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589. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIII. Retour de Molière à Paris » pp. 225-264

Fabio est furieux de voir rire tout le monde, sans qu’il puisse en deviner le sujet. […] Un des ennemis du poète comique, Saumaise, allait bientôt lui reprocher cette imitation comme « une singerie dont il était seul capable41 », et bientôt aussi, en 1661, Boursault s’empara du même sujet en disant simplement : « Le sujet est italien : il a été traduit dans notre langue, représenté de tous côtés. » La Jalousie du Barbouillé a une autre origine. […] Ce n’était pas seulement le sujet qui était le plus souvent emprunté à l’Italie, c’était aussi la méthode, le jeu scénique. […] « Ils jouèrent tous ensemble sur un sujet qu’ils concertèrent », raconte Loret, c’est à-dire dans les conditions habituelles de la comédie impromptu. […] Les Italiens avaient, paraît-il, effleuré ce sujet : « Molière, dit l’auteur des Nouvelles nouvelles, eut recours aux Italiens ses bons amis, et accommoda au théâtre français les Précieuses qui avaient été jouées sur le leur et qui leur avaient été données par un abbé des plus galants (l’abbé de Pure). » Malgré cette affirmation, il nous paraît fort peu vraisemblable que les Italiens eussent pu faire la satire du ridicule que la pièce nouvelle attaquait et qui git principalement dans le langage.

590. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7761-7767

C’est encore par-là que les pieces de théatre nous plaisent ; elles se développent par degrés, cachent les évenemens jusqu’à ce qu’ils arrivent, nous préparent toûjours de nouveaux sujets de surprise, & souvent nous piquent en nous les montrant tels que nous aurions dû les prévoir. […] Nous sommes touchés de ce qu’une personne nous plaît plus qu’elle ne nous a paru d’abord devoir nous plaire ; & nous sommes agréablement surpris de ce qu’elle a sû vaincre des défauts que nos yeux nous montrent, & que le coeur ne croit plus : voilà pourquoi les femmes laides ont très souvent des graces, & qu’il est rare que les belles en ayent ; car une belle personne fait ordinairement le contraire de ce que nous avions attendu ; elle parvient à nous paroître moins aimable ; après nous avoir surpris en bien, elle nous surprend en mal : mais l’impression du bien est ancienne, celle du mal nouvelle ; aussi les belles personnes font elles rarement les grandes passions, presque toûjours reservées à celles qui ont des graces, c’est-à-dire des agrémens que nous n’attendions point, & que nous n’avions pas sujet d’attendre. […] nous ont été formidables, Satrique & Cornicule étoient des provinces : nous rougissons des Boriliens & des Véruliens ; mais nous en avons triomphé : enfin Tibur notre fauxbourg, Preneste où sont nos maisons de plaisance, étoient le sujet des voeux que nous allions faire au capitole  » ; cet auteur, dis-je, nous montre en même tems la grandeur de Rome & la petitesse de ses commencemens, & l’étonnement porte sur ces deux choses. […] Le même Florus en parlant des Samnites, dit que leurs villes furent tellement détruites, qu’il est difficile de trouver à-présent le sujet de vingt-quatre triomphes, ut non facile appareat materia quatuor & viginti triumphorum. […] Michel-Ange est le maître pour donner de la noblesse à tous ses sujets.

591. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — II. (Lettres écrites du donjon de Vincennes.) » pp. 29-50

Je voudrais ne forcer en rien les tons et ne point pour cela les affaiblir, ne pas faire fléchir, la morale et ne la faire intervenir que très simple et très sincère, ne toucher en passant que les aperçus et pourtant atteindre aux points essentiels : en un mot, je voudrais être vrai, convenable et juste dans un sujet très fécond, très mélangé, à travers lequel il serait beaucoup plus commode assurément de donner tout d’un trait et de parti pris. […] Le Noir, au ministre, ou quand il entretient Sophie de ces sujets qui sortent de l’élégie et du roucoulement, il se dégage, il grandit ; l’écrivain se fait jour et se sent à l’aise ; l’orateur déjà se lève à demi. […] Tantôt des coliques néphrétiques, auxquelles vous savez que j’ai toujours été sujet, me déchirent : la privation d’exercice les multiplie et les aggrave. […] Il écrivait sans cesse, ne lisait que plume en main, et s’intéressait à tous sujets. […] M. de Buffon est le plus grand homme de son siècle et de bien d’autres… » Et il dit quelque part dans une de ses notes manuscrites de Vincennes : On peut justement appliquer à M. de Buffon ce que Quintilien dit d’Homère : « Hunc nemo in magnis, etc. » — Jamais personne ne le surpassera en élévation dans les grands sujets, en justesse et en propriété de termes dans les petits.

592. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Rivarol. » pp. 62-84

Il paraît bien que Rivarol était noble, malgré toutes les plaisanteries et les quolibets qu’il eut à essuyer à ce sujet. […] L’Académie de Berlin avait proposé, en 1783, pour sujet de prix la réponse à ces questions : « — Qu’est-ce qui a rendu la langue française universelle ? […] Il montre les gens d’esprit, les gens riches trouvant la noblesse insupportable, et si insupportable que la plupart finissaient par l’acheter : « Mais alors commençait pour eux un nouveau genre de supplice, ils étaient des anoblis, des gens nobles, mais ils n’étaient pas gentilshommes… Les rois de France guérissent leurs sujets de la roture à peu près comme des écrouelles, à condition qu’il en restera des traces. » Cette cause morale, la vanité, qui fut si puissante alors dans la haine irréconciliable et l’insurrection de la bourgeoisie excitée par les demi-philosophes, est démêlée et exposée par Rivarol avec une vraie supériorité. […] Je me bornerai à dire à ceux (comme j’en connais) qui seraient disposés à dédaigner son effort, que, dans cet écrit, Rivarol n’est pas un littérateur qui s’amuse à faire de l’idéologie et de la métaphysique ; c’est mieux que cela, c’est un homme qui pense, qui réfléchit, et qui, maître de bien des points de son sujet, exprime ensuite ses résultats, non pas au hasard, mais en écrivain habile et souvent consommé. […] C’en est assez sur ce sujet.

593. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Voltaire et le président de Brosses, ou Une intrigue académique au XVIIIe siècle. » pp. 105-126

Le jour où Voltaire a fait son entrée seigneuriale en son château de Tourney, il était en habit de gala, avec ses deux nièces (Mme de Fontaine et Mme Denis), toutes en diamants ; le curé l’avait harangué, le fermier lui avait offert un repas splendide, les sujets avaient fait des décharges de mousqueterie, et tiré boîtes, canons, grenades ; on avait emprunté pour cela l’artillerie de Genève et l’homme pour la servir. […] Tout cela est bien, le cas est beau et triomphant ; mais si, à quelques mois de là, le seigneur haut-justicier se trouve responsable des frais pour une affaire criminelle supportée par un des sujets dans un petit endroit appelé La Perrière, sur le territoire de Genève, Voltaire prétendra que ce lieu de La Perrière ne relève point de la terre de Tourney, et que le délit qu’y a pu commettre son sujet, et très mauvais sujet, ne le concerne en rien. […] Mais celui-ci, s’empresse-t-il d’ajouter de Voltaire, le plus grand coloriste qui fut jamais, le plus agréable et le plus séduisant, a sa manière propre qui n’appartient qu’à lui, qu’il a seul la magie de faire passer, quoiqu’il emploie toujours la même à tant de sujets divers lorsqu’ils en demanderaient une autre. […] Si de Brosses accorde beaucoup trop à Voltaire quand il l’appelle le plus grand coloriste du monde, il touche très juste en observant qu’il applique indifféremment la même manière à tous les ordres de sujets.

594. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre II : De la méthode expérimentale en physiologie »

La question est maintenant de savoir si la physiologie est une science d’observation ou une science d’expérience, si elle peut agir artificiellement sur les phénomènes et se fournir à elle-même des sujets d’observation, ou si elle doit les attendre, comme l’astronomie qui ne peut rien changer au système planétaire, et qui en contemple immobile les révolutions. […] Il s’exprime à ce sujet avec une très-grande précision. […] Le corps humain est encore du domaine de l’objectif : c’est un objet extérieur susceptible d’être étudié comme tous les objets extérieurs ; ce qui se passe au contraire dans l’intérieur du sujet ne peut être saisi que par le sujet lui-même. […] La distinction du subjectif et de l’objectif demeure inébranlable, et cette distinction peut avoir lieu dans l’homme lui-même, le corps se rapportant à l’objet et l’âme au sujet. Si donc il y a dans l’homme quelque chose qu’on appelle la liberté morale, c’est dans le sujet qu’il faut le chercher, c’est dans le sein de cette cause qui se sent elle-même, tandis qu’elle ne connaît toutes les autres que par leurs manifestations externes.

595. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII] »

Une Ville prise d’assaut, et pour sujet une Mère blessée et mourante. […] Nous reviendrons dans une autre note sur ce sujet. […] Nous observerons seulement que la plupart de ces tableaux antiques sont des portraits ou des tableaux d’histoire ; et que, pour être impartial, il ne faut mettre en parallèle avec des sujets chrétiens que les sujets mythologiques. […] Le dessin des sujets d’Herculanum est sec, et tient beaucoup de la sculpture et des bas-reliefs. […] Enfin, tous ces sujets, tirés de la fable, que l’on trouve dans les ruines d’Herculanum, prouvent que la mythologie dérobait aux peintres le vrai paysage, comme elle cachait aux poètes la vraie nature.

596. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vien » pp. 74-89

D’ailleurs cette conjecture est réfutée par les mêmes sujets tout autrement exécutés par des artistes antérieurs ou même contemporains. […] D’où je conclus que le véritable imitateur de nature, l’artiste sage étoit oeconome de groupes, et que celui qui, sans égard au moment et au sujet, sans égard à son module et à sa nature, cherchoit à les multiplier dans sa composition ressembloit à un écolier de rhétorique qui met tout son discours en apostrophes et en figures ; que l’art de groupper étoit de la peinture perfectionnée ; que la fureur de groupper étoit de la peinture en décadence, des tems non de la véritable éloquence, mais des tems de la déclamation qui succèdent toujours ; qu’à l’origine de l’art le grouppe devoit être rare dans les compositions ; et que je n’étois pas éloigné de croire que les sculpteurs qui grouppent presque nécessairement, en avaient peut-être donné la première idée aux peintres. […] Ah, mon ami, qu’il est rare de trouver un artiste qui entre profondément dans l’esprit de son sujet. […] La tête de Caesar est donnée par mille antiques ; pourquoi en avoir fait une d’imagination qui n’est pas si belle et qui, sans l’inscription, rendroit le sujet inintelligible ? […] Sujet d’expression, sujet grand, où tout est froid et petit.

597. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre IV. Le rêve »

Mais l’observation était un peu sujette à caution, car elle émanait de psychologues à moitié endormis. […] Il arrive que des personnes sujettes aux laryngites, aux amygdalites, etc., se sentent reprises de leur affection au milieu d’un rêve et éprouvent alors du côté de la gorge des picotements désagréables. […] La personne qui doit servir de sujet d’expérience est placée devant ces formules, dans l’obscurité, et ignore naturellement ce qui a été écrit. […] On a commencé en effet par déterminer expérimentalement le temps nécessaire à la vision d’une lettre de l’alphabet ; est donc facile de faire en sorte que le sujet ne puisse pas distinguer plus de huit ou dix lettres, par exemple, sur les trente ou quarante qui composent la formule. […] Telles sont les observations que je voulais vous présenter au sujet des rêves.

598. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre I. La quantité des unités sociales : nombre, densité, mobilité »

L’immensité de l’aire couverte par un Empire a peu d’action si, entre les individus qui sont ses sujets, il n’y a et ne saurait y avoir que peu de relations. […] Mais, d’abord, en admettant que l’accroissement du nombre des citoyens ou des sujets rende plus facile la pratique du régime dit despotique ou plus difficile la pratique du régime dit démocratique, il ne serait pas encore démontré par là même qu’elle les éloigne forcément de l’idée de l’égalité. […] Or s’il est vrai que la dissémination d’un grand nombre de sujets sur une aire très étendue facilite l’omnipotence tranquille d’un despote, n’est-il pas vrai que leur concentration dans les grandes villes la rend plus malaisée ? […] Suivant Sumner Maine 84, la législation uniforme semble avoir accompagné partout la cessation de la vie locale : la distance même qui sépare le pouvoir souverain de ses nombreux sujets l’oblige à ne pas tenir compte des différences qui pouvaient les séparer. […] C’est peut-être, remarque Grote 85, parce qu’ils vivaient trop sous les yeux de leurs sujets pour leur commander le respect, que les rois primitifs des communautés confinées dans leurs murs disparaissent bientôt de l’histoire.

599. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

Le sujet des Ïambes est heureusement choisi, nous nous hâtons de le reconnaître ; mais le sujet, si riche qu’il soit, n’eût été entre des mains vulgaires qu’une matière stérile. […] Barbier se soit arrêté à la surface du sujet qu’il avait choisi. […] La préface de son nouveau livre est loin de nous donner des renseignements complets sur ce sujet important. […] Comme si le sujet n’était pas assez vaste par lui-même, l’auteur essaye de l’agrandir, que dis-je ? […] Mais le véritable but, le véritable sujet du discours de M. 

600. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres mises en ordre par M. J. Sabbatier. (Tome II, 1844.) » pp. 144-153

Les trop bons sujets qui n’ont, à aucun moment, rompu avec les devanciers, courent risque de trop creuser dans le même sillon, c’est-à-dire de rester dans l’ornière. […] On démêla d’une manière générale le sujet du Cours qu’il venait ouvrir ; il se proposait de parler de la société civile, des lois de la civilisation et de la perfectibilité, du rapport qui existe entre les lumières et le bonheur des nations ; c’était un publiciste qui aspirait à remanier le grand problème du xviiie  siècle et à se frayer une voie entre Montesquieu et Rousseau. […] le plus sage est sujet à payer tribut au malin.

601. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Études sur Blaise Pascal par M. A. Vinet. »

Vinet viennent de recueillir, et qui se compose des leçons et des articles qu’il a donnés en différents temps sur ce sujet. […] À mon retour à Paris, je m’empressai de donner à la Revue des Deux-Mondes une étude dont il était le sujet et qui parut le 15 septembre 1837280. […] « J’apprends, monsieur, que notre Lausanne espère obtenir de vous un Cours de littérature pour cet hiver, et ce Cours aura pour sujet Port-Royal !

602. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Mignet : Histoire de la Révolution française, depuis 1789 jusqu’en 1814. 3e édition. »

  C’est une faculté naturelle à tous les hommes, à laquelle les indifférents n’échappent pas plus que les curieux, d’aspirer en tout sujet à connaître les causes, et de s’y complaire lorsqu’elles sont saisies. […] Mignet, sans parler de ce qu’elle a de séduisant et d’imposant en elle-même, se présente avec les incontestables avantages d’un pareil sujet, qu’on croirait fait à plaisir pour elle, tant il s’y prête merveilleusement. […] Nous n’entendons exprimer ici aucune préférence, et bien plutôt nous félicitons l’un et l’autre de cette éclatante diversité de mérites qu’ils ont portée dans le même sujet et jusque dans les mêmes opinions.

603. (1874) Premiers lundis. Tome II « La Revue encyclopédique. Publiée par MM. H. Carnot et P. Leroux »

Sur les autres sujets d’investigation et de noble inquiétude où s’est aventurée la pensée ardente de ce siècle, la Revue encyclopédique conserve cette ligne avancée, ce poste honorable d’avant-garde philosophique, qu’il est toujours bon d’avoir essayé de tenir, même lorsque par endroits on serait contraint de se replier. […] Nous signalerons, comme le morceau le plus brillant qui nous présente leurs conjectures à ce sujet, celui de M.  […] Avec la capacité philosophique éminente qui distingue les écrivains de cette école, s’ils savent tempérer leur ardeur à généraliser, ne pas forcer les conséquences encore lointaines de principes seulement entrevus, ne pas les étendre dès l’abord à tout ; s’ils continuent d’exercer cette faculté de comprendre, cette chaleur sympathique de leur esprit, sur les sujets nombreux susceptibles de solutions partielles et incontestables, nul doute qu’ils ne fondent un honorable centre où bien des esprits se rallieront et où l’élite du public s’habituera de plus en plus.

604. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVIII. Pourquoi la nation française était-elle la nation de l’Europe qui avait le plus de grâce, de goût et de gaieté » pp. 366-378

Les despotes de l’Orient et du Nord avaient trop besoin d’inspirer la crainte pour exciter d’aucune manière l’esprit de leurs sujets ; et le désir de plaire à ses maîtres, est une sorte de familiarité avec eux qui effaroucherait leur tyrannie. […] Les liens délicats, les préjugés maniés avec art, formaient les rapports des premiers sujets avec leur maître : ces rapports exigeaient une grande finesse dans l’esprit ; il fallait de la grâce dans le monarque, ou tout au moins dans les dépositaires de sa puissance ; il fallait du goût et de la délicatesse dans le choix des faveurs et des favoris, pour que l’on n’aperçût ni le commencement, ni les limites de la puissance royale. […] Mais aussi, quels nombreux sujets de comédies ne doit-on pas rencontrer dans un pays où ce ne sont pas les actions, mais les manières qui peuvent décider de la réputation !

605. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre VII. Éducation de la sensibilité »

Nous sommes sujets à la léthargie du cœur comme à celle de l’esprit. […] Sans elle, on aura beau s’abreuver de toutes les rhétoriques, se consumer sur les sujets particuliers qui s’offriront, on n’arrivera jamais qu’à se souvenir et à amplifier ; on n’aura jamais une façon d’écrire naturelle et personnelle. […] Au siècle suivant, en dépit de la suprême clarté dont se piquaient les philosophes, et des polissonneries facétieuses dont ils paraient leur matière, il fallait de l’attention et de la pénétration pour les suivre, et on ne sentait point tout l’agrément de la forme, si l’on ne comprenait le sérieux du sujet.

606. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Aristophane, et Socrate. » pp. 20-32

Le poëte n’eut qu’à recueillir la plupart de ces traits : il en fit le sujet d’une comédie, qu’il intitula les Nuées. […] Cette même Athènes défendit de traiter des sujets véritables, & de nommer les personnes. Cette nécessité d’employer des sujets & des noms de pure invention, fut l’époque de la belle comédie, de celle de Ménandre & de Philémon, appellée la nouvelle comédie, par opposition à l’ancienne, dont le stile bouffon & cynique se ressentoit de la charrette de Thespis, & à la moyenne, qui, quoique plus régulière dans son plan, n’en étoit ni plus réservée, ni plus innocente.

607. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre I. Les travaux contemporains »

Telles sont les règles de bonne méthode et de sérieuse impartialité qui nous guideront dans ces recherches sur le cerveau et la pensée, où nous essayerons de faire connaître les travaux les plus récents et les plus autorisés qui traitent de ce grand sujet. […] Un autre savant, le docteur Lélut (de l’Institut), s’est aussi fait une place dans la science par ses belles études sur la physiologie de la pensée, et il a publié récemment un intéressant ouvrage sur ce sujet, suivi de quelques mémoires spéciaux pleins de faits curieux. […] Flourens a publié sous forme populaire plusieurs ouvrages qui se rapportent à notre sujet : De la vie et de l’intelligence, De l’instinct et de l’intelligence des animaux, De la phrénologie et études vraies sur le cerveau.

608. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XV. Des ouvrages sur les différentes parties de la Philosophie. » pp. 333-345

Divers auteurs ont traité des sujets particuliers de Physique, tels que M. de Maupertuis dont on a recueilli tous les ouvrages en quatre vol. […] Ce livre est écrit avec une pompe d’expression, que le sujet ne faisoit pas espérer. […] On peut assurer que l’auteur y a fort bien analysé ses idées ; son livre est méthodique, instructif, suffisamment orné de figures & du style le plus analogue au sujet.

609. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Greuze » pp. 234-241

Ce drap est très bien imaginé et pour le sujet du tableau, et pour l’effet de l’art. […] Déplacer ce personnage, c’eût été changer le sujet du tableau. […] Médite-t-il un sujet, il en est obsédé, suivi partout.

610. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 7, nouvelles preuves que la declamation théatrale des anciens étoit composée, et qu’elle s’écrivoit en notes. Preuve tirée de ce que l’acteur qui la recitoit, étoit accompagné par des instrumens » pp. 112-126

La tragedie de Thyeste dont Ciceron avoit tiré ce vers, étoit celle qu’il cite souvent lui-même comme l’ouvrage du poëte Ennius, et non point celle que Varius composa depuis sur le même sujet. […] On étoit si bien prévenu en sa faveur, que lorsqu’il joüoit moins bien qu’à l’ordinaire, on disoit de lui qu’il se negligeoit, ou que par un accident auquel les bons acteurs sont sujets volontiers, il avoit fait une mauvaise digestion. […] Il semble même qu’elle imitât le sujet, et pour me servir de cette expression, qu’elle joûtât avec lui.

611. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Edmond About » pp. 63-72

Ceux-là même qui ont dans le génie ce don charmant de force éthérée qui enlève tous les sujets avec un souffle, ne lancent pas l’œuvre légère, ne soufflent pas leur bulle étincelante tous les jours ! […] La Grèce contemporaine semble vouloir appartenir, ou par le ton ou par le sujet, à cette catégorie distinguée et restreinte des livres légers qui, réussis, sont des œuvres exquises, mais dont on peut dire, comme de certains verres : « On en casse beaucoup avant d’en faire un. » Avec l’invention des chemins de fer, tout livre de voyage est menacé de devenir prochainement une impertinence. […] Agiter une badine sifflante, faire de la crème fouettée en battant son sujet avec l’extrémité d’une cravache, fût-elle sculptée par mademoiselle de Fauveau, tout cela, malgré la désinvolture de la chose, n’est point de l’ironie comme il en faudrait pour nous débarbouiller de nos dernières badauderies sur la Grèce, après un enchantement de tant de siècles, et pour nous empêcher désormais d’être émus en lisant les vers divins qui commencent le poème du Giaour.

612. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

» Pic de la Mirandole, le prodige lettré d’Italie, dans ses Mémoires, disait que le génie de Laurent était à la fois si énergique et si souple, qu’il paraissait avoir été formé pour triompher dans tous les genres. « Ce qui m’étonne surtout, ajoutait ce juge si compétent, c’est qu’au moment où il est le plus engagé dans les affaires de la république, il peut ramener l’entretien sur des sujets de littérature et de philosophie avec autant de liberté et de facilité que s’il était le maître de son temps comme de ses pensées. » Il écrivait des sonnets, restés classiques, et s’excusait en ces termes de se livrer à la poésie, crime illustre dont on l’accusait : « Il y a quelques personnes, dit-il, qui m’accuseront peut-être d’avoir perdu mon temps à écrire des vers et des commentaires sur des sujets amoureux, précisément lorsque j’étais plongé dans des occupations très-graves et très-multipliées. […] Les exemples de l’histoire lui sont aussi présents que les amis qu’il admet à sa table, s’il m’est permis de m’exprimer ainsi ; et lorsque le sujet le comporte, il sait répandre à pleines mains, dans sa conversation, ce sel précieux que l’on dirait recueilli dans l’Océan où Vénus prit naissance. » Sa femme Clarisse et ses enfants étaient ordinairement les objets de ses plus charmantes plaisanteries. […] Son début était frappant et son regard plein d’expression ; je commençai à m’intéresser sérieusement à ce qu’il allait dire. — Il commence ; je suis attentif : une voix sonore, des expressions choisies, des sentiments élevés. — Il établit les divisions de son sujet : je les saisis sans peine ; rien d’obscur, rien d’inutile, rien de fade et de languissant. — Il développe ses arguments ; je me sens embarrassé. — Il réfute le sophisme, et mon embarras se dissipe. — Il amène un récit analogue au sujet ; je me sens intéressé. — Il module sa voix en accents variés qui me charment. — Il se livre à une sorte de gaieté ; je souris involontairement. — Il entame une argumentation sérieuse ; je cède à la force des vérités qu’il me présente. — Il s’adresse aux passions ; les larmes inondent mon visage. — Il tonne avec l’accent de la colère ; je frémis, je tremble ; je voudrais être loin de ce lieu terrible. » « Valori nous a laissé, sur les sujets particuliers qui occupaient l’attention de Laurent et de ses amis dans leurs entrevues au couvent de San-Gallo, des détails qu’il tenait de la bouche de Mariano lui-même. […] Les hommes sont sujets à différentes manies : la mienne est une admiration profonde pour les productions des grands sculpteurs, et peut-être en suis-je possédé plus qu’il ne convient à un homme qui peut avoir quelque prétention à la science.

613. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre III. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire sacrée & ecclésiastique. » pp. 32-86

Les sujets de son histoire sont tous intéressans, & personne ne saisit comme lui ce qu’il y a de plus curieux dans chaque sujet. […] Je compte pour rien, dit l’Abbé Lenglet, ce qu’André du Chesne & François son fils ont écrit & imprimé sur ce sujet en deux énormes volumes in-folio. […] La plûpart des Protestans ont plus écrit sur ce sujet que sur une question fort importante. […] L’Arabie se présente à lui en sortant de l’Egypte, & fait le sujet du sixiéme livre. […] L’élégance & la pureté de sa diction répondent à la noblesse des sujets.

614. (1913) La Fontaine « VII. Ses fables. »

On a beaucoup plaisanté à ce sujet, parce qu’on a dit que le lapin ne pouvait pas se réfugier dans le trou d’un escarbot, qui n’est pas plus large qu’un verre de mon lorgnon. […] Cette fable est aussi intéressante à un autre point de vue, c’est que La Fontaine y est dupe de lui-même, je veux dire de son sujet, de la manière dont il traite son sujet. […] Il commence par nous représenter deux pigeons qui sont des frères, qui sont du même colombier, qui sont des amis d’enfance, enfin qui sont des frères, et puis, peu à peu, il est tellement attendri par son sujet que c’est à des amants qu’il songe et c’est à des amants qu’il s’adresse dans son épilogue. […] La Fontaine, je le répète, est si attendri par son sujet qu’il l’étend, qu’il le transforme, qu’il l’altère, et qu’il le termine d’une façon toute différente de celle par laquelle il avait commencé. […] Il aurait pu, comme La Rochefoucauld a donné le sujet des Lapins à La Fontaine, lui donner ce sujet : le gros cheval qui ne cède pas sa pitance au cheval de course.

615. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIX. M. Cousin » pp. 427-462

Cousin, qui aime tant son sujet, ne l’a pas compris. […] Cousin varie ses sujets, il ne varie pas sa manière. […] Laissons pour un moment le philosophe : les philosophes sont sujets à caution… de sagesse. […] … D’un autre côté, indépendamment du choix impossible d’un sujet de plus, M.  […] Serait-ce là une prudente réserve, posée à l’avance, pour revenir sans trop de lâcheté et d’inconséquence à des sujets irrésistibles, plus forts que la volonté et que la pensée ?

616. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Michelet » pp. 167-205

Tautologie du sujet ! […] Physiologique, épaissement physiologique comme son livre de l’Amour, doublé de la même philosophie, qui est un naturalisme béat et béant, érotique d’accent comme un cerf qui brame, ce livre de la Femme, c’est l’Amour, moins, cependant, la première ivresse du sujet pour l’auteur et pour le public. […] il n’est pas tombé de haut… mais encore est-il tombé ; car le plus mauvais, le plus abaissé de ses livres d’histoire, vaut infiniment mieux par le sujet, l’art et les notions qu’il nous donne, que ces livres de physiologie et de sentiment qui ne sont pas plus du sentiment vrai que de la physiologie exacte. […] L’affaiblissement de talent que j’ai constaté tenait-il au sujet qu’il a traité plus qu’à sa constitution même, et les sujets pour lesquels il était fait pouvaient-ils lui retremper son génie ? […] Publié sous ce titre de l’Étudiant, qui est un bon titre, l’Étudiant est, en effet, le sujet du livre.

617. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 162-165

« Quant à cette Athalie , dit-il, vantée comme le chef-d'œuvre du Théatre ; quel sujet affreux, épouvantable, fait pour révolter les hommes de tous les Siecles, depuis la houlette jusqu'au sceptre ! […] Il a même paru des Ecrits à ce sujet, qui prouvent qu'ils savent se connoître en bons Ouvrages, & apprécier les mauvais à leur juste valeur.

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