J’ai devant moi des contes, des romans, des poésies, tout un parterre d’œuvres nouvelles, — sans grande couleur peut-être, ni parfum bien vif, mais enfin « fleuronnant en leur plus verte nouveauté », — et pourtant je me sens entraîné invinciblement à examiner tout d’abord deux volumes qui sont l’un et l’autre des rejetons, — des repousses, dirait un paysan, — de l’arbre révolutionnaire. […] Je vois même un certain danger pour notre langue des salons, si nette, si vive, si concise, dans la fréquentation trop suivie de cette autre langue boursouflée et tendue des tribunaux. […] Je voulais exprimer le très vif plaisir que m’avaient procuré les concerts du Cirque-Napoléon, et j’ai fini par faire le procès de la musique. […] Les générations se succèdent sans interrègne sur ce trône charmant : la jeunesse est morte, c’est-à-dire elle est vieille, c’est-à-dire elle est nous ; vive la jeunesse ! […] Mieux que cela : il est des choses qui accaparent toute l’attention publique à leur début ; on les suit avec avidité, on se demande si l’on pourra prendre patience jusqu’à la conclusion, tant l’intérêt est vif et pressant, et pourtant, pour peu que le destin ou la providence, — comme vous voudrez, — traîne l’affaire en longueur, on pourra se dispenser de parler du résultat, quand enfin il sera acquis ; personne ne s’en apercevra.
De là de vives disputes sur le choix entre les affranchis ; entre les prétendantes, une égale chaleur à faire valoir leurs avantages. […] on perd de vue le caractère violent du fils, l’ambition et la puissance de la mère, la haine que tous les citoyens portaient à l’un, le vif intérêt qu’ils avaient pris au péril de l’autre, et la politique de princes moins féroces qui ont sacrifié leur propre sang à leur sécurité dans des circonstances moins critiques. […] On se plaît à opposer le rôle du militaire à celui du philosophe, et l’on oublie que le premier entendit des reproches sur le vif intérêt qu’il prenait à la police du théâtre de Syracuse, tandis que les objets d’une tout autre conséquence, la guerre, la paix, les lois, les impôts et les mœurs sollicitaient inutilement son attention. […] Sa manière est précise, vive , énergique, serrée ; mais elle n’est pas large.
Aussi réglera-t-il tour à tour ses comptes avec les professeurs de la Sorbonne, ce « musée Dupuytren de toutes les servilités », avec les idéalistes qui préfèrent les « rêves de pierres » au mouvement de la vie, avec l’Eglise et « Dieu l’immobile », Dieu, « celui qui ne bande pas, qui décide les plus fiers bandeurs à ne plus bander »… Il s’en prend au masochisme chrétien qui condamne le corps et la jouissance, il dénonce les hypocrisies du colonialisme (rappelons que l’exposition coloniale s’est déroulée à Paris en 1931), il s’attaque à la droite maurassienne et au conformisme des bourgeois bien-pensants… À ces règlements de compte avec la société s’ajoutent des règlements de compte, d’ordre bien plus personnel, avec la famille, et notamment avec la mère, cette mère qui incarne à ses yeux l’austérité bourgeoise, cette mère qui lui a confisqué dans son enfance ses aquarelles parce qu’il avait eu l’audace de barbouiller un palmier rose vif, mais surtout, cette mère qui l’a conduit devant le corps pendu de son père, lequel s’est suicidé alors que Crevel n’avait que quatorze ans. […] Je barbouillai un palmier rose vif. […] Or, le premier bond révolutionnaire ira droit à ces tombes qu’il s’agit de profaner, les unes pour jeter au fumier leurs cadavres-symboles, les autres pour rendre au jour ce qui agonisait, enterré vif.
Octave Lacroix, élève du collège de Juilly, très-jeune, vif, gai, spirituel, alerte, et que j’aimais à considérer, avant de l’avoir pour secrétaire, comme mon filleul littéraire et poétique, M.
Dans les pages de ses Mémoires qu’elle y consacre, les émotions, vives encore, sont adoucies par la distance et fondues avec les jugements de date subséquente qui y interviennent : ici elle agit et pense jour par jour.
Nous rappelons nos pensées de la veille, mais non celles de la nuit pendant laquelle nous avons dormi ; si vives qu’elles aient été, quand même elles auraient provoqué des actions ou des commencements d’action, des cris, des gestes et tout ce qu’un homme agité fait en dormant, il est bien rare qu’au réveil nous puissions en ressaisir quelques parcelles.
Une nuit, quelques vociférateurs allèrent crier sous ses fenêtres, dans la rue de l’Université: Vive Ledru-Rollin !
