là, des choses charmantes mêlées à ces folies qu’on est accoutumé à rencontrer dans Michelet, ce brillant déséquilibré ! En choses charmantes, on y rencontre, entre autres, un jugement poignant de vérité et de regrets sur le génie de Géricault, — le lord Byron de la peinture, — et sur le sentiment, quel qu’il fût, qui tua son génie, dans sa force. […] En folies, vous y trouverez, par exemple, que Rousseau, l’abject Rousseau, est une âme charmante, et le grand Daniel O’Connell, un saltimbanque, et, ce qui surpasse tout en fait de délire, c’est que les haines et les sanguinolences de la Révolution viennent de ceux qui lui ont résisté, et que les victimes étaient les bourreaux !!!

196. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Ces heures charmantes, M.  […] Il y a autre chose qu’un charmant reflet de la vie rustique dans le volume de M.  […] Je me souviens encore — souvenir charmant de la seizième année !  […] Et ces familiarités charmantes de la royauté du génie avec le génie de la royauté ! […] Jules Janin sur mademoiselle Mars sont d’une grâce et d’une mélancolie charmantes.

197. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

J’ai passé là-bas, dans ma jeunesse, des mois charmants. […] C’était un Espagnol d’Amérique, de cette race charmante qui fit refleurir là-bas les grâces sévères des Castilles. […] Et puis quelle douceur dans l’esprit, quelles façons jolies et charmantes ! […] … Comment nommez-vous cette charmante personne ? […] Pauvre charmante Isabelle !

198. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

Il fit durant les six mois qu’il resta à Paris une conquête plus difficile que ne l’était celle de Mme Necker : il acquit la bienveillance de Mme Du Deffand, si susceptible en fait d’ennui, et qui trouva sa conversation « charmante et facile ». […] Puis il lui montre en perspective une maison charmante à la porte de Lausanne et donnant sur la descente d’Ouchy, onze pièces tant grandes que petites tournées au levant et au midi, une terrasse, une treille, le fameux berceau ou l’allée couverte d’acacias, tous les accidents d’un terrain agréablement diversifié à l’œil, les richesses d’un jardin anglais et d’un verger, surtout la vue du lac et des monts de Savoie en face. […] Il a de charmantes lettres en ce sens, adressées à son ami lord Sheffield82, encore engagé dans la mêlée, et le plus souvent pour le railler agréablement, pour le plaindre d’être toujours dans ce Pandaemonium de la Chambre des communes. […] Au retour d’un voyage qu’il fit en Angleterre dans l’année 1788, pour la publication de ses derniers volumes, il retrouva son ami Deyverdun malade, sujet à des attaques d’apoplexie qui bientôt l’enlevèrent, et il fut longtemps à se réconcilier avec l’habitation charmante, veuve désormais de son ami.

199. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

De son vivant, il a été parfaitement jugé et connu, tant pour ses bonnes qualités que pour ses défauts, pour ses belles et charmantes parties que pour ses folies et ses détestables travers, par des personnes de sa société, et, jusqu’à un certain point, de ses amis. […] Marie-Joseph Chénier continuait de tout admirer de Voltaire, et l’épître qu’il lui adressa put devenir le programme brillant du peuple des voltairiens : mais les gens de goût et dont en même temps l’esprit s’ouvrait à des aperçus d’un ordre plus élevé, des hommes tels que M. de Fontanes, par exemple, savaient fort bien concilier ce que méritait en Voltaire l’auteur charmant, et ce qui était dû au satirique indécent, au philosophe imprudent, inexcusable. […] Ce ne fut qu’une flamme souvent charmante ; ce qu’elle n’avait pas dessiné en courant et du premier jet, le foyer intérieur n’y suppléait pas. […] Cette période de la vie de Voltaire, ces trois années d’étude et de silence, où il entra n’étant que le libertin du Temple et le plus charmant homme de société, et d’où il sortit homme et philosophe, sont restées assez obscures et mystérieuses, précisément parce qu’il les passa dans le silence.

200. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de l’Académie française, par Pellisson et d’Olivet, avec introduction et notes, par Ch.-L. Livet. » pp. 195-217

Né à Béziers en 1624, originaire de Castres, d’une famille protestante très distinguée dans la robe, ayant fait ses études dans le Midi, il y prit un grand goût pour les bons auteurs latins, Cicéron, Térence, et ne s’aperçut, au sortir du collège, que l’on pouvait bien écrire aussi en français, que lorsqu’il eut vu quatre ouvrages dont il garda toujours un souvenir reconnaissant : les Huit Oraisons de Cicéron alors récemment traduites, Le Coup d’État de Sirmond, un volume des lettres de Balzac, et les charmants Mémoires de la reine Marguerite. […] On se lisait les uns aux autres les ouvrages qu’on avait composés ; on se critiquait, on s’encourageait. « Les conférences étaient suivies tantôt d’une promenade, tantôt d’une collation en commun. » Pendant trois ou quatre ans, on continua de la sorte avec une entière obscurité et liberté : « Quand ils parlent encore aujourd’hui de ce temps-là et de ce premier âge de l’Académie, nous dit Pellisson, ils en parlent comme d’un âge d’or, durant lequel avec toute l’innocence et toute la liberté des premiers siècles, sans bruit et sans pompe, et sans autres lois que celles de l’amitié, ils goûtaient ensemble tout ce que la société des esprits et la vie raisonnable ont de plus doux et de plus charmant. » Il y avait secret promis et gardé : Qui sapit in tacito gaudeat ille sinu. […] Quant à la rhétorique et à la poétique, elle s’en tint prudemment à la Lettre de Fénelon, qu’elle peut montrer à ses amis et à ses ennemis comme une charmante suite de questions et de projets : chacun là-dessus peut bâtir et rêver à son gré, sur la parole engageante du moins dogmatique des maîtres. […] Villemain dans ce premier et charmant Éloge de Montaigne.

201. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. De Pontmartin. Causeries littéraires, causeries du samedi, les semaines littéraires, etc. »

Un critique, qui est encore plus légitimiste que religieux, tel que M. de Pontmartin, devrait être, ce semble, plus courtois qu’un autre, et M. de Pontmartin, l’est en effet souvent ; il raconte lui-même agréablement qu’on lui a reproché trop de facilité et de complaisance de jugement, et de se montrer trop coulant à dire : « Beau livre, charmant livre, excellent livre !  […] Il y a une première moitié qui est charmante. […] Mais après cela, je le demande, si le résultat est favorable à la charmante et pure jeune fille, y a-t-il dans nos mœurs modernes bourgeoises (il faut le dire à leur honneur) un obstacle raisonnablement invincible à ce que Jules Daruel, le jeune avocat distingué, épouse cette belle enfant si bien élevée, Aurélie, et qu’elle devienne la plus honorée comme la plus aimable des épouses et des mères ? […] Son fils, Emmanuel, un jeune homme charmant, se montre, au premier coup d’œil, touché de la beauté d’Aurélie, comme elle-même est touchée de ses attentions.

202. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « DU ROMAN INTIME ou MADEMOISELLE DE LIRON » pp. 22-41

Les lettres de Mlle Aïssé, les moins connues de toutes ces lettres de femmes, sont aussi les plus charmantes, tant en elles-mêmes que par ce qui les entoure. […] dans les bras de sa charmante cousine ! […] Si Mlle de Liron n’était bien autre chose pour nous qu’une charmante composition littéraire ; si nous ne l’aimions pas comme une personne que nous aurions connue, avec ses défauts même et ses singularités de langage, nous reprendrions en elle certains mots qui pourraient choquer les oreilles non accoutumées à les entendre de sa bouche. […] Pour moi, je l’avoue, ce repas très-frugal bien qu’appétissant, et où préside d’ailleurs une exacte privation, n’a rien qui me choque, comme le font, dans la charmante correspondance de Diderot, certains aveux sur les quinze mauvais jours dont mademoiselle Voland paie un petit verre de vin et une cuisse de perdrix de trop ; et ce n’est pas du tout non plus le cas épicurien de Ninon vieillie écrivant au vieux Saint-Évremond : « Que j’envie ceux qui passent en Angleterre, et que j’aurois de plaisir à dîner encore une fois avec vous !

203. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame Geoffrin. » pp. 309-329

On en a cité mille traits charmants, imprévus, dont Sterne eût fait son profit ; je n’en rappellerai qu’un. […] Mme Geoffrin le faisait pour elle-même, pour ne pas se gâter le souvenir d’une action charmante. […] Je sais tout ce qu’on peut dire en faveur de cette vertu respectable et charmante, alors même qu’elle songe à soi. […] On a les lettres de Mme Geoffrin écrites de Varsovie, elles sont charmantes ; elles coururent Paris, et ce n’était pas avoir bon air dans ce temps-là que de les ignorer.

204. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Théodore Leclercq. » pp. 526-547

Sociabilité, finesse et moquerie, tels étaient les principaux traits de ce charmant esprit, qui y mêlait, dans la pratique, de cette bonté facile et de cette indulgence assez ordinaire à ceux qui n’ont point placé trop haut l’idéal de la nature humaine. […] Une petite maison charmante, demi-quart d’arpent de jardin tout au plus, mais si bien ménagé, si artistement arrangé, qu’on jurerait qu’il en a le double… Sentez-vous comme elle profite de l’occasion pour étaler ses vertus, sa sensibilité, et aussi son petit bien ! […] Les effets et les reflets s’en répandent en mille détails d’intérieur tout à fait charmants. […] Théodore Leclercq a très bien peint sa douce paresse et son humeur peu ambitieuse, qui laissait à son observation tout son jeu et toute sa lucidité : « Assez bon observateur, dit-il, positivement parce que je reste en dehors des prétentions actives, je regarde faire, et j’écris sans remonter plus haut que le ridicule, qui est mon domaine, laissant des plumes plus fortes que la mienne combattre ce qui est odieux. » Là où il est le plus charmant et le plus naturellement dans son domaine, c’est quand il peint les légers ridicules dont il ne s’irrite point, mais dont il sourit et dont il jouit, les ridicules des gens qu’on voit et qu’on aime à voir, avec qui l’on joue la comédie sans qu’ils se doutent qu’ils la jouent doublement eux-mêmes.

205. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

qu’elle s’était acquise, le nombre et la distinction de ses amis et de ses connaissances, continuèrent à lui attirer du monde quand les charmes eurent cessé, et quand la bienséance et la mode lui défendirent de plus mêler le corps avec l’esprit… Sa conversation était charmante. […] Somaize, dans Le Grand Dictionnaire des précieuses, ne dit pas autre chose : « Pour de la beauté, quoique l’on soit assez instruit qu’elle en a ce qu’il en faut pour donner de l’amour, il faut pourtant avouer que son esprit est plus charmant que son visage, et que beaucoup échapperaient de ses fers s’ils ne faisaient que la voir. » Mais, dès qu’elle parlait, on était pris et ravi : c’était son esprit qui achevait sa beauté et qui lui donnait toute son expression et sa puissance. […] La ressemblance de plusieurs traits essentiels me fait croire que la véritable clef de ce portrait peu connu est bien en effet celle-là : L’aimable Clarice est, sans doute, une des personnes du monde la plus charmante, et de qui l’esprit et l’humeur ont un caractère le plus particulier ; mais, avant que de m’engager à vous les dépeindre, il faut vous dire quelque chose de sa beauté. […] Elle parle volontiers, elle rit aisément, elle se fait un grand plaisir d’une bagatelle, elle aime à faire une innocente guerre à ses amis… Mais, parmi toute cette disposition qu’elle a pour la joie, on peut dire que cette aimable enjouée a toutes les bonnes qualités des mélancoliques qui ont l’esprit bien fait, car elle a le cœur tendre et sensible, elle sait pleurer avec ses amies affligées ; elle sait rompre avec les plaisirs quand l’amitié le demande ; elle est fidèle à ses amis ; elle est capable de secret et de discrétion ; elle ne fait jamais de brouillerie à qui que ce soit ; elle est généreuse et constante dans ses sentiments, et elle est enfin si aimable qu’elle est aimée des plus honnêtes personnes de la Cour, de l’un et de l’autre sexe, mais de gens qui ne se ressemblent ni en condition, ni en humeur, ni en esprit, ni en intérêts, et qui conviennent pourtant tous que Clarice est très charmante, qu’elle a de l’esprit, de la véritable bonté et mille qualités dignes d’être infiniment estimées.

206. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

C’est ainsi que ses poèmes mûrissent pendant des années avant de se produire au grand jour, selon le précepte d’Horace que Jasmin a retrouvé à son usage, et c’est ainsi que ce poète du peuple, écrivant dans un patois populaire et pour des solennités publiques qui rappellent celles du Moyen Âge et de la Grèce, se trouve être en définitive, plus qu’aucun de nos contemporains, de l’école d’Horace que je viens de nommer, de l’école de Théocrite, de celle de Gray et de tous ces charmants génies studieux qui visent dans chaque œuvre à la perfection. […] Écoutons sa charmante réponse et la leçon qui s’adresse à d’autres encore qu’au poète potier : Monsieur, Je n’ai reçu qu’avant-hier, veille de mon départ, votre cartel poétique : mais je dois vous dire que, l’eussé-je reçu en temps plus opportun, je n’aurais pu l’accepter. […] La poésie de Jasmin est tout émaillée de ces vers charmants qui font luire aux yeux les objets, qui font briller sur la vitre le soleil du matin, et étinceler la maisonnette à travers le bouquet de noisetiers : mais ici cet éclat de description se confond avec le pur sentiment. […] Laissons de côté les improvisations obligées et les compliments en madrigaux qu’il est obligé de répandre sur son chemin, en retour de chaque hommage et de chaque hospitalité triomphale qu’il reçoit : lui-même il se juge sur ce point aussi sévèrement qu’on pourrait le faire, et quand la reconnaissance chez lui est sérieuse, il demande du temps et du recueillement pour l’exprimer : « On n’acquitte pas, dit-il, une dette poétique avec des impromptus ; les impromptus peuvent être la bonne monnaie du cœur, mais ils sont presque toujours la mauvaise monnaie de la poésie. » Prenons donc Jasmin par ses côtés charmants et sérieux, tout à fait durables.

207. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VII. Mme de Gasparin »

Nous aimons, nous, que les femmes aient de la pudeur contre le succès et la gloire, et se voilent rougissantes, et par là plus charmantes, contre ces regards et ce jour. […] Ainsi, il procède de quelqu’un, ce charmant esprit qui vaut mieux que l’esprit dont il procède, et c’est ce qui frappe tout d’abord dès les premières pages de son livre. […] Talent très féminin, qui touche et qui sait plaisanter, et qui doit cacher une charmante femme, supérieure de sa personne à son talent, quand il y a tant de gens qui de leurs personnes sont plus petits, elle a l’enjouement, comme elle a les larmes, comme elle a le feu, — le feu sacré, l’étincelle pour l’encensoir. […] Malgré les ressemblances de manière et des incertitudes de touche, les Horizons prochains étaient un vrai chef-d’œuvre tremblé, il est vrai, mais tremblé par une main exquise, et nous dîmes sincèrement, — si on se le rappelle, — et les débilités (presque charmantes) du chef-d’œuvre et la beauté pure de la main.

208. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ernest Hello » pp. 207-235

Mais s’il avait eu la crainte, il aurait eu la joie. » Écoutez-le enfin et surtout parler de l’honneur, qu’il définit : « Promettre et ne pas tenir », et laissez-le creuser dans sa définition pour en tirer le plus magnifique fragment de ce livre, qui en a plusieurs de superbes et beaucoup aussi de charmants ! […] Il y a toujours, quand il est bien lui, — car, il ne faut pas l’oublier, il est inégal ; il y a des moments où il s’interrompt d’être lui, et où, comme le disait si drôlement Walter Scott, avec sa charmante bonhomie : « le gentilhomme reste sous son nuage », — il y a toujours autour de sa phrase inspirée la petite flamme bleue que Virgile a fait frissonner autour des tempes du jeune Iule. […] L’auteur de la Physionomie de Saints a la simplicité charmante des temps naïfs et la profondeur psychologique des vieux temps. […] Et ce n’est pas tout : il nous les reproduit aussi, en deux traits, ces physionomies, dans des chapitres qui sont de charmantes ou toutes-puissantes miniatures ; car il n’a pas plus besoin d’un grand espace, pour donner la vie à ses Saints, que Fiesole pour donner la vie à ses moines, dans ces petits chefs-d’œuvre de quelques pouces dont il aime parfois à entourer ses tableaux.

209. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre III. Ce que c’est que le Romanticisme » pp. 44-54

Le romantique dans le bouffon, c’est l’interrogatoire de l’Esturgeon, du charmant vaudeville de M.  […] Picard, qui n’aurait besoin que d’être écrite par Beaumarchais ou par Sheridan, pour être délicieuse, a donné au public la bonne habitude de s’apercevoir qu’il est des sujets charmants pour lesquels les changements de décorations sont absolument nécessaires.

210. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « George Sand. »

Elle a une imagination qui, naturellement et par un besoin irrésistible, transforme et embellit la réalité et trouve des combinaisons de faits imprévues et charmantes. […] Je ne parle pas de ses jeunes filles si charmantes ; et je ne rappellerai pas qu’elle a fait les analyses les plus fines et les plus fortes du caractère des artistes et des comédiens (Horace, le Beau Laurence, etc.).

211. (1898) Inutilité de la calomnie (La Plume) pp. 625-627

Retté apporta, je l’avoue, une fougue vive, charmante, affectueuse et une rayonnante honnêteté. […] Il y a pourtant, dans son Angélus, les plus languissantes mélodies, les plus suaves sourires, les plus charmantes larmes.

212. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXIXe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe (2e partie) » pp. 161-232

Oui, voilà bien la rue où je te vis pour la première fois, et le jardin charmant où Marthe et moi nous t’attendions. […] Me serrer à ton côté, c’était un doux, un charmant bonheur, mais je ne le ressentirai plus ; il me semble que j’ai besoin de me faire violence pour aller à toi, que tu me repousses loin de toi. […] Nous ne connaissons rien dans les langues modernes d’analogue à ce charmant et sévère morceau d’antiquité transporté dans notre âge. […] Pendant qu’Heine et autres sèment de fleurs charmantes, mais malséantes, l’imagination de la jeunesse lettrée, ces poètes sèmeraient des lis purs et des roses virginales dans le pot de fleurs de la mansarde, sur la fenêtre de la jeune fille et du jeune homme de nos ateliers ou de nos villages. […] Le prince lui avait préparé une charmante maison, retraite silencieuse et poétique propre à l’entretien du philosophe avec ses idées et du poète avec ses rêves.

213. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Ils ont été charmants tous deux de verve et de bonne humeur. […] Jeanne d’Arc nous a conservé le mot charmant de pucelle. […] Ce qu’il y a de charmant dans son jeu, c’est la mesure exquise. […] Il y est charmant, d’un naturel parfait et d’une gaieté étonnante. […] ou plutôt des propos de galanterie spirituelle et aimable, une escrime de coquetteries sans conséquences et de charmants badinages.

214. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

Ô charmantes images de la vie ! […] Ainsi recouvert, le squelette était charmant. […] que l’amour est charmante ! […] que l’amour est charmante ! […] L’excellent homme a des manies charmantes.

215. (1908) Jean Racine pp. 1-325

Et la femme de Vitart aussi était charmante pour son jeune cousin. […] Et avec cela il était charmant, sans vanité, sans méchanceté. […] Visionnaire lui-même, il était l’auteur de la baroque et charmante comédie des Visionnaires (1640). […] Et puis Andromaque respire si bien l’ardente et charmante jeunesse du poète ! […] la forme elle-même s’attendrit en plus d’un endroit de cette lente mais souvent charmante tragédie.

216. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

Je me contenterai d’en citer un charmant hors-d’œuvre, une soirée chez la reine Pomaré. […] N’est-ce pas absolument charmant ? […] Encore une page, douloureuse celle-ci, mais bien charmante aussi : il s’agit de la mort d’un petit enfant. […] Mais Lasthénie, en ce moment, ne pouvait pas savoir la cause de ce que ses doigts charmants venaient d’éprouver. […] un homme charmant, un cœur !

217. (1924) Critiques et romanciers

Car il peut arriver qu’un fils de Caïn soit un charmant poète, un fils d’Abel le dernier des rimeurs. […] La naïve humilité de Banville est charmante. […] Ses nouvelles surtout sont charmantes. […] Il suivait sa fantaisie charmante : et nous aurions tort de nous en plaindre. […] Ce qui rend le plus charmante l’ironie de M. 

218. (1901) Figures et caractères

La petite Léopoldine en reçut de charmantes. […] Sa charmante figure de poète prend des traits de critique avisé. […] C’est une compagne fidèle et charmante que cette Zela. […] Il y en a de charmantes. […] Une douceur charmante l’environne.

219. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mélanges de critique religieuse, par M. Edmond Scherer » pp. 53-66

Maintenant il peut chercher toujours, ne s’arrêter jamais ; il n’est pas de ceux qui doutent radicalement, et qui ont pour chef de file Montaigne, le badin charmant et intrépide. […] Les charmantes lettres de Joseph de Maistre qu’on a publiées en dernier lieu, et qui nous ont presque séduit jusqu’à amollir notre jugement, ne lui font pas illusion. […] Les Affaires de Rome renferment des descriptions charmantes et de piquants portraits ; la préface des troisièmes Mélanges est un modèle de lucide discussion ; l’Esquisse d’une philosophie contient sur l’art un chapitre d’une merveilleuse et mystique poésie.

220. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens II) Henry Fouquier »

Pétrone est mort comme vous savez, et Saint-Évremond, Chapelle, la Fontaine et beaucoup d’autres chez nous ont été des esprits charmants. […] Il sent en lui quelque chose de supérieur à lui-même, de tout-puissant et de mystérieux ; et son cœur se gonfle d’orgueil à songer qu’il est, quoi qu’il fasse et sans qu’il sache lui-même pourquoi, le rêve réalisé de tant de pauvres et folles et charmantes créatures. […] C’est une obsession charmante.

221. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Ce que tout le monde sait sur l’expression, et quelque chose que tout le monde ne sait pas » pp. 39-53

J’ai vu au fond du faubourg Saint Marceau où j’ai demeuré longtemps des enfants charmants de visage. […] Le poète avait consacré les beaux pieds de Thétis, et ces pieds étaient de foi ; la gorge ravissante de Vénus, et cette gorge était de foi ; les épaules charmantes d’Apollon, et ces épaules étaient de foi ; les fesses rebondies de Ganymede, et ces fesses étaient de foi. […] Que tous les visages ne sont pas également propres à rendre fortement la même passion ; il y a des boudeuses charmantes, et des ris déplaisants : voilà pour les caractères.

222. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

Il n’est pas d’héroïne de roman ou de comédie qui ne soit une femme charmante, une créature incomparable, une personne accomplie. […] Non qu’on ne puisse signaler, dans cette exposition permanente, mainte composition charmante, mainte toile bien réussie. […] Métrême, ou avec ce charmant M.  […] Singulière et charmante organisation ! […] Mademoiselle Thuillier n’est pas une femme charmante, elle est la femme charmante.

223. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

M. de Vigny en a donné là un échantillon charmant. […] Tant qu’il avait été dans la garde royale, c’est-à-dire jusqu’en 1823, il avait vécu à Paris et dans les cercles littéraires, où il rencontrait habituellement Soumet, Guiraud, les frères Deschamps et cette charmante et merveilleuse muse, Delphine Gay, alors dans la fleur naissante de son talent poétique et dans le premier épanouissement de sa beauté. […] Mme Sophie Gay écrivait, en août 1823, à son amie Mme Desbordes-Valmore, qui était en ce moment à Bordeaux, où M. de Vigny lui-même était depuis peu en garnison : « … Ce charmant Émile (Deschamps) m’a dit que son cousin M.  […] on le trouva vengeur et charmant. […] J’ai reçu une lettre charmante de l’auteur ; mais, comme il met les numéros tout de travers, elle ne m’est parvenue qu’après des courses sans fin.

224. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

Ce misérable Villon a conservé une âme charmante et bonne. […] Félix lui dit : « Jeune homme, vous êtes charmant. […] Epoque charmante, et où il faisait bon vivre ! […] Elles peuvent être charmantes. […] La pièce est aussi charmante que le roman.

