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41. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre X. La Science est-elle artificielle ? »

Le Roy n’est pas un sceptique ; s’il regarde l’intelligence comme irrémédiablement impuissante, ce n’est que pour faire la part plus large à d’autres sources de connaissance, au cœur par exemple, au sentiment, à l’instinct ou à la foi. […] Il va regarder le fil pour tâcher d’y voir passer quelque chose ; mais si je pose la même question à mon aide qui comprend ma langue, il saura que cela veut dire : le spot se déplace-t-il ! et il regardera sur l’échelle. […] Une relation géométrique peut remplacer avantageusement une relation qui, considérée à l’état brut, devrait être regardée comme mécanique, elle peut en remplacer une autre qui devrait être regardée comme optique, etc. […] Faudra-t-il que la géométrie soit regardée à la fois comme une branche de la cinématique et comme une branche de l’optique ?

42. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII] »

Needham ne leur aurait pas paru philosophe, et l’auteur du Système de la Nature n’eût été regardé que comme un discoureur par l’empereur Marc-Aurèle. » (Quest. encycl. […] J’ai aimé la physique tant qu’elle n’a point voulu dominer sur la poésie ; à présent qu’elle a écrasé tous les arts, je ne veux plus la regarder que comme un tyran de mauvaise compagnie. […] J’ai toujours regardé l’athéisme comme le plus grand égarement de la raison, parce qu’il est aussi ridicule de dire que l’arrangement du monde ne prouve pas un artisan suprême, qu’il serait impertinent de dire qu’une horloge ne prouve pas un horloger. […] Sans ce frein, je les regarderai comme des animaux féroces qui, à la vérité, ne me mangeront pas quand ils sortiront d’un long repas, et qu’ils digéreront doucement sur un canapé avec leurs maîtresses, mais qui certainement me mangeront, s’ils me rencontrent sous leurs griffes quand ils auront faim, et qui, après m’avoir mangé, ne croiront pas seulement avoir fait une mauvaise action. » (Tom.  […] » Et premièrement, chrétiens, si vous regardez son extérieur, il avoue lui-même que sa mine n’est pas relevée221 : Præsentia corporis infirma ; et si vous considérez sa condition, il est méprisable, et réduit à gagner sa vie par l’exercice d’un art mécanique.

43. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre I. Introduction. Trois sortes de natures, de mœurs, de droits naturels, de gouvernements » pp. 291-295

Rapportant tout à l’action des dieux, ils se tenaient pour fils de Jupiter ; c’est-à-dire pour engendrés sous les auspices de Jupiter, et ce n’était pas sans raison, qu’ils se regardaient comme supérieurs par cette noblesse naturelle à ceux qui pour échapper aux querelles sans cesse renouvelées par la promiscuité infâme de l’état bestial se réfugiaient dans leurs asiles, et qui, arrivant sans religion, sans dieux, étaient regardés par les héros comme de vils animaux. […] Les hommes voyant en toutes choses les dieux ou l’action des dieux, se regardaient, eux et tout ce qui leur appartenait, comme dépendant immédiatement de la divinité.

44. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre premier. La sélection et la conservation des idées dans leur relation à l’appétit et au mouvement. »

Il en est de même dans le domaine de la vue, quand nous venons de regarder un objet brillant et que le nerf optique continue de vibrer. Ceux qui étudient les objets au microscope voient très souvent une « image consécutive » de l’objet, qui persiste quelques instants après qu’ils ont cessé de le regarder. […] Il faudrait un terme de comparaison où l’on vît non seulement un objet recevoir et regarder une empreinte, mais cette empreinte même revivre à un moment donné et reproduire dans l’objet une vibration nouvelle. […] Ce qu’il y a de passif et d’encore mécanique dans la reproduction des impressions comprend : 1° les sensations consécutives ou post-sensations, dues à la persistance de l’excitation périphérique même après la disparition du stimulus extérieur ; par exemple, la vision consécutive d’un objet qu’on vient de regarder au microscope et qu’on ne regarde plus. […] Il regardait alors les mots de sa liste écrite, et toutes les fois que les mêmes mots écrits frappaient ses yeux, il les comprenait parfaitement.

45. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1854 » pp. 59-74

J’entends le bercement nasillard de la musique, je regarde les plis des burnous ; lentement le « Bois en paix » de l’Orient me descend de la petite tasse jusqu’à l’âme ; j’écoute le plus doux des silences dans ma pensée et comme un vague chantonnement de mes rêves au loin, — et il me semble que mon cigare fait les ronds de fumée de ma pipe sous le plafond du Café de la Girafe. […] * * * Mai Fantaisie écrite en chemin de fer, la nuit, en allant à Bordeaux. — Quand au bout, tout au bout de la voie ferrée, un œil rouge s’éveille et que la locomotive, dévorant l’espace, apparaît, du milieu de la colline, de grands ossements se dressent, s’ajustent et descendent lentement jusqu’à la barrière, formant une longue file de squelettes de vieux chevaux… Ils regardent lentement, de leurs orbites vides, la locomotive qui n’est plus qu’une étincelle de braise dans le lointain. […] parce que j’ai 30 000 de loyer… Mes acteurs, je ne leur donne guère plus, vous pensez quel métier ils font tous… Souvent une femme m’attrape pour me dire qu’elle ne peut vivre avec mes 50 francs, qu’elle va être obligée de faire des hommes dans la salle, pour manger… Que voulez-vous, ça ne me regarde pas… J’ai 30 000 de loyer… Donc, mon théâtre n’est pas un théâtre, c’est un b…… * * * — Un passeport contemporain. […] Une autre fois, j’y menai Balzac qui, monté sur une banquette, dans sa robe blanche de moine, regardait de ses petits yeux pétillants le chahut. […] Je crois bien que je n’aurai de l’amour dans toute ma vie que de telles bouffées… Je passai la nuit avec cette femme qui me disait en voyant mes regards sur elle : « Es-tu drôle, tu as l’air d’un enfant qui regarde une tartine de beurre ! 

46. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Deshays » pp. 208-217

À côté de la sainte Anne, derrière la Vierge est une grande fille, belle, simple, innocente, un voile jeté négligemment sur sa tête, le reste du corps couvert d’une longue draperie, et portant une corbeille de roses ; ce n’est qu’un accessoire, mais qu’on ne se lasse pas de regarder. […] Plus on regarde ce morceau, plus on en est frappé. […] Nulle comparaison entre nos saints, nos apôtres et nos vierges tristement extasiés, et ces banquets de l’Olympe où le nerveux Hercule appuyé sur sa massue regarde amoureusement la délicate Hébé, où Apollon avec sa tête divine et sa longue chevelure tient par ses accords les convives enchantés ; où le Maître des dieux s’enivrant d’un nectar versé à pleine coupe de la main d’un jeune garçon à épaules d’ivoire et à cuisses d’albâtre, fait gonfler de dépit le cœur de sa femme jalouse. […] Quand on l’a bien regardée, on n’est surpris ni de son action, ni du reste de son histoire. […] Lisez Homere et Virgile, et ne regardez plus de tableaux.

47. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

Je m’approchai et je regardai les titres. […] Plus je vois, plus je veux regarder, je m’arrache avec peine à toutes ces beautés. […] Le type n’était plus grotesque, on ne se donne pas la peine de le regarder. […] Allez, regardez M.  […] Puis regardez Saint-Marceaux, retournez de nouveau aux autres, et vous éprouverez une sensation de vide, de mollesse, de…, comme lorsqu’on regarde un panneau décoratif après un beau tableau.

48. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 193-236

Hyeronimo regarda sa mère, et le père pleurait sans nous voir. […] Quand je m’éveillai, j’étais dans un vrai paradis, au milieu d’un appartement tout d’or, de peintures, de glaces et de statues, qui toutes semblaient me regarder, entourée des belles suivantes de la duchesse, qui me faisaient respirer un flacon d’odeur délicieuse, et en présence d’une jeune et admirablement belle femme qui pleurait d’attendrissement près de mon chevet. […] Quand elle m’eut regardée un moment et interrogée sur mon état de grossesse, qui rendait ma présence au couvent suspecte et inconvenante, sa figure se rembrunit : — Non, dit-elle, mon enfant, la duchesse n’y a pas pensé ! […] Cela ranimait le pauvre Hyeronimo ; il le regardait, il me regardait, il revenait à la santé en jouissant de notre vue. […] Elle le regardait sans cesse comme pour voir si c’était un miracle ou un vrai enfant des hommes !

49. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre I. Bernardin de Saint-Pierre »

Il la regarde et l’interprète selon le besoin de son cœur ; il y réalise son rêve d’ordre, d’harmonie, de bonté universelle, que la société avait trompé. […] Jamais la haine de l’inégalité sociale, du luxe, de l’aristocratie, l’amour de l’humanité, des humbles, de la simplicité, l’enthousiasme de la vertu n’ont revêtu des formes plus faussement, plus béatement, plus niaisement attendries : dès qu’on regarde la pensée de ce pauvre homme, hélas ! […] Il explique ridiculement la création : mais il a bien regardé les créatures. Et il nous habitue à les regarder.

50. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mes petites idées sur la couleur » pp. 19-25

Mon ami, transportez-vous dans un atelier, regardez travailler l’artiste. […] Il fait mieux : il la regarde où il l’a préparée, et il la transporte d’idée dans l’endroit où elle doit être appliquée. […] Pendant un temps infini, l’élève copie les tableaux de ce maître, et ne regarde pas la nature ; c’est-à-dire qu’il s’habitue à voir par les yeux d’un autre, et qu’il perd l’usage des siens. […] Couvrez le reste du tableau, et ne regardez que le vêtement ; peut-être ce satin vous paraîtra-t-il sale, mat, peu vrai.

51. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 133-139

Tant qu'on aura parmi nous l'idée de la belle Poésie, & le goût des véritables beautés, Rousseau sera regardé comme le Génie le plus étonnant que notre Nation ait produit. […] Brumoi, Ouvrages dignes d'être regardés comme le Code de la législation poétique. […] Les Italiens, à la vérité, s'étoient exercés avant lui dans la Cantate ; mais en les imitant, il les a si fort surpassés par la justesse du plan, les graces du récit, le coloris des images, la richesse des descriptions, la vivacité d'une poésie toujours harmonieuse, qu'on peut l'en regarder comme le créateur, en oubliant ceux à qui il en doit la premiere idée.

52. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Taraval » pp. 282-283

Un peu plus vers la gauche, et tout à fait sur le devant, une femme agenouillée tendant aussi le bras au même enfant qu’elle se dispose à recevoir d’un vieillard qui le lui présente de côté et sans la regarder. […] Au-dessous de Jupiter sévère, je vois un scélérat qu’on se prépare à lier ; il est désespéré, il regarde la terre, il se frappe le front du poing. à côté de ce brigand, car il en a bien l’air, un jeune homme qui lui a saisi le bras, qui tient une chaîne de sa main gauche, et qui serre si fort cette chaîne qu’on dirait qu’il craint plus qu’elle ne lui échappe que son coupable. […] Il n’a pas assez regardé les grands maîtres de l’école d’Italie ; il a rapporté de Rome le goût, la négligence et la manière de Boucher qu’il y avait portés.

53. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

Un chat tigré regardait devant lui, immobile. […] Regardez passer cette noble Dame ! […] Je la regardai : Oh ! […] Je me promène, je regarde par les deux portières, alternativement. […] Les autres le regardent s’approcher, muets, le regard avide.

54. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 321-384

Nous nous regardâmes tous les quatre sans rien répondre ; que pouvions-nous répondre, monsieur ? […] Le capitaine n’a que d’honnêtes intentions ; n’aimeriez-vous pas bien, ma belle enfant, à changer cette robe de bure brune et ces sandales sur vos jambes nues contre de riches robes de soie, de fins souliers à boucles luisantes comme l’eau de cette cascatelle, et à devenir une des dames les plus regardées du duché de Lucques, où il y en a tant de pareilles à des duchesses ? […] monsieur, il nous restait le châtaignier, notre père nourricier d’âge en âge, et le vaste espace d’herbe fine et de mousse broutées qui s’étend sous son ombre et sur ses racines… C’est-à-dire, continua-t-il en se reprenant, que le châtaignier, principale source du revenu du domaine des Zampognari, avait été partagé en quatre parties par les arpenteurs arbitres : le tronc de l’arbre avec toutes les branches qui regardent le nord, le couchant, le matin, appartenaient au sbire, représentant de nos anciens parents ; ils pouvaient en faire ce qui leur conviendrait, même l’étroncher en partie s’il leur paraissait nuisible ; mais tous les fruits qui tomberaient ou que nous abattrions des vastes branches qui regardent le midi et qui s’étendent comme des bras sur la pelouse, sur la cour et sur le toit de la maison, étaient à nous. […] Après avoir bien regardé, bien soupiré et bien sangloté devant chacun de ces morceaux du domaine, qui étaient aussi des morceaux de notre pauvre vie, nous rentrâmes en silence dans le petit espace presque inculte qui nous était réservé, nous attachâmes les bêtes dans la cour herbeuse, à la porte de l’étable. […] Les deux enfants revinrent bientôt, chargés de plus d’herbes et de feuilles qu’il n’en fallait pour les cinq brebis et les trois chèvres ; mais la liberté manquait aux pauvres bêtes : elles nous regardaient et semblaient nous demander de l’œil pourquoi nous ne les laissions plus brouter et bondir à leur fantaisie dans le ravin et sur le rocher.

55. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française à l’étranger pendant le xviiie  siècle, par M. A. Sayous » pp. 130-145

Les écrivains de Port-Royal font une tribu distincte dans la littérature française et au cœur du grand siècle : Pascal seul a éclaté pour tous ; si l’on veut bien connaître les autres, il faut y regarder de très près et les suivre longtemps dans leur monotonie apparente, dans leur demi-obscurité. […] Regardez-y bien : tous ces Génevois de la vieille souche ont finesse, modération, une certaine tempérance, l’analyse exacte, patiente, plus de savoir que d’effet, plus de fond que d’étalage ; et quand ils se produisent, ils ont du dessin plutôt que de la couleur, le trait du poinçon plus que du pinceau ; ils excellent à observer, à décrire les mécanismes organiques, physiques, psychologiques, dans un parfait détail ; ils regardent chaque pièce à la loupe et longtemps ; ils poussent la patience jusqu’à la monotonie ; ils sont ingénieux, mais sans une grande portée. […] Par là encore elles ne sont pas du premier ordre pour ce qui regarde la beauté, qui est l’endroit par où on les envisage et par où on leur applaudit. […] Savez-vous bien que, malgré tous nos efforts et nos plaidoiries incessantes (depuis que nous sommes revenus à résipiscence) pour le mérite, l’utilité critique et l’excellence relative de Boileau, ce jugement de M. de Muralt pourrait bien être vrai en définitive, surtout pour ceux qui regardent la littérature française à quelque distance, et qui prennent leurs termes de comparaison chez les grands poètes de tous les temps, de tous les pays, et dans la nature humaine ? […] [NdA] On peut lire pourtant encore une Lettre à une dame de Dijon touchant les dogmes de l’Église romaine, où il y a bien des choses justes et fines : comme on oppose toujours aux protestants l’Exposition de la foi catholique, par Bossuet, Abauzit fait très bien remarquer que ce livre si vanté, auquel on renvoie toujours et qui fut publié dans des circonstances et dans des vues qu’on n’ignore pas, « est moins une exposition qu’un adoucissement de la foi catholique », que l’on s’efforce de rapprocher de la protestante : « Ainsi le livre de M. de Meaux ne nous regarde pas, mais il est excellent pour son Église qui devrait en profiter ; et ce n’est pas tant une apologie dans les formes que des excuses qu’il nous fait.

56. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Alphonse Daudet  »

I Apparemment il n’est pas inutile, pour voir dans la réalité ce qui vaut la peine d’y être vu, d’avoir commencé par ne pas la regarder de trop près, par être un poète, un rêveur sans plus, un être à sensations délicates, vibrant pour des riens, et qui se contente de souffrir ou de jouir démesurément des choses sans avoir souci de les photographier. […] Alphonse Daudet conservera même quand il ne fera plus que regarder et qu’il ne rêvera plus guère. […] II Le poète des Amoureuses, jeté en arrivant à Paris dans un milieu de bohèmes pittoresques, bientôt aiguisé par la vie parisienne, s’aperçoit un jour que ce qu’on voit (quand on sait regarder) est presque toujours plus intéressant, plus inattendu, même plus amusant et plus fou que ce qu’on imagine. […] Il est vrai que sa façon de regarder est une création et que son œil sait découvrir au point qu’il paraît inventer. « Plus on a d’esprit, dit La Bruyère, plus on trouve d’originaux. » Ajoutons : Et plus l’on découvre autour de soi de situations originales. […] La bonne-maman d’Athis et le grand-papa Sallé se rencontraient tous les soirs au coucher de leur petit-fils ; le vieux braconnier, son bout de pipe noire rivé au coin de la bouche, l’ancienne lectrice au château, avec ses cheveux poudrés, son grand air, regardaient ensemble le bel enfant qui se roulait devant eux sur le tapis et l’admiraient autant tous deux89.

57. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre onzième. »

Mais si nous ne sommes pas de ceux qui croient faire la part assez belle à l’écrivain en le louant du bien dire, ou qui se gardent d’être de l’avis de quelqu’un comme d’une servitude, revenons à cette pensée, et regardons-y de plus près. […] Chez aucun autre on ne trouve un plus grand nombre de ces vérités dont les motifs échappent à la mollesse de notre attention, en même temps que la clarté de l’expression satisfait cette première vue dont nous avons coutume de regarder les ouvrages de l’esprit. […] Les Maximes, en face de la Fronde, c’est le portrait en face de l’original ; mais si l’on regarde au-delà de ce « mélange d’écharpes bleues, de dames, de cuirasses, de violons98 », que de traits communs à toutes les époques d’agitation politique ! A ne regarder que les circonstances principales, une noblesse abattue par Richelieu, et qui se relève à la faveur d’une régence ; un premier prince du sang qui veut régner comme Richelieu, ne comprenant pas que ce qui est possible à un évêque, séparé du trône par un abîme, ne l’est pas à un prince du sang, qui peut être tenté d’y monter ; des grandes dames excitant la guerre civile pour éloigner leurs maris ; de jeunes seigneurs qui s’y jettent par galanterie, et qui prennent pour drapeau l’écharpe d’une maîtresse ; un Parlement étourdi de sa puissance, et défendant l’ordre par la sédition ; des princes de l’Eglise organisant l’émeute armée, comme la dernière sorte de guerre que leur permettent les mœurs ; à ne regarder, dis-je, la Fronde que par ce côté extérieur et local, cette longue échauffourée n’est qu’un événement particulier. Plongez les yeux plus avant, et regardez, dans cette échauffourée, les luttes des ambitions rivales, leur accord passager au détriment de la puissance publique, les illusions, les haines, les préjugés des partis, les entraînements des corps, les convoitises ; c’est une image en raccourci des révolutions.

58. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Paragraphe sur la composition ou j’espère que j’en parlerai » pp. 54-69

Si c’est Robbé qui lit, il aura l’air d’un énergumène, il ne regardera pas son papier, ses yeux seront égarés dans l’air. […] Regardez ensuite la masse dans le moment du repos, celui où chacun a sacrifié le moins qu’il a pu, de son avantage ; et comme la même diversité subsiste dans les sacrifices, même diversité d’actions et de positions. […] On regarde, on tourne la tête, et l’on ne se rappelle rien de ce qu’on a vu. […] Ceux-ci regardent les premiers comme des têtes étroites, sans idées, sans poésie, sans grandeur, sans élévation, sans génie, qui vont se traînant servilement d’après la nature qu’ils n’osent perdre un moment de vue. […] Quel groupe plus maussade, si on le regarde par la gauche, de l’endroit où la tête du père se voit à peine, et où l’un des enfants est projeté sur l’autre ?

59. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « II  L’esprit scientifique et la méthode de l’histoire littéraire »

II  L’esprit scientifique et la méthode de l’histoire littéraire Conférence faite à l’Université de Bruxelles Mesdames, Messieurs, Lorsque Boileau se constituait le défenseur des anciens contre Perrault et ses amis, le docte Huet déniait à ce poète si médiocrement érudit qu’il eût qualité pour le faire, et lui disait en le voyant s’échauffer : « Monsieur Despréaux, il me semble que cela nous regarde plus que vous. » J’ai peur, Mesdames et Messieurs, qu’en venant discourir ici sur la méthode scientifique  moi dont la culture et l’étude sont entièrement littéraires  j’ai peur que mes deux illustres compatriotes qui sont ici, le mathématicien Poincaré et le biologiste Le Dantec, ne me tirent par la manche et ne me disent : « Mon cher collègue, cela nous regarde plus que vous. » Ce n’est qu’avec beaucoup de discrétion et de réserves que j’ose transporter cette notion de méthode scientifique à l’histoire littéraire, et il faut d’abord que je précise brièvement en quel sens et dans quelle mesure nous osons prétendre que nous faisons du travail scientifique. […] Il s’était formé à la grande école du XVIIIe siècle, de ce siècle si faussement, si absurdement regardé comme la dupe et l’esclave de l’a priori. […] Regardons les méthodes d’accord et de différence, les méthodes des résidus et des variations, mais que ce soit plutôt pour la moralité qu’elles impliquent que pour les cadres ou les façades qu’elles fournissent. […] Ou ne regarder en lui que ce qu’il a légué à Campistron ?

60. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VI. L’Astronomie. »

Les Chaldéens qui, les premiers, ont regardé le ciel avec quelque attention, ont bien vu que cette multitude de points lumineux n’est pas une foule confuse errant à l’aventure, mais plutôt une armée disciplinée. […] Et alors, avertis par cet exemple, nous avons mieux regardé notre petit monde terrestre et, sous le désordre apparent, là aussi nous avons retrouvé l’harmonie que l’étude du Ciel nous avait fait connaître. […] Regardons les étoiles doubles ; toutes décrivent des coniques ; ainsi, si loin que porte le télescope, il n’atteint pas les limites du domaine qui obéit à la loi de Newton. […] Grâce à l’éducation qu’elle a reçue, notre imagination, comme l’œil de l’aigle que le Soleil n’éblouit pas, peut regarder la vérité face à face.

61. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Pajou » pp. 325-330

Pour dieu, mon ami, détournez-vous de ce coin, ne regardez ni ces enfans de M. de Voyer , ni M. de Sanscey , ni cette figure de la magnificence, dont Pajou n’a pas la première idée, ni cette sagesse ; tout cela est d’une insupportable médiocrité. […] Elle regarde en coulisse, elle sourit malignement ; elle se lave les mains dans un bassin placé devant elle sur un trépied. […] le repos d’un berger. il est assis ; il a les mains appuyées sur un bâton qui soutient ses bras ; le reste du corps est assez mollement jetté de la droite à la gauche ; il regarde ; il respire, il vit. […] Si vous la considérez quelque temps, vous croirez qu’elle sourit en elle-même de l’impression que cette gorge a faite sur quelqu’un qui la regarde furtivement et dont elle peut ignorer la présence, et qu’elle dit en elle-même : cela vous plaît ?

62. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « J.-J. Ampère ; A. Regnault ; Édouard Salvador »

La faute n’en est pas à l’esprit du voyageur, qui ne manque ni de regard ni de lorgnette ; mais à sa manière de voyager et de regarder. […] Si malheureusement il a le grand défaut moderne, le défaut de presque tous les voyageurs actuels (j’en excepte Stendhal et Custine), de n’être pas aussi moraliste qu’il est spectateur, au moins sa personnalité n’ajoute pas sa superficie aux autres superficies qu’il regarde. […] il est impossible de moins se surfaire et de mieux apprécier son livre tout en l’expliquant… Seulement, la Critique littéraire, qui voit les facultés où elles sont et qui lit les feuillets des livres qui n’ont jamais été écrits, regrette que des intelligences faites pour mieux se contentent de brûler le pavé et ne rapportent au logis, sur des peuples qu’on a regardés du dehors au dedans, au lieu de les regarder du dedans au dehors, rien de plus que des impressions personnelles, fussent-elles aussi vivantes que peuvent l’être ces impressions !

63. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

Si les écrivains veulent inventer, il faut qu’ils regardent non les livres et les salons, mais les événements et les hommes ; la conversation des gens spéciaux leur est plus utile que l’étude des périodes parfaites ; ils ne penseront par eux-mêmes qu’autant qu’ils auront vécu ou agi. […] Il écrit le journal satirique de l’homme qui va au club, apprend les nouvelles, bâille, regarde le baromètre, et croit son temps bien rempli. […] Bref, je regarde ma famille comme un État patriarcal où je suis, à la fois roi et prêtre… Quand je vois mon petit peuple devant moi, je me réjouis d’avoir fourni des accroissements à mon espèce, à mon pays, à ma religion, en produisant un tel nombre de créatures raisonnables, de citoyens et de chrétiens. […] Comme je le regardais, il porta l’instrument à ses lèvres et se mit à en jouer. […] Je regardai, et mes yeux qu’il avait fortifiés virent que la vallée s’ouvrait à son extrémité et s’étendait en un océan immense où s’allongeait un roc énorme de diamant qui la divisait en deux parts.

64. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

Pareillement, si vous regardez l’Anglais au seizième siècle, vous découvrez en lui les penchants et les puissances qui, pendant trois siècles, vont gouverner sa culture et façonner sa constitution. […] Mais qu’on regarde autour de soi, et l’on verra bientôt les marques du danger quotidien. […] Vous voilà à New-Haven, puis à Londres ; le ciel dégorge la pluie, la terre lui renvoie le brouillard, le brouillard rampe dans la pluie ; tout est noyé ; à regarder autour de soi, on ne voit pas de raison pour que cela doive jamais finir. […] Lorsqu’on regarde les gens de près, il semble que leurs diverses pièces sont indépendantes, du moins qu’elles ont besoin de temps pour se transmettre les chocs. […] Si vous regardez les paysans, vous ne trouvez pas non plus de vrais paysans ; rien de semblable à nos campagnards, sortes de fellahs, parents de la terre, défiants et incultes, séparés des citadins par un abîme.

65. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Deshays  » pp. 134-138

À gauche de celui qui regarde le tableau, le préteur et ses assistants élevés sur une estrade ; au-dessous du même côté, le sacrificateur, son dieu et son autel renversé ; à côté vers le milieu, le jeune acolyte ; vers la droite le St debout, et lié ; derrière le saint les soldats qui l’ont amené. […] Il est impossible de regarder longtemps sans terreur cette scène d’inhumanité et de fureur. […] La scène se passe sous la tribune du préteur et de ses assistants ; à droite de celui qui regarde, le préteur dans sa tribune avec ses assistants ; au-dessous un bourreau et le chevalet ; vers le milieu de l’autre côté du chevalet, le saint debout appuyé d’un genou sur le chevalet, derrière le saint, un bourreau qui le frappe de verges ; aux pieds de celui-ci, un autre bourreau qui lie un faisceau de verges ; derrière ces deux licteurs, un soldat qui repousse la foule.

66. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VII. M. Ferrari » pp. 157-193

Regarde et passe ! […] Mais ce n’est pas nous qui passons, c’est l’historien et c’est l’histoire, et nous n’avons pas le temps de les regarder. […] De grâce, regardez à la philosophie qui le compose de logogriphes et le caparaçonne de reliques : il ne combat qu’avec la chape de saint Martin sur le dos. […] Ferrari n’a modifié ni sa manière de regarder les choses, ni sa manière de les voir, ni sa manière de les exprimer. […] Quand on a regardé deux minutes l’Italie avec des yeux historiques, l’assertion qui fait le mérité absolu de l’ouvrage de M. 

67. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

Regarde un cheval, un chat, un oiseau malade. […] Il regarda les groupes sociaux, les familles, les nations, les races, comme Pasteur regarde des colonies de microbes. […] Alors, un peu en arrière d’elle, il la regarda encore. […] Avec quelle tendresse je regardais ses yeux si beaux, si câlins ! […] Ici on se regarde mourir.

68. (1894) Propos de littérature « Chapitre Ier » pp. 11-22

Je ne puis analyser ici en détails la philosophie qu’on lit à demi exprimée dans les vers de ces deux poètes ; d’abord, parce que précisément elle n’y est qu’à demi exprimée, et en second lieu parce que cette philosophie a trouvé sa forme définitive dans les vers et qu’il faudrait taillader et déchirer de belles strophes pour regarder à la loupe ce qu’il y a dedans. […] Va, fuis l’action, ne recherche que tes songes et regarde en face ton destin contre qui tu ne peux lutter. […] Regarde, toi-même ! […] Quelques pages de vers écrites à l’instant du doute, nous révèlent le drame de son cœur et de son cerveau, et ce drame a été joué en chacun de nous par des acteurs muets qui sont la Crainte et l’Espoir, le généreux désir qui veut, la lâcheté qui hésite devant la vie, et notre faiblesse qui écoute et regarde.

69. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Francis Wey » pp. 229-241

Il n’est pas qu’antiquaire pourtant, l’auteur de Dick Moon ; il ne regarde pas que de vieux textes dans des greffes et de vieilles inscriptions dans des cryptes. Il regarde tout, ce rôdeur, d’un œil grand ouvert, perçant, lumineux ! Il regarde le dedans et le dehors, le dessous comme le dessus des choses, l’envers et l’endroit, la ville en ruines, la ville bâtie, la ville partie, la ville qui reste, la grande tournure des monuments, le profil des maisons, la rue, le visage des passants, le paysage, et jusqu’à l’air ambiant et la lumière dans lesquels tout vit, se tient ou se meut ! […] Les autres erreurs de Dick Moon, qui ont un caractère moins immoral, ne regardent pas mon ignorance.

70. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Crétineau-Joly » pp. 367-380

Assurément, ce serait une analyse curieuse à faire, et très digne, du reste, de la Critique, qui doit regarder autant à l’effet des livres qu’à leur substance, que de rechercher les causes de l’insouciance affectée pour le livre de Crétineau-Joly… Qui sait ? […] III Car c’est à dater du Régent que le mal fait par les d’Orléans s’élargit et grandit comme un gouffre… Malgré son impuissance politique et ses vices, le Régent, à qui Crétineau-Joly, que j’appelais une coquette de vérité il n’y a qu’un moment, accorde trop généreusement « des éclairs de génie et des conceptions diplomatiques d’une haute portée », le Régent est encore, si on y regarde de près, le meilleur de ces trois hommes que j’ai nommés plus haut et dont le pire est encore le second, mais dont le troisième acheva à son profit le mal commis par les deux autres. […] Ainsi, un Macbeth manqué et dépareillé, un Macbeth bourgeois, qui n’a jamais senti, comme l’autre, entre ses deux épaules, l’inflexible bras tendu de la vigoureuse femme qui le pousse à l’action, voilà le Louis-Philippe que Crétineau-Joly a entrevu, mais qui, s’il l’avait regardé plus longtemps, lui aurait expliqué ce piètre règne qu’on a appelé le règne du juste milieu pour en dissimuler, sous ce nom-là, les pusillanimités et les tristesses ! […] Louis-Philippe, à mon sens, ne mérite pas d’être regardé comme un impénétrable Sphynx, dont les uns affirment l’honnêteté et les autres le machiavélisme, et qui doit embarrasser encore longtemps le jugement de l’Histoire.

71. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre V. Des Grecs, et de leurs éloges funèbres en l’honneur des guerriers morts dans les combats. »

Ce général exhortant les troupes, et distingué des neuf autres, c’est Miltiade : il a sauvé la Grèce ; mais aussi il a obtenu ce prix de sa victoire. » — Peut-être dans le temps même qu’ils parlent, ils voient un Grec qui regardait ce même tableau en rêvant profondément. […] Regarde ces colonnes. […] Supposons que, dans ce moment même, Thémistocle, vainqueur de Salamine, parût au milieu des jeux : on sait que lorsqu’il s’y montra après sa victoire, tout retentit d’acclamations et de battements de mains ; les jeux furent interrompus, et l’on oublia pendant une journée entière les combattants, pour voir et regarder un grand homme. […] Cette enceinte était regardée comme un temple consacré à la valeur.

72. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

“C’est bien bon pour ces imbéciles qui vont nous regarder dans la rue, dit Danton. […] Il regardait à droite et à gauche le peuple d’un regard de pitié. Il semblait lui dire par son attitude : “Regarde-moi bien, tu n’en verras pas qui me ressemblent.” […] Cette étude même paraissait une faveur, car on a l’air d’aimer ce qu’on regarde trop avec une curiosité complaisante. […] L’Europe intimidée essaye de frapper, et, frappée elle-même, recule pour regarder de loin ce terrible spectacle.

73. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre III. La notion d’espace. »

Dans ce continuum, primitivement amorphe, on peut imaginer un réseau de lignes et de surfaces, on peut convenir ensuite de regarder les mailles de ce réseau comme égales entre elles, et c’est seulement après cette convention que ce continuum, devenu mesurable, devient l’espace euclidien ou l’espace non-euclidien. […] Nous n’avons pas besoin d’observation pour savoir que l’aiguille d’une horloge n’est pas sur la division 15 du cadran, puisque nous savons d’avance qu’il n’y en a que 12, et nous ne pourrions pas regarder à la division 15 pour voir si l’aiguille s’y trouve, puisque cette division n’existe pas. […] Dans les deux cas la sensation du rouge a remplacé celle du bleu ; nos sens ont éprouvé les mêmes impressions qui se sont succédé dans le même ordre, et pourtant ces deux changements sont regardés par nous comme très différents ; le premier est un déplacement, le second un changement d’état. […] Comment suis-je amené à regarder ces deux séries S et S″ comme correspondant à un même déplacement AB ? […] Si toutes les sensations rouges affectant un même point de la rétine étaient regardées comme identiques, la coupure C se réduisant à un élément unique aurait 0 dimension, et l’espace visuel en aurait 2.

74. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vien » pp. 74-89

La troisième médite, la quatrième regarde avec joye. […] Plus on le regarde, plus on se plaît à le regarder. […] Si j’étois professeur, je leur dirais, allez à saint-Roch, regardez la prédication de Denis . […] Mais moi, je l’ai vu ; et lorsque je regarde cette gloire dont la lumière éclaire le st, ne puis-je pas vous demander, que fait cette figure ? […] Ne regarde-t-elle pas l’esprit-saint, aussi froidement qu’une aragnée suspendue à l’angle de son oratoire ?

75. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 35, de la mécanique de la poësie qui ne regarde les mots que comme de simples sons. Avantages des poetes qui ont composé en latin sur ceux qui composent en françois » pp. 296-339

Section 35, de la mécanique de la poësie qui ne regarde les mots que comme de simples sons. […] Ainsi comme la poesie du stile regarde les mots du côté de leur signification qui les rend plus ou moins propres à reveiller en nous certaines idées, la mécanique de la poesie les regarde uniquement comme des sons plus ou moins harmonieux, et qui étant combinez diversement composent des phrases dures ou melodieuses dans la prononciation. […] Les mots peuvent être regardez, ou comme les signes de nos idées, ou comme de simples sons. […] Les mots françois sont donc, generalement parlant, moins beaux que les mots latins, soit qu’on les examine comme signe des idées, soit qu’on les regarde comme de simples sons. […] Peut-on d’ailleurs ne point regarder le travail bizarre de rimer comme la plus basse des fonctions de la mécanique de la poësie ?

76. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

Le Télémaque de Fénélon lui paraissait un tissu de rêveries harmonieuses ; il regardait ce prélat comme un bel-esprit romanesque et chimérique. […] Voltaire et d’Alembert faisaient peu de cas de Cinna, qu’ils regardaient comme un tissu de déclamations sans intérêt. […] Il y a des poètes qu’on regarde comme fort tragiques, qui gagneraient sans doute beaucoup en devenant des Tite-Lives et des Tacites. […] Les Français, plus que tout autre peuple, sont attachés à leur ton et à leurs manières ; ils regardent comme ridicule tout ce qui choque leurs idées et leurs usages. […] La passion court au plus pressé ; elle se saisit du présent sans regarder l’avenir.

77. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre premier. Nature et réducteurs de l’image » pp. 75-128

Il est bien plus facile de me tromper lorsque je regarde l’échiquier qu’autrement. […] Je regardais de temps en temps la figure imaginaire et je me mettais à peindre ; je suspendais mon travail pour examiner la pose, absolument comme si l’original eût été devant moi. […] « Un de mes amis, dit Darwin24 avait un jour regardé fort attentivement, la tête inclinée, une petite gravure de la Vierge et de l’enfant Jésus. […] De quelque côté qu’il regarde, les objets se transforment en spectres qui représentent tantôt des araignées monstrueuses qui se dirigent vers lui pour boire son sang, tantôt des militaires avec des hallebardes. […] Je regardais tour à tour avec l’œil nu et avec la lunette d’approche ; je le reconnaissais très bien avec la lunette, mais je ne pouvais le distinguer avec l’œil nu.

78. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

On regarda de plus près cependant, et l’on vit qu’il y avait un foyer de passion sous cette surface unie. […] Son discours ne bondit jamais ; il va pas à pas d’un objet à l’autre, et tout objet lui semble beau ; il s’arrête, il regarde et se complaît à regarder. […] Nous revenons à la maison, et avant d’entrer je regarde la perspective ; décidément ils ont le sentiment de la campagne ; comme on sera bien, à cette grande fenêtre du parloir, pour contempler le soleil couchant et le large treillis d’or qu’il étale à travers la futaie ! […] Voilà ce monde élégant et sensé, raffiné en fait de bien-être, réglé en fait de conduite, que ses goûts de dilettante et ses principes de moraliste renferment dans une sorte d’enceinte fleurie et empêchent de regarder ailleurs. […] La pratique ne les gêne ni ne les guide ; un gouvernement et une Église officielle sont là pour les décharger du soin de mener la nation ; on subit les deux puissances comme on subit le bedeau et le sergent de ville, avec patience et railleries ; on ne les regarde qu’à la façon d’un spectacle.

79. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

J’y voyais aussi nos voisins se promener dans leurs jardins, arroser leurs fleurs, regarder jouer leurs enfants, et se livrer avec des amis à toutes sortes d’amusements. […] Le suprême et impassible bon sens siégeait ainsi dans sa tête au-dessus de la féconde imagination, comme dans l’œuvre de la Providence l’homme travaillait et le dieu regardait. […] » (Il regarde le firmament.) […] Regarde un peu comme dans les jardins et les prés cette foule s’extravase, comme la rivière balance mainte barque joyeuse ! […] « Regarde plutôt décliner le soleil couchant, le jour expiré !

80. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

Il regarda le ciel, et une larme germa lentement dans ce regard. […] Regarde, âme. […] regarder les astres et dire : je suis une âme comme vous ! […] Les apostrophes au lac : — « Regarde », « t’en souvient-il ?  […] Il la regardé… Elle s’éloigne, elle blêmit, elle décroît.

81. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

Denonvilliers : ce sont les deux cours qu’il préfère ; Sa cravate blanche irréprochable, et son habit bleu, à boutons d’or, fermé jusqu’au col, font contraste avec les paletots qui l’entourent, et l’on regarde volontiers cette tête enjouée, un peu antique, au milieu de ces jeunes visages salis et flétris par l’École pratique et par l’estaminet. […] Regardez les dents, la langue, les glandes salivaires, toutes les parties de la bouche et leur emploi. […] « Le ciel de l’Italie inspire et produit les artistes. » Cela est douteux ; il n’est pas sûr qu’un Groënlandais transporté à Rome à l’âge de six mois, et occupé douze heures par jour à regarder le ciel, devînt un grand peintre. […] Regardez ; le fait resserré va se déployer comme un éventail. […] Avec un scalpel, on fait un trou dans l’estomac, ou bien l’on regarde par une fistule pratiquée.

82. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

Il s’assit devant le feu et regarda. […] Regarde là, dans la corbeille. […] Là… là, regarde dans les coins, fainéant ! […] Zakhare, de son côté, regarda par la croisée d’un air indifférent et soupira aussi. […] Philippe a regardé l’avenir.

83. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXIV » pp. 394-401

On regarde, on observe, on s’imagine, on croit voir des rayons de lumière sur des visages que l’on trouvait indignes, il y a un mois, d’être comparés aux autres. » Ces on là, c’est la cour. L’on qui suit regarde le roi : « On (le roi) joue fort gaîment, quoique la belle garde sa chambre. » Le 30 septembre, madame de Sévigné écrit à sa fille : « Tout le monde croit que l’ami (le roi) n’a plus d’amour, et que Quanto (madame de Montespan) est embarrassée entre les conséquences qui suivraient le retour des faveurs, et le danger de n’en plus faire, crainte qu’on n’en cherche ailleurs. […] Madame de Sévigné la regardait comme tout à fait sortie du cœur du roi.

84. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 169-178

Il est vrai que les pensées du Chancelier d’Angleterre deviennent méconnoissables par la maniere étrange dont elles sont travesties : c’est un corps robuste duquel on n’a fait qu’un squelette, sans y laisser la moindre apparence de nerfs & de muscles ; tout y est en germe, tout y est si recondit & si obscur, qu’on peut regarder cette Interprétation comme beaucoup plus inintelligible que le texte. […] Le Fils naturel fut présenté il y a peu de temps sur le Théatre, au Public, qui le regarda comme un bâtard ignoble, &, par le mauvais accueil qu’il lui fit, força son Pere de le retirer. […] Diderot ait pu parvenir à se faire regarder comme un homme rare ?

85. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 3, que le merite principal des poëmes et des tableaux consiste à imiter les objets qui auroient excité en nous des passions réelles. Les passions que ces imitations font naître en nous ne sont que superficielles » pp. 25-33

Voilà pourquoi nous regardons avec contentement les peintures dont le merite consiste à mettre sous nos yeux des avantures si funestes, qu’elles nous auroient fait horreur si nous les avions vûës veritablement, car comme le dit Aristote dans sa poëtique : des monstres et des hommes morts ou mourants que nous n’oserions regarder ou que nous ne verrions qu’avec horreur, nous les voïons avec plaisir imitez dans les ouvrages des peintres.mieux ils sont imitez, plus nous les regardons avidement.

86. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 31, que le jugement du public ne se retracte point, et qu’il se perfectionne toujours » pp. 422-431

La Pucelle devient de jour en jour plus méprisée, et chaque jour ajoute à la véneration avec laquelle nous regardons Polyeucte, Phedre, le Misantrope et l’art poëtique. […] Ainsi les poesies de Ronsard furent regardées comme une faveur céleste par ses contemporains. […] Mais, me dira-t-on, êtes-vous bien assuré que la postérité ne démentira point les éloges que les contemporains ont donnez à ces poetes françois, que vous regardez déja comme placez dans les temps à venir à côté d’Horace et de Terence ?

87. (1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — Collin de Vermont et Jeaurat » p. 94

S’il y a peu de gens qui sachent regarder un tableau, y a-t-il bien des peintres qui sachent regarder la nature ?

88. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Appendice aux articles sur Roederer. (Voir page 393.) » pp. 533-543

Il regardait travailler au tombeau du Cid, dont le général Thiébault a fait recueillir les fragments dans une église brûlée, et qu’il fait remonter dans une petite promenade qu’il a plantée sur le bord de l’Arlançon, au milieu de la ville, au-dessous de la terrasse qui a servi jusqu’à présent de promenade. […] Tout à coup il prend un air grave et regarde son camarade ; il lui dit : « Monsieur, vous venez de passer une nuit dans la débauche ; cela est affreux ! […] Ils voulaient se souvenir que je les avais brûlés il y a six mois ; ils se rassemblaient autour de la maison et se regardaient quand je suis parti. […]  » Le moment d’après, son mari est venu, m’a regardé de tous les côtés, et m’a reconnu. […] En Italie, il n’avait que peu d’hommes presque sans armes, sans pain, sans souliers, sans argent, sans administration ; point de secours de personne ; l’anarchie dans le gouvernement ; une petite mine ; une réputation de mathématicien et de rêveur ; point encore d’actions pour lui ; pas un ami ; regardé comme un ours, parce qu’il était toujours seul à penser.

89. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre IV. Critique »

À Pégase donné, je ne regarde point la bride. […] Regardez passer Mamilius, Posthumus, Hermione, Perdita. […] Il lève les yeux et regarde Dieu ; puis il baisse les yeux et regarde le peuple. […] Et le poëte écoute, et il entend ; et il regarde, et il voit ; et il se penche de plus en plus, et il pleure ; et tout à coup, grandissant d’un grandissement étrange, puisant dans toutes ces ténèbres sa propre transfiguration, il se redresse terrible et tendre au-dessus de tous les misérables, de ceux d’en haut comme de ceux d’en bas, avec des yeux éclatants.

90. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XX. De Libanius, et de tous les autres orateurs qui ont fait l’éloge de Julien. Jugement sur ce prince. »

À la tête des orateurs qui l’ont loué, est ce Libanius, né à Antioche, et regardé comme l’homme le plus éloquent de l’Asie. […] Comme il mettait dans son discours cet accent fier et vigoureux de la liberté et du courage, un homme pour qui apparemment cet accent-là était nouveau, lui dit : « Orateur, tu es bien près du fleuve Oronte, pour parler si hardiment. » Libanius le regarda, et lui dit : « Courtisan, la menace que tu me fais ne peut que déshonorer le maître que tu veux me faire craindre » ; et il continua. […] Je sais que ces sortes d’actions sont extraordinaires et doivent le paraître ; mais la nature passionnée a son prix, comme la nature réfléchie ; et les hommes peut-être les plus estimables ne sont pas ceux qui règlent froidement et sensément tous les mouvements de leur âme, qui avant de sentir ont le loisir de regarder autour d’eux, et se souviennent toujours à temps qu’ils ont besoin d’être modestes. […] Si on regarde les talents, il eut plus de génie ; si on regarde le caractère, il eut plus de fermeté peut-être, et fut plus loin de cette bonté dont on abuse, et qui, voisine de l’excès, peut devenir une vertu plus dangereuse qu’un vice.

91. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (4e partie) » pp. 81-143

C’est à peine si l’on ose dire maintenant que deux êtres se sont aimés parce qu’ils se sont regardés. […] « Vous regardez une étoile pour deux motifs : parce qu’elle est lumineuse et parce qu’elle est impénétrable. […] Voilà du temps déjà, vous rappelez-vous le jour où vous m’avez regardé ? […] Je viens regarder vos fenêtres de près. […] « Tous deux tressaillirent, et ils se regardèrent dans l’ombre avec des yeux éclatants.

92. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre premier »

Non-seulement il a réduit toutes nos pensées à la pratique en faisant prévaloir l’esprit de discipline, qui regarde la conduite, sur l’esprit de liberté, qui regarde plus particulièrement les pensées ; mais il a comme reculé les bornes et creusé les profondeurs de notre conscience. […] Je regarde d’abord sa nature, et je n’y trouve ni accent ni inversion. […] Il faut bien en conclure que notre langue a des destinées hors du pays qui la parle, et qu’à la regarder dans les ouvrages de l’esprit, l’usage n’en a pas été borné à la France ni à ses écrivains. […] La langue anglaise, si nous comptons les bouches qui la parlent, semble disputer l’universalité à la langue française : mais, regardez-en l’usage, elle n’est que la langue commerciale du monde ; la nôtre en est la langue intellectuelle. […] Elle s’est regardée successivement dans les images vraies ou prétendues de son propre esprit.

93. (1879) L’esthétique naturaliste. Article de la Revue des deux mondes pp. 415-432

Du haut de ses soixante-deux éditions, — c’est le dernier chiffre officiel en attendant la suite, — il regarde en pitié et son siècle et les siècles qui l’ont précédé. […] Il regarde sous un angle particulier et dans une certaine perspective et les caractères et la vie humaine ; il considère de parti pris une série de faits en éliminant tous les autres : il fait son choix systématique et exclusif dans l’immense variété du « document humain ». […] Mais que me font ces os, ces tendons, ces muscles et ces globules quand je regarde L’École d’Athènes, Les Noces de Cana, ou l’Entrée des croisés à Constantinople. […] Ce sont les êtres auxquels leur éducation et leurs loisirs permettent le mieux de se regarder vivre et de s’analyser eux-mêmes qui seront toujours, en thèse générale, les mieux faits pour offrir des sujets d’étude aux romanciers comme aux auteurs dramatiques. […] Quand je regarde les paysans de Millet, de M. 

94. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Félix Rocquain » pp. 229-242

c’est une grande erreur, ou plutôt c’est un manque de vue, puisqu’on prétend y avoir regardé, que de dater l’apparition de l’esprit révolutionnaire dans notre histoire de la fin du règne de Louis XIV, et de lui donner pour première origine et pour cause la réaction inévitablement nécessaire de la Régence contre l’accablant despotisme d’un Roi qui avait fatigué et dégoûté la France par soixante ans de pouvoir absolu. […] Je ne le regarde pas comme de si moderne roture. […] À une certaine distance dans notre histoire, deux dates terribles, comme deux Sphinx, se regardent dans le blanc des yeux. […] Seulement, si on y regarde avec attention, ces sources donnent peut-être des opinions inexprimées de M. 

95. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « X. Doudan »

Mais Joubert était bien, je crois, inspecteur de l’Université, et tous deux ils traînèrent péniblement ces haquets affreux, eux, ces hommes faits pour ne rien faire du tout, si ce n’est de regarder dans leur âme ou dans les ciels de Naples ; eux, ces indolents lazzaroni de la rêverie ou de la pensée, qui ressemblent au beau moissonneur appuyé sur le timon du char rustique, dans le tableau de Léopold Robert, quand tous les autres dansent et s’agitent à l’entour. […] Ce Fantasio, ce gracioso, ce rêveur qui a des vivacités, ce misanthrope riant, ce Chamfort qui sourit, ce désabusé qui plaisante, n’était pas fait pour les coteries doctrinaires, la morale protestante et les cultes académiques d’un salon où plane beaucoup plus l’ombre épaisse et gourmée de l’aïeul Necker que l’ombre lumineuse de la grand-mère Madame de Staël… Pour ce salon, des Rémusat et des Villemain sont de bien plus grands hommes que de Maistre et de Bonald… L’Académie y est regardée comme le but suprême où doit, en France, viser le grand esprit humain ; et on s’y étonnait que Doudan, aimé de ces doctrinaires encravatés et pédants, mais qui l’aimaient pour ce qui se fait aimer même des ennemis, — la grâce, — ne voulût pas faire quelque petite chose pour y entrer. […] Mais le respect pour l’Académie de la maison où il vivait tombait sur lui, malgré tout… « Je regarde — dit-il quelque part — le discours qu’on prononce à l’Académie comme l’action la plus importante de la vie. » De qui se moquait-il quand il disait cela ? […] Mais s’il se moquait, l’ont-ils vu, les académiciens qui voulaient le faire académicien comme eux, qui voulaient lui couper la queue et auxquels il ne disait pas, renard plus fin que l’autre : « Tournez-vous et l’on vous répondra. » Il se contentait de les regarder.

96. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Mm. Jules et Edmond de Goncourt. » pp. 189-201

Or, comme il n’y avait là à attendre ni manière nouvelle de regarder et de juger cette société méprisable en tout, depuis ses mœurs jusqu’à ses arts, ni manière nouvelle non plus dans le procédé pour la peindre, car on ne renouvelle son talent qu’en agissant fortement sur le fond même de sa pensée, nous n’eussions plus parlé de MM. de Goncourt. […] Je pourrais citer bien des phrases que je regarde comme des éclopements, comme des désarticulations de la langue française, si MM. de Goncourt, qui ont pris leur mesure contre la Critique, ne disaient pas, dans leurs Hommes de lettres, que son plus affreux procédé est de citer en italiques les phrases d’un auteur. […] Ils sont des flâneurs qui regardent et s’enchantent par les yeux. […] Voir n’est pas regarder.

97. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 142-143

Son Essai sur le Beau est connu chez toutes les nations ; aussi peut-on le regarder comme une de ces Productions originales, qui ne sauroient être que le fruit du génie. […] Le chapitre qui regarde le Beau dans les Ouvrages d’esprit, est plein de réflexions profondes, instructives, lumineuses ; il semble y être l’interprete des Muses & de la Nature.

98. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIe entretien. Balzac et ses œuvres (2e partie) » pp. 353-431

ce méchant mirliflor m’aurait dévalisé…” Il regarda sa fille qui restait muette et froide. […] Eugénie regarda son père, en lui jetant un regard ironique qui l’offensa. […] « — Pourquoi la regardais-tu, si c’est un dépôt ? […] « Le tonnelier regarda l’or et sa fille alternativement pendant un instant. […] ” « Mme Grandet et sa fille se regardèrent étonnées.

99. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — O. — article » p. 435

Le Jésuite le regarda alors en gardant un profond silence. […] Je regarde, lui repartit le P.

100. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

On regarde pousser les jolies filles à vue d’œil, comme des asperges. […] Elle regarde, elle attend. […] L’œil fauve du hibou regarde affreusement. […] Le vieillard regardait le soleil qui se couche ; Le soleil regardait le vieillard qui se meurt. […] Regardez là, dans le coin, à gauche.

101. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

C’est qu’un Anglais ne regarde pas le garçon comme un homme, et que tout domestique qui se sent considéré comme un être humain, méprise celui qui le regarde ainsi. […] Ils regardent vivre. […] Il n’en avait jamais vu un seul, — il ne regardait que les marques. […] La femme a comme une pudeur de se voir toute et de regarder au fond d’elle. […] Je la regardais tranquillement et doucement, sans désirs.

102. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Montaigne en voyage »

Montaigne, en voyage, était tout appliqué avoir, à regarder ; à peine s’il se permet une réflexion ; il les réserve pour plus tard. […] Il y a bien des manières d’être voyageur, et je ne voudrais en exclure aucune ; mais je ne puis m’empêcher d’opposer cette façon d’aller de Montaigne à celle d’un grand écrivain moderne, voyageur par ennui plus encore que par curiosité, et qui, dès qu’il avait saisi les grands horizons, les vastes contours, les ciels et les sommets dominants d’un pays, ne daignait y rien, regarder de plus. […] Montaigne voyage pour apprendre du nouveau et pour regarder sans cesse ; et il regarde en effet, il retient tout, depuis les beaux et riants aspects et les jolis fonds de paysage jusqu’à la manière de tourner la broche. […] Quand ils furent avancés jusqu’à être devant Sa Sainteté, l’ambassadeur, mettant lui-même un genou en terre, « retroussa la robe du Pape sur son pied droit, où il y a une pantoufle rouge avec une croix blanche au-dessus. » Montaigne ne perd pas une occasion de regarder et de bien voir. […] Le maire de Bordeaux ne nous regarde plus ; il appartient à M. 

103. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

Tout enfant, dans un séjour à Gaillac chez des cousines, c’est elle qui le raconte, elle se levait souvent, quand on l’avait couchée, pour regarder les étoiles à une petite fenêtre qui était au pied de son lit. […] Il me regardait écrire et a pris le pulvérier (le sablier) pour du poivre dont j’apprêtais le papier. […] Je le regardais faire avec un plaisir infini, toute ravie à mon tour de ces charmes de l’enfance. […] Il m’a regardé un peu surpris : « Non, m’a-t-il dit, les miennes sont plus jolies. » Il avait raison : des cheveux de trente ans sont bien laids auprès de ces boucles blondes. […] Quand elle l’attend, quand elle l’espère au Cayla après cinq années d’absence, elle lui prépare des fleurs dans un gobelet : « J’en ai longtemps regardé deux, dit-elle, dont l’une penchait sur l’autre qui lui ouvrait son calice.

104. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Idées et sensations : par MM. Edmond et Jules de Goncourt. »

La Vierge à la chaise sera toujours l’académie de la divinité de la femme. » Je me sens peu juge en matière d’art, n’ayant pas eu dans ma vie assez d’occasions de regarder et de comparer ; mais, à première vue, je n’aurais pas cru que Raphaël fût si gros ni si opposé au Vinci, dont je l’aurais plutôt considéré comme la fleur dernière et l’épanouissement. […] La peinture est tellement l’art par excellence pour MM. de Goncourt, que dans la musique elle-même, ils le confessent, — dans un concert, — ce qu’ils en aiment surtout, ce n’est pas ce qui s’y entend, c’est ce qu’ils y voient ; c’est de regarder à la ronde les femmes qui écoutent, chacune à sa manière, d’un air différent : et ils nous font de toutes ces attitudes de femmes rayonnantes, languissantes, les lèvres entr’ouvertes, le col penché, le plus délicieux crayon. […] Dans l’eau, ridée par une botte de paille qu’un homme trempe au lavoir pour lier l’avoine, les joncs, les arbres, le ciel, se reflètent avec des solidités denses, et sous la dernière arche du vieux pont, près de moi, de l’arc de son ombre se détache la moitié d’une vache rousse, lente à boire, et qui, quand elle a bu, relevant son mufle blanc bavant de fils d’eau, regarde. » Une telle page, assurément, est ce qu’on attend le moins d’un littérateur : elle semble détachée de l’album d’un peintre, d’un Troyon consciencieux, sincère, qui ne marcherait point sans son carnet. […] La page de MM. de Goncourt vient précisément de me faire relire le tableau de Lucrèce, nous montrant la génisse à qui l’on a enlevé son jeune veau pour l’immoler aux autels : elle cherche partout et regarde également le ciel, l’horizon, l’immensité, d’un œil vague, mais dans un sentiment désolé indéfinissable, Omnia convisens oculis loca… Oh ! […] Qu’on veuille regarder la date où j’écrivais cela dans le Constitutionnel, et l’on verra que sur cette question, tant agitée, de la statue de Voltaire, j’avais pris les devants, du moins en théorie 116.

105. (1887) Discours et conférences « Discours à l’Association des étudiants »

Regardez comme une lâcheté de trahir la femme qui vous a ouvert pour un moment le paradis de l’idéal ; tenez pour le plus grand des crimes de vous exposer aux malédictions futures d’un être qui vous devrait la vie et qui, par votre faute peut-être, serait voué au mal. Vous êtes des hommes d’honneur ; regardez cet acte, qu’on traite avec tant de légèreté, comme un acte abominable. […] Il me faut une dizaine d’années pour que je m’habitue à regarder un gouvernement comme légitime.

106. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 272-292

La Poésie n’a jamais été & ne sauroit être regardée que comme une imitation de la Nature, la peinture des objets & des passions : le but du Poëte doit donc être de peindre. […] Il est bien plus naturel & plus juste de regarder la mesure & la rime comme des ornemens de convention, agréables, il est vrai, mais point essentiels. […] Quand on est capable d’avancer1 que Boileau ne doit être regardé que comme un simple Versificateur ; que tous les Littérateurs du siecle dernier, à l’exception de Perrault, de Boindin, de Terrasson & de la Mothe, n’étoient pas en état de fournir à l’Encyclopédie une seule page qu’on daignât lire2 aujourd’hui ; que Racine n’a jamais su peindre que des Juifs3 ; que Corneille n’a fait que des Scenes, & pas une bonne Piece4 ; que la Fontaine n’a fait tout au plus que trente bonnes Fables1 ; que J. […] Ce genre de triomphe, si glorieux pour sa mémoire, prouve que, si l’esprit peut s’égarer parce qu’il est faillible, la droiture des sentimens, l’élévation de l’ame, la générosité du cœur, sont des ressources puissantes pour contenir l’amour-propre, & faire naître la véritable gloire du sein même de ce que les hommes vulgaires seroient tentés de regarder comme une humiliation.

107. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Oscar de Vallée » pp. 275-289

Oscar de Vallée, et c’est à travers la victime qu’il a regardé les bourreaux. […] Aussi l’a-t-il donné pour le premier journaliste de son temps, où cependant il y avait Camille Desmoulins, latin dans sa prose comme André Chénier était grec dans ses vers, et Rivarol l’éblouissant, qui fut plus qu’un journaliste, puisqu’il a laissé un magnifique livre d’histoire. — Et peut-être le regarde-t-il comme le premier aussi des temps qui ont suivi le temps de Chénier, et qui ont produit, par exemple, des journalistes de la volée de Chateaubriand, de Bonald, de Lamennais, et de celui-là qui s’est tu trop tôt sous la maladie et dont le silence que nous entendons après sa voix fit un silence si grand3… IV Je dis peut-être… car M. de Vallée ne l’a pas écrit expressément dans son livre, et il a même laissé entrevoir la raison qui l’a empêché de l’écrire. […] Si André Chénier, ce jeune poète mort sur l’échafaud, au lieu de regarder du côté des hommes avant de mourir, en leur montrant du doigt la tête dans laquelle il y avait quelque chose qu’ils allaient couper, avait regardé du côté du ciel, il y aurait autour de cette tête de martyr une autre auréole.

108. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIV : Récapitulation et conclusion »

Ils rejettent du rang spécifique une multitude de formes que, jusqu’à ces derniers temps, ils avaient eux-mêmes regardées comme des créations spéciales, que la majorité des naturalistes continuent de considérer comme telles, et qui, conséquemment, ont tous les caractères extérieurs de véritables espèces. […] En somme, nous aurons à traiter les espèces, comme sont traités les genres par ceux d’entre les naturalistes qui les regardent comme des combinaisons purement artificielles inventées pour leur grande commodité. […] Quand nous ne regarderons plus un être organisé comme un sauvage regarde un navire, c’est-à-dire comme quelque chose qui surpasse notre intelligence ; quand nous considérerons chaque production de la nature comme ayant eu son histoire ; quand nous regarderons chaque organe et chaque instinct comme la résultante d’un grand nombre de combinaisons partielles dont chacune a été utile à l’individu chez lequel elle s’est produite, à peu près comme nous voyons dans toute grande invention mécanique la résultante du travail, de l’expérience, de la raison et même des erreurs de nombreux ouvriers ; je puis dire, d’après mes propres expériences, que d’un pareil point de vue l’étude de chaque être organisé et de la nature tout entière nous semblera bien autrement intéressante. […] L’écorce terrestre, avec ses débris ensevelis, ne peut être regardée comme un riche musée, mais comme une misérable collection rassemblée au hasard et avec intermittence. […] Quand je regarde tous les êtres, non plus comme des créations spéciales, mais comme la descendance en ligne directe d’êtres qui vécurent longtemps avant que les premières couches du système silurien fussent déposées, ils me semblent tout à coup anoblis.

109. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Fanny. Étude, par M. Ernest Feydeau » pp. 163-178

. — « Mon père, dit Adolphe parlant de certaines liaisons, les regardait comme des amusements, sinon permis, du moins excusables, et considérait le mariage seul sous un rapport sérieux. » — La note perpétuelle d’Adolphe est une note sourde, intérieure : « Je m’agitais intérieurement. — Je me débattais intérieurement. […] La société m’importune, la solitude m’accable… Je me précipite sur cette terre qui devrait s’entrouvrir pour m’engloutir à jamais… Je me traîne vers cette colline d’où l’on aperçoit votre maison, je reste là les yeux fixés sur cette retraite que je n’habiterai jamais avec vous. » Et cette maison, cette retraite tant convoitée, tant regardée, et qui lui paraît offrir de si enviables perspectives de bonheur, il n’en retrace pour lui ni pour nous aucun trait distinct et reconnaissable, il ne nous la montre pas. […] Ellénore me regarda. […] de fumets pénétrants auxquels se mêlaient l’odeur des vins et le goût des fleurs, je ne regardais pas Fanny, je ne l’écoutais même pas parler. […] Et je ne le regardais non plus, lui, que j’étais venu chercher de si loin, avec le désir et la terreur de le connaître.

110. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 13, qu’il est des sujets propres specialement pour la poësie, et d’autres specialement propres pour la peinture. Moïens de les reconnoître » pp. 81-107

Il est quelquefois pour eux une belle personne qui plaît, mais qui parle une langue qu’ils n’entendent point : on s’ennuïe bientôt de la regarder, parce que la durée des plaisirs, où l’esprit ne prend point de part, est bien courte. […] L’affliction de ceux qui regardent le sacrifice d’Iphigenie vient du même sentiment de compassion, et cependant cette affliction doit se manifester differemment en chaque spectateur, suivant l’observation que nous venons de faire. […] Il regarde donc avec dedain, et en fronçant le sourcil, une préference qu’on devine bien qu’il trouve injuste. […] Un cynique appuïé sur son bâton, et qu’on reconnoît pour tel à l’éfronterie et aux haillons qui faisoient le caractere de la secte de Diogene, regarde saint Paul avec impudence. […] Un autre a la tête panchée sur l’épaule droite, et il regarde l’apôtre avec une admiration pure, qui ne paroît pas encore accompagnée d’aucun autre sentiment.

111. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — O. — article » pp. 427-428

Il entendoit bien le Grec & le Latin, & connoissoit parfaitement sa Langue ; mais ceux qui le regardent comme un de nos meilleurs Traducteurs, font consister, sans doute, l’art de traduire dans la seule fidélité à rendre le texte de l’Original. […] Cet Ouvrage est d’une grande utilité pour les Etrangers & les Nationaux, & peut être regardé comme le principal fondement de sa réputation.

112. (1763) Salon de 1763 « Peintures — La Tour » p. 223

La Tour les regarda longtemps. […] L’autre est un Philosophe stoïcien qui la regarde et qui sent son cœur s’émouvoir.

113. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre X. La littérature et la vie de famille » pp. 251-271

Sa femme le regarde du haut d’une tour et elle refuse de faire ouvrir. — Vous fuyez, lui dit-elle. […] Il est regardé comme un sentiment si libre qu’il se dérobe à toute contrainte, même à celle du devoir. […] Regardons une époque où les femmes se virilisent, où elles secouent le joug des traditions et des règles qui les assujettissaient, où elles réclament fièrement leur indépendance et se donnent libre carrière en tous domaines. […] « Je le regarde, dit-elle, comme un long esclavage. » Et, fidèle à ses principes, elle sauvegarde son indépendance avec une constance que sa figura lui rend peut-être plus facile qu’elle n’aurait souhaité. […] Cependant regardez d’un peu près ses personnages.

114. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 520-522

La Métromanie, mieux écrite & plus fine quant au choix des caracteres & à la maniere de les mettre en jeu, sera toujours regardée comme une excellente Comédie ; Moliere lui-même eût ambitionné la gloire de l’avoir faite, en même temps qu’il eût conspué cette multitude de Drames insipides qui continuent si obstinément à défigurer la Scene. […] Bien des propos, qu’on lui a attribués dans la Société, ne sont pas de lui, ou peuvent être regardés comme les saillies d’un Esprit vif qui n’a pas toujours su se retenir.

115. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

On ne peut pas se lasser de les regarder ; on n’y voit qu’intelligence, sécurité, innocence, résignation à la destinée, amitié pour l’homme. […] Un pâle Écossais l’écoute par politesse ; il s’enveloppe de son manteau contre la froide écume des vagues beaucoup plus que contre le frisson de l’enthousiasme et de l’amour ; quelques spectateurs regardent sans comprendre. […] Son profil est tout à fait féminin, presque enfantin ; elle sourit à peine, elle baisse les yeux et regarde ses pieds avec l’expression d’une pudique honte. […] En vain il copie le délicat et naïf visage de Thérésina elle-même : elle est trop simple pour simuler d’autre inspiration que celle de son cœur ; elle est trop timide pour lever au ciel ces regards de sibylle qui sont un défi au soleil ; elle ne regarde que celui qu’elle aime, elle ne voit le monde que dans ses yeux. […] Tout près d’eux est une femme d’Ischia, adossée au rocher, assise sur ses talons repliés à la manière des femmes grecques, les deux bras pendants le long du corps ; elle regarde en sens opposé de l’improvisateur et ne semble participer à la scène que par ses oreilles.

116. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

« Ce soir, j’ai regardé plus qu’à l’ordinaire, tant c’était ravissant, cette belle nuit ! […] Jamais plus beau ciel que celui de minuit, si bien que papa sortait de temps en temps la tête de dessous son manteau pour regarder en haut. […] Aussi, quand on me disait qu’elle s’en allait mourir, je la regardais, et son air content me faisait croire qu’elle ne mourrait pas. […] La moitié de ces confidences s’étend sur la terre, l’autre moitié regarde déjà le ciel. […] Je remercie, et regarde cent fois ma belle fortune : les poésies créoles, à moi adressées par un poète de l’Île de France.

117. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

Il en est, dans ces confidences, qui nous regardent et nous intéressent plus particulièrement. […] Je vis aussi un des beaux enfants d’Ottilie, qui s’approcha sans défiance de moi et me regarda avec de grands yeux. […] C’était un vrai bonheur de le regarder. […] Ces soins extérieurs prouvaient que Goethe regarde ce manuscrit avec plus de faveur qu’aucun autre. […] Il me regarde avec attention, puis il dit : « “— Vous êtes un homme !

118. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIe entretien. Poésie lyrique » pp. 161-223

Mais une certaine naïveté naturelle, qu’il tenait de sa mère et qu’on prenait mal à propos pour de la niaiserie, et de plus une longue habitude de se regarder comme le dernier de la maison partout, lui donnaient une apparence d’infériorité entre tous ses camarades. […] Elle aimait, sans oser l’avouer, celui qu’on la soupçonnait le moins de regarder avec prédilection parmi tous les autres. […] Tantôt il regardait le soleil, trop lent à baisser pour lui ce jour-là, tantôt la maison de pierres grises qui renfermait sa destinée. […] Il n’osa ni l’embrasser ni la regarder ; il sentait qu’il l’emportait dans sa poitrine. […] « Lune, regarde-moi et va le dire aux étoiles !

119. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1855 » pp. 77-117

Il demanda qui c’était, on lui répondit : « Mme Récamier. » * * * — Dans la maison en face la mienne, il me semble m’apercevoir qu’une femme regarde, regarde sans cesse du côté de nos fenêtres. […] — Mettez votre lorgnon et regardez la mariée… Est-elle jolie ? […] Il nous regarda longtemps, cherchant qui nous pouvions être, puis s’écria : « Nom de D… je ne vous reconnaissais pas, oui, je deviens aveugle !  […] Et à Bougival, comme partout ailleurs, le commerce humilie l’art et là littérature, et Staub, du haut de la Jonchère, située comme un château de Lucienne, regarde de bien haut les modestes toits de l’artiste. […] C’est le ministère qui tient notre pain… Et tout ce qu’il y aurait à faire, cependant, en dehors des commandes du gouvernement… la décoration picturale des cafés, des gares de chemins de fer surtout, de ces endroits où tout le monde attend et où on regarderait… On me dira qu’il y a des peintures à la bibliothèque de la Chambre des pairs.

120. (1894) Propos de littérature « Chapitre II » pp. 23-49

Une tête décharnée, un squelette, peuvent être regardés comme des symboles naturels ; mais le squelette armé de la faux est une figure allégorique : la faux est ici un emblème et suppose connue la métaphore « faucher les vies ». […] Alors l’artiste oublie que la pensée pour la pensée est, selon le grand Art, un pire mensonge que la forme pour la forme ; que, si celle-ci est un idéal borné pour qui peut regarder au-dessus de son front, celle-là se développe plus naturellement dans la science et n’a que faire avec la Beauté pure dont il est prêtre. […] Le musicien, s’il a une idée un peu haute, dévide les syllogismes d’une inexpressive argumentation sonore, et un maître glorieux comme Wagner écrit le dialogue de Wotan et Fricka dans la Walkyrie ; s’il regarde plus bas, il trempe son art en pleine matière et s’efforce d’imiter convenablement l’eau qui coule, ou le tonnerre qui gronde, ou la tempête qui rugit, quand ce n’est pas le tintamarre grossier d’une fête à Montmartre. […] Ma douleur regarde la mort, Car l’espoir a fermé sa porte Et tristement, le vent du Nord Souffle sur ma chandelle morte. […]      Regarde, les voici qui viennent      Une à une, les anciennes,      Et du plus loin qu’il te souvienne,      Pauvre Âme,      Ombre de la Tour morne aux murs d’obsidiane.

121. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre II. Définition. — Énumération. — Description »

Ramenez l’abstraction aux réalités concrètes ; défaites la généralisation, et décomposez la collection : regardez les faits et les individus. […] Quand vous êtes en présence d’une idée particulière ou concrète, il est bon de regarder l’objet, d’en étudier les caractères essentiels, en un mot de s’en faire à soi-même la description. […] Après un intervalle de temps, vous le regarderez en vous-même, vous en évoquerez l’image : incomplète, fragmentée, déformée, elle ramènera l’émotion, l’idée, que la vue involontaire, le choc inattendu de la réalité vous avaient imposées : ce lambeau d’image qui s’est accroché inconsciemment dans votre esprit, c’est précisément ce qu’il y a pour vous de caractéristique dans l’objet, c’est ce que la description doit éclairer. […] Tous ces objets tenaient du prodige : l’enfant courut vers un des pigeons et regarda bovine en souriant ; le pigeon secoua ses ailes et brilla au soleil au travers d’une fine poussière de neige, et un parfum de pain chaud se répandit par la fenêtre où apparurent les saïkis.

122. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La Chine »

Au xviie siècle, elle a mystifié lord Macartney, et le livre du pauvre lord nous dit, avec la candeur d’une dupe accomplie, dans quelles superbes proportions la mystification eut lieu… Si un jour elle a permis aux Jésuites, ces admirables enjôleurs pour le compte de la vérité, de soulever son loup et de la regarder au visage, elle s’est bien vite repentie de cette minute d’abandon qui allait faire de sa personnalité historique le Secret de la Comédie pour le monde entier. […] S’il y a des chauvins dans ce pays, — comme nous disons dans celui-ci, — de ces hommes qui se sentent plus fiers quand ils regardent… la grande muraille, ce sont très certainement des hommes comme eux. […] S’il n’y avait ici qu’une préoccupation d’études, qu’une adoration de savant qui finit par faire une idole de l’éternel objet de sa pensée, nous trouverions cela touchant et assez frais, car la pensée a aussi son enfance comme la vie ; et, si ce n’était pas suffisant pour expliquer une admiration si naïve ou si profonde, nous penserions à ces moines du mont Athos qui finirent par voir la lumière incréée, à force de regarder attentivement leur ombilic. […] Nous aurions voulu qu’on eût répondu une fois pour toutes aux esprits les plus forts, les plus imposants, qui ont regardé sans rire ce pays qui semble exciter je ne sais quelle méprisante gaîté, et qu’on eût renversé, par exemple, pour ne plus le voir jamais debout, ce jugement terrible d’un de ces grands esprits qui ont, dans les choses de l’histoire, l’infaillibilité de leurs instincts : « Quand on m’aura montré des sociétés aussi fortes que la judaïque et que la chrétienne (si c’est la chinoise, montrez-le !)

123. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « L’idolâtrie au théâtre »

La plume qui écrivait cela est à la vérité une plume italienne, quoique très compétente en français, et elle se servait de l’expression de son pays, où les chanteurs et les gens de théâtre sont regardés comme les premiers des hommes. […] Mais comment pourrait-on caractériser de manière à en donner l’idée la critique du feuilleton dramatique, non seulement en ce qui regarde les pièces, mais en ce qui regarde le comédien et la comédienne, ces demi-dieux auxquels on rend le plus bouffon des cultes, dans son sérieux et dans sa bonne foi ? […] Ils ne sont réellement plus capables intellectuellement que d’écouter et de regarder un spectacle.

124. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XI. MM. Mignet et Pichot. Charles Quint, son abdication, son séjour et sa mort au monastère de Yuste. — Charles V, chronique de sa vie intérieure dans le cloître de Yuste » pp. 267-281

Rapporter des faits ne constitue pas l’histoire ; il faut savoir les interpréter, regarder dessous ou dedans. […] Sublime, — ou atroce, si l’on veut, ce qui n’empêche pas d’être sublime, — telle était, en fait, l’Espagne du xvie  siècle, et l’histoire, dont la plume est, dit-on, de fer, ne doit-elle pas savoir la regarder avec des yeux impassibles ? […] quand on l’a évoquée et quand on l’a regardée à son tour, après avoir interrogé la physionomie ambiguë de son César anachorète, ne semble-t-il pas, à l’instant, que cette indication, qui n’en fut pas une, et que ce séjour à Yuste, qui fut moins une retraite qu’une résidence, prennent leur véritable caractère ? […] Sans doute, la chronique est encore une forme intéressante de l’histoire, mais Charles-Quint, comme tous les personnages qui font question dans les Annales du monde, échappe à la chronique par la profondeur de son caractère ; et quelque dévoué que l’on soit à ramasser les épingles que l’histoire laisse parfois tomber, il y a mieux pourtant que ce travail de bésicles et de flambeau par terre, quand il s’agit d’un homme qu’il faut regarder en plein visage pour le pénétrer.

125. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIII. M. Nicolardot. Ménage et Finances de Voltaire » pp. 297-310

Regardez, en effet ! […] Ce long et terrible morceau d’histoire que les esprits assez élevés pour se trouver naturellement au-dessus de l’intérêt de curiosité individuelle qui s’attache à Voltaire regarderont comme le morceau capital du livre que nous annonçons, prépare merveilleusement la biographie de cet homme qui domina son temps aussi bien par le genre de ses vices que par le genre de son génie, et qui n’aurait pas exercé une si colossale influence sur ce temps-là et sur le nôtre, s’il n’avait pas surpassé le premier en lui ressemblant et marqué le second à son image. […] Qu’il se regarde, s’il veut, et se reconnaisse dans les traits de son père, moulés par ce féroce leveur de masque qui n’a rien négligé pour que la hideuse ressemblance fût complète ! […] Louis Nicolardot, saisissant Voltaire bien plus dans tous les jours de la vie que dans les choses de la pensée et dans ses contemplations d’écrivain, nous oblige à le regarder dans ce qui convenait le mieux à sa nature positive et enflammée, les relations, les influences et les intérêts.

126. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Sabran et le chevalier de Boufflers »

Toutes deux purent suffire au besoin de Lettres de ce siècle aux grandeurs publiques, qui avait autre chose à faire que de se regarder dans l’âme, pour raconter ce qu’il y voyait, à la première personne, dans des épanchements ou des chuchotements particuliers. […] Regardez-la dans ce portrait de Madame Lebrun, gravé par Rajon, qui est à la tête du volume, et avant de l’avoir lu vous aurez déjà l’idée d’une femme qui ne ressemble aux femmes de son siècle ni par les passions, ni par les mœurs, ni par la beauté. Regardez-la bien ! […] Madame de Sabran vit tellement dans son amour qu’elle ne voit rien que son pauvre cœur, dans lequel toujours elle regarde.

127. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Hector de Saint-Maur »

Lamartine sema autour de lui des adorateurs, qui chantèrent, à leur tour, sur ce mode nouveau qu’il avait inventé ; car c’est le destin des grands poètes de produire des imitateurs qui vengent la médiocrité humaine de la supériorité du génie, et l’empêchent d’avoir trop d’orgueil en le forçant de se regarder dans le miroir diminuant de leurs œuvres. […] La côte est difficile et raide, — c’est très haut ; Sur le sommet du mont, dans la mousse et dans l’herbe, Sainte Cécile est là, devant vous : — regardez L’humble chapelle avec ses vieux murs lézardés. […] Tout près, dans l’angle obscur de l’étable rustique, — Jadis le presbytère, — une vache au poil roux Vous regarde passer d’un œil profond et doux, Et l’on songe à la crèche, à Jésus, — c’est mystique. […] » — La cloche du vieux mont lui répond : — « C’est ici. » — Par les beaux soirs d’été, quand le soleil abîme Ses rayons enflammés dans l’outremer du ciel, De cette autre Sion, de ce nouveau Carmel, Regardez à vos pieds l’horizon, — c’est sublime ; Les champs, les prés, les bois, le fleuve et le ravin Sont inondés de rose et teintés de lumière.

128. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Honoré de Balzac » pp. 1-15

Par l’évidence de son génie, Balzac, dont il est question, est précisément un de ces hommes qui créent à ceux qui le regardent des obligations d’aperçu ; et l’on peut dire hardiment que le critique qui n’a pas vu en lui et qui n’y montre pas ce que le commun des hommes ne peut voir, n’était réellement pas digne de le regarder ! […] Poitou dépense-t-il tout son temps et tout son effort à chicaner stérilement les détails qui se heurtent, à ce qu’il semble, quand on les voit pièce à pièce, et qui se fondent et s’harmonisent, quand on les regarde de loin et de haut. […] Poitou a relevées dans quelques fragments épars de La Comédie humaine, ne viennent guères que de sa propre manière de regarder, et à ces contradictions, qui sont le résultat d’une faiblesse d’yeux, impuissants à embrasser un ensemble et une perspective, le critique ajouté ses contradictions et ses titubations à lui-même.

129. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre III. Buffon »

Il regarde la nature, elle lui montre des individus ; et elle lui présente des effets, jamais des intentions. Quoi qu’on ait dit, il la regarde souvent, et de près : il observe, expérimente, avec une méthode rigoureuse. […] Et cependant, cet homme qui voyait d’une si puissante imagination les transformations anciennes de l’univers, retombait étrangement dans les idées et dans les regards de son siècle, quand il regardait l’état actuel de la nature.

130. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « L’exposition Bodinier »

Il sait qu’après les ivresses de la célébrité il y a les plaisirs de la badauderie ; que, d’ailleurs, elles s’entretiennent l’une par l’autre ; qu’ainsi tout le monde est content, ceux qui sont regardés et ceux qui regardent, et que tout est donc pour le mieux. […] Peut-être de ce que j’ai mal regardé (mais écartons cette hypothèse).

131. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 2, de l’attrait des spectacles propres à exciter en nous une grande émotion. Des gladiateurs » pp. 12-24

On va voir en foule un spectacle des plus affreux que les hommes puissent regarder, je veux dire le supplice d’un autre homme qui subit la rigueur des loix sur un échaffaut, et qu’on conduit à la mort par des tourmens effroïables : on devroit prévoir néanmoins, supposé qu’on ne le sçut pas déja par son experience, que les circonstances du supplice, que les gemissemens de son semblable feront sur lui, malgré lui-même, une impression durable qui le tourmentera long-tems avant que d’être pleinement effacée ; mais l’attrait de l’émotion est plus fort pour bien des gens que les reflexions et que les conseils de l’experience. […] Il est touchant, dit Lucrece, de voir du rivage un vaisseau luter contre les vagues qui le veulent engloutir, comme de regarder une bataille d’une hauteur d’où l’on voit en sûreté la mêlée. […] Qu’on mette deux bâtons à la place des épées, que le voltigeur fasse tendre sa corde à deux pieds de hauteur sur une prairie, il fera en vain les mêmes sauts et les mêmes tours : on ne daignera plus le regarder ; l’attention du spectateur cesseroit avec le danger.

132. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Roslin  » pp. 149-150

Ce n’est pas lui, c’est certainement ce seigneur à large panse qui est si magnifiquement vêtu et qui a la contenance si avantageuse, qui arrête les premiers regards et qu’il faut regarder comme le principal personnage du tableau. […] Il y a d’autres portraits de Roslin que je n’ai pu regarder après celui de Mr de Marigni.

133. (1730) Des Tropes ou des Diférens sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue. Traité des tropes pp. 1-286

Il faut pourtant observer qu’elle n’a de vérité que parmi les nations où le laurier est regardé come le simbole de la victoire. […] Que s’il y avoit quelque chose de plus à dire, ce sont les douze derniers vers qui font un nouveau sens, et ne sont plus une périphrase qui regarde l’emprunt. […] Cette dernière façon de parler, dont on se sert pour finir les lettres, n’est jamais regardée que come une formule de politesse. […] Enfin, lorsque ces explications regardent l’eglise triomphante et la vie des bienheureux dans le ciel, c’est le sens anagogique ; c’est ainsi que le sabat des juifs est regardé come l’image du repos éternel des bienheureux. […] L’abé Girard dequoi se satisfaire pleinement sur ce qui regarde le françois.

134. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre II. La perception extérieure et l’éducation des sens » pp. 123-196

Lorsqu’on a regardé un objet lumineux ou fort éclairé, l’excitation de la rétine dure après qu’on a cessé de le regarder43. […] Le plus souvent, au moment où pour la première fois il voit clair, il croit « que tous les objets qu’il regarde touchent ses yeux, de même que les objets qu’il tâte touchent sa peau47 ». […] Quand on lui nommait celles qu’auparavant il avait connues par le toucher, il les regardait très attentivement pour les reconnaître ; mais, comme il avait trop de choses à apprendre à la fois, il en oubliait toujours beaucoup, apprenant et oubliant, comme il le disait lui-même, mille choses en un jour. […] Un jour, il prit le chat, qu’il connaissait bien par le toucher, le regarda fixement et longtemps, le posa par terre et dit : “À présent, Minet, je te reconnaîtrai une autre fois.” […] … Le soir, elle pria son frère de lui montrer sa montre… et la regarda un temps considérable en la tenant près de son œil.

135. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 249-251

Dans les Ouvrages de pure éloquence, M. de Beausobre peut être regardé, après Saurin, comme le meilleur Orateur de la Secte Protestante. […] L’Oraison funebre de Jean-George II, Prince Danhalt-Dessau, offre le portrait d’un Prince Chrétien, bien supérieur à ce vain étalage de vertus équivoques & fragiles, que la Philosophie moderne préconise si fort dans les Princes qu’elle regarde comme ses disciples….

136. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — N. — article » pp. 412-415

On peut les regarder comme un jugement prononcé par Apollon lui-même, de l’avis des Muses & des Graces. […] Il est vrai qu’il a composé des Epigrammes où la malignité & la licence lui font oublier les égards ; mais ces sortes de Productions ne peuvent-elles pas être regardées comme des éclipses de la raison & de l’honnêteté, réparées par tant d’Ecrits postérieurs aux égaremens de sa plume ?

137. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

Il regarde, il cherche, il s’aperçoit que c’est devenu un bazar de jouets, et que le premier est occupé par un coiffeur. […] Je n’ai eu qu’une aventure : je regardais, sur les bras de ma nourrice, un joujou, un joujou très cher. […] La beauté de la femme, c’est l’amour qui la regarde. […] beugle exaspéré Flaubert. — Vous qui êtes un physiologiste, vous n’avez donc jamais regardé la bouche de cet homme-là ? […] Il faut aller au Parvis Notre-Dame. » Le vieillard ne disait rien et regardait vaguement l’interne.

138. (1896) La vie et les livres. Troisième série pp. 1-336

Il le regarda indulgemment et lui fit bon accueil, comme à un interlocuteur imprévu. […] Tout Paris courut se regarder dans ce miroir. […] Hervieu regarde ses contemporains et il a raison. […] Ils se regardèrent. […] Ils se regardèrent de nouveau.

139. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 24, des actions allegoriques et des personnages allegoriques par rapport à la peinture » pp. 183-212

Ainsi je regarde Iris comme un personnage historique dans la répresentation de la mort de Didon. […] Je l’ai déja dit, les livres qui firent l’occupation de notre jeunesse, la vrai-semblance qu’on trouve à voir un heros secouru par les dieux qu’il adoroit, nous mettent en disposition de nous prêter sans aucune peine à la fiction. à force d’entendre parler durant notre enfance des amours de Jupiter et des passions des autres dieux, nous sommes en habitude de les regarder comme des êtres qui auroient autrefois existé, étant sujets à des passions du même genre que les nôtres. […] Les tableaux de la galerie du Luxembourg dont on regarde le sujet avec le plus de plaisir, sont ceux dont la composition est purement historique, comme le mariage et le couronnement de la reine. […] Après avoir regardé ces tableaux du côté de l’art, on les regarde encore avec l’attention qu’on donneroit aux recits d’un contemporain de Marie De Medicis.

140. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 459-462

Ce n’est pas pour avoir appris les Mathématiques sans Maître, qu’on doit le regarder comme un homme extraordinaire : le P. […] Les Lettres provinciales seront toujours regardées comme un des chef-d’œuvres de notre langue.

141. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Préface »

Il ne faut donc le regarder que comme une indication : il dira la possibilité d’un dictionnaire sémantique des langues de civilisation européenne. […] Gaston Paris me permettra de citer ici quelques lignes de son écriture, car elles sont une critique et elles disent ma pensée même, depuis que je les ai lues : « Sur quelques points (comme ce qui regarde l’orthographe) je ne serais pas tout à fait d’accord avec vous, et en thèse générale je ne sais si dans l’évolution linguistique on peut faire autre chose qu’observer les faits ; mais après tout dans cette évolution même toute volonté est une force et la vôtre est dirigée dans le bon sens. » Ma pensée c’est cela même, c’est que je ne suis qu’une force, aussi petite que l’on voudra, qui voudrait se dresser contre la coalition des mauvaises forces destructives d’une beauté séculaire.

142. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

C’était comme le murmure lointain du vent dans les bois, qui vous frappe l’oreille avec les bruissements des feuillages et qui vous dit : « Tu es seul, tu es mélancolique ; resserre ton cœur ; jouis de ta solitude et de ta tristesse, et laisse les autres jouir du bruit qu’ils font ; ce qui t’attend ce soir vaut mieux que ce vain tumulte. » IV Quand mon ami, avant d’aller dans le monde, entrait un moment dans ma chambre pour étaler son costume devant ma cheminée, je le regardais en souriant d’une certaine pitié sans envie, et je lui disais : « Va te montrer, mais voici l’heure où, quand tu seras parti, je m’isolerai dans mon manteau ; je me glisserai sans bruit le long des murailles et j’irai attendre, sur le quai du Louvre, qu’une lumière solitaire s’allume, entre deux persiennes, pour m’annoncer que le dernier visiteur est retiré du salon, et pour laisser place à l’ami inconnu qui rôde dans le voisinage, comme l’âme cherchant son corps et n’en voulant point d’autre dans la foule de ceux qui ne sont pas nés. » V Il sortait, et je restais seul au coin de mon feu, un livre à la main, jusqu’à ce que la cloche de Saint-Roch sonnât onze heures, et que ce même onzième coup sonnât de l’autre côté de la Seine, dans un cœur qu’il faisait transir ou frissonner. […] Il abordait un homme quelconque de plain-pied ; son tact merveilleux le plaçait juste dans l’attitude, ni trop haut ni trop bas ; on voyait qu’il rendait tout ce qu’il devait rendre à son puissant interlocuteur, mais qu’il se sentait devant lui digne d’être regardé et respecté à son tour. […] Il regardait la gloire avec assurance, en homme qui en connaissait le prix et qui savait qu’on la regarderait bientôt sur son propre front. […] Mais après avoir passé trente lunes à Saint-Augustin, Chactas fut saisi du dégoût de la vie des cités : « Je dépérissais à vue d’œil : tantôt je demeurais immobile pendant des heures à contempler la cime des lointaines forêts ; tantôt on me trouvait assis au bord d’un fleuve que je regardais tristement couler. […] est comme ces sortes d’arbres qui ne donnent leur baume pour les blessures des hommes, que lorsque le fer les a blessés eux-mêmes. » Et encore, pour exprimer qu’il n’est point de cœur mortel qui n’ait au fond sa plaie cachée : « Le cœur le plus serein en apparence ressemble au puits naturel de la savane Alachua : la surface en paraît calme et pure ; mais, quand vous regardez au fond du bassin, vous apercevez un large crocodile, que le puits nourrit dans ses eaux. » Les funérailles d’Atala sont d’une rare beauté et d’une expression idéale.

143. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

Regarde cette femme ! […] Au premier échelon, il regarda le vicomte de Puyjoli. […] Moi j’étais descendu de voiture, je regardais les cailloux du chemin creux, je regardais cette nature, sereine comme une bonne conscience. […] Je regardai autour de nous. […] — Regardez celui-ci, monsieur, c’est le numéro un.

144. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Mettons notre œil au trou et regardons. […] Maspero a lu beaucoup de hiéroglyphes, mais il a regardé aussi beaucoup de fellahs. […] Albert Sorel ; qu’il regarde, avec M.  […] Il a pris, de trop bonne heure, l’habitude de se regarder faire. […] « Regarder la foule », c’est la règle que M. 

145. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bayle, et Jurieu. » pp. 349-361

Ceux qui prétendent être le mieux instruits de ce qui le regarde, attribuent la cause de ses malheurs & de sa querelle à ses liaisons avec madame Jurieu. […] De toutes ces accusations, dont la moindre feroit regarder Bayle comme un monstre, si l’on ignoroit dans quel égarement de raison tomba son adversaire, il n’en est qu’une qui mérite qu’on s’y arrête, celle d’impiété. […] Il est bien glorieux à ces magistrats de s’être ainsi élevés au-dessus des loix, & de n’avoir pas regardé comme étranger un François qui faisoit tant d’honneur à sa patrie.

146. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Greuze » pp. 234-241

Que n’étais-tu à côté de cette jeune fille qui regardant la tête de ton Paralytique, s’écria avec une vivacité charmante : Ah, mon Dieu, comme il me touche ; mais si je le regarde encore, je crois que je vais pleurer ; et que cette jeune fille n’était-elle la mienne ! […] Mettez l’escalier entre ce portrait et vous ; regardez-le avec une lunette, et vous verrez la nature même. Je vous défie de me nier que cette figure ne vous regarde, et ne vive.

147. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 1, idée generale de la musique des anciens et des arts musicaux subordonnez à cette science » pp. 6-19

Section 1, idée generale de la musique des anciens et des arts musicaux subordonnez à cette science On peut regarder le traité sur la musique, écrit en grec par Aristides Quintilianus et traduit en latin par Monsieur Meibomius, comme l’ouvrage le plus instructif que l’antiquité nous ait laissé sur cette science. […] En un mot, tous les écrits des anciens font foi, que la musique passoit de leur temps pour un art necessaire aux personnes polies, et qu’on regardoit alors comme des gens sans éducation, et comme on regarde aujourd’hui ceux qui ne sçavent point lire, les personnes qui ne sçavoient pas la musique. […] D’ailleurs ceux des auteurs anciens qui ont écrit sur la musique et dont les ouvrages nous sont demeurez, ont très-peu parlé de la mécanique des arts subordonnez à la science de la musique qu’ils ont regardez comme des pratiques faciles et communes, dont l’explication n’étoit bonne qu’à exercer les talens de quelque maître à gages.

148. (1897) L’empirisme rationaliste de Taine et les sciences morales

L’idée générale, le concept, au lieu d’être regardé comme une simple construction, commode mais arbitraire, devient ainsi le fond même de l’être. […] Il donne ainsi satisfaction aux deux sentiments contraires qui peuvent être regardés comme les moteurs par excellence du développement intellectuel : le sentiment de l’obscur et la foi en l’efficacité de l’esprit humain. […] Mais, en réalité, on n’a pu lui faire tenir le langage qu’on lui a prêté qu’en faussant les principes sur lesquels il repose. jamais, je crois, Taine, n’eût accepté de regarder la morale comme la simple conclusion d’un syllogisme dont telle ou telle théorie psychologique ou philosophique aurait fourni les prémisses.

149. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 163-165

A considérer ces Pieces du côté de la chaleur, du sentiment & du pathétique, elles sont au dessus de tout ce que nous ont donné en ce genre les Auteurs de nos jours les plus prônés, & seront toujours regardées comme des Drames écrits avec une sensibilité, une force & une énergie capables d’attendrir le Lecteur le plus froid. […] De tels Ecrivains doivent être regardés comme d’adroits Legislateurs, qui se servent des passions pour les combattre ou les diriger vers le bein public, qui, par le sentiment, menent à la vertu, & nous font aimer nos devoirs.

150. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 465-468

Cette découverte, qui suppose une étude réfléchie & combinée des Langues anciennes & une connoissance approfondie de l’Histoire, n’est pas appuyée sur des rapports vagues & isolés, mais sur toute la suite de l’Histoire des Egyptiens, rapprochée de celle des Hébreux, mais sur une ressemblance si sensible, si soutenue, qu’on ne peut la regarder comme fortuite, sans renoncer à tout ce que l’érudition présente de plus convaincant. […] Il soumettra de même à l’examen de sa critique vraiment profonde & lumineuse, les premiers temps historiques de l’Empire Romain, qu’il regarde avec raison comme altérés par quantité de Fables que les Historiens ont copiées les uns après les autres.

151. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

Une langue, une législation, un catéchisme n’est jamais qu’une chose abstraite ; la chose complète, c’est l’homme agissant, l’homme corporel et visible, qui mange, qui marche, qui se bat, qui travaille ; laissez là la théorie des constitutions et de leur mécanisme, des religions et de leur système, et tâchez de voir les hommes à leur atelier, dans leurs bureaux, dans leurs champs, avec leur ciel, leur sol, leurs maisons, leurs habits, leurs cultures, leurs repas, comme vous le faites, lorsque, débarquant en Angleterre ou en Italie, vous regardez les visages et les gestes, les trottoirs et les tavernes, le citadin qui se promène et l’ouvrier qui boit. […] Vous regardez sa maison, ses meubles et son costume ; c’est pour y chercher les traces de ses habitudes et de ses goûts, le degré de son élégance ou de sa rusticité, de sa prodigalité ou de son économie, de sa sottise ou de sa finesse. […] Si vous voulez observer cette opération, regardez le promoteur et le modèle de toute la grande culture contemporaine, Gœthe, qui, avant d’écrire son Iphigénie, emploie des journées à dessiner les plus parfaites statues, et qui, enfin, les yeux remplis par les nobles formes du paysage antique, et l’esprit pénétré des beautés harmonieuses de la vie antique, parvient à reproduire si exactement en lui-même les habitudes et les penchants de l’imagination grecque, qu’il donne une sœur presque jumelle à l’Antigone de Sophocle et aux déesses de Phidias. […] Que si vous regardez maintenant non plus un court moment comme tout à l’heure, mais quelqu’un de ces larges développements qui embrassent un ou plusieurs siècles, comme le moyen âge ou notre dernière époque classique, la conclusion sera pareille. […] Nul n’a mieux enseigné à ouvrir les yeux et à regarder, à regarder d’abord les hommes environnants et la vie présente, puis les documents anciens et authentiques, à lire par-delà le blanc et le noir des pages, à voir sous la vieille impression, sous le griffonnage d’un texte, le sentiment précis, le mouvement d’idées, l’état d’esprit dans lequel on l’écrivait.

152. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 65-128

Je m’approchai donc avec plus de confiance de la sombre lucarne, assombrie encore par le noir pilier, et je jetai un regard furtif à travers les barreaux de fer du premier grillage ; je ne vis que deux yeux fixes qui me regardaient du fond du cachot, tout au fond de la nuit régnant derrière la seconde grille. […] qui ne savait encore que penser et qui me regardait du fond de l’ombre. […] Nous les entrecroisâmes aussi serrés et aussi forts que les nœuds de son grillage de fer, et nous nous mîmes à pleurer sans rien dire, en nous regardant à travers nos larmes, comme ces âmes du purgatoire qui se regardent à travers les limbes d’une flamme à l’autre, dans les images, le long du chemin. […] Les colombes mêmes battaient des ailes comme de plaisir à m’entendre, ces jolies bêtes se regardaient, se becquetaient, se lissaient les plumes et semblaient se dire : « Tiens ! […] Ces réponses uniformes m’avaient donné d’abord à penser que votre fille n’avait pas osé entrer à Lucques et qu’elle errait çà et là dans les villages voisins, comme un enfant qui regarde les fenêtres des maisons et qui voudrait bien y pénétrer, sans oser toutefois s’approcher des portes.

153. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

Les mystiques regardent en pitié cette faiblesse, et ils ont raison. […] Cousin a pu se dire platonicien ou cartésien, sans accepter tout l’héritage de Platon et de Descartes, et surtout sans s’obliger à les regarder comme des prophètes. […] Débarrassé du soin de se faire son symbole et même de le comprendre, on peut, après cela, vaquer en toute sécurité à ses affaires, en disant : cela ne me regarde pas ; dites-moi ce qu’il faut croire, je le crois. […] On n’y regarde pas de plus près ; on n’entre pas dans le détail des dogmes, on plaint ceux qui s’imposent ce labeur ingrat, on est cent fois hérétique sans s’en douter. […] ne vaudrait-il pas mieux nous asseoir les uns et les autres à côté de la pauvre humanité, assise, morne et silencieuse, sur le bord du chemin poudreux, pour relever ses yeux vers le doux ciel qu’elle ne regarde plus ?

154. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Beaufort » pp. 308-316

Eh bien, malgré tous ces défauts, quoiqu’assez chaud de mon naturel et peu disposé à pardonner le froid à une composition quelconque ; quoiqu’il me paraisse absurde d’avoir allongé les oreilles de Midas avant son impertinente sentence, et que cet effet soit d’un instant postérieur, du moment où Apollon ayant cessé de jouer, la main étendue, l’air indigné, il ordonne à ces oreilles de pousser ; quoique ce morceau soit proscrit sans restriction, j’avouerai qu’il y en a cent autres au sallon, qu’on regarde, qu’on loue, et que je mets au-dessous. […] Allez voir le laocoon tel que les sculpteurs l’ont exécuté, un père assis qui souffre, un enfant debout déchiré qui expire ; un autre enfant debout qui oublie son péril et qui regarde son père ; trois figures non groupées, trois figures isolées, liées par les seules convolutions d’un serpent. […] Aussi voyez ce sujet que je vous ai fait dessiner exprès d’après un marbre antique ; Persée a l’air de donner la main à Andromède pour descendre ; Andromède, plus obligée aux dieux de sa délivrance qu’à Persée, qu’elle ne regarde pas, droite, presque sans action, sans passion, sans mouvement, les regards et les mains levés vers le ciel, touchée, en actions de grâces, est debout sur une petite éminence qui ne ressemble guère à un rocher, et ce méchant petit dragon mort n’est là que pour désigner le fait. […] Regardez bien le caractère innocent, champêtre, fin, original et de verve des enfans.

155. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’Empire Chinois »

Huc, qui voit sans doute, mais qui ne conclut pas, se contente de nous tendre tranquillement le miroir terrible et de nous dire d’y regarder ! […] Le peuple qui a écrit cela, en effet, peut être regardé comme un La Rochefoucauld ou un La Bruyère collectif et anonyme. […] « Les femmes les plus curieuses baissent volontiers les yeux pour être regardées. […] « Quand les hommes sont ensemble, ils s’écoutent, les filles et les femmes se regardent.

156. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7172-17709

Une derniere preuve que les Latins n’avoient pas prétendu regarder dormitare comme desidératif, c’est qu’ils avoient leur dormiturire destiné à exprimer ce sens accessoire. […] ) regarde comme un abus introduit par divers Grammairiens, de dire : l’usage est en ce point opposé à la Grammaire. […] Figure l’article des figures de diction qui regardent le matériel du mot. […] Que nous importe en effet que les Grecs ayent regardé ou non ce caractere comme une lettre, & que dans l’écriture ordinaire ils ne l’ayent pas employé comme les autres lettres ? […] Ce n’est pas même ici proprement un renversement d’ordre ; & si c’est en cela que doit consister la nature générale de l’hyperbate, les Grammairiens n’ont pas dû regarder la tmèse comme en étant une espece.

157. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIe entretien. Phidias, par Louis de Ronchaud (2e partie) » pp. 241-331

Regarder une figure qui charme, prendre dans sa main une poignée d’argile humide, pétrir cette argile sous ses doigts et chercher à lui donner les formes de la figure que l’on admire, quoi de plus naturel d’instinct ? […] On ne peut regarder cette statue qu’à genoux. […] Il faut à la fois savoir regarder, sentir et exprimer : et exprimer comment ? […] L’œil ne peut s’en arracher ; on les regarde, on les suit, on les admire, on les plaint avec ce sentiment qu’on éprouverait pour des êtres qui auraient eu ou qui auraient encore le sentiment de la vie. […] Les pas s’impriment dans une poussière de marbre ; on finit par la regarder avec indifférence, et l’on reste insensible et muet, abîmé dans la contemplation de l’ensemble, et dans les mille pensées qui sortent de chacun de ces débris.

158. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Les découvertes pouvant en être bienfaisantes, il n’en regarda jamais l’étude comme inutile. […] Regardons maintenant quel est le degré d’intérêt de ces deux ordres de vérités, soit pour celui qui les enseigne, soit pour ceux auxquels il s’adresse. […] Si Descartes faiblit dans ses preuves, tout au plus en sera-t-il troublé, à cause des curieux qui ont les yeux sur lui, et qui regardent s’il ne va pas être contredit par sa propre méthode. […] Regardons un moment cette piquante image de l’homme de bonne foi dans un parti malhonnête. […] Boileau regardait Pascal comme le meilleur écrivain en prose de son siècle51.

159. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

Il regarde toujours en arrière ; en avant, jamais. […] Abordez-la hardiment cette forme, déroulez ses volutes, regardez derrière ses images, et vous ne trouverez rien, rien : et si comme Polonius je vous demande : Que lisez-vous là, Monseigneur ? […] Les purs savants regardent le Cosmos comme une œuvre un peu légère. […] Allez dans une de ces usines immenses qui fument aux bords de la Seine, près de Paris, à Asnières, par exemple, entrez et regardez. […] Ils regardent tous le maître-forgeron qui ne parle pas et qui, debout, le bras levé, la main tendue, fait un geste que comprennent ses intelligents ouvriers.

160. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Brenet » p. 257

Un jeune mousquetaire appellé Moret regardait avec attention un homme assez plat, assis au café de Viseux à la même table que lui. Cet homme si attentivement et si continuement regardé dit à Moret : monsieur, est-ce que vous m’auriez vu quelque part ?

161. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre onzième »

C’est une raison pour le regarder de plus près. […] les seuls qu’on regarde de près, les siens ! […] C’est le même œil qui lit en nous et en autrui : si cet œil se trouble quand nous le tournons sur nous-mêmes, il n’est pas net quand il regarde nos semblables. […] Il leur voit des visages d’abord ouverts qui se voilent ; des yeux qui, après l’avoir regardé en face, se détournent : nul doute, ce sont des ennemis venus avec des dehors pacifiques pour mieux le tromper. […] Plus on le regarde, et plus on est porté à le plaindre.

162. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

Aujourd’hui de la mouche, sur laquelle je suis venu d’Auteuil, je regardais. […] Je vague au milieu de mes livres, sans les ouvrir, de mes dessins et de mes fleurs, sans les regarder. […] Et je regardais dans cette lumière indescriptible, dans cette lumière faite de la clarté mourante d’un crépuscule et du flambement flave du gaz, mal allumé, je regardais la petite Charlotte Bernard, passer des coulisses sur la scène, avec sur sa peau des colorations et des glacis d’une créature de clair de lune. […] Les deux façades dont l’une regarde Catinat, dont l’autre regarde le parc et Montmorency, sont pour ainsi dire deux grandes baies vitrées, par lesquelles le soleil et la lumière entrent à flot. […] Et nous voici devant la grande baie qui regarde Catinat, et devant un amoncellement de meubles et de porcelaines encombrant le vide, avec la profusion qu’aime la princesse.

163. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre II. Les génies »

Ils sont regardés par les aigles, ils sont tâtés par les éclairs ; l’ouragan est furieux. […] Et je dis : « Ossements, levez-vous. » Et je regardai. […] Lucrèce tourne le dos à l’humanité et regarde fixement l’Énigme. […] Regardez le dedans de la futaille monstre, vous les y revoyez. […] Enseveli et éternel, le front sortant du sépulcre, Eschyle regarde les générations.

164. (1767) Salon de 1767 « Peintures — La Grenée » pp. 90-121

Tout à fait vers la droite Aglaure écartant un rideau regarde d’un œil colère et jaloux le bonheur de sa sœur. […] Pénélope vue de profil regarde au loin et montre du doigt quelque chose. […] Il regarde Caesar, ce qu’il ne devrait pas. […] Arrangez par derrière ce groupe, un écuyer immobile qui tiene la bride de la pie du maréchal ; qu’il regarde aussi son maître mort ; et qu’il tombe de grosses larmes de ses yeux. […] Il ne convient qu’à de petites choses qu’on regarde de près et par parties.

165. (1892) Boileau « Chapitre VII. L’influence de Boileau » pp. 182-206

Nous pouvons donc rentrer en France, et y regarder la fortune posthume de notre critique. […] La littérature a suivi sa marche sans regarder en arrière : d’autres influences en ont réglé le mouvement, et elle s’est orientée vers de nouveaux principes. […] Ne parlons pas, si l’on veut, d’influence ni d’autorité : mais regardons seulement l’accord des conceptions et l’identité des principes directeurs de la création littéraire. […] Et le xixe  siècle sans y songer, par une évolution naturelle, s’est vu ramené plus près de Despréaux que le xviiie  siècle n’a jamais été : si l’on regarde du moins les lois qui règlent la pratique, et non la méthode qui les établit. […] Nous ne regardons pas bien haut ni bien loin : nous sommes plus positivistes que mystiques et métaphysiciens ; nos pensées ne quittent pas la terre, et vont à l’action, aux effets réels, sensibles, et que l’analyse atteint.

166. (1912) L’art de lire « Chapitre VIII. Les ennemis de la lecture »

Celle de l’artiste, car l’artiste qui comprendrait se méprendrait, il n’a pas à regarder en arrière ; il n’a pas à regarder du tout ; il doit donner. […] Nietzsche ne l’aime pas, sans doute, Nietzsche ne le voit pas comme type du grand poète, lequel est tout instinct et ne doit pas regarder en arrière et ne doit rien regarder du tout ; mais cependant il admet, et il va jusqu’à dire que son extraordinaire puissance de sens critique a, sinon produit, du moins fécondé sa faculté créatrice. […] Non, quand l’artiste travaille il doit s’abandonner à sa faculté créatrice, il ne doit pas regarder en arrière, ni nulle part, il doit « donner ».

167. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIV : De la méthode (Suite) »

Paul a cinquante ans environ ; il est un peu courbé, maladif et maigre ; ses traits sont amincis, et tirés par l’habitude de la réflexion, et ses beaux yeux noirs, pleins de pénétration et d’ardeur, semblent ordinairement voir autre chose que ce qu’il regarde. […] Lorsqu’il parle, il bégaye d’abord et répète plusieurs fois les mêmes mots ; ses phrases sont embarrassées ; il ne regarde pas son interlocuteur en face ; il ressemble à ces oiseaux aux grandes ailes qui ont peine à prendre leur vol.  […] Je n’ai plus besoin de le regarder, je le retrouverai par raisonnement au besoin. […] Regardez de là comment nous avons marché. […] Ils se sont envolés d’un bond dans la loi première, et, fermant les yeux sur la nature, ils ont tenté de retrouver, par une déduction géométrique, le monde qu’ils n’avaient pas regardé.

168. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCIXe entretien. Benvenuto Cellini (1re partie) » pp. 153-232

Ainsi regardez-vous dans ma maison comme dans la sienne.” […] Je me plais, répondit Mme Chigi, à regarder dessiner ce jeune homme, qui est aussi bon qu’il est beau. […] J’y faisais un feu continuel ; ce qui m’attirait les bénédictions de plusieurs cardinaux et seigneurs qui me regardaient. […] Le capitaine me dit : Nous venons ici beaucoup de gens armés, et avec grand bruit ; et vous ne daignez pas nous regarder ! […] Le duc sourit, et ayant regardé Laurent : Vous lui donnerez un revers, lui dit-il, et il ne partira point.

169. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Fléchier n’en était pas moins un prêtre fort régulier, et regardé comme tel. […] regardez, le roi de justice est venu ! […] Malade, occupé d’une personne malade, il a regardé la campagne avec elle. […] Il est debout, immobile, ses yeux ne regardent pas. […] On regarde avec une envie douloureuse le mortel fortuné auquel il daigne confier le bougeoir.

170. (1763) Salon de 1763 « Sculptures et gravures — Falconet » pp. 250-251

Un genou en terre, l’autre levé, les mains serrées fortement l’une dans l’autre, Pigmalion est devant son ouvrage et le regarde. […] Si ce groupe enfoui sous la terre pendant quelques milliers d’années, venait d’en être tiré, avec le nom de Phidias en grec, brisé, mutilé, dans les pieds, dans les bras, je le regarderais en admiration et en silence.

171. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre II. Recherche des vérités générales » pp. 113-119

Regardez maintenant la genèse des chansons de geste à la lumière de cette loi. […] Il regarde autour de la France d’alors dans l’espace et dans le temps. […] L’historien regarde alors la fin du xviie  siècle pour mieux s’expliquer le xviiie  siècle.

172. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Samuel Bailey »

salués d’applaudissements de triomphe, des milliers de savants s’emploieront à des investigations physiques presque infinitésimales ; à rechercher la composition atomique et la structure microscopique du corps ; à explorer les formes innombrables de la vie animale et végétale, invisibles à l’œil tout seul ; à découvrir des planètes qui ont parcouru, inconnues pendant des siècles, leurs orbites obscurs ; à condenser, par la puissance du télescope, en soleils et systèmes, ce qui était regardé récemment encore comme la vapeur élémentaire des étoiles ; à traduire en formules numériques l’inconcevable rapidité des vibrations qui constituent ces rayons, si fermes en apparence que les plus forts vents ne les ébranlent pas ; à mettre ainsi en vue les parties les plus mystérieuses de l’univers matériel, depuis l’infiniment loin jusqu’à l’infiniment petit ; mais l’analyse exacte des phénomènes de conscience, la distinction entre les différences, si fines pourtant et si petites, des sentiments et des opérations ; l’investigation attentive des enchaînements les plus subtils de la pensée, la vue ferme mais délicate de ces analogies mentales qui se dérobent au maniement grossier et négligent de l’observation vulgaire, l’appréciation exacte du langage et de tous ses changements de nuances et de tous ses expédients cachés, la décomposition des procédés du raisonnement, la mise à nu des fondements de l’évidence : tout cela serait stigmatisé comme un exercice superflu de pénétration, comme une perte de puissance analytique, comme une vaine dissection de cheveux, comme un tissage inutile de toiles d’araignées ? […] Croirait-on qu’il lui reproche d’avoir regardé la perception comme un acte analysable, au lieu d’y voir un fait de conscience indécomposable ? […] Mais, après tout, peut-on objecter, quand nous prédisons ou calculons ainsi les actions volontaires de nos semblables, nous ne regardons leur production que comme vraisemblable ; il n’y a point de nécessité dans ce cas ; elles peuvent se produire ou ne pas se produire.

173. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Philippe II »

Il a fait avec moi peut-être comme Dante, à qui Virgile dit : « Regarde et passe !  […] Il m’a regardé et il a passé… Il a suivi imperturbablement la voie de son esprit, qui est robuste et logique. […] Le Protestantisme combattit pour Dieu, contre Dieu… Aux supplices atroces de Philippe II, les atroces supplices d’Élisabeth d’Angleterre répliquaient… L’auteur politique de l’histoire actuelle de Philippe II n’a pas regardé assez avant dans ce fanatisme religieux pour plonger au fond et voir clairement ce qu’il signifiait.

174. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre IV. La philosophie et l’histoire. Carlyle. »

Il doit mettre le nez au vent pour regarder quelle sorte de temps va venir. […] C’est par elle que nous parviendrons à corriger et à comprendre les vues de Hegel et de Gœthe, et si l’on regarde autour de soi les idées qui percent, on découvre que nous y arrivons déjà. […] Chacun les regarde avec des lunettes de portée et de couleur diverses, et nul ne peut atteindre la vérité qu’en tenant compte de la forme et de la teinte que la structure de ses verres impose aux objets qu’il aperçoit. […] Laissez de côté les formules métaphysiques et les considérations politiques, et regardez l’état intérieur de chaque esprit ; quittez le récit nu, oubliez les explications abstraites, et observez les âmes passionnées. […] Nous ne regardons plus la vie comme un temple auguste, mais comme une machine à profits solides, ou comme une salle de divertissements fins[NM].

175. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre X. Machines poétiques. — Vénus dans les bois de Carthage, Raphaël au berceau d’Éden. »

Regarde vers l’orient, parmi ces arbres. […] On y est autorisé par l’histoire de quelques-uns de nos saints, et le démon des voluptés a toujours été regardé comme un des plus dangereux et des plus puissants de l’abîme.

176. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Ollivier » pp. 299-300

Ici, une mère renversée à terre, sur le sein de laquelle un soldat écrase du pied son enfant, le regarde faire sans s’émouvoir, sans jetter un cri. […] Plus on regarde ces deux petits tableaux, plus on les aime, parce qu’il y a de la simplicité et du naturel.

177. (1730) Discours sur la tragédie pp. 1-458

Si quelquefois les amans obtiennent nos suffrages par ce qu’ils tentent d’héroïque pour une maîtresse ; c’est quand ils regardent et que nous regardons avec eux leurs entreprises comme des devoirs. […] Ainsi cette conduite que la parodie fait regarder comme une négligence grossiere, est pourtant le fruit de plusieurs réflexions. […] Elle regarde la conduite de tout l’ouvrage, et le meilleur arrangement de la matiere qu’on s’est choisie. […] De grands esprits n’y regardent pas quelquefois de si près. […] Pour ce qui vous regarde, réflechissez-y un moment ; et vous préviendrez sans doute mes raisons.

178. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre VI. Utilité possible de la conversation »

Dans la jeunesse on regarde volontiers les idées comme erreurs ou vérités absolues, les personnes comme des êtres simples, sans alliage, bons ou mauvais absolument. […] Il faut se défier de cette inclination : il faut ne recevoir ou ne rejeter rien pour la personne qui le dit, et regarder la chose en soi ; mais en même temps se demander pourquoi celui qui parle parle ainsi, à quel sentiment il cède, à quel intérêt, si un autre parlerait de même, si lui-même n’a jamais parlé, ne parlera jamais autrement.

179. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviie entretien. Un intérieur ou les pèlerines de Renève »

La mère nous regarda d’abord avec une certaine surprise, quand Marie lui demanda si elle ne pourrait pas nous donner à coucher. […] Ces trois sommets, comme des points d’écueils dont les vagues se sont retirées, se penchent avant du même côté comme pour regarder la mer qui s’enfuit. Ces trois plateaux élevés qui les séparent, forment trois vallées hautes qui forcent à lever la tête pour les regarder ; on s’imagine voir les flots de la Méditerranée. […] On ne pouvait se lasser de les regarder. […] On ne regarde pas sans terreur les flots noirs du ruisseau encaissé qui baigne les racines, leurs oiseaux de nuit battent les deux bords de leurs ailes effarouchées.

180. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Lettres de m. l’Abbé Sabatier de Castres ; relatives aux trois siecles de la littérature françoise.ABCD » pp. -641

Abauzit, je soutiens qu’on ne peut la regarder, ni comme personnelle, ni comme injuste, ainsi qu’ils le font entendre. […] A propos du Journal Helvétique, permettez, Monsieur, que je réponde à un autre objet qui me regarde. […] Jamais on ne se distingua dans plus de genres différens ; on a donc raison de le regarder comme un Genie universel. […] Un Poëte comique, un Poëte Lyrique, un Savant érudit, qui se trouvoient aussi dans l’Assemblée, alloient parler à leur tour, quand les Interlocuteurs se mirent à se regarder & à éclater de rire. […] Voilà pourtant ces hommes, qu’on a long-temps regardés comme les Oracles de la raison, les ornemens du Siecle, les illustrateurs de la Nation !

181. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

Dans les galeries de Versailles, près des ifs taillés, sous des charmilles géométriques, nous regardions passer le roi, serein et régulier comme le soleil son emblème. […] Dimanche, de Jacques Bonhomme et de Voltaire ; nous nous sentions devant eux comme des écoliers pris en faute ; nous regardions avec chagrin notre triste habit noir, héritage des procureurs et des saute-ruisseaux antiques ; nous jetions les yeux au bout de nos manches, avec inquiétude, craignant d’y voir des mains sales. […] On manie son chapeau, on secoue du doigt ses dentelles, on s’appuie contre une cheminée, on regarde par la fenêtre une pièce d’eau, on calcule ses attitudes et l’on se plie en deux pour les révérences ; on se montre et on regarde ; on donne et on reçoit force embrassades ; on débite et l’on écoute cinq ou six cents compliments par jour. […] On regarde avec une envie douloureuse le mortel fortuné auquel il daigne confier le bougeoir. […] Chose inouïe dans ce siècle, il imagine le physique, comme Victor Hugo ; sans métaphore, ses portraits sont des portraits : « Harlay était un petit homme, vigoureux et maigre, un visage en losange, un nez grand et aquilin, des yeux beaux, parlants, perçants, qui ne regardaient qu’à la dérobée, mais qui, fixés sur un client ou sur un magistrat, étaient pour le faire rentrer en terre ; un habit peu ample, un rabat presque d’ecclésiastique, et des manchettes plates comme eux, une perruque fort brune et fort mêlée de blanc, touffue mais courte, avec une grande calotte par-dessus.

182. (1870) La science et la conscience « Chapitre IV : La métaphysique »

Pour arriver à l’unité absolue de mouvements, il ne reste plus qu’un degré à franchir ; c’est de confondre avec les actions cérébrales les actes psychiques proprement dits, regardés jusqu’ici comme absolument différents des mouvements organiques. […] La conscience a toujours regardé comme le signe suprême de la perfection l’état de réflexion de l’âme humaine dans l’accomplissement de ses actes. […] Le fait est que la question n’est pas aussi simple que le pensent les moralistes profanes, et il faut y regarder de très-près pour voir où est l’exacte vérité dans ce débat entre la morale philosophique et la morale théologique. […] Son esprit est essentiellement distrait ; il regarde tout, le ciel, la nature, l’histoire, avant de se regarder soi-même. […] Le pouvoir individuel de faire le bien a paru si borné, si misérable, au milieu des tempêtes et des naufrages des masses, qu’on ne veut plus regarder qu’aux mouvements généraux et aux évolutions lentes du genre humain.

183. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

Il est trop question avec lui, au point de vue où il se place, de se croiser les bras et de regarder, — avec lui qui, à l’heure la plus ardente de sa jeunesse, peignant la noble élite dont il faisait partie, écrivait : « L’espérance des nouveaux jours est en eux ; ils en sont les apôtres prédestinés, et c’est dans leurs mains qu’est le salut du monde… Ils ont foi à la vérité et à la vertu, ou plutôt, par une providence conservatrice qu’on appelle aussi la force des choses, ces deux images impérissables de la Divinité, sans lesquelles le monde ne saurait aller longtemps, se sont emparées de leurs cœurs pour revivre par eux et pour rajeunir l’humanité. » Et c’est ici, peut-être, que s’explique un coin de l’énigme que nous nous posions plus haut, au sujet de ces intelligences si supérieures à leur action et à leur œuvre. […] « Les événements, a-t-il dit quelque part, sont si absolument déterminés par les idées, et les idées se succèdent et s’enchaînent d’une manière si fatale, que la seule chose dont le philosophe puisse être tenté, c’est de se croiser les bras et de regarder s’accomplir des révolutions auxquelles les hommes peuvent si peu. » Voilà tout entier dans cet aveu notre philosophe-pasteur : voir, regarder, assister, comprendre, expliquer. […] Thiers, au début du National, développait sa théorie constitutionnelle, et venait professer Delorme comme résumé de son Histoire de la Révolution, ces articles ingénieux étaient regardés comme de purs jeux de forme et des fictions un peu vaines au prix de la grande question populaire et sociale ; et ce n’était pas M.  […] Au contraire, il y marquait l’initiative à la civilisation chrétienne, et le devoir d’agir à chacun de ses membres ; il y disait avec plainte : « Comment aurions-nous des hommes politiques, des hommes d’État, quand les questions dont la solution réfléchie peut seule les former ne sont pas même poses, pas même soupçonnées de ceux qui sont assis au gouvernail ; quand, au lieu de regarder à l’horizon, ils regardent à leurs pieds ; quand, au lieu d’étudier l’avenir du monde, et dans cet avenir celui de l’Europe, et dans celui de l’Europe la mission de leur pays, ils ne s’inquiètent, ils ne s’occupent que des détails du ménage national ? […] Il se regarde, il se distingue dans l’eau, et aperçoit mille nuances particulières à son visage.

184. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 257-320

Je regarde le gazon. […] ne les vois pas eux-mêmes ; Ne regarde en eux que toi ! […] LXIII Fior d’Aliza rougit, détourna la tête et regarda, appendue à la muraille, la zampogna de son cousin absent. […] Et celle-ci, ajouta-t-elle en montrant Fior d’Aliza, monsieur, elle en jouerait encore mieux que son mari si elle voulait ; mais depuis nos malheurs, elle n’a plus le cœur à rien qu’à penser à lui, à l’attendre, à le pleurer et à regarder son petit enfant pour retrouver Hyeronimo dans son visage. […] On dirait qu’elle est jalouse de l’amour de la mère pour l’enfant, et qu’elle regarde Fior d’Aliza comme son enfant à elle-même.

185. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 5-64

Les deux fiancés m’avaient adossée sur mon séant contre le parapet du pont, à l’ombre, et ils me regardaient doucement avec de belle eau dans les yeux ; on voyait qu’ils attendaient, pour questionner, que je leur parlasse moi-même la première ; mais je n’osais pas seulement lever un regard sur tout ce beau monde pour lui dire le remercîment que je me sentais dans le cœur. […] — Je vous le disais bien, reprit-elle, en se retournant avec un air de contentement vers son fiancé et vers ses vieux et jeunes parents qui regardaient tout émus du haut du char. […] CLX La tour était haute, étroite, humide et percée seulement, çà et là, de fentes dans l’épaisse muraille, pour regarder par-dessus la ville. […] Le bargello regardait tantôt sa femme, d’un air de joie, tantôt moi d’un air de doute : — Ce visage-là ne fera pas bien peur à mes prisonniers, dit-il en souriant ; mais, après tout, nous sommes chargés de les garder et non de leur faire peur. […] Un petit mur à hauteur d’appui, dans lequel la grille était scellée par le bas, leur servait à s’accouder tout le jour pour respirer, pour regarder le puits et les colombes, ou pour causer de loin avec les prisonniers des autres loges qui leur faisaient face de l’autre côté de la cour.

186. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IX. Le trottoir du Boul’ Mich’ »

. — Regardez comme André Lemoyne s’applique à la « requête ou conquête de l’expression juste », et soyez certains que M.  […] Faguet se regarde pour peindre Montesquieu, il voit Montesquieu patriote à la façon d’Émile Faguet, qui est presque celle de Jules Lemaître. […] Pour qu’il daigne regarder une fleur, il faut qu’elle soit Pâle éperdument de chères pâleurs et une jeune fille ne le troublera que par une « pâleur divine » sœur de la pâleur des lys. […] Pierre Brun, naturellement, se réjouit d’une telle découverte : « Détails un peu bas, sans doute, qu’on peut taxer de trivialité, mais qui nous ont paru ne point manquer d’intérêt et relever, dans une certaine mesure, cette pauvre figure de Louis XIII, en montrant sous sa Majesté effacée… » Je n’ai pas eu le courage d’achever la période ; j’ai fui sans regarder ce que M.  […] Il regarde d’un peu loin les objets de ses dithyrambes, il prend volontiers le Pirée pour un homme, un singe pour un Dieu et Anatole France pour Balzac.