On l’enveloppait de formes, et ce qui nous plaît aujourd’hui comme une vive expression de la nature, eût fait l’effet alors d’une pure inconvenance.
Et, pour doubler l’audace de la peinture, imaginez que ce prophète découvre les crimes futurs de Joas, et risque de rendre odieux le personnage sympathique : faute insigne pour un dramaturge adroit, trait admirable de vérité profonde et de large poésie, qui jette soudainement une vive lumière sur la sinistre histoire de Juda, et sur le triste, le pauvre fond de notre humanité.
Cependant la Révolution s’apaisait : il rentrait en France, détachait du volumineux manuscrit où s’étaient entassées ses impressions américaines, l’épisode d’Atala (1801) dont le succès était très vif, et publiait en 1802 son Génie, qui semblait donner à la fois un chef-d’œuvre à la langue et une direction à la pensée contemporaine.
Le tour d’esprit de Malherbe le portait vers la critique il ne pouvait ni se contenter des apparences, ni supporter les équivoques ; vif, passionné, d’une netteté de langage qui ne souffrait aucune obscurité chez les autres, ayant, dit Racan, une conversation, brusque, où tout mot portait ; intraitable sur tout ce qui touchait à l’art ; risquant ses amitiés, non pour un trait d’esprit, mais pour une vérité utile : témoin sa brouille avec Regnier, neveu de Desportes, qu’il estimait par-dessus tous les autres, mais devant lequel il n’avait pu s’empêcher de préférer un bon potage aux vers de son oncle.
Dans l’éducation vive, l’enfant fait pour lui le travail qu’on lui épargne par ces moyens artificiels, ce qui est d’un grand avantage pour l’originalité.
Par l’Anneau du Nibelung av, Richard Wagner voulut, totalement, expliquer le monde : c’est le symbole de l’Or opposé à l’Amour, et il voulut, totalement représenter la vie de l’Ame ; il créa toutes ces âmes, spéciales chacunes, chacunes proprement vivantes, que symbolisent Wotan, Freia, Loge, — Fafner, — Alberich, Mime, — Siegmund, Sieglinde, Hunding, — Brunnhilde, Siegfried … Et parmi cette énormité d’efforts inégalement heureux, dès là, en quelques figures, je sens réellement créée la supérieure vie : ainsi, l’âme qu’est Wotan, — l’âme originairement stagiaire46, contente en le repos introublé de sa puissance, que rien n’agite ; et la vie de cette âme se fait plus vive, une contemplation des choses plus active, une pensée de quelque chose nouvelle, un mouvement, un besoin de plus, un souhait ; le désir, oh !
La raison en est simple et nous renvoyons à tous les traités de physiologie pour l’explication du phénomène dans lequel un carré lumineux détaché sur fond noir paraît plus grand qu’il ne devrait : ajoutons que, les dimensions du tableau grandissant, l’intensité de la lumière qui y est répartie devrait diminuer proportionnellement ; mais l’obscurité presque absolue qui entoure la scène fait encore paraître la lumière assez vive, bien que toujours douce et fondue.
Les sensations de l’idiot sont aussi vives et aussi variées que celles de l’homme raisonnable : les différences naissent de la « célébration » des deux.
Des antipathies et des sympathies à première vue, et vives et braves, et des sourires d’une complicité délicieuse pour ceux qui la comprennent, et des figures longues, comme dans le fond d’une cuiller, pour les raseurs, les jeunes gens à citations, les bêtes ; et mal à l’aise dans le mensonge du monde, disant ce qui lui vient, comme il lui vient, avec une entente singulière de l’esprit d’atelier, avec un tour de mots tintamarresque : — cette gaieté de surface venant d’un fond d’âme mélancolique, où passent des visions de blanc enterrement et reviennent des notes de la marche funèbre de Chopin.
* * * Un mystère, un mystère incompréhensible, insondable, que dans cet atrophiement du cerveau, la résistance, la survie de certaines facultés, de certaines puissances de l’entendement, un mystère que cette échappée de mots, de réflexions, de choses vives ou profondes, jaillissant à travers cette léthargie qu’on penserait universelle, un mystère qui vous retire à tout moment de votre désespérance et vous fait dire : « Mais cependant ?
C’est vraiment inouï, ce qu’a fait écrire ce livre, où je défie de trouver, je ne dirai pas un mot cochon, mais une expression vive, — ce qu’a fait écrire ce livre aux purs du journalisme.