225. (1888) Impressions de théâtre. Première série

quel monde charmant ! […] Charmante fille vraiment ! […] Et Marceline est charmante. […] Mais ces cérémonies sont charmantes. […] C’est une religion charmante pour l’imagination.

226. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) «  Essais, lettres et pensées de Mme  de Tracy  » pp. 189-209

Elle parle au reste librement d’elle-même et de ce qu’elle avait été ; J’ai retrouvé, écrivait-elle après des années, Mme de Castellane ; elle est toujours la même, et elle s’est montrée plus charmante pour moi que jamais. […] Est-il rien de plus riant, de plus frais, comme page et vignette d’histoire naturelle, que ce joli nid de mésange : Ce matin, en faisant une promenade sur les bords de l’étang (il s’agit de l’étang de Paray, et ceci n’est plus du voyage de Plombières), j’ai joui d’un spectacle qui m’a confondue d’admiration, et que je vais tâcher de raconter. — Je m’étais appuyée contre un saule pour me reposer un instant, lorsque tout à coup un charmant petit oiseau sembla jaillir de l’écorce même de l’arbre ; je voulus me rendre compte de ce phénomène, et voici ce que je vis en y regardant de très près. […] Et dire qu’il y a des gens assez stupides pour oser porter la main sur un pareil chef-d’œuvre, assez cruels pour porter la désolation dans une si charmante famille ! […] Heureux, ajoutait-elle d’une manière charmante, ceux qui font durer pendant quarante ans ce crépuscule qui sépare la dernière jeunesse de la première vieillesse !

227. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « François Villon, sa vie et ses œuvres, par M. Antoine Campaux » pp. 279-302

. — Ainsi pour Vous déjà (car nous voyons sous nos yeux s’accomplir le mystérieux phénomène), ô le plus charmant et le plus ardent des poètes de cet âge, Vous que je n’ai pas hésité à saluer du nom de génie quand vous n’aviez que dix-huit ans, mais qui, dans vos brillants écrits, n’avez pas tenu en entier toutes vos promesses ; qui, au milieu d’admirables éclats de passion, de jets ravissants d’élégance et de grâce, avez semé tant de disparates, de taches et d’incohérences, avez laissé tomber tant de lambeaux décousus ! […] Et nous-mêmes qui savons le fort et le faible, qui vous avons vu naître, briller et mourir, nous y applaudirons et nous y applaudissons déjà, à ce commencement d’illusion, parce qu’après tout votre renommée charmante, si elle dépasse un peu vos œuvres, ne fera pourtant qu’égaler votre génie, — ce que ce génie aurait été si vous en aviez daigné pleinement user et en artiste plus maître de sa force […] Horace et Juvénal, jusque dans leurs satires, ont de temps en temps de ces surprises charmantes ; Régnier et Boileau lui-même, ces chantres exclusifs des rues et de la vie de Paris, en offrent çà et là des exemples. […] c’est toute sa réponse. — On a cherché quelle était au juste l’originalité de Villon dans cette charmante pièce qui, seule, suffirait à assurer son renom.

228. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

Toutes les dames qui sont venues avec elle disent qu’elle est charmante, que tout ce qu’il y a à désirer est qu’elle ne se gâte point dans ce pays-ci… » Et, à notre tour, nous aurions le moyen aussi de dire notre avis. […] Dans un charmant portrait, terre cuite, du sculpteur Le Moine, appartenant à notre excellent peintre Jadin, il m’est permis de voir, d’examiner en tous sens cet agréable et piquant visage : tout est riant, animé ; l’éclat du teint devait achever la grâce ; mais il y a ce nez dont il a déjà été plus d’une fois question, et qui inquiète ; on se demande comment il était : c’est un nez assez prononcé et qui, selon la remarque d’un fin physionomiste, promet déjà celui de Louis XVI. […] M. le dauphin se mit la couverture sur le visage, mais ma princesse ne cessa de me parler avec une liberté d’esprit charmante, ne faisant non plus d’attention à ce peuple de Cour que s’il n’y avait eu personne dans la chambre. […] La reine m’a dit hier que plus elle la connaissait, et plus elle lui devenait chère et plus elle l’aimait ; et réellement elle est charmante. » Et comme on était alors en France plus fou que jamais de la porcelaine de Saxe, je ne sais quel bel esprit de la Cour disait : « On ne doit plus prendre de femme qu’en Saxe, et, plutôt que de m’en passer, quand il n’y en aura plus, j’en ferai faire en porcelaine. » Ce dauphin, auquel elle se consacrait, si renfermé et si méditatif, fut peu connu et mal connu : pieux, instruit, mélancolique, il se consuma d’ennui et mourut de la poitrine.

229. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

Bien avant De Maistre et ses exagérations sublimes, il disait de Voltaire : « Voltaire a, comme le singe, les mouvements charmants et les traits hideux. » « Voltaire avait l’âme d’un singe et l’esprit d’un ange. » « Voltaire est l’esprit le plus débauché, et ce qu’il y a de pire, c’est qu’on se débauche avec lui. » « Il y a toujours dans Voltaire, au bout d’une habile main, un laid visage. » « Voltaire connut la clarté, et se joua dans la lumière, mais pour l’éparpiller et en briser tous les rayons comme un méchant. » Je ne me lasserais pas de citer ; et pour le style, pour la poésie de Voltaire, il n’est pas plus dupe que pour le caractère de sa philosophie : « Voltaire entre souvent dans la poésie, mais il en sort aussitôt ; cet esprit impatient et remuant ne peut pas s’y fixer, ni même s’y arrêter un peu de temps. » « Il y a une sorte de netteté et de franchise de style qui tient à l’humeur et au tempérament ; comme la franchise au caractère. […] ironie charmante ! […] Nous le suivons d’assez près dans les années suivantes par de charmantes lettres à Fontanes, son plus vieil ami, qu’il retrouvait, après la séparation de la Terreur, avec la vivacité d’une reconnaissance : « Je mêlerai volontiers mes pensées avec les vôtres, lorsque nous pourrons converser ; mais, pour vous rien écrire qui ait le sens commun, c’est à quoi vous ne devez aucunement vous attendre. […] Joubert est un esprit délicat avec des pointes fréquentes vers le sublime ; car, selon lui, « les esprits délicats sont tous des esprits nés sublimes, qui n’ont pas pu prendre l’essor, parce que, ou des organes trop faibles, ou une santé trop variée, ou de trop molles habitudes, ont retenu leurs élans. » Charmante et consolante explication !

230. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre II »

Cependant, avec ses méchants habits, elle ne laissait pas d’être cent fois plus belle que ses sœurs, quoique vêtues magnifiquement. » Ainsi commence, ou à peu près, ce conte charmant de la beauté tirée de la cendre, brillante et joyeuse, comme une flamme soudaine. […] Alors toutes les femmes étaient belles, charmantes, désirables : la France entière avait les yeux et le tempérament de Chérubin : elle adorait Rosine, elle aurait aimé Marceline. « Pourquoi non ? […] La toile tombe, et l’acte est charmant malgré toutes nos critiques ; il amuse, il intéresse, il a la beauté du diable et la gaieté de la jeunesse, et, si la suite tenait tout ce qu’il promet, nous aurions là, à coup sur, une très piquante et très agréable comédie. […] Il me semble qu’après tant de critiques et de contestations, vous pourrez nous croire lorsque nous vous répéterons que cette comédie mal faite est née viable, malgré tout, et qu’elle contient des scènes charmantes, d’heureux détails et des fusées de saillies qui étincellent aux oreilles.

231. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

Vue de près et dans la réalité, sa vie répond bien à l’idée qu’on s’en fait de loin et à travers l’auréole ; la personne ressemble de tout point à la réputation charmante qu’elle a laissée. […] En tout, c’était une beauté touchante et non triomphante, une de ces beautés qui ne s’achèvent point, qui ne se démontrent point aux yeux toutes seules par les perfections du corps, et qui ont besoin que l’âme s’y mêle (et l’âme avec elle s’y mêlait toujours) ; elle était de celles dont on ne peut s’empêcher de dire à la fois et dans un même coup d’œil : « C’est une figure et une âme charmantes. » Le roi l’aima donc, et pendant des années uniquement et très vivement : pour elle, elle n’aima en lui que lui-même, le roi et non la royauté, l’homme encore plus que le roi. […] L’arbre charmant ne voulut pas attendre le terme de la saison sacrée, et il avait hâte de se dépouiller de sa dernière couronne […] Qu’on juge de l’attente en pareille occasion : Cette belle et courageuse personne, écrit Mme de Sévigné, fit cette action comme toutes les autres de sa vie, d’une manière noble et charmante : elle était d’une beauté qui surprit tout le monde ; mais ce qui vous étonnera, c’est que le sermon de M. de Condom (Bossuet) ne fut point aussi divin qu’on l’espérait.

232. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

Droz, je me contenterai de citer quelques pages, de charmants tableaux qui me paraissent devoir assurer le succès des Étangs. […] En effet, Charlotte, qui est une figure sympathique, charmante dans le livre de M.  […] Je passe sur des pages charmantes du récit, et j’arrive à la conclusion, qui est l’union des enfants de l’ex-jardinier et du seigneur de Saligneux. […] Ô mystère charmant surpris sous vos écailles ! […] Il n’est pas jusqu’à l’araignée qui ne soit le sujet d’un charmant dessin.

233. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — I »

Ses blonds cheveux flottent encore, Les fraîches couleurs de l’aurore Teignent toujours son front charmant, Et dans l’azur de sa paupière Brille encore assez de lumière Pour fasciner l’œil d’un amant ! […] Ici le souvenir reste inachevé ; on sent qu’il pourrait aller plus loin, qu’il touche à la vie présente du poète, et que c’est là pour lui le plus familier, le plus charmant refuge après l’agonie.

234. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre I. La poésie »

Pour être justes, disons qu’on a fait au xviiie siècle des vers charmants, et beaucoup : dans les genres où l’esprit suffisait. […] Il a été à bonne école, il a recueilli chez Vendôme et chez la duchesse du Maine la tradition des Hamilton et des Chaulieu : il a le secret charmant de ces choses légères, qui s’évaporent à l’examen et semblent faites de rien.

235. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre premier. »

Cette petite fable est charmante par la vérité de la peinture, pour le dialogue des deux grenouilles, et pour l’expression élégante qui s’y trouve. […] V. 4 Besogne, (autrefois besongne) n’est pas le mot propre ; mais, à cela près, la fable est charmante d’un bout à l’autre.

236. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Edmond About » pp. 63-72

Ceux-là même qui ont dans le génie ce don charmant de force éthérée qui enlève tous les sujets avec un souffle, ne lancent pas l’œuvre légère, ne soufflent pas leur bulle étincelante tous les jours ! […] Le temps n’est plus où, même après Byron, un charmant poète écrivait avec tant de mélancolie : « Les Orientaux portent le deuil en bleu : voilà pourquoi le ciel et les mers de cette pauvre Grèce sont d’un si magnifique azur. » Des railleurs sont venus, comme Stendhal et comme beaucoup d’autres, qui ont pris les poètes et la poésie philhellènes à rebours.

237. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Μ. Jules Levallois » pp. 191-201

Il tient de Bernardin de Saint-Pierre l’humeur charmante, la sérénité platonicienne, la poésie naturelle, la science venue, pour eux deux, — ou la science à laquelle ils sont allés tous les deux de la même manière, — l’un avec son fraisier, l’autre avec ses fourmis ! […] Levallois, lequel ne croit peut-être pas inconséquemment à l’action de la Providence, mais qui croit à l’action de la nature physique, est un livre de forme très douce et très charmante, mais positivement dirigé (sans en avoir l’air) contre l’idée chrétienne, qui est la seule vraie en moralité pratique et complète.

238. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Topffer »

Il a ce don charmant, cette faculté ailée, aérienne, l’alouette de l’esprit, qui tournoie, babille, rit et s’envole, dans toute époque, à la portée de toutes les âmes, mais qui, dans la nôtre, vieille et ennuyée, est le besoin le plus vivement senti de tous les esprits. […] Si Topffer, cet instituteur d’enfants, enfant lui-même, charmant d’innocence, pénétrait l’homme davantage, il serait plus triste, soyez-en sûr !

239. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Charles Monselet »

Ce recueil de vers, fait par un artiste toujours inspiré, n’a pas cependant partout la même valeur poétique, et, je vous en préviens, ce n’est pas de celui qui joue avec son talent et son style et qui, par exemple, a écrit ces fameux : Sonnets gastronomiques, — lesquels ne sont, par parenthèse, que de brillantes et charmantes difficultés vaincues — ce n’est pas de cet artiste que je veux vous parler. […] Ce qu’il est surtout, c’est dans beaucoup de viveur un peu de poète, mais ce peu de poète est si charmant qu’il fait pardonner au viveur.

240. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

… Quelle idylle charmante et virgilienne ! […] Et, dans tout Génézareth-sur-Mer, il n’y avait qu’un cri : « Quel charmant garçon !  […] Je ne connais pas d’homme meilleur, ni plus charmant. […] Je n’ai pas connu, non plus, un plus charmant et plus délicat ami. […] Cuir est ce qu’on peut appeler un dur à Cuir… » Je le crois sans peine, et comme c’est charmant !

241. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LOUISE LABÉ. » pp. 1-38

Victor Pavie faisait, il y a peu d’années, à Angers, pour Joachim Du Bellay : il vient d’en publier une charmante édition de luxe, tirée à 200 exemplaires, avec notice de M. […] Les œuvres de Louise Labé parurent pour la première fois en l’année 1555, c’est-à-dire au moment où toute la génération éveillée par Du Bellay et Ronsard prenait son essor, où la jeune école de droit de Poitiers, Vauquelin et ses amis, se produisaient dans leur ferveur de prosélytes, et où, sur toutes les rives du Clain et de la Loire, retentissaient, comme des chants d’oiseaux, des milliers de sonnets, quelques-uns charmants déjà, quelques autres un peu rauques encore. […] Une sérieuse et charmante épître dédicatoire à Mademoiselle Clémence de Bourges, Lionnoise, prouve mieux que toutes les dissertations à quel point de vue studieux, relevé et, pour tout dire, décent, Louise envisageait ces nobles délassements des Muses : « Quant à moi, dit-elle, tant en escrivant premièrement ces jeunesses que en les revoyant depuis, je n’y cherchois autre chose qu’un honneste passe-temps et moyen de fuir oisiveté, et n’avois point intention que personne que moi les dust jamais voir. […] » Il poursuit de ce ton sans trop de difficulté, et de manière à frayer le chemin à Montaigne ; mais c’est quand il en vient aux charmantes analogies de Folie et d’Amour, que Mercure (et Louise Labé avec lui) retrouve son entière originalité. […] Une muse tendre qui a vécu quelque temps sous le même ciel et qui en a respiré l’influence, Mme Valmore, s’est rendue l’écho de cette tradition vaguement charmante sur elle dans les vers suivants, qui sont dignes de toutes deux : ……………..

242. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

Voilà, en effet, Mme de Krüdner, telle qu’elle aurait dû venir pour remplir toute sa destinée, pour ne pas être seulement un romancier charmant et bientôt une illuminée qui fit sourire, pour ne pas manquer, comme il lui est arrivé, cette seconde partie de son rôle et d’une vie qu’elle avait voulu rendre sans réserve à Dieu, à la charité, à l’œuvre de la sainte parole, au salut et au renouvellement du monde. […] Elle fut élevée d’abord au sein d’une campagne pittoresque et sauvage : ce charmant petit lac où le vent jetait quelquefois les pommes de pins de la forêt, et où elle conduisait, en se jouant, une barque légère, ces sorbiers, amis des oiseaux, ces pyramides de sapins tout peuplés d’écureuils qui se miraient dans les ondes, ces plaintes des joncs, ces rayons de lune sur les bouleaux pâlissants, tel fut le fond de tableau à jamais cher, où se déclara son innocente et déjà passionnée rêverie. […] Le style de ce charmant livre est au total excellent, eu égard au genre peu sévère ; il a le nombre, le rhythme, la vivacité du tour, un perpétuel et parfait sentiment de la phrase française. […] La charmante princesse Serge Galitzin, dit-il, n’ayant pu souper chez lui, tant la lecture de Valérie l’avait mise en larmes, il voulut lever cet obstacle pour le lendemain, en lui envoyant une fin rassurante, où Gustave ressuscite. […] Mme de Lézai-Marnésia, une jeune femme charmante qui avait vu périr si affreusement son mari à Strasbourg, s’était remise en sa douleur à Mme de Krüdner et partageait chaque nuit le même cilice, espérant par elle retrouver quelque communication avec celui qu’elle avait perdu, et qui déjà se révélait à la sainte amie plus détachée.

243. (1863) Cours familier de littérature. XV « XCe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (3e partie) » pp. 385-448

Mes charmants calendriers ne s’y trompent pas, ils annoncent au juste les beaux jours, le soleil, la verdure. […] Je reçois un charmant billet de M. de Sainte-Beuve, cet homme exquis dont je reçois l’écriture vivante. » M. de Sainte-Beuve avait rendu à son frère Maurice une justice qui eût été bien plus juste si elle s’était adressée à la sœur ! […] Je vais partir avec les souvenirs les plus agréables et les plus doux, tant du dedans que du dehors : famille charmante où je suis adoptée, où j’ai reçu les témoignages les plus touchants d’affection, affection si vraie puisqu’elle est désintéressée. […] Montaigne est un charmant génie, mais il écrit pour s’amuser lui-même et pour amuser ses lecteurs. […] Il y a de l’intimité charmante dans les scènes des Charmettes, de Chambéry, mais c’est de l’intimité suspecte : on ne laisse pas le livre sous la main des innocents.

244. (1913) La Fontaine « V. Le conteur — le touriste. »

Et ce qu’il y a de charmant dans cette fable, c’est précisément le contraste parfaitement voulu, parfaitement médité et concerté, le contraste entre la jeunesse présomptueuse qui n’accorde même pas au vieillard la liberté, la licence de travailler en quelque sorte à long terme ; et, tout au contraire, cette sorte de méditation du futur qui accompagne le vieillard dans son labeur et qui lui fait dire : Voilà des jeunes gens qui me suppriment dans leur pensée, et moi, c’est à des gens qui ne sont pas encore, c’est à mes arrière-neveux que je songe déjà   Voilà une très jolie leçon de sagesse, tout à fait dans la manière d’Horace en même temps que dans la manière de Virgile, une très jolie leçon de sagesse antique avec quelque chose, je crois, de plus attendri, de plus doux, de plus mouillé de la tendresse moderne et de la tendresse, j’allais dire chrétienne, mais il ne faut pas dire chrétienne, en parlant de La Fontaine, ce serait trop une erreur, enfin d’une tendresse qui avoisine déjà le christianisme et qui en a senti quelque légère influence. […] Ce que l’on trouve et qui intéresse non seulement Mlle de La Fontaine, mais tous, dans ce voyage tout à fait agréable, tout à fait charmant, c’est d’abord les parties pittoresques. […] Or on a fait beaucoup remarquer que lorsque La Fontaine parle de la nature, il parle des jardins et l’on a cité souvent ces deux vers, charmants du reste : L’innocente beauté des jardins et du jour Allait faire à jamais le charme de ma vie. […] Vous savez ce que Stendhal a dit bien joliment de nos auteurs classiques : s’ils n’ont pas eu le sentiment de la nature, il ne faut pas s’en étonner beaucoup parce qu’ils vivaient tous ou presque tous à Paris, et que les environs de Paris ne sont pas pour donner un sentiment très profond et très grandiose de la nature ; le sentiment d’une nature aimable, gracieuse, infiniment charmante même, oui, mais le sentiment du grand pittoresque, ils ne pouvaient le trouver autour d’eux. […] Si pourtant Morphée m’eût amené la fille de l’hôte, je pense bien que je ne l’aurais pas renvoyée ; il ne le fit point, et je m’en passai. » Voilà de quel ton La Fontaine parle de ses rencontres féminines en voyage, et ce ton est absolument charmant avec le commencement de libertinage qui était adopté et permis dans les lettres du temps.

245. (1887) George Sand

quelle lutte ingénieuse, et le charmant triomphe pour tous les deux ! […] Certes il y a des parties charmantes dans ce roman, des types et des situations saisis avec art. […] Cette étude profonde et charmante des effets de deux passions contraires sur deux âmes plébéiennes s’interrompt pour laisser passer le flot de la déclamation politique. […] Charmante et douce Yseult, où êtes-vous ? […] Sténio, enfin, le charmant poète, allez le contempler pour la dernière fois dans le premier de ses sommeils que ne vint pas troubler l’orgueilleuse et orageuse image de Lélia.

246. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

C’est que ces quatre premiers livres, à propos de lavis, sont en effet d’une lecture charmante, à la Sterne, avec plus de bonhomie, entrecoupés de digressions perpétuelles qui sont l’objet véritable et qui font encore moins théorie que tableau. […] Töpffer commença à poindre comme romancier dès 1832, par un charmant opuscule, la Bibliothèque de mon Oncle, qui fait aujourd’hui le milieu de l’Histoire de Jules. […] D’ordinaire, il y intervient un touriste ridicule, un Anglais gourmé, un Français entreprenant, une jeune fille charmante et qu’on protége, et qu’il faut trop tôt quitter. […] Mais je ne fais qu’indiquer ces passages, tout charmants qu’ils sont, pour ne pas tomber moi-même dans l’inconvénient de prolonger. […] Le vieil et célèbre avocat Loisel, retiré à Chevilly, près de Villejuif, tout à la fin de ses jours, et n’y ayant pour compagnie que son petit-fils, a fait ce distique charmant : Quis Civiliaca lateat, si quæris, eremo ?

247. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Edmond et Jules de Goncourt »

On voit qu’ils aiment leur temps pour ce qu’il a d’intelligent, de charmant, de brillant, de fou, de malade. […] Mais, encore une fois, si ces fantaisies sont charmantes, qu’importe qu’elles soient inutiles ? […] 11 » Renée Mauperin, « la jeune fille moderne », spirituelle, tapageuse, garçonnière, artiste, tendre, fière et charmante, adore son père, pleure quand, voulant la marier, il lui dit qu’il ne sera pas toujours là, ne peut jouer sans pleurer la Marche funèbre de Chopin. […] Sœur Philomène est une des plus charmantes figures que MM. de Goncourt aient créées, et la plus douce, la plus discrète, la plus voilée de pudeur. […] Ce n’est plus la « douce terreur » et la « pitié charmante » dont parlait Boileau : c’est quelque chose de plus désolé et de plus poignant ; c’est ce que je voudrais appeler une émotion pessimiste, une compassion qui, par-delà les souffrances particulières, va à la grande misère humaine, une sensation des fatalités cruelles.

248. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

que de souvenirs charmants je devrai arracher de mon cœur  ! […] Tu ne peux te figurer comme il était charmant avant que la vie qu’il menait l’eût épuisé. […] je l’aimais tout de même ; je l’ai vu parfois si charmant 1 Il y avait des moments où un mot de lui vous faisait pâmer de rire. […] Toutes celles que je connaissais étaient d’une modestie charmante. […] Tu ne l’as connue qu’enfant, charmante déjà, mais à vingt-deux ans, c’était un miracle.

249. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Questions d’art et de morale, par M. Victor de Laprade » pp. 3-21

» Oui, aurais-je pu lui répondre, c’est un poète, bien qu’il vous ressemble si peu, ô charmant et terrible Enfant du siècle ! […] C’est jouer de malheur, quand on admire si fort Platon, que de le dédoubler pour laisser de côté la charmante ironie de Socrate. […] Adorateur et sectateur idolâtre de la noble poésie, l’auteur, on le sent, n’aime pas les Lettres dans leur charmante variété et dans leur imprévu perpétuel.

250. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Sur la reprise de Bérénice au Théâtre-Français »

Mais aujourd’hui, après tant de bouleversements qui ont eu lieu sur la scène, et de telles tentatives aventureuses dont on paraît un peu lassé, Iphigénie redevient de mise, elle reprend à son tour toute sa vivacité et son coloris charmant. […] Bérénice peut être dite une charmante et mélodieuse faiblesse dans l’œuvre de Racine, comme la Champmeslé le fut dans sa vie. […] Un organe pur, encore vibrant et à la fois attendri, un naturel, une beauté continue de diction, une décence tout antique de pose, de gestes, de draperies, ce goût suprême et discret qui ne cesse d’accompagner certains fronts vraiment nés pour le diadème, ce sont là les traits charmants sous lesquels Bérénice nous est apparue ; et lorsqu’au dernier acte, pendant le grand discours de Titus, elle reste appuyée sur le bras du fauteuil, la tête comme abîmée de douleur, puis lorsqu’à la fin elle se relève lentement, au débat des deux princes, et prend, elle aussi, sa résolution magnanime, la majesté tragique se retrouve alors, se déclare autant qu’il sied et comme l’a entendu le poëte ; l’idéal de la situation est devant nous. — Beauvallet, on lui doit cette justice, a fort bien rendu le rôle de Titus ; de son organe accentué, trop accentué, on le sait, il a du moins marqué le coin essentiel du rôle, et maintenu le côté toujours présent de la dignité impériale.

251. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires de madame de Staal-Delaunay publiés par M. Barrière »

Cette diversité me rappelle le charmant conte des Trois Manières, dont chacune, auprès des Athéniens de Voltaire, réussit à son tour ; et s’il y avait une quatrième manière de plaire, il ne faudrait pas lui chercher querelle. […] De là, durant le cours de cette existence dont la fleur fut si courte et si vite envolée, on voit combien les choses vinrent peu à point, et l’on comprend mieux dans ce ferme et charmant esprit, cet art d’ironie fine, ce ton d’enjouement sans gaieté qui naît de l’habitude du contre-temps. […] Elles sont d’une expérience consommée, d’une haute sagesse, et charmantes encore jusque dans le suprême désabusement.

252. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lawrence Sterne »

Sterne est de la race de ces bouffons charmants ou sublimes qui s’appellent Rabelais, Swift, Cervantes, Arioste. […] lisez seulement dix lignes de ces deux écrivains à qui on ne peut comparer personne, et vous avez, dans ces dix lignes, entiers et visibles, ces deux esprits, véritables et charmants phénomènes qui sont une gracieuseté du bon Dieu faite à l’intelligence humaine, et qui n’ont, littérairement, ni ancêtres ni postérité, apparemment pour que les hommes ne pussent pas compter sur un tel bonheur tous les jours ! […] Il y a plus, c’est par le sentiment chrétien infusé en lui et gardé au milieu des libres penseurs de sa terre natale, que le compatriote de Bolingbroke et de Tindal atteignit sans y penser à cette originalité qui n’est plus l’originalité anglaise, cette superbe de l’orgueil et de la personnalité, et qui fait de lui comme un charmant étranger dans son pays.

253. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

Tel est, bien écourté, le résumé de ce charmant conte philosophique qui, comme le dit très justement M.  […] Coindre a ornée de charmantes vues d’une grande fidélité. […] Jean Aicard de nous dire, avec son éloquence, le beau et charmant poème de la naissance, de la vie et de la mort du Christ. […] Quoi de plus charmant que ce quatrain dit par « une bergère » dans la comédie jouée au Mont-de-Marsan ? […] Comme on sortait de dîner entre vieux amis et que la soirée s’était passée charmante et gaie : — Pourquoi avons-nous tant ri que cela ce soir ?

254. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « La poésie »

Paul Albert saisit bien et dénonce le point défectueux de ce charmant poème, œuvre d’un tout jeune homme et où l’on sent trop aujourd’hui l’absence des pensées mûres. […] J’espère que le jour de justice pour le charmant et si sensé poète reviendra.

255. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ferdinand Denis »

Denis nous transporte dans les bocages d’Otahiti, séjour charmant de la poésie et de la volupté, où le navigateur oublie l’Europe et la patrie ; soit qu’aux bords sacrés du Guige, il nous retrace les caractères des beaux lieux qu’il arrose, la plénitude de la végétation, des villes au sein des forêts, (les gazelles et les biches auprès du buffle et du tigre, l’éléphant sauvage et sa vaste domination sur les hôtes des bois, et ses guerres sanglantes contre des armées entières de chasseurs ; soit qu’accomplissant cette fois toute sa mission, il nous montre la littérature portugaise passant du Gange au Tage, et qu’il présente les fables des Indiens, et leurs riantes allégories, et leurs croyances si douces et si terribles tour à tour ; alors, en s’adressant aux poètes, il est poète lui-même ; sa pensée, singulièrement gracieuse, s’embellit encore d’une expression dont l’exquise pureté s’anime des couleurs orientales. Si la beauté confie à la colombe messagère le secret qu’elle n’oserait révéler à ses austères gardiens, il ajoute : « Prête à voir l’oiseau charmant s’élever dans les airs, en emportant les vœux de sa tendresse, elle voudrait le retenir, comme on retient un aveu qui va s’échapper. » S’il parle des bouquets mystérieux qui racontent et les tendres inquiétudes et les douces espérances d’une jeune captive : « Messager, dit-il, plus discret que notre écriture, maintenant si connue, son parfum est déjà un langage, ses couleurs sont une idée. » L’ouvrage dont nous venons de rendre compte est suivi d’une espèce de nouvelle historique sur la vie du Camoëns.

256. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Poésie — I. Hymnes sacrées par Édouard Turquety. »

Il y était disciple de l’école de 1828, et quelques vers tendres rappelaient deux ou trois des seules élégies charmantes qu’on connaisse de Charles Nodier. […] que ta lueur charmante    Console après les pleurs du jour !

257. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Avellaneda »

Mais pour que rien ne manquât à la renommée de ce pauvre et charmant grand homme, à qui tout avait manqué pendant qu’il vivait, il lui naquit plus tard cette chose rare, ce hasard inouï, cette nonpareille des Florides en littérature, un traducteur, et un traducteur dans cette langue française, la langue polyglotte, qui universalise la pensée d’un homme en l’exprimant. […] Si le rire y est, le rire au bruit duquel tombent les anges, les âmes et les empires, il y a aussi une mélancolie plus puissante encore que ce rire charmant et pernicieux.

258. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Taine »

Tout cela, trouvé soit charmant, soit superbe, par la moyenne des esprits et des critiques à qui tout cela s’adressait, est remplacé ici par quelque chose qui, à cette moyenne d’esprits et de critiques, va paraître cruellement rude à avaler ! […] III Mais si l’esprit n’est plus dans son livre, et son intérêt et sa flamme, la vérité, toujours attirante et charmante, si sévère qu’elle soit, s’y trouve-t-elle, du moins ?

259. (1868) Curiosités esthétiques « III. Le musée classique du bazar Bonne-Nouvelle » pp. 199-209

C’est un charmant tableau qui a l’air, comme Hélène et Pâris, de vouloir jalouser les peintures délicates et rêveuses de Guérin. […] Ce sont des œuvres charmantes dans les régions moyennes du talent et du bon goût.

260. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

, il en a fait de généreuses aussi, et il en a fait de charmantes. […] Noblet est un charmant Frossard. […] Et alors le prince Charmant se met à chanter : « Piou ! […] C’est charmant, charmant, charmant. […] Il a aussi des coins charmants.

261. (1925) Les écrivains. Première série (1884-1894)

Ils se confondent en une gaîté énorme et charmante qui séduit et réconforte à la fois. […] C’était — me pardonne la Ligue des Patriotes — c’était un charmant homme, à qui je dois des heures exquises. […] On lui doit, dans la jeunesse, des heures d’illusion charmante, des croyances vite déçues, et des douleurs aussi, rarement fécondes. […] Moi, cela m’émeut, et j’aime M. de Goncourt pour toutes les petites faiblesses, si humaines, et si charmantes, en vérité, chez un homme tel que lui. […] Jules Huret, à lui seul, a eu plus d’esprit que ses soixante-quatre interviewés, un esprit très fin, très discret, d’une ironie charmante et vive.

262. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

L’idée est charmante et développée sous forme, de comédie, fournirait certes une pièce intéressante. […] Il y a aussi de charmantes scènes de détail, d’observation. […] Je ne raconterai pas le roman, mais je signalerai une scène tout à fait charmante qui en amène le dénouement. […] dit, en une charmante page, la jeune femme ; faites-en l’essai et écrivez-lui ceci. […] Quoi de plus charmant que ces quatre lignes qui nous montrent à la fois la bonté du père et de la mère de notre héros ?

263. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

» Avec la gaîté propre à cet âge charmant. […] Il faisait des vers charmants et il lisait Anglais, Allemands et Italiens de tout son cœur. […] On se joint, c est charmant ; on se quitte, c’est drôle. […] Il est éloquent, il est persuasif, surtout il est beau et charmant et plus jeune qu’elle. […] Elle était charmante de tous points.

264. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

Les ruines charmantes d’un monument suranné. […] Tète absurde et charmante ! […] Alfred Capus n’a pas dit : — Tout s’arrange à merveille, ou d’une façon charmante. […] C’est une aventure magnifique et charmante, qu’on imagine aisément. […] Il semble que François Baudelaire, le père de Charles, fut un homme charmant.

265. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

Il y a des caricatures d’intérieur touchées d’un mot : « Au déjeuner, M. de Casembrood (le chapelain) lit d’ordinaire dans la Bible, en robe de chambre et bonnet de nuit, et cependant en bottes et culottes de cuir, ce qui compose en vérité une figure très-risible et point charmante. […] Le comte Xavier de Maistre, ce charmant et fin attique, y arrive en ce moment, pour la première fois de sa vie, à l’âge de soixante-seize ans. […] Elle m’a présenté sa main avec une grâce charmante, et nous avons pris notre place. […] mon père est plus content de moi que jamais ; il me trouve charmante : il dit qu’il n’y a rien d’égal à sa fille, et qu’il ne la troquerait pas contre les meilleures jambes du monde. […] Bref, étant un jour à Genève, il y rencontre, dans la famille d’un ami, une jeune personne honnête, instruite, charmante à voir, et il se marie : le voilà heureux.

266. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

Après Balzac, après Voiture, qui sont des épistolaires de profession, la charmante mère de Mme de Grignan sait être parfaitement naturelle et obéir à son propre génie, à son cœur, tout en soignant le détail plus qu’il n’y paraît, et en songeant bien un peu au monde qui attachait tant de prix alors à une lettre bien faite. […] Qui n’a rencontré dans le monde, depuis qu’on n’a plus le loisir d’y être parfaitement honnête homme , de ces gens qui sont charmants avec vous le soir, à condition d’être brusques s’ils vous rencontrent le matin, et de s’arranger, du plus loin qu’ils vous avisent, pour ne vous point reconnaître ? […] Pétrone, livre charmant et terrible par tout ce qu’il soulève de pensées et de doutes dans une âme saine ! […] La première est longue ; mais, je ne sais si je m’abuse, elle me paraît charmante, et elle a semblé telle à de bons juges sur qui je l’ai essayée. […] Je serais étonné si ce n’était pas d’elle aussi qu’il veut parler : « Une personne, la plus charmante que je connus de ma vie… » (Page 152 des Œuvres posthumes.)

267. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

Fatigatus non lassatur, arctatus non coarctatur, territus non conturbatur… Il était sensible aux beaux paysages, curieux des formes charmantes ou magnifiques de la terre, et il se le reprochait : « Que pouvez-vous voir ailleurs que vous ne voyiez où vous êtes ? […] Et c’est pourquoi Racine s’aperçoit un jour que Phèdre était trop charmante ; et il accomplit le sacrifice le plus extraordinaire qu’ait enregistré l’histoire de la littérature : il tue en lui l’homme de lettres, à trente-huit ans. […] Madame de Sévigné Mme de Sévigné est la patronne charmante des chroniqueurs de journaux. […] Il dit de Voltaire : « Voltaire a, comme le singe, les mouvements charmants et les traits hideux. » Il dit de Platon : « Platon se perd dans le vide, mais on voit le jeu de ses ailes, on en entend le bruit. » Il nous apprend que « Xénophon écrit avec une plume de cygne, Platon avec une plume d’or et Thucidyde avec un stylet d’airain ». […] J’en reconnais aussi des traces dans sa complaisance et sa compétence à peindre les doux adolescents, timides, tendres, faibles et scrupuleux, de rôle passif, plus jeunes que la femme aimée, et beaucoup plus séduits que séducteurs … Il a donné des frères charmants au délicieux Hubert Liauran de M. 

268. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

Une jolie petite fille, et une charmante belle-sœur, qui a la voix et le rire de sa sœur à s’y méprendre. […] Et de ce pochard, il saute à cet autre pochard de Callias, qu’il dit lui avoir fourni les plus charmants échos sur les pochards, de même qu’un cocu lui a fourni les plus instructifs échos sur le cocuage. […] » Et vraiment Gille est un charmant conteur de ces épisodes parisiens, par la bonhomie du racontar, les sous-entendus, les phrases inachevées, complétées par de petits rires gouailleurs, et les interrogations comiques, les : « Vous comprenez bien !  […] Et chaque jour, sa petite cervelle trouve des choses charmantes. […] — Oui je l’ai lu avec un certain étonnement, car voici le portrait que je faisais de Renan, dans l’avant-dernier volume paru : « L’homme toujours plus charmant et plus affectueusement poli, à mesure qu’on le connaît et qu’on l’approche.

269. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

Nous nous garderions bien, quand nous le pourrions, de chercher à suivre le réel biographique dans ce qui est surtout vrai comme impression et comme peinture, et d’y décolorer à plaisir ce que le charmant auteur a si richement fondu et déployé. […] Dès ce temps, Nodier avait commencé un poëme sur les charmants objets de ses études ; on en citait de jolis vers que quelques mémoires, en le voulant bien, retrouveraient peut-être encore. […] confusion charmante ! […] Ces années ne furent donc pas absolument malheureuses, les sentiments consolants de la jeunesse les embellissaient, et de fréquentes tournées au village de Quintigny, qui recélait pour son cœur une espérance charmante, lui décoraient l’avenir. […] En résumé, Nodier, par rapport à la nouvelle école qu’il aurait pu songer à se rattacher et à conduire, et qu’il ne voulut qu’aider et aimer, Nodier sans prétention, sans morgue, sans regret, ne fut aux poëtes survenants que le frère aîné, comme je l’ai dit, et le premier camarade, un camarade bon, charmant, enthousiaste, encourageant, désintéressé, redevenu bien souvent le plus jeune de tous par le cœur et le plus sensible.

270. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

voilà un génie charmant, léger, plaintif, rêveur, désolé, le génie de l’élégie et de la romance, qui se fait entendre sur ces tons pour la première fois : il ne doit rien qu’à son propre cœur. […] Cette charmante Ondine avait des points de ressemblance et de contraste avec sa mère. Petite de taille, d’un visage charmant, elle avait quelque chose d’angélique et de puritain, un caractère sérieux et ferme, une sensibilité pure et élevée. […] Puis, quand on vient à songer quel mal infini eût de tout temps à se soutenir et à subsister cette famille d’élite et d’honneur, ce groupe rare d’êtres distingués et charmants, comptant des amitiés et, ce semble, des protections sans nombre, chéris, estimés et admirés de tous, on se demande ce que c’est que notre civilisation si vantée ; on rougit pour elle. […] Alfred de Vigny disait d’elle qu’elle était « le plus grand esprit féminin de notre temps. » Je me contenterais de l’appeler « l’âme féminine la plus pleine de courage, de tendresse et de miséricorde. » — Béranger lui écrivait : « Une sensibilité exquise distingue vos productions et se révèle dans toutes vos paroles. » — Brizeux l’a appelée : « Belle âme au timbre d’or. » — Victor Hugo, enfin, lui a écrit, et cette fois sans que la parole sous sa plume dépasse en rien l’idée : « Vous êtes la femme même, vous êtes la poésie même. — Vous êtes un talent charmant, le talent de femme le plus pénétrant que le connaisse. » 41.

271. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

« La fortune », dit-il dans cette lettre, « non contente de toutes mes adversités passées, vient, pour me rendre complètement malheureux, de m’enlever cette jeune et charmante femme, mon épouse, et de détruire par cette mort toute espérance de félicité pour moi, le seul soutien de mes pauvres enfants et la seule perspective de consolation qui me restât pour mes vieux jours ; je la pleure nuit et jour et je m’accuse de sa mort, parce que je n’aurais jamais dû, par une vaine ambition de grandeur, ou par un attachement trop grand à mon prince, l’avoir abandonnée ainsi que mes petits enfants et le gouvernement domestique de ma maison, entre les mains non de ses frères, mais plutôt de ses plus cruels ennemis ! […] Pendant les fêtes, tournois et spectacles donnés à l’occasion de ce mariage, et qui durèrent six jours et six nuits, le Tasse fut présenté à Lucrézia et à Léonora, les deux charmantes sœurs du duc et du cardinal. […] … Je vis des divinités célestes et charmantes, et, parmi ces nymphes et ces sirènes… je restai frappé de stupeur, et je me sentis tout à coup grandir moi-même à la hauteur de ce que j’admirais… Rempli d’une vie inconnue, inondé d’une divinité intérieure toute nouvelle… je chantais les exploits et les héros, dédaignant désormais les humbles idylles… » XVI Cependant, soit que la distance et le respect eussent intimidé l’aveu de ces sentiments pour Léonora d’Este, soit qu’il eût voulu dérober sous un autre nom les hommages poétiques secrets qu’il adressait dans son cœur à Léonora, le Tasse affecta de célébrer quelque temps dans ses vers une autre beauté de la cour de Ferrare. […] « Vous me faites sentir plus que jamais combien la Fontaine est charmant dans ses bonnes fables ; je dis dans les bonnes, car les mauvaises sont bien mauvaises ; mais que l’Arioste est supérieur à lui et à tout ce qui m’a jamais charmé, par la fécondité de son génie inventif, par la profusion de ses images, par la profonde connaissance du cœur humain, sans faire jamais le docteur ; par ces railleries si naturelles dont il assaisonne les choses les plus terribles ! […] La Fontaine est un charmant enfant, que j’aime de tout mon cœur ; mais laissez-moi en extase devant messer Ludovico, qui d’ailleurs a fait des épîtres comparables à celles d’Horace.

272. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

» Oui, c’était un « poète », au témoignage même de Marceline : J’ai lu ces vers charmants où son âme respire. […] Ils demeurent gens de théâtre par une innocente exagération de langage et par de petites déformations avantageuses de la réalité. « À vingt ans, dit Marceline, des peines profondes m’obligèrent de renoncer au chant, parce que ma voix me faisait pleurer. » L’explication est charmante ; mais la vérité, c’est qu’elle perdit la voix à la suite de ses couches, et qu’elle avait alors vingt-trois ans, et non pas vingt. […] Tous les hommes et toutes les femmes illustres de la première moitié de ce siècle, elle ne les voit que grands, généreux et charmants. […] Je croyais les devoir à ton repos, à ta santé… Ce qui doit apaiser ta charmante colère contre M.  […] Sainte-Beuve écrit encore à Marceline : « … Ici, du moins, il y a tout ce qui peut adoucir, élever et consoler le souvenir : cette pureté d’ange dont vous parlez, cette perfection morale dès l’âge le plus tendre, cette poésie discrète dont elle vous devait le parfum et dont elle animait modestement toute une vie de règle et de devoir, cette gravité à la fois enfantine et céleste par laquelle elle avertissait tout ce qui l’entourait du but sérieux et supérieur de la vie… » Je suis tenté de croire, — car le même sentiment s’y retrouve, et presque les mêmes expressions, — que l’admirable pièce des Consolations : Toujours je la connus pensive et sérieuse… fut inspirée à Sainte-Beuve par le souvenir de cette charmante Ondine Valmore.

273. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre cinquième »

Il fallait ou céder au charme tout à fait, ou savoir mieux s’en défendre ; et puisque la Harpe regardait aux fautes jusqu’à les compter, il eût pu se montrer meilleur gardien de la langue et de la logique, sans rabaisser cette charmante création. […] Il se l’est prédit en vers charmants. […] Et n’est-il pas plaisant de voir Voltaire lui-même, dans ses charmantes lettres, donner des démentis aux pédants qui s’enflaient pour le louer ? […] Piron disait d’une pièce de Voltaire qui n’avait pas réussi : « Il voudrait bien que j’en fusse l’auteur » ; mot charmant, parce qu’il contient à la fois une épigramme contre le poète tombé et un hommage au goût du critique. […] A mesure que je m’éloigne des défauts, les beautés m’apparaissent, et, dans ce lointain où je les regarde une dernière fois, il me semble voir un monde ingénieux de personnages brillants, animés, éloquents, et au-dessus de toutes ces figures, dont plus d’une est indécise, une tête charmante et immortelle, Zaïre, et une tête sacrée, que les anciens appelaient l’épouse et la mère, Mérope.

274. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « M. Boissonade. »

Lui, il était franc, sobre et non pas du tout libéral et banal d’éloges envers autrui : on a dérogé à cette réserve qui lui était habituelle et qui tenait à son goût même ; la publication présente semble s’être faite sous l’invocation d’une clémence universelle, et tous les noms du temps (y compris le nôtre) y ont reçu des éloges charmants, bien doux à l’amour-’propre, mais qu’il n’eût certes pas tous également ratifiés. […] Les critiques les plus farouches qui censureraient mes erreurs, s’il s’agissait d’une édition de Démosthène, d’Homère ou de Thucydide, seront plus indulgents pour des fautes dont un Diogène ou un Cratès, un Marinus ou un Nicétas sont les seules victimes. » Tout cela est charmant ; remarquez que, quand il écrit en latin, M.  […] Parmi les auteurs grecs dont il fit choix de bonne heure pour s’en occuper, il en est un qui est bien moins méprisable que les autres : c’est Aristénète, auteur peu connu, dont le nom même n’est pas certain, mais dont on a des Lettres galantes qui ne ressemblent pas mal à ce que pourrait être un tel recueil de la main de Dorât ou plutôt de Crébillon fils : il en est vraiment de charmantes dans le nombre, et toutes sont curieuses sur l’article des mœurs dans l’Antiquité. […] Quand plus tard il éditera Homère dans la Collection Lefèvre, il s’en tirera par un mot d’esprit, par un mot charmant, qu’il emprunte, selon son habitude, à un passage d’un ancien.

275. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure  »

Vous vous occupez, je suppose, de Mme de Maintenon, vous cherchez les témoignages pour ou contre cette vertu tant controversée ; vous ouvrez le recueil des pensées et dires de Sorbière, le Sorberiana, à l’article Scarron ; vous y trouvez ce charmant éloge de Mme de Maintenon jeune et sous sa première forme d’épouse vierge et immaculée d’un mari impotent : « L’histoire du mariage de M.  […] Mais les savants à hébreu sont peu communicatifs. » Marais a raison, et il n’a manqué à Bayle, à « ce charmant auteur », comme il l’appelle, que la coupe française pour ainsi dire. […] Moins de vingt-cinq ans après, Voltaire qui d’abord s’était annoncé si peu comme devant être le successeur de Bayle et celui qui le détrônerait, Voltaire qui inaugurait ce nouveau rôle philosophique par ses Lettres sur les Anglais (1733), disait vers le même temps dans ce charmant poème du Temple du Goût, à l’endroit où il se représente comme visitant la bibliothèque du dieu : « Presque tous les livres y sont de nouvelles éditions revues et retranchées. […] Là, on trouve un passage de l’une des lettres passionnées que Henri lui adressait, et le plus ancien texte de la chanson : Charmante Gabrielle.

276. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres de Virgile »

Quoique je me sois interdit tout rapprochement avec les auteurs français, je ne puis m’empêcher de transcrire la description d’un paysage semblable, que j’ai lue il y a quelques mois : « L’endroit était charmant ; le pré, doucement incliné vers l’eau, était tout parsemé de spirée-reine-des-prés, de grandes salicaires pourpres qui dépassaient princièrement la foule pressée des vulgaires plantes fourragères. […] Si ce ruisseau était mieux réglé dans son cours, ce pré serait moins frais et moins vert, de même que si ces roches qui en mangent une partie étaient extirpées du sol, le sol, effondre par les pluies, s’en irait combler et détourner le ruisseau. » (George Sand, Monsieur Sylvestre.) — Il est impossible de donner un plus charmant commentaire de lapis nudus et de magna satis. » Il y aurait de l’inconvénient sans doute à multiplier de semblables commentaires ; mais celui-ci, en admettant même que l’à-propos soit un peu cherché, a pour lui toutes les excuses. […] Elle le connaît, en effet ; elle l’a abordé dans l’original ; et ceci me remet en mémoire une phrase charmante d’une de ses lettres, écrite vers la fin de 1848 où au commencement de 1849, dans un temps où on la croyait plus occupée qu’elle ne l’était de politique. […] Avec les légers défauts qu’une critique minutieuse y peut relever, les Épilogues de Virgile restent charmantes ; il ne faut point leur demander sans doute l’entière et expressive rusticité des Idylles de Théocrite, ni la réalité du cadre et de la composition ; mais ce serait une autre erreur que de les considérer comme un genre factice, allégorique, parce qu’il s’y mêle de l’allégorie et de l’allusion.

277. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE BALZAC (La Recherche de l’Absolu.) » pp. 327-357

En province surtout où les existences de quelques femmes sont plus souffrantes, plus étouffées et étiolées que dans le monde parisien, où le désaccord au sein du mariage est plus comprimant et moins aisé à éluder, M. de Balzac a trouvé de vifs et tendres enthousiasmes ; le nombre y est grand des femmes de vingt-huit à trente-cinq ans, à qui il a dit leur secret, qui font profession d’aimer Balzac, qui dissertent de son génie et s’essayent, plume en main, à broder et à varier à leur tour le thème inépuisable de ces charmantes nouvelles, la Femme de trente ans, la Femme malheureuse, la Femme abandonnée, c’est là un public à lui, délicieux public malgré ses légers ridicules, et que tout le monde lui envierait assurément. […] Il l’a été principalement dans Eugénie Grandet, et il s’en faut de bien peu que cette charmante histoire ne soit un chef-d’œuvre, — oui, un chef-d’œuvre qui se classerait à côté de tout ce qu’il y a de mieux et de plus délicat parmi les romans en un volume. […] Il y avait dans la première édition de la Femme abandonnée, publiée par la Revue de Paris, une charmante page qui, à l’aide de quelques retouches habiles, est devenue tout à fait belle dans une édition suivante. […] Cette figure de Mme Claës, où les hésitations magnétiques et les projections fluides des regards sont prodiguées, de même que le sont dans le portrait de Balthazar les idées dévorantes distillées par un front chauve, m’a bien fait concevoir le genre de portraits de Vanloo et des autres peintres chez qui des détails charmants et pleins de finesse s’allient à une flamboyante et détestable manière, à une manière sans précision, sans fermeté, sans chasteté. « Les personnes contrefaites qui ont de l’esprit ou une belle âme, dit M. de Balzac à propos de son héroïne peu régulière, apportent à leur toilette un goût exquis.

278. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

A côté de ce charmant passage qui unit l’exactitude de chaque détail à la fraîcheur et au souffle, et que Buffon, reparlant du style, aurait écrit, j’aurais, dans le même discours, et dans le style de M. […] Il y a donc, sous sa régularité excellente de style et de doctrine bien des accidents piquants, divers, qui font de lui un homme plein de détails fins à peindre, et qui doivent être charmants à goûter. […] Vinet (2e édition), une charmante lettre écrite de Bruxelles par Benjamin Constant, âgé de douze ans, à sa grand’mère : l’homme y perce déjà tout entier. […] Vinet a dignement apprécié cet homme excellent et charmant dans une lettre à la Revue suisse (octobre 1838), reproduite dans le Semeur (6 février 1839).

279. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

Les Mémoires d’un Homme de qualité nous semblent sans contredit, et Manon à part, Manon qui n’en est du reste qu’un charmant épisode par post-scriptum, — nous semblent le plus naturel, le plus franc, le mieux conservé des romans de l’abbé Prévost, celui où, ne s’étant pas encore blasé sur le romanesque et l’imaginaire, il se tient davantage à ce qu’il a senti en lui ou observé alentour. […] Quant à ces fils d’Amulem, à ces neveux de M. de Renoncour, il se trouve que le plus charmant des deux est une nièce qu’on avait déguisée de la sorte pour la sûreté du voyage ; mais le marquis, si triste de la mort de sa Diana, n’a pas pris garde à ce piége innocent, et, à force d’aimer son jeune ami Mémiscès, il devient, sans le savoir, infidèle à la mémoire de ce qu’il a tant pleuré. […] » Malgré les démonstrations du doyen, les passions de tous ces jolis couples allaient toujours et se compliquaient follement ; l’aimable Rose, dans sa logique de cœur, ne soutenait pas moins à son frère Patrice qu’en dépit du sort qui le séparait de son amante, ils étaient, lui et elle, dignes d’envie, et que des peines causées par la fidélité et la tendresse méritaient le nom du plus charmant bonheur. […] Une jeune Grecque d’abord vouée au sérail, puis rachetée par un seigneur français qui en voulait faire sa maîtresse, résistant à l’amour de son libérateur, et n’étant peut-être pas aussi insensible pour d’autres que pour lui ; ce peut-être surtout, adroitement ménagé, que rien ne tranche, que la démonstration environne, effleure à tout moment et ne parvient jamais à saisir ; il y avait là matière à une œuvre charmante et subtile dans le goût de Crébillon fils : celle de Prévost, quoique gracieuse, est un peu trop exécutée au hasard101.

280. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Le premier est une histoire familière de la cour de Louis XIV ; vrai tableau, ou plutôt vraie galerie de tableaux imposants et charmants, au-dessus desquels domine, tracé d’une main libre, pour l’histoire et non pour la tragédie, le portrait du grand roi. […] J’en viens au meilleur, au plus charmant, au moins contesté des titres de Voltaire, sa Correspondance. […] Dans Molière, dans La Fontaine, dans Lesage, c’est une moitié charmante et immortelle de la littérature. […] Cicéron, tendre père d’une fille charmante, père désespéré quand il la perdit, en est meilleur citoyen, plus attaché à ses amis, plus épris de la vérité, laquelle devient plus chère à l’homme chez qui la tendresse de cœur se communique à l’esprit, et qui aime la vérité à la fois comme une lumière et comme un sentiment.

281. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre Premier »

Mais on comprend qu’elle dut paraître tout à fait charmante dans sa nouveauté néo-grecque, sous la clarté du premier rayon. […] Tout le monde se souvient du succès de la Ciguë, cette charmante comédie athénienne. […] Diane, son nouveau drame a tous les symptômes de la convalescence : la faiblesse, l’indécision, le tâtonnement, l’incertitude, mais aussi l’émotion, l’attendrissement, et, ça et là, de soudains élans vers la vie, l’originalité et l’essor ; ce n’est pas encore le poète libre et charmant de l’Aventurière et de la Ciguë, mais ce n’est plus déjà le versificateur terne et prudent de Gabrielle. […] Augier n’est donc pas dans son ensemble ni dans ses études, il est dans ses détails, dans les scènes parfois charmantes d’enjouement, de mélancolie ou de tendresse.

282. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

Devant la maison natale était suspendu une sorte de dôme, également formé de guirlandes naturelles et qui produisait un effet charmant ; enfin, on y avait déjà disposé les mâts vénitiens et les lanternes de papier de couleurs vives et variées pour l’illumination du soir. […] Nous nous embrassâmes avec cette effusion de tendresse qu’une absence de trois mois fait trouver si charmante à de parfaits amants… » Et ce qui suit : « Tout le reste d’une conversation si désirée ne pouvait manquer d’être infiniment tendre… » Quand des écrivains de talent ont voulu depuis paraître aussi simples, ils ne l’ont pas été sans quelque manière. Dans Le Pressoir, cette jolie comédie-idylle de Mme Sand, un paysan dit d’une jeune fille sans fortune dont il ne veut pas pour son fils : « J’avoue qu’elle est charmante et très douce. » Ce dernier mot, dit d’une certaine façon villageoise, fait un gracieux effet : et pourtant c’est un peu cherché et calculé en fait de naturel : celui de l’abbé Prévost coulait de source.

283. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — III » pp. 476-491

Le style, le ton, la manière de Voltaire lui paraissent choses aimables et charmantes ; souvent elle blâmera le fond, mais il lui semble difficile de critiquer le tour, et encore plus difficile de l’imiter. […] La langue du monde, telle que ces deux personnes d’une raison si charmante et leur ancienne 483 amie Mme de Maintenon la parlèrent et la firent, était le suprême de cette exquise et simple élégance où le soin disparaît dans la facilité. […] Et puis il est possible que, dans ce cercle d’ailleurs charmant, et avant tout intelligent, l’admiration surabonde et que la chaleur l’emporte sur la fine raillerie ; que quelqu’un parle trop haut, qu’un autre ait l’accent de sa province ; qu’on ne sache pas de certaines manières, de certaines traditions d’autrefois, et qu’un raffiné des beaux temps, s’il y entrait à l’improviste, pût trouver à redire.

284. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — I » pp. 107-125

Au retour de cette glorieuse campagne, la princesse Marie lui donna un logement à l’hôtel de Nevers et lui sut gré de sa peine : elle eut un de ses plus charmants sourires. […] C’était un vers tout entier, emprunté de l’élégie d’Hylas de Properce, avec un seul changement imperceptible du masculin au féminin, et qui, dans son application, montrait deux frères, deux enfants du Septentrion, épris du même charmant objet, comme jadis ces fils de Borée Zétès et Calaïs : Hanc duo sectati fratres, Aquilonia proles. […] Aimer d’un haut amour platonique comme Dante et Michel-Ange n’appartient qu’à une âme forte ; aimer comme Pétrarque sa Laure est d’une âme encore adorable et charmante.

285. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’Impératrice Catherine II. Écrits par elle-même. »

Méchancetés, indiscrétions, mensonges, faux rapports, tracasseries, toutes les bêtises de la malice humaine rassemblées dans un cercle étroit et redoublées par l’étiquette, elle éprouve tout cela dans ses relations avec sa mère, avec l’Impératrice, avec son fiancé, avec les femmes qu’on lui donne pour argus ; elle est obligée de garder des mesures avec chacun, et, malgré sa grande jeunesse et son goût vif d’amusement et de plaisir, elle s’en fait une loi : comme chez tous les grands ambitieux (Sixte-Quint, Richelieu), sa passion dominante est assez forte pour se plier à tout et s’imposer d’abord la souplesse ; son orgueil fait le mort et rampe pour mieux s’élever ; seulement, femme et charmante femme qu’elle est, elle a ses moyens à elle, et elle y met de la grâce : « Au reste, je traitais le mieux que je pouvais tout le monde, et me faisais une étude de gagner l’amitié, ou du moins de diminuer l’inimitié de ceux que je pouvais seulement soupçonner d’être mal disposés en ma faveur. […] Il paraît bien cependant que des années se passèrent (sept ans environ), avant que cette charmante jeune fille devînt femme et pût espérer de donner un héritier au trône. […] Je revins à la maison très-contente de mon invention de simplicité, tandis que tous les autres habits étaient d’une richesse rare. » Que dites-vous du portrait et des sous-entendus charmants qui passent comme de légères ombres, et de la délicatesse des nuances ?

286. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Etienne-Jean Delécluze »

Il y a des naïvetés charmantes dans ces pages de M.  […] Un jour pourtant, le jeune ; Étienne eut, à l’occasion de la charmante dame ; une idée un peu plus que folâtre. […] Le langage, le geste de David est rendu et mimé à merveille tout cet endroit du livre est charmant.

287. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier. »

Ne pouvant accorder ce titre de reine à la charmante princesse, on s’arrangea toutefois pour lui donner de la reine et de la souveraine sous une forme quelconque, galante et courtoise. […] mais à sa douce et charmante femme qui n’en pouvait mais, il donnait, quand il était ivre, tous les noms injurieux et humiliants, accompagnés de traitements cruels, de coups et une certaine nuit, à la fête de Saint-André qu’il avait célébrée en buvant encore plus qu’à l’ordinaire, il tenta de l’étouffer et de l’étrangler. […] On dirait qu’il ne peut se faire à l’idée de la vie, humainement heureuse, que va désormais mener sa charmante et si éprouvée comtesse : il cherche partout des punitions et des châtiments à ce qui réellement n’en a pas eu et ne méritait point d’en avoir.

288. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite.) »

Cette seconde partie de Don Quichotte, qui déroule les faits et gestes du héros depuis sa troisième sortie, et où s’accomplit l’incomparable mystification de Sancho, soi-disant gouverneur de Barataria, est plus méditée, plus réfléchie que la première, et sans prétendre rien ôter à la grâce de celle-ci ni à sa charmante légèreté, elle la fortifie, la mûrit et la couronne admirablement. […] G. de Lavigne, par une sorte d’émulation fâcheuse, il ne craint pas d’appeler ce charmant Cervantes « un esprit léger, frivole et vagabond. […] Je trouve dans un livre récent, mélange de lumière et d’ombre, cette page charmante sur Cervantes qui y est classé parmi les premiers génies ; « L’Idéal est chez Cervantes comme chez Dante ; mais traité d’impossible, et raillé.

289. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite et fin.) »

A voir un poëte du peuple occuper et, selon eux, usurper ainsi l’entière renommée, de jeunes et beaux esprits provençaux s’étaient dit qu’ils avaient, eux aussi, un passé et un avenir ; ils se mirent de parti pris à remonter aux sources, à les rechercher et à étudier, tout en chantant ; ils fondèrent cette union de poëtes, la société des Félibres, assez singulièrement nommée, mais qui s’est justifiée et démontrée par ses œuvres : l’un d’eux, Mistral, charmant poëte, esprit cultivé et resté en partie naïf, s’est d’emblée tiré du pair et illustré par la pastorale de Mireïo. […] C’est certainement un gentil motif d’idylle, charmant peut-être dans l’original, que celui qui se présente à nous, ainsi traduit : Mona Sur le bord de la rivière, les pieds dans l’eau, assise sur le gazon frais, un soir Mòna Daoulas était dans la prairie, sous les aulnes verts. […] Boulay-Paty était un vrai poëte, c’est-à-dire qu’il était cela et pas autre chose ; il avait le feu sacré, la religion des maîtres, le culte de la forme ; il a fait de charmants sonnets61, dont je comparais quelques-uns à des salières ciselées, d’un art précieux ; mais les salières n’étaient pas toujours remplies : il avait plus de sentiment que d’idées.

290. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « APPENDICE. — CASIMIR DELAVIGNE, page 192. » pp. 470-486

Les Troyennes, Danaé, l’ode à Naïs, et d’autres pièces de l’époque dont nous parlons, nous semblent d’aussi précieuses révélations en ce sens qu’elles sont des compositions charmantes en elles-mêmes. […] Ne nous plaignons point, toutefois, qu’on nous ait conservé dans les notes la charmante ballade du Jeune Matelot. […] Delavigne, mérite grave à la fois et charmant, pour lequel, si l’on voulait être tout à fait juste en l’analysant, on aurait besoin, non plus d’une simple audition, mais d’une lecture.

291. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre II. Les tempéraments »

Il ne pouvait que jeter quelques charmantes œuvres dans le cours de la poésie française, non pas le détourner ou le rectifier. […] Relisons toutes les pièces qu’on cite : ces sonnets, ces chansons, où le pétrarquisme est traverse des élans fougueux d’une passion sensuelle, où se fond une subtilité aiguë dans la douceur lasse d’une mélancolie pénétrante, ces élégies où le néant de l’homme, la fragilité de la vie, le sentiment de la fuite insaisissable des formes par lesquelles l’être successivement se réalise, s’expriment en si vifs accents par de si graves images, ces hymnes, comme l’hymne à Bacchus qui a le mouvement et l’éclat des Bacchanales que peignaient les Italiens, ces odelettes, où la joie fine et profonde des sens aux caresses de la nature qui les enveloppe, se répand en charmantes peintures, en rythmes délicats : tout cela, c’est le tempérament de Ronsard, fortuitement favorisé par son érudition, ou bien en rompant l’entrave. […] La Pléiade et ses alentours fournissent des pièces charmantes aux anthologies : Baïf, Magny200, d’autres encore sont loin d’être sans mérite.

292. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES » pp. 456-468

Mot charmant de madame Valmore, avec cet air humble et ce geste de femme : « Il faut faire de la vie, comme on coud : point à point. » XXVII. […] Dans cette ode si connue où Horace énumère tout ce qu’il nous faudra quitter bientôt à l’heure de la mort (Linquenda tellus et domus et placens uxor…), il oublie une des plus profondes douceurs, une des plus durables et des plus chères à la vie déclinante, celle de lire Horace et les Anciens : un jour viendra bientôt, charmant poëte, où nous ne te lirons plus !

293. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre II. Utilité de l’ordre. — Rapport de l’ordre et de l’originalité »

L’un est Montaigne : son désordre est une partie de son génie : le décousu rend sa fantaisie plus charmante et convient à son propos. […] L’autre est Fénelon : tous ses écrits ne sont guère que de charmantes improvisations.

294. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre onzième. »

Cette charmante tirade n’est gâtée que par V. 29…. […] Mais si on considère cette fable simplement comme une pièce de vers, elle est charmante et aussi parfaite pour l’exécution, qu’aucun autre ouvrage sorti des mains de La Fontaine.

295. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le marquis de Grignan »

de l’amour, — un amour rétrospectif pour elle… Ordinairement écrite par la Haine, elle a un accent ici sur lequel il n’est pas possible de se méprendre… Et c’est là ce qui donne à cette histoire sa délicate originalité, et, sous une forme quelquefois ironiquement charmante, sa lucidité pénétrante et sa profondeur. III La forme de ce livre est en effet charmante.

296. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Roger de Beauvoir »

C’est encore et toujours ce visage qui fut charmant, où la Gaîté et la Mélancolie luttaient pour le compte de la Séduction, mais où la Mélancolie a commencé de vaincre, — la Mélancolie qui s’est épaissie, à mesure que les années qui restent à vivre s’éclaircissent. […] Il avait d’Aubigné quand d’Aubigné était charmante.

297. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Louis Bouilhet. Festons et Astragales. »

Seulement il envierait le trait de la fin, qui est charmant : Le silence, cet oiseau Dont on n’entend pas les ailes ! […] Louis Bouilhet peut faire : ce sont ceux que faisait si bien son compatriote Saint-Amand… La gaieté, cette fleur charmante de la vigueur de l’esprit, blanche et rose comme celle des pommiers de notre pays (ne sommes-nous pas Normands, M. 

298. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

J’ai connu des causeurs charmants, qui n’étaient pas pour cela moins bons écrivains. […] Vous jouirez d’une charmante surprise. […] Un golfe là-bas, charmant. […] Et quelle charmante bonne volonté pendant les manœuvres ! […] Quel art exact, avisé, charmant !

299. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

Il était, comme le saint charmant d’Assise, lui aussi le Poverello, — oui, le Poverello de la musique. […] Tout compte fait, nos charmants vaudevillistes sont des sages. […] Et il souriait ; il était charmant, amusant et bon. […] Ce fut charmant. […] On est charmant, avec simplicité.

300. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — N — Noël, Alexis (1867-19..) »

Charles Fuster Ce livre renferme des pièces brûlantes qui ne démentent pas son titre, mais auxquelles nous préférons certains morceaux tout fugitifs, tout simples et tout charmants.

301. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — J — Jaloux, Edmond (1878-1949) »

Edmond Jaloux, dont les charmants poèmes nous avaient laissés pleins d’une espérance attentive, nous montre aujourd’hui, dans l’Agonie de l’Amour, ses dons multiples et divers.

302. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

— Charmant ! […] charmant ! […] … — Charmant ! […] Quand la soirée est belle, c’est un charmant voyage d’un quart d’heure. […] Poirier, comédie charmante, dont le sujet était loin d’être la glorification des instincts bourgeois.

303. (1902) La poésie nouvelle

Le vers libre de Laforgue est charmant, subtil, délicat, spirituel. […] L’art charmant du poète fut de saisir ces fugitives apparences et de les fixer sans que se fane leur beauté fragile, leur grâce qui leur vient d’être momentanées.‌ […] Or, elle est délicieuse, dans le poème de Moréas, cette Eriphyle, « Mâne charmante », chargée de son antique tristesse, et aussi de sa grâce inaltérable.‌ […] Les paysages sont clairs et charmants. […] Le sentiment s’aiguise encore, arrive à de frêles et charmantes impressions.‌

304. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lorin, Georges (1850-1927) »

Philippe Gille Pierrot voleur, c’est le titre d’une petite comédie en vers, charmante fantaisie qu’Antoine n’eut pas le temps de jouer au Théâtre-Libre, et qui fera certainement son chemin dans les salons avant de revenir au théâtre.

305. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre septième »

Aussi un excellent air, des bois magnifiques tout alentour, la même vue que des hauteurs de Saint-Germain, avec l’avantage d’une colline plus douce et plus accessible, d’où l’on peut suivre de l’œil les charmantes sinuosités de la Seine, tant de beautés ne sauvèrent pas Marly de la destruction qui a épargné Versailles. […] Mais, à la seconde représentation, quelques paroles charmantes du roi dissipaient la cabale, et, comme dit Grimarest, faisaient reprendre haleine au poète225. […] Mot charmant, qui fait sentir si vivement la beauté de son sacrifice. […] » Tous ces propos hardis, d’un tour si fin et si charmant, où l’esprit n’est que le sel d’une courageuse raison, ne firent que le rendre plus agréable au roi. […] Pour La Fontaine, si Louis XIV ne l’attira pas à la cour malgré les charmantes flatteries du fabuliste, c’est moins par l’esprit de dévotion, qui ne fut dominant qu’après la publication des Fables, qu’à cause des mœurs abandonnées du bonhomme.

306. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Macaigne, Camille (1843-1877) »

Les sujets qu’il traite sont les thèmes éternels et qui toujours seront les plus fertiles en variations lyriques : les promenades à travers les champs et les bois, les charmants épisodes de la vie de famille, quelques scènes de l’antiquité, les jeux de la fantaisie et jusqu’aux discrètes émotions du patriotisme.

307. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Garnier, Paul-Louis (1879-1916) »

N’est-ce pas charmant que la première plaquette d’un aussi jeune homme soit pleine de choses chantantes ?

308. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guiard, Théodore (1814-1855) »

Charles Asselineau Ce qui appartient bien en propre à Guiard, c’est, de certaines pièces légères de forme et de sentiment, empreintes d’une naïveté de jeunesse campagnarde, la Cordelle, Noël, la Promenade à l’étang, et un charmant paysage du hameau de Saint-Père en Auxois, avec sa vieille église en ruines… Le succès des Lucioles ne dépassa point le cercle des amis et des camarades du poète.

309. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Reboux, Paul (1877-1963) »

André Theuriet Je tiens à signaler, comme nous apportant une charmante espérance, les poésies de M. 

310. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Berthou, Erwan (1861-1933) »

Edmond Pilon Le poème final de la Lande fleurie est charmant et l’une des pièces, le Jardin des vingt vierges, est une chose exquise.

311. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Marlow, Georges (1872-1947) »

Marlow a su tirer un parti peu banal et très charmant de l’octosyllabique.

312. (1875) Premiers lundis. Tome III « L’Ouvrier littéraire : Extrait des Papiers et Correspondance de la famille impériale »

On nous apprend à aimer le beau, l’agréable, à avoir de la gentillesse en vers latins, en compositions latines et françaises, à priser avant tout le style, le talent, l’esprit frappé en médailles, en beaux mots, ou jaillissant en traits vifs, la passion s’épanchant du cœur en accents brûlants ou se retraçant en de nobles peintures ; et l’on veut qu’au sortir de ce régime excitant, après des succès flatteurs pour l’amour-propre et qui nous ont mis en vue entre tous nos condisciples, après nous être longtemps nourris de la fleur des choses, nous allions, du jour au lendemain, renoncer à ces charmants exercices et nous confiner à des titres de Code, à des dossiers, à des discussions d’intérêt ou d’affaires, ou nous livrer à de longues études anatomiques, à l’autopsie cadavérique ou à l’autopsie physiologique (comme l’appelle l’illustre Claude Bernard) ! […] que de saillies, de traits charmants et sensés, que de précieux ou de piquants souvenirs, que d’idées, que de trésors jetés aux quatre vents de l’horizon et qu’il ne recueillera jamais !

/ 1864