187. (1707) Discours sur la poésie pp. 13-60

Pour les figures, ceux qui ne cherchent que la vérité, ne leur sont pas favorables ; et ils les regardent comme des piéges que l’on tend à l’esprit pour le séduire. […] Il faut donc convenir que ce précepte de la simplicité de l’exorde, ne regarde pas toutes sortes de poësies. […] Il avoit sur l’avenir les mêmes principes qu’Anacréon, qu’il a peut-être un peu trop rebattus dans ses odes : mais il avoit en même tems un naturel heureux, soutenu de la meilleure éducation ; et à la réserve de certains penchans qui à la honte de son pays et de son siécle n’y étoient pas aussi odieux qu’ils auroient dû l’être, on peut regarder Horace comme un des plus honnêtes hommes de l’antiquité. […] S’il met quelque feu dans un ouvrage, et s’il fait regarder à de certaines gens les poëtes comme des hommes inspirés, il les avilit à des yeux plus philosophes, qui les regardent comme des fous yvres de leur art et d’eux-mêmes. […] Ils regardent ceux qui portent ce jugement comme idolâtres d’eux-mêmes, et s’attribuant, au mépris des anciens, une force de raison et une supériorité de génie, qu’ils n’avoient pas.

188. (1857) Cours familier de littérature. III « XVe entretien. Épisode » pp. 161-239

Regarde au pied du toit qui croule : Voilà, près du figuier séché, Le cep vivace qui s’enroule À l’angle du mur ébréché ! […] Ma jument se souvint de la place et de la halte : elle me laissa un moment regarder en arrière. Il y aurait de quoi regarder tout le jour. […] oui, il y a bien longtemps que vous n’étiez venu au pays, qu’on ne regardait plus fumer le château, qu’on n’entendait plus aboyer les chiens là-bas dans le grand jardin sous les tours, qu’on ne voyait plus passer les chevaux blancs qui portaient des dames et des messieurs dans les chemins à travers les prés ! […] Je marchai vers la fosse avec eux, et je jetai à mon tour les gouttes d’eau, image des gouttes de larmes, sur le cercueil de la jeune fille, et je rentrai sans avoir osé regarder le pauvre père !

189. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires sur la mort de Louis XV »

L’idée que j’avais avec toute la Cour de l’effet que ferait sur le roi le second accès de fièvre, rendait à ma curiosité ce moment intéressant, il me l’était d’ailleurs encore plus par le renvoi, que je regardais comme certain, de sa maîtresse, et par la chute d’un ministre, et d’un ministre odieux, qui devait être la suite nécessaire du renvoi de cette maîtresse. […] Cependant cette inquiétude du roi ne paraissait encore point fondée, et Lemonnier, qui connaissait sa disposition naturelle à s’effrayer de rien, regardait cette inquiétude plutôt comme un effet ordinaire d’une telle disposition que comme le présage d’une maladie. […] Mme Dubarry, qui connaissait le roi comme Lemonnier, pensait comme lui sur la réalité des douleurs dont le roi se plaignait et s’inquiétait, mais regardait comme un avantage pour elle les soins qu’elle pourrait lui rendre, et l’occupation qu’elle pourrait lui montrer avoir de lui. […] Les médecins qui entouraient le lit, à la vue de ces rougeurs qui étaient déjà des boutons élevés sur la peau, se regardèrent entre eux avec un accord et un étonnement qui fut l’aveu de leur ignorance. […] Sur le matin, et dans les moments où ils voyaient avec plus d’effroi l’état du roi, M. de Bouillon, qui, tout en pleurant, venait de s’éveiller, regarda tendrement La Martinière, et lui avançant les deux bras : « Vous voyez bien cela, lui dit-il, mon cher La Martinière, ce sont mes deux bras, c’est certainement ce que j’aime le plus au monde ; eh bien !

190. (1894) Propos de littérature « Chapitre V » pp. 111-140

Vielé-Griffin à un poète qui fut plus savant versificateur que lui mais regarda de plus petites choses à Jean de La Fontaine. […] Il a des images de la campagne plutôt que l’âme populaire, laquelle est d’ailleurs de la ville aussi bien que du village ; il fait songer à un promeneur qui regarde et s’étonne mais demeure étranger au paysage. […] Mais c’est parce que, pendant si longtemps, nous avons négligé de regarder à nos pieds, c’est pour cela que nous pouvons malaisément aujourd’hui retrouver tout ce qui s’épanouit à même notre terre. […] Nonchalant de sa longue promenade il s’est couché parmi les herbes, et regarde. […] Mais il n’a pas je crois abandonné l’armure sans la regarder à loisir ; il en a considéré les justes proportions, il a compté les gemmes incrustées et je sais fort bien qu’il en a détaché une sombre et radieuse améthyste pour parer sa mélancolie.

191. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1879 » pp. 55-96

Enfin un jour l’acteur impatienté lança à l’auteur : « Si je la regarde, je suis un voleur ; si je ne la regarde pas, je ne suis qu’un filou !  […] Et il m’est arrivé ces temps-ci de me priver de regarder, tout un jour de travail, un objet acheté la veille et apporté le matin. […] Samedi 7 juin Je suis à l’enterrement du vieux Maherault, l’avant-dernier collectionneur sincère, l’avant-dernier collectionneur pauvre — je me regarde comme le dernier, — et je n’entends que colloques sans pudeur d’amateurs, tout réjouis par la perspective de la vente, et ne vois que têtes de marchands d’estampes, travaillant à attirer sur elles, l’attention de la famille. […] — Eh bien c’est ça, le péroné est cassé, regardez ce bourrelet… c’est toujours l’indication d’une cassure. […] Après dîner, je tombe sur un petit album de Gavarni, où il a cherché à rendre les penchements de côté et en avant des jockeys, dans la rapidité d’une course : « Tiens, dit-il, regarde ça, c’est curieux, j’ai relevé, un matin, dans une allée de course à Chantilly, une piste », — et il me fait voir un petit losange se resserrant et obliquant jusqu’à une ligne, formée de points qui ferait croire, qu’à la fin le cheval ne court plus que sur un pied : « C’est drôle, n’est-ce pas ?

192. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre III. L’histoire réelle — Chacun remis à sa place »

Les peuples ne regardaient même pas. […] Elle ferme les yeux quand une altesse lui dit : Histoire, ne regarde pas. […] L’homme qui regardait s’appelait Christophe Colomb, l’homme qui disait : c’est là, se nommait Martin Behaim. […] C’est ce que regardait Jérôme Bonaparte. — Qu’est ceci ? […] Regardez, levez les yeux, l’épopée suprême s’accomplit.

193. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre III. La poésie : V. Hugo et le Parnasse »

Il n’est pas tendre : quand il parle d’amour pour son compte personnel, il mêle un peu de sensualité très matérielle à la galanterie mièvre, à la rhétorique éclatante : il ne s’aliène pas assez pour connaître les grandes passions ; de sa hauteur de poète pensif, il se plaît trop à regarder l’amour de la femme « comme un chien à ses pieds 870 ». […] Regardons les Châtiments : évidemment la table des matières est un trompe-l’œil. […] Il regarde la vie avec une tristesse qui naît d’un absolu, d’un incurable pessimisme. […] Il regarde, il saisit la vie universelle en tous ses accidents. […] Mais nous ne pouvons regarder ici que les chefs de file pour ainsi dire, ceux qui se séparent par une énergique originalité, ou dont l’impérieux exemple indique des directions nouvelles.

194. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — I » pp. 246-260

L’abbé de Saint-Pierre, en négligeant de plaire aux lecteurs, allait donc contre ses principes… Son défaut était moins de nous regarder comme des enfants que de nous parler comme à des hommes. » Que ne connaissait-il mieux les poètes ! […] Chassez un chien du fauteuil du roi, il grimpe à la chaire du prédicateur, il regarde le monde indifféremment, sans embarras, sans pudeur : il n’a pas, non plus que le sot, de quoi rougir. […] C’est bien lui qui allait à l’objet présent de sa curiosité tout droit, sans regarder ni à droite ni à gauche, sans prêter attention aux railleries ni s’en mortifier, — avec ténacité, tranquillité, et une sorte d’effronterie naïve. C’est bien lui qui, lorsqu’il crut devoir passer de l’étude de la morale à celle de la politique, et qu’il eut acheté pour cela une charge de Cour (celle de premier aumônier de Madame, mère du duc d’Orléans), ne considéra cette espèce de sinécure auprès d’une princesse restée à demi protestante, que comme une petite loge à un beau spectacle, comme une entrée de faveur pour approcher plus aisément ceux qui gouvernaient, et se mit à les regarder, à les étudier à bout portant, bientôt à les aborder et à les harceler de questions, en attendant qu’il les poursuivît, sous la Régence, de ses projets et de ses conseils.

195. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Théophile (1811-1872) »

. — Regardez, mais n’y touchez pas (1847). — Les Fêtes de Madrid (1847). — Partie carrée (1851). — Italia (1852). — Les Émaux et Camées (1852). — L’Art moderne (1852). — Les Beaux-Arts en Europe (1852). — Caprices et zigzags (1802). — Aria Marcelin (1852). — Gemma (1854). — Constantinople (1854). — Théâtre de poche (1855). — Le Roman de la Momie (1856). — Jettatura (1857) […] Auguste Desplaces Je regardais, tout à l’heure, sur la fenêtre en face de la mienne, un vase de fleurs qu’une jolie voisine avait exposé là au vent frais du matin. […] Ne pleurez pas, malgré la plus juste des causes, Car celui qui dort là dans un blême lambeau Sut regarder sans pleurs les hommes et les choses. […] Sa parole de marbre et d’or avait le son Des clairons de l’été chassant les jours moroses ; Comme en Thrace Apollon banni des grands cieux roses, Il regardait du cœur l’Olympe, sa maison.

196. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Premiere partie. » pp. 12-34

Que ces esprits indifférens sur le désordre qui ne les touche pas, que ceux dont la foible prudence méconnoit cette vertu supérieure à toute crainte, l’appellent un insensé, ou le regardent comme un misantrope qui se livre au triste plaisir d’exercer une censure amere ; ce n’est pas à eux de sentir qu’il est impossible à l’homme vertueux de garder le silence, tandis que les cris plaintifs des victimes de l’oppression retentissent à son oreille & frappent son cœur sensible, tandis que les droits éternels de la Justice sont violés pour satisfaire quelques monstres avides, tandis qu’un peuple entier vit dans les larmes, ayant tout perdu jusqu’au droit lamentable d’élever ses soupirs ; ah ! le desir généreux de venger ses freres de l’attentat des méchans enflamme son courage(a), & si vous croyez que la vanité seule conduit sa plume, hommes ingrats, regardez les persécutions qu’il essuie, son exil, sa vie errante, ses malheurs. […] Le tranquille Observateur assis sur la pointe d’un roc qui domine l’Océan, représente le Sage, qui d’un lieu élevé regarde les agitations qui troublent les mortels. […] Ceci regarde les Orientaux, Peuples soumis à la volonté arbitraire d’un seul homme, & qui d’après l’expérience n’ont jamais excellé dans les Arts qui font l’honneur de l’humanité.

197. (1842) Essai sur Adolphe

L’œil attaché sur l’horizon lointain, mais sûr d’arriver, il ne détournerait pas la tête pour regarder en arrière ; il se résignerait de bonne grâce à la continuité harmonieuse de ses efforts. […] Je m’enfermerai dans mon amour comme dans une tour fortifiée, et je regarderai s’enfuir sur la route lointaine ces rêves dorés de ma jeunesse, si splendides aux premiers jours, et maintenant pâlissants et confus. […] « Permettez seulement que je lui sois présente à chaque heure du jour ; permettez qu’il ne souhaite rien au-delà de mon amour, et qu’il ne regarde pas en arrière ; faites qu’il vive tout en moi, comme je vis toute en lui. » Mais un jour la mesure du sacrifice était comblée : elle a douté de la reconnaissance qu’elle avait méritée ; l’inquiétude a rongé le fruit de son amour. […] Par compassion pour sa victime, Adolphe déguisera son ennui et forcera son regarda sourire.

198. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XI. Trois bons médanistes : Henry Céard, Joris-Karl Huysmans, Lucien Descaves » pp. 145-156

Mais il regarda trop en artiste les maladies, pour pouvoir les comprendre en savant. […] « Ils connurent la mélancolie des choses finies dont la médiocrité même ne recommencera pas. » D’ailleurs, de notre place nous pouvons regarder la galerie, et elle fait toujours sourire. […] Mais que Huysmans se soit seulement assimilé son Durtal le temps d’écrire son livre, ou qu’il l’ait été lui-même, ceci ne regarde que lui et les historiens futurs.

199. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XV » pp. 175-187

Il résulte, je crois, de ce qui précède, qu’on peut regarder la révolution opérée dans la langue comme l’ouvrage de deux sociétés distinctes qui se partageaient la société générale des femmes honnêtes. […] Je n’ai pas la présomption et la témérité de m’élever ici contre le retour de la littérature vers le mélange de genres, de tons et de style que l’on a regardé, du temps des précieuses et depuis, comme de la barbarie. […] Aujourd’hui Racine ne regarderait pas comme héroïque cette réponse de Porus à Alexandre qui lui demande comment il veut être traité : En roi .

200. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 5, des études et des progrès des peintres et des poëtes » pp. 44-57

Le peintre a très-bien conservé à chacun des assistans son caractere propre ; mais sur tout l’on voit avec plaisir le genre d’étonnement des suisses du pape, qui regardent le miracle du bas du tableau où Raphaël les a placez. […] Jules regarde bien le miracle avec attention, mais il n’en paroît pas beaucoup ému. […] Ce que je regarde comme un mauvais présage, c’est qu’un jeune homme soit peu touché de l’excellence des productions des grands maîtres : c’est qu’il n’entre point dans une espece d’enthousiasme en les lisant : c’est qu’il ait besoin, pour connoître s’il doit les estimer, de calculer les beautez et les défauts qu’il y compte, et qu’il ne forme son avis sur leur mérite qu’après avoir soudé son calcul.

201. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Louis Nicolardot » pp. 217-228

On dirait, au dégagé de la note, à la prestesse de la date sur laquelle il ne pèse que le temps de la tracer, que ces faits ne le regardent pas, ces faits menaçants, précurseurs, qui commencent d’aiguiser, sur une pierre invisible, la hache qui lui coupera le cou ! […] Il ne regarda jamais au massacre. […] Il finit même par tuer des hirondelles, ces pauvres oiseaux que les Anciens regardaient comme le charme préservateur du foyer.

202. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 220-226

Aussi la compilation de Dupleix n’est pas plus regardée, par les Connoisseurs, comme une Histoire, que le Siecle de Louis XIV, celui de Louis XV, l’Essai sur l’Histoire générale, distribués de la même façon. […] L’Introduction, entre autres, à la Description de la Lorraine & du Barrois, qui forme un volume in-8° de plus de cinq cents pages, peut être regardée comme un des meilleurs Ouvrages qui aient paru en ce genre : c’est une véritable Histoire, mais abrégée, de la Lorraine & du Barrois, depuis la plus haute antiquité jusqu’à la mort du dernier Duc, le feu Roi de Pologne, Stanislas I.

203. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Avertissement de l’auteur »

La première leçon, en particulier, peut être regardée tout entière comme le développement de la définition exacte de ce que j’appelle la philosophie positive. […] Le terme que j’ai été conduit à construire est donc, à la fois, plus étendu et plus restreint que les dénominations, d’ailleurs analogues, quant au caractère fondamental des idées, qu’on pourrait, de prime abord, regarder comme équivalentes.

204. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

Elle regarda l’heure. […] Des gens le regardaient. […] — Dis donc, regarde… Qu’est-ce que c’est ? […] Les yeux brûlants dont il la regardait disaient clairement : « Ah ! […] Solange regardait.

205. (1884) La légende du Parnasse contemporain

— romanciers naturalistes, qui donc a proclamé le premier la liberté de tout regarder et de tout dire ? […] Il regardait autour de lui. […] Regardez de plus près : vous changerez d’avis quelquefois. […] Alors, face à face, nous nous regardâmes tous les trois et nous partîmes d’un grand éclat de rire. […] Regarder en arrière, empêche de marcher en avant.

206. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

M. de Voltaire regarde l’empire de l’esprit, et l’honneur d’être le modèle des autres peuples, comme des marques infaillibles de grandeur. […] Les maximes de tolérance et d’humanité étaient alors regardées comme la satire du fanatisme religieux. […] Il avait plus de cinquante ans quand mademoiselle Clairon et Le Kain parurent, et ces deux acteurs peuvent être regardés comme les principaux artisans de sa gloire. […] Peu de chevaliers ont joué un assez grand rôle dans le monde pour qu’ils puissent être les héros d’une tragédie : Le Cid même n’est regardé que comme une tragi-comédie. […] De quel œil pouvaient-ils regarder le sénat, quand ils se retraçaient l’image du fondateur de l’empire, du meilleur des hommes, égorgé par les sénateurs ?

207. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

Mais regardez où ce bon sens fait défaut. […] Tout est petit, fragile et caduc, si vous regardez la prescience divine ; mais tout est grand, si vous regardez la liberté humaine. […] Sauf en ce qui regarde l’âme des bêtes, il est cartésien122. […] C’est par ce côté que je regarde la querelle de ces deux grands hommes. […] Il y mettait pour première condition qu’on déclarât le concile de Trente au moins comme suspensif en ce qui regarde les protestants.

208. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

… Mais, regarde-moi, je meurs de cet effroyable secret… C’est fini. […] Il me regarda, paralysé par une insoutenable souffrance. […] Miserey s’avança jusqu’au milieu, s’arrêta en face de l’horloge et regarda fixement. […] La mère, soulevée sur un coude, nous regardait. […] Accoudé sur le bastingage, il regardait défiler les rives avec bonheur.

209. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VI. Les romanciers. » pp. 83-171

De quelque côté qu’on regarde sa vie, on n’y voit qu’efforts prolongés et persécutions subies. […] On n’a qu’à regarder alentour ; le même penchant commence de tous côtés la même œuvre. […] Le puritanisme devenu laïque. « Elle n’a jamais pu regarder un devoir avec indifférence1061 », et elle a passé sa vie à regarder ses devoirs1062. […] Il y a plaisir à regarder ces puissants estomacs : le roastbeef y descend comme dans sa place naturelle. […] Regardez bien, voici des leçons qui portent : celle-ci est contre le gin.

210. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

Il est maître chez lui et regarde attentivement les gens qu’il y admet. […] Regardez un peu par là. […] Regardez !  […] La vie l’amuse et il ne regarde pas en arrière. […] Elle est restée enfant, non pas quant aux sens, mais par tout ce qui regarde l’esprit.

211. (1886) Le roman russe pp. -351

Ceux-là le savent qui regardent du côté de la jeunesse. […] On les chasse à leur tour ; enfin, la nation pourra respirer et regarder devant elle : de quel côté ? […] Ils disent que pour peindre Lucifer, l’auteur du Démon n’eut qu’à regarder au dedans de soi. […] On avait cessé de regarder dans ce puissant cerveau, depuis longtemps vide d’images et de joies. […]Regardez, comme c’est bien !

212. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 240-246

On peut la regarder comme un petit chef-d'œuvre d'invention, d'esprit, de délicatesse, & de plaisanterie. […] Comme on voit quelquefois dans l'Ardenne fameuse, Et dans les prés herbus où le Rhin joint la Meuse, Deux furieux taureaux par l'amour courroucés, Se heurter fiérement de leurs fronts abaissés : Le troupeau plein d'effroi regarde avec silence ; Le nombre des Pasteurs cede à leur violence : Les deux vaillans rivaux se pressant rudement Des cornes l'un sur l'autre appuyés fortement, Redoublent, sans cesser leurs cruelles atteintes ; De longs ruisseaux de sang leurs épaules sont teintes ; Ils mugissent des coups d'un cri retentissant, Et toute la forêt répond en mugissant…… Ajoutons encore ce morceau sur la briéveté de la vie, & nous ne serons point étonnés que l'Auteur du Lutrin & celui de la Henriade n'aient pas dédaigné de s'approprier plusieurs traits de ce Poëte, injustement oublié.

213. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Le père Bouhours, et Barbier d’Aucour. » pp. 290-296

Commire, lui conseilla de ne pas répondre à d’Aucour, & de le regarder comme un écrivain qu’on honoreroit en le réfutant : Bouhours, ne rougis point de garder le silence. […] Elle le regarde comme un auteur futile qui couroit après les mots.

214. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Vien » pp. 202-205

On ne la regarde pas longtemps sans devenir sensible. […] Je le regarderais souvent, et il serait couvert d’or, lorsque vous ne seriez plus.

215. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Alcide Dusolier »

Le moraliste, que j’ai vu aussi dans ces Propos littéraires et pittoresques, où l’auteur tire les petits ridicules comme les bécassines, et en entretiendrait la cuisine du Nain Jaune s’il lui plaisait, le moraliste doublera parfaitement le peintre quand Dusolier voudra sérieusement être romancier et regarder dans les cœurs et dans le sien comme il sait regarder dans les choses extérieures, — les paysages de ses campagnes ou les êtres de son logis !

216. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

Il n’eut qu’à regarder dans les portraits de Versailles cette démarche lente et fière, cet air de tête tranquille et commandant, pour comprendre ce que doit être un aigle ou un lion qui se respecte. […] Ses sujets sont maintenant « ses chers amis », et il fait sa confession générale. « Il ne veut point se flatter. » Il regarde « sans indulgence l’état de sa conscience »38 qui certes n’est pas peu chargée. […] Ils nous ont représenté qu’ils n’ont pas manqué, depuis notre avènement à la couronne, de se trouver à notre lever ; que nous les avons vus toujours sur notre passage, immobiles comme des bornes, et qu’ils se sont extrêmement élevés pour regarder sur les épaules les plus hautes Notre Sérénité. […] Remarquer de quel air nos ouvriers, à Paris surtout, regardent ceux qui se montrent dans les rues en froc et pieds nus ; leurs gestes et leurs paroles expriment de toutes parts un étonnement malveillant qui va jusqu’au dédain, Ils sont à leur endroit et contre eux tout à fait positifs et utilitaires. […]     Mes amis, dit le solitaire, Les choses d’ici-bas ne me regardent plus.

217. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

ajouta Arcadi Pavlitch avec calme, et il le regarda fixement. […] Je le regardai avec un redoublement d’attention. […] Je me tus… Il leva la tête et me regarda. […] Birouk me regarda en faisant un signe de tête. […] Le paysan me regarda sans relever la tête.

218. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

Je m’avance le long de la rive du lac, formé par les eaux du torrent, jusqu’au milieu de la distance qui sépare les deux chaînes, je regarde, je vois le pont de bois à une hauteur et dans un éloignement prodigieux. […] Un bruit éclatant me fait regarder à ma gauche, c’est celui d’une chute d’eaux qui s’échappent d’entre des plantes et des arbustes qui couvrent le haut d’une roche voisine, et qui se mêlent en tombant aux eaux stagnantes du torrent. […] Je regardais, je sentais, j’admirais, je ne raisonnais plus, je m’écriais : ô profondeur des mers ! […] Contentez-vous de l’esplanade et de ce qui s’y passe, ne regardez que les degrés avec les différentes manœuvres qui s’y exécutent, et votre goût sera satisfait. […] Je veille, je vois, j’entends, je regarde, je suis frappé de terreur ; à l’instant la tête commande, agit, dispose des autres organes ; je dors, les organes conçoivent d’eux-mêmes la même agitation, les mêmes mouvemens, les mêmes spasmes que la terreur leur avait imprimés, et à l’instant ces organes commandent à la tête, en disposent, et je crois voir, regarder, entendre.

219. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLIXe Entretien. L’histoire, ou Hérodote »

Son livre est plein de critique ; c’est un homme d’esprit sans parti pris, qui vous mène promener à travers le monde et qui vous dit : « Regardez et concluez. » Il a aussi beaucoup d’analogie avec Voltaire dans ses Mœurs des nations. […] Une même contrée ne produit pas toutes les choses nécessaires ; elle en donne une, il lui en manque une autre ; seulement, celle qui en fournit le plus est regardée comme la meilleure : il en est ainsi de l’homme. […] Il finit même par regarder comme un homme sans lumières celui qui, mettant de côté la prospérité présente, recommandait d’attendre la fin de toutes choses pour les juger. […] » Harpagus répliqua qu’il pouvait justement le regarder comme son propre ouvrage, puisque c’était lui qui avait écrit à Cyrus pour le lui conseiller […] Ils lui donnèrent le nom d’Euristhène ; et à l’autre, qu’il regardaient comme le puîné, celui de Proclès.

220. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

Je viendrais te voir et tu la regarderais. […] Pour bien saisir les proportions des différentes parties d’un tout, le plus sûr est encore de regarder à une certaine distance, la netteté de quelques détails dût-elle en souffrir. […] Ainsi ont pu trouver place dans le roman moderne des sujets qu’on avait coutume de regarder comme laids ou inconvenants ; mais il y faut de l’art, et beaucoup d’art ; ce qui est beau en demande moins, ce qui est laid en demande infiniment. Il s’agit tout simplement de trouver par quel côté le laid cesse de l’être, c’est-à-dire en quel sens il a droit à notre sympathie, droit qui est celui de tout ce qui existe, à la seule condition qu’on sache regarder les choses sous un certain jour. […] George Elliot nous dit se contenter de regarder la vieille femme songeuse, penchée sur un pot de fleurs et mangeant son dîner solitaire ; — eh !

221. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 11-15754

Si vous considérez le corps en tant que figuré, il est évident que vous ne le regardez pas comme lumineux, ni comme vivant, vous ne lui ôtez rien : ainsi il seroit ridicule de conclurre de votre abstraction, que ce corps que votre esprit ne regarde que comme figuré, ne puisse pas être en même tems en lui-même étendu, lumineux, vivant, &c. […] terme de Grammaire ; il est surtout en usage dans les anciens Grammairiens ; ils ont d’abord regardé le mot comme ayant la propriété de signifier. […] L’amphibologie de cette phrase consiste en ce que l’esprit peut ou regarder te comme le terme de l’action de vincere, ensorte qu’alors ce sera Pyrrhus qui sera vaincu ; ou bien on peut regarder Romanos comme ceux qui seront vaincus, & alors Pyrrhus remportera la victoire. […] R. regardent cette prétendue figure comme une chimere & une absurdité qui détruiroit toutes les regles de la Grammaire. […] Ainsi regardons 1°.

222. (1890) L’avenir de la science « I »

Je le regarde comme le principe de toute noble vie, comme la formule expressive, quoique dangereuse en sa brièveté, de la nature humaine, au point de vue de la moralité et du devoir. […] J’ai la faiblesse de regarder comme de mauvais ton et très facile à imiter cette prétendue délicatesse, qui ne peut se résoudre à prendre la vie comme chose sérieuse et sainte ; et, s’il n’y avait pas d’autre choix à faire, je préférerais, au moins en morale, les formules du plus étroit dogmatisme à cette légèreté, à laquelle on fait beaucoup d’honneur en lui donnant le nom de scepticisme, et qu’il faudrait appeler niaiserie et nullité. […] Et pourtant tout le sérieux de la vie s’use autour de l’acquisition de la richesse, et on ne regarde le plaisir que comme un délassement pour les moments perdus et les années inutiles.

223. (1890) L’avenir de la science « IX »

Une philo-sophie qui croit pouvoir tout tirer de son propre sein, c’est-à-dire de l’étude de l’âme et de considérations purement abstraites, doit nécessairement mépriser l’érudition et la regarder comme préjudiciable aux progrès de la raison. […] Celui qu’on regarde ordinairement comme le fondateur de la philosophie rationnelle, Thalès, ne serait plus aujourd’hui appelé philosophe. […] Cela doit même être admis dans les idées du théisme ancien, puisque, suivant cette manière de concevoir le système des choses, Dieu est regardé comme ne créant plus dans le temps, mais ayant tout créé à l’origine.

224. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre X. Prédictions du lac. »

Regardez les oiseaux du ciel : ils ne sèment ni ne moissonnent ; ils n’ont ni cellier ni grenier, et votre Père céleste les nourrit. […] La troupe heureuse, se reposant sur le Père céleste pour la satisfaction de ses besoins, avait pour première règle de regarder les soucis de la vie comme un mal qui étouffe en l’homme le germe de tout bien 488. […] Le pauvre, qui n’en souffrait pas, devait se regarder comme le favori de Dieu, tandis que le riche, ayant une possession peu sûre, était le vrai déshérité.

225. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Préface. de. la premiere édition. » pp. 1-22

Les Esprits qui ne jugent que par des impulsions étrangeres, qui n’estiment que sur parole, qui se laissent entraîner par la multitude, les ont regardés jusqu’à présent comme des Lumieres, des Génies, des Bienfaiteurs ; nous, qui les avons lus, connus & approfondis, nous les mettons à leur place, & faisons disparoître les trophées que l’inconsidération & la surprise avoient érigés en leur honneur. […] Dès-lors, il a été facile de voir que ce qui avoit pu échapper à leur plume, & être regardé comme les effets d’un délire momentané, de la démangeaison d’écrire, du desir de la singularité, étoit assez souvent réalisé dans leurs démarches. […] Tout ce qui a pu donner lieu à des réflexions intéressantes, à des critiques utiles, à des réfutations nécessaires, à des discussions de morale ou de littérature ; en un mot, tout ce qui a été une occasion de rappeler aux vrais principes & de répandre de la variété, n’a pas été regardé comme étranger à notre Ouvrage.

226. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Lenient » pp. 287-299

Ôtez-lui sa robe, ôtez lui son bonnet, et regardez ! […] Lenient, dans sa chaire, ne nous regarde pas. Mais il vient à nous par le livre : qu’il nous soit permis de le regarder.

227. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « W.-H. Prescott » pp. 135-148

Et puisque nous sommes en pleine couleur espagnole, je me permettrai cette image : le taureau anglo-saxon a regardé sans fureur tout le rouge du règne de Philippe II, qui aurait mis hors de sens des têtes moins solides que celle de ce Front-de-Bœuf historique. […] C’est déjà beaucoup qu’avec son dédain philosophique des choses religieuses il en ait parié d’un ton si grave et qu’il les ait regardées d’un si sérieux regard. […] Incontestablement, l’Histoire de Philippe II ne pouvait pas être faite par un Américain qui n’a pas étudié le Catholicisme, et qui le regarde comme une mythologie tombée.

228. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Auguste de Chatillon. À la Grand’Pinte ! »

Et si les hommes à regarder font trop de peine, regardez les choses, et dites, entre le Réalisme en art et en littérature et le Positivisme en philosophie, si l’Idéal peut encore tomber ! […] De même, dans le Dimanche des Rameaux où tout est peint d’un ardent et vif mouvement de brosse, tout, excepté l’intérieur de l’église qui importait plus que le dehors, le poète va chanter la Mère Godichon, ce qui soulève… et fait penser que, si le pauvre et noble Dépouillé se souvient de son blason pourpré de gentilhomme, en regardant la pourpre et l’or d’un beau soleil couchant, les poètes ont aussi leurs blasons, comme les gentilshommes, leurs blasons qu’ils doivent toujours regarder !

229. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre V. Autres preuves tirées des caractères propres aux aristocraties héroïques. — Garde des limites, des ordres politiques, des lois » pp. 321-333

Ils regardaient l’émancipation comme une peine et un châtiment. […] Ils regardèrent les émancipations comme avantageuses ; donnèrent aux légitimations par mariage subséquent tout l’effet du mariage solennel. […] Néanmoins dans le temps même où le gouvernement romain était déjà devenu démocratique, les formules d’actions étaient suivies si rigoureusement qu’il fallut toute l’éloquence de Crassus (que Cicéron appelait le Démosthène104 romain), pour que la substitution pupillaire expresse fût regardée comme contenant la vulgaire qui n’était pas exprimée.