On ne devrait pas laisser les cuistres toucher à des organismes aussi délicats que le langage : du moins pourra-t-on désormais leur enseigner que les « tropes » sont une branche de la psychologie générale et qu’il faut réfléchir très longtemps avant que d’oser couper en deux morceaux et tailler à arêtes vives un bloc verbal que l’esprit humain laisse volontairement informe.
Comme il est vif, joyeux !
Cependant, à ce moment, cette violation était un crime, puisque c’était une offense à des sentiments encore très vifs dans la généralité des consciences.
Dans ce livre de la Femme, qui en est l’autopsie, Michelet, cette personnalité autrefois si dessinée et si vive, n’a presque plus de personnalité.
La répulsion à un tel projet fut si vive, que le chancelier d’Oxford fut obligé de reculer et d’humilier ses prétentions.
La fortune, bien que courte et relative, du naturalisme devait fatalement amener une vive réaction des éléments négligés, méprisés ou niés par lui.
Il a des expressions nettes, tranchantes, d’un réalisme vif ; des insistances qu’il n’a point eues ailleurs ; des jugements d’une sûreté, d’une sévérité, d’un absolutisme que le roman ou le voyage ne lui ont nulle part inspirés.
Le vers de huit syllabes, plus vif, plus rapide et, dans tous les sens du mot, plus leste, aide sans doute à l’illusion. […] Elle a permis encore à la critique d’éclairer d’une vive lumière quelques-unes de ces questions d’origines, si obscures et par là si tentantes ; et, notamment, il s’est trouvé qu’en traçant l’histoire du développement de nos Mystères on avait ébauché l’histoire du développement du drame grec. […] Et je demande enfin par l’effet de quelle illusion de perspective et de quelle aberration de curiosité nous affectons de prendre un intérêt historique si vif à des détails sur lesquels, autour de nous et de notre temps, nous daignons à peine jeter les yeux ? […] On a publiquement abjuré, avec un pédantisme solennel, ce vif sentiment de l’art, de la proportion, de la mesure, qui jadis caractérisait le génie national. […] Il y a une connaissance des choses et des hommes plus profonde et plus sûre, un sens plus vif de la réalité, je ne dis pas dans les Maximes de la Rochefoucauld, mais dans les Mémoires du moindre frondeur que dans Diderot tout entier.
Son premier volume, Serge Panine, ne se vendait pas ; tout à coup sans bruit, sans réclame, le roman s’enlève, on en charge des wagons… Les trois quarts du temps, le succès se fait de vive voix, de bouche à bouche, par les femmes, les conversations et les salons. […] Les vieux articles de Gustave Planche ne sont pas non plus à dédaigner et, bien que froidement écrits, contiennent des enseignements du plus vif intérêt. […] « J’avais, tout jeune, passé mes examens pour l’École navale, avant de préparer Polytechnique ; je réunis mes souvenirs et entrai bravement dans le vif de mon sujet, agrémenté d’expressions techniques qui me valurent les compliments de Girardin. […] Ce fut une joie dans Paris, quand on apprit que le célèbre écrivain, l’intarissable causeur, allait probablement raconter de vive voix les pittoresques souvenirs de sa vie ! […] Vive la mode du savoir, de l’intelligence, de la culture, ne fût-ce qu’une mode pour quelques-uns et quelques-unes !
La simplicité des mœurs, une dévotion peu éclairée, les objets de notre vénération mis en action sous les yeux, tout concouroit à porter dans l’ame la plus vive impression & le plus grand intérêt. […] Alors déployant toutes les richesses de l’Art, soutenue par une imagination vive & brillante, toujours guidée par le goût, elle peignoit avec des traits de feu leurs vertus, leurs actions, leurs talens & leur courage, en arrosant de ses larmes les fleurs qu’elle jetoit sur leurs tombeaux.
Et au milieu de tous ces visages, vous êtes attiré par des visages d’enfants, aux tempes lumineuses, au bossuage du front, à la linéature indécise des paupières autour du noir souriant de vives prunelles, aux petits trous d’ombre des narines, au vague rouge d’une molle bouche entr’ouverte, à la fluidité des chairs lactées qui n’ont point encore l’arrêt d’un contour, — des figures d’enfants regardées en des penchements amoureux, qui sont comme des enveloppements de caresse, par des visages de femmes aux cernées profondes, aux creux anxieux, aux grandes lignes sévères du dessin de l’Inquiétude maternelle. […] Mardi 3 novembre Toujours des nuits sans sommeil, toujours un côté, dont la peau semble à vif, avec dedans, de temps en temps, un élancement qui ressemble à la piqûre simultanée de deux ou trois sangsues.