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45. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. de Lacretelle » pp. 341-357

Mais il vient d’être réédité en 1878, à peu près au moment où le sculpteur Falguière finissait sa statue, et l’éditeur, qui fait son métier, envoie le livre à la Critique, pour qu’elle le mette en lumière au moment même où cette statue se dresse sur la place publique de Mâcon, et attire les regards de tous ceux qui lisent les journaux et ne voient, de près ou de loin, que par cette lorgnette. […] On en aura bien pour huit jours du Lamartine, et c’est même là un bon sujet d’article, — facile et de circonstance, — une selle à toute bête, un de ces éclairs sur lesquels le premier venu s’affourche pour qu’on le voie mieux. […] Courier, ce pamphlétaire bourgeois et ce reptile… Madame Sand a la sienne, et, pour comble de drôlerie, faite par monsieur son gendre, qui de son vivant la détestait, et qui la menaçait spirituellement de la sculpter… autrement qu’il ne l’a sculptée, pour que tout le monde la reconnût ! […] Sa gloire, à laquelle de petits ouvriers d’un jour se sont mis présentement à travailler pour qu’il restât sur eux un peu de la limaille d’or de cette gloire, qu’ils frottent pour la faire reluire, comme si elle en avait besoin !

46. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Gaston Boissier » pp. 33-50

On ne s’ôte pas si facilement de ce livre, très intéressant par toutes les notions qu’il roule dans ses pages et dont la gracieuse modération m’est trop suspecte pour que je ne veuille pas la pénétrer. […] Le cœur de l’orgueilleux et voluptueux genre humain cloué avec amour à la croix des esclaves sur laquelle meurt un Dieu, les douze bateliers de Judée prenant la terre entière dans leur miraculeux filet, cette histoire, qui n’avait besoin que d’être racontée, depuis saint Paul jusqu’à Bossuet, pour que ceux qui n’étaient pas chrétiens le devinssent, —  Credo quia absurdum et impossibile ! […] J’ai parlé plus haut de Sénèque comme d’un chrétien anticipé, et que saint Paul, pour qu’il le fût, n’avait pas besoin de convertir ; — de Sénèque, qui, par parenthèse, fut à son époque un éclectique et un sceptique comme M.  […] Dieu descendit du ciel, et pour qu’on le vît mieux par le repoussoir de cet épouvantant contraste, il se fit attacher à la croix des scélérats.

47. (1926) L’esprit contre la raison

Pour que ne pût jaillir aucun geyser, le sol lui-même fut écrasé sous les plus lourdes pierres. […] La seule imagination me rend compte de ce qui peut être et c’est assez pour lever un peu le terrible interdit, assez aussi pour que je m’abandonne à elle sans crainte de me tromper. […] Le symbole est bien commode, mais l’expression même trop lourde de sous-entendus pour que ne s’éveille point notre méfiance. […] Ainsi, entre autres bienfaits, un livre du genre du Manifeste du surréalisme eut celui de nous montrer combien, au fond de l’homme, dur doit être le noyau d’injustice, d’indignité à devenir libre pour qu’il ait si aisément consenti à se laisser enfermer sans regimber au milieu du bric-à-brac réaliste. […] Aussi, malgré ses qualités félines, est-il non le chat qui joue avec la souris, mais la souris qui joue avec le chat pour que le chat la griffe, la tue, la mange. » Les surréalistes, notamment Breton (« Pour Lafcadio » (1918), Mont de Piété) et Soupault (Voyage d’Horace Pirouelle) se réfèrent à l’acte gratuit de Lafcadio.

48. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — I. » pp. 195-212

Cette coïncidence m’a frappé, et je me suis dit que pour que deux esprits sérieux, appliqués, travaillant en conscience et loin du bruit, l’un à Dijon et dans un ordre d’idées et de considérations catholiques, l’autre à Alais dans la communion protestante, que pour que ces deux esprits, ayant fait chacun de Mézeray une étude spéciale, se fussent ainsi rencontrés dans une opinion commune, il fallait que l’historien, à bien des égards, le méritât. […] Tout cela est vrai ; mais, si Mézeray n’avait été que ce satirique et ce cynique que nous montrent certains biographes, il est douteux qu’il eût entrepris une œuvre aussi pénible et d’aussi longue haleine que sa grande Histoire : pour que cette noble ambition le saisît, il fallait que sa jeunesse s’inspirât des grandes choses auxquelles elle assistait, qu’il se sentît fier, comme il le dit, d’être d’une nation si généreusement conduite, si hautement relevée et honorée aux yeux de l’Europe par l’habileté vaillante de ses chefs. […] N’accusons donc point Mézeray de ces lacunes, et sachons-lui gré plutôt de les avoir si bien signalées et définies : il a fallu deux siècles de défrichement et de critique, des travaux sans nombre et en France et dans d’autres pays, des systèmes contradictoires qui se sont usés en se combattant et qui ont fécondé le champ commun par leurs débris ; il a fallu enfin ce qu’invoquait Mézeray, l’appui des gouvernements dans les recherches, dans le libre accès aux sources et à toutes les chartes et archives, pour que les faits généraux qui se rapportent à cette première et à cette seconde race fussent éclaircis, pour que la société féodale fût bien connue, et que l’histoire du tiers état pût naître.

49. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Une monarchie en décadence, déboires de la cour d’Espagne sous le règne de Charles II, Par le marquis de Villars »

La camarera-mayor, la duchesse de Terranova, en allant au-devant de la reine, et en la recevant à la frontière, s’appliqua à l’instant même à établir son empire, à assiéger ce jeune esprit d’inquiétudes, à le remplir de préventions, et à multiplier autour de la personne royale les barrières de l’étiquette, pour que rien d’étranger ni de contraire à ses desseins n’y pénétrât. […] On la prévint aussi tant qu’on put contre l’ambassadeur de France, M. de Villars, pour qu’elle se méfiât de ses conseils. […] La cabale avait même arrangé les choses pour que le mariage se célébrât à ce pauvre petit village de Quintana-Palla, sans que l’ambassadeur de France qui était à Burgos fût prévenu. […] Je fis ce que je pus pour qu’elle ne le témoignât que de bonne sorte. […] Il y a de petits filets d’eau par-ci par-là, mais pas assez pour qu’on en puisse arroser des sables menus, qui s’élèvent sous les pieds des chevaux ; en sorte que cette promenade n’est plus supportable.

50. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

Ainsi, pour que l’animal mâche, il faut qu’elles soient comme elles sont. […] Pour qu’elle se fasse, il faut que les organes soient comme ils sont. […] Ainsi, pour que la nutrition se fasse, il faut que l’animal puisse mâcher, avaler et digérer. […] Donc, pour que la vie subsiste, il faut que toutes les opérations subordonnées puissent s’effectuer.  […] Il y a nécessité pour que ces opérations se fassent. 

51. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Grosclaude. »

Ne jurerait-on point qu’une Providence a voulu que Fulgence et Waflard collaborassent à un grand nombre de vaudevilles, tout exprès pour qu’un lecteur malade de Francisque Sarcey pût être qualifié de « blafard (et Fulgence) » ? que le tabac fût inventé pour qu’un reporter demandât à une vieille locomotive : « Vous fumez ?  […] » pour que Grosclaude inventât une faute d’orthographe, les « connaissances zutiles », qui raille à la fois les dernières réformes de l’enseignement et la prononciation du Conservatoire ?

52. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Avellaneda »

Mais pour que rien ne manquât à la renommée de ce pauvre et charmant grand homme, à qui tout avait manqué pendant qu’il vivait, il lui naquit plus tard cette chose rare, ce hasard inouï, cette nonpareille des Florides en littérature, un traducteur, et un traducteur dans cette langue française, la langue polyglotte, qui universalise la pensée d’un homme en l’exprimant. […] La traduction est trop réussie pour que, malgré ses qualités de critique pénétrantes et raffinées, il ne nous ait pas surfait de beaucoup les mérites d’Avellaneda. […] Germond de Lavigne n’aura ressuscité ce livre, qu’il croit immortel, que pour que la postérité qui l’avait condamné ratifie sa sentence et l’exécute… une seconde fois.

53. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIII. Éloges donnés aux empereurs, depuis Auguste jusqu’à Trajan. »

Ovide qui, après la mort de cet Octave qu’il devait abhorrer, lui consacra un éloge funèbre en vers gètes, lui dressa une chapelle, lui composa des hymnes, et allait tous les matins encenser son image, pour que l’odeur de l’encens parvînt au Capitole, à cet autre tyran nommé Tibère ! […] Ensuite on l’avertit qu’il est trop grand pour qu’il lui soit permis de pleurer. […] » Et ensuite une prière à la fortune, pour qu’elle veuille bien permettre « qu’un si grand empereur remédie aux maux du genre humain désolé… Si elle regarde Rome en pitié, si elle n’a pas encore résolu d’anéantir le monde, ce prince, envoyé pour consoler l’univers, sera aussi sacré pour elle, qu’il l’est déjà pour tous les mortels26 ».

54. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

Ainsi, tout ce qui est dans notre atmosphère tombe, et tombe vers le centre de notre planète. — Mais, pour qu’un corps tombe, il n’est pas nécessaire qu’il soit compris dans notre atmosphère ; des deux mouvements qui composent le mouvement total de la lune, l’un est une chute vers nous. — Encore deux pas, et l’épuration de notre idée s’achève. […] C’est là une question réservée ; nous n’en prenons point souci ; notre idée a été construite pour elle-même. — Et cependant il y a chance pour que la construction mentale coïncide avec quelque construction réelle. […] Sous nos yeux et tous les jours, une quantité prodigieuse de corps sont en repos ou en mouvement, de sorte qu’à ce point de vue l’expérience nous fournit tous les matériaux nécessaires pour que nous puissions isoler les deux idées élémentaires de repos et de mouvement. […] Pour qu’un corps en repos se meuve, il faut l’intervention d’une force ; si cette intervention manque, il demeure indéfiniment en repos, et sa tendance à persister dans son état est si bien inhérente à toutes ses particules, que, selon sa masse plus ou moins grande, il faut une force plus ou moins grande pour lui imprimer la même vitesse. — D’autre part, pour qu’un corps en mouvement s’arrête, ou change sa vitesse, ou dévie de la ligne droite, il faut aussi l’intervention d’une force. […] C’est ainsi que le mathématicien prépare d’avance des moules que le physicien viendra plus tard remplir. — Trois conditions sont requises pour que ces moules aient chance de convenir aux choses.

55. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Victor Hugo »

On vous dose prudemment la lecture, pour que vous ne mouriez pas tout d’un coup de plaisir et d’admiration, et que vous mouriez un peu, en attendant, de curiosité… ce qui est notre affaire ». […] La raison, la lucidité, la profondeur, le sang-froid, le désintéressement de soi-même, la possession réfléchie de sa pensée, ont été trop radicalement refusées à Victor Hugo pour qu’il puisse faire jamais de la critique. […] — pour qu’on crût à la culpabilité du Nabuchodonosor qui devait précéder dans la haine du monde sa Babylone écarlate, a été enveloppé dans des calomnies égales à celles dans lesquelles on a enveloppé le pontife, et ces calomnies, il fallait les détruire aussi bien que les autres. […] Cette première partie de cette histoire, je l’ai dit, a été envoyée à Hugo pour qu’il pût s’en servir, s’il en fait une, dans sa préface future de Lucrèce Borgia. […] Je n’ai pas voulu descendre, dans l’examen de ce livre, jusqu’aux chicanes d’une critique de détail avec un homme qui, comme l’auteur, est assez haut placé pour qu’on lui fasse l’honneur d’une critique qui relève plus de la synthèse que de l’analyse.

56. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

Prions Dieu pour qu’elle reste toujours bien saine, la sève de la famille, et toujours française, cette terre lorraine qui nous coûte tant de larmes. […] C’est remarquable et de qualité noble, ce souci de construire sa vie comme une œuvre d’art, pour qu’elle soit féconde. […] Mais aujourd’hui, laissons-les en bloc, pour qu’ils tombent avec tout leur poids sur nos cœurs.‌ […] De toute leur jeune voix, ils ont crié pour qu’on s’y préparât ; ils pressentaient qu’elle les jetterait bas, et joyeusement ils y coururent.‌ […] Je les pose à même sur le papier pour qu’ils jettent librement leurs feux.‌

57. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Derniers Jours d’un condamné » (1832) »

Pour qu’un jour un misérable commis de la chancellerie, à qui cela était égal, se soit levé de sa chaise en disant : — Allons ! […] C’est en ce moment-là qu’un valet du bourreau, jeune homme de vingt ans, monte sur l’échafaud, dit au patient de se tourner pour qu’il le délie, et, profitant de la posture du mourant qui se livrait à lui sans défiance, saute sur son dos et se met à lui couper péniblement ce qui lui restait de cou avec je ne sais quel couteau de boucher. […] C’est donc une chose bien redoutable qu’un condamné à mort, pour que la société le prenne en traître de cette façon ! […] Nous faisons cette question sérieusement ; nous la faisons pour qu’on y réponde ; nous la faisons aux criminalistes, et non aux lettrés bavards. […] D’ailleurs, nous ne voulons pas seulement l’abolition de la peine de mort, nous voulons un remaniement complet de la pénalité sous toutes ses formes, du haut en bas, depuis le verrou jusqu’au couperet, et le temps est un des ingrédients qui doivent entrer dans une pareille œuvre pour qu’elle soit bien faite.

58. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

En marchant dans cette vie, dont le sentier semble si étroit, on s’éparpille, l’un à droite, l’autre à gauche, et il y a encore assez d’espace pour que beaucoup se perdent tout à fait, sans compter ceux qui succombent en route. […] Mais un sentiment tardif et profond, si imprévu et qui tranche sifort avec tout ce qu’on savait du chantre de Lisette, lui fait trop d’honneur pour que, si quelque témoignage, particulier en existe dans ses papiers ou dans ses lettres, on ne le produise pas un jour. […] Employez donc votre encre pour qu’elle ne se répande pas sur tout votre être. […] Il est trop tard pour que j’en profite ; mais je fais des vœux pour que des témoignages si précieux de confiance et de bienfaisance aillent s’ajouter à tout ce qu’on sait déjà, et achèvent de faire connaître l’homme qui, vivant d’économie et de privations, tenait presque toujours 100 francs pour les fins de mois à la disposition de son maire.

59. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite et fin.) »

Necker ; des manifestations populaires entouraient son hôtel, et lorsqu’il offrait sa démission le jour même, le roi dut insister pour qu’il restât à son poste ; la reine, qui pour la première fois entendait de près ces sortes de clameurs, déjà menaçantes, ajouta que « la sûreté personnelle du roi y était intéressée. » Necker céda aux royales instances ; et aussitôt après, dès le lendemain, on recommençait le même jeu ; la cabale du comte d’Artois reprenait le dessus ; on faisait un rassemblement de troupes ; on menaçait l’Assemblée nationale. […] Tout d’abord je dois dire, pour qu’il n’y ait pas à se méprendre sur les éloges si dus à cet état d’une belle âme inaltérable et pure, que l’angélique princesse est au fond dans l’inintelligence politique la plus entière de la situation ; elle voit nettement les faits, et elle les rend comme elle les voit ; mais la raison, la nécessité qui les produit et les enchaîne lui échappe. […] La nuit du 4 août racontée par elle est d’une vivacité pittoresque ; quelques jours après, elle écrit ; « Samedi au soir, il a été décidé que l’on porterait au roi l’arrêté du 4 août, pour qu’il y campât sa sanction. » Les journées des 5 et 6 octobre sous sa plume se dessinent en traits d’une exacte et parlante réalité : ce qu’elles ont d’atroce y est montré, mais sans rien de chargé ; ce qu’il y a eu de bien s’y entremêle ; tout se succède et court. […] Rappelle-le-lui, pour qu’il prenne confiance en ce que je te mande, qui est ma véritable manière de voir. […] Je serais indigne du nom de notre mère, qui vous est aussi cher qu’à moi, si le danger me faisait fuir loin du roi et de mes enfants. » Et un autre jour, aux discours qu’on lui rapporte de Vienne, et qui feraient supposer que son frère la considère comme menée par La Fayette ou tel autre personnage du dedans, elle s’indigne, elle se révolte (20 janvier 1791) : « Nous sortons tous d’un sang trop noble, écrit-elle à M. de Mercy, pour qu’aucun de nous puisse soupçonner l’autre d’une telle bassesse ; mais il y a des moments où il faut savoir dissimuler, et ma position est telle et si unique que, pour le bien même, il faut que je change mon caractère franc et indépendant. » Elle chargeait le comte de Mercy de réfuter en bon lieu ces bruits malveillants que semaient les émigrés exaltés et la cabale du comte d’Artois, afin de donner prétexte et carrière à leurs plans aventureux.

60. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IX. Mémoires de Saint-Simon » pp. 213-237

Fragments d’abord, publiés en 1818, il donnèrent assez de jouissances inattendues à l’imagination contemporaine pour qu’elle ressentit soudainement l’amour d’un livre qui faisait si largement immerger la vie dans l’histoire, et pour qu’elle désirât ardemment connaître l’ensemble et l’effet intégral de cette vaste fresque, comme l’a dit si heureusement M.  […] Certes, nous ne sommes pas déjà si fous du talent, quoique nous nous en vantions, la gloire étant faite ; nous n’aimons pas tant déjà cette distinction, plus cruelle à l’orgueil que les distinctions nobiliaires, pour que le talent, le talent seul d’un incomparable écrivain ou le besoin d’être amusés par une histoire vraie qui ressemble à une fable immense, donnent le mot de cette sympathie qui n’a pas été combattue et à laquelle nous nous sommes livrés sans discuter et sans hésiter. […] Il fallait que Louis XVI égaré lâchât, philosophiquement la clavette révolutionnaire pour que la France de Louis XIV se précipitât… Certes, c’était la vérité, l’État, c’était lui, comme l’État c’était aussi Louis XVI, quand un jour on lui coupa la tête sur la place de la Révolution. […] Aux autres pages des Mémoires, on applaudit et l’on ne regrette rien de cette gouaillerie grandiose et comique, infligée par ce grand seigneur, en gaîté de mépris, à un homme, moins qu’un homme d’attitude première, mais qui finit par montrer qu’il pouvait s’élever et se tenir en homme sur son piédestal de boue, lorsque la mort, — cette épouvantable justicière de Dieu, — le renversa dessus pour qu’il ne pût pas en descendre.

61. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — II »

Il faudrait donc admettre, pour que les inductions que la psychologie prétend tirer du moi présent à l’avenir de l’humanité fassent légitimes, que toutes les grandes évolutions du moi eussent achevé leur cours, et que de plus il existât une sorte d’égalité psychologique entre tous les individus, entre tous les moi de l’humanité adulte ; de sorte qu’un de ces moi quelconque, s’observant lui-même par une bonne méthode, arrivât aux mêmes résultats que les autres moi ses semblables. […] Ce sont là des symptômes variables, des accidents nerveux qui doivent se produire beaucoup moins fréquemment aujourd’hui que la nature en est mieux connue ; car, on le sait, une des conditions principales pour que ces accidents se produisent, c’est qu’on en ignore la nature. […] Dans le cas présent d’ailleurs, il est une raison profonde pour que l’inspiration soit dégagée de toutes ces apparitions, de tous ces messages angéliques ou diaboliques qu’elle évoquait à sa suite dans le passé. […] C’était donc pour que l’humanité eût un jour le loisir de s’observer et de s’analyser de la sorte qu’elle s’est tant remuée autrefois ; c’est à cette fin que la nature aura été domptée et civilisée, que l’esclavage et la guerre auront été réprimés sous toutes les formes, et que l’émancipation du plus grand nombre se sera poursuivie par degrés jusqu’à ce jour, quoique trop imparfaitement encore ; enfin ce sera là le prix, le terme glorieux, le caput mortuum de la perfectibilité humaine !

62. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface du « Roi s’amuse » (1832) »

Enfin, pour que tout soit net et clair, pour que les quatre ou cinq grands principes sociaux que la révolution française a coulés en bronze restent intacts sur leurs piédestaux de granit, pour qu’on ne puisse attaquer sournoisement le droit commun des Français avec ces quarante mille vieilles armes ébréchées que la rouille et la désuétude dévorent dans l’arsenal de nos lois, la charte, dans un dernier article, abolit expressément tout ce qui, dans les lois antérieures, serait contraire à son texte et à son esprit. […] Il n’est que trop vrai que ce vers a suffi pour que l’affiche déconcertée du Théâtre-Français reçut l’ordre de ne plus offrir une seule fois a la curiosité du public la petite phrase séditieuse : le Roi s’amuse.

63. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXVI. La sœur Emmerich »

il ne faut pas qu’on l’oublie, et j’avoue que j’ai un fort plaisir à le répéter aux écrivailleuses endiablées de cette époque superbement plate, puisqu’elle accepte leurs extravagantes prétentions, c’est qu’il faut que Dieu s’en mêle, par voie extraordinaire et par grâce surnaturelle, pour qu’une femme, en génie, vaille un homme… Dans l’ordre humain, cela ne s’est jamais vu. […] alors, la raison est double pour qu’il n’ait plus de prise du tout sur l’imagination humaine, cette grossière. […] Seulement, parce qu’il a fait son métier de prêtre, désintéressé de gloire humaine, et profond d’intention religieuse, est-ce une raison pour que nous, les critiques mondains, nous soyons dispensés de faire le nôtre, en ne portant pas la lumière sur ce qui est beau de la beauté humaine… et littéraire, la plus nette, la plus pathétique, la plus impérieusement incontestable, et cela indépendamment du sujet sur lequel s’est produite cette beauté inouïe et de l’explication surnaturelle qu’il faut en donner ? […] Toute notre affaire à nous, — nous l’avons dit, — c’est de montrer le poëte qu’on ne voit pas plus que la sainte dans la sœur Emmerich ; le poëte, dans cette paysanne qui parle patois westphalien, invisible encore plus peut-être que la sainte, dans cette pauvre religieuse à névrose, et de rappeler, — mais non pas pour qu’il s’en corrige, — l’aimable accueil que, de toute éternité, le monde fait également à ses poëtes et à ses saints !

64. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — Se connaître »

Son avenir lui paraît trop assuré, son passé trop imposant, sa renommée trop retentissante pour qu’elle conçoive une inquiétude sérieuse. Son admiration d’elle-même est trop vive pour qu’elle s’abandonne au souci vulgaire de s’examiner : elle est la France, et cela lui suffit, le mot pouvant bien suppléer à la chose. […] Il faut que la réalité soit bien écrasante pour qu’elle ait pu un instant dominer l’intense sentiment nationaliste épanoui au cœur de ces trois hommes. […] Il faut lui supposer une conformation particulière de son être intime, pour qu’il puisse concilier le sentiment de sa faiblesse et celle de sa supériorité, la conscience de sa médiocrité et celle de sa prospérité.

65. (1875) Premiers lundis. Tome III « Profession de foi »

Car, nous y insistons, il y a, depuis le premier numéro du Globe jusqu’au dernier, dans sa pensée première, dans le but général qu’il poursuivait, dans une portion constante de sa direction et de ses travaux, une raison profonde pour qu’il ait suivi la marche qu’il a suivie, pour qu’il ait passé par ses transformations diverses, et pour qu’il soit aujourd’hui aux mains dans lesquelles il est.

66. (1912) L’art de lire « Chapitre VI. Les écrivains obscurs »

Je me dis : à quelle hauteur ou à quelle profondeur faut-il que soit cet homme pour que je ne le distingue plus. […] D’abord parce qu’il y a une certaine paresse intellectuelle qu’il est bon de vaincre, de heurter contre de très grandes difficultés, contre de redoutables obstacles, pour qu’elle n’augmente point et pour que, en augmentant, elle ne vous mène très bas.

67. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Troisième partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère des idées politiques. » pp. 350-362

Il fallait, pour que Troie fût prise, que le Palladium fût enlevé, que les flèches d’Hercule servissent dans les combats, que les chevaux de Rhésus fussent dérobés, Un oracle condamne Énée à manger ses tables pour qu’il parvienne à fonder un empire en Italie. […] Mais si l’homme peut secouer enfin le joug de la fatalité, il n’échappera point cependant au malheur ; car le malheur est une chose trop morale et trop utile pour qu’il nous soit ôté.

68. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Sand »

Dans ce dernier cas, et pour qu’elle le fût, il aurait fallu publier d’un seul coup toute la Correspondance dont on nous menace, et non l’égrener en plusieurs volumes, ce collier, qui n’est pas de perles ! […] Il faut, à elle, pour qu’on puisse seulement la regarder, que sa toilette soit entièrement faite. […] Elle ne se sentait ni n’avait assez de talent pour mourir de faim avec grandeur dans une civilisation mortelle souvent au génie, mais elle en avait assez peu pour que cette civilisation lui fût généreuse… Dès son début comme depuis, Madame Sand n’eut de conception plus haute de la littérature et de sa destinée à elle-même que l’indépendance du bohème et le sac d’écus, l’objectif du bourgeois rangé, qu’il appelle son magot.

69. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

L’humanité s’est partagée en groupes, en sociétés diverses, non pas tant pour obéir à certaines affinités que pour se conformer à cette obscure et inévitable loi d’injustice, qui est une des formes du mal sur la terre, et pour que la guerre fût, et pour que le sang coulât. […] C’en est assez pour que de Maistre les déteste. […] S’il lui suffisait de ne pas vouloir, un instant, que son sang circule, pour que la circulation s’arrête, comme il lui suffit de vouloir fermer les yeux pour les fermer, une colère enfantine ou un dépit de jeunesse serait assez pour qu’un suicide, acte irrévocable, se produisît. […] Dès que vous êtes noble, n’acquérez plus, pour qu’il soit bien établi que vous n’avez acquis que pour être noble. […] Il veut les hommes égaux pour qu’aucun n’impose sa volonté à un autre, mais non pas pour que tous imposent leur volonté à chacun ; car ceci encore serait une limite à la liberté individuelle, et la plus étroite, une oppression de la personne humaine, et la plus lourde.

70. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXII. L’affichage moderne » pp. 283-287

Sérieusement il n’est aucune raison valable pour que l’œuvre de Lautrec ne s’applique pas à la publication américaine, et celle de Bradley à la revue parisienne ; ou pour que l’une ou l’autre d’entre elles ne notifie le tapioca Groult ou l’absinthe Cusenier.

71. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VII. Objections à l’étude scientifique d’une œuvre littéraire » pp. 81-83

De même, l’historien a le regret de constater des lacunes inévitables dans les matériaux qu’il doit mettre en œuvre ; c’est une raison suffisante pour qu’on lui recommande d’être prudent ; ce n’en est pas une pour qu’on lui dénie le pouvoir d’élever un édifice qui résiste et qui dure.

72. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « L’abbé Noirot »

On a assez vu, du reste, pour qu’on veuille et même pour qu’on puisse le revoir, ce qu’ils ont fait de ce domaine.

73. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet »

Pour que toujours, à toute époque, les choses se soient passées ainsi, ne faut-il pas qu’il y ait dans cette Chine, dont c’est là l’éternelle histoire, des faits d’un ordre providentiel, mystérieux et terrible, peu aperçus du commun des historiens, mais pourtant comme il s’en rencontre à certaines places dans les annales du genre humain… Pour les peuples, ainsi que pour les hommes, la grâce méprisée — longtemps et obstinément méprisée produit l’endurcissement, l’aveuglement, l’impénitence. […] Indépendamment de ce qui est commun à l’une et à l’autre, de cette résistance de la race bien plus que de l’individu qu’elles opposent au Christianisme toutes les deux, — car on n’a pas déformé la tête humaine pendant des milliers d’années dans des doctrines de perdition pour qu’elle se courbe, au premier mot, sous le signe sacré du baptême, et pour que la lumière de la vérité y pénètre tout à coup dans la douceur de son premier rayon, — la Chine, de son côté, qui ne le sait ?

74. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — I. » pp. 325-345

J’insiste sur ces jours intérieurs qu’il nous ouvre, parce que l’histoire secrète de Roederer fut celle alors de beaucoup d’autres, parce qu’il ne fut pas le seul à avoir ce qu’on peut appeler sa période de Rousseau, et pour qu’on voie aussi à quel degré primitif de chaleur mûrirent tant de qualités solides et fortes que plus tard on apprécia en lui. […] La méprise de l’Assemblée constituante fut de suivre et de favoriser de toutes ses forces ce courant, comme s’il n’y avait rien eu à craindre au lendemain, comme si l’on n’avait eu qu’à appliquer en temps paisible les conséquences rigoureuses de la raison politique, et de ne pas voir le flot de la démocratie qui montait, qui s’élevait de toutes parts, et qui allait l’emporter elle-même avec sa Constitution et ses lois : tellement que pour que la partie salutaire et juste de ces lois pût s’appliquer en réalité et être sentie de tous, il fallut qu’auparavant on repassât par l’autorité d’un seul, c’est-à-dire par ce que la Constituante avait le plus méconnu. […] Dans la dernière partie de sa carrière, l’Assemblée constituante essaya de revenir, par le moyen de la révision, sur ce qu’avaient eu de trop absolu ses premiers décrets ; Roederer résista : Je soutins, dit-il, que pour que la Constitution répondît au titre qu’on lui avait donné de Constitution représentative, et pour que ce titre ne fût pas une imposture, il fallait que les fonctions administratives dans les départements, les districts, les municipalités, fussent déclarées constitutionnellement, c’est-à-dire irrévocablement électives. — Je me détrompai en 1793 de mon opinion, par l’expérience que j’acquis comme procureur général syndic du département de Paris. […] Mirabeau continue : Je ne sais pas trop ce que j’écris dans ce tumulte, mon cher Roederer ; mais ce que je sais, c’est qu’il suffit que l’abbé Sieyès et vous soyez d’un avis pour que je sois sûr, même sans examen, que l’on peut honnêtement et raisonnablement avoir cet avis.

75. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre II. Le rôle de la morale » pp. 28-80

Pour que la liberté pût être généralisée, pour qu’elle n’impliquât pas forcément, comme l’envers suppose l’endroit, une gêne et une suppression de la liberté même, il faudrait que les désirs de chaque homme puissent être satisfaits en même temps que ceux de tous les hommes. […] L’intelligence, chez plusieurs d’entre nous, s’est assez affranchie de l’instinct, assez différenciée pour que ceux-là puissent comprendre, encore qu’un peu confusément, ce qu’ils sont et ce qu’ils font. […] Car la direction d’un côté, l’obéissance de l’autre, ce sont les grands facteurs de la vie sociale, tant qu’elle n’est pas suffisamment organisée pour que chaque élément y fasse spontanément son office. […] Il est juste, il est naturel que la société dise à l’homme : « Pour que la vie commune soit possible et bonne, il faut agir de telle et telle façon ; c’est notre devoir à tous, c’est le tien de diriger en ce sens notre conduite. » Et l’instinct social est assez fort en nous, pour que cette raison, proclamée ou vaguement sentie, entraîne l’esprit assez souvent et détermine la conduite. […] Quand l’instinct social exalte l’individu, c’est pour que celui-ci lutte contre la société actuelle et vienne ensuite se soumettre à lui pour la construction de la cité future.

76. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — I. » pp. 131-146

Il faut certes que dans ses débuts de palais la supériorité de Jeannin, la sûreté de son jugement surtout, aient éclaté d’une façon bien notable, pour qu’après deux ans à peine il ait été choisi par les élus des états de Bourgogne pour être le conseil de la province. […] Il était assez faible pour que le moindre succès l’enflât, pour qu’un secours promis par l’Espagne le rendît moins traitable ; il avait assez d’honneur pour qu’une défaite éprouvée le piquât au jeu et lui parut un motif de plus de persévérer : il avait assez de bon sens d’ailleurs et d’honnêteté pour sentir les misères et les assujettissements de sa position, et peut-être aussi les misères des peuples et de l’État.

77. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens III) Henri Rochefort »

Quand un homme passe son temps à attiser les haines des souffrants, à provoquer la révolution sociale, à faire tout, sous prétexte que le monde va mal, pour qu’il aille plus mal encore, il faut qu’il soit bien persuadé de la justice de son œuvre, et cette foi ne suppose pas un très grand fond de gaieté ni surtout une humeur de plaisantin. […] Il y a de grandes chances pour que M.  […] Et ces plaisirs doivent être d’une espèce assez rare et délicate pour qu’il soit fort éloigné d’y renoncer jamais. […] S’il en est ainsi, il ne pouvait mieux faire que de quitter son titre : c’était le meilleur moyen pour qu’on l’en fît continuellement souvenir.

78. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXII » pp. 355-377

Nous ne tarderons pas à voir si c’était pour que ma prétendue pénitente fût dédommagée d’un sacrifice héroïque, ou pour qu’elle fût en position de continuer son ancienne vie, en se couvrant d’un voile imposteur. […] Il n’avait pas encore vu madame de Montespan, et déjà il avait fait parvenir ses ordres à Versailles, pour qu’elle s’y trouvât au moment où il y arriverait. […] Aussitôt que Louis XIV l’aperçut, il lui adressa ces paroles accablantes : Ne me dîtes rien ; j’ai donné mes ordres pour qu’on prépare au château un logement pour madame de Montespan.

79. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Saint-Marc Girardin »

Mais ce qu’on cherche et ce qu’on désire, ce qui est nécessaire pour que la littérature d’un peuple se soutienne, pour que son niveau intellectuel ne s’abaisse pas, c’est la continuité dans l’effort, c’est la succession dans les œuvres, ce sont les noms nouveaux, des noms jeunes, à auspices favorables, pour remplacer les noms éteints et les talents fatigués.

80. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — V »

Taine ; elle éveille des idées trop nombreuses, trop graves pour que je me dispense de leur donner les formules convenables. […] Si chacun peut en dire autant de soi, cela ira bien pour tous. »‌ Vous voyez comment il faudrait très légèrement transformer la phrase pour qu’un de ces grands individus, que Taine traite de fous furieux, la reprît : « Nous ne pouvons pas tous servir l’humanité de la même façon… Marc-Aurèle, Spinoza, Gœthe, c’est très bien… accepter les lois de la nature, c’est parfait… Mais contrarier la nature, l’exalter, c’est un magnifique dressage… » Les grands hommes que je viens de citer sont des forces conservatrices ; elles s’efforcent de maintenir ; elles pourraient enrayer le mouvement vers l’inconnu, qui est la vie même.

81. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

Il faut que les questions sociales et philosophiques soient bien difficiles pour que nous ne les ayons pas résolues dans notre effort désespère. […] Or notre monde est assez vaste pour que toute place à prendre soit prise ; tout emploi crée en quelque sorte celui qui doit le remplir. […] Il me reste trop de choses à faire pour que je m’amuse désormais à un jeu que plusieurs taxeront de frivole. […] Cousin, quoiqu’il m’ait plus d’une fois témoigné de l’amitié, était trop entouré de disciples pour que j’essayasse de percer cette foule un peu liée à la parole du maître. […] Les hasards qu’il faut pour amener un terne ou un quaterne ne sont rien auprès de ce qu’il a fallu pour que la combinaison dont je touche les fruits ne fût pas dérangée.

82. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Jules Girard » pp. 327-340

Ce pourrait être de la critique très profonde, doublée de biographie très éclairée, mais pour qu’il en fût ainsi, il faudrait une indépendance d’esprit absolue, presque aussi rare que ce diamant bien, — l’originalité ! […] Jamais personne, en son temps, ne fut plus digne de porter la cigale d’or dans ses cheveux — Mais parce qu’il est cela, — incontestablement, — est-ce une raison pour que la Critique n’ose pas mesurer son niveau et porter sur lui le regard qu’elle y porterait si cette œuvre paraissait aujourd’hui et fût toute neuve dans la gloire ?… C’est une raison au contraire pour qu’elle l’ose, car, le difficile, voilà ce qui tente les esprits vraiment courageux.

83. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Félix Rocquain » pp. 229-242

Ils sont rares comme la tranquille conscience du talent qu’on a et de la fierté de l’esprit qu’on se sent… Avec l’effroyable prurit de vanité littéraire qu’ont les moins littéraires de ce temps, et qui fait d’eux des mendiants de publicité se trémoussant comiquement autour du moindre article pour qu’on leur en fasse la charité, un écrivain qui publie son livre et le met tout simplement sous la vitrine de l’éditeur, sans importuner personne de son importance et sans viser à la pétarade des journaux, m’est, par cela seul, plus sympathique que les autres, et je suis très disposé à aller vers lui, parce qu’il ne vient pas vers moi avec ces torsions de croupe respectueuses qu’ont les quêteurs d’articles qui veulent qu’on en mette dans leur chapeau… C’est précisément ce qui m’a fait aller à M.  […] C’était, pour moi : Anonyme Rocquain… J’ai entendu et j’entends tous les jours parler de grimauds dont on devrait se taire, et je connais assez de gens de talent dont on ne dit pas un seul mot pour que ce que j’écris là puisse l’offenser. […] Il n’a pas dû se fatiguer beaucoup pour aller à toutes ces fontaines, qui nous coulent trop dans les jambes pour que, si on se baisse un peu, elles ne soient à portée de toute main.

84. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Mademoiselle de Condé »

Je crois trop aux miracles de la Grâce divine toute-puissante pour que la sainteté, la hauteur et la profondeur de la sainteté de Mademoiselle de Condé puissent m’étonner, mais c’est en elle la femme — la femme en dehors de Dieu — qui m’étonne ! D’un autre côté, je connais trop aussi l’argile dont est fait le cœur dans la nature humaine pour que, moi qui crois si absolument à l’amour de Dieu, je puisse croire aussi absolument à l’amour qui n’est pas pour lui. […] La sienne, sa langue, sans aucune couleur, ressemble à une glace sans tain qui serait mise sur le cœur à nu pour qu’on le vît mieux palpiter, à travers le cristal des mots !

85. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Brispot »

C’est là une grande raison, il semble, pour que la vérité, qui ne change point, la vérité immortelle, ne se croie pas obligée, devant les insolentes exigences de l’esprit humain, de revêtir des formes nouvelles qui la feraient mieux accepter de ce Balthazar ennuyé à la dernière heure de son orgie. […] Il n’y a qu’à élever le flambeau pour qu’on l’aperçoive rayonner. […] Il fallait que le sens public fût aussi profondément perdu qu’il l’est pour qu’on laissât passer de si honteuses extravagances sans les couvrir d’une flétrissure universelle ; il fallait qu’on pût désespérer de la raison même pour les voir accueillies et soutenues, à tous les étages de la société, dans des livres, dans des journaux, dans des discours.

86. (1914) Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne pp. 59-331

Il fallait cela aussi, il fallait doublement cela pour que fût produit un Pascal, pour que fussent obtenus ce puits de détresse, ce désert de sable, cet abîme de mélancolie. […] Pour que la physique de la quantité, du poids, du volume, pour que l’hydrostatique joue, il faut que la première goutte ait déjà fait quelque chose, à quoi la deuxième goutte vient s’ajouter. […] Il ne fallut que l’espace et l’intervalle d’une génération pour que de la tige de saint Louis poussât ce rejeton moderne et pour que la race de saint Louis devint la race de Philippe le Bel et pour que les fils de saint Louis, comme disait cet aumônier, devinssent les fils de Philippe le Bel. […] Et il faut cela pour que le combat lui-même, pour que la comparaison elle-même soit digne de Dieu qui regarde. […] Mais en même temps il veut être dans un futur pour que son présent soit passé.

87. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. J. J. AMPÈRE. » pp. 358-386

Tant de richesse riante n’est pas nécessaire pour que l’esprit poétique dont je parle, et qui s’est refoulé, se refasse son emploi. […] Il y a une raison historique et logique pour que ç’ait été ainsi. […] Comme il faut bien, en définitive, que quelque chose triomphe, il y a aussi chance pour que ce soit quelque folie. […] Il suffit même qu’il soit dit quelque part que tel Gaulois ou tel Français a écrit quelque chose pour qu’on lui accorde un rang dans la liste et qu’on en fasse mention dans le corps de l’ouvrage ; avoir été simplement homme de lettres, ou même avoir haï et persécuté les sciences (comme l’empereur Caracalla), est un titre pour avoir un article à part, et un digne éloge ou un juste blâme. » Osons le redire à notre tour ; oui, Prévost avait raison ; échappé lui-même des Bénédictins et de leur méthode, il en parlait pertinemment. […] Pour que l’esprit le plus éminent qui y ait participé, M.

88. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

Les critiques du Décadent n’auront que l’art pour critérium ; ils sont trop indépendants pour que des souvenirs hostiles ou amis puissent influer sur leur tempérament : leurs verdicts seront donc définitifs et sans appel !  […] Verlaine, froissé de ces procédés qu’il jugeait, à tort ou à raison, injurieux pour la mémoire de son ami, m’avait prié d’intervenir auprès de Baju pour qu’il s’en abstînt désormais, ce qui n’empêcha pas ce dernier de continuer — en l’absence de sonnets où il était incompétent — à émailler la revue d’annonces fantaisistes sur le grand disparu. […] Je fus assez heureux pour que le nom de mon cher ami Mallarmé, déjà si honorablement connu d’un tout petit choix d’élus parmi l’élite des raffinés et des curieux compétents, retentît cette fois un peu plus fort et allât taquiner l’oreille de la Presse. […] Pour que la supercherie se couvrît d’une apparence d’authenticité, nous n’hésitions pas à les faire paraître mutilés. […] « À ces correspondants timorés et pour que de leurs Intellects, où jamais le Rêve n’outrecuide, soient, itérativement, les syndérèses amorties, nous indiquons volontiers les Sources — que bénédictes soient leurs Eaux — d’où proflua jusqu’à nos réservoirs, ce Fleuve de Lyrisme et de Véracité.

89. (1900) Poètes d’aujourd’hui et poésie de demain (Mercure de France) pp. 321-350

Elles sont la contrepartie des fables ironiques et dédaigneuses où il résumait, pour qu’on en rit, tout ce qui cherche à détourner l’homme de l’Illusion supérieure de son Rêve. […] Les objections sont trop courantes pour que j’y insiste. […] C’est donc vers la Vie qu’ils ramèneront la Muse, non plus pour qu’elle la rêve, mais pour qu’elle la vive. Au lieu de présenter à ses oreilles les conques sonores où l’on entend le murmure d’une mer idéale, ils l’assoieront au bord des flots mêmes pour qu’elle en écoute la rumeur et qu’elle y mêle sa voix.

90. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre IV. Le rêve »

Pour que nous entendions des sons en rêve, il faut généralement qu’il y ait des bruits réels perçus. […] Alors on illumine l’inscription pendant un temps très court, trop court pour que l’observateur puisse apercevoir toutes les lettres. […] Pour qu’un aboiement de chien décroche dans notre mémoire, en passant, le souvenir d’un grondement d’assemblée, nous n’avons rien à faire. Mais pour qu’il y aille rejoindre, de préférence à tous les autres souvenirs, le souvenir d’un aboiement de chien, et pour qu’il puisse dès lors être interprété, c’est-à-dire effectivement perçu comme un aboiement, il faut un effort positif.

91. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre I. La quantité des unités sociales : nombre, densité, mobilité »

. — Mais, que les progrès des aspirations démocratiques aient contribué ou doivent contribuer un jour à la décroissance de la population, est-ce une raison pour que l’accroissement de la population ne contribue pas aux progrès de la démocratie ? […] Il faut, pour que leur nombre puisse influer sur les idées sociales, que les membres nombreux d’un même État réagissent réellement les uns sur les autres, et par suite qu’ils soient concentrés, non disséminés. […] Dès que le cercle des républiques s’élargit, il faudrait, pour que tous les membres du souverain continuassent à exercer leurs droits, que la vie sociale fût à chaque instant arrêtée, et toute affaire cessante : dans un État qui grandit, le gouvernement direct devient un leurre. […] Ainsi, le grand nombre même des individus agglomérés dans les vastes groupements modernes serait une raison pour que chacun d’eux se sentit porté à se poser comme « fin en soi ». […] Et sans doute, — encore que l’exiguïté des cités grecques ait laissé plus d’une empreinte sur la morale même de leurs philosophes, — l’effort d’une pensée personnelle, devançant les temps, est capable de franchir les bornes des milieux sociaux les plus étroits ; mais pour que l’idée conçue, de personnelle, devienne collective et descende dans les masses, n’importe-t-il pas que les transformations de ces mêmes milieux lui préparent les voies ?

92. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre V. Histoire littéraire. » pp. 212-219

Pour qu’il eût produit cet effet, il auroit fallu traiter chaque article plus au long & avec plus de profondeur, connoître tous les bons auteurs sur chaque matiere ; en porter des jugemens réfléchis, & laisser dans l’oubli une foule d’écrits vains qu’on ne peut pas lire. […] Pour que les mémoires qui concernent les écrivains morts depuis peu, ne s’égarent point, M.

93. (1928) Les droits de l’écrivain dans la société contemporaine

Il suffit qu’ils interviennent dans un litige, où les intérêts de la pensée pure entrent en conflit avec des intérêts moraux ou matériels, pour qu’aussitôt ils faussent le sens de tout le débat. […] Il a fallu attendre une loi de 1854 pour que cette durée soit portée à trente ans ; en 1866, pour qu’elle atteigne, comme aujourd’hui, cinquante ans. […] Ainsi il a fallu plusieurs siècles pour que des droits abstraits puissent se transmettre aux descendants pendant un certain nombre d’années. […] Il n’y a pas de raison dès lors pour qu’au bout de cinquante ans, les droits d’auteur reviennent en partie à l’Etat au lieu de passer aux éditeurs ; il n’y a aucun motif pour que l’Etat dépossède les familles des grands artistes plutôt que les fabricants de livres. […] Il faut que la pensée ait par elle-même une puissance presque irrésistible pour qu’elle ait triomphé en partie des préjugés et de la sottise illimitée de la majorité des hommes.

94. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre premier. Les fonctions des centres nerveux » pp. 239-315

Pour que chacun de ces muscles ait pu jouer séparément, il faut non seulement qu’il soit muni d’un nerf moteur distinct, mais encore que ce nerf moteur soit animé par une cellule distincte. Pour que les divers nerfs moteurs aient joué dans l’ordre indiqué, il faut que leurs cellules respectives aient joué dans le même ordre. Pour qu’elles puissent jouer dans cet ordre, il faut que, par des filets nerveux, elles communiquent entre elles dans l’ordre indiqué. […] Pour cela, il faut qu’elles communiquent ; pour qu’elles communiquent, il leur faut un filet nerveux intermédiaire. […] À cette distance et avec si peu d’occasions de vibrer, il sera pour nous comme s’il n’était pas ; pendant des années, aucun des courants cérébraux ne l’atteindra ; il faudra un accident pour qu’une de ses cellules entre en danse.

95. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIe entretien. L’Arioste (2e partie) » pp. 81-160

Le récit se brisait trop souvent sous la main capricieuse de l’Homère de Ferrare pour que l’intérêt, constamment réveillé, constamment éteint, nous conduisît sans fatigue jusqu’au terme de quarante-cinq chants. […] « Je suis décidé à aller, pour qu’il ne reste pas sans sépulture, le chercher et le retrouver sur le champ de bataille, et peut-être Dieu permettra-t-il que je traverse inaperçu le camp endormi de Charlemagne. […] » Médor, distrait de ce carnage par l’impatience de retrouver le corps de son roi, adresse une invocation ardente à la lune pour qu’elle lui découvre enfin le cadavre. […] Il ne fallait rien moins que tant de jeunesse, de vie et de beauté dans les hôtesses de ce palais, pour qu’un tel séjour n’assombrît pas notre société de plaisir. […] Et c’est ainsi qu’il faut lire les poètes, à deux, pour qu’un écho du cœur se répercute sur un autre cœur, et pour qu’une impression soit en même temps un souvenir.

96. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « M. de Pontmartin. Les Jeudis de Madame Charbonneau » pp. 35-55

Le gentilhomme de province qui se donne pour un homme de lettres désappointé et ensuite pour un maire de village non moins mortifié et mystifié, Georges de Vernay ou tout simplement M. de Pontmartin, est censé faire sa confession littéraire à Carpentras ou en quelque ville voisine, dans le salon d’une Mme Charbonneau, femme du directeur de l’enregistrement ; il y raconte devant quelques habitués, ou plutôt il lit dans un manuscrit apporté tout exprès, pour qu’on n’en ignore, la suite de ses prétendues mésaventures depuis le premier jour jusqu’au dernier. […] Un jour qu’il était ruiné, un libraire de Londres lui offrit je ne sais combien de guinées pour qu’il écrivît ses Mémoires et qu’il y dit une partie de ce qu’il savait sur la haute société anglaise avec laquelle il avait vécu. […] M. de Pontmartin nous a assez étalé son état de fortune pour que nous sachions qu’il ne pouvait faillir par les mêmes raisons que le pauvre Mürger, s’il est vrai pourtant que l’aimable Mürger ait eu les torts qu’il lui reproche. […] Mais enfin M. de Pontmartin est meilleur juge de sa situation que nous ; il en dit trop pour qu’il n’y ait pas du vrai dans ses doléances, et il se présente dans tout son livre comme si mécontent, si battu de l’oiseau, si en guerre non seulement avec nous autres gens de lettres, mais avec les personnes de sa famille, avec les nobles cousines qui ont hérité d’un oncle riche à son détriment, avec les amis politiques qui lui ont refusé un billet d’Académie pour une séance publique très-recherchée, avec ses paysans mêmes et les gens de sa commune qui ont traversé indûment son parc et à qui il reproche jusqu’aux fêtes et galas qu’il leur a donnés, qu’il est impossible de ne pas voir dans tout cela une disposition morale existante et bien réelle, celle de l’homme vexé, dépité.

97. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre 2. La littérature militante »

Non pas l’éloquence religieuse : car il fallut que l’apaisement se fit pour que la prédication catholique acquît cette solidité et cette gravité, dont Calvin avait donné les premiers modèles. […] Confondant l’État et le roi, non comme le courtisan pour livrer l’État au bon plaisir du roi, mais pour que le roi fit du bien public son bien, il voulut fortifier le roi pour assurer la paix ; il se dévoua à combattre tous les l’auteurs de sédition et, d’anarchie, les ambitieux déguisés en fanatiques, et les fanatiques en qui le zèle faisait tous les effets de l’ambition. […] Les troubles des minorités sembleront réveiller l’éloquence politique : ils seront trop vite apaisés pour qu’elle ait le temps de renouer sa tradition et de produire des chefs-d’œuvre ; nous ne la retrouverons qu’au bout de deux siècles, quand la royauté absolue croulera. […] Et de là vint que son mérite et son succès ne furent pas de pure actualité : assez d’apaisement s’était déjà fait pour que la satire ne put se passer de grâce littéraire, et que cette grâce littéraire fût savourée du lecteur.

98. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame, duchesse d’Orléans. (D’après les Mémoires de Cosnac.) » pp. 305-321

Pour s’expliquer qu’au milieu de ces pièges et de ces périls où elle se jouait, Madame n’ait point failli, pour qu’elle ait pu dire sincèrement à Monsieur, à l’article de la mort : « Monsieur, je ne vous ai jamais manqué », il faut se rappeler et les difficultés de sa situation si observée, et aussi son âge avec cette sorte d’innocence qui accompagne les imprudences de la première jeunesse. […] Madame, informée à temps, et redoutant l’effet de ce libelle sur Monsieur, s’adressa à Cosnac pour qu’il prévînt le prince et allât au-devant de son mécontentement. […] Patin, fils de Guy Patin, pour qu’il vît tous les libraires qui pouvaient avoir le livre entre les mains. […] Cette pensée, je m’assure, vous paraîtra visionnaire d’abord, voyant ceux de qui dépendent ces sortes de grâces, si éloignés de vous en faire ; mais, pour vous éclaircir cette énigme, sachez que, parmi une infinité d’affaires qui se traitent entre la France et l’Angleterre, cette dernière en aura dans quelque temps, à Rome, d’une telle conséquence et pour lesquelles on sera si aise d’obliger le roi mon frère, que je suis assurée qu’on ne lui refusera rien ; et j’ai pris mes avances auprès de lui pour qu’il demandât, sans nommer pour qui, un chapeau de cardinal, lequel il m’a promis, et ce sera pour vous ; ainsi vous pouvez compter là-dessus… Ce chapeau de cardinal, qu’elle montre ainsi à l’improviste prêt à tomber sur un homme en disgrâce, fait un singulier effet, et on reste convaincu encore, même après avoir lu, qu’il y avait là-dedans un peu de vision et de fantaisie, comme les femmes qui ont le plus d’esprit en mêlent volontiers à leur politique.

99. (1912) L’art de lire « Chapitre IV. Les pièces de théâtre »

Pour que Phèdre se lève elle-même quelques instants après ; car, pour la liberté des gestes dans le grand récit que Phèdre doit faire tout à l’heure, à partir de : « Mon mal vient de plus loin… », il convient qu’elle soit debout. […] Phèdre se lèvera donc tout à l’heure, et c’est pour qu’elle se lève avec vraisemblance que Racine fait lever Œnone, ce qu’il est naturel, du reste, que Phèdre lui commande, puisqu’Œnone, vieille femme, est à genoux, inclinée et dans une position incommode et fatigante. […] Pour qu’Abner dise « oui », il faut que Joad ait parlé. Joad, traversant le théâtre pour venir au-devant d’Abner, doit parler, doit avoir parlé pour qu’on lui réponde « oui », et, ne provoquant ce « oui » que par un geste, est un peu étrange et il semble avoir une extinction de voix ; ou semble être étourdi par la surprise et il n’y a vraiment pas lieu.

100. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre II. Marche progressive de l’esprit humain » pp. 41-66

Qui prolongea, par exemple, le séjour des rois pasteurs dans les plaines de Sennaar, si ce n’est la Providence de Dieu, qui voulait que le plus bel ouvrage de la création fût soumis à de longues et paisibles observations, pour qu’elles servissent ensuite à inspirer les Galilée et les Newton ? […] Non seulement la Providence avait pris soin de rassembler les peuples sous une même domination, et de les réunir dans les liens d’une même langue, elle avait pris bien d’autres précautions pour que la Bonne nouvelle fût plus universellement accueillie. […] Dieu avait pris soin de les jeter d’avance au sein de la société, pour qu’elles parussent moins étranges, pour qu’ensuite elles pussent être défendues contre les attaques des esprits forts.

101. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Préface »

Que ne donnerions-nous pas pour qu’il nous fût possible de jeter un coup d’œil furtif sur tel livre qui servira aux écoles primaires dans cent ans ? […] Il faudra que les temps auxquels nous sommes réservés soient bien mauvais pour que nous ne puissions dire : O passi graviora, dabit Deus his quoque finem. […] Assurément, il faudra du temps pour que cette liberté, qui est le but de la société humaine, s’organise chez nous comme elle est organisée en Amérique.

102. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Alexis de Tocqueville »

pour que cette publication se produise en paix et s’impose à la Critique comme un sentiment auquel le respect défende de toucher ? […] Issu de famille aristocratique, mais n’allant pas assez loin dans ses opinions pour rompre avec les hommes de sa classe, et y allant cependant assez pour que les démocrates fussent reconnaissants, il avait tout le monde pour lui. […] Le hasard lui avait donné jusqu’à un titre, pour qu’il pût l’oublier… Il mourut jeune, c’est vrai, — mais il ne vit point baisser ce qu’il put très bien prendre pour de la gloire, et d’ailleurs il ne croyait pas mourir.

103. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iv »

mais la vie du Christ fut un combat pour que la terre n’appartînt pas aux brigands, et ce précédent les persuade qu’ils ont su concilier le devoir divin et le devoir humain. […] Je suis heureux de me faire casser la figure pour que le pays soit délivré. […] Celui qui marche devant nous est assez grand pour que nous ne le perdions pas de vue.

104. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre VI »

J’ose à peine dire que kilo, kyste deviendraient français sous la forme quiste, quilot ; cela est trop évident et trop simple pour qu’on l’admette. […] Souvent il suffira d’une lettre de moins pour que le mot rentre dans les conditions normales de la beauté linguistique.

105. (1914) Note sur M. Bergson et la philosophie bergsonienne pp. 13-101

On croit généralement qu’il suffit qu’une idée soit neuve pour qu’elle soit nouvelle. On croit qu’il suffit qu’une idée soit neuve pour qu’elle n’ait jamais servi. […] Quant à Bacon, il n’a jamais rien inventé, que les tables pour que les autres inventent. Il n’a jamais rien découvert, que les tables pour que les autres découvrent. Ou plutôt les tables pour que les autres aient inventé, les tables pour que les autres aient découvert.

106. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

Parce qu’il faut que Dieu soit moral pour qu’on en puisse faire le fondement de la morale. […] Celui qui le désire a déjà rétabli cette harmonie et n’a qu’à persévérer pour qu’elle soit réparée. […] Je n’ai que quelque chose de cela en moi ; mais il suffit pour que je ne dépende pas tout à fait de la vie, pour que je ne dépende pas tout à fait du moment, qui fuit en donnant une caresse ou en faisant une blessure ». […] Il le voudra ignorant et sot pour qu’il n’ait pas d’yeux pour les autres, d’abord, et pour qu’il ne voie pas les défauts de l’amant. […] Donc il n’y a aucune raison, et plutôt au contraire, pour que l’amour d’un être beau nous mène à l’admiration des autres objets beaux que contient la nature, en d’autres termes pour que l’amoureux devienne artiste, pour que l’amour fasse des artistes.

107. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

De ces deux éléments, il est certain que le Français vit trop dans le moment présent pour qu’il ne sacrifie pas, ou, tout au moins, pour qu’il n’oublie pas très souvent le second. […] Descartes, en 1660, n’est pas assez loin pour qu’on ne se rappelle pas tout cela. […] Ce sont choses dont on joue ; elles n’ont point d’empire sur l’esprit ; il les fait trop caracoler pour qu’elles l’envahissent ; il les dirige trop pour qu’elles le dirigent. […] Et s’il n’y avait aucune raison pour qu’il inventât lui-même Dieu, il y en avait d’autres, comme on le verra plus loin, pour qu’il le repoussât. […] Salomon Reinach insistait pour que l’on éliminât décid

108. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre V. Un livre de Renan et un livre sur Renan » pp. 53-59

Renan a créé assez d’œuvres pour qu’on lui permette la joie de faire paraître, de temps en temps, un livre né sans peine, par les soins du seul éditeur. […] Trop réussi comme raté, disait Corbière, — trop réussi pour qu’il n’émeuve point un peu M. 

109. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Feuilles d'automne, (1831) »

Lors même que la critique, douée de l’enthousiasme vigilant, n’aurait d’autre effet que d’adoucir, de parer quelques-unes de ces cruelles blessures que porte au génie encore méconnu l’envie malicieuse ou la gauche pédanterie ; lorsqu’elle ne ferait qu’opposer son antidote au venin des Zoïles, ou détourner sur elle une portion de la lourde artillerie des respectables reviewers, c’en serait assez pour qu’elle n’eût pas perdu sa peine, et qu’elle eût hâté efficacement, selon son rôle auxiliaire, l’enfantement et la production de l’œuvre. […] On entrevoyait à peine ce que deviendrait chez le poëte cette inspiration personnelle élevée à la suprême poésie, en lisant la pièce intitulée Promenade, qui est contemporaine des Ballades, et la Pluie d’été, qui est contemporaine des Orientales ; le sentiment en effet, dans ces deux morceaux, est trop léger pour qu’on en juge, et il ne sert que de prétexte à la couleur. […] Mais l’organisation intime, l’âme de M. de Lamartine, est trop encline par essence au spiritualisme, au Verbe incréé, au dogme chrétien, pour que même les négligences de volonté amènent chez lui autre chose que des éclipses passagères : dans M.

110. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil. — I »

Appelons de tous nos efforts l’heure de cette majorité féconde et forte, plus conservatrice, plus morale, même dans les carrefours de nos grandes villes, que Jefferson ne paraissait le croire et qu’il n’y était autorisé de son temps ; agissons d’avance sur elle, attaquons-nous à elle pour qu’elle soit préparée. […] Une comptabilité compliquée, force emprunts, de gros traitements, de lourds impôts, de perfides poursuites contre la presse sous prétexte de sédition, d’inhospitalières mesures contre les proscrits et les réfugiés de l’Europe, toutes les questions douteuses et indéterminées constamment résolues dans le sens d’un pouvoir central envahisseur ; tels étaient les points essentiels de ce programme monarchique, que l’intérêt populaire trouve partout à combattre, et que la République semblait avoir dérobé par avance à la quasi-légitimité, Voici une lettre de Jefferson, datée de 1796, et qui exprime trop exactement notre propre situation de 1833, pour que nous ne la transcrivions pas en entier : « L’aspect de notre pays est étonnamment changé depuis que vous nous avez quittés. […] En un mot, ce n’est que par des travaux soutenus, et non sans de continuels dangers, que nous parviendrons à conserver la liberté que nous avons conquise ; mais nous la conserverons : la masse d’influence et de richesse est assez grande de notre côté pour que nous n’ayons à craindre aucune tentative violente ; nous n’avons qu’à nous réveiller et à briser les cordes lilliputiennes dans lesquelles on nous a enlacés durant le premier sommeil qui a suivi nos travaux. » Cette délivrance, que Jefferson présageait si énergiquement en 96, il a eu l’honneur de l’accomplir.

111. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXI » pp. 338-354

En effet, pour que le roi fut témoin d’une querelle, et pour que madame Scarron pût trouver quelque peu de grandeur dans sa situation, et pour qu’elle fût du voyage de la Saint-Hubert, et que le roi lui payât ses habillements, il fallait qu’elle fût en permanence à la cour et qu’elle y eût sa place.

112. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Sahara algérien et le Grand Désert »

II Ce Génie militaire, caractéristique et traditionnel de la France, un jour ceux qu’il avait écrasés l’avaient nommé « la furie française (furia francese) », mais ce vol de l’alouette des Gaules vers l’ennemi, qui devait plus tard devenir le vol de l’aigle porte-foudre, un homme, en ces derniers temps, l’avait rabaissé dans un mot pervers, taillé comme un proverbe pour qu’il s’incrustât mieux dans toutes les mémoires de l’Europe. […] Ni la peste, ni les hivers, ni les tempêtes, ni le climat d’une ville perpétuellement ravitaillée, ni des soldats cuirassés de leurs murailles de granit et qui réalisent le mot sublime de l’Empereur à Eylau : « Quand on les a tués, il faut les pousser pour qu’ils tombent », rien n’a pu nous désarmer de cette patience qui résiste et qu’il est plus difficile d’avoir, à ce qu’il paraît, quand on est Français, que le courage qui va en avant. […] Il ne fallait rien moins que notre armée d’Afrique, cette palpitation même des entrailles de la France, il ne fallait rien moins que cette armée et ses succès recommencés cent fois, payés cher toujours, mais jamais trop achetés, pour que nous pussions, nous, société française, résister à tous les énervements de ces vingt-cinq dernières années24, aux idées de paix à tout prix, au voltairianisme anti-national, à la mollesse croissante des mœurs, et enfin à la philanthropie, cette maladie qui ronge la moelle des peuples vieux et épuisés, ce tabes dorsal des nations !

113. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Louis Vian » pp. 373-387

Il dit, comme Montesquieu dirait : « Le lecteur aime les dénouements moraux, surtout dans les autres. » Il dit encore : « Il est permis aux hommes de se montrer inconséquents, pour qu’ils puissent parfois se retrouver raisonnables. » Est-ce assez Montesquieu comme cela ? […] Louis Vian est un aigu, comme l’homme qu’il peint, — car il ne faut pas s’y tromper, le caractère distinctif et suprême de Montesquieu, ce qui le résume tout entier, c’est d’être un aigu, avant tout, un aigu et un pénétrant, qui cachait souvent sa pointe pour qu’elle pénétrât davantage, un aigu qui n’avait pas toujours la bravoure du javelot qu’il lançait, qui en eut souvent la prudence et qui parfois en eut la peur ! […] Mais c’était à sa mort, et toute sa vie, qui fut correcte et respectueuse pour les choses religieuses4, bafouées alors qu’elles étaient par la Philosophie, il n’eut jamais assez de ferveur pour que la foi éveillât la tendresse en son âme, qui, de nature et d’admiration, allait au Stoïcisme, — cette religion des Secs, — comme à la plus belle chose qu’on eût vue jamais parmi les hommes !

114. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ernest Hello » pp. 389-403

La faim et la soif sont les symboles du Désir, et le Désir est le précurseur de la Justice… Quiconque a le Désir en lui, a la Justice devant lui, comme le pain de sa faim et le vin de sa soif. » Et, quelques lignes plus bas, il ajoute encore : « J’ai voulu élever la Critique assez haut pour qu’elle pût cesser d’être une irritation. » Tels l’esprit, l’essence, l’unité organique (comme dit M.  […] cela seul, cette visée, fût-elle chimérique, d’élever la Critique assez haut pour qu’elle cesse d’être une irritation et, comme dit encore le mystique écrivain dans sa langue mystique, pour que l’œuvre du Désir et de la Justice conduise à la Paix, cette visée inattendue établit d’emblée une différence des plus tranchées, — une différence absolue entre l’auteur des Plateaux de la balance et les autres critiques et moralistes connus.

115. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le roi René »

Où aurait-il jamais rencontré un homme plus complètement vaincu que ce René, qui méritait tous les bonheurs et toutes les victoires, et qui est un exemple de cette fatalité incompréhensible, trop cachée dans les profondeurs de la Providence pour que nous puissions la découvrir. […] Mais la grandeur d’un homme doit être double de celle d’une femme pour que cette grandeur paraisse égale… Les femmes sont toujours très exceptionnellement grandes quand elles le sont seulement un peu. […] Mais Yolande d’Aragon, Isabelle de Lorraine, Marie d’Anjou, la femme de Charles VII, furent des reines dans toute la majesté morale de ce mot ; et la mystérieuse puissance qui mène le monde voulut qu’elles fussent, toutes les trois, de la famille même de René, pour qu’il fût, lui, victime de sa race autant que des événements de sa vie et des souvenirs de l’histoire.

116. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Femme et l’Enfant » pp. 11-26

Frappé de l’état d’oppression et de servage dans lequel la femme et l’enfant ont été tenus jusqu’ici chez tous les peuples de la terre, et là où la civilisation s’est le plus élevée et grandit encore, Jobez, après avoir fait l’histoire de ces deux touchantes Faiblesses, l’enfant et la femme, se demande ce qu’il faudrait pour que l’oppression contre laquelle il s’indigne cessât entièrement, et pour qu’on vît s’ouvrir enfin la période d’affranchissement que doivent également provoquer l’homme d’État et le philosophe ; et il se répond sans hésiter, avec une simplicité légère, que la solution du douloureux problème est tout entière dans l’accroissement de la richesse. […] Seulement, nous le demandons à Alphonse Jobez, pourquoi, si cette philosophie est sienne, s’il l’a acceptée après examen, ne l’a-t-il pas hardiment posée au front de son livre, pour qu’elle pût donner à ce livre l’autorité d’un ensemble de vues sans lequel l’Économie politique ne sera jamais rien ?

117. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Montmorency » pp. 199-214

Elle continua d’aimer l’époux auquel Dieu l’avait unie, quoiqu’il fût indigne d’elle, et pour que son destin fût accompli, pour que rien ne manquât à son calice d’amertumes, elle souffrit plus de la mort sanglante de son mari qu’elle n’avait souffert de sa vie, — de sa mort qui fut un crime encore, mais du moins qui ne le fut pas envers elle. […] Richelieu, moins grand que Louis XI, continue Louis XI après Henri IV, et prépare Louis XIV ; et cet entre-deux dans l’Histoire est bien suffisant pour qu’il y soit à jamais respecté.

118. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Papesse Jeanne » pp. 325-340

Malgré cette discussion terrassante, trop vaste pour qu’on puisse rapporter ici les opinions qu’elle fît valoir et triompher, le xviiie  siècle, qui se souciait bien d’être faux et même imbécile quand il s’agissait de jeter le sophisme le plus abject ou l’opinion la plus bête à la figure du catholicisme, pour peu qu’il y jetât quelque chose, allait reprendre l’immonde légende de la Papesse Jeanne quand la Révolution éclatant mit son bruit par-dessus le petit sifflement du reptile, et, de sa main d’Hercule, étouffa la légende rampante qui voulait encore resiffler… Mais vous voyez ce qui arrive ! […] Savez-vous ce qu’il a fallu pour que cette légende de la Papesse Jeanne, chassée comme une ignominie de toutes les Histoires ecclésiastiques qui se respectent, tuée et retuée : tuée in-folio, tuée in-quarto, tuée in-octavo, tuée in-douze, se remit à bouger sur sa planche pourrie ? […] Mais le perroquet y est trop pour que l’oie y trouve beaucoup de place, car ce roman, c’est son histoire répétée, et son histoire, c’est la légende répétée, dans sa partie la plus scandaleuse et la plus infecte et la plus impossible.

119. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Horace Walpole »

Ce n’est pas ici la Correspondance de Walpole ; ce n’est que les lettres de Walpole à quelques amis, — et pour que la chose soit encore plus française dans l’incomplet et l’abrégé, choses déjà si françaises ! […] Pour que le dandy pût apparaître en Walpole dans toute sa pureté, il aurait fallu que tous ces divers genres d’intérêt se détachassent de lui comme des eschares, et aucun ne s’en détacha. […] il y a dans tout homme d’esprit un tendon d’Achille, et nous ne sommes jamais trempés assez avant dans le Styx du mépris pour qu’il n’y ait pas toujours en nous une petite place où ne puisse atteindre la flèche d’une bêtise.

120. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Le roi Stanislas Poniatowski et Madame Geoffrin »

Il n’entend point du tout que cette vieille d’esprit et de monde, cette expérimentée de la vie, cette âme de salon qui n’est jamais sortie de son salon avant de s’en aller en Pologne, pour faire un pèlerinage à Stanislas-Auguste, puisse, par impossible, avoir été amoureuse comme sa contemporaine, cette folle octogénaire de Madame Du Deffand, qui, elle, positivement l’était, quoique M. de Mouy, dans une de ses notes, en ait fait la Sévigné de l’athéisme et de l’insensibilité… Madame Geoffrin, qu’il rapetisse pour qu’on ne soit pas tenté d’en faire la paire avec Madame Du Deffand, qu’il trouve compliquée, était, dit-il, « seulement une femme de beaucoup d’esprit, une bourgeoise aimant la société des gens de lettres et des grands seigneurs, — (rien de plus que cela ?)  […] Raison meilleure encore que la grande raison de Madame Geoffrin pour que l’amour de tous les deux soit resté, dans le moins platonique des siècles, un pur platonisme et un platonisme sans platitude, comme le platonisme l’est souvent. […] Elle vint romanesquement enivrée, mais s’en retourna triste d’une mystérieuse tristesse que la correspondance n’explique pas, et dans laquelle on peut voir encore de l’amour… Qu’on l’y voie ou qu’on ne l’y voie pas, du reste, il y en a assez dans ces lettres, où elle parle à Stanislas-Auguste comme à Dieu, pour qu’on soit sûr qu’elle a aimé, Madame Geoffrin !

121. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Raymond Brucker » pp. 27-41

Lorsque les Champis triomphent sur toute la ligne, lorsque des paysans et des ouvriers de fantaisie, aussi faux que ceux de Watteau et moins jolis, ont, grâce à une plume qui n’est pas pourtant une baguette de fée, le privilège de tourner la tête à l’Opinion superstitieuse, le moment n’est pas mal choisi, ce nous semble, pour nous rappeler à la réalité de cette nature populaire qu’il n’est pas besoin de flatter pour qu’elle intéresse, et pour nous la montrer éloquemment et simplement, dans tous les plis de sa forte étoffe, ample et sincère, — parlant français et non faux patois ! […] Ils n’avaient pas ce qui doit se retrouver au fond de toute œuvre non pour qu’elle soit plus utile, mais pour qu’elle soit plus belle, car l’idéal dans les arts (si vous creusez bien), c’est la plus grande somme de moralité.

122. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVI. Des éloges académiques ; des éloges des savants, par M. de Fontenelle, et de quelques autres. »

Enfin, vous voyez ces hommes extraordinaires se faire presque tous un régime pour la pensée, ménager avec économie toutes leurs forces, et quelques pas même, par la vie la plus austère, s’affranchir, autant qu’ils le peuvent, de l’empire des sens, pour que leur âme, dès qu’ils l’appellent, se trouve indépendante et libre. […] Presque toujours il glisse à côté des préjugés, se tenant à la distance qu’il faut pour que les uns lui rendent justice, et que les autres ne lui en fassent pas un crime ; il ne compromet point la raison, ne la montre que de loin, mais la montre toujours. […] Fontenelle pensait que, pour mériter un éloge, il ne suffisait pas d’avoir fait inscrire son nom dans une liste ; que les hommes du plus grand nom, quand ils ne portaient pas des lumières dans une compagnie savante, devaient du moins y porter du zèle ; que des titres seuls ne peuvent honorer un corps où l’on compte les Cassini, les Leibnitz et les Newton ; et qu’enfin, s’il y a des lieux où un rang et des dignités suffisent pour que la flatterie soit toujours prête à prodiguer l’éloge, ce n’est pas à une compagnie de philosophes à donner cet exemple : il avait donc alors le courage de se taire ; et il serait à souhaiter que dans les mêmes occasions on rendît toujours la même justice.

123. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

J’entre dans ces détails peu intéressants pour que tu saches ce que c’est et pour que tu sois très prudente sur ce que tu en diras. […] Thérèse est appelée auprès de Philippe II, pour qu’elle mette son influence au service des projets politiques de Philippe II, pour qu’elle coopère à l’expédition de l’Armada, etc. […] Exaspérez Monsieur votre fils pour qu’il s’en aille, et pour que nous ne le voyions plus. » L’effet cherché par l’auteur est singulièrement atténué par suite de ces raisons-là. […] Pour que l’impartialité de l’auteur éclatât, il fallait que subsistât cette scène. […] Pour qu’il soit plus sûr, il convient d’avoir des lettres de la femme, ou des deux femmes.

124. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IX : Insuffisance des documents géologiques »

Mais il y a une bien forte raison pour que toutes les formations géologiques d’une contrée quelconque soient presque invariablement plus ou moins intermittentes, c’est-à-dire pour qu’elles ne se soient pas succédé sans interruption. […] Quoique chaque formation ait assurément requis un nombre considérable d’années pour s’accumuler, il y a cependant quelques fortes raisons pour qu’on n’y trouve pas les traces d’une série graduée de formes transitoires entre les espèces qui vivaient alors ; mais je ne puis en aucune façon prétendre à assigner à chacune de ces raisons leur juste valeur dans le commun résultat. […] Parmi les animaux marins de toutes les classes, nous pouvons en toute sûreté présumer qu’il doit y avoir de grandes migrations sous l’influence des changements climatériques ou autres ; et, lorsqu’une espèce apparaît pour la première fois dans une formation, il y a les plus grandes probabilités pour que ce soit seulement une immigration nouvelle dans la contrée et non une création. […] Pour qu’on puisse trouver une série de formes parfaitement graduées entre deux espèces propres aux étages supérieurs et inférieurs de la même formation, il faudrait que le dépôt eût continué de s’accumuler pendant une très longue période, afin qu’il se fût écoulé un temps suffisant pour que le lent procédé de variation pût avoir effectué des changements de valeur spécifique. […] Mais nous avons vu qu’une formation puissante et riche en fossiles dans toute son épaisseur ne peut guère s’accumuler que pendant une période d’affaissement ; et, pour que la mer garde à peu près la même profondeur, condition nécessaire pour que les mêmes espèces continuent à vivre dans le même lieu, la vitesse d’accumulation du sédiment doit être exactement contre-balancée par la vitesse d’affaissement131.

125. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

Il suffit de ce mot pour que Pamphile n’hésite plus : « Quoi ! […] » C’est ici que Chrémès fait cette heureuse réponse qui a eu son écho à travers les siècles : « Je suis homme, et je considère que rien d’humain ne m’est étranger. » Et il s’attache de son mieux à désarmer la misanthropie du farouche voisin, à lui, rendre en un sens quelconque la réponse facile : « Prenez que c’est ou un avertissement, ou bien une simple question à mon usage ; si vous avez raison, pour que je vous imite ; sinon, pour que je vous ramène » Ménédème, malgré tout, regimbe encore : « C’est mon habitude à moi ; à vous de faire comme vous l’entendez !  […] Et pourtant, ajoute-t-il, il n’est pas mon fils, il est celui de mon frère… Mais je l’ai adopté enfant ; je l’ai élevé, il m’est aussi cher que s’il était mien : il est ma seule joie, ma seule tendresse, et je fais tout, absolument tout, pour qu’il me rende la pareille : je donne, je pardonne, je ne crois pas nécessaire d’user en chaque rencontre de mon droit.

126. (1912) Le vers libre pp. 5-41

Ce n’est point moi le vers-libriste qui ai dit le premier que Victor Hugo dans sa libération du rythme n’avait pas été assez loin, c’est Banville, le plus savant rythmeur qui nous vint du romantisme et qui enfantait le Parnasse pour qu’il ajoutât quelques observances nouvelles aux libertés édictées par Victor Hugo. […] C’est dans un haut dessein qu’il publie son erreur éphémère et le démenti qu’il se donne ; c’est pour que les poètes parnassiens (il ne s’adresse pas à d’autres) qui le liront, sachent qu’il faut obéir aux règles dans leur esprit et non dans leur lettre ; c’est pour leur faire comprendre qu’il n’est point de règles immuables, que demain peut toujours bouleverser hier. […] Il n’y a aucune raison pour que cette vérité s’infirme en 1888, car notre époque ne paraît nullement la période d’apogée du développement intellectuel. […] Nous avons souvent rimé par des mots consonants semblablement mais à voyelles finales différentes : « Jules Romains tendrait à codifier qu’il faut mettre à la place de la rime un rapport de sonorité plus inédit, plus frais, plus approprié aux circonstances métriques. » C’est dire, en somme, qu’il suffit de suggérer la rime pour qu’elle existe, et cela est vrai ; les poèmes libres en offrent de nombreux exemples.

127. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion statique »

La fonction n’en est pas moins là, organisée dans l’individu pour qu’elle s’exerce dans la société. […] Mais, pour que la société progresse, encore faut-il qu’elle subsiste. […] Elle commence, et pour qu’elle termine il faut, selon l’expression consacrée, que les circonstances s’y prêtent. […] Mais elle en a certains éléments, juste assez pour que vous vous en remettiez à elle. […] Mais pour qu’elle y entre, pour que le premier déclenchement se produise, il faut beaucoup plus : peut-être une menace d’extermination comme celle que crée l’apparition d’une arme nouvelle dans une tribu ennemie.

128. (1887) Discours et conférences « Appendice à la précédente conférence »

Si je n’ai pas insisté davantage sur ce point, c’est que, à vrai dire, mes opinions à cet égard sont assez connues pour que je n’eusse pas à y revenir devant un public au courant de mes travaux. J’ai dit assez souvent, pour que je n’aie pas à le répéter à tout propos, que l’esprit humain doit être dégagé de toute croyance surnaturelle, s’il veut travailler à son œuvre essentielle, qui est la construction de la science positive.

129. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — II » pp. 57-80

Il fallait bien qu’il eût dans son amour-propre, et dans la manière dont il le portait, quelque chose qui choquait et offensait l’amour-propre des autres, pour qu’il ait excité, aux heures de ses succès militaires et de ses plus grands services, un déchaînement d’envie et une irritation telle qu’on en connaît peu d’exemples. « Mon fils, lui avait dit sa spirituelle mère quand il entra dans le monde, parlez toujours de vous au roi, et jamais aux autres. » Villars, a-t-on remarqué, ne suivit que la première moitié du conseil : il parlait constamment de lui devant tous et se citait en exemple dans les grandes comme dans les petites choses. — Après la paix de Riswick, le roi jugea à propos de l’envoyer à Vienne comme ambassadeur (1699-1701) ; le poste était important à cause de la question pendante de la succession d’Espagne, qui pouvait à tout moment s’ouvrir ; il s’agissait de négocier par précaution un traité de partage avec l’empereur, ce traité dût-il ne pas s’exécuter ensuite. […] ) À mesure que ce siège de Landau approche du terme prévu, les ordres de la Cour redoublent de vivacité pour qu’on avise au moins par quelque endroit à une revanche. […] Je me suis permis d’exposer ce détail qui laisse voir en une sorte de conflit deux noms célèbres, ou du moins j’ai voulu l’indiquer en renvoyant aux vraies sources, aux Mémoires de la guerre de la succession, pour qu’on ne dise pas en deux mots que Villars a miné et supplanté Catinat à l’armée du Rhin, tandis que réellement Catinat, quelque respect que l’on doive à son caractère, s’y mina lui-même par une inaction et une circonspection excessive qu’il n’avait sans doute pas toujours eue à ce degré, mais qui s’était accrue avec l’âge, au point de devenir elle-même un danger. « Il y a des temps où les Fabius sont de bon usage, et des temps où les Marcellus sont nécessaires. » Le mot est de M. des Alleurs, un des amis de Villars, lequel l’accepte volontiers et s’en décore. […] Il allait avoir fort à faire encore malgré sa victoire ; l’électeur de Bavière n’était pas à portée pour qu’on pût songer à le joindre, et il fallait ajourner l’exécution de ce principal dessein. […]  » Voilà, Monsieur, des paroles nécessaires, non pour augmenter le zèle, il est toujours égal, mais pour que votre général ait l’esprit plus libre, le cœur satisfait, et que, jugeant de sa fortune dans la guerre par celle qu’il trouve dans son élévation, il ne croie rien d’impossible.

130. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Malesherbes. » pp. 512-538

Ce n’était cependant pas une raison pour qu’à la rigueur, même après la publication du livre, et nonobstant cette censure préalable, suivie d’approbation, il ne pût y avoir poursuite, soit par arrêt du Conseil du roi, soit par le fait du Parlement. Enfin il était toujours temps pour qu’une mettre de cachet intervînt, qui envoyait l’auteur à la Bastille. […] Mes amis m’ont représenté, monsieur, que les accusations de l’auteur des Cacouacs étaient trop graves et trop atroces pour que je dusse souffrir d’y être impliqué nommément ; je prends donc la liberté de vous porter mes plaintes du commentaire que Fréron a fait à mon sujet, et de vous en demander justice. […] M. de Malesherbes, qui les lisait au passage, avisait lui-même aux corrections à faire pour que l’ouvrage pût avoir cours en France, et il se concilia, malgré ces services aimables, la reconnaissance de Rousseau, infidèle ici à son ingratitude naturelle. […] Malesherbes est assez grand pour qu’on ne nous le présente point drapé45.

131. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

En ce qui est du reste, il n’y a aucune nécessité, et il y a même très-peu de chances pour que le vrai triomphe parmi le grand nombre et pour qu’on s’en soucie71. […] Cette conciliation en soi est assez difficile, et La Fayette l’a assez bien atteinte pour qu’on ne puisse s’étonner que, la première jeunesse passée, il s’y soit mêlé chez lui un peu d’art, un art toujours noble. […] Ainsi, avant le 10 août, avant la proscription et le massacre de ses amis, et même après que Foulon eut été déchiré devant ses yeux et malgré ses efforts, avec les circonstances qu’on peut lire dans les Mémoires de Ferrières, le charme subsistait encore pour La Fayette ; il fallait que La Rochefoucauld fût massacré à Gisors pour que l’attrait de la multitude s’évanouît, et pour qu’elle cessât (au moins dans un temps) de lui sourire. […] Nos vieilles ardeurs sont trop d’accord avec les siennes là-dessus pour que notre triste impartialité d’aujourd’hui y veuille regarder de plus près. […] oui, disait Sieyès, faites ; oui, pour qu’on vous tire aussi un coup de pistolet comme céla. » L’ambassade de Berlin acheva son reste de républicanisme.

132. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

La première condition du roman historique, c’est le lointain ; c’est que les événements ou les acteurs fournis par l’histoire et servant de trame solide à une broderie romanesque soient séparés de nous par un intervalle assez grand pour que la fiction et la réalité puissent se fondre, pour que le roman soit le complément, et non pas le démenti de l’histoire. […] pas davantage pour que les cœurs les plus déchirés aient le temps de cicatriser leurs blessures. […] Des lettres inédites de Voltaire au ministre Moultou ; et, pour que rien ne manqua à l’enseignement qu’on peut tirer de cet épisode, M.  […] Pourvu qu’on ait l’imagination puissante et un peu de dégoût des choses de son temps, il n’en faut pas davantage pour qu’on apporte à son œuvre cet enthousiasme qui est presque de l’amour chez les hautes intelligences, pour que l’on voue à ces gracieuses figures une affection qui tient à la fois de la tendresse paternelle et d’un sentiment plus vif encore. […] C’est que madame de Chevreuse est femme et qu’il n’en faut pas davantage pour qu’on lui pardonne ses erreurs, pour qu’on l’excuse surtout de s’être laissé diriger par son imagination et par son cœur plutôt que par sa raison.

133. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

Mais pour que cet état d’esprit soit fécond, pour qu’il soit capable de finir par se détruire lui-même, et par se satisfaire en se détruisant, il faut qu’il soit actif. […] Il n’y a aucune raison décisive pour qu’elle se réalise. […] Pour qu’ils se mettent ensemble, que faut-il ? […] Pour que ma foi ait un caractère religieux, il faut qu’elle me soit donnée. […] Pour que ma foi ait un caractère religieux, il faut que ce soit moi qui croie, et pour que ce soit moi qui croie, il faut que je considère et que je choisisse.

134. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

Je veux dire que là même où les préceptes moraux impliqués dans les jugements de valeur ne sont pas observés, on s’arrange pour qu’ils paraissent l’être. […] Ils auront donc soin d’entretenir celui-ci, pour qu’il ne se relâche en rien de sa sévérité à l’égard de l’autre. […] Il faut cette rupture violente pour que se révèle clairement l’adhérence de l’individu à la société. […] Il n’écrira rien, pour que sa pensée se communique, vivante, à des esprits qui la porteront à d’autres esprits. […] Il fallut attendre jusqu’au christianisme pour que l’idée de fraternité universelle, laquelle implique l’égalité des droits et l’inviolabilité de la personne, devînt agissante.

135. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Première leçon »

(2) En premier lieu, il suffit, ce me semble, d’énoncer une telle loi, pour que la justesse en soit immédiatement vérifiée par tous ceux qui ont quelque connaissance approfondie de l’histoire générale des sciences. […] La raison humaine est maintenant assez mûre pour que nous entreprenions de laborieuses recherches scientifiques, sans avoir en vue aucun but étranger capable d’agir fortement sur l’imagination, comme celui que se proposaient les astrologues ou les alchimistes. […] Mais aujourd’hui chacune des sciences a pris séparément assez d’extension pour que l’examen de leurs rapports mutuels puisse donner lieu à des travaux suivis, en même temps que ce nouvel ordre d’études devient indispensable pour prévenir la dispersion des conceptions humaines. […] Je crois que les moyens de l’esprit humain sont trop faibles, et l’univers trop compliqué pour qu’une telle perfection scientifique soit jamais à notre portée, et je pense, d’ailleurs, qu’on se forme généralement une idée très exagérée des avantages qui en résulteraient nécessairement, si elle était possible. Dans tous les cas, il me semble évident que, vu l’état présent de nos connaissances, nous en sommes encore beaucoup trop loin pour que de telles tentatives puissent être raisonnables avant un laps de temps considérable.

136. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Première partie. De la parole et de la société » pp. 194-242

L’homme n’est jamais né hors de la société ; car la société a été nécessaire pour qu’il naquît, pour qu’il devînt un être intelligent et moral, pour que sa vie fût utile à lui-même en l’étant aux autres : il ne peut être séparé des siens sans cesser d’être ce que Dieu a voulu qu’il fût ; et il doit joindre incessamment ses propres travaux à ceux de ses prédécesseurs, comme ce qu’il est appelé à accomplir agrandira l’héritage commun de ses descendants. […] La faculté que nous avons de recevoir la transmission de la parole est une faculté assez inexplicable en soi pour qu’on ne doive pas être tenté d’y ajouter encore la faculté de l’inventer. […] Degérando croit qu’il suffit que l’homme ait été doué de la faculté de la parole pour qu’il ait pu s’élever successivement et graduellement à l’invention du langage. […] car il eût fallu des traditions religieuses pour que ces collèges eussent pu être fondés.

137. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre II. Les privilèges. »

Bien mieux, il suffit qu’il exploite lui-même ou par un régisseur, pour que son indépendance originelle se communique à sa terre ; dès qu’il touche le sol, par lui-même ou par son commis, il en abrite quatre charrues, trois cents arpents, qui, dans les mains d’un autre, payeraient deux mille francs d’impôt, et en outre « les bois, les prairies, les vignes, les étangs, les terres encloses qui tiennent au château, de quelque étendue qu’elles soient ». […] Cela ne suffit par pour que cet ordre soit nuisible ou même inutile. […] Pitt, les Prussiens sous Frédéric II, sans séditions ni troubles intérieurs : voilà certes une merveille, et, pour qu’un peuple demeure indépendant, il faut que tous les jours il soit prêt à la faire. […] Cette autorité, le plus souvent ils la méritent ; nés et élevés pour l’exercer, ils trouvent dans la tradition, dans l’exemple et dans l’orgueil de famille des cordiaux puissants qui nourrissent en eux l’esprit public ; il y a chance pour qu’ils comprennent les devoirs dont leur prérogative les charge

138. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame Sophie Gay. » pp. 64-83

Ce premier commis impérial, laborieux, infatigable, donnait chaque nuit, après les représentations du jour, un certain nombre d’heures au travail, mais il trouvait là des veilleurs encore plus infatigables et plus intrépides que lui : Lorsque vers deux heures du matin, dit Mme Gay, après en avoir donné trois ou quatre au travail, il entendait parler encore dans mon salon, nous voyions s’entrouvrir la porte de son cabinet, et il nous demandait s’il n’était pas trop tard pour qu’il vînt causer avec nous. […] Elle a entendu au passage Mme de Rosbel la désigner du nom de petite pensionnaire : il n’en faut pas plus pour qu’elle en veuille à Alfred d’avoir souri à cette injure, et pour qu’elle débute avec lui par exiger une réparation. […] Elle y peint avec assez de naïveté et avec beaucoup d’entrain les mœurs de la société dans sa jeunesse, ce pêle-mêle de grandes dames déchues, de veuves d’émigrés vivants, de fournisseurs enrichis, de jacobins à demi convertis, dont quelques-uns avaient du bon, et à qui l’on se voyait obligé d’avoir de la reconnaissance : En vérité, il y a de quoi dégoûter d’une vertu qui peut se trouver au milieu de tant de vices, et il me semble qu’on ne lui doit pas plus de respect qu’à une honnête femme qu’on rencontrerait dans un mauvais lieu. — Soit ; mais c’est encore une bonne fortune assez rare pour qu’on en profile sans ingratitude.

139. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Ernest Renan »

Ce n’est qu’un analyseur de patience de termite ;  un rouge-maille qui mesure son coup de dent pour qu’à chaque fois qu’il le donne il soit léger et ne réveille pas le chat qui dort… J’ai appelé Renan le Grippe-Soleil du docteur Strauss ; mais il ne lui a pris que les petits côtés de sa méthode, et même comme science, ce qu’il grippe du soleil allemand de cet homme n’est pas de quoi allumer un réverbère ou une lanterne dans ce pays de France où nous voulons de la bravoure, même d’idées, du bon sens et de la clarté ! […] Je n’ai pas voué assez de respect à Renan pour que sa parole me suffise. […] Le miracle est un impudent mensonge qui déshonore Jésus-Christ s’il n’en a pas fait, mais il faut que Jésus-Christ et l’Évangile mentent pour que le monde soit converti. […] Il faut que nous cessions d’être Français, il faut que nous ayons l’esprit… dénationalisé, pour que nous n’ayons pas déjà tué, sous la plus retentissante des moqueries, des ridicules de la taille de ceux que je vais signaler.

140. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET (La Confession d’un Enfant du siècle.) » pp. 202-217

Avec des êtres arrivés à un certain degré d’expérience, de versatilité, de sophisme à la fois et d’imagination dans la passion, on est sur les sables mouvants ; il n’y a pas de raison pour qu’un résultat sorte plutôt que l’autre, pas de base où asseoir un intérêt moral, une conclusion à l’usage de tous. […] « Tu ne t’entends pas trop mal, se dit Octave à lui-même en se rendant justice, à exalter une pauvre tête, et tu pérores assez chaudement dans tes délires amoureux. » Le dernier chapitre, ce dîner en tête-à-tête de Brigitte et d’Octave aux Frères Provençaux, a du charme ; la résolution d’Octave part d’un noble cœur ; il s’immole, il renonce à Brigitte, il l’accorde à Smith, et, malgré l’étrangeté du procédé, on n’y sent pas le manque de délicatesse ; mais pour qu’on pût jouir un peu de cette situation nouvelle et plus reposée, pour qu’on y crût et qu’elle fût définitive aux yeux du lecteur, il faudrait des garanties dans ce qui précède.

141. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mémoires de Casanova de Seingalt. Écrits par lui-même. »

Pour qu’il fût plus aisé à Bettine de tenir le jeune Casanova propre, on avait coupé à celui-ci ses cheveux noirs, et on l’avait affublé d’une perruque blonde. […] C’est, au reste, la même J…, qu’après diverses rencontres Casanova retrouvait, six ou sept ans plus tard, dans la galerie de Fontainebleau, devant être présentée au roi Louis XV le lendemain ; mais sa majesté étant venue à passer avec M. le maréchal de Richelieu, lorgna la galante étrangère un peu dédaigneusement, et dit au maréchal assez haut pour que J… pût l’entendre : « Nous en avons ici de plus belles. » L’iris fascinateur avait manqué son triomphe, et la présentation n’eut pas lieu. […] La façon, dont en moins de huit jours Casanova s’était consolé d’Henriette, n’a rien d’assez idéal ni même d’assez décent pour que j’ose l’indiquer : ce n’est ni par la dignité ni par la mélancolie qu’il brille.

142. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIII. Des tragédies de Shakespeare » pp. 276-294

Les anciens habitaient un monde trop nouveau, possédaient encore trop peu d’histoires, étaient trop avides d’avenir, pour que le malheur qu’ils peignaient fût jamais aussi déchirant que dans les pièces anglaises. […] Le spectateur était alors trop facile à intéresser, pour que l’auteur fût aussi sévère envers lui-même qu’il aurait dû l’être. Il faut, pour qu’un poète dramatique se perfectionne autant que son talent peut le permettre, qu’il ne s’attende à être jugé, ni par des vieillards blasés, ni par des jeunes gens qui trouvent leur émotion en eux-mêmes.

143. (1861) Cours familier de littérature. XI « Atlas Dufour, publié par Armand Le Chevalier. » pp. 489-512

L’humanité tout entière, qui tend à l’unité pour que chacune de ses découvertes profite à l’ensemble, manque de ce grand instrument de perfectionnement et de communication qui unifie et grandit l’homme, — on peut même dire qui grandit la terre elle-même, car, sans la passion géographique qui illumina Colomb de ses pressentiments, où serait l’Amérique ? […] Qu’est-ce que la Syrie, où des rixes endémiques entre des fragments de populations aussi concassées que les cailloux d’une mosaïque, ne peuvent vous appeler à leur aide sans que leurs voisins à leur tour n’appellent aussi à leurs secours d’autres nations protectrices de l’Occident, pour que la domination donnée aux uns ne devienne pas à l’instant la servitude des autres, pour que les victimes d’aujourd’hui deviennent les massacreurs de demain ?

144. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre II. Signes de la prochaine transformation »

Qui croirait qu’on attendra encore près d’un demi-siècle pour que Lamartine, Hugo, Musset répondent à cette voix ? […] Pour que le renouvellement de la littérature s’accomplisse, il faudra que la vie mondaine disparaisse, que les règles soient détruites, que la langue soit bouleversée. […] Le comte de Lauraguais donne 20 000 livres aux comédiens en 1739, pour qu’ils renoncent à placer des spectateurs sur la scène.

145. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre II. La mesure du temps. »

Pour qu’un ensemble de sensations soit devenu un souvenir susceptible d’être classé dans le temps, il faut qu’il ait cessé d’être actuel, que nous ayons perdu le sens de son infinie complexité, sans quoi il serait resté actuel. […] En fait, les meilleures horloges doivent être corrigées de temps en temps, et les corrections se font à l’aide des observations astronomiques ; on s’arrange pour que l’horloge sidérale marque la même heure quand la même étoile passe au méridien. […] Ces deux phénomènes, quand on est témoin, se passent dans un certain ordre ; quand des phénomènes analogues se produisent sans témoin, il n’y a pas de raison pour que cet ordre soit interverti.

146. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Introduction. Du bas-bleuisme contemporain »

Pour qu’il en naisse un quelque part, il ne faut qu’une plume, une écritoire et un faux orgueil. […] Or, cette espèce est très moderne en France et il a fallu les transformations successives par lesquelles nous sommes passés depuis la Révolution française, pour que des femmes qui n’étaient ni bossues, ni laides, ni bréhaignes, eussent l’idée de se mettre en équation avec l’homme, et que les hommes, devenus aussi femmes qu’elles, eussent la bassesse de le souffrir. […] Il est, dans l’histoire de l’humanité, des époques de véritable hermaphrodisme social, où l’homme s’effémine et la femme s’hommasse, et quand ces fusions contre nature se produisent, c’est toujours, pour que l’ordre soit troublé davantage, la femelle qui absorbe le mâle jusqu’à ce qu’il n’y ait plus là ni mâle ni femelle, mais on ne sait plus quelle substance neutre, pâtée à vainqueur pour le premier peuple qui voudra se l’assimiler !

147. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « L’Abbé Prévost et Alexandre Dumas fils » pp. 287-303

Manon Lescaut est tout simplement l’expression du matérialisme du xviiie  siècle rejoignant et embrassant au bout d’un quart de siècle, le matérialisme du xixe , qui avale le livre et le trouve bon… Trop près de la Révolution française et venant d’un homme trop médiocre pour qu’on fît beaucoup d’attention à son roman, il fut publié quand le sang allait tout à l’heure passer par flots sur cette société, fondue en boue, et qui avait été les chiffons du xviiie  siècle. […] Il fallut arriver jusqu’à 1830 pour que le livre de Prévost sortit avec éclat de son obscurité. […] Toutes les infamies qu’il raconte de cette fille, qui fait de son amant une dupe, puis un fripon, et, plus qu’aimable dans l’infidélité, lui procure et lui envoie gratis une autre maîtresse pour qu’il ne soit pas trop de loisir pendant qu’elle lui est infidèle, ne tiédissent pas une minute ce style qui bouillonnerait d’indignation et de colère sous la plume d’un autre écrivain !

148. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VI. De l’envie et de la vengeance. »

Il y a tant de maux sur la terre, cependant, qu’il semblerait que tout ce qui arrive dans le monde, doit être une jouissance pour l’envie ; mais elle est si difficile en malheurs, que s’il reste de la considération à côté des revers, un sentiment à travers mille infortunes, une qualité parmi des torts ; si le souvenir de la prospérité relève dans la misère, l’envieux souffre et déteste encore : il démêle, pour haïr, des avantages inconnus à celui qui les possède ; il faudrait, pour qu’il cessât de s’agiter, qu’il crut tout ce qui existe inférieur à sa fortune, à ses talents, à son bonheur même ; et il a la conscience, au contraire, que nul tourment ne peut égaler l’impression aride et desséchante, que sa passion dominatrice produit sur lui. […] Certes, le plus bel exemple qui put exister de renonciation à la vengeance, ce serait en France, si la haine cessait de renouveler les révolutions ; si le nom Français, par orgueil et par patriotisme, ralliait tous ceux qui ne sont pas assez criminels pour que le pardon même ne fût pas cru de leur propre cœur.

149. (1887) Discours et conférences « Discours à l’Association des étudiants »

Il faut savoir travailler toujours, ou, pour mieux dire, il faut s’arranger pour que le temps du travail et celui du repos ne soient pas distincts. […] Il me faut une dizaine d’années pour que je m’habitue à regarder un gouvernement comme légitime.

150. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le voltairianisme contemporain »

Il a été discuté par d’autres avec une impartialité trop sereine pour qu’il soit nécessaire d’y revenir. […] il y a de bonnes raisons pour qu’il soit longtemps populaire.

151. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Auguste Nicolas »

Le mal tient à des causes trop nombreuses, trop invétérées, pour qu’un mieux se produise si vite, en supposant toutefois qu’il puisse se produire. […] La filiation, la parenté entre le protestantisme et toutes les hérésies, en haut et en bas dans l’histoire, Nicolas l’a assez établie pour épouvanter Guizot, pour que le protestantisme n’ose plus rien contre le socialisme, si ce n’est à la condition de cesser d’être le protestantisme.

152. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paria Korigan » pp. 341-349

À ce compte, la naïveté, dans son involontaire simplicité de violette des bois, ne serait plus que l’instantanéité d’une combinaison inconsciente, trop rapide pour qu’on puisse l’observer, même en soi… Seulement, et quoi qu’il en puisse être d’ailleurs, il est bien évident que la femme de ces Récits de la Luçotte — qu’il m’est impossible d’appeler un auteur comme tout ce qui fait métier d’écrire — possède cette force mystérieuse, d’où qu’elle vienne, qui nous fait croire à ce redoublement de mystère : le naturel et la simplicité. […] Il est très difficile à la Critique, qui a toujours la main un peu rude, de toucher à ce livre, si peu livre, et qui n’a de livre que le petit arrangement (lequel n’a pas dû infiniment coûter) de ce monsieur Paria Korigan, à qui on feint de s’adresser pour offrir au public cette enfilade de récits, et pour qu’entre eux il y eût un lien dont ils auraient pu très bien se passer.

153. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juillet 1885. »

— Mais, pour que l’on touche Tristan, ayons un théâtre où soient des acteurs jouant en comédiens le drame réel et réaliste, capables de prononcer les mots selon les valeurs musicales notées, des comédiens déclamant lyriquement ; où chacun, directeurs, musiciens, interprètes, soient persuadés du caractère spécial à l’œuvre représentée ; où le public, libre de faux préjugés, écoute un drame. […] Mais les œuvres, pour qu’elles transforment une race, n’ont pas le besoin de ce qu’elles soient connues. […] Il est cependant avéré qu’ils y ont produit une sensation assez profonde pour que des milliers de personnes, n’ayant pu assister à l’une des seize représentations, données à une fin de saison, attendent la reprise de l’œuvre, l’année prochaine. […] Car, si l’on y songe, les auteurs de Sigurd ont pris une responsabilité assez lourde pour que le succès auquel ils s’attendent ne parvienne pas à les justifier. […] Les considérations précédentes nous ont rendu assez familier le tempérament spécial de Beethoven pour que nous comprenions aisément ses goûts au sujet de l’opéra, et cette aversion qui le portait à refuser, avant tout, la composition d’un opéra sur un livret de tendances frivoles.

154. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

Le roi ne convoque les états généraux que pour qu’on le supplie de faire ce qu’il a déjà décidé. […] Les politiques qui soutiennent qu’il faut que le peuple souffre pour qu’il soit bon n’ont malheureusement pas tout à fait tort. […] La démocratie à la française ne donnera jamais assez d’autorité aux savants pour qu’ils puissent faire prévaloir une direction rationnelle. […] La France est certainement monarchique ; mais l’hérédité repose sur des raisons politiques trop profondes pour qu’elle les comprenne. […] La cause de la décentralisation administrative est trop complètement gagnée pour que nous y insistions.

155. (1901) Figures et caractères

Il ne porte à la main ni un sceptre, ni un glaive, ni une balance, mais un miroir, non pour que chaque homme s’y voie soi-même tour à tour, mais pour que la Beauté s’y mire et y sourie à son visage surnaturel. […] Stéphane Mallarmé a eu trop de commentateurs pour que je m’avise d’en augmenter le nombre. […] Son sang coule trop vite dans ses veines pour qu’il le ménage. […] Les objections sont trop courantes pour que j’y insiste. […] C’est donc vers la Vie qu’ils ramèneront la Muse, non plus pour qu’elle la rêve, mais pour qu’elle la vive.

156. (1913) La Fontaine « VII. Ses fables. »

Il y a un imbécile qui est perché sur un arbre, ayant un fromage en sa possession, et il y a un être quelconque qui ne peut pas monter sur cet arbre et arracher la proie à celui qui la détient, et qui le flatte pour l’avoir, et qui le fait chanter pour que le fromage lui échappe. […] Il a fait encore cet aveu, et cet aveu si précieux qui consiste à nous dire que, en somme, ce sont bien les animaux qu’il peint pour qu’ils nous servent de maîtres en certaines circonstances et dans une certaine mesure ; il l’a dit très bien encore ailleurs. […] La Fontaine nous peint les animaux, et cette fois en eux-mêmes, comme ils sont ou comme il croit les voir, il nous peint les animaux pour qu’ils nous servent de maîtres, pour qu’ils nous apprennent quelque chose et par leurs défauts, et par leurs qualités. […] La fable est un peu trop longue pour que je vous la lise à cette heure.

157. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Sainte-Beuve » pp. 43-79

Avec cette sensibilité qui ne fut pas toujours en lui une force saine et gouvernée, mais qui est une force puisqu’elle n’a pas péri dans son excès même, Sainte-Beuve, fatigué probablement de l’esprit raffiné des décadences, sybarite blessé par plus que le pli de ces monceaux de roses dans le calice desquelles nous avons écrasé tant de cantharides pour qu’elles pussent mieux nous enivrer, Sainte-Beuve, en un temps donné, devait par sensualité intellectuelle revenir aux suavités vraies, et, de cette plume qui a écrit Volupté, analyser aussi le plaisir divin que nous donne le premier des grands génies chastes. […] je n’ai pas parlé des morales, dont les qualités intellectuelles doivent être doublées pour qu’il y ait un grand critique… La sincérité, la sécurité, l’autorité… Sainte-Beuve y tenait peu, et son siècle peut-être y tient encore bien moins que lui ! […] L’amour-propre de Sainte-Beuve, soit qu’il eût été blessé, soit qu’il eût été flatté, était la grande raison en permanence pour qu’il ne pût pas être juste. […] Et, pour les lettres de madame Récamier, c’est une nièce à qui sa tante a laissé dans les cheveux, pour qu’elle fût désormais remarquée dans la vie, une feuille de rose prise à ce bouquet immortel qui a parfumé le xixe  siècle à son aurore ; et en effet, s’il s’agit de notoriété et de renommée, qu’on se demande ce que sans madame Récamier serait madame Lenormand ? […] Après cela, il n’est pas besoin d’insister pour qu’on soit bien sûr qu’il n’avait pas ce qu’il faut de grâce et de légèreté et de souplesse pour enlever une lettre à une femme, — cette chose ailée qui se pose surtout et qui n’y pèse pas.

158. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre II : La psychologie »

Pour que le gibier puisse échapper au faucon, il faut qu’il y ait en lui certaines modifications qui correspondent à des modifications hors de lui ; il faut qu’il y ait correspondance entre sa fuite et la poursuite de son ennemi. […] Pour que la correspondance se réalise, il faut que l’intelligence reproduise aussi tous ces degrés. […] Cependant il ne suffit pas d’une succession de changements pour que la conscience se constitue. […] Pour qu’il puisse y avoir des matériaux pour la pensée, il faut qu’à chaque moment la conscience soit différenciée dans son état. Et pour que le nouvel état qui en résulte devienne une pensée, il faut qu’il soit intégré dans des états précédemment expérimentés.

159. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [III] »

Une ouverture avait déjà été faite de ce côté auprès de Jomini en 1807, pour qu’il entrât au service de la Russie, qui croyait avoir besoin à ce moment d’officiers de mérite, et qui a toujours été accueillante pour les étrangers. […] Elle m’a témoigné trop de bontés pour que ces regrets ne soient pas aussi vifs que sincères. […] D’ailleurs j’ai été du nombre de ceux qui n’ont pas fait la guerre en aveugle : en faut-il davantage pour qu’on veuille me lier ? […] Il ne paraît pas que l’Empereur lui ait donné tort pour ce conflit, à en juger par ce passage d’une lettre au duc de Bassano, écrite de Viazma (29 août 1812) : « J’ai donné ordre au major général de placer le général Jomini ailleurs. — Parlez fortement au général Hogendorp pour qu’il modère sa fougue et ne donne lieu a aucune plainte. » 48.

160. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XX. La fin du théâtre » pp. 241-268

Quand Euripide conçoit l’idée d’Iphigénie, ou Vinci celle de la Joconde, l’œuvre d’art est née, et, pour qu’elle devienne publique, il suffit du métier. […] Les deux parties de sa définition, l’une après l’autre, resserreront ses limites. « Le théâtre est une représentation parlée et active… » Dans quel milieu dut être localisée la sensation de l’artiste, pour que son idéisation logique soit une imitation de vie, figurée par des mouvements et des paroles d’acteurs ? […] La sensation de l’artiste n’est réalisée ni dans la mélopée des comédiens qui débitent son texte, ni dans la satisfaction des fauteuils d’orchestre connaisseurs ; mais bien dans la vibration à l’unisson, dans l’étincelle qui éclaire la salle et la scène. — De quel milieu spécial de vie put surgir la sensation du dramaturge, pour que son expression adéquate soit l’émotion d’une foule devant un spectacle ? […] Cela suffira pour que, dans des reprises de Patrie ou de Monsieur chasse, les vieillards puissent aimer le souvenir de leur jeunesse.

161. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVII. Rapports d’une littérature avec les littératures étrangères et avec son propre passé » pp. 444-461

Pour qu’une conception du beau passe d’un groupe d’hommes à un autre groupe d’hommes, il faut qu’il y ait déjà entre eux certaines analogies ; une idée, comme une plante, ne s’acclimate hors de sa terre natale que si elle rencontre un sol pour ainsi dire prédisposé à la recevoir. […] Sillonnée en tout sens par les commerçants et les explorateurs, elle prend conscience de son unité globale et dès lors il n’est plus de peuple assez lointain, assez isolé pour qu’il n’entre un jour en contact avec notre civilisation. […] Sous le règne de Louis XIV, il suffit qu’un petit-fils du grand roi monte sur le trône de Madrid pour qu’il n’y ait plus de Pyrénées en matière littéraire ; car, aussitôt, l’Espagne, qui depuis un tiers de siècle avait à peu près cessé d’inspirer la France, redevient avec Le Sage un sujet de peintures à la mode. […] Que d’efforts n’a-t-il pas fallu, depuis le jour où Voltaire risquait dans Zaïre une pâle réminiscence de la jalousie d’Othello, pour que le grand dramaturge anglais forçât les portes de nos théâtres !

162. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Théodore Leclercq. » pp. 526-547

Pour que cela prît du corps et de la portée, pour que l’aiguille devînt une flèche ou un aiguillon, il fallait pourtant qu’un peu de passion s’y mêlât, et elle vint précisément s’y mêler dès cette époque que j’ai notée et à partir de 1820, quand les excès du parti ultra et de la Congrégation piquèrent au jeu les esprits sensés et indépendants. […] Ce mot du proverbe, caché dans l’action, semblait d’abord assez important pour qu’on ne le dît pas, et Carmontelle a soin de donner à chacun de ses proverbes un autre titre, en en rejetant le mot tout à la fin du volume, pour que le lecteur puisse le deviner lui-même, s’il est habile.

163. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rivarol » pp. 245-272

Il n’aiguisait pas longtemps une épigramme pour qu’elle brillât mieux et qu’elle pénétrât davantage. […] Léonce Curnier, qui, pour qu’on n’en n’ignore, fait suivre son nom de son titre sur la couverture de son livre. […] Jusque-là, pour moi aussi, Rivarol, le grand conversationniste Rivarol, était bien au-dessus du Rivarol des livres ; et c’était là sa vraie gloire, bien autrement méritée, bien autrement triomphante et poétique que la gloire positive qu’on discute pièces et livres en main… Il avait celle-là qui ne laisse rien après elle pour qu’on puisse la juger. […] Il était de ces Légers terribles qui voulaient combattre les idées nouvelles avec le ridicule, cette vieille arme de France, et franchement c’était là beaucoup de raisons, à ce qu’il semble, pour que le Tacite de Burke ne pût jamais naître dans Rivarol.

164. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — K — Kahn, Gustave (1859-1936) »

Le lied des trois cavaliers, dans sa simplicité dolente un peu, est si bien pour que s’endorme l’âme ou pour qu’elle rêve de voir, elle aussi, passer au tournant de la route l’ombre claire, la belle ombre pâle.

165. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Alaux. La Religion progressive » pp. 391-400

Alaux, qui sent bien que sa découverte ressemble beaucoup à cette guenille de Morale indépendante, dont on a parlé quelques jours et qui fut inventée, si je ne me trompe, par un marchand de robinets, a fait quelques points dans cette guenille pour que ses lambeaux tinssent ensemble. […] Il oppose l’homme au gouvernement, et la justice, qui n’est pas de ce monde dans son absolu, à l’ordre, qui peut l’être et doit l’être pour que les sociétés valent quelque chose… Certes !

166. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Wallon »

Pour qu’il tombe de plus haut et qu’il se brise mieux, il l’élève ; puis, quand il l’a mis au plus haut de ses facultés exagérées, il le précipite dans cette conclusion (page 129) : « Il est le modèle achevé, pour ainsi dire idéal, de ces riches et pauvres natures, communes à toutes les époques, mais qu’il était donné à notre xixe  siècle de mettre en pleine lumière… qui sont à la fois sincères et fausses, aptes et inaptes à tout, font le bien avec ardeur, le mal avec passion, aiment l’idée pour l’idée, l’art pour l’art, et, sublimes égoïstes, se prêtent toujours pour ne se donner jamais. […] Elle rentre dans les choses divines, et les choses divines ont, dans ces derniers temps, été assez niées ou assez obscurcies pour qu’il y ait de la profondeur à les croire et du courage à les affirmer.

167. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Léon Bloy »

Il avait trop indissolublement attaché sa noble vie à la vie colossale de Christophe Colomb pour qu’il fût possible de l’en détacher. […] Cette préface, qui ne dit rien parce que le livre qui la suit dit tout, n’est que l’index tendu vers ce livre qu’il faut montrer aux autres pour qu’ils l’aperçoivent.

168. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviie entretien. Un intérieur ou les pèlerines de Renève »

Voici l’état où j’étais le 20 septembre dernier, et pour me consoler, le même jour une lettre de Paris m’annonçait les difficultés inattendues d’un ami qui s’était engagé à payer pour moi pendant cet été une soixantaine de mille francs qu’il devait verser à mon imprimeur, pour que mon journal de littérature ne fît pas défaut à mes généreux amis et abonnés. […] — N’en parlons pas, répondis-je, le temps approche où tout me sera ravi ; mais je montrerai au moins que j’ai assez travaillé pour que personne ne puisse m’accuser de sa ruine. […] Pauvre Milly, disais-je à mes filles tout bas, quel dommage que la France n’ait pas pu te racheter, pour que cet homme ait au moins pleuré où il a souri ! […] Si le travail continue, un temps viendra où nous pourrons avoir une servante, mais aujourd’hui nous n’avons que nos petits qui ne servent personne et qu’il faut garder et amuser encore, dit le jeune père en les descendant de ses jambes pour que sa femme allât les coucher. […] — Entrons-y, dit Marie, et ne faisons pas de bruit pour que personne de la maison ne vienne effaroucher nos souvenirs.

169. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

Mais s’ils ont voulu la faire plus charmante, ils lui ont, selon nous, de cette façon, ôté de son charme, et s’ils ont voulu ne la faire que vraie, ils l’ont faite trop charmante pour qu’on ne lui pardonne pas sa vérité, qu’il fallait montrer pour la faire haïr. […] Charpentier, rue de Grenelle-Saint-Germain, nº 13, pour que soit suffisamment étanchée cette soif de documentation et d’information d’une littérature qui a rayé l’inspiration et l’invention de son programme, pour les remplacer par des notes qu’on n’a pas même prises, et des observations faites par les autres et qu’on vous met, comme une pièce de monnaie, dans la main ! […] Il fallait même lui donner une âme en proportion avec son génie, pour qu’on pût mieux juger de l’effort de l’une contre l’autre, et savoir qui devait dévorer l’autre, des deux. […] Et, de ces hors-d’œuvre sans aucun talent qui les excuse, le plus inutile de tous, qui se trouve être immonde, l’épisode du sadiste sir Georges Selwyn, qui n’a que faire là si ce n’est pour montrer les honteuses hantises que le Naturalisme inflige à la pensée, du côté de toutes les fanges de la vie, pour qu’un homme comme M. de Goncourt en ait rapporté cette tâche-là ! […] M. de Goncourt est trop haut dans l’estime et dans l’admiration publiques, il a trop de passé, pour que la critique se taise sur ce qu’il a dit quand il a parlé… Seulement, pourquoi, dans sa Faustin, n’a-t-il rien dit de grand ?

170. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre I. Du comique en général »

Il suffit que nous bouchions nos oreilles au son de la musique, dans un salon où l’on danse, pour que les danseurs nous paraissent aussitôt ridicules. […] Pour que l’exagération soit comique, il faut qu’elle n’apparaisse pas comme le but, mais comme un simple moyen dont le dessinateur se sert pour rendre manifestes à nos yeux les contorsions qu’il voit se préparer dans la nature. […] Il faut une solution brusque de continuité, une rupture avec la mode, pour que cette vertu se réveille. […] De sorte qu’il suffit, pour qu’une cérémonie devienne comique, que notre attention se concentre sur ce qu’elle a de cérémonieux, et que nous négligions sa matière, comme disent les philosophes, pour ne plus penser qu’à sa forme. […] Notons-le à propos de ce dernier exemple : il n’est pas nécessaire d’aller jusqu’au bout de l’identification entre la personne et la chose pour que l’effet comique se produise.

171. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Il autorise un de ses amis (justement c’est un médecin) à faire la cour à sa femme, à condition qu’il s’arrêtera assez tôt pour que l’honneur soit sauf, assez tard pour que la pauvre imprudente ait le temps de mesurer l’abîme où elle risquait de tomber. […] Pour que cette difficulté soit résolue, pour que ces lassitudes et ces déchéances ne soient plus possibles, il faut que le spiritualisme revienne au christianisme comme un oiseau blessé retourne à son nid. […] Leur figure est assez en relief dans son cadre pour qu’on puisse en saisir et en admirer l’expression et le contour ; mais elle y tient et s’y lie d’assez près pour que cadre et entourage contribuent à la majesté de l’ensemble. […] Pour que l’on accordât à sa vie un intérêt plus sérieux et une pitié plus ardente, il lui a manqué qu’on fût plus sûr de sa mort. […] Il a vu pleurer sa mère ; il a compris qu’il y avait là des douleurs cruelles, de vagues périls : mais ces douleurs et ces périls ne l’ont pas encore étreint d’assez près pour qu’il en ait pris sa part, pour qu’il soit devenu un des personnages du drame.

172. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre III. La commedia dell’arte en France » pp. 31-58

Ils s’adressèrent au Parlement pour qu’il fit respecter leur privilège. […] Il faut, pour que les fêtes renaissent, attendre que Henri IV ait terminé les guerres civiles, qu’il soit affermi sur son trône, et maître de sa capitale. […] Ce n’est pas tout ; il faudrait ajouter encore plusieurs noms : Claudione Francese (le Français Claudion), Cavicchio, le paysan, Mezzettino, troisième zanni, et d’autres encore, pour que la liste fût complète, car les pièces que jouaient les Gelosi exigeaient un nombreux personnel.

173. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bossuet, et Fénélon. » pp. 265-289

Il obtint un ordre du roi pour qu’elle fût enfermée. […] Il se chargea de diriger madame Guyon : Cette femme, déjà célèbre, pouvoit ajouter à la gloire de ce grand homme, s’il étoit assez heureux pour qu’on la vît ramenée. […] Louis s’impatiente : il écrit lui-même à sa sainteté, pour qu’elle donne la paix à l’église de France.

174. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre I. De l’évolution de la vie. Mécanisme et finalité »

Pour que l’individualité fût parfaite, il faudrait qu’aucune partie détachée de l’organisme ne pût vivre séparément. […] A vrai dire, pour que j’aie le droit de parler d’individualité, il n’est pas nécessaire que l’organisme ne puisse se scinder en fragments viables. […] Mais, d’autre part, l’individu lui-même n’est pas assez indépendant, pas assez isolé du reste, pour que nous puissions lui accorder un « principe vital » propre. […] Quelle chance y aura-t-il pour que, par deux séries toutes différentes d’accidents qui s’additionnent, deux évolutions toutes différentes aboutissent à des résultats similaires ? […] Peut-être faut-il d’ailleurs qu’une théorie se maintienne exclusivement à un point de vue particulier pour qu’elle reste scientifique, c’est-à-dire pour qu’elle donne aux recherches de détail une direction précise.

175. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IV : Sélection naturelle »

Pour que de grandes modifications se produisent dans la succession des siècles, il faut qu’une variété, après s’être une fois formée, varie encore, bien que peut-être au bout d’un long intervalle d’années, que celles d’entre ces variations qui se trouvent avantageuses soient encore conservées, et ainsi de suite. […] Aussitôt qu’une plante attire suffisamment les insectes pour que son pollen puisse être porté de fleur en fleur, une autre série de faits peut commencer à se produire. […] Or, quand les sexes sont séparés, quoique les fleurs mâles et femelles soient portées par un même sujet, il faut bien que le pollen soit habituellement transporté d’une fleur à l’autre, ce qui donne plus de probabilité pour qu’il le soit aussi d’arbre en arbre. […] Je ne vois aucune raison pour que ce procédé de modification, tel qu’il vient d’être exposé, soit nécessairement limité à la seule formation des genres. […] En fin de compte, il y a plusieurs causes très diverses pour que des organismes d’ordres inférieurs existent actuellement en grand nombre dans le monde entier.

176. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (2e partie) » pp. 81-159

Mais pour prêter à cet acte solennel un plus grand poids, pour qu’on ne pût attribuer ce refus à une influence étrangère, mais à la volonté spontanée et propre du Saint-Père lui-même, et pour que ce refus pût amener chez l’Empereur la conviction que l’unique et véritable impossibilité de manquer à ses devoirs sacrés et non des inspirations étrangères empêchaient Pie VII d’accéder à ses désirs, on jugea que c’était le moment de compenser le nom définitif donné aux prétentions impériales, par le bonheur qu’il ressentirait en m’arrachant lui-même du ministère. […] Le cardinal Fesch étant sénateur, — je ne puis cacher dans cet écrit ce qui est indispensable pour qu’il soit véridique, — fit la faute de marcher avec les sénateurs plutôt qu’avec les cardinaux. […] Comme les ministres insistaient pour qu’on rédigeât et qu’on signât, séance tenante, la lettre qu’ils devaient porter à Sa Majesté le lendemain matin, en allant lui rendre compte de l’exécution de ses ordres, c’est-à-dire de la communication qu’on nous avait faite, nous courûmes le risque d’attacher nos noms à un document dont nous n’aurions pas été contents peut-être en le relisant à tête calme et après cette épouvantable occurrence. […] « Ils pressèrent donc pour que la chose se fît instantanément. […] Pour qu’on ne mît pas d’entraves à notre sortie, je fis valoir l’ignorance de la langue française constatée chez plusieurs et même chez le plus grand nombre.

177. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

J’ai beau me déclarer incapable de cette abnégation héroïque, ce n’est pas une raison pour que j’en méconnaisse la grandeur morale et pour que je me dispense de m’évertuer contre ma propre nature, qui, d’instinct, y répugne si profondément. […] Gœthe et Victor Hugo, la sainte qui fut ma mère, se sentaient immortels : est-ce que c’est une raison pour que le gros X… soit en péril sérieux de survivre à son existence ignoble et à son corps souillé ? […] Indiquez-nous vite l’ouvrage où ils ont donné toute leur mesure, pour que nous ayons d’eux, en aussi peu de temps que possible, l’idée la plus complète. […] Nous admettons comme assez justes ou, du moins, comme trop irrévocables la plupart des jugements de la postérité, pour que la manie de tout remettre en question ne soit pas à nos yeux une fatuité insupportable et ridicule. […] Et pour que nous y puissions mettre une foule de choses, il est bon que ces grandes oeuvres ne soient pas d’une beauté trop claire.

178. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre III. De la signification de la vie. L’ordre de la nature et la forme de l’intelligence. »

Maintenant, il suffit que je relâche mon attention, que je détende ce qu’il y avait en moi de tendu, pour que les sons, jusque-là noyés dans le sens, m’apparaissent distinctement, un à un, dans leur matérialité. […] Pour que le système d’aujourd’hui pût être superposé à celui d’hier, il faudrait que celui-ci eût attendu celui-là, que le temps se fût arrêté et que tout fût devenu simultané à tout : c’est ce qui arrive en géométrie, mais en géométrie seulement. […] Il faut que des milliers et des milliers d’entre eux, à peu près semblables, se répètent les uns les autres dans l’espace et dans le temps, pour que grandisse et mûrisse la nouveauté qu’ils élaborent. […] Sans doute, pour que toutes ces petites volontés constituassent un « ordre voulu », il faudrait qu’elles eussent accepté la direction d’une volonté supérieure. […] Pour que notre conscience coïncidât avec quelque chose de son principe, il faudrait qu’elle se détachât du tout fait et s’attachât au se faisant.

179. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

Ne suffit-il pas qu’elle nous vienne pour que vous disiez tout de suite : « Eh ! […] Pour que l’humanité soit plus forte, plus saine, plus belle, idée nietzschéenne ? […] Seulement il avait fallu Laënnec pour qu’on la trouvât dans Hippocrate. […] Notez que, si c’est exécrable, ce n’est pas une raison pour que ce ne soit pas du Volney. Ce serait plutôt une raison pour que ce fût de lui.

180. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

Sainte-Beuve a été un jour, aux yeux des connaisseurs, un trop rare poète pour que l’Imagination autant que la Critique ne tienne pas à connaître toute l’œuvre de l’homme qui a donné cette note unique de profondeur, et à savoir, s’il l’a perdue, comment cela se fit. […] la sincérité m’est trop chère pour que je me trompe sur sa nature et sur cet accent qu’elle seule a. Dans ce Joseph Delorme que j’admire, parce qu’il y a assez de sincérité pour qu’on s’y moque du mensonge, il y a deux inspirations, l’une collective, imitative, compagnonne de toutes les poésies de 1830, poésie partagée, renvoi d’échos et de reflets, large réverbération, étincelante expression d’un temps ou les Partis (les Partis littéraires) prenaient les hommes et fondaient leur individualité dans la leur ; l’autre solitaire, isolée, personnelle, et celle-là, c’est la vraie, c’est celle-là qui a créé la poésie de Joseph Delorme. […] … Eh bien, elle est dans toutes les pièces qu’il fallait laisser seules pour que ce volume eût toute sa concentration et la profondeur navrante de son charme ; elle est dans une trentaine de véritables chefs-d’œuvre d’étrangeté, mais d’étrangeté sincère, cette poésie malade de l’isolement, du découragement, de réchignement, de la méfiance, de l’empoisonnement par la méfiance de tous les sentiments de la vie !

181. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre II. Réalité des idées égalitaires »

Pour qu’une société vise à s’organiser suivant les principes utilitaires, il faut qu’elle ait d’abord accepté les principes égalitaires. […] Mais sont-ce des parts égales que ces reformes tendent à faire aux hommes, si différents qu’ils soient, ou — comme il le faudrait pour qu’elles répondissent à notre définition, — sont-ce des parts proportionnelles à la valeur des actes ? […] Ils sont dès à présent assez engagés dans les institutions publiques pour qu’on puisse les dire portés, non pas seulement par quelques individus, mais par la masse des peuples mêmes ; l’idée de l’égalité telle que nous l’avons définie, postulant la valeur de l’individualité en même temps que celle de l’humanité, demandant par suite qu’on tienne compte des différences en même temps que des ressemblances des hommes, peut être à bon droit regardée, dans nos sociétés occidentales, comme une idée sociale réelle. […] On s’aperçoit qu’aucune prétendue « loi d’évolution » ne force les sociétés à repasser sur leurs anciennes empreintes19, et que, suivant toutes les « lois de causation », il faut au contraire, pour qu’un phénomène social ressuscite, que le mouvement de l’histoire ait préalablement ramené la combinaison de conditions propre à le susciter.

182. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Edmond About » pp. 63-72

Le monde, ce vieux conte répété (non pas deux fois, le nombre exigé pour que le plus beau conte soit ennuyeux, a dit Shakespeare), l’a été cent et le sera mille. […] Il est désillusionné, dénigrant, sans foi et sans espérance, souvent spirituel, mais sans le bouillonnement de la verve et la longueur de l’haleine exigés pour que l’esprit ne s’évapore pas dans un mot.

183. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre I. De la sélection des images, pour la représentation. Le rôle du corps »

Pour que cette image que j’appelle ébranlement cérébral engendrât les images extérieures, il faudrait qu’elle les contînt d’une manière ou d’une autre, et que la représentation de l’univers matériel tout entier fût impliquée dans celle de ce mouvement moléculaire. […] Ainsi le rôle du cerveau est tantôt de conduire le mouvement recueilli à un organe de réaction choisi, tantôt d’ouvrir à ce mouvement la totalité des voies motrices pour qu’il y dessine toutes les réactions possibles dont il est gros, et pour qu’il s’analyse lui-même en se dispersant. […] Dans le cas d’un organisme rudimentaire, il faudra, il est vrai, un contact immédiat de l’objet intéressant pour que l’ébranlement se produise, et alors la réaction ne peut guère se faire attendre. […] Le passage de l’affection à la représentation restera enveloppé d’un mystère aussi impénétrable, parce que, nous le répétons, on ne trouvera jamais dans des états intérieurs, simples et inextensifs, une raison pour qu’ils adoptent de préférence tel ou tel ordre déterminé dans l’espace. […] Pour que des actions rayonnent de ces centres, il faut que les mouvements ou influences des autres images soient d’une part recueillis, de l’autre utilisés.

184. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « George Farcy »

La Rome moderne ne remplit pas son attente ; son goût simple et pur repoussait les colifichets : « Décidément, écrivait-il, je ne suis pas fort émerveillé de Saint-Pierre, ni du pape, ni des cardinaux, ni des cérémonies de la Semaine sainte, celle de la bénédiction de Pâques exceptée. » De plus, il ne trouvait pas là assez d’agréable mêlé à l’imposant antique pour qu’on en pût faire un séjour de prédilection. […] Pourtant il l’était, quoique moins profondément qu’il n’eût fallu pour que cela fût une passion. […] Et moi, ma belle amie, vous m’avez mis à une école trop sévère pour que je ne tremble pas de paraître fier d’une faveur. » « Eh bien ! […] Ce jugement est assez favorable pour que je m’en honore, et il est à la fois assez sévère pour que j’ose le reproduire ici : « Dans le premier ouvrage (dans Joseph Delorme), dit-il, c’était une âme flétrie par des études trop positives et par les habitudes des sens qui emportent un jeune homme timide, pauvre, et en même temps délicat et instruit ; car ces hommes ne pouvant se plaire à une liaison continuée où on ne leur rapporte en échange qu’un esprit vulgaire et une âme façonnée à l’image de cet esprit, ennuyés et ennuyeux auprès de telles femmes, et d’ailleurs ne pouvant plaire plus haut ni par leur audace ni par des talents encore cachés, cherchent le plaisir d’une heure qui amène le dégoût de soi-même.

185. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre deuxième. Le développement de la volonté »

L’animal n’a qu’à percevoir un objet, par exemple sa proie, pour que l’instinct développe sa série d’effets. […] Pour qu’un acte soit voulu, d’une volition véritable, suffit-il, comme Spencer et Münsterberg le croient, que cet acte soit simplement précédé de l’image du mouvement à accomplir et du souvenir des sensations musculaires ou autres qui l’accompagnent ? […] Il faut, pour qu’il y ait volition, que le désir d’un objet soit d’abord prévalent, puis qu’il devienne le désir prévalent de faire ce qui est nécessaire pour atteindre l’objet. […] Je veux marcher signifie : je me représente le mouvement de translation avec mon pouvoir de le produire ; je juge ce mouvement utile comme moyen de telle fin ; je le désire avec une force et une durée assez exclusives des appétitions et représentations contraires pour que le mouvement commencé dans mon cerveau se propage à mes jambes. […] Surpris, on les recherche ; parfois on tombe juste, quand elles sont suffisamment conscientes pour qu’on les puisse retrouver ; sinon, de bonne foi, on les invente.

186. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Victor Hugo »

certes, il faut que nous soyons de bien bons enfants en littérature, si nous sommes en politique de mauvais garçons ; il faut que nos besoins d’originalité ne soient pas bien grands, à nous autres éreintés de l’époque actuelle, pour que nous soyons si aisément satisfaits de la répétition des mêmes idées, des mêmes sentiments, du même langage et presque des mêmes mots, des mêmes tableaux et de la même manière de peindre, et que nous en jouissions avec autant de pâmoison de plaisir et de furie d’enthousiasme que si tout cela était inconnu, inattendu, virginal, et tombé, pour la première fois, du ciel ou du génie d’un homme. […] il faut que nous soyons bien profonds ou bien superficiels, pour qu’un second coup porté sur nos esprits et sur nos âmes retentisse sur ce timbre sonore et sensible aussi fort que le premier, et même davantage. Il faut que nous ayons la peau bien tendre à la tentation… d’admirer, pour que nous admirions, dans les mêmes termes, bien des années plus tard, des choses écrites dans les mêmes termes qu’autrefois ! […] Il y a, dans cet incroyable recueil de quatre mille vers, de la même mesure à l’exception d’un très petit nombre de morceaux, beaucoup de pièces où le virtuose n’a eu besoin que de poser légèrement son archet sur les cordes de son violon pour que les cordes, impalpablement touchées, aient chanté. […] Je n’insisterai point, mais ai-je besoin d’insister pour qu’on sente que l’énormité est la vie même de Hugo, de Hugo, la plus grande gloire contemporaine, — non la plus pure, non la plus justifiée, mais la plus… énorme !

187. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Ernest Feydeau » pp. 106-143

Le ton solennel y domine trop ; il y a trop de mélancolies d’étalage pour qu’on ne croie pas à quelque modulation de vengeance dans tout cela, mais, quant au droit, le droit n’apparaît dans cette fumée de larmes que sous la forme d’un cauchemar, et à travers l’indécision d’un ménagement. […] Il fallait peindre le paradis de l’adultère, ce paradis qui est un enfer ; et, pour qu’on en comprît mieux la secrète horreur, les transes et les ignominies, il fallait choisir des créatures d’élection, l’une comme force et l’autre comme pureté, et les rouler dans cet enfer jusqu’à perte de conscience humaine, afin que ceux qui rêvent à la poésie des amours illégitimes et des intimités qui tremblent sussent une fois pour toutes ce qui en est !! […] Nous connaissons trop les détails de ce pauvre bonheur qui se cache dans un appartement de garçon, dont on nous donne assez bourgeoisement l’inventaire, pour que M.  […] Il les a bien ramassés, il les a bien ouverts tout grands, ces fruits cruels, ces fruits funestes, pour qu’on vît mieux l’immonde poussière qui emplit la bouche qui y mord… C’est là le mérite de ce livre d’une immoralité inconsciente, ou Dieu elle devoir n’apparaissent une seule fois dans la pensée de personne, et qui, par là, n’est plus qu’un daguerréotype, l’exact daguerréotype, peut-être, de la triste société de l’auteur, Maîtrisé par son sujet beaucoup plus qu’il ne le maîtrise, l’auteur de Fanny a de la force et beaucoup de talent quand il est dans son sujet, mais il n’en a point quand il faudrait être au-dessus. […] Feydeau ont pour mission de faire détester ; c’est le mariage, pour qu’on le maudisse, qui doit mettre le sceau à la destinée et à l’infortune de Daniel !

188. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — III. (Fin.) » pp. 246-261

Et à Duclos lui-même Voltaire, quelque temps après, écrivait : « Il est triste que les gens de lettres soient désunis ; c’est diviser des rayons de lumière pour qu’ils aient moins de force. » Mais Duclos n’était pas homme à obéir à un mot d’ordre : voilà son honneur et son coin de probité comme écrivain et homme public. […] Ses amis de Paris, connaissant sa tendresse pour elle et ne voulant pas attrister son voyage, se concertèrent avec sa famille pour la lui cacher et pour que cette mort ne fût point annoncée par la Gazette de France : mais Duclos l’apprit d’autre part et par la Gazette d’Avignon. […] À côté de parties désintéressées, il avait des coins d’avarice, comme on l’a remarqué pour Mézeray : Il n’a jamais vécu chez lui, dit Sénac de Meilhan, et, comme son bien était en argent comptant, la crainte d’être volé lui faisait prendre des précautions pour qu’on ne sût pas qu’il avait chez lui de grosses sommes : c’est par cette raison que, peu de temps avant de mourir, il emprunta vingt-cinq louis à l’un de ses amis.

189. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — I » pp. 56-70

Montluc, toutefois, sachant que le roi tenait fort à cette entreprise, et piqué par l’idée que tous les autres l’estimaient impraticable, résolut de la tenter : il suffisait, en général, qu’on dît devant lui qu’une chose était impossible pour qu’il se dît : « J’en fais mon affaire. » Impossible n’était pas pour lui un mot français, ou du moins un mot gascon. […] Il advint même, pour plus de vérité et pour que cela ressemblât davantage à ce qui s’est passé trop souvent, que François Ier ne fut point informé que c’était à lui qu’on devait l’exécution de son désir. […] Il sied mal de dérober l’honneur d’autrui ; il n’y a rien qui décourage tant un bon cœur. » Dans les diverses guerres auxquelles il prend part et qu’il nous décrira, il est de certains faits qu’il aura ainsi trop de curiosité et de plaisir à raconter, à déduire au long et par le menu, pour qu’on n’y voie point se déceler et se déclarer le genre de talent militaire particulier et propre à Montluc : c’est ordinairement dans ce qu’il appelle une faction ou fait d’armes à part, dans un coup de main, un stratagème bien ourdi, une escarmouche bien menée, une attaque de place réputée imprenable, ou une défense déplacé réputée intenable, quelque entreprise soudaine et difficile, une expédition en un mot qui fasse un tout, à laquelle il commande, sans qu’il soit besoin d’avoir sous sa main autre chose qu’une élite, c’est là qu’il se complaît et où il excelle.

190. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers (tome xviie ) » pp. 338-354

Or, pour que cette clef fût solide, il eût été nécessaire que Paris fût fortifié. […] Tous ceux qui en 1814 étaient à quelque degré pour la paix, pour la reddition et la capitulation, pour qu’on ne luttât point à outrance contre l’étranger, tous ceux-là allaient répétant : « À quoi bon ? […] Thiers, qu’une dernière bataille livrée et gagnée jusque dans Paris, une victoire qui eût rétabli d’un seul coup la France dans sa juste grandeur, n’eût pas été trop payée, même au prix des splendeurs du Paris d’alors ; tous ceux qui, l’année suivante, avaient saigné et pleuré de douleur à la nouvelle de Waterloo, ceux-là étaient tous pour qu’on fortifiât.

191. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXIV. Arrestation et procès de Jésus. »

On allume deux chandelles près de lui, pour qu’il soit bien constaté que les témoins « le voient 1100. » Alors on lui fait répéter son blasphème. […] Mais Jésus n’était pas citoyen romain ; il suffisait de l’autorisation du gouverneur pour que l’arrêt prononcé contre lui eût son cours. […] il faudra plus de dix-huit cents ans pour que le sang qu’il va verser porte ses fruits.

192. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre I : Rapports de cette science avec l’histoire »

Après tout, c’est un grand mal sans doute si dans un temps donné il n’y a pas de grand philosophe ; mais ce n’est pas une raison pour qu’il n’y ait point d’historien de la philosophie, de même que, s’il n’y a pas de grand peintre, ce n’est pas une raison pour ne pas faire l’histoire de la peinture. […] Maintenant, en laissant même de côté le haut intérêt qui s’attache à l’homme, d’abord parce que nous sommes des hommes, et ensuite à cause de l’excellence et de la dignité de la nature humaine, en laissant de côté les questions morales et religieuses qui font de l’homme l’objet le plus élevé de la spéculation humaine, je le demande, quelle raison y aurait-il pour que les phénomènes par lesquels se manifeste l’humanité fussent moins dignes d’étude que ceux de la nature ? […] Ainsi les deux histoires sont intimement liées, et il n’y a pas de raison pour que l’intérêt qui se porte vers l’une se détache de l’autre.

193. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre premier. Considérations préliminaires » pp. 17-40

Nécessairement celui qui les présente a dû les choisir ; et jamais il ne peut s’établir une confiance assez grande entre l’auteur le plus vrai, le plus exempt de préjugés, et le lecteur le plus indulgent ou le plus docile, pour que le choix des faits ne soit pas sujet au moins à être discuté. […] Cet état si nouveau dans la société sera soumis à un examen attentif ; et si nous ne pouvons l’expliquer, il aura toujours été utile de le faire remarquer, pour que désormais il entre comme élément de calcul dans toutes les théories politiques. […] Cette erreur était trop naturelle pour qu’on n’y tombât pas : elle ne peut donc point être reprochée avec quelque justice à ceux qui l’ont partagée.

194. (1895) De l’idée de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines pp. 5-143

Pour que l’énergie se conserve à travers les changements, il faut qu’il y ait des changements. […] Cette théorie joue chez lui un rôle trop important pour qu’on n’y voie qu’une métaphore et une façon de parler. […] Mais la psychologie physique est trop peu avancée pour qu’on puisse ici invoquer pareil argument. […] La déduction détermine les conditions requises pour que ce résultat soit atteint. […] La division du travail apparaît comme nécessaire pour que les hommes vivent.

195. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

On enferme encore son esprit dans une enceinte limitée, mais assez large pour qu’il puisse s’y mouvoir avec une certaine aisance. […] Nous croyons avoir déterminé l’ensemble des conditions nécessaires et suffisantes pour que se produise l’impression poétique. […] Ces belles heures de contemplation rêveuse, nous les recherchons ; nous prenons nos dispositions pour que rien ne vienne les gâter. […] Il faut enfin, pour qu’un spectacle soit beau, qu’on croit imaginer ce qu’on y entend, ce qu’on y voit, et que tout nous y semble un beau songe15. » On ne saurait indiquer avec plus de finesse la condition requise pour qu’une pièce de théâtre produise un effet poétique. […] Quel patient effort pour que s’ouvre une fleur !

196. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mes pensées bizarres sur le dessin » pp. 11-18

Une figure humaine est un système trop composé pour que les suites d’une inconséquence insensible dans son principe ne jettent pas la production de l’art la plus parfaite à mille lieues de l’œuvre de la nature. […] C’en sera assez pour qu’il sente que les chairs sur les os et les chairs non appuyées ne se dessinent pas de la même manière, qu’ici le trait est rond, là comme anguleux ; et que s’il néglige ces finesses, le tout aura l’air d’une vessie soufflée ou d’une balle de coton.

197. (1762) Réflexions sur l’ode

C’est qu’en matière de langue, il est une infinité de nuances imperceptibles et fugitives, qui pour être démêlées ont besoin, si on peut parler de la sorte, du frottement continuel de l’usage ; c’est un effet qui doit être dans le commerce pour que la vraie valeur en soit connue. […] Le public, soit lassitude, soit humeur, paraît aujourd’hui un peu dégoûté de ce genre ; il marque même ce dégoût assez fortement, pour que l’académie ait balancé, si en laissant aux poètes le choix du sujet, elle ne leur laisserait pas aussi celui de l’ode, du poème, ou de l’épître.

198. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Taine »

Nous n’en tirerions jamais de quoi cacher notre pauvreté philosophique, assez dénuée aujourd’hui dans l’auteur du livre De l’Intelligence, pour qu’il me fasse l’effet d’être nu comme un petit saint Jean. […] Toutes ces constructions de sensations, toutes ces reviviscences d’images, toutes ces études d’hallucination, toutes ces dentelles d’analyses physiologiques faites au microscope, tous ces fils de la Vierge qu’on nous montre entre l’index et le pouce, toutes ces bluettes, en fin, qu’on veut nous donner et qu’on nous donne, c’est pour que nous ne puissions apercevoir du premier regard le but où l’on veut nous conduire, et ce but, c’est de réduire les plus grandes et les plus vivantes choses qu’il y ait dans le cœur et la tête de l’homme : Dieu, l’âme et le devoir, à n’être qu’une vile sensation, un ridicule bruit de sonnette dont on tire le cordon, en attendant qu’avec ce cordon on puisse les étrangler.

199. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « J.-K. Huysmans »

Ces gens-là ne lisent guères Ludolphe et Tauler, et pour que M.  […] pour qu’un décadent de cette force pût se produire et qu’un livre comme celui de M. 

200. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

S’il y a des chances pour qu’un écrivain donne sa pleine mesure, c’est dans cette sérénité d’atmosphère que procure l’aisance. […] Pour que le citoyen devienne soldat, il faut qu’il entre dans un milieu de soldats, et que ce milieu préexiste. […] Mais pour que ce travail ait sa valeur morale — j’insiste sur le mot, — il faut qu’il soit volontaire. […] Quelles sont les conditions suffisantes et nécessaires pour que ce fait donne son meilleur rendement ? […] Il y aura beaucoup de chances pour que le professeur, ainsi nanti, ne pense pas à quitter cette université, — beaucoup de chances pour que les candidats à de pareilles situations abondent et séjournent là.

201. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

Une nuit pour que je saccage mon rêve ! […] pour que meure en moi jusqu’à la racine de ce désir. […] reviens pour que je te goûte encore, et que, délivrée enfin, je puisse dire : J’ai revu Antoine Arnault, il n’est plus comme autrefois. […] Je mettrai mon empreinte en toi, pour que tes paumes Ne souhaitent plus rien que ma captation, Pour que ton cœur, m’ayant en son ambition, Se sente déborder de dieux et de royaumes. […] Quand ils furent mariés l’un et l’autre, pour que leur femme ne s’y pût tromper — ce qui aurait eu plus de conséquence — chacun portait une cravate de couleur déterminée.

202. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

On désigne par ce dernier mot quelque chose de complexe et de confus, un de ces concepts que l’humanité a voulu laisser dans le vague pour que chacun le déterminât à sa manière. […] Si la terre produisait beaucoup plus, il y aurait beaucoup moins de chances pour qu’on ne mangeât pas à sa faim 26, pour qu’on mourût de faim. […] Il s’agira d’un empire à exercer, non pas sur les hommes, mais sur les choses, précisément pour que l’homme n’en ait plus tant sur l’homme. […] Mais, même si l’on ne retient qu’une partie de ce qu’elle avance comme certain, il en reste assez pour que nous devinions l’immensité de la terra incognita dont elle commence seulement l’exploration. […] A elle de se demander ensuite si elle veut vivre seulement, ou fournir en outre l’effort nécessaire pour que s’accomplisse, jusque sur notre planète réfractaire, la fonction essentielle de l’univers, qui est une machine à faire des dieux.

203. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

Impassible, il reprend la parole : « Le jugement que vous venez de prononcer, Athéniens, m’a un peu ému ; mais ce qui m’étonne bien plus, c’est d’être condamné à une si faible majorité ; car, à ce qu’il paraît, il n’aurait fallu que trois voix de plus pour que je fusse absous. […] La ressemblance de cette philosophie occulte avec la philosophie de Socrate et de Platon est trop complète pour que cette similitude soit l’œuvre du hasard. […] Mais il est temps que je vous rende compte, à vous qui êtes mes juges, des motifs de mon espérance. » Ici, comme toujours, il procède par interrogation à ses auditeurs, pour que la vérité sorte, pour ainsi dire, par contrainte de leur propre bouche, et qu’elle ait ainsi plus d’autorité sur eux. […] Dieu, qui a voulu en tout temps la conservation des âmes, n’a laissé manquer aucun temps de la portion de vérité naturelle ou révélée, indispensable pour que sa création subsiste et pour qu’elle l’entrevoie lui-même à travers ses mystères. […] Il faut une certaine mesure de vertu dans une âme, pour que cette âme puisse s’élever à une véritable philosophie.

204. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre premier. La sensation, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. La sensation »

Ainsi il y a certains parfums qui nous paraissent composés de trop d’éléments pour que nous puissions en faire l’analyse et la description ; nous disons alors qu’ils constituent un arôme indéfinissable. […] Les effets seront devenus à la fois trop complexes et trop organisés, par conséquent trop spontanés d’apparence, pour que la réflexion puisse en faire la dissection psychologique18. […] Selon lui, pour que la sensation puisse se produire, il doit y avoir une stimulation précédente dont nous ne sommes pas sensitivement avertis, mais par laquelle et en relation avec laquelle la stimulation nouvelle est appréhendée. […] « Pour qu’il y ait synthèse, dit-on, il faut que les sensations élémentaires de bleu, vert, etc., persistent dans la sensation du blanc, car il n’y a pas synthèse si les composés n’existent pas. Pour qu’il y ait composition, il faut qu’il y ait unité d’existence entre le blanc d’une part, et le bleu, le vert, etc., d’autre part.

205. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre premier. De l’illusion » pp. 3-31

Pour que le jugement affirmatif se produise, il suffit que l’intermédiaire se produise ; peu importe que l’antécédent existe ou n’existe pas. […] Bref, sauf obstacle ultérieur, pour que la perception ou jugement affirmatif se produise, il faut et il suffit que la sensation ou action des centres sensitifs se produise. — En ceci, les opérations mentales ressemblent aux opérations vitales. […] Sans doute elle ne la provoque pas complètement ; le travail mental commencé est enrayé par les répressions circonvoisines ; il faudrait que l’image fût seule et livrée à elle-même, comme dans le sommeil et l’hypnotisme, pour qu’elle pût atteindre sa plénitude et avoir tout son effet ; elle ne l’a qu’à demi ; quand elle l’a tout à fait, l’homme est fou. — Mais, que le travail hallucinatoire soit ébauché ou achevé, peu importe, et l’on peut définir notre état d’esprit pendant la veille et la santé comme une série d’hallucinations qui n’aboutissent pas. […] Examinons tour à tour les mots et les images qui composent nos pensées ordinaires. — À l’état normal, nous pensons tout bas par des mots mentalement entendus ou lus ou prononcés, et ce qui est en nous, c’est l’image de tels sons, de telles lettres ou de telles sensations musculaires et tactiles du gosier, de la langue et des lèvres. — Or il suffit que ces images, surtout les premières, viennent à s’exagérer, pour que le malade ait des hallucinations de l’ouïe et croie entendre des voix. — « Au milieu de ma fièvre, dit Mme C…8, j’aperçus une araignée, qui, au moyen de son fil, s’élançait du plafond sur mon lit.

206. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLIXe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Vite, vite, ôtez-moi d’ici pour que j’aille au-devant de mon Seigneur. » Ce disant, il se soulève autant qu’il le peut, et par la vigueur de son âme soutenant son corps, il s’avance entre les mains de ses familiers et va au-devant du vieillard jusqu’à son vestibule, et là, se traînant à ses genoux, suppliant et en larmes : « Mon doux Jésus, dit-il, vous daignez visiter le plus mauvais de vos serviteurs ! […] Par cet amour qui vous fait embrasser tout le genre humain, qui vous a fait descendre du ciel et revêtir notre humanité nue, qui vous a fait souffrir la faim, la soif, le froid, la chaleur, le labeur, les moqueries, le mépris, les coups, la flagellation, la mort enfin sur une croix ; par cet excès d’amour, ô mon Sauveur Jésus, je vous supplie et vous conjure de détourner vos regards, votre face de mes péchés, afin que cité à comparaître devant votre tribunal, ce que je sens devoir être très-prochain, je ne sois pas puni pour mes fraudes, mes péchés, mais pardonné par les mérites de votre croix : qu’il plaide, qu’il plaide en ma faveur, ce sang, le plus précieux de tous, que vous avez répandu sur ce sublime autel de notre rédemption, et pour rendre l’homme libre, donner à l’homme la liberté. » Après ces paroles et d’autres encore, devant tous les assistants en pleurs, le prêtre ordonna qu’on le relevât et qu’on le mît dans son lit pour qu’on lui administrât plus facilement le sacrement : il s’y opposa d’abord ; mais, de crainte de manquer d’obéissance au vieillard, il se laissa fléchir, et répétant avec fermeté les paroles sacramentales, déjà sanctifié et vénérable par une sorte de majesté divine, il reçut le corps et le sang du Seigneur. […] Je ne crains pas non plus que ton autorité soit inférieure à celle que j’ai eue jusqu’à ce jour : mais parce qu’une cité entière est un corps à plusieurs têtes, comme l’on dit, et qu’on ne peut pas être au gré d’un chacun, souviens-toi, au milieu de cette diversité, de suivre toujours le dessein que tu jugeras le plus honnête, et d’avoir égard à l’intérêt de tous plutôt qu’à l’intérêt d’un seul. » Il donna ensuite des ordres pour ses funérailles, pour qu’elles se fissent à l’instar de celles de son aïeul Côme, dans la mesure enfin qui convient à un simple particulier. […] Si je ne poursuis pas à présent sur les qualités des autres enfants, je ne puis cependant me retenir sur le sujet de Pierre et sur le témoignage que son père lui a rendu dans une affaire récente. — Deux mois environ avant sa mort, Laurent, assis sur son lit, selon sa coutume, causant avec nous philosophie et littérature, me disait qu’il voulait consacrer le reste de sa vie à des études qui nous étaient communes, à lui, à moi et à Pic de la Mirandole, et cela loin du bruit et du fracas de la ville. « Mais, lui dis-je, les citoyens ne vous le permettront pas, parce que, de jour en jour, ils aiment davantage vos conseils et votre autorité. » Souriant alors, il me dit : « J’ai déjà délégué mes fonctions à votre élève et je l’ai chargé de tout le poids des affaires. — Mais, avez-vous, lui répondis-je, surpris assez de force dans ce jeune homme pour que nous puissions avec confiance nous reposer sur lui ?

207. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — I. (Dialogues inédits.) » pp. 1-28

Il fit tout pour que de pareilles visites ne se renouvelassent point : Chaque jour l’atrabilaire Saint-Mauris et son officieux chevalier (un M. de Lalleu) me parlaient du danger que je courais dans les sociétés où je me répandais. […] Cela est trop évident pour que je me le déguise. […] Il lui présente la plume pour qu’elle écrive les deux lignes à Montperreux : elle la prend de guerre lasse : Ah ! […] Cette précaution était absolument nécessaire, disait-il, pour lui assurer un retour et fermer la bouche à ceux qui auraient pu débiter cette nouvelle assez tôt pour qu’on eût le temps de l’arrêter.

208. (1856) Les lettres et l’homme de lettres au XIXe siècle pp. -30

À ceux-là, généreux imprudents et qui vont courir tant de hasards, s’ils ont même un véritable talent, que de conseils nouveaux à donner et non prévus par Quintilien, pour leur dignité, pour la conduite et l’économie de leur verve laborieuse, pour la modération des désirs, pour qu’ils ne sacrifient pas l’art au métier, l’inspiration à l’industrie, pour qu’ils ne fassent du moins que les concessions indispensables ! […] Il nous semble, qu’en fait de poésie légère, ce siècle-là avait du bon, et que certaines gens tournaient assez bien alors un conte en vers ou une épître ; que si ce genre s’efface, notre littérature ne doit peut-être pas trop s’en applaudir ; qu’enfin faire des vers autrement qu’on ne les fait d’ordinaire aujourd’hui, ce n’est point précisément une raison pour que le public ne les goûte pas. […] Il faut que les premiers et indispensables besoins d’une société soient abondamment satisfaits pour qu’elle produise ce double luxe de l’esprit, des écrivains et des lecteurs.

209. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vi »

Le 13 novembre 1914, il écrivait à un de ses écoliers :‌ Nous travaillons, nous, pour que cette guerre soit la dernière et que les écoliers d’aujourd’hui n’aient pas plus tard à passer des mauvais jours comme nous à la pluie, au froid et sous les balles. Nous travaillons pour que plus tard il n’y ait plus nulle part de ces empereurs ou de ces rois qui font tuer le monde pour leur plaisir. […] J’ai lu dans les Entretiens des non-combattants (mai-juin 1916, 21, rue Visconti) les carnets où Albert Thierry, instituteur syndicaliste et le plus violemment sincère des syndicalistes, crayonnait comme un testament ses suprêmes pensées de politique et de morale et recherchait quelle justice doit être réalisée dans le monde pour que la paix définitive s’établisse. […] Je leur ferais passer trois semaines dans les tranchées et leur collerais le nez dans les boyaux pour qu’ils apprennent au moins ce que c’est.

210. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre x »

Chapitre x Les soldats de vingt ans se dévouent pour que naisse une France plus belle A Edmond Rostand, après avoir entendu le Vol de la Marseillaise.‌ […] Tout cela s’acquiert et se mérite…‌ Et cette haute idée de la dignité du commandement, ce beau désir de tenir au mieux l’emploi le plus modeste dans la hiérarchie, nous conduisent à voir que sous cette poésie parfumée, joyeuse et d’un goût parfait, pareille aux chansons immortelles de Mistral, respire une âme forte :‌ Ne priez pas, dit-il aux siens, pour que les souffrances me soient épargnées ; priez pour que je les supporte et que j’aie tout le courage que j’espère.‌ […] Et puis parfaits dans les autres (car, n’est-ce pas, nous croyons à la communion des saints), ce qui veut dire prier pour eux, pour qu’ils sachent plier leurs consciences et leurs volontés à la volonté royale de Dieu. »‌ Voilà ses pensées premières, voilà d’où part cet enfant plein du génie religieux de sa maison familiale, et, jour par jour, durant sa courte année d’apprentissage à la vie, il s’occupe passionnément à recevoir la leçon des faits.‌

211. (1899) Le roman populaire pp. 77-112

Et cela suffit pour qu’on lui refuse le rôle d’éducatrice. […] Et il ajoute, pour que nous continuions d’observer Cosette et d’être heureux avec elle, ce couplet demeuré célèbre : « La poupée est un des plus impérieux besoins et en même temps un des plus charmants instincts de l’enfance féminine. […] C’est l’enfance, l’âge mûr, parfois l’existence entière du héros qui passe sous nos yeux, longues périodes où il y a des chances pour que chaque lecteur reconnaisse quelque trait de sa propre histoire. […] Aimez ceux dont vous aurez à parler, car c’est la condition essentielle pour qu’ils se reconnaissent et vous suivent.

212. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre I. La conscience et la vie »

Maintenant, pour qu’elle grandisse et qu’elle évolue, deux voies s’ouvrent à elle. […] Ne devons-nous pas croire, alors, que si notre perception contracte ainsi les événements de la matière, c’est pour que notre action les domine ? […] Sur d’autres lignes, la conscience arrive à se libérer assez pour que l’individu retrouve un certain sentiment, et par conséquent une certaine latitude de choix ; mais les nécessités de l’existence sont là, qui font de la puissance de choisir un simple auxiliaire du besoin de vivre. […] Pour que la pensée devienne distincte, il faut bien qu’elle s’éparpille en mots : nous ne nous rendons bien compte de ce que nous avons dans l’esprit que lorsque nous avons pris une feuille de papier, et aligné les uns à côté des autres des termes qui s’entrepénétraient.

213. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — I. » pp. 446-462

Il faudra plus de vingt ans encore pour que le Werther de la France, celui qui s’approprie si bien à elle par sa beauté mélancolique, sa sobriété, même en rêvant, et son noble éclair au front, pour que René en un mot puisse naître ; il faudra plus de temps encore pour que l’élégie vraiment moderne, inaugurée par Lamartine, puisse fleurir et se propager.

214. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

Il faut un intervalle pour s’en remettre et pour qu’il soit possible de se figurer l’original sous d’autres couleurs. […] Tout cela est dit à Mme de Coulanges pour qu’elle y donne l’air qu’elle savait mettre aux choses en les racontant ; mais la marquise fait à l’avance ce qu'elle recommande si bien à Mme de Coulanges. […] Quiconque a dit : Et moi aussi je suis peintre, que ne donnerait-il pas pour qu’il lui fût permis de contempler un instant ou Michel-Ange ou Raphaël le pinceau à la main, et tout entier suspendu à sa toile ou à sa paroi sublime ?

215. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre III. Théorie de la fable poétique »

Mais que faire pour que l’aventure ne soit qu’une preuve ? Comment la disposer pour que la maxime en sorte d’elle-même ? […] Pour qu’ils se changent en arguments, il faut qu’ils ne soient plus des êtres : un portrait vivant pourrait attirer l’attention, et le spectateur oublierait l’instruction pour le plaisir ; une peinture détaillée pourrait égarer l’interprétation, et le spectateur laisserait la bonne conclusion pour la mauvaise ; si le Renard a trop d’esprit, on ne songera qu’à lui, ou qui pis est, il sera le héros.

216. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Oscar Wilde à Paris » pp. 125-145

Alcibiade, chez les Grecs, et Pétrone, chez les Romains, avaient essayé de remonter un courant de vulgarité, mais pour que cet état d’esprit, que l’on a nommé le dandysme, prît toute sa valeur et sa force cohésive, il y fallait des conditions spéciales et la mentalité singulière d’un peuple qui se fait gloire d’une vertu que Stendhal juge d’un ridicule stupide et dont Remy de Gourmont se moquait avec tant d’insistance. Chez les Latins les mœurs sont trop libres, l’opinion trop indulgente pour que la théorie du dandysme pût s’y condenser dans toute son âpreté. […] Wilde a payé assez cher ses écarts pour que l’oubli se fasse autour d’eux et ce qui le rachète dans notre estime c’est qu’il courut à son désastre comme à un suicide.

217. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface de la seconde édition »

Il n’y a, en effet, rien d’inconcevable à ce qu’il puisse être caractérisé de plusieurs manières différentes ; car il n’y a pas de raison pour qu’il n’ait qu’une seule propriété distinctive6. […] Pour qu’on puisse les utiliser, il faut que l’étude des faits sociaux ait été déjà poussée assez loin et, par suite, qu’on ait découvert quelque autre moyen préalable de les reconnaître là où ils sont. […] Mais pour qu’il y ait fait social, il faut que plusieurs individus tout au moins aient mêlé leur action et que cette combinaison ait dégagé quelque produit nouveau.

218. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre V. Mme George Sand jugée par elle-même »

Mme Sand, pour qu’on ne puisse pas s’y tromper, comme on s’est trompé sur son âme, nous prévient qu’elle n’a que celui-là. […] Mme Cottin le fut sous l’Empire. — Mme Sand, — talent relativement supérieur, je l’accorde, — durera-t-elle assez pour que cette argile de la célébrité se durcisse au souffle du temps et devienne le marbre de la gloire ? […] Toutes les siennes sont des images tombées vingt fois de leurs béquilles, et qu’elle relève, et qu’elle appuie contre sa phrase, pour qu’elles tiennent encore un peu debout.

219. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « EUPHORION ou DE L’INJURE DES TEMPS. » pp. 445-455

. — C’était, je vous assure, un lamentable spectacle que celui de toutes ces ombres une fois illustres, et qui elles-mêmes en leur temps, à des époques éclairées et florissantes, avaient paru distribuer la gloire et l’immortalité, — de les voir aujourd’hui découronnées de tout rayon, privées de toute parole sonore, et essayant vainement, d’un souffle grêle, d’articuler leur propre nom, pour qu’au moins le passant pût le retenir et peut-être le répéter. […] De ce qu’une telle destinée ne se peut concevoir dans l’orgueilleuse plénitude de la conscience et de la vie, est-ce une raison pour qu’elle soit tout à fait impossible avec le temps et qu’elle implique absurdité ? 

220. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Note sur les éléments et la formation de l’idée du moi » pp. 465-474

. — « Plus tard et dans une seconde période, dit notre observateur, lorsque par un long usage j’eus appris à me servir de mes sensations nouvelles, j’avais moins d’effroi d’être seul et dans un pays que je ne connaissais pas ; je pouvais, quoique avec difficulté, me conduire ; j’avais reformé un moi ; je me sentais exister, quoique autre. » Il faut du temps pour que la chenille s’habitue à être papillon ; et, si la chenille garde, comme c’était le cas, tous ses souvenirs de chenille, il y a désormais un conflit perpétuel et horriblement pénible entre les deux groupes de notions ou impressions contradictoires, entre l’ancien moi qui est celui de la chenille, et le nouveau moi qui est celui du papillon. — Dans le second stade, au lieu de dire : Je ne suis plus, le malade dit : Je suis un autre. […] Lorsque subitement ces sensations deviennent autres, il devient autre et s’apparaît comme un autre ; il faut qu’elles redeviennent les mêmes pour qu’il redevienne le même et s’apparaisse de nouveau comme le même.

221. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes maudits » pp. 101-114

L’esprit humilié voit partout des idoles, On voudrait faire un choix de suaves paroles, Mais en vain, pour qu’à l’aise ils s’y posent en tas, La rêverie aux mots s’offre comme une branche. […] Pour qu’il y ait enthousiasme, il faut qu’il y ait rapt, viol, surprise.

222. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre IV. Moyens de déterminer les limites d’une période littéraire » pp. 19-25

Elle est aussi trop voisine de son début pour que nous puissions savoir exactement ce qu’elle deviendra. […] Toute crise sociale étant un ensemble de crises individuelles, il y a bien des chances pour que la littérature ait subi le contre-coup des secousses qui ont ébranlé alors la société entière.

223. (1856) Cours familier de littérature. I « IIe entretien » pp. 81-97

Ce phénomène de la translation de la pensée de l’esprit de l’un dans l’esprit de l’autre, était nécessaire dans le plan divin pour que l’homme pût se communiquer à l’homme. […] Mais pour que la définition soit juste et complète, il faut y ajouter un mot.

224. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Bruyère » pp. 111-122

C’est là un progrès auquel il faut prendre garde, et que la Critique, pour que la Spéculation n’en abuse pas, doit attentivement surveiller. […] Or, pour la transition, un seul rapport suffit ; mais pour l’agrégation, il en faut mille ; car il faut une convenance naturelle, profonde et complète. » Ainsi défendu, quoiqu’il n’eut pas besoin de défense, La Bruyère, accepté et magnifié à tous les titres de moraliste, de philosophe, d’observateur et d’écrivain, manquait de cette page de critique qui épure la gloire d’un homme en la passant au feu d’un ferme regard, car dans la gloire, dans ce lacryma-christi de la gloire, telle que les hommes la font et la versent, il y a encore des choses qu’il faut rejeter du verre, — pour que l’ivresse en soit divine !

225. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Le Conte de l’Isle. Poëmes antiques. »

pour que les badauds y trouvent de l’illusion ou de la joie : mais est-ce là de la poésie vraie ? […] Quand Midi parut, cette pièce, dans laquelle le poète a sonné ses douze coups comme talent et de même que Midi, ne sonnera pas un coup de plus, on s’en allait, citant ses vers trop connus pour qu’on ait besoin de les citer tous : Midi, roi des Étés, épandu dans la plaine, Tombe en nappes d’argent des hauteurs du ciel bleu.

226. (1904) En lisant Nietzsche pp. 1-362

Mais pour que nous nous imposions cette discipline, « pour que cette discipline puisse commencer », ne faut-il pas une conviction a priori, à savoir que le démontré est meilleur que l’indémontré ? […] Il faut qu’il existe des parias pour qu’on se sente classe dominante, et il faut qu’il y ait des opprimés pour qu’on ait le plaisir de se sentir oppresseurs. […] Mais pour qu’un arbre devienne grand, il doit pousser de dures racines autour de durs rochers… Hélas ! […] « Pour qu’il soit dans cet état d’esprit, il faut qu’il soit cent fois plus aristocrate que les aristocrates eux-mêmes. […] Donc, nous souffrons et nous périssons pour que les poètes ne manquent pas de sujets !

227. (1903) Le problème de l’avenir latin

Rome antique avait trop profondément marqué de son empreinte ce peuple pour que Rome spirituelle pût y être vaincue. […] Mais pour qu’une telle tentative comportât des chances de succès, il faudrait qu’une intelligence et un tact rare y présidassent. […] Ce sont comme les en-têtes des chapitres qui demandent à être construits et développés pour qu’un livre existe. […] Certains doivent périr pour que d’autres, meilleurs et plus grands, puissent vivre. […] Pour que s’incarne dans le fait une idée nouvelle, il faut des terres nouvelles.

228. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article »

Il ne faut pas croire tout ce qu’il y raconte ; il aime trop à parler de lui-même, pour qu’il puisse dire constamment la vérité.

229. (1845) Simples lettres sur l’art dramatique pp. 3-132

Il sait qu’il peut souiller sans peur les noms fameux, Et que, pour qu’on le touche, il est trop venimeux. […] Cet article est assez curieux, surtout mis en regard avec un autre article sur le même sujet, paru en 1835, pour que nous le reproduisions ici : dans tous deux, il est question, pour M.  […] « On nous annonce une bonne nouvelle, trop bonne cependant pour que nous osions y croire. […] Buloz va essayer d’user de son influence sur Mme Mélingue pour qu’elle nie, ou la menacer de sa vengeance, si elle ne nie pas ; mais que M.  […] « Pour qu’elle y ait moins de peine, le premier éloge que nous ferons sera celui de M. 

230. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Hommes et dieux, études d’histoire et de littérature, par M. Paul De Saint-Victor. »

Que de fois j’ai regretté que ces pages d’éclat, d’imagination et bien souvent de pensée, ainsi semées à tous les vents, ne fussent point recueillies en volumes pour qu’on pût les relire et pour que l’auteur, si distingué, si hors de ligne, pût définitivement prendre son rang et compter dans la sérieuse et noble élite à laquelle de droit il appartient !

231. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Musset, Alfred de (1810-1857) »

Le cou long, charnu, démesuré, est d’un lutteur, et, en effet, le poète de Rolla avait été doué de la vigueur héroïque, pour que la Passion et la Douleur, ses vraies amantes implacablement chéries, eussent de quoi s’acharner sur leur proie. […] Tout a servi à Musset pour que la rencontre nécessaire de l’art et de la matière se produisit ; sa précocité, sa candeur, son aptitude, malheureuse d’ailleurs, précieuse ici, à rester enfant.

232. (1894) Propos de littérature « Chapitre Ier » pp. 11-22

. — Cette philosophie est, il est vrai, trop peu clairement indiquée au long des œuvres de M. de Régnier pour que les lignes précédentes aient une signification autre que probable ; peut-être même ai-je complété ici ce que je devinais de la théorie pour en faire pressentir la consistance. […] Cette opposition, qu’on retrouverait aussi dans le caractère des deux hommes, me paraît assez nettement sensible pour que, au long des pages de cette étude, je ne croie pas nécessaire de la rappeler chaque fois qu’elle peut se sous-entendre ; je n’indiquerai que sommairement en elle la cause des oppositions secondaires de méthode, de réalisation lyrique et plastique et de technique de MM. de Régnier et Griffin.

233. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Deux diplomates »

Ils ont eu, à la longue, assez de cette politique à la suite dont le mot d’ordre énervé ne venait pas d’assez haut pour qu’il fût glorieux d’y obéir ; et l’un des deux est mort, dégoûté, à la peine, et l’autre s’est réfugié dans la vie privée, qui, pour un homme d’État, est aussi une autre manière de mourir ! […] Aussi est-ce sous la lumière attirante de ce nom de Donoso Cortès qu’on a placé avec intelligence le nom moins lumineux de Raczynski, pour qu’il pût bénéficier de cette lumière et qu’on vit mieux qu’il était digne de la partager.

234. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Jacques Demogeot » pp. 273-285

Malherbe, Vaugelas, le Cardinal de Richelieu, ces grands hommes d’État littéraires, ces Hercules qui ont balayé la place pour que le grand Corneille pût passer, et Louis XIV et tout son siècle, ces hommes qu’on pourrait appeler plus glorieusement que Pitt les Ministres des préparatifs, car ils préparèrent le dix-septième siècle en l’ouvrant, voilà les personnalités les mieux comprises de M.  […] Car, s’il est un délicieux enfant comme l’Amour, c’est un enfant que le Caprice, et il vient toujours un moment où il faut emporter les enfants pour que l’on s’entende.

235. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Laïs de Corinthe et Ninon de Lenclos » pp. 123-135

Elles ne sont que la branche fleurie qui appelle l’oiseau, mais d’où il s’envole, et leur domination éphémère est beaucoup trop simple pour qu’on n’en déplace pas la cause… On la cherche vainement dans une existence qui ne pesa pas assez pour laisser des traces. […] « Il fallait — dit beaucoup trop vite Chateaubriand — qu’elle eût beaucoup d’esprit, pour que mesdames de la Suze, de Castelnau, de la Ferlé, de Sully, de Fiesque, de Lafayette, ne fissent aucune difficulté de la voir. » Le bel-esprit, qui n’est pas l’esprit, était le lien de ces compagnies qui parfilaient la langue et la galanterie à l’hôtel de Rambouillet.

236. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIV. Vaublanc. Mémoires et Souvenirs » pp. 311-322

Pour qu’il soit dans la nature d’un homme, il faut combiner la réalité du point de vue que l’on embrasse et la force de volonté que l’on met à l’embrasser. […] Eh bien, c’est cette justesse d’esprit nécessaire à l’homme le plus fort pour qu’il ait réellement du caractère, qu’avait suprêmement le comte de Vaublanc.

237. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Crétineau-Joly » pp. 367-380

Parfois même il n’est pas besoin d’une filiation directe ; il suffit du même nom, pour que la mystérieuse et redoutable loi s’accomplisse… Habitué, par l’histoire religieuse qu’il a souvent écrite, aux idées générales et aux conclusions providentielles, Crétineau-Joly devait être nécessairement plus frappé que personne du rôle invariablement funeste qu’a joué dans nos annales tout ce qui porta jadis le nom d’Orléans, et il n’a pas voulu qu’on l’oublie. […] Cette Histoire de Louis-Philippe, autour de laquelle nous aurions voulu troubler le silence prudent des Conrarts politiques qui n’en ont point parlé, est trop renseignée et trop considérable pour que nous puissions faire autre chose que de la signaler.

238. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Auguste de Chatillon. À la Grand’Pinte ! »

Il en est une entre autres trop longue, et trop arabesque pour qu’on puisse la citer dans tous les enroulements de sa fantaisie. […] Seulement, il y a plus que l’exécution, réussie en quelques endroits, à simplifier, à aériser, à diaphaniser partout, pour qu’elle soit plus digne de l’inspiration qui doit y descendre comme une haleine plus pure dans une flûte de cristal.

239. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pécontal. Volberg, poème. — Légendes et Ballades. »

Il est trop long pour que nous puissions le citer dans la variété de toutes ses modulations, mais dites si depuis les roucoulements des chœurs d’Esther ou d’Athalie vous avez vu des strophes de cette transparence tomber, avec ce mouvement de vapeur, dans un air léger : Une Vierge de Galilée Du nom de Marie appelée En ses deux lianes vous portera, Et dans une étable naîtra Le roi de la sphère étoilée ! […] Sont-ils donc trop naturels, trop maternels et trop ingénus, pour qu’on leur donne un prix à l’Académie ?

240. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre V. Autres preuves tirées des caractères propres aux aristocraties héroïques. — Garde des limites, des ordres politiques, des lois » pp. 321-333

Néanmoins dans le temps même où le gouvernement romain était déjà devenu démocratique, les formules d’actions étaient suivies si rigoureusement qu’il fallut toute l’éloquence de Crassus (que Cicéron appelait le Démosthène104 romain), pour que la substitution pupillaire expresse fût regardée comme contenant la vulgaire qui n’était pas exprimée. […] Admirons la sagesse et la gravité romaines, en voyant au milieu de ces révolutions politiques les préteurs et les jurisconsultes employer tous leurs efforts pour que les termes de la loi des douze tables, ne perdent que lentement et le moins possible le sens qui leur était propre.

241. (1881) Le naturalisme au théatre

Et il faut que tout soit calmé, que la fièvre ait disparu, pour qu’on regrette les vitres cassées et pour qu’on s’aperçoive de la besogne mauvaise, des lois trop hâtivement bâclées, qui valent à peine les lois contre lesquelles on s’est révolté. […] Nous ne sommes pas une nation assez mélomane pour qu’il n’y ait point à cela, en dehors de la musique, des particularités déterminantes. […] Albert Wolff pense-t-il que madame Sarah Bernhardt s’était fait maigrir pour qu’on parlât d’elle ? […] Catulle Mendès a choisi cette étude pour que l’antithèse fût plus forte. […] Il fallait que Guillaume et qu’Ursule reparussent, pour que la salle fût de nouveau prise aux entrailles.

242. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — [Introduction] » p. 251

Ce préjugé est trop profondément enraciné dans les esprits, pour qu’il ne soit pas nécessaire d’examiner particulièrement si Homère a jamais été philosophe.

243. (1894) Textes critiques

Encore que j’aime plus au théâtre le déroulement du rêve en banderolles mauves ou fils de Vierge que la marche échiquière de thèses dont nulle n’est ni ne peut être neuve, chacune est trop asymptote à sa Réalisation pour que Gerhart Hauptmann ne nous ait pas donné, au lieu de la tabletterie redoutée, une pièce de très haut Idéalisme, touchant plus même que l’Ennemi du Peuple, parce que plus près de nous. […] Assez de rêve pour que s’y fixent nos jeux d’esthètes. […] Celui-ci est distant par suite d’un moindre infini, pas assez moindre pour qu’on ne puisse considérer tous les rayons reflétés par l’acteur (soit tous les regards) comme parallèles. […] Quoique nous préférions à ce tourisme des sites et monuments, sans comparaison, l’émotion esthétique de la vitesse dans le soleil et la lumière, les impressions visuelles se succédant avec assez de rapidité pour qu’on n’en retienne que la résultante et surtout qu’on vive et ne pense pas, nous ne pouvons que glorifier ce livre, série d’itinéraires pratiques avec une profusion de très bonnes photographies de tous les cyclistes depuis la porte de Suresnes jusqu’à la cathédrale de Chartres. […] C’est parce que la foule est une masse inerte et incompréhensive et passive qu’il la faut frapper de temps en temps, pour qu’on connaisse à ses grognements d’ours où elle est — et où elle en est.

244. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre III. De la survivance des images. La mémoire et l’esprit »

Il faut en effet, pour qu’un souvenir reparaisse à la conscience, qu’il descende des hauteurs de la mémoire pure jusqu’au point précis où s’accomplit l’action. […] Mais pour que le mot s’étende et néanmoins se limite ainsi aux objets qu’il désigne, encore faut-il que ces objets nous présentent des ressemblances qui, en les rapprochant les uns des autres, les distinguent de tous les objets auxquels le mot ne s’applique pas. […] En fait, le moi normal ne se fixe jamais à l’une de ces positions extrêmes ; il se meut entre elles, adopte tour à tour les positions représentées par les sections intermédiaires, ou, en d’autres termes, donne à ses représentations juste assez de l’image et juste assez de l’idée pour qu’elles puissent concourir utilement à l’action présente. […] Si les souvenirs errent, indifférents, dans une conscience inerte et amorphe, il n’y a aucune raison pour que la perception présente attire de préférence l’un d’eux : je ne pourrai donc que constater la rencontre, une fois produite, et parler de ressemblance ou de contiguïté, — ce qui revient, au fond, à reconnaître vaguement que les états de conscience ont des affinités les uns pour les autres. […] Mais, en un autre sens, un souvenir quelconque pourrait être rapproché de la situation présente : il suffirait de négliger, dans cette perception et dans ce souvenir, assez de détails pour que la ressemblance seule apparût.

245. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — III. (Suite et fin.) » pp. 454-472

Il en est de même des subsistances : il faut qu’elles circulent pour que les pays abondants secourent les provinces moins favorisées ; il faut que le même sac de blé, qui ne peut satisfaire qu’un appétit, tranquillise dix imaginations dans un marché, comme le petit écu qui satisfait dix créanciers dans une foire… Je n’ai pas à entrer dans le fond : le curieux pour nous aujourd’hui, c’est que, dans un tel instant, M.  […] Quelques fragments, lus en séance publique, de ce poème exact, dont l’écueil à la longue est dans la monotonie, mais dont la versification ferme et serrée rappelle souvent les bonnes parties ordinaires de Lucrèce, inspirèrent assez d’estime à l’Académie des sciences pour qu’elle s’associât l’auteur comme membre libre en remplacement du comte Andréossi (27 octobre 1828). […] Daru dans sa campagne de Bêcheville : il y manque je ne sais quoi, peu de chose, un dernier tour, pour que l’art complet, l’art antique et fin s’y retrouve.

246. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Madame Bovary par M. Gustave Flaubert. » pp. 346-363

Voilà donc Emma devenue Mme Bovary, installée dans la petite maison de Tostes, dans un intérieur étroit, avec un petit jardin plus long que large, qui donne sur les champs ; elle introduit partout, aussitôt l’ordre, la propreté, un air d’élégance ; son mari, qui ne songe qu’à lui complaire, achète une voiture, un boc d’occasion pour qu’elle puisse se promener, quand elle le voudra, sur la grande route ou aux environs. […] Il faudrait peu de chose, à certains moments de ces situations, pour que l’idéal s’ajoutât à la réalité, pour que le personnage s’achevât et se réparât en quelque sorte.

247. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise par M. Taine. »

Tout compte fait, toute part faite aux éléments généraux ou particuliers et aux circonstances, il reste encore assez de place et d’espace autour des hommes de talent pour qu’ils aient toute liberté de se mouvoir et de se retourner. […] Pour que rien ne manquât au contraste et à l’antagonisme, il y avait quelques élèves catholiques fervents qui sont entrés depuis à l’Oratoire ; c’était donc une lutte de chaque jour, une dispute acharnée, le pêle-mêle politique, esthétique, philosophique, le plus violent. […] Ce n’est pas une raison pour que la science désarme et renonce à son entreprise courageuse.

248. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

La grâce, le goût, l’art de l’insinuation, il faut qu’il les ait eus au plus haut degré pour que, dans ses Mémoires sobres et sévères, Napoléon, racontant ce qui se passa à son retour de l’Italie et de Rastadt, et la manière dont il fut accueilli par le Directoire, les fêtes qu’on lui donna, ait songé à distinguer celle du ministre des affaires étrangères. […] Mais avec lui les absents bientôt avaient tort : il aima mieux oublier l’Orient, laisser le conquérant lointain courir ses risques, et rester à Paris ministre d’une politique qui était sans doute beaucoup trop révolutionnaire et propagandiste pour qu’il l’acceptât sincèrement, mais à laquelle aussi, à travers les remaniements des petits États, il y avait beaucoup pour lui à gagner, à pêcher, comme on dit, en eau trouble. […] Il s’en tira d’ailleurs dans le temps par un mot, et tandis qu’un autre, en apprenant le meurtre du duc d’Enghien, disait cette parole devenue célèbre : « C’est pire qu’un crime, c’est une faute22 », Talleyrand répondait à un ami qui lui conseillait de donner sa démission : « Si, comme vous le dites, Bonaparte s’est rendu coupable d’un crime, ce n’est pas une raison pour que je me rende coupable d’une sottise23. » Quant à l’affaire du Concordat et aux négociations qui l’amenèrent, il y poussa et y aida de toutes ses forces ; il y avait un intérêt direct, c’était de taire sa paix avec le pape et de régulariser son entrée dans la vie séculière ; ce qu’il obtint en effet par un bref.

249. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Affaires de Rome »

… il y a eu une paille qui a fait défaut, et les mille anneaux du métal ont jonché la terre ; et cela, pour que l’esprit du siècle à la longue eût raison, pour que sa provocation incessante et flatteuse ne restât pas vaine, pour que cette parole de M.

250. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — I. » pp. 441-459

Mais cette monarchie administrative n’était pas dans des mains assez fortes ni assez dignes pour que l’œuvre de Richelieu et de Louis XIV se continuât. […] Et il va jusqu’à dire, au sein de cette assemblée frémissante et où des applaudissements presque unanimes couvraient quelques murmures irrités : « Nous compromettons la liberté, en ayant l’air de séparer la France catholique d’avec la France libre. » — « Il n’est plus question de détruire, concluait-il en finissant, il est temps de gouverner. » Pour que de telles paroles, en effet, se fissent entendre et accueillir, pour qu’elles entraînassent la décision d’une assemblée où le vieux levain conventionnel fermentait encore, il fallait qu’une ère nouvelle eût commencé et que la Révolution fût entrée dans une phase toute différente.

251. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — II. » pp. 460-478

Si la discussion était interrompue par l’arrivée d’un message du Conseil des Cinq-Cents ou du Directoire, il suffisait que je lui en fisse tout bas la lecture une seule fois pour qu’il répétât tout haut, en s’adressant à l’Assemblée, la résolution tout entière, quelque nombreux qu’en fussent les articles, sans en déranger la série, sans changer aucune expression. […] Mais le sujet était trop vivant et trop pathétique, il tenait de trop près aux sentiments qui se réveillaient alors dans tous les cœurs ; pour qu’un orateur comme Portalis n’en fît pas un texte de morale humaine et réconciliatrice. […] Thiers, pour que je me permette de l’effleurer ici.

252. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

Les Contes lui seraient aisément venus dans ce lieu-là, non pas les Fables ; les belles fables de La Fontaine, très probablement, ne seraient jamais écloses dans les jardins de Vaux et au milieu de ces molles délices : il fallut, pour qu’elles pussent naître avec toute leur morale agréable et forte, que le bonhomme eût senti élever son génie dans la compagnie de Boileau, de Racine, de Molière, et que, sans se laisser éblouir par Louis XIV, il eût pourtant subi insensiblement l’ascendant glorieux de cette grandeur. […] Si la nature humaine a paru souvent traitée avec sévérité par La Fontaine, s’il ne flatte en rien l’espèce, s’il a dit que l’enfance est sans pitié et que la vieillesse est impitoyable (l’âge mûr s’en tirant chez lui comme il peut), il suffit, pour qu’il n’ait point calomnié l’homme et qu’il reste un de nos grands consolateurs, que l’amitié ait trouvé en lui un interprète si habituel et si touchant. […] Car la vie de La Fontaine est devenue comme une légende, et il suffit de commencer à raconter de lui une anecdote pour que tout lecteur l’achève aussitôt.

253. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

Elle ne lui dit pas ce qu’il aurait à faire de sa personne pour que ces vœux fussent accomplis et pour mériter sa part dans le bien commun. […] « Il ne nous apprend pas, dites-vous, ce que nous aurions à faire de notre personne pour que ses vœux fussent accomplis » ; mais si vraiment, il nous l’apprend. […] Pour qu’il en fût ainsi, il faudrait oublier trop de choses que nous savons, en rapprendre d’autres que nous avons oubliées.

254. (1912) L’art de lire « Chapitre III. Les livres de sentiment »

Ils avaient été inventés pour qu’on eût du plaisir à lire Virgile, pour qu’on ne le lût pas comme de l’Aulu-Gelle et par des gens qui savaient qu’ils goûtaient Mozart parce qu’ils avaient joué du violon, et Virgile parce qu’ils avaient fait des vers latins. […] Il y a des chances, je crois, pour qu’on en trouve, non pas beaucoup plus, mais un peu plus, dans les générations de demain et d’après-demain, parce que les professeurs actuels de l’enseignement secondaire n’enseignent plus du tout les auteurs classiques ; ils ne s’occupent que de sociologie et de littérature contemporaine — C’en est donc fait de l’humanisme !

255. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Seconde partie. Des mœurs et des opinions » pp. 114-142

Nous ne sommes point inhabiles au sérieux, mais notre esprit a trop de vivacité, il a trop vite fait le tour d’un objet quelconque pour qu’il ait besoin de se livrer à un long examen. […] Du temps de Henri IV le problème était encore bien facile à résoudre : sans parler des principes sur lesquels repose toute société, et qui n’avaient reçu aucune atteinte, il est certain qu’alors les mœurs étaient assez conformes aux opinions, pour qu’en s’associant aux mœurs de la nation française, le trône fût assuré au généreux vainqueur d’Ivry. […] Mais, je ne puis m’abstenir de l’avouer, ma confiance dans une telle hypothèse vient surtout de ce qu’il faut qu’elle soit vraie pour que la société puisse continuer de subsister : or il m’est impossible de ne pas croire, avant tout, que la société ne peut périr.

256. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (3e partie) » pp. 81-152

Legouvé, par complaisance de talent, pour que l’actrice universelle eût le plaisir d’émouvoir en français les Français. […] J’ai trouvé du courage dans toutes les circonstances de ma vie : pour celle-ci, je n’en trouve pas du tout ; je suis tous les jours plus accablée, et je ne sais pas comment je ferai pour continuer à vivre aussi malheureuse. » Pour que rien ne manquât à l’exactitude et aussi à la moralité de cette histoire, il fallait entendre les cris de douleur que pousse la comtesse d’Albany. […] Quel ne fut pas son étonnement quand ce même Sismondi, si implacable quelques mois auparavant contre le tyran du monde, semblable à Benjamin Constant, son compatriote et son modèle, passa soudainement aux pieds de l’exilé vaincu de l’île d’Elbe, se fit nommer au conseil d’État pour que son ami Benjamin Constant ne fût pas seul dans l’apostasie de sa haine, et écrivit à la comtesse des lettres embarrassées et inexplicables pour expliquer cette politique sans convenance et sans transition ! […] C’était une grande raison à tous ceux qui aiment la France pour ne pas vouloir que ce terrible dé fût jeté ; il est en l’air, il ne reste plus à présent qu’à faire des vœux pour qu’il tombe bien. […] Il en fait faire dix copies qu’il confie à ses amis, pour que l’injure ne risque pas de mourir avec lui.

257. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » p. 356

D'ailleurs les morceaux qu'il a empruntés des sources, ne sont pas assez bien adaptés à son style, pour qu'on ne s'apperçoive pas d'une bigarrure qui déplaît à tout Lecteur délicat.

258. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lantrac, Daniel »

Et, page par page, j’ai échenillé mon livre jusqu’à le réduire à ces minces feuillets — comme on effeuille une marguerite, — afin qu’il répondît “beaucoup” à celui qui l’interrogera d’un œil bienveillant… » Et certes, il n’est pas besoin de bienveillance spéciale pour que ces pages répondent « beaucoup » à celui qui les lit ; M. 

259. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rouger, Henri (1865-1912) »

C’est assez pour que son âme solitaire soit pénétrée d’une infinie gratitude… Comme tous les poètes, il a regardé longtemps la magnificence des floraisons printanières.

260. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

L’histoire de mes dernières déceptions est trop instructive, pour que je dérobe cette leçon savoureuse à la méditation de tous les téméraires amants de la renommée. […] Mais il ne suffit pas qu’une évidence ait l’éclat du soleil, pour que nous fassions sagement de la rejeter comme suspecte ; et il ne suffit pas non plus qu’une idée soit biscornue, pour qu’elle doive agréer d’emblée à notre pessimisme mélancolique. […] Car il y a neuf cent quatre-vingt-dix-neuf chances sur mille pour que le livre signé d’un nom nouveau ne vaille rien, pour qu’il soit inutilement venu grossir l’encombrant amas des choses imprimées ; en le condamnant d’avance, nous sommes donc à peu près sûrs de ne pas nous tromper, d’être avec tout le monde, et de donner une opinion avantageuse de notre goût. […] Pour qu’il ne surgisse jamais, il n’est point nécessaire de supposer la noire envie et je ne sais quelle horrible conspiration du silence ; l’ignorance et la paresse suffisent. […] Mais c’est là une opinion trop particulière et même trop généralement contestée pour qu’on puisse, avec la moindre confiance, y voir le jugement de l’avenir.

261. (1932) Le clavecin de Diderot

Or, s’il a suffi du passage de Rabindranath Tagore pour que le téléphone de notre poétesse devînt un fleuve d’amour, il y a tout à parier, qu’elle ne songe qu’à jouer la fée des eaux romantiques. […] Citroën pour qu’il les accroche à la tour Eiffel, ainsi métamorphosée en suppositoire à publicité. […] Les privilégiés avaient crié misère pour que la colère du plus grand nombre spolié à leur profit ne s’attaquât point à leurs fiefs. […] Aussi, malgré ses qualités félines, est-il non le chat qui joue avec la souris, mais la souris qui joue avec le chat pour que le chat la griffe, la tue, la mange. […] Mais voici que justement, de ses propres mains, il déchire le brouillard dont on voulait noyer son monde, pour qu’il crût que sa plate-forme était la seule île solide.

262. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre IV. Le mécanisme cinématographique de la pensée  et l’illusion mécanistique. »

Eh bien, après avoir évoqué la représentation d’un objet et l’avoir supposé par là même, si vous voulez, existant, nous accolerons simplement à notre affirmation un « non », et cela suffira pour que nous le pensions inexistant. […] De là vient que nous nous tendons tout entiers sur la fin à réaliser, nous fiant le plus souvent à elle pour que, d’idée, elle devienne acte. […] Or, pour qu’elle se représente, immobile, le résultat de l’acte qui s’accomplit, il faut que l’intelligence aperçoive, immobile aussi, le milieu où ce résultat s’encadre. […] Pour que notre activité saute d’un acte à un acte, il faut que la matière passe d’un état à un état, car c’est seulement dans un état du monde matériel que l’action peut insérer un résultat et par conséquent s’accomplir. […] Pour que les images s’animent, il faut qu’il y ait du mouvement quelque part.

263. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

Jean Moréas, pour qu’il nous autorisât à réimprimer certains de ses manifestes, lesquels, on s’en souvient, eurent un grand retentissement, il y a quelques années. […] Mais, pour que le Symbolisme voie sa floraison fructifier, il lui faudra se désentraver de ses atavismes. […] Les cimetières, les cercueils, les tombes, bien que depuis Le Moine de Lewis et le romantisme on en ait fort abusé, sont d’un ragoût trop piquant pour que le décadent y renonce tout à fait. […] L’autre plus déliée, marche assez vite pour qu’avec une médiocre attention on puisse saisir son mouvement : c’est la masse des gens éclairés.

264. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre IV. L’ironie comme attitude morale » pp. 135-174

Pour que je vive, d’autres doivent mourir ; pour que je réussisse, d’autres doivent échouer. […] Et certes l’ironie n’est point à elle seule une activité suffisante, elle ne peut s’exercer qu’à l’occasion des autres activités, mais elle est une bonne condition pour que celles-ci donnent leur maximum d’effet utile. […] Mais cet idéal-là est trop loin de nous et trop opposé aux désirs actuellement visibles de l’humanité pour qu’il y ait intérêt à le développer.

265. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIX. M. Cousin » pp. 427-462

Que furent-elles pour qu’un philosophe à cheveux blancs ne rougisse pas de s’arrêter avec elles sous le réverbère historique ? […] Il est vrai que pour que sa collection fût complète, pour donner surtout un repoussoir vigoureux à Mme de Chevreuse, il fallait à toute force une vertu à M.  […] Cousin pour que le vieil homme puisse s’oublier entièrement auprès d’elle, et pour qu’au moment même de les quitter il n’embaume pas son propre passé dans le leur ?

266. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite et fin.) »

« L’horreur que me cause cette mort est inexprimable, dit-elle en propres termes le lendemain à la princesse Daschkoff ; c’est un coup qui me renverse. » Mais le personnage politique en elle reprit aussitôt le dessus : elle comprit que désavouer hautement le crime et parler de le punir ferait l’effet d’une comédie jouée ; qu’elle ne persuaderait personne ; que ce meurtre lui profitait trop pour qu’on ne le crût pas commandé ou tout au moins désiré par elle ; elle dissimula donc, et faisant son deuil en secret, — un deuil au reste qui dut être court, — elle se contenta, pour la satisfaction et le soulagement des siens et de son fils, de conserver dans une cassette la lettre écrite à elle par Orlof, après l’acte funeste, et qui témoignait de l’entière vérité. […] Qu’elle montre une grande déférence pour l’esprit, — pour la royauté de l’esprit, — ce n’est pas à nous, Français, de nous en plaindre ; mais évidemment elle a son but ; elle soigne Voltaire comme la voix de la renommée et comme une trompette ; elle lui raconte les nouvelles de ses guerres et de son empire pour qu’il informe l’Europe ; elle grandit tant qu’elle peut sa nation : lui, en revanche, il dénigre tant qu’il peut la sienne, et manque tout à fait de patriotisme.

267. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « BRIZEUX et AUGUSTE BARBIER, Marie. — Iambes. » pp. 222-234

Et l’autre sœur, qui, plus brave et aventurière, émancipée de bonne heure, s’est ruée dans les hasards du monde, dans le tourbillon et la fange des capitales, qui n’a eu peur ni des goujats des camps, ni des théâtres obscènes, ni des rues dépavées, et qui, le front débarrassé de vergogne et la grosse parole à la bouche, s’est faite honnête homme cynique, n’espérant plus redevenir une vierge accomplie, ne la prenez pas trop au mot non plus, je vous conseille ; ne croyez pas trop qu’elle se plaise à cette corruption dont elle nous fait honte, à cette nausée éructante qu’elle nous jette à la face pour provoquer la pareille en nous, à cette lie de vin bleu dont elle barbouille exprès son vers pour qu’il nous tienne lieu de l’ilote ivre et qu’il nous épouvante ; osez regarder derrière l’hyperbole étalée et échevelée par laquelle, égalant la luxure latine, elle divulgue sans relâche et le plus effrontément la plaie secrète de ce siècle menteur, tout plein en effet de prostitutions et d’adultères ; osez percer au delà de cette monstrueuse orgie qu’elle déchaîne en mille postures devant nous, — et vous sentirez dans l’âme de cette muse une intention scrupuleuse, un effort austère, un excès de dégoût né d’une pudeur trompée, une délicatesse dédaigneuse qui, violée une fois, s’est tournée en satirique invective, une nature de finesse et d’élégance, que l’idéal ravirait aisément et qui ne ferait volontiers qu’un pas de la Curée au monde des anges. […] Mais pour que cette convenance soit rigoureuse et se fonde sur un devoir, il est besoin que le poëte ne se complaise pas aux misères qu’il décrit, qu’il ne joue pas avec l’infamie qu’il étale, comme font certains chirurgiens sans humanité83, et que ce dégoût vertueux qu’il veut exciter dans le lecteur réside continuellement sur sa lèvre et palpite dans son accent.

268. (1874) Premiers lundis. Tome II « Alexis de Tocqueville. De la démocratie en Amérique. »

Faut-il donc, pensais-je en lisant, quitter la patrie, pour que de tels résultats s’accomplissent, et n’y aura-t-il jamais, au sein du vieux monde, un moment où tous les vaincus, les blessés, les puritains des diverses opinions donneront l’exemple d’une union sur un terrain commun incontesté, et offriront un concours de bon sens vers une liberté pacifique et solide ? […] Les suffrages des Chateaubriand, des Royer-Collard, des Lamartine, ont été exprimés assez hautement pour qu’on puisse les consigner, sans crainte de se laisser tromper à des apparences complaisantes.

269. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre IV. Unité et mouvement »

Une œuvre a de l’unité, si les parties qui la composent sont en nombre assez restreint pour que l’esprit les embrasse toutes ensemble d’une seule vue, si ces parties ont entre elles assez d’affinité pour qu’il en saisisse aisément la liaison, si enfin les impressions qu’elles font sur lui ne sont pas diverses au point de se contrarier et de s’annuler.

270. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIX. Progression croissante d’enthousiasme et d’exaltation. »

Il faudra plus d’un siècle encore pour que la vraie Église chrétienne, celle qui a converti le monde, se dégage de cette petite secte des « saints du dernier jour », et devienne un cadre applicable à la société humaine tout entière. […] Chassés d’une ville, qu’ils secouent sur elle la poussière de leurs souliers, en lui donnant acte toutefois, pour qu’elle ne puisse alléguer son ignorance, de la proximité du royaume de Dieu. « Avant que vous ayez épuisé, ajoutait-il, les villes d’Israël, le Fils de l’homme apparaîtra. » Une ardeur étrange anime tous ces discours, qui peuvent être en partie la création de l’enthousiasme des disciples 881, mais qui même en ce cas viennent indirectement de Jésus, puisqu’un tel enthousiasme était son œuvre.

271. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ch. de Barthélémy » pp. 359-372

une fantaisie de Jules Janin qui, par hasard, avait lu un peu de Fréron, comme La Fontaine avait lu un peu de Baruch, pour que ce nom de Fréron apparût, dans la littérature du xixe  siècle, avec le respect qu’on lui doit. […] , pour qu’il y ait des dévouements plus beaux.

272. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Lettres d’une mère à son fils » pp. 157-170

III Ainsi, en retirant l’éducateur, trop insignifiant pour qu’on le discute et pour qu’on s’en occupe plus longtemps, nominis umbra, il reste en Corne le moraliste, comme nous l’avons dit, et encore devra-t-il être trouvé léger !

273. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Abailard et Héloïse »

Les dernières pudeurs de la femme et de la chrétienne, le mystère et la honte de sa faute, ce qui reste à la plus coupable pour que le pardon descende sur sa tête, tout est sacrifié par Héloïse à cette vanité infernale d’avoir été la préférée d’un homme célèbre et sa fille de joie, — car le mot y est : meretrix, et M.  […] Il faut bien citer pour qu’on nous croie.

274. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Du Deffand »

Une des reines du xviiie  siècle, douée de tous les dons aimables par lesquels on était reine alors, une Titus femelle, les délices du genre humain, comme disait d’elle une de ses amies, une des plus éblouissantes soupeuses de cette époque où le souper était « une des quatre fins de l’homme et où l’on oubliait les trois autres », un des esprits les plus teintés de ce rouge audacieux que les femmes mettaient sur leurs joues pour qu’on vint l’essuyer, se plaint, à travers les rires de tout le monde et même des siens, d’un ennui que ne connaît personne, de cet inexorable ennui dont parle quelque part Bossuet, que certainement elle ne lisait pas ! […] Il lui fallait, pour qu’elle fût quelque chose, le monde et ses distractions impuissantes, qu’elle savait impuissantes, mais qu’elle voulait.

275. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XI. Gorini »

Vous aviez cru qu’il fallait la docte destination du Bénédictin pour qu’un prêtre, par exemple, avec les saintes occupations de son ministère, pût devenir, par la science, un Mabillon ou un Pitra ? […] … Que M. l’abbé Gorini, dès cette époque, lût assidûment l’histoire de l’Église quand il était revenu de sa chapelle ou de chez ses pauvres, rien là qui fut plus que l’ordinaire occupation d’un prêtre intelligent et sensé ; mais, pour qu’il devînt un historien lui-même, comme il l’est devenu, dans cette solitude où les livres, sans lesquels il n’y a pas d’histoire, durent lui manquer, et où il ne dut s’en procurer que de très rares, il fallait certainement plus que le sentiment vulgaire ou maladif de cette solitude.

276. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIX. Abailard »

Les dernières pudeurs de la femme et de la chrétienne, le mystère et la honte de sa faute, ce qui reste à la plus coupable pour que le pardon descende sur sa tête, tout est sacrifié par Héloïse à cette vanité infernale d’avoir été la préférée d’un homme célèbre et sa fille de joie, — car le mot y est, meretrix, — et M.  […] Il faut bien citer pour qu’on nous croie.

277. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ch. de Rémusat. Abélard, drame philosophique » pp. 237-250

Mais il fallait sa mort pour qu’il fût publié ; il fallait le respect de son fils, M. Paul de Rémusat, qui a voulu grandir la mémoire de son père, sentiment honorable mais peu critique, pour que ce drame sortît du demi-jour des confidences et vint hardiment prendre rang d’œuvre littéraire au grand soleil, parfois cuisant, de la publicité.

278. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Gérard Du Boulan »

II Elle y est, en effet, cette manie, un des derniers gestes de la décrépitude d’une société tout à la fois curieuse et blasée… Vieux de race, hébétés de civilisation, énervés, blasés, ennuyés, dégoûtés, ayant besoin pour nous secouer d’une originalité dont nous n’avons plus la puissance, nous ne comprenons plus rien à la beauté de la ligne droite dans les choses humaines, et nous la courbons, nous la tordons, nous la recroquevillons en grimaçantes arabesques, pour qu’elle puisse donner une sensation nouvelle à nos cerveaux et à nos organes épuisés… La simplicité du génie et de ses procédés nous échappe. […] Cette vieille époque affaiblie, qui n’a plus d’intense que ses sentiments de vanité et d’envie, et qui, comme Tarquin, sans être Tarquin, voudrait couper tout à hauteur de pavot sous sa baguette égalitaire, a fait de Dieu un homme, et même un charmant homme pour les petites femmes, sous la plume de Renan ; — des grands hommes les produits d’un milieu, sous la plume de Taine ; — et sous celle de beaucoup d’autres, et même de Gérard du Boulan, des types du génie des symboles, pour que partout, dans toutes les sphères, la supériorité divine ne soit plus !

279. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Ronsard »

Quelques fragments de ce grand poète, qui est à la langue poétique moderne ce que Rabelais est à la langue de la prose, avaient suffi, en 1830, pour que la vie — la vraie vie — apparût dans ce qu’on croyait la mort, et pour que le génie de la poésie française, révolté enfin des compressions et des mutilations qu’il avait lâchement endurées depuis près de trois siècles, se reconnût, avec orgueil et acclamation, dans Ronsard.

280. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Les Mémoires d’une femme de chambre » pp. 309-321

Il y est pour bien des raisons, mais surtout parce que cette forme du roman est un excellent mur d’exposition sur lequel on peut accrocher, pour qu’on les voie mieux, ses portraits. […] Il fallait les révolutions et les progrès dont nous sommes témoins, et toutes sortes d’émancipations philanthropiques, pour que nous eussions le précieux avantage d’avoir chez nous des moralistes à nos gages et des observateurs passionnés, capables d’écrire, sur le papier pris dans nos tiroirs, leurs observations, en belle écriture américaine, avec plus ou moins d’orthographe.

281. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « L’Abbé *** »

Un pétard a été attaché à la queue de ce misérable livre, et ce pétard a fait trop de bruit pour que je puisse me taire et passer en disant que nous n’avons rien entendu. […] Elles ont vu sortir la jeune fille, que Julio renvoie à son père du presbytère où une nuit il l’avait recueillie, et c’en est assez pour qu’elles fassent prendre en suspicion les mœurs du jeune prêtre par ses supérieurs ecclésiastiques.

282. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre xi‌ »

Chacun de nous sait que les Français sont là pour qu’il y ait moins de misère entre les hommes. […] Ce mémorial où resplendit l’union de tous les soldats de la France ne peut se terminer que par la plus ardente réclamation pour que survivent et continuent d’agir après la guerre leurs espérances et leurs volontés.‌

283. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » p. 364

Pour qu’on ne nous accuse point d’injustice à l’égard de cet Ouvrage, nous conviendrons qu’il est écrit d’un style pur, noble, élégant, & propre à inspirer la piété, à l’esprit de simplicité près, qui doit cependant en être le premier caractere.

284. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — Note relative à l’article Villehardouin. » p. 527

En admettant même que cette perfection fût chose très fugitive et seulement approximative, que ce ne fût en quelque sorte qu’une velléité de perfection, il suffit qu’elle se rencontre ou se conçoive en cette période de Philippe Auguste à saint Louis pour que l’expression de jargonner ne soit plus à sa place et qu’il la faille retirer comme une injustice et une impertinence des époques modernes postérieures.

285. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « L — II » pp. 196-197

Villemain est le seul qui ait vigoureusement insisté dans le conseil des ministres pour qu’on poursuivît l’abbé Combalot35 comme coupable de diffamation ; il a obtenu, dit-on, cette poursuite contre l’avis de ses collègues et presque malgré le roi.

286. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — N. — article » pp. 423-424

La quantité de ses petits Ouvrages en Vers & en Prose est trop grande, pour qu’aucun soit capable de lui faire une solide réputation, quoiqu’ils annoncent en général de l’esprit, de la littérature, la connoissance du monde, & le talent d’écrire avec facilité.

287. (1889) Les artistes littéraires : études sur le XIXe siècle

Pour qu’il ait résisté et pour qu’il ait persisté — parfois au milieu du dénuement le plus absolu et des souffrances physiques les plus épuisantes — il lui fallut évidemment une foi bien ardente dans la vérité de son idéal artistique ; il lui fallut surtout un mépris bien établi de la popularité et de l’opinion. […] Verse-nous ton poison pour qu’il nous réconforte ! […] C’est ce que fera principalement en France Victor Hugo avec une netteté trop apparente pour qu’il soit utile d’y insister. […] Amour et deuils assez poignants pour que leur souvenir n’ait jamais complètement disparu de sa pensée, et pour qu’il en parlât encore dans son dernier volume, toujours en termes voilés, à la troisième personne, avec une sorte de pudeur de se laisser apercevoir lui-même : Et tu renais aussi, fantôme diaphane. […] Le premier nous l’avons analysé et dépeint assez longuement pour qu’il soit inutile d’y revenir ; quant au second, on pourrait se passer de commentaires plus amples sur son compte en déclarant qu’il est diamétralement le contraire de l’autre.

288. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Elle n’avait pas besoin de parler pour qu’on lui soupçonnât de l’esprit, mais aucune femme que j’aie entendue ne parlait avec plus de pureté et d’élégance. […] Il fallut près de soixante ans encore pour que Ponsard, dans sa Charlotte Corday, produisant ces hommes sur la scène, leur fit tenir un mâle langage et revînt par la tradition cornélienne à une sorte de vérité révolutionnaire. […] (Évreux), pour que tu eusses de moi un signe de vie ; mais la poste est violée ; je ne voulus rien t’adresser, persuadée que ton nom ferait intercepter la lettre et que je t’aurais compromis.

289. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

ne ménagez pas vos conseils à vos malheureux enfants. » Jamais deux souverains jeunes, honnêtes et bons, ne furent animés d’un plus ardent désir de suffire à leurs immenses devoirs, et il fallait qu’il y eût dans la force inhérente des choses et dans les difficultés accumulées dont ils héritaient une bien grande résistance pour qu’avec cette bonne volonté si sincère, un esprit juste, chacun, et des idées qui n’étaient pas tant en désaccord avec celles de l’époque, ils n’y aient pas réussi. […] que son frère Joseph vînt en France, qu’il accablât de questions les époux, qu’il morigénât son royal beau-frère, pour qu’un tel état de choses cessât. […] La cause que soutient et personnifie Marie-Antoinette, la pure cause royale est trop légitime et trop sacrée à ses yeux pour qu’elle ait de ces scrupules sur les moyens : si elle hésite, c’est qu’elle n’est occupée que des meilleures chances de succès.

290. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le Livre des rois, par le poète persan Firdousi, publié et traduit par M. Jules Mohl. (3 vol. in-folio.) » pp. 332-350

Si jamais vous allez en Perse, dans ce pays de vieille civilisation, qui a subi bien des conquêtes, bien des révolutions religieuses, mais qui n’a pas eu, à proprement parler, de Moyen Âge, et dans lequel certaines traditions se sont toujours conservées, prenez un homme d’une classe quelconque, et dites-lui quelques vers de Ferdousi : il y a chance, m’assure-t-on, pour qu’il vous récite de lui-même les vers suivants ; car les musiciens et chanteurs vont en redisant à plein chant des épisodes entiers dans les réunions, dans les festins. […] Il crut le trouver d’abord dans le gouverneur de sa province, Abou-Manzour, jeune prince rempli de générosité et de clémence, qui lui dit : « Que faut-il que je fasse pour que ton âme se tourne vers ce poème ?  […] Au reste, ce n’est point par un désir égoïste de vengeance qu’il écrit cette satire, c’est dans une pensée plus haute : Voici pourquoi j’écris ces vers puissants : c’est pour que le roi y prenne un conseil, qu’il connaisse dorénavant la puissance de la parole, qu’il réfléchisse sur l’avis que lui donne un vieillard, qu’il n’afflige plus d’autres poètes, et qu’il ait soin de son honneur ; car un poète blessé compose une satire, et elle reste jusqu’au jour de la résurrection.

291. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Féletz, et de la critique littéraire sous l’Empire. » pp. 371-391

En 1800, il y avait encore assez de lutte pour qu’il fallut du courage au critique qui voulait combattre les doctrines et les déclamations en vogue ou détrônées à peine ; il y avait déjà assez d’appui pour que le critique n’eut pas besoin d’héroïsme. […] Il fallut que ce fût bien fort pour que dans le Journal de l’Empire même on insérât, le 15 mars 1812, une lettre signée de plusieurs initiales, dans laquelle un soi-disant vieil amateur se plaignait de la décadence du théâtre, du relâchement des acteurs et de celui de la critique.

292. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mme du Châtelet. Suite de Voltaire à Cirey. » pp. 266-285

L’amour, l’amitié que Voltaire eut pour elle était fondée sur l’admiration même, sur une admiration qui ne s’est démentie à aucune époque ; et un homme comme Voltaire n’était jamais assez amoureux pour que l’esprit chez lui pût être longtemps la dupe du cœur. […] Mme du Châtelet, dans l’ardeur de son inquiétude, écrit au tendre ami de son ami, à M. d’Argental, pour qu’il éclaircisse l’affaire et qu’il ménage le retour de celui sans qui elle ne peut vivre. […] Qui confie si légèrement son secret, mérite qu’on le trahisse ; mais moi, que lui ai-je fait pour qu’il fasse dépendre le bonheur de ma vie du prince royal ?

293. (1897) Préface sur le vers libre (Premiers poèmes) pp. 3-38

Son historique de la question est d’ailleurs exact, et il a vu la différence entre le vers libéré, verlainien, et le vers libre fort nettement, s’il s’est un peu borné en sa nomenclature des poètes participant au premier de ses mouvements, assez parents tous deux pour que le groupe symboliste avec ses aînés admirés et tels prosateurs fût suffisamment uni quelque temps par une similitude momentanée de vues ; les idées d’affranchissement et de complexité plus grande prêtant le terrain commun. […] Il n’y a aucune raison pour que cette vérité s’infirme en 1888, car notre époque ne paraît nullement la période d’apogée du développement intellectuel. — Ceci dit pour établir la légitimité d’un effort vers une nouvelle forme de poésie. […] Les objections contre le vers libre La première consiste à dire : « Le vers libre n’est pas une nouveauté dans la poésie française ; on s’étonne des étonnements accueillant une chose si ancienne ; ce fut le vers de La Fontaine, et Molière l’utilisa à merveille. » Il serait doux de pouvoir se réclamer de si glorieux patrons, mais malheureusement la chose est de tous points inexacte ; les poètes le savent trop, pour qu’on le leur développe, ils l’ont toujours pressenti d’instinct.

294. (1911) Jugements de valeur et jugements de réalité

Je puis être, par tempérament, peu sensible aux joies de l’art ; ce n’est pas une raison pour que je nie qu’il y ait des valeurs esthétiques. […] Cette objection a été trop souvent faite aux morales utilitaires pour qu’il y ait lieu de la développer ; nous remarquons seulement qu’elle s’applique également à toute théorie qui prétend expliquer, par des causes purement psychologiques, les valeurs économiques, esthétiques ou spéculatives. […] Pour qu’il soit autre chose qu’un simple possible, conçu par les esprits, il faut qu’il soit voulu et, par suite, qu’il ait une force capable de mouvoir nos volontés.

295. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Prosper Mérimée »

C’était cependant une raison pour qu’ils le fussent. […] Pour être plus digne de lui, il veut qu’Henriette devienne une Bélise, et cette nature de Trissotin, qui n’a cessé d’exister, tant qu’il vécut, en Mérimée, malgré ses airs d’homme du monde en cérémonie et de dandy dégoûté, est encore la meilleure raison pour qu’il n’ait jamais été capable de ce bel oubli de tout, excepté d’une seule chose, qu’on appelle l’amour ! […] Hypocrite qui parlait toujours contre l’hypocrisie et qui se moquait de lui pour qu’on ne s’en moquât pas, il adorait (toujours Trissotin) les Académies.

296. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Saint-Bonnet » pp. 1-28

Il a fallu vingt-quatre heures à de Tocqueville pour que les Dandins dadais du Journal des Débats, qui le jugèrent un Montesquieu, lui fissent une célébrité, et Saint-Bonnet, au bout de plus de quarante ans, n’a pas eu la sienne, dans la plénitude de ce mot. […] Saint-Bonnet — l’auteur de ce livre — fait le plus frappant, le plus intéressant et le plus lumineux contraste avec Schopenhauer et Hartmann, et ils s’éclairent trop bien tous trois pour que, dans ces élucubrations critiques, je ne les fasse pas se suivre et, en se suivant, s’opposer… Ils sont tous trois, en effet, des philosophes et des métaphysiciens. […] … Et c’est là encore, pour le dire en passant, une raison à ajouter aux autres pour que ce traité de « la Douleur », qui ne s’arrête pas à la bagatelle des larmes et qui, comme Julien l’Apostat, ne jette pas non plus du sang de sa blessure contre le ciel, ait partagé le triste sort de tous les écrits de Saint-Bonnet, qui échappent à leur époque par leur élévation même et ne se courbent pas au niveau de cette masse qu’on appelle le public… « Il faut que tout se paye toujours ! 

297. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « J. de Maistre » pp. 81-108

Plus tard encore, une Correspondance diplomatique, tirée de l’ombre des chancelleries épaissie par la précaution, et misérablement altérée dans un intérêt de parti, révélait encore assez du de Maistre des Œuvres complètes pour qu’à côté du mensonge de l’altération on vît éclater la vérité de l’irréductible génie et tomber et passer sur l’imposture comme une rature sublime ! […] Ses opinions sont trop les miennes pour que je pusse le critiquer. […] Restent donc, au compte de ce tortionnaire innocent, quelques épigrammes bien appliquées, pour sa défense personnelle, à des hommes qui l’avaient, comme Condillac et Locke, férocement ennuyé, et ce rictus épouvantable établi sur la bouche de Voltaire, mais qui, ma foi, n’en a pas beaucoup changé le sourire, et qui ne l’a pas, pour que l’on s’en plaigne, si prodigieusement défiguré !

298. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Viollis, Jean (1877-1932) »

Georges Rency « Il faut y voir seulement l’expression sincère d’émotions différentes selon la grâce et la variété des jours. » — « Ils sont la guirlande, un peu frivole, d’une adolescence studieuse et contemplative. » Et, il est vrai, ces vers ne sont que cela, mais c’est assez pour qu’ils soient délicieux.

299. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 248-249

Ce n'est pas que Saumaise n'eût des talens, mais il a trop écrit, & par cette raison trop mal écrit, pour que les défauts de ses Ouvrages méritent quelque indulgence, en faveur des bonnes choses qu'on peut y rencontrer.

300. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dorian, Tola (1841-1918) »

Philippe Gille On a trop parlé des Poèmes lyriques de Mme Tola Dorian pour que je ne les signale pas spécialement.

301. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 384-385

Ce défaut, assez ordinaire aux jeunes Littérateurs, prend sa source dans une imagination trop vive ; car dans quelques esprits, il faut que l’imagination décroisse, pour que le goût se fortifie ; comme il faut, à l’égard de certains tempéramens, que le corps se dégraisse, pour devenir robuste.

302. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XV. Les jeunes maîtres du roman : Paul Hervieu, Alfred Capus, Jules Renard » pp. 181-195

Et les caractères des personnages, on nous les raconte bien, mais pour la plupart on ne les développe pas assez, par le seul procédé de développement possible : le choc des faits, pour que nous en gardions une image claire. […] Il lui suffit de nous mettre constamment sous les yeux le type et le rôle pour que de leur discord surgisse le comique.

303. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IV. Mme Émile de Girardin »

Il y a dans le vicomte de Launay, que quelqu’un a appelé avec assez de justesse un chevalier de Malte de bal masqué, des contours d’esprit trop gracieux et trop révélateurs ; il y a dans ses mouvements trop de langueur et de légèreté vive pour qu’on puisse se méprendre à ce jeu d’un déguisement impossible. […] pour que l’impression d’un chef-d’œuvre soit plus profonde, peut-être faut-il que cette impression soit accompagnée d’un regret ?

304. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Paix et la Trêve de Dieu »

L’Église n’a nul besoin qu’on exagère son action à aucune période de l’histoire pour que cette action soit ce qu’elle a toujours été quand des passions ou des gouvernements hérétiques ne l’ont pas entravée, c’est-à-dire légitime, nécessaire, pacificatrice et grandiose. […] Recruter l’Église au profit des petits peut être une tactique, mais l’Église est trop grande pour qu’on puisse la recruter et l’enrôler sous aucune bannière.

305. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Charles d’Héricault » pp. 291-304

Il a passé au microscope, comme deux insectes, ces deux monstres énormes, pour qu’on les vît mieux, — pour qu’on les discernât jusque dans leurs animalcules et leurs derniers atomes… Il n’a oublié ni une goutte de sang, ni une goutté de boue, analyseur patient, minutieux, implacable, d’un dégoût si haut qu’il en est impassible.

306. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Xavier Eyma » pp. 351-366

II Et savez-vous pourquoi ils les chargèrent, de l’aveu même de l’historien contradictoire et léger qui a fait de ce crime, — disons le mot, pour que l’Histoire ne soit pas désarmée de sa justice : — « la solution d’une question de droit et d’honneur » ? […] Est-ce une raison pour que l’Histoire ne la juge pas et ne la caractérise pas comme elle le mérite ?

307. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Armand Carrel » pp. 15-29

Ils ont pensé qu’ils retrouveraient bien toujours assez de cette renommée, déjà pâlie, pour qu’en la tisonnant un peu, en bons amis et en bons éditeurs, ils en pussent ranimer la flamme. […] Il faut être Camille Desmoulins, l’André Chénier du journalisme révolutionnaire, qui en a l’iambe en prose et la langue souple, pure comme un camée, parfumée d’antiquité et quelquefois de mélancolie, pour qu’on puisse toucher sans dégoût ou sans indifférence aux haillons du Vieux Cordelier.

308. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Créqui »

Il s’agissait d’un roman ressuscité de l’oubli, et que la mort n’avait pas assez changé pour qu’on ne pût le reconnaître. […] Les préoccupations modernes et ce que j’ose appeler la fausse indulgence de ce temps, cette espèce d’étendue qui peut voir tout, mais qui ne doit pas accepter tout, ont, sinon fêlé, au moins rayé cette glace de Venise dans laquelle devrait nous apparaître Madame de Créqui, cette femme qui avait mis à tremper un esprit à la La Rochefoucauld dans les eaux attendrissantes et vivifiantes des pensées chrétiennes, probablement pour qu’il ne se pétrifiât pas de douleur, de misanthropie et de mépris !

309. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Hoffmann »

Il fallait une société comme la nôtre pour que les hallucinations de deux hommes mourant de leurs excès, l’un du delirium tremens, l’autre du tabès dorsal, devinssent des lueurs de génie, et pour que l’ivrognerie et ses songes prissent rang parmi les facultés et les produits de l’esprit humain.

310. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Byron »

On ne le rongeait pas et on ne le plantait point sur un pal pour que les rossignols de la musique, qui aiment le cadavre comme des corbeaux, pussent s’en régaler, dans l’intérêt de leur voix. […] Pour qu’il naquît, il fallait que son génie rencontrât le génie grec qu’il n’avait pas trouvé à Harrow, où il n’étudia point, par cet esprit de contradiction et de paresse qui est souvent l’esprit des gens de génie.

311. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Jules Soury. Jésus et les Évangiles » pp. 251-264

Dernièrement (si on se le rappelle), un travail de lui, insultant et faux, sur les filles de Louis XV, m’avait, dans un journal, passé par les mains, et je l’avais proprement et correctement déchiré en quatre morceaux, pour qu’il pût servir à quelque chose. […] Ceci était réservé à un écrivain du xixe  siècle, — un animalcule d’écrivain, en comparaison de Byron et de Voltaire, — et, selon moi, pour qu’on dise cela hautement et avec impunité en plein xixe  siècle, il faut que le siècle dans lequel on le dit soit aussi perdu d’esprit et aussi perverti que l’écrivain !

312. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Matter. Swedenborg » pp. 265-280

ou l’histoire de ce Visionnaire prodigieux, né en pleine époque rationaliste et rationaliste lui-même, quoique visionnaire, cette histoire, difficile à écrire et plus difficile à comprendre, soulève-t-elle trop de questions pour que la Critique, ce feu follet du feuilleton, s’attache à ces questions et les éclaire de son phosphore de passage ? […] « Pour que le Christ — dit M. 

313. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « L’abbé Monnin. Le Curé d’Ars » pp. 345-359

S’il ne l’a point fait et si l’art y perd, l’art concentré, fini, qui taille son diamant et l’enchâsse solidement pour qu’il reste où il brille le mieux, c’est qu’il avait ses raisons sans doute, — des raisons plus hautes que l’intérêt d’un ouvrage et même d’un chef-d’œuvre ! […] Dieu lui avait octroyé, d’ailleurs, pour qu’il réussît, un don d’expression dont nous pouvons juger encore dans le livre de l’abbé Monnin, et le don plus précieux des larmes : car c’est le Saint des larmes, que le Curé d’Ars !

314. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « A. P. Floquet »

Sous peine de retomber dans les redites de la vulgarité, un grand homme est presque nécessaire pour juger un grand homme… Du moins, un certain plain-pied doit-il exister entre l’historien et son héros, pour que l’histoire soit entendue. […] Ce n’est plus là le grand portail officiel que l’imagination idéalise, cette apothéose du plafond que la postérité regarde d’en bas et admire ; ce n’est plus le Bossuet de Versailles dont la main, brillant de l’émeraude donnée dans la mort par Madame Henriette, s’étend haut de la chaire sur le front pensif ou pénitent de Louis XIV ; ni ce prélat majestueux, ce grand artiste en dignité extérieure, qui ordonnait qu’on changeât dans ses jardins de Meaux un escalier en pente adoucie, pour que les flots moirés de sa robe violette traînassent derrière lui avec une décence plus grandiose.

315. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice de Guérin »

C’est le timide discernement de cette petite faculté sobre qu’on appelle le Goût avec tant de bonheur, qui a choisi ces fragments, et qui les a choisis pour que le public à qui on les offrait pût les prendre. […] Mais, d’essence, leurs génies différaient trop profondément pour qu’on pût les comparer ou les assimiler jamais.

316. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Musset »

Frère et sœur… Mais il n’est pas même besoin d’être frère et sœur pour qu’un éditeur vienne vous demander la vie d’un homme célèbre et pour trouver très bien à la placer ! […] , cette vie de monde que le monde lui avait faite, à ce dandy qui ne l’était que par les habits de Staub et les gants de Geslin, mais qui, sous ses caparaçons de mondain, garda toujours sa tendresse dans son incorruptible sensitivité… Hermine de pensée et de cœur jusqu’à sa dernière heure, qui mourut de ses taches encore plus que de ses blessures, pour qu’il fût bien et dûment puni d’avoir, étant hermine, cru qu’on peut se guérir de ses blessures en se roulant dans le ruisseau de feu du vice, comme le bison dans son bourbier !

317. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme Desbordes-Valmore. Poésies inédites. »

Ici, je reviens à Mme Desbordes-Valmore, et je me demande si cette femme, d’une passion si grande et si naturelle, a réellement assez de langage pour faire fond de poète aux sublimités de l’émotion, et pour que sur l’art de son solfège brille mieux la poignante beauté de ses cris ? […] Déjà les femmes simplement et solidement littéraires ne pleuvent pas dans l’histoire ; mais les femmes poètes… dites-moi, pour que je les ramasse, où il est tombé de ces étoiles filantes, qui ont brillé et se sont évanouies, de ces astres faux qui semblaient se détacher du ciel pour venir à nous et qu’on n’a jamais pu retrouver ?

318. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Théodore de Banville »

à la France, — car Tyrtée conduisait les Lacédémoniens à la victoire, — mais son Kerner aussi, son Kerner qui rappellerait à la Prusse victorieuse la Prusse vaincue, et pour qu’il fût dit que les deux pays, analogie singulière ! […] « Pour que nos vieux cœurs allemands· Se repaissent de funérailles, Viens fouler sous tes pieds fumants Des cervelles et des entrailles.

319. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Alfred de Vigny »

Tel que l’on croit complet et maître en toute chose Ne dit pas les savoirs qu’à tort on lui suppose, Et qu’il est tel grand but qu’en vain il entreprit, — Tout homme a vu le mur qui borne son esprit » Enfin, — car il faut se borner, — dans une pièce intitulée : Jésus au mont des Oliviers, où l’âme du chrétien, rouverte un moment, se referme tout à coup, redevenue rigide, je trouve ces vers d’une stoïcité presque impie, qui vont assez avant dans l’inspiration du poète pour qu’on en comprenne la profondeur et pour que rien ne soit citable après : ……………………………………………… Le juste opposera le dédain à l’absence Et ne répondra plus que par un froid silence Au silence éternel de la Divinité.

320. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Jean Richepin »

Mais il n’y a pas les mêmes raisons pour que le lâche nous plaise, à nous, comme le laquais a plu dans la société du xviiie  siècle. […] Pour qu’il soit quelque chose, il faut que Lucien devienne elle.

321. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Malot et M. Erckmann-Chatrian » pp. 253-266

Seulement il faudra, pour qu’on écoute et qu’on frémisse, qu’il soit jeté avec une profondeur d’accent, une âpreté de rugissement qu’on n’avait pas encore entendue ? […] N’avons-nous pas vu plus travaillées et plus rutilantes qu’ici les éternelles antithèses de la femme de vingt-sept ans et de la jeune fille de dix-sept, de la femme qui sait et de la jeune fille ignorante, de la brune enfin et de la blonde, pour que la physiologie, sans laquelle nous ne pouvons vivre même littérairement, y soit ?

322. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXX. De Fléchier. »

Il va retracer dans notre mémoire les grâces que Dieu leur a faites, pour qu’on loue la miséricorde qu’il vient de leur faire. […] Ne pouvant encore s’autoriser contre l’usage, il fit connaître à ses amis qu’il allait à l’armée faire sa cour qu’il lui coûtait moins d’exposer sa vie que de dissimuler ses sentiments, et qu’il n’achèterait jamais ni de faveurs, ni de fortune aux dépens de sa probité. » Je pourrais encore citer d’autres endroits qui ont une beauté réelle ; mais le discours en général est au-dessous de son sujet ; on y trouve plus d’esprit que de force et de mouvement ; on s’attendait du moins à trouver quelques idées vraiment éloquentes sur l’éducation d’un dauphin, sur la nécessité de former une âme d’où peut naître un jour le bonheur et la gloire d’une nation ; sur l’art d’y faire germer les passions utiles, d’y étouffer les passions dangereuses, de lui inspirer de la sensibilité sans faiblesse, de la justice sans dureté, de l’élévation sans orgueil, de tirer parti de l’orgueil même quand il est né, et d’en faire un instrument de grandeur ; sur l’art de créer une morale à un jeune prince et de lui apprendre à rougir ; sur l’art de graver dans son cœur ces trois mots, Dieu, l’univers et la postérité, pour que ces mots lui servent de frein quand il aura le malheur de pouvoir tout ; sur l’art de faire disparaître l’intervalle qui est entre les hommes ; de lui montrer à côté de l’inégalité de pouvoir, l’humiliante égalité d’imperfection et de faiblesse ; de l’instruire par ses erreurs, par ses besoins, par ses douleurs même ; de lui faire sentir la main de la nature qui le rabaisse et le tire vers les autres hommes, tandis que l’orgueil fait effort pour le relever et l’agrandir ; sur l’art de le rendre compatissant au milieu de tout ce qui étouffe la pitié, de transporter dans son âme des maux que ses sens n’éprouveront point, de suppléer au malheur qu’il aura de ne jamais sentir l’infortune ; de l’accoutumer à lier toujours ensemble l’idée du faste qui se montre, avec l’idée de la misère et de la honte qui sont au-delà et qui se cachent ; enfin, sur l’art plus difficile encore de fortifier toutes ces leçons contre le spectacle habituel de la grandeur, contre les hommages et des serviteurs et des courtisans, c’est-à-dire contre la bassesse muette et la bassesse plus dangereuse encore qui flatte.

323. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Il glisse dans nos plus bas instincts ce qu’il faut de noblesse pour que nous puissions ne plus les reconnaître. […] Et pour que rien ne brise l’élan dont il va tâcher de la ressaisir, j’écarte tout obstacle, toute idée étrangère, j’abrite mes oreilles et mon attention contre les bruits de la chambre voisine. […] C’était pourtant une chose assez peu importante pour que l’air douloureux qu’elle continuait d’avoir fini par l’étonner. […] Son analyse et les citations sur lesquelles il l’appuie sont trop justes pour que je puisse faire autre chose que vous y renvoyer. […] Il fallut en effet d’abord qu’elles disparussent, qu’il fût débarrassé de leur intensité pour que son esprit pût mordre sur elles et les traduire et les dominer.

324. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre troisième. La volonté libre »

Aucun physiologiste ne peut expliquer dans le menu détail pourquoi et comment tel homme meurt, ni réduire tous les facteurs de cette mort en équation complète ; est-ce une raison pour qu’il attribue la mort soit à un acte de libre arbitre, soit à un hasard, soit à un miracle ? […] On a soutenu que l’avenir devait apparaître absolument indéterminé à toute volonté, pour que la volonté même pût agir. […] Il existe alors, sur ce point, une indétermination, aboutissant à telle détermination sans qu’il y ait de raisons pour que cette détermination et non l’autre se réalise. […] Si donc il suffit qu’un « état psychique » soit « unique en son genre et ne doive plus se produire jamais en nous » pour que cet état soit libre, alors nous sommes libres jusque dans les souffrances les plus aiguës et les plus profondes, uniques en leur genre, où pourtant la fatalité nous domine tout entiers. […] Il ne suffit pas, comme on l’a prétendu, d’envelopper dans une même unité de conscience le déterminant et le déterminé pour qu’ils soient par là identiques et qu’on en puisse conclure la détermination par soi, conséquemment la liberté.

325. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre III. Le comique de caractère »

Nous voyons maintenant que la gravité du cas n’importe pas davantage : grave ou léger, il pourra nous faire rire si l’on s’arrange pour que nous n’en soyons pas émus. […] Il faut, pour que nous soyons tentés d’en rire, que nous en localisions la cause dans une région moyenne de l’âme. […] Il la faudra profonde, pour fournir à la comédie un aliment durable, superficielle cependant, pour rester dans le ton de la comédie, invisible à celui qui la possède puisque le comique est inconscient, visible au reste du monde pour qu’elle provoque un rire universel, pleine d’indulgence pour elle-même afin qu’elle s’étale sans scrupule, gênante pour les autres afin qu’ils la répriment sans pitié, corrigible immédiatement, pour qu’il n’ait pas été inutile d’en rire, sûre de renaître sous de nouveaux aspects, pour que le rire trouve à travailler toujours, inséparable de la vie sociale quoique insupportable à la société, capable enfin, pour prendre la plus grande variété de formes imaginable, de s’additionner à tous les vices et même à quelques vertus.

326. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

Choisissez : Hamlet est assez vaste et assez obscur pour qu’on y voie tout ce qu’on veut. […] Pour que rien ne détournât de Séverine l’attention des spectateurs, pour qu’elle remplit vraiment la scène, il a simplifié tant qu’il a pu les ressorts de l’action et cherché les moyens les plus courts de renseigner la princesse, au cours du drame, sur ce qu’elle a besoin de savoir pour agir ; et d’autre part, pour qu’elle parût plus vivante, il n’a voulu animer les autres personnages que d’une vie modérée. […] Placez ces trois malades dans la situation de Séverine : il y a autant de chances pour qu’elles pardonnent à Pyrrhus, à Bazajet et à Hippolyte que pour qu’elles les tuent. […] Elle le trompe, c’est vrai, mais elle est trop fine pour qu’il s’en doute jamais. […] Maujan assez de justice et de vérité pour que ce drame ne puisse pas faire grand mal à la foule enfantine.

327. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

Qui a plaidé le blanc, puis le noir peut toujours dire que ce sont deux extrêmes qu’il a combattus pour que le lecteur s’arrêtât en un milieu qui est la vérité et la raison. […] Pour qu’il fasse de pareilles fautes contre l’art, il faut que Molière ait pour les servantes une dévotion toute particulière qui aurait dû lui faire trouver grâce auprès de Jean-Jacques Rousseau. […] L’homme de sens commun suit le troupeau parce qu’il en est, avec peut-être un sentiment sourd qu’il faut le suivre pour qu’il soit et qu’il dure. […] Pour que cela restât naturel il suffisait de proportionner la stupidité d’Orgon à l’audace, de Tartuffe et l’audace de Tartuffe à la stupidité d’Orgon. […] Pour qu’un personnage soit complexe, par définition il faut qu’il soit grand, il faut qu’il soit considérable.

328. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 256-257

On reconnoît d’excellentes choses dans l’Amitié Rivale & dans Joconde ; mais il y a trop à désirer & à reprendre, pour qu’on puisse les ranger parmi les bonnes Pieces.

329. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 437-438

La distance étoit trop grande entre eux, pour que leurs talens marchassent de pair au même but.

330. (1818) Essai sur les institutions sociales « Avertissement de la première édition imprimée en 1818 » pp. 15-16

Au reste, ce qui aurait dû être changé ou modifié dans cet écrit, pour qu’il se trouvât au niveau du moment où il paraît, n’en est ni le fond, ni même une partie essentielle.

331. (1911) Psychologie de l’invention (2e éd.) pp. 1-184

Il oublia, dit-on, dans une armoire une plaque dont l’exposition avait été trop courte pour que l’image s’y fût développée, et sa surprise fut grande lorsqu’un jour il trouva la transformation accomplie. […] Voilà donc bien des raisons pour que la création intellectuelle soit accompagnée de phénomènes qui ne peuvent pas être rattachés à l’intelligence seule, de faits affectifs et d’ordre émotionnel. […] L’intelligence humaine est trop peu systématisée, trop mal organisée encore pour que les opérations mentales d’un littérateur ressemblent souvent à celle d’une machine à compter. […] Aussi peut-il y avoir intérêt à ce que les séries mal systématisées se multiplient dans l’esprit pour que l’idée directrice finisse par trouver dans l’une d’elles l’élément dont elle a besoin. […] Nouvelle adaptation à des conditions d’existence déjà anciennes, accommodation à un changement du milieu, elle rend à la société trop de services, et des services trop évidents, pour qu’on ait à prouver son utilité.

332. (1914) Une année de critique

Mais ce qui manque aujourd’hui c’est, pour que cette bonne volonté-là ne s’égare point, une direction. […] Citons encore quelques lignes, pour que l’on sache bien que, si M.  […] Pour que ce secret ne fût pas plus longtemps révélé, ils l’ont écrasé sous la pierre d’un tombeau. […] Armé de la sorte, il parcourt le mince arpent qu’il a su choisir assez ignoré pour qu’il y reste des découvertes à faire, assez étroit pour qu’on ne lui en dispute point la possession. […] Pensons-y, pour que la lecture de ce roman hâtif et contestable ne nous rende point injuste.

333. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre II. Les couples de caractères généraux et les propositions générales » pp. 297-385

. — Il suffit que le premier caractère soit donné pour que le second soit aussi donné. — Rien d’étrange si les caractères généraux ont, comme les faits particuliers, des antécédents, des compagnons ou des conséquents. — La difficulté est d’isoler les caractères généraux. — Deux artifices de méthode pour tourner la difficulté. — Deux sortes de lois. […] En d’autres termes, il suffit qu’il existe pour que l’autre soit son compagnon, son précurseur ou son successeur. […] Si elle a cessé de coïncider avec la première, c’est qu’elle a cessé d’être droite ; pour qu’elle reste droite, il faut qu’elle continue à coïncider avec la première ; pour qu’elle demeure toujours droite, il faut qu’elle continue toujours à coïncider avec la première. […] Il faut et il suffit que l’oblique prolongée au-dessous de B s’écarte assez de la première parallèle pour qu’une perpendiculaire CD élevée en un point C de l’oblique égale la distance des deux parallèles. […] Si, par quelque nécessité inconnue, les droites qu’on vient d’énumérer étaient et devaient être toujours infléchies, nos constructions mentales n’auraient pas et ne pourraient jamais avoir de correspondantes effectives ; l’espace réel aurait une ou plusieurs courbures que notre espace idéal n’a pas, et, pour que la courbure échappât forcément à nos observations, il suffirait qu’elle fût très petite.

334. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Note préliminaire » pp. 5-6

Il suffit que l’orage politique ait fait trêve, pour que la société revienne à ce qui l’intéressait dans ses bons moments.

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