230. (1753) Essai sur la société des gens de lettres et des grands

S’ils eussent vécu dans les siècles que nous appelons barbares, ils eussent alors regardé l’ignorance comme l’ennemie de la vertu : le sage qui voit de sang-froid tous les siècles et même le sien, pense que les hommes y sont à peu près semblables. […] Mais on s’accoutume un peu trop à la regarder comme une loterie toute pure, où l’on croit faire fortune en fabriquant de faux billets. […] Concluons de tout ce que nous venons de dire, que les seuls grands seigneurs dont un homme de lettres doive désirer le commerce, sont ceux qu’il peut traiter et regarder en toute sûreté comme ses égaux et ses amis, et qu’il doit sans exception fuir tous les autres. […] Il est une dernière sorte d’amateurs qui méritent avec quelque raison d’être plus considérés que les autres, et qu’on peut regarder comme des protecteurs plus réels de la littérature ; ce sont ceux qui cherchent à contribuer au progrès des sciences et des arts par leurs bienfaits. […] Mais les hommes sont si attentifs à saisir tout ce qui peut leur donner de la supériorité sur leurs semblables, qu’un bienfait accordé est regardé pour l’ordinaire comme une espèce de titre, une prise de possession de celui qu’on oblige, un acte de souveraineté dont on abuse pour mettre quelque malheureux dans sa dépendance.

231. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin »

Du côté du sud, c’est-à-dire du côté où l’on va et que masquent les hauteurs, il n’y a pas de vue ; si l’on se retourne du côté de la Méditerranée, devenue ici la mer du Nord et qui a disparu à l’horizon, si l’on regarde aussi vers le couchant, on domine « une assez grande étendue de collines et de petites vallées, clairsemées de bouquets de bois, de prairies naturelles et de quelques champs cultivés : « Les collines se couvraient d’ombres, les bois étaient couleur de bronze, les champs avaient la pâleur exquise des blés nouveaux ; le contour des bois s’indiquait par un filet d’ombres bleues. […] Je passai une heure entière couché près de la source à regarder ce pays pâle, ce soleil pâle, à écouter ce vent si doux et si triste. […] Il faut regarder ce peuple à la distance où il lui convient de se montrer : les hommes de près, les femmes de loin ; la chambre à coucher, la mosquée, jamais. […] Je regarde la place vide où était le camp, et je vois le bloc carré et blanc de l’Aïn, pareil au tombeau de Zéthus. […] C’est là, à El-Aghouat, dans cette ville conquise de la veille et tout récemment française, qu’il va passer plusieurs semaines à peindre, à regarder, à s’imbiber de lumière et de soleil ; c’est de là qu’il fera une pointe de quelques jours jusqu’à Aïn-Mahdy à l’Ouest, une ville sainte, célèbre par le siège qu’elle soutint contre Abdel-Kader et par une lutte fratricide qui n’est pas à l’honneur de ce dernier.

232. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite et fin.) »

Celle de Flandre est à la vue du roi, celle d’Allemagne est de même ; l’une et l’autre intéressent sa gloire particulière, de sorte que nous regardons ici que nos besoins ne peuvent être regardés que comme les troisièmes ; car, à l’égard de la Catalogne, j’espère que cette guerre va reprendre son train de défensive… Je dis donc que ne nous regardant ici qu’après les besoins de Flandre et d’Allemagne, M. le maréchal de Catinat est prévenu que soit en qualité de troupes, soit en nombre, le roi ne nous fournira que les troisièmes. […] Ce que je dis pour la nature des troupes, je le dis pour l’argent, pour les vivres, pour les voitures, et pour tout ce qui regarde la dépense : on ne peut pas ôter de la tète de M. le maréchal de Catinat que le roi et l’État ne seront pas en état de la fournir, de sorte que l’amas de toutes ces difficultés le prévient qu’il n’y a rien de bon dans la suite de cette guerre-ci que de l’entretenir sur le pied de l’épargne, d’où dérive la défensive. […] Je vous expose, mon très cher frère, avec sincérité de cœur, les sentiments dans lesquels je suis, non sans bien des réflexions sur le passé et l’avenir de ce qui me regarde. » Et il terminait en s’appliquant cette parole de l’Écriture : « Deus dédit, Deus abstulit… Dieu me l’a donné, Dieu me l’a ôté : que son saint nom soit béni !  […] Le 13 novembre, dans une marche près d’Urago, l’ennemi ayant fait mine d’attaquer, Catinat, qui avait mis pied à terre pour regarder plus commodément avec une lunette, fut blessé à l’avant-bras gauche d’un coup de carabine qui lui déchira ensuite son justaucorps au-dessous de la mamelle ; la balle ne fit que traverser les chairs.

233. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (2e partie) » pp. 161-239

Je regardai dedans : il était vide, mais propre et en bon état, comme si les propriétaires absents comptaient y revenir avec le printemps. — Déjà sur chaque tige les bourgeons étaient gonflés ; quelques arbres même se paraient de fleurs ; mais la terre était encore couverte de neige, et, dans l’air, on sentait toujours le souffle glacial de l’hiver. […] Les parents ne me regardaient plus comme un ennemi, et venaient souvent se poser tout près de moi, comme si j’eusse été l’un des rochers de la caverne. […] Mais le fugitif, plus hardi et paraissant heureux, leur adressa des paroles si rassurantes, que bientôt les uns et les autres semblèrent me regarder comme envoyé par la Providence pour les retirer de toutes leurs tribulations. […] Si vous regardez les hirondelles tandis qu’elles sont en l’air, vous les voyez tournoyer par bandes autour de la cime de quelque arbre qui dépérit, s’il n’est déjà tout à fait mort : on les dirait occupées à poursuivre les insectes dont elles font leur proie ; leurs mouvements sont extrêmement rapides. […] En septembre, pendant la nuit, je regardai dans l’intérieur : il n’y en restait aucun.

234. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIe entretien. Ossian fils de Fingal, (suite) »

Il ne se lassait point de regarder les armes de ses aïeux, ces armes antiques qu’il avait laissées dans son palais, quand il en fut arraché par l’ambitieux Uthal. […] Sulandona regarde si son bien-aimé paraît ; l’heure de son retour est passée […] Suloicha regarda si les étoiles pâlissantes s’étaient retirées du côté de l’orient. […] Étoile brillante, que regardes-tu dans la plaine ? […] ils passent et ne regardent point leur père.

235. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Edmond et Jules de Goncourt »

Soit ; mais il n’est pas non plus sans intérêt de voir comment d’autres la regardent, sous quel angle, de quels yeux et dans quelle disposition d’esprit, et comment ils l’expriment, quel caractère ils aiment à en dégager, quel sorte de grossissement ils lui donnent, et par quel parti pris et par quelle loi de leur tempérament. […] Ainsi un homme qui marche à l’intérieur d’une maison, si nous regardons du dehors, apparaît successivement à chaque fenêtre, et dans les intervalles nous échappe. […] On en est venu à regarder l’optimisme, dans les œuvres d’imagination, comme tout proche de la banalité. […] L’observateur regarde les objets l’un après l’autre, y poursuit la fuite lente du jour, note où en est sur chacun d’eux l’effacement de la lumière au moment où son regard s’y porte. […] Le premier venu en ferait autant : il n’y a qu’à regarder et à prendre des notes  Croyez-vous ?

236. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — I — Vauvenargues et Fauris de Saint-Vincens » pp. 1-16

J’ai toujours regardé comme un bien d’avoir des marques indubitables de ton amitié ; bien loin qu’elles m’aient été à charge pendant ces froideurs apparentes, elles m’en ont consolé, et je m’estimais heureux de trouver cette ressource contre mes tristes soupçons. […] Émile Chasles n’a pas manqué de relever dans son étude intitulée Les Confessions de Vauvenargues : Ce qu’il y a de plus avisé pour l’emprunt qui me regarde, écrit Vauvenargues à Saint-Vincens, c’est de battre à plusieurs portes, de savoir qui a de l’argent, et de sonder tout le monde ; pauvres, riches, domestiques, vieux prêtres, gens de métier, tout est bon, tout peut produire ; et, si l’on ne trouvait pas dans une seule bourse tout l’argent dont j’ai besoin, on pourrait le prendre en plusieurs, et cela reviendrait au même. […] … Vauvenargues, sous ce masque de Sénèque, ne regarde la littérature que comme un pis-aller : contemporain de Voltaire et déjà son ami, il estime pourtant qu’elle ne compte point assez parmi les hommes pour être le but enviable des efforts sérieux de toute une vie. […] Je vous remets, mon cher ami, la disposition de tout ce qui me regarde : offrez mes services, pour quelque emploi que ce soit, si vous le jugez convenable, et n’attendez point ma réponse pour agir ; je me tiendrai heureux et honoré de tout ce que vous ferez pour moi et en mon nom.

237. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre II. L’analyse interne d’une œuvre littéraire » pp. 32-46

Regardez tel morceau littéraire : c’est un tableau, parfois un bas-relief. […] Il faut savoir regarder dans son ensemble et classer toute la flore des sentiments humains pour distinguer ceux que contient une œuvre littéraire. […] Mais cette prétention est elle-même une intention curieuse à relever ; puis elle est loin d’être toujours justifiée ; et il suffit parfois de bien regarder pour découvrir dans ces peintures soi-disant impersonnelles un parti pris, un esprit de système, par conséquent une tendance assez mal dissimulée. […] Regardez aussi, si vous voulez, ces histoires macabres de morts vivants, d’êtres inanimés prenant une âme, d’ombres impalpables circulant autour de nous, comme vous en trouverez à foison dans les légendes du moyen âge ou, plus près de nous, chez Maupassant ou chez Rollinat.

238. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Jouffroy.] » pp. 532-533

Mais ce dernier soin concernait uniquement mes camarades ; je ne me regardais que comme un petit en admiration devant mes aînés, et je n’étais pas encore             Mordu du chien de la métromanie. […] Aussi, tandis que les deux prêtres se réjouissaient fort naturellement de ce que je regardais comme le plus grand de malheurs, me dérobai-je à eux le plus tôt que je pus, pour aller pleurer en liberté sur la montagne ce grand désastre.

239. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 189-194

Non seulement Dorat peut être regardé comme le Pere commun des Poëtes de son temps ; il fut encore Poëte lui-même, & bon Poëte, si l’on en juge par quelques-uns de ses Vers Grecs & Latins qui le firent surnommer par ses contemporains, le Pindare Moderne ; car alors on ne louoit que par comparaison. […] Après avoir lu ses Odes, ses Héroïdes, ses Contes, ses Fables, ses Romans, ses Comédies, ses Tragédies, son Poëme sur la déclamation, les Lecteurs éclairés sont forcés de regarder tant de Productions, comme des especes de phosphores qui éblouissent un instant, pour se perdre ensuite dans l’obscurité.

240. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre II. Amour passionné. — Didon. »

. : on ne peut plus s’occuper que d’elle ; on en est possédé, enivré : on la retrouve partout ; tout en retrace les funestes images ; tout en réveille les injustes désirs : le monde, la solitude, la présence, l’éloignement, les objets les plus indifférents, les occupations les plus sérieuses, le temple saint lui-même, les autels sacrés, les mystères terribles en rappellent le souvenir32. » « C’est un désordre, s’écrie le même orateur dans la Pécheresse 33, d’aimer pour lui-même ce qui ne peut être ni notre bonheur, ni notre perfection, ni par conséquent notre repos : car aimer, c’est chercher la félicité dans ce qu’on aime ; c’est vouloir trouver dans l’objet aimé tout ce qui manque à notre cœur ; c’est l’appeler au secours de ce vide affreux que nous sentons en nous-mêmes, et nous flatter qu’il sera capable de le remplir ; c’est le regarder comme la ressource de tous nos besoins, le remède de tous nos maux, l’auteur de nos biens34… Mais cet amour des créatures est suivi des plus cruelles incertitudes : on doute toujours si l’on est aimé comme l’on aime ; on est ingénieux à se rendre malheureux, et à former à soi-même des craintes, des soupçons, des jalousies ; plus on est de bonne foi, plus on souffre ; on est le martyr de ses propres défiances : vous le savez, et ce n’est pas à moi à venir vous parler ici le langage de vos passions insensées35. » Cette maladie de l’âme se déclare avec fureur, aussitôt que paraît l’objet qui doit en développer le germe. […] Bientôt Didon est abandonnée ; elle regarde avec horreur autour d’elle, et ne voit que des abîmes.

241. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre VII » pp. 278-283

Il ne pouvait être regardé comme le fondateur de la civilisation grecque, puisque, dès l’époque de Deucalion et Pyrrha, elle avait été fondée avec l’institution des mariages, ainsi que nous l’avons démontré en traitant de la sagesse poétique qui fut le principe de cette civilisation. Il ne pouvait être regardé comme le père des poètes, puisqu’avant lui avaient fleuri les poètes théologiens, tels qu’Orphée, Amphion, Linus et Musée ; les chronologistes y joignent Hésiode en le plaçant trente ans avant Homère.

242. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note I. De l’acquisition du langage chez les enfants et dans l’espèce humaine » pp. 357-395

D’autre part, le mot tem (donne, prends, regarde), dont j’ai parlé, est depuis deux mois tombé en désuétude ; elle ne le dit plus, et je ne vois pas qu’elle l’ait remplacé par un autre. […] De très bonne heure, on l’avait promené au grand air ; dans les premiers temps, sitôt qu’il était dehors, il dormait ; puis il a moins dormi, et il a regardé. […] Ainsi, pendant plus de six semaines (fin du septième et huitième mois), assis sur un tapis entre des coussins, ayant pour s’amuser une cuiller à café, il ne se lassait jamais de la regarder, de la palper, de l’expérimenter, toujours avec la même attention et le même plaisir. […] On lui a fait regarder ou toucher des mouches, des fourmis, des scarabées qui marchaient devant lui sur le sable. Il les regardait avec un grand plaisir, puis les perdait de vue, puis les cherchait, les découvrait et criait : Bête !

243. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

Je regarde, avec plaisir, la jolie petite tête enthousiaste d’un jeune homme, qu’on me dit être Massenet ; je regarde la tête chevaline du vieux Bapst ; je regarde la tête étonnamment simiesque de Girardin, qui broie sa nourriture, avec les mouvements mélancoliques des mandibules de singes, mâchant à vide. […] » Le romancier de l’Impératrice, après avoir regardé à gauche, à droite, répondit : « Moi, je le trouve très médiocre, mais je serais désolé qu’on m’entendît, on me croirait jaloux de lui !  […] * * * — Un mot profond de femme à un homme, parlant de l’impossibilité de se faire aimer avec des cheveux blancs : « Les femmes ne regardent pas ou du moins ne voient pas les hommes qu’elles aiment. » Aujourd’hui à l’aquarium de l’Exposition, je suis resté une heure, devant les truites. […] Aujourd’hui se dressait sur la table de Nittis, un énorme bouquet de chrysanthèmes jaunes, mais si peu qu’on les voyait blancs, avec l’extrémité des pétales un rien violacée ; et je regardais ce bouquet, sans pouvoir en détourner les yeux : c’était comme la pâleur d’une chair de petite fille, meurtrie par le froid. […] On attache même une certaine importance à la rapidité du faire, et le compagnon du peintre a été regarder l’heure à la pendule, quand l’artiste a commencé !

244. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre II. Lois de la renaissance et de l’effacement des images » pp. 129-161

On monte l’escalier obscur, on sait où mettre la main pour trouver le bouton de la serrure, on s’imagine soi-même à table, à la place accoutumée, on revoit à droite la carafe et à gauche la salière, on savoure intérieurement le goût d’un certain plat du dimanche, on s’étonne, en levant les yeux, de ne pas voir, au même endroit du mur, une vieille gravure que, tout enfant, on a regardée. […] Il en est de même d’un monument, d’une rue, d’un paysage, aperçus plusieurs fois, à différentes heures de la journée, au soir, au matin, par un temps gris, par la pluie, sous un beau soleil, si on les compare au même monument, au même paysage, à la même rue regardés pendant trois minutes, puis remplacés aussitôt par des objets tout différents. […] Pareillement quand je songe à une personne que je connais, ma mémoire oscille entre vingt expressions différentes ; le sourire, le sérieux, le chagrin, le visage penché d’un côté ou d’un autre ; ces différentes expressions se font obstacle ; mon souvenir est bien plus net lorsque je n’en ai vu qu’une pendant une minute, lorsque, par exemple, j’ai regardé une photographie ou un tableau. […] Un homme qui, ayant parcouru une allée de peupliers, veut se représenter un peuplier, ou qui, ayant regardé une grande basse-cour, veut se représenter une poule, éprouve un embarras. […] Il regardait alors les mots de sa liste écrite, et, toutes les fois que les mêmes mots écrits frappaient ses yeux, il les comprenait parfaitement60. » Cette suppression des aptitudes ordinaires fait comprendre la résurrection d’aptitudes perdues.

245. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1877 » pp. 308-348

Un jour donc qu’il regardait piteusement son maître fondre des sels dans l’écuelle habituelle de ses purgations, et qu’il voyait, la chose faite, tout-à-coup le marchand de journaux porter l’écuelle à sa bouche, alors cet animal éclatait de rire, du rire le plus humain. […] Il ajoute avec un tact délicat : « Que le salon Charpentier aura peut-être la fortune — chose regardée comme impossible en France — de réunir et de mettre en contact des gens d’opinion différente, qui s’estiment et s’apprécient, chacun, bien entendu, gardant son opinion. » Et il parle de l’Angleterre, où le soir, dans le même cercle, les antagonistes les plus violents se donnent la main. […] — Moâ, bien content — reprend l’Anglais qui parle très mal le français — je ne suis pas un astronome, je ne suis pas un géologue… les choses que je ne sais pas, ne me regardent pas… je suis un naturaliste… Donc, puisque la Bible dit que c’est un ruminant, et que c’est une erreur… la Bible n’est pas un livre révélé… Moâ bien content… » Et il repasse la porte là-dessus, débarrassé tout à coup de sa religiosité. […] Les inconnus, comme les domestiques, n’ont d’admiration que pour les gens qui ne les regardent pas comme leurs semblables. […] Au sortir de là, des séances chez Bing ou Sichel, puis des dîners chez Noël, où un verre de fine Champagne devant moi, je tire de la poche de ma jaquette qui est sur le cœur, un petit objet précieux que je regarde dans le creux de ma main, avec l’amour d’un objet volé.

246. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre III. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire sacrée & ecclésiastique. » pp. 32-86

Son histoire de la guerre des Juifs est regardée comme un chef-d’œuvre, qui a fait mettre son auteur au rang des Historiens excellens. […] Ce qui regarde proprement l’Histoire Ecclésiastique est beaucoup mieux traité. […] Le discours préliminaire, composé de 272. pages, fait seul un ouvrage complet, qui est regardé comme un chef-d’œuvre. […] L’un est un Philosophe, l’autre ne peut être regardé que comme un Rhéteur. […] Lenfant, illustre réfugié françois, de nous avoir développé avec beaucoup de soin tout ce qui regarde les Conciles de Pise, de Constance & de Bâle ; Conciles intéressans, soit pour la connoissance des erreurs qu’on y a condamnées, soit pour l’extinction du grand schisme d’Occident, qui affligea si long-tems l’Eglise.

247. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « II. M. Capefigue » pp. 9-45

Il aime mieux dire plutôt avec une incroyable sincérité, en parlant de ces mœurs dont les hautes classes en délire donnaient le spectacle à tout un peuple, qui les regardait à travers la grille de Trianon : Certes, non ! […] L’historien y a bien regardé. […] On ne l’y voit pas toujours, mais, regardez-y, elle y est. » Et c’est la vérité ; mais Mme Du Barry et ses pareilles ne sont pas seulement de ces influences ou de ces instruments nécessaires dont les têtes politiques les plus pures sont parfois obligées de jouer : elles sont plus que cela, elles ! […] À part l’admiration pour la femme et l’attendrissement continu pour sa destinée, il n’y a pas un fait ou une manière de regarder les faits qui puisse modifier d’un iota l’opinion générale sur une femmelette dont M.  […] Eut-elle l’importance et l’influence qu’il prétend, et dans cette alcôve de maîtresse qu’il a voulu entrouvrir et qu’il eût été mieux de tenir fermée, pouvait-on réellement trouver cette femme que M. de Maistre voit au fond de toute affaire, et dont il a dit : « On ne l’y voit pas toujours, mais regardez-y.

248. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIII » pp. 237-250

Madame de Montespan elle-même, malgré le plaisir qu’elle avait trouvé autrefois dans ces conversations, les tourna après en ridicule pour divertir le roi63. » Il était fort naturel sans doute qu’à la cour, où tant d’intrigues étaient toujours en action, soit pour la galanterie ou pour la fortune, on regardât comme oisifs les gens qui faisaient les plaisir de la conversation, et que le roi et madame de Montespan, dans les ébats d’un double adultère, eussent besoin de donner un nom ridicule aux personnes spirituelles de mœurs régulières et décentes. […] Elle avait un air distrait et rêveur, qui faisait croire qu’elle méprisait ceux qu’elle regardait ; mais sa civilité et sa bonté raccommodaient en un instant de conversation ce que les distractions pouvaient avoir gâté. […] Madame de La Sablière regarda d’abord cette distraction, cette désertion ; elle examina les mauvaises excuses, les raisons peu sincères, les prétextes, les justifications embarrassées, les conversations peu naturelles, les impatiences de sortir de chez elle, les voyages à Saint-Germain où il jouait, les ennuis, les ne savoir plus que dire ; enfin, quand elle eut bien observé cette éclipse qui se faisait, et le corps étranger qui cachait peu à peu tout cet amour si brillant, elle prit sa résolution, le ne sais ce qu’elle lui a coûté.

249. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Léon Aubineau. La Vie du bienheureux mendiant et pèlerin Benoît-Joseph Labre » pp. 361-375

pas écrit par un poète, ni même par quelqu’un qui ait le génie de l’hagiographie nécessaire pour traiter un pareil sujet, n’en donnera pas moins à l’imagination une de, ces fortes secousses qu’elle aime… Qu’est-ce, en effet, qu’Obermann, René, le Lépreux de la cité d’Aoste, ces trois fameux héros de roman dont on peut dire que l’âme du xixe  siècle en est encore pleine, en comparaison de Benoît-Joseph Labre, ce solitaire comme eux, qui, comme eux, s’était arraché des voies du monde, — pour des raisons plus hautes que les leurs : car, eux, c’était, en ce qui regarde Obermann et René, le dégoût égoïste et hautain d’âmes plus grandes, — ou, du moins, qui se croyaient plus grandes que ce que la vie sociale avait à leur donner, — et, en ce qui regarde le lépreux, la honte d’une affreuse misère ? […] Ses aspirations le portaient (croyait-il) vers la Trappe, mais il en fut doucement repoussé par les supérieurs, qui voyaient peut-être qu’il était réservé à autre chose ; car ces hommes, accoutumés à regarder dans les âmes, y discernent souvent les germes de leur avenir.

250. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Gérard Du Boulan »

voilà l’étonnante découverte faite, pour y avoir regardé, par Gérard du Boulan à son début dans la littérature ; car je n’en suis pas sûr, mais il me fait l’effet d’y débuter. […] Son Alceste est faux, ridiculement faux ; mais le xviie  siècle, dont il le fait l’expression dans une de ses plus méprisables manifestations, mais le xviie  siècle est, dans son livre, regardé d’une vue nette et courageusement jugé. […] On ne regarde que la babiole du siècle, au lieu de voir l’âme immortelle !

251. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Catulle Mendès »

Quelque Narcisse qu’on puisse être, et quelque plaisir orgueilleux qu’on prenne à se regarder dans les autres, devenus des miroirs flatteurs, on finit par se fatiguer et par s’inquiéter d’une répercussion si complète et si fidèle de son moi… On est moins soi-même à ses propres yeux. […] Cette vie et cette mort d’un clown est assurément plus intéressante, parce qu’elle est plus près de nous, que la vie sauvage de Han d’Islande et la vengeance du nègre Bug-Jargal ; mais regardée en dehors de la lueur que Victor Hugo y projette, ce roman de La Vie et la mort d’un clown n’est point, de construction, une œuvre d’art et une composition savante. […] Mendès, ce pandémonium de chimères où les monstres alternent avec les plus difformes caricatures, qui ne sont pas la vérité non plus ; tous sont tellement pétris et tripotés dans l’hyperbole et dans l’impossible, que Victor Hugo lui-même, malgré ses fameux yeux qui grossissent tout ce qu’ils regardent, déconcerté par un tel spectacle, serait bien capable de dire à la fin qu’une telle société de monstres n’existe pas.

252. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « L’Abbé *** »

Franchement, je ne sais trop comment m’y prendre pour vous parler convenablement d’un livre dont le caractère est la platitude, — une platitude comme je n’en ai jamais vu, — une platitude ineffable, qui ne ressort ni de la critique sérieuse ni même de la plaisanterie, et dans lequel, si par hasard le Diable y était pour quelque chose, je le tiendrais, lui qu’on a toujours regardé comme une personne d’esprit, pour complètement déshonoré ! […] Une remarque à faire en passant, c’est que tous ces drôles qui sont, comme le Julio, issus du Vicaire Savoyard, ont le goût pour la botanique de Rousseau, leur père ; seulement, Julio y joint le goût de la géologie, et, comme madame Sand, qui fait présentement des voyages dans le cristal, il fait des voyages dans la pierre et passe sa vie, au lieu de dire son bréviaire comme tout curé y est tenu, à casser de petits cailloux pour leur regarder dans le ventre. […] Ainsi je me suis tu sur la mort de Louise, que Julio assiste comme prêtre, et à laquelle, après l’extrême-onction, il ose donner ce baiser… que je regarde comme une infamie, et qui ajoute pour la première fois dans ce livre l’abjecte sensation du dégoût à la fade sensation de l’ennui.

253. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

» Mais je regardais avec inquiétude son sourire de complaisance, éternelle, et tout bas je cherchais ce qu’il pensait au fond. […] Le gouvernement prussien sera sage s’il y regarde de très près. […] Je ne limite pas votre choix ; quel que soit votre élu, riche, pauvre, noble, bourgeois, ouvrier, paysan, cela vous regarde. […] Cet oiseau était perché sur une corniche et me regardait fixement. […] Quand on explore un pays nouveau, il est si naturel de regarder autour de soi !

254. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. » p. 232

Regarde leurs yeux101 » Alfred de Musset fait lacune dans les relations de Mme Valmore. […] nous étions bien contentes de nous regarder et de nous serrer les mains. […] Si nous les avons mérités, c’est encore plus triste. — Cette réflexion ne regarde que moi, ma bonne amie. […] — Mais si je me remets à regarder la terre, les transes me reprennent et, à la lettre, je crois tomber, et je glisse à genoux contre une porte ou contre la fenêtre. […] Seulement on l’a considérée comme ayant appartenu à un autre groupe semblable ; de la plupart des statues ou groupes célèbres, nous connaissons plusieurs répétitions (repliche, comme disent les Italiens), avec ou sans variantes. — La tête d’Aremberg ne représente pas, d’ailleurs, un homme beaucoup plus jeune. — Je crois qu’assez généralement aujourd’hui on la regarde comme un ouvrage de la Renaissance, l’expression très-pathétique paraissant s’écarter des habitudes des anciens.

255. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE PONTIVY » pp. 492-514

Mais, quoi qu’il en soit de moi en particulier, n’oubliez pas aussi que l’homme a des facultés diverses, et que l’amour le mieux régnant laisse encore à un amant réfléchi le loisir de regarder. Tâchons donc que ce soit du même point que nous regardions même ce qui n’est pas nous. […] On se retrouve à de certaines ouvertures du feuillage ; on se regarde un moment, on se touche la main ; et l’on continue derrière le riant rideau. » Il lui parlait souvent ainsi, essayant d’orner et d’introduire une part de raison durable dans la passion toujours vive, et rien alors ne semblait plus manquer à leur vie embellie. […] Cette nature sensible, à côté de l’autre nature plus passionnée mais lassée, lui rendait en ce moment tous les rayons pleins de chaleur qu’il en avait longtemps reçus, et elle le regardait avec larmes : « Eh bien ! […] Et comme quelques-uns se récriaient sur ce lustre tracé au compas, M. de Malezieu, l’oracle, et qui avait connu La Bruyère, cita de lui ce mot : « En amour, il n’y a guère d’autre raison de ne s’aimer plus que de s’être trop aimés. » M. de Murçay et Mme de Pontivy se regardèrent et rougirent ; ils se taisaient dans une même pensée plus sérieuse que tous ces discours.

256. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre premier »

La Réforme, en leur prouvant qu’elle savait mieux lire qu’eux-mêmes dans leurs propres livres, les força d’y regarder ; et la science s’ajoutant à l’autorité de la possession et à l’habitude, ils furent désormais invincibles. […] On sent que l’esprit de société, le goût des plaisirs de l’intelligence, ont pénétré dans les hautes classes en France, qu’on y réfléchit plus, qu’on se regarde et s’analyse davantage. […] La première édition de cet ouvrage ne fut publiée que plusieurs années après la mort de Marguerite, en un temps où les retouches étaient regardées comme des actes de piété envers la mémoire des auteurs. […] Qui reconnaîtrait le beau passage, Os homini sublime dédit, etc., dans cette version Et neanmoins que tout aultre animal Jecte toujours son regard principal Encore bas, Dieu à l’homme a donné La face haulte, et luy a ordonné De regarder l’excellence des cieux, Et d’eslever aux estoiles ses yeux. […] Tant chemina la belle40 qu’elle vint Au fleuve Loire, ou des fois plus de vingt Jecta son oeil dessuz-moi la première Car mes beaulx yeux n’avoient propre lumière Pour regarder les siens premièrement.

257. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Goethe et de Bettina, traduites de l’allemand par Sébastien Albin. (2 vol. in-8º — 1843.) » pp. 330-352

Seulement, Rousseau était un dieu malade, quinteux, atteint de gravelle, et qui avait moins de bons que de mauvais jours : Goethe est un dieu supérieur, calme, serein, égal, bien portant et bienveillant, le Jupiter Olympien qui regarde et sourit. […] Dès qu’il aperçut ma pelisse cramoisie, il s’approcha de la voiture et me regarda en souriant très gracieusement : — Eh bien ! […] Avant de refuser une qualité à Goethe, il faut y regarder à deux fois, car le premier aspect chez lui est celui d’une certaine froideur, mais cette froideur recouvre souvent la qualité première subsistante. […] Après quelques instants d’attente, la porte s’ouvre et Goethe paraît : Il était là, sérieux, solennel, et il me regardait fixement. […] On extrairait de ces lettres de Bettina non seulement un Goethe idéal, mais un Goethe réel, vivant, beau encore et superbe sous les traits de la première vieillesse, souriant sous son front paisible, « avec ses grands yeux noirs un peu ouverts, et tout remplis d’amabilité quand ils la regardent ».

258. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Loutherbourg » pp. 258-274

Au bout de cinq à six mois de son installation dans la place de fermier général, lorsqu’il vit l’énorme masse d’argent qui lui revenait, il témoigna le peu de rapport qu’il y avait entre son mince travail et une aussi prodigieuse récompense ; il regarda cette richesse si subitement acquise comme un vol, et s’en expliqua sur ce ton à ses confrères, qui en haussèrent les épaules, ce qui ne l’empêcha pas de renoncer à sa place. […] Plus vous la regarderez de près, plus le faire vous en plaira, il est touché comme un ange. […] Boucher m’arrêta par le bras, et me dit : regardez bien ce morceau ; c’est un homme que cela. […] Regardez le cheval chargé de bagage et son conducteur, et dites-moi s’il était possible de faire cet animal avec plus de finesse, et ce bagage avec plus de ragoût. […] Qu’il aille, qu’il regarde et qu’il fasse provision de phénomènes.

259. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre III. Partie historique de la Poésie descriptive chez les Modernes. »

Jusqu’à ce moment la solitude avait été regardée comme affreuse, mais les chrétiens lui trouvèrent mille charmes. […] Delille a excellé, peut être aussi regardé comme le fondateur de la poésie descriptive en France.

260. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre V. Histoire littéraire. » pp. 212-219

Nous connoissons très-peu l’histoire des arts dans la Perse, dans le Mogol, dans les Indes ; mais en revanche, on a, pour ainsi dire, épuisé ce qui regarde l’Europe. […] Ces essais, tels qu’ils sont, doivent être regardés comme un repertoire utile ; mais tels qu’ils pourroient être, ils formeroient un livre excellent qui manque à notre littérature.

261. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Louis-Michel Vanloo » pp. 191-195

N’est-ce pas une façon de juger bien étrange que de ne regarder les Anciens que par leurs beaux côtés, comme vous faites, et que de fermer les yeux sur leurs défauts, et de n’avoir au contraire les yeux ouverts que sur les défauts des Modernes, et que de les tenir opiniâtrement fermés sur leurs beautés [?] […] Le peuple regarde tout, et ne s’entend à rien.

262. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Vernet » pp. 227-230

Regardez le Port de La Rochelle avec une lunette qui embrasse le champ du tableau, et qui exclut la bordure ; et oubliant tout à coup que vous examinez un morceau de peinture, vous vous écrierez, comme si vous étiez placé au haut d’une montagne, spectateur de la nature même : Ô le beau point de vue ! […] Je ne regarde pas toujours ; j’écoute quelquefois.

263. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 17, s’il est à propos de mettre de l’amour dans les tragedies » pp. 124-131

Comment un homme dont l’esprit est insensible à la gloire militaire, et qui ne regarde ce qu’on appelle vulgairement un conquerant que comme un furieux à charge au genre humain, peut-il être vivement interessé par les mouvemens inquiets de l’impetueux Achile quand il imagine qu’on conspire pour l’empêcher de s’aller immortaliser en prenant Troye. […] Ils ne les regardent plus comme des hommes troublez par une passion, mais comme des hommes tombez en une veritable demence.

264. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

À côté de la Bible, ce qu’il aime, c’est Pope, le plus correct, le plus compassé des hommes : « Je l’ai toujours regardé comme le plus grand nom de notre poésie. […] Regardez passer les frères de Childe Harold, les personnages qui la peuplent. […] Plus on regarde la nature, plus on la trouve divine, divine jusque dans ses rochers et ses plantes. […] —  Regarde-moi, ce tombeau ne t’a pas changée — plus que je suis changé pour toi. […] Regardons-le naître et grandir, et nous cesserons de le railler ou de le maudire.

265. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1871 » pp. 180-366

Je vous ferai écrire demain ou après-demain : regardez la chose comme faite. » Là-dessus réembrassade. […] … On ne peut croire à sa délivrance, et sous le coup d’un hébétement brisé, l’on regarde les choses amies et chères de son foyer, non déménagées par l’Allemagne. […] Quand nous descendons, et que nous regardons au balcon, une voiture d’ambulance est sous nos fenêtres. […] Nous nous risquons à les regarder de notre balcon, quand une balle vient frapper au-dessus de nos têtes. […] Je regardais, les yeux demi-fermés, le ciel noir, et l’horizon cahoteux, déjà sombré dans la pluie.

266. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome II

Les femmes peuvent aimer cet excès de folie, qu’elles regardent comme le triomphe de leurs charmes ; mais, aux yeux des gens de goût et des connaisseurs, tout cela est aussi mesquin que contraire aux règles de l’art. […] Mithridate est trop grand dans la pièce par son courage, par ses projets, par sa haine implacable contre les Romains, pour que sa dissimulation, puisse être regardée comme une bassesse : ce n’est qu’une ombre au tableau. […] Que de temps il a fallu pour revenir sur leur compte, et se convaincre enfin, à force de les regarder, qu’ils ne méritaient pas leur réputation ! […] Je ne sais pourquoi la simplicité, la modestie, qui honorent le vrai courage et relèvent la gloire des grands hommes, sont regardées comme des qualités froides et ignobles au théâtre. […] Les grands regardaient autrefois comme ignoble la fécondité des mariages ; ils croyaient qu’il n’appartenait qu’aux petites gens de peupler beaucoup.

267. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

Pour s’en apercevoir, il suffit de regarder les œuvres auxquelles fut consacré leur labeur. […] Il lui faut de l’étonnement ; alors, il est averti et regarde. […] Après cela, Mme Blanchard, debout et comme désœuvrée pour un instant, regardait le plafond, regardait les murs, regardait le sol ; et puis, ses yeux s’agrandissaient, une larme en coulait, et d’autres larmes. […] Ils le regardèrent et ils causèrent avec lui, comme les autres jours, sans précautions particulières. […] Maurice Donnay les a regardées avec une curiosité amicale.

268. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

On est toujours tenu de payer l’amende, quand on a regardé par des trous de serrure. […] Stillman pour résoudre la question ne peut être regardé comme une démonstration absolument scientifique. […] En ce qui regarde l’illustration, le point essentiel, comme le dit M.  […] Regardez ! […] Apparemment il ne regarde pas la carrière de modèle comme une profession sérieuse.

269. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Les Gaietés champêtres, par M. Jules Janin. » pp. 23-39

La vie humaine, l’histoire, la nature, sont plus larges assurément qu’on ne les voit quand on s’accoutume à les regarder seulement à travers la fente d’un créneau ou par l’embrasure où fume la mèche d’un canon. […] Eugène, est aussi le plus dangereux pour la belle Louison, qu’il ne regarde au passage qu’en rougissant, et qu’il écoute chaque soir quand elle chante. « Vivre à l’ombre de la beauté qu’on aime, à la regarder, à l’entendre, savez-vous une plus belle vie : une paresse agitée et contente, une oisiveté pleine de caprices ? […] Un jour, après un songe d’avril qui lui a parlé clairement de sa voisine la belle Louison, il s’est décidé enfin à se déclarer à elle et à ne plus se contenter de la regarder en silence.

270. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame, duchesse d’Orléans. (D’après les Mémoires de Cosnac.) » pp. 305-321

Madame, après son dîner, aimait à se coucher sur des carreaux ; elle s’approchait de Mme de La Fayette, « en sorte que sa tête était quasi sur ses genoux », et, dans cette position familière et charmante, elle lui racontait le détail de son cœur, ou elle en écoutait l’histoire écrite d’après elle, et elle se regardait au miroir que son amie lui en offrait. […] « Elle avait, dit Choisy, les yeux noirs, vifs, et pleins du feu contagieux que les hommes ne sauraient fixement observer sans en ressentir l’effet ; ses yeux paraissaient eux-mêmes atteints du désir de ceux qui les regardaient. […] Elle regarda Mme de La Fayette présente avec un mélange de pitié et de souffrance ; puis se retournant vers le capucin : « Laissez parler M.  […] Elle le dit devant Monsieur, demandant qu’on regardât à cette eau qu’elle avait bue : J’étais dans la ruelle, auprès de Monsieur, dit Mme de La Fayette, et, quoique je le crusse fort incapable d’un pareil crime, un étonnement ordinaire à la malignité humaine me le fit observer avec attention.

271. (1903) Zola pp. 3-31

Les choses avaient pour lui, non pas encore une âme, mais déjà une physionomie assez précise et surtout qu’il aimait à regarder et qu’il s’essayait à rendre. […] On étudie l’homme pour en avoir une idée bien incomplète, mais encore une idée ; dans les psychologues, dans les moralistes, dans les philosophes, pour voir quelle idée générale il se fait de l’ensemble des choses et par conséquent quelles sont les tendances générales, très différentes, du reste, de son âme ; dans les historiens, pour voir ce qu’il a été aux différents temps, ce qui élargit et complète et fait plus vraie la notion qu’on peut avoir de lui ; en lui-même enfin, ce qui n’est qu’une façon de parler et ce qui veut dire qu’on regarde avec attention ses amis, ses voisins et les gens que l’on rencontre. […] Il était de ceux qui, soit paresse d’esprit, soit faiblesse intellectuelle, soit orgueil, et je crois qu’il y avait quelque chose de tout cela dans le cas d’Émile Zola, n’aiment que leur métier proprement dit et n’aiment rien de ce qui y prépare et y rend propre ; n’aiment qu’à peindre, qu’à sculpter où à écrire, et n’aiment ni à regarder longtemps avant de peindre, ni à étudier l’anatomie avant de sculpter, ni à penser avant d’écrire. […] La gloire de ces romanciers populaires étonne la postérité, qui n’est composée que de délicats et même de difficiles, du moins quand elle regarde les morts.

272. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre V. Mme George Sand jugée par elle-même »

Elle a cru que cela poussait, quand rien ne pousse plus, la double et très rare puissance qui invente et qui, après avoir inventé, monte plus haut que son invention, plane sur elle, la regarde et la juge ! […] La Critique, — dit-elle, avec les yeux baissés d’une jeune Première d’Opéra-Comique qui regarde timidement l’ourlet de son tablier, — a eu toujours trop d’esprit avec moi (Vous êtes bien bonne, Madame). […] nous regardaient, nous, critiques et juges à la manière des hommes, qui n’avons à voir que le fait du livre, et à le condamner, s’il est mauvais. […] … Nous avions été tous pris, plus ou moins, au traquenard de sa réputation, ce piège à bêtes ou à étourdis qui ne regardent jamais à rien.

273. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Stendhal, son journal, 1801-1814, publié par MM. Casimir Stryienski et François de Nion. »

Se regarder vivre est bon ; mais, après qu’on s’est regardé, fixer sur le papier ce qu’on a vu, s’expliquer, se commenter (à moins d’y mettre l’adorable bonne grâce et le détachement de Montaigne) ; se mirer longuement chaque soir, commencer ce travail à dix-huit ans et le continuer toute sa vie… cela suppose une manie de constatation, si je puis dire, un manque de paresse, d’abandon et d’insouciance, un goût de la vie, une énergie de volonté et d’orgueil, qui me dépassent infiniment. […] C’est timidité ; c’est aussi manque d’argent (l’argent donnant en ces affaires une grande assurance) ; c’est surtout qu’il s’applique trop, combine trop, se regarde trop faire.

274. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 32, que malgré les critiques la réputation des poëtes que nous admirons ira toujours en s’augmentant » pp. 432-452

Si, comme cet auteur le prétend, ses compatriotes ajoûtent de faux brillans et des expressions romanesques à nos pieces, le reproche ne nous regarde point. […] Si ces fautes regardent d’autres sciences, si elles sont contre la géographie ou contre l’astronomie, on aura de l’obligation aux censeurs qui les feront connoître, mais elles ne diminueront gueres la réputation du poete, qui n’est pas fondée sur ce que ses vers soient exempts de fautes, mais sur ce que leur lecture interesse. […] Ainsi nous pouvons promettre sans trop de témerité la destinée de Virgile, d’Horace et de Ciceron aux écrivains françois, qui font honneur au siecle de Louis Le Grand, c’est-à-dire, d’être regardez dans tous les temps et par tous les peuples à venir comme tenans un rang entre les grands hommes, dont les ouvrages sont réputez les productions les plus précieuses de l’esprit humain.

275. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Femme au XVIIIe siècle » pp. 309-323

Ils abordèrent le roman contemporain ; mais ils y portèrent des yeux accoutumés à regarder les petites choses du xviiie  siècle et à tenir compte des moindres détails de cette société de dessus de porte et de trumeau. […] Ils ne regardent pas si profondément dans le fond des cœurs. […] C’est ce que firent MM. de Goncourt, entassant ces cent années dans l’étroitesse d’un volume qui les étreignait, — les pressant dans un fourmillement éblouissant, enlevant à la force du poignet cette surcharge des livres d’une époque qui a immensément écrit, et la lançant d’un train si rapide qu’on pourrait regarder les deux auteurs de La Femme au xviiie  siècle comme les deux plus brillants postillons de l’Histoire, et qui l’aient jamais menée avec la vigueur de ce train-là !

276. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIX. Panégyriques ou éloges composés par l’empereur Julien. »

Bientôt il n’ose plus le regarder qu’avec un respect idolâtre. […] Il regarde comme un crime d’ôter la vie à qui ne résiste plus. […] Les citoyens sont pour lui le troupeau dont il est le pasteur, mais il regarde les soldats comme ces animaux fiers et dociles, dont la fonction est d’écarter le danger. 

277. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Chénier, André (1762-1794) »

En admirant ses poésies, où l’on aperçoit plusieurs des parties des grands poètes, on y verra aussi la marque de l’inexpérience et de l’inachèvement ; on les regardera, non comme des pièces accomplies, mais comme des fragments, des ébauches, qui ne présentent guère, si ce n’est dans une ou deux pièces, une page entière où l’on ne reconnaisse, à côté des plus heureuses qualités de l’harmonie, de la sensibilité, de la grâce, les traces de l’affectation et de faux goût. […] Peut-être l’habitude de l’antiquité nous égare, peut-être avons-nous lu avec trop de complaisance les premiers essais d’un poète malheureux ; cependant nous osons croire et nous ne craignons pas de le dire, que, malgré tous ses défauts, André de Chénier sera regardé comme le père et le modèle de la véritable élégie… Il est hors de doute que si André de Chénier avait vécu, il se serait placé un jour au rang des premiers poètes lyriques.

278. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre III. La nouvelle langue. » pp. 165-234

Lorsque vous regardez une cathédrale du temps, vous sentez en vous-même un mouvement de crainte. […] Loin d’être regardé comme une faute, il est la source de toute vertu. […] Mais enfin, quand ses yeux regardèrent De côté, alors elle aperçut l’épée Qui était nue ; et de peur se mit à crier. […] Est-ce déjà le bon sens positif anglais et l’aptitude à regarder le dedans qui commencent à paraître ? […] Car regardez les questions qu’ils y agitent.

279. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « III »

Elle regarde longuement Gurnemanz, puis, comme honteuse du désordre de ses habits, elle arrange son vêtement et sa chevelure, presque craintivement, dans une posture de servante. Tandis que Gurnemanz la regarde étonné, elle se dirige lentement vers la hutte et en sort bientôt, portant une cruche et va vers la fontaine. […] Elle lui délace les jambières, lui lave les pieds, agenouillée, et les lui essuie avec ses cheveux, qu’elle a rapidement dénoués, tandis que Parsifal la regarde avec un étonnement silencieux. […] Quand Parsifal la baptise, elle incline la tête très bas, jusqu’à terre, comme succombant à l’émotion : elle s’étend à terre, secouée par les sanglots ; puis le regard de Parsifal semble l’attirer à lui, elle relève la tête et le regarde avec un calme pénétré, tandis qu’il l’embrasse au front. […] Il s’incline et prie ; mais sa prière n’est plus désespérée comme au second acte, au contraire, c’est avec une foi ardente et triste qu’il regarde la lance sacrée.

280. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre IV. Shakspeare. » pp. 164-280

Il se laisse brider et mener par Ulysse, sans regarder devant lui : la plus grossière flatterie l’attire comme un appât. […] Regarde ! […] Cette large campagne sombre qu’il regarde du haut de son château n’est qu’un champ de mort hanté d’apparitions funèbres. […] Ce dôme superbe, regardez, ce splendide firmament suspendu sur nous, ce toit majestueux incrusté de flammes d’or, eh bien ! […] Regardez maintenant.

281. (1874) Portraits contemporains : littérateurs, peintres, sculpteurs, artistes dramatiques

Le visage qu’on regarde de moins est son visage à soi. […] la misère à ce qu’il regardait comme une dérogation à la poésie. […] Il ne regardait pas en avant, mais en arrière ; et, à chaque pas qu’il faisait, il retournait la tête. […] Il n’a pour elles aucune complaisance et les regarde comme des infractions au rhythme universel. […] Il la regarde, il la trouve belle, et noble, et chaste.

282. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame du Hausset, femme de chambre de madame de Pompadour. »

Madame du Hausset semblait faite pour ce rôle de Suétone par sa position et par son caractère ; il est dommage qu’elle n’ait ni plus regardé ni plus écrit. […] Madame s’en inquiétait peu : « Le roi et moi comptons si fort sur vous, lui disait-elle, que nous vous regardons comme un chat, un chien, et que nous allons notre train pour causer. » On conçoit dès lors tout ce qu’il peut y avoir de confidentiel dans les mémoires de cette brave dame.

283. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Signoret, Emmanuel (1872-1900) »

Ceux qui sentent la beauté n’ont pas besoin qu’on la leur explique ; il suffit qu’ils la regardent. […] Pourtant ils sont tous tournés du même côté, ils reçoivent du même endroit la lumière, leur face à tous regarde l’Orient.

284. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — Q. — article » pp. 572-580

Si ses talens poétiques ne peuvent être comparés à ceux des Corneilles, des Racines, des Moliere, des Lafontaine, des Boileau, &c. il peut du moins être regardé comme le Créateur des Tragédies lyriques parmi nous, & comme le meilleur modele de ce genre de Poésie. […] D’après cette maniere austere de penser, que lui donnoit le sentiment de sa propre force, il avoit de la peine à regarder Quinault comme un grand Poëte, & en cela il étoit conséquent* ».

285. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre premier. Que la Mythologie rapetissait la nature ; que les Anciens n’avaient point de Poésie proprement dite descriptive. »

Le voyageur s’assied sur le tronc d’un chêne, pour attendre le jour ; il regarde tour à tour l’astre des nuits, les ténèbres, le fleuve ; il se sent inquiet, agité, et, dans l’attente de quelque chose d’inconnu ; un plaisir inouï, une crainte extraordinaire font palpiter son sein, comme s’il allait être admis à quelque secret de la Divinité : il est seul au fond des forêts ; mais l’esprit de l’homme remplit aisément les espaces de la nature ; et toutes les solitudes de la terre sont moins vastes qu’une seule pensée de son cœur. […] Qui ne s’est plu, au bord de la mer, à regarder blanchir l’écueil éloigné !

286. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 44, que les poëmes dramatiques purgent les passions » pp. 435-443

Les poëtes dramatiques dignes d’écrire pour le théatre, ont toûjours regardé l’obligation d’inspirer la haine du vice et l’amour de la vertu, comme la premiere obligation de leur art. […] Mais la barbarie d’un pere qui veut sacrifier ses enfans à une passion, que la jeunesse ne sçauroit plus excuser en lui, ne peut être regardée que comme un crime énorme, et tel à peu près que celui de Médée.

287. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 6, des artisans sans génie » pp. 58-66

Le public regarde un ouvrage dont il est en possession, comme un bien qui lui seroit devenu propre, et il trouve mauvais qu’on lui fasse acheter une seconde fois ce qu’il croit avoir déja païé par ses loüanges. […] Ainsi l’on ne profite solidement de tous les chef-d’oeuvres de Rome, qu’à proportion du génie avec lequel on les regarde.

288. (1714) Discours sur Homère pp. 1-137

Les seconds, je veux dire ceux qui ne regardent l’iliade que comme une louange d’Achille, se fondent sur l’éclat de son caractere. […] Si l’on regarde ces dieux du côté de l’intelligence et de la volonté, ils ont encore toutes nos foiblesses et tous nos vices : ignorance des événemens, inconstance dans leurs desirs, imprudence dans leurs projets, injustice dans leurs actions. […] Ce qui regarde les dieux y est absurde ; ce qui regarde les héros y est souvent grossier ; les idées de morale y sont confuses ; il est vrai que l’action du poeme est grande et pathétique ; mais elle est noyée dans la quantité et dans la longueur des épisodes. […] Regardons toûjours les choses en elles-mêmes ; et si elles sont à notre portée, n’en jugeons jamais simplement sur l’autorité des autres : fussent-ils les juges les plus compétens sur la matiere dont il s’agit, ils nous doivent des raisons, et des raisons qui nous éclairent. […] Tout les ennuie, tout les choque, et sans rien distinguer, ils regardent Homere, comme un écrivain misérable en tout sens.

289. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre quatrième. L’idée du temps, sa genèse et son action »

Les représentations suivantes : — gravure regardée à la lumière d’une bougie, vent violent, fenêtre ouverte, bougie éteinte, obscurité, — une fois produites dans mon expérience, tendront à se reproduire dans un certain ordre déterminé, qui est celui même do leur production primitive. […] Nous avons donc : 1er moment. — Sensation intense de la gravure regardée. […] Supposons maintenant qu’un intervalle se soit écoulé, et que je regarde de nouveau la gravure. […] En outre, si vous y regardez de plus près, vous voyez que, même dans cet essai intérieur de mesure grosso modo, pour pouvoir comparer deux durées, vous êtes obligé de vous représenter la durée prise pour mesure ; or, comment vous la représenterez-vous ? […] Après avoir eu des représentations dont chacune laisse une trace, l’être conscient finit par avoir la représentation de leur ordre même et de leur mode d’apparition ; il regarde en arrière dans le temps comme il regarde en arrière dans l’espace.

290. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 13, qu’il est probable que les causes physiques ont aussi leur part aux progrès surprenans des arts et des lettres » pp. 145-236

Un de leurs princes l’eût fait traduire en grec, ainsi qu’on dit qu’un des Ptolomées y fit mettre la bible, quoique ce prince païen ne la regardât que comme un livre que des hommes auroient été capables de composer. […] On peut regarder le buste de Caracalla comme le dernier soupir de la sculpture romaine. […] Juvenal soutint la satire jusques sous l’empire d’Adrien, mais ses poësies peuvent être regardées comme le dernier soupir des muses romaines. […] On doit regarder avec veneration les écrits de ces deux grecs. […] Il semble du moins que Quellins, qu’on peut regarder comme son dernier peintre, doive mourir sans éleves dignes de lui.

291. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIe entretien. La passion désintéressée du beau dans la littérature et dans l’art. Phidias, par Louis de Ronchaud (1re partie) » pp. 177-240

Son œil bleu, très doux, mais très éclairé d’arrières-lueurs, regarde timidement la foule et hardiment le ciel ; ses joues sont fraîches, de la fraîcheur du lait des montagnes où il est né et où il habite ; le frisson des Alpes court sur sa peau et la rend tour à tour, au souffle de l’inspiration, pâle ou vermeille. […] Et ils le regardent longtemps filer dans la foule comme les bergers de nos montagnes en ramenant leurs moutons bien comptés au village, les soirs d’un mois d’été, regardent tout ébahis glisser une étoile filante qui vient du ciel s’éteindre dans un étang, sans savoir ce qu’elle a à faire dans la vallée et quel message elle apporte ou elle remporte parmi eux. […] Ces montagnes, comme entassées confusément par la main du Créateur, sont en général arrondies en forme de dômes, les unes noires des forêts de pins qui les tapissent de leurs ombres, les autres vertes des pâturages qui les veloutent ; celles-ci nues et grisâtres parce que leur pente plus rapide en a laissé glisser l’humus, que le soleil du soir en s’y répercutant à nu les fait blanches à l’œil comme des falaises lointaines au bord de la mer ; quelques-unes, derrière les autres, sont tachées au nord de quelques flaques de neige, restes de l’hiver dernier qui attendent un autre hiver ; phares de montagnes que les bergers regardent s’allumer ou s’éteindre selon que le soleil levant les frappe, ou que le soleil couchant leur retire ses derniers rayons en descendant du ciel. […] Ces hommes sont le chœur chantant de l’humanité ; ils regardent d’en haut ou d’en bas le drame que le siècle ou les siècles jouent sur la terre, et ils s’y associent par le regard et par la voix seulement, tantôt pleurant sur la chute de l’homme, tantôt le relevant de ses déchéances, tantôt le célébrant dans ses triomphes, prêtres de l’enthousiasme portant jusqu’au ciel, sur leurs strophes lyriques, l’apothéose du génie humain. […] XLIII D’un coup de plume M. de Ronchaud a effacé pour moi vingt années de vicissitudes et de ténèbres ; il m’a reporté à une belle aurore d’une journée de voyage, couché sur le pont de mon navire, et poussé par la main des Néréides, du cap Sunium au Pirée, où, par un vent de terre tiède et frais qui faisait frissonner ma voile, je regardais le blanc mausolée du Parthénon monter et se découper sur le firmament bleu de l’Attique, semblable plutôt à un autel s’élevant vers le ciel pour y faire monter l’encens du matin.

292. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

Si sa curiosité pour tous les objets des disputes des hommes lui eût donné la tentation d’y regarder, les guerres de religion l’en eussent bientôt dégoûté. […] Beaucoup même le regardent comme le premier ouvrage de génie, dans l’ordre des temps ; ce serait juste, s’il n’y avait d’écrivains de génie que ceux qu’on lit. […] C’est ce qu’il appelle des lectures « où se mesle un peu plus de fruit au plaisir150. » Les poëtes, Virgile même, dont il regarde d’ailleurs les Georgiques « comme le plus accomply ouvrage de la poësie151 », les poètes ne sont pour lui que des lectures d’amusement. […] Chaque écrivain regarde le vrai comme une vue particulière de son esprit ; il le traite comme son bien propre ; il n’en a pas le respect, qui est le goût, sous sa forme la plus sévère. […] Sous quelque point de vue qu’on l’ait regardé, soit qu’on y ait cherché l’instruction ou la distraction, peu d’écrivains, depuis trois siècles, ont eu plus de lecteurs dans notre pays, et des lecteurs plus amis de leur auteur.

293. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

Entre ces deux sortes de lecteurs passionnés, il peut se trouver un homme qui voit bien, qui, sans être indifférent, est impartial, qui, quoique prévenu pour ou contre les personnes, peut rester témoin véridique des œuvres ; un esprit capable de regarder la gloire elle-même, comme l’aigle le soleil, sans en être ébloui. […] Quiconque a des reproches à se faire, le jour où éclate une révolution, doit s’en regarder comme coupable pour sa portion virile, et accepter le dommage qu’il en reçoit comme un châtiment qu’il a mérité. […] Comme Léonard de Vinci, qui regardait tout pour tout dessiner, jusqu’aux rides des vieilles murailles, où il trouvait des airs de tête, des figures étranges, des confusions de bataille, des habillements capricieux, le poète coloriste a tout regardé pour tout peindre. Par la puissance du même don, tout ce qu’il voit le regarde à son tour. […] On craint que, devant ces innombrables yeux ouverts sur sa vie, l’homme, regardé de tous côtés et connu de la nature, ne finisse par moins estimer le privilège de la pensée qui cesse d’être un mystère entre Dieu et lui.

294. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

Il ne voyait pas ou voyait mal, il ne regardait et n’écoutait que par volonté, il lisait rapidement et au hasard, et tout de suite, sur un fait, il s’essayait à bâtir une théorie. […] Jules se promenait, regardait, observait, récoltait des anecdotes malicieuses, esquissait des portraits amusants, puis reportait le tout à Edmond qui les encadrait de ses lourds et prétentieux commentaires. […] Jean Lorrain, a passé par le goncourisme, mais c’est à peine si la poussière du grenier d’Auteuil a souillé son manteau ; il aimait trop vivre et regarder la vie pour imiter ces façons de nombriliste. […] L’émotion a été regardée pendant un demi-siècle comme une vulgarité en art. […] Il s’adressait à des êtres qui ont le devoir de ne regarder que leur personne parce que mille intérêts en dépendent, et qu’ils servent réellement le monde entier en ne pensant qu’à eux-mêmes.

295. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

Écœuré par la besogne faite, je regarde avec découragement la besogne à faire. […] Tous, de « leurs grands yeux bretons, malades d’idéal et de passion voilée », ils regardent, dans le verre plein, le paysage d’hier et l’émotion qui s’y attache. […] Ils s’égaient un instant à regarder « les eaux dansantes » des petits ruisseaux s’échapper, enfants joueurs, de la fontaine maternelle. […] Aujourd’hui, mieux regardée et mieux comprise, c’est l’œuvre entière que j’aime en sa beauté diverse et savante, en la haute signification de son ensemble. […] En vérité, je crois que si je les fais voir c’est pour les regarder et parce que, toutes petites, elles éveillent, en moi qui eus la joie des paysages, de vastes souvenirs.

296. (1875) Premiers lundis. Tome III « Nicolas Gogol : Nouvelles russes, traduites par M. Louis Viardot. »

C’est le nom d’un chef cosaque zaporogue, et, dans ce caractère sauvage, féroce, grandiose et par instants sublime, le romancier a voulu nous offrir un portrait de ce qu’étaient encore quelques-uns de ces chefs indépendants des bords du Dnieper durant la première moitié du xviie  siècle, date approximative à laquelle se rapportent les circonstances du récit : « C’était, dit-il, un de ces caractères qui ne pouvaient se développer qu’au xvie  siècle, dans un coin sauvage de l’Europe, quand toute la Russie méridionale, abandonnée de ses princes, fut ravagée par les incursions irrésistibles des Mongols ; quand, après avoir perdu son toit et tout abri, l’homme se réfugia dans le courage du désespoir ; quand sur les ruines fumantes de sa demeure, en présence d’ennemis voisins et implacables, il osa se rebâtir une maison, connaissant le danger, mais s’habituant à le regarder en face ; quand enfin le génie pacifique des Slaves s’enflamma d’une ardeur guerrière, et donna naissance à cet élan désordonné de la nature russe qui fut la société cosaque (kasatchestvo). […] Leurs vêtements, de drap précieux, s’étaient usés et flottaient autour d’eux en lambeaux ; ils ne regardaient ni ne saluaient le peuple. […] Yankel (le Juif) devint pâle comme un mort, et, lorsque les cavaliers se furent un peu éloignés de lui, il se retourna avec terreur pour regarder Boulba ; mais Boulba n’était plus à son côté.

297. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre IV. L’écrivain (suite) »

Parcourez aujourd’hui la France ; si la Révolution a diminué les différences de fortune, la centralisation a augmenté les différences de culture : une seule cité maîtresse où fourmillent et pullulent les idées engorgées qui s’étouffent et se fécondent infatigablement par le travail et le mélange de toutes les sciences et de toutes les inventions humaines, alentour, des villes de provinces inertes où des employés confinés dans leur bureau et des bourgeois relégués dans leur négoce vont le soir au café pour regarder une partie de billard et remuer des cartes grasses, bâillent sur un vieux journal, songent à dîner et digèrent sur des cancans ; plus bas encore, des paysans qui ont pour bibliothèque un almanach, lequel est de trop bien souvent, puisque la moitié d’entre eux ne sait pas lire, qui votent en moutons, et trouvent que ce vote est une corvée, ignorants, apathiques, incapables d’entendre un mot aux intérêts de l’Etat et de l’Eglise, habitués à laisser leur conscience et leurs affaires aux mains des gens qui ont un habit de drap. […] Ils s’y développent, ils y agissent par leurs propres forces et d’eux-mêmes ; ils n’y sont point contraints par les passions ou les facultés qu’ils y rencontrent : ce sont des hôtes libres ; tout le soin du poëte est de ne point les gêner ; ils se remuent et il les regarde, ils parlent et il les écoute ; il est comme un étranger attentif et curieux devant le monde vivant qui s’est établi chez lui ; il n’y intervient qu’en lui fournissant les matériaux dont il a besoin pour s’achever et en écartant les obstacles qui l’empêcheraient de se former. […] On n’a pas besoin d’aller à Vaux regarder la peinture de la Nuit ; la voici, et digne du Corrège Par de calmes vapeurs mollement soutenue, La tête sur son bras et son bras sur la nue, Laissant tomber des fleurs et ne les semant pas.

298. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre V. L’Analyse et la Physique. »

Jamais au contraire, si l’on avait conservé l’énoncé de Kepler, on n’aurait regardé les orbites des planètes troublées, ces courbes compliquées dont personne n’a jamais écrit l’équation, comme les généralisations naturelles de l’ellipse. […] Devons-nous simplement en déduire toutes les conséquences, et les regarder comme des réalités intangibles ? […] Si ce problème ne s’était posé naturellement, on n’aurait jamais osé rendre au discontinu ses droits ; on aurait longtemps encore regardé les fonctions continues comme les seules fonctions véritables.

299. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre V. Chanteuses de salons et de cafés-concerts »

J’ai senti combien la rime riche, ce joyau lourd, cet ornement barbare, allait mal à la démarche légère du petit trottin si amusant à regarder. […] Coppée regarde souvent au-dessous de soi pour apprécier son bonheur, elle garde toujours un accent plaintif, sans qu’on puisse deviner de quoi elle se plaint. […] Ceux-là qui ont véritablement aimé tous les hommes ne les considéraient point dans leurs diverses fonctions sociales et ne regardaient pas les mouvements de leurs mains, si souvent hostiles et haïssables.

300. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1852 » pp. 13-28

Les gérants, à cent sous la signature, se succèdent : le premier, Pouthier, un peintre bohème, ami de collège d’Edmond, est remplacé par un nommé Cahu, un être aussi fantastique que son nom, et qui est libraire philologique dans le quartier de la Sorbonne et membre de l’Académie d’Avranches ; et Cahu cède la place à un ancien militaire, auquel un tic nerveux fait à tout moment regarder la place de ses épaulettes et cracher par-dessus ses deux épaules. […] * * * — Nous qui avons passé notre enfance à regarder, à copier des lithographies de Gavarni, nous qui étions, sans le connaître, et sans qu’il nous connût, ses admirateurs, nous avons décidé Villedeuil à lui demander des dessins. […] Il croyait par exemple que les gens qui font regarder la lune, mettent dans les lorgnettes des choses qui font mal aux yeux, etc., etc.

301. (1824) Notice sur la vie et les écrits de Chamfort pp. -

Notice historique sur la vie et les écrits de Chamfort Il n’aurait été d’aucun avantage pour la mémoire de Chamfort qu’il eût tenu aux familles les plus distinguées ; il aurait dû être aussi tout à fait indifférent que Nicolas (c’était le nom qu’on lui donna avant qu’il en prit un) ait été sans naissance, et même, pour ainsi dire, sans famille, s’il n’en était trop souvent résulté pour lui le malheur de jeter sur la société un coup-d’œil amer, de prendre de bonne heure en haine ses institutions, et de s’habituer à regarder comme les plus contraires au bonheur et à la morale, celles là même qui ont été créées pour la garantir. […] Il le regardait comme son supérieur et son maître, même en force morale. […] L’homme qui avait proposé pour devise à nos soldats entrant en pays ennemi : Guerre aux châteaux, paix aux chaumières ; celui qui disait en 1792 : Je ne croirai pas à la révolution, tant que je verrai ces carrosses et ces cabriolets écraser les passants, ne pouvait pas aisément être regardé comme un ennemi du peuple.

302. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VI. Du trouble des esprits au sujet du sentiment religieux » pp. 143-159

À l’époque où commença la prédication de Luther, si la question eût pu n’être qu’une question politique, la réformation n’aurait pas eu lieu : cela est si vrai qu’à présent ceux des luthériens et des calvinistes qui pensent, qui regardent au fond des choses, n’hésitent pas à prononcer que les communions protestantes devraient se réunir à la religion catholique. […] Il laisse avec mélancolie errer ses regards en arrière ; il porte au-dedans de lui une vague inquiétude dont il ignore la cause ; il se crée des sentiments factices, et qu’il sait être ainsi, pour suppléer aux émotions qu’il ne retrouvera plus ; il s’étonne du désenchantement où il est plongé ; il a beau être séparé de la religion, ou par les passions dont il est devenu le jouet infortuné, ou par les séductions d’un esprit raisonneur, qui, à force de vouloir approfondir, égare ; il ne peut être sourd aux plaintes touchantes d’une mère, qui ne devait pas s’attendre à lui voir trahir ce qu’elle regardait comme ses plus chères espérances, ni aux terribles accusations de ses aïeux, qui lui reprochent, du fond de la tombe, d’avoir abandonné la portion la plus précieuse de leur héritage. […] Il ne croyait point à la religion de Jésus-Christ, qu’il regardait comme une institution humaine, et, à cause de cela, comme un édifice en ruine.

303. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre premier. Mme de Staël »

Pour ne pas être tenté de revenir à la vie, quand on est mort, il suffirait de regarder à ses descendants. […] Regardez plutôt le portrait de Gérard ! […] mais en métaphysique et dans la critique littéraire, elle manque de principes arrêtés, du haut desquels on regarde les choses ; elle ne sait juger définitivement ni les œuvres, ni les systèmes.

304. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XX. Mme Gustave Haller »

Une femme regarde toujours un homme comme un homme, et réciproquement, un homme regarde toujours une femme comme une femme. […] Pour qui a pratiqué la vie, ou qui l’a seulement regardée, il n’est pas vrai que cette amitié puisse exister ; et si on l’a cru quelquefois, ce n’a été que par piperie d’âme abusée, à qui les sens, maîtres en amour, ont donné bientôt le plus éclatant démenti !

305. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. H. Wallon » pp. 51-66

Nous autres, les Majestés du xixe  siècle, nous regardons la Royauté du haut de notre grandeur de peuple. Nous la regardons, dans sa simplicité naïve et presque puérile, comme la forme la plus élémentaire et la moins relevée de toutes les formes de gouvernement. […] Qu’importe qu’on y passe auprès de figures comme Frédéric II, — ce poème de Lord Byron au Moyen Âge, — comme Grégoire IX, — cette énergie de quatre-vingt-dix-huit ans, — comme Urbain IV, Clément IV, Alexandre IV, sans que l’auteur les regarde et soit tenté d’en faire le portrait !

306. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Auguste Vacquerie » pp. 73-89

La plupart des chapitres furent des feuilletons, auxquels on ne prendrait pas garde si l’auteur ne les regardait pas lui-même, comme l’expression définitive de sa pensée, puisqu’il les publie après correction et côte-à-côte avec d’autres chapitres qui sont datés de 1855 et même de 1856. […] L’impétuosité dans le cynisme domine tellement cet esprit qui doit regarder le délicat comme une faiblesse, qu’il faut lire avec un flacon de vinaigre des quatre voleurs sous le nez une immonde et bouffonne histoire de ce volume, où le grotesque s’unit délicieusement au fétide. […] Lorsqu’il a grandi, les phrases bien faites l’ont regardé tendrement. » Tendrement, elles aussi !

307. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « II. Jean Reynaud »

Seulement voici où l’embarras commence… Si la Critique prend au sérieux ce gros livre de Terre et Ciel que d’aucuns regardent comme un monument ; si elle se croit obligée d’entrer dans les discussions qu’il provoque et d’accepter ces formes préméditées d’un langage scientifique assez semblable au latin de Sganarelle, mais moins gai, la voilà exposée à asphyxier d’ennui le lecteur, comme elle a été elle-même asphyxiée ; — et cependant, d’un autre côté, si on touche légèrement à une chose si pesante, d’honnêtes esprits s’imagineront, sans doute, que c’est difficulté de la manier ! […] On n’y regarde pas. […] Le traité de Terre et Ciel, qui résume toute sa vie intellectuelle, car il a été effeuillé dans des revues et des journaux depuis dix ans, ce traité, regardé comme un système, à toute solution, par un petit nombre de gens solennels et mystérieux, qu’on pourrait appeler les Importants de la philosophie, est, qu’on nous passe le mot (le seul qu’il y ait, hélas !

308. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVI. Buffon »

Buffon, qui pourrait bien, si on y regarde, n’avoir pas d’esprit du tout, est pourtant fort au-dessus de ces deux hommes, bien plus vantés que lui, et par la seule raison qu’ils ont plus troublé la moralité de leur siècle. […] Seulement, dans ce volume sur les Manuscrits, que je regarde comme l’épi vidé de l’autre beau volume si plein sur les Idées et les travaux de Buffon, il y a cette biographie extérieure que M. de Flourens n’avait encore jusqu’ici qu’ébauchée et dont on peut se passer d’autant moins, quand il s’agit de cet homme, d’une si magnifique ordonnance, que son talent explique sa vie comme sa vie explique son talent, et que les triples pentes de l’esprit, du caractère et de la destinée se confondent et forment son identité. […] Il ose le regarder, et très souvent il le voit bien.

309. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Lacordaire. Conférences de Notre-Dame de Paris » pp. 313-328

Dans tout prêtre qui enseigne, il y a, dans la mesure de son humanité pensante, le moraliste et le théologien : le théologien fait par la méditation et la contemplation des grands problèmes de cette double vie de l’âme et du corps qui nous cernent de toutes parts et qui nous étreignent ; et le moraliste fait par la confession, cette institution qui décuple la valeur d’un homme en ouvrant les cœurs à ses pieds et en l’y faisant regarder ! […] Souvent, en effet, l’ornementation de l’édifice empêche les esprits qui ne savent pas regarder de haut ou de niveau, de rendre justice à la grandeur des lignes et à la hardiesse des profils. […] Il ne la connaît pas seulement parce qu’il l’a regardée de cette cellule de moine qui est le meilleur observatoire d’où l’on puisse étudier le monde, mais il la connaît parce qu’il l’a traversée, parce qu’il l’a vécue comme les plus égarés d’entre nous.

310. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « André Chénier »

Je le regarde — et je le dis !  […] III Ce sont ces Iambes, d’ailleurs, — précisément parce que le plus grand sentiment de l’âme humaine (le sentiment religieux) y vibre d’une étrange puissance, — que je regarde comme la plus belle partie des œuvres poétiques de Chénier. […] Cette flûte d’Alcibiade dont avait joué Chénier, qui, comme Alcibiade, ne l’avait par jetée aux fontaines, mais dans le sang qui noyait la France ; cette flûte, plus enchantée que celle de Mozart, avait tellement pris les oreilles et l’imagination charmées, que de ce ravissant Chénier on n’avait pas, tout d’abord, entendu autre chose… et que Barbier fut regardé par tous comme le seul Archiloque de la France, tandis qu’il y en avait deux, et qu’il n’était que le second.

311. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Arthur de Gravillon »

Gravillon, qui doit aimer Henri Heine, ne s’est pas regardé dans la glace pour se dire : « Suis-je assez Henri Heine comme cela ?  […] Mais là même, dans ce livre où le feu est regardé sous tous les aspects, comme l’auteur de J’aime les Morts avait déjà regardé la tombe, il y a des passages — et ils sont nombreux — d’une poésie d’images teintées de tous les reflets de l’élément dont il fait l’histoire, et, de plus, comme dans J’aime les Morts, il y a cette autre poésie de la langue, aussi certaine en prose, quoique différente, que la poésie de l’idée et des vers.

312. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

Notre voyageuse regarda les programmes de la maison et recula, presque effrayée. […] Nous ne les regardons que lorsqu’elles sont jolies. […] les cinq étages des maisons pauvres, et regardons. […] Les chuchoteurs sont regardés de travers et les bavards rappelés à l’ordre. […] Moi, j’aime mieux regarder ce qui est vivant.

313. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (2e partie) » pp. 1-80

Dans le courant de novembre, je me transportai à Pise, décidé à y passer l’hiver, en attendant qu’un destin meilleur vînt me rendre à moi-même ; car, privé de tout ce qui nourrit le cœur, je ne pouvais, en vérité, me regarder comme vivant. […] La reine la regardait avec la plus sérieuse attention. […] Déjà, l’année précédente, j’avais, dans un accès d’ennui, abandonné le Misogallo, et m’étais arrêté à l’occupation de Rome, que je regardais comme le plus brillant épisode de cette épopée servile. […] « Quant à mes traductions, j’avais, les deux années précédentes, recopié et corrigé le Virgile tout entier ; je le laissai vivre sans toutefois le regarder comme chose terminée. […] Je ne pouvais me décider à jeter au feu mes quatre traductions du grec ; je ne pouvais non plus les regarder comme achevées, elles ne l’étaient pas.

314. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

Le petit affamé se faufilait sous la table de la cuisine, et les mains lui démangeant, il restait, des quarts d’heure, à regarder les pommes de terre montant à la surface, dans le bouillonnement d’une grande marmite. […] Le soir dans le grand salon, dont les baies vitrées donnent sur les parties d’écarté, on voit les épouses de ces messieurs, le visage collé à la vitre, les regarder et les attendre, à la fois nerveuses et résignées. […] Cela ne vous regarde pas, c’est pour une affaire de contrefaçon. » Il sort de cet imprimerie des encyclopédies orthodoxes, des collections de Pères de l’Église, en cent volumes. […] Il nous disait encore que, lorsque le fils du ministre de Turquie est pris de nostalgie, il vient s’enfermer une journée chez lui, regarde ses tableaux, prend une tasse de café fait à la mode des siens, dans une tasse de son pays, et s’en va plein de son soleil et de sa patrie pour huit jours. […] « Puis, ajoute-t-il, là-bas tout grade supérieur dans l’armée est regardé comme une position à exploiter », et il nous assure qu’au siège de Puebla, Ortéga vendait de la farine à notre armée… » Au milieu de la causerie, Girardin entre dans le salon, tout rajeuni.

315. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

On lui demande ce que faisait Coppée, pendant le discours de Leconte de Lisle, elle répond qu’il regardait la coupole. Et regarder la coupole, semble un moment devoir devenir l’expression, pour peindre l’abstraction d’un académicien, d’une séance de l’Académie, la dissimulation de ses impressions, de ses sensations, quand un antipathique parle. […] Il me tend le petit livre très bien relié, et me dit : « Regardez quel est mon bréviaire… et certes je ne croyais pas vous rencontrer !  […] On le voit tout à coup abaisser la tête, regarder le plancher, tenir ses bras étendus entre ses cuisses ouvertes, et lâcher, lâcher de la parole, mêlée à des choses agressives. […] » il le vit encore parfaitement regarder en l’air, et chercher d’où venait l’applaudissement, avec le sang-froid d’un individu, qui serait tout autre part que sur l’échafaud.

316. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — II » pp. 71-89

Montluc réplique à M. de Saint-Pol par de nouvelles raisons et assez bien fondées : il montre que le moral de l’armée de Piémont est excellent ; que, dans toutes les précédentes occasions et rencontres, l’avantage lui est demeuré sur l’ennemi ; qu’il ne s’agit que de pousser outre et d’achever : « Regardez donc, nous qui sommes en cœur et eux en peur, nous qui sommes vainqueurs et eux vaincus, nous qui les désestimons cependant qu’ils nous craignent, quelle différence il y a d’eux à nous !  […] Transporté dans une place voisine, à Montalsin, et sachant Montluc presque à l’extrémité, il dépêcha à Rome pour faire venir un autre gouverneur, M. de Lansac ; mais celui-ci ne sut point s’y prendre et se laissa tomber aux mains des ennemis en essayant d’arriver à Sienne : « S’il fût venu, dit naïvement Montluc, je crois que je fusse mort, car je n’eusse eu rien à faire ; j’avais l’esprit tant occupé à ce qui me faisait besoin, que je n’avais loisir de songer à mon mal. » Après avoir été trois jours regardé comme mort, et avoir reçu la visite de Strozzi guéri plus tôt que lui, Montluc revint peu à peu à une santé suffisante pour vaquer à ses devoirs. […] Nous tâcherons cette fois d’y mieux regarder. […] » Parlant des piques, hallebardes, épées à deux mains, toutes armes blanches, par opposition aux arquebuses, il lui échappe de dire en un endroit : « Ce sont les plus furieuses armes ; car s’amuser à ces escopeteries, c’est temps perdu : il faut se joindre ; ce que le soldat ne veut faire lorsqu’il y a des armes à feu, car il veut toujours porter de loin. » — À y bien regarder, on trouverait seulement qu’en se servant de toutes deux, il tenait plus grand compte (ce qui est tout simple) de l’artillerie que de l’arquebuserie. — C’est le cas de rappeler ce mot, qui nous a été transmis par Plutarque, du roi de Sparte Archidame : la première fois qu’il vit un de ces énormes traits à lancer de loin par des balistes et des catapultes, qu’on avait nouvellement apportés de Sicile et qui étaient déjà l’arquebuserie ou l’artillerie des anciens, il s’écria : « Par Hercule !

317. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Legkzinska »

Une chose les inquiétait beaucoup plus, c’est la connaissance qu’ils avaient de la défiance et de la profonde dissimulation de ce prince : on ne sait si elles lui étaient naturelles ou si elles lui avaient été de bonne heure inspirées parle cardinal, mais il en était venu à regarder la dissimulation comme une qualité qui lui était absolument nécessaire, et c’est à dissimuler que se bornait pour lui l’art de gouverner. » Ce lieutenant des chasses qui avait en lui, à Versailles, du Tacite et du Suétone, n’a pas fini, et il continue d’analyser son maître sur ce ton, intus et in cute. Il nous le montre, vers la fin, devenu si défiant qu’on pouvait fort douter s’il croyait encore à la probité : ce qu’il y a de sûr, c’est qu’il regardait les personnes vertueuses comme peu capables, et s’il fallait s’en remettre à quelqu’un, c’étaient les plus malhonnêtes sans hésitation, et les plus signalés au mépris, qu’il employait de préférence et sans réserve : l’excès de défiance l’avait mené ainsi, de degrés en degrés, à son contraire : « Cette défiance, ajoute Le Roy en terminant, justifiée malheureusement par un grand nombre de faits, avait donné dans les derniers temps de l’immoralité à son caractère et mis le comble à son apathie ; elle avait surtout fait des progrès rapides, depuis qu’on avait attenté à sa vie. Comme jusqu’alors ses intentions avaient été droites, il désespéra de pouvoir jamais faire le bien, parce qu’on est toujours plus disposé à regarder comme impossible en soi ce qu’on n’a pas le courage de faire… C’est à ce point qu’était parvenu par degrés un homme qui, s’il fût né particulier, aurait été jugé, par son intelligence et son caractère, au-dessus du commun et ce qu’on appelle proprement un galant homme. […] Mme de Prie entre à tous moments dans ses appartements pour voir ce qu’elle fait, et elle n’est maîtresse d’aucune grâce. » Or, un matin, la reine trouva sur sa table un papier d’une fort belle écriture, et elle y lut, sous ce titre d’Instruction de Mme de Prie à la reine de France et de Navarre, les mauvais vers suivants qui parodiaient le discours d’Arnolphe à Agnès avec la gaieté de moins : Marie, écoutez-moi : laissez là le rosaire, Et regardez en moi votre ange tutélaire, Moi qui suis de Bourbon l’amante et le conseil, Moi qu’il chérit autant et plus que son bon œil52 : Notre roi vous épouse, et cent fois la journée Vous devez bénir l’heur de votre destinée, Contempler la bassesse où vous avez été, Et du prince qui m’aime admirer la bonté ; Qui de l’état obscur de simple demoiselle, Sur le trône des Lys par mon choix vous appelle.

318. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre XI. La Science et la Réalité. »

De plus, parmi les circonstances d’un phénomène, il y en a que nous regardons comme négligeables, et nous considérerons A et A′ comme peu différents, s’ils ne diffèrent que par ces circonstances accessoires. […] Dire que la science ne peut avoir de valeur objective parce qu’elle ne nous fait connaître que des rapports, c’est raisonner à rebours, puisque précisément ce sont les rapports seuls qui peuvent être regardés comme objectifs. […] Mais si l’on y regarde de plus près, on voit que ce qui succombe ainsi, ce sont les théories proprement dites, celles qui prétendent nous apprendre ce que sont les choses. […] Mais si l’une nous révèle des rapports vrais que l’autre nous dissimule, on pourra néanmoins la regarder comme physiquement plus vraie que l’autre, puisqu’elle a un contenu plus riche.

319. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre V. La littérature et le milieu terrestre et cosmique » pp. 139-154

Ainsi Mérimée, pour n’en pas citer d’autre, plus enclin à regarder au dedans qu’au dehors, se plaisait à décrire en style assorti des états d’âme violents, des caractères âpres, des éclats de passion sauvages pareils aux paysages que les descriptifs et les peintres d’alors jetaient sur le papier ou sur la toile. […] Mais ce n’est pas assez de constater les rapports du milieu physique et de la littérature qui peuvent être considérés comme de simples indices des goûts d’une époque ; il faut pousser plus avant et tâcher de mettre en lumière les phénomènes physiques qui peuvent être regardés comme des causes véritables de phénomènes littéraires. […] Regardez la Bretagne. […] Il n’apprécie la nature rude et sauvage que le jour où la nature civilisée lui permet d’arriver sans trop grand effort aux parties qui ont échappé à son action et de regarder sans crainte et sans arrière-pensée des forces imposantes contre lesquelles il se sent ou se croit abrité.

320. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre II : Variations des espèces à l’état de nature »

Mais il se présente des cas que je ne veux pas énumérer ici, où il devient extrêmement difficile de décider si une forme doit être ou n’être pas rangée comme variété d’une autre, même lorsqu’elles sont étroitement reliées par des formes intermédiaires ; d’autant que les formes intermédiaires sont communément regardées comme étant d’une nature hybride, ce qui ne tranche pas toujours la difficulté. […] Watson, auquel je suis profondément obligé du concours qu’il m’a prêté de toutes manières, m’a fourni une liste de 182 plantes anglaises qui sont en général regardées comme des variétés, mais qui ont toutes été mises par quelques botanistes au rang d’espèces. […] Même l’Irlande a quelques animaux qu’on regarde généralement comme des variétés, mais qui ont été considérés comme des espèces par quelques zoologistes. […] Mais quelle distance doit être regardée comme suffisante, s’est-on demandé avec juste raison ?

321. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — La banqueroute du préraphaélisme »

Mais si l’on regarde de près, cette illusion s’efface et cette renaissance se transforme en déclin. […] Robert de la Sizeranne35, mais il ne le regarde pas. S’il le regardait, l’être vivant pourrait modifier l’idée qu’il s’est faite du mythe, et le mythe seul importe. […] Je pourrai citer le norvégien Thaulow et quelques autres artistes de Hollande, de France ou de Belgique, qui malgré la muraille de fer de la routine, n’en sont pas moins, aux yeux de ceux qui veulent regarder, les maîtres d’aujourd’hui et les annonciateurs de demain.

322. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIX. Réflexions morales sur la maladie du journal » pp. 232-240

III Qu’il soit malade, cela va sans dire et il suffit de regarder. […] On regarde un journal, on le parcourt, on ne le goûte point.

323. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 34, du motif qui fait lire les poësies : que l’on ne cherche pas l’instruction comme dans d’autres livres » pp. 288-295

En lisant un historien, par exemple, nous regardons son stile comme l’accessoire. […] En lisant un poëme nous regardons les instructions que nous y pouvons prendre comme l’accessoire.

324. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — XVIII. La bague aux souhaits »

Après avoir regardé la femme et le kélé, Ahmed sort doucement et va appeler ses captifs : « Gardez bien les issues du tata, leur commande-t-il, que personne ne puisse sortir !  […] Il regarde mieux alors et reconnaît Ahmed.

325. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre II. Deuxième élément, l’esprit classique. »

Le public y monte, et les constructeurs lui disent de regarder, non pas au ciel et dans les espaces, mais devant lui, autour de lui, du côté de la terre, pour connaître enfin le pays qu’il habite. […] Regardez dans Homère, puis dans Fénelon, l’île de Calypso : l’île rocheuse, sauvage, où nichent les mouettes et les autres oiseaux de mer aux longues ailes », devient dans la belle prose française un parc quelconque arrangé « pour le plaisir des yeux ». […] Destutt de Tracy, voulant commenter Montesquieu, découvre que le grand historien s’est tenu trop servilement attaché à l’histoire, et il refait l’ouvrage en construisant la société qui doit être au lieu de regarder la société qui est. — Jamais, avec un aussi mince extrait de la nature humaine, on n’a bâti des édifices si réguliers et si spécieux. […] Maury ajoutait avec sa brutalité habituelle : « À l’Académie française, nous regardions les membres de celle des Sciences comme nos valets » […] Voltaire, Essai sur le poème épique [‘légère’]. « Notre nation, regardée comme si légère par les étrangers, est de toutes les nations la plus sage, la plume à la main.

326. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

Par le dogme de la chute, il amena l’homme à se regarder hors de sa condition extérieure hors du temps et du lieu où il vit ; il lui découvrit tous les mystères de son intérieur, et tout ce fonds de malaise qui couve en lui, sous quelque forme de société qu’il vive, irréparable contre-coup d’une première chute. […] Quoique Calvin pût laisser voir, dès ce temps-là, par quelques marques, la dureté qu’on devait lui reprocher un jour, les éloges que firent tous ses maîtres successivement, de son assiduité au travail et de sa docilité, ne permettent pas de douter que Wolmar ne l’entendit d’une certaine souplesse d’esprit, qui ne regarde pas le moral. […] Mais ce premier principe demeure comme le fond de la réforme religieuse ; et quand on y regarde de près, on reconnaît dans toutes les institutions de détail du protestantisme cette mise en suspicion des œuvres. […] A ne regarder dans Calvin et Rabelais que les excès de leur tour d’esprit particulier, on ne comprendrait pas que la perfection de l’esprit français dût être le fruit d’une contradiction si étrange. […] Les additions ne contredisent pas la louange que lui a donnée Théodore de Bèze, de n’avoir rien changé ni ajouté à sa doctrine, si ce n’est plutôt marque de médiocrité que titre de gloire pour un homme, d’avoir été immuable, en tout ce qui ne regarde pas la conduite morale.

327. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre huitième »

En ce qui regarde la grandeur romaine, il semble que Montesquieu en ait mieux vu les causes politiques, Bossuet les causes morales. […] C’était non seulement une vue de génie ; mais un acte de courage, si l’on regarde le temps, de faire contrepoids, par des idées de respect pour les choses existantes, à l’esprit de censure qui s’attaquait au bien comme au mal, à l’esprit de chimère qui venait à sa suite, rêvant, après la ruine universelle, des sociétés indéfiniment perfectibles. […] J’en parlerai pourtant, mais avec la réserve que recommande Voltaire, bien qu’il pût le prendre de plus haut avec Montesquieu, « en le respectant jusque dans ses chutes, parce qu’il se relève pour monter au ciel86. » Il ne faut pas se méprendre aux erreurs apparentes, erreurs si l’on n’y regarde qu’une fois, vérités détournées et profondes si l’on y revient. […] Il n’a manqué à Montesquieu que de regarder quelques instants de plus. […] Qu’importe, pourvu que l’immortel attrait de la ressemblance nous invite à nous y regarder ?

328. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

U n Prophete qui auroit fait cette prédiction : « Un temps viendra où l’on muselera les hommes, où on les chargera de coups de bâton, où on les réduira en servitude, après les avoir abrutis ; &, dans ce temps, les hommes ainsi muselés, ainsi assommés, ainsi enchaînés, diront grand’merci à ceux qui les auront traités de cette maniere, & les regarderont comme les bienfaiteurs de l’humanité ». […] Ces deux Prophetes auroient été regardés comme des insensés, & cependant ces Insensés auroient prédit exactement & les effets magiques de la moderne Philosophie qui fascine les Esprits, & la docilité des Esprits qui se laissent fasciner par la Philosophie moderne. […] Au contraire, on les regarde comme les gens qui rendent la santé, qui inoculent la raison ; on les écoute comme des Discoureurs qui amusent ; on les glorifie comme des Astres qui éclairent les Nations, sans s’appercevoir que l’influence de ces Astres noircit, desseche, corrompt & brûle partout où elle se fait sentir. […] Jusqu’à présent on avoit regardé la guerre comme un mal souvent nécessaire ; jusqu’à présent les belles Ames avoient été touchées de cette maxime célébrée chez tous les Peuples policés : Il est beau de mourir pour la Patrie. […] Helvetius, que le souvenir de l’amitié qu’il avoit pour moi me rendra toujours chere, je crois devoir déclarer que je ne le regarde point comme l’Auteur de l’Ouvrage qui m’a fourni cette citation, & qui n’a paru que deux ans après sa mort.

329. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — Y. — article » pp. 529-575

D’abord, en quoi sont-ils consister cette raison, qu’ils regardent comme avilie par la soumission de ses lumieres ? […] Socrate n’a été regardé comme le plus sage des Hommes, que parce qu’il avoit su se dégager des erreurs Philosophiques & populaires de son temps, pour s’élever à la connoissance de l’Etre suprême. […] Bayle, que nos Philosophes regardent comme l’honneur de la raison humaine ; Bayle, dont les Ouvrages ont alimenté les froids raisonnemens de nos Discoureurs irréligieux ; Bayle, cet exemple si frappant de l’inconséquence humaine, par les contradictions où il se précipite sans cesse : comment appeloit-il cette raison qu’on croit humiliée par sa soumission à la Foi religieuse ? […] En un mot, elle oblige l'Homme à se regarder comme ennemi de lui-même, au moment qu'il se montre le plus l'ami des autres Hommes, si ses motifs ne sont pas aussi nobles que ses actions. […] La Religion est austere & gênante ; c'est avouer qu'on est incapable de porter le joug des vertus qu'elle commande : elle est nuisible ; c'est fermer les yeux aux avantages les plus sensibles, les plus indispensables qu'elle procure à la société : ses devoirs excluent ceux du Citoyen ; c'est la calomnier manifestement, puisque le premier de ses préceptes est de remplir les obligations de son état : elle favorise le despotisme & l'autorité arbitraire des Princes ; c'est méconnoître son esprit, puisqu'elle déclare, dans les termes les plus énergiques, que les Souverains seront jugés, au Tribunal de Dieu, plus sévérement que les autres Hommes, & qu'ils paieront avec usure l'impunité dont ils ont joui sur la terre : la foi qu'elle exige contredit & humilie la raison ; c'est insulter à l'expérience & à la raison même, que de regarder comme humiliant un joug qui soutient cette raison toujours vacillante, toujours inquiete quand elle est abandonnée à elle seule, ainsi que les ennemis de la Foi en sont eux-mêmes convenus*.

330. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — I. (Dialogues inédits.) » pp. 1-28

Il avait les gros yeux de la race, et qui, charmants dans les portraits de ses père, oncle et aïeul, le devenaient aussi chez lui toutes les fois qu’une femme s’oubliait à le regarder : « Ce sont ces certains yeux couchés, disait-il, que, sur mon honneur, je ne saurais appeler beaux, dusses-tu me battre (c’est à Sophie qu’il écrivait cela), mais qui enfin disent assez bien, et quelquefois trop bien, tout ce que sent l’âme qu’ils peignent. » Il tenait pourtant de sa mère (Mlle de Vassan) des caractères qui gâtaient fort et qui ravalaient même, disait son père, la hauteur originelle du type, qui en altéraient certainement la noblesse, mais qui en corrigèrent aussi la dureté. […] Je l’assurai de plus qu’il était indigne d’un honnête homme de regarder la confiance de son ami comme une facilité pour le tromper, et que cette façon de penser suffirait pour m’éloigner de celui qui était capable de l’avouer, fût-il à mes yeux le plus beau et le plus aimable des mortels. […] Il est respectueux, il est familier, il est fraternel ; c’est par moments l’ami et presque le camarade, qui veut obliger le camarade et l’ami : Ce n’est point mon amour que je veux vous faire valoir : regardez-moi comme votre frère ; ne me croyez pas capable de vous rendre un service intéressé… Ne soyez point femme en cet instant. […] Selon lui, son séjour dans ce pays du Jura ne doit pas être aussi court qu’on le suppose ; le dessein de son père n’est pas d’abréger cet exil ; et lui-même il en est venu à renoncer à toute carrière d’ambition : Depuis que j’ai été à même et en état d’observer, les temps-ont été si difficiles, les circonstances si fâcheuses, l’esprit du gouvernement si bizarre, son despotisme à la fois si odieux et si insensé, que je me suis accoutumé à regarder la vie privée comme la place d’honneur3. […] Saint-Mauris y consentit, et, durant cette soirée à laquelle il assistait, il ne cessa de regarder Mirabeau et la marquise avec une joie maligne.

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