Le lecteur est instruit de l’ancienne grandeur morale de Pipabs, et ce même lecteur souffrira lui-même du martyre de cet ancien brave, minaudant, gambadant, rampant, déclamant, marivaudant, pour obtenir de ses jeunes bourreaux… quoi ?
Son talent très fier ne souffre rien que d’absolument choisi au plus fin fond des considérables sensualités dont il s’agit, et vous serez ravis des deux preuves que voici de ce que j’avance là.
Que ne laisse-t-il toujours son cœur souffrir simplement, sincèrement, comme il fit une fois sur la Jolie Morte ?
Mais quand on voit l’angoisse qui résulte de ces liens brisés, ce douloureux étonnement d’une âme trompée, cette défiance qui succède à une confiance si complète, et qui, forcée de se diriger contre l’être à part du reste du monde, s’étend à ce monde tout entier, cette estime refoulée sur elle-même et qui ne sait plus où se replacer ; on sent alors qu’il y a quelque chose de sacré dans le cœur qui souffre parce qu’il aime ; on découvre combien sont profondes les racines de l’affection qu’on croyait inspirer sans la partager ; et si l’on surmonte ce qu’on appelle faiblesse, c’est en détruisant en soi-même tout ce qu’on a de généreux, en déchirant tout ce qu’on a de fidèle, en sacrifiant tout ce qu’on a de noble et de bon.
Enfin plus les actions que la poësie et la peinture nous dépeignent, auroient fait souffrir en nous l’humanité si nous les avions vûës veritablement, plus les imitations que ces arts nous en présentent ont de pouvoir sur nous pour nous attacher.
Ces seigneurs et ces dames parées qui passent leur vie à représenter ne se trouvent à leur aise qu’entre des panneaux sculptés, devant des glaces resplendissantes ; s’ils mettent le pied par terre, c’est sur des allées ratissées ; s’ils souffrent les bois et les eaux, ce sont des eaux lancées en gerbes par des monstres d’airain ; ce sont des bois alignés en charmilles. […] Notre sympathie ne souffre pas ; nous sentons que notre esprit est un magicien involontaire, et que ses créations ne sont qu’apparence. […] Un arbre aussi bien qu’un homme peut souffrir ; l’histoire des grands finit là, comme chez nous, par une grande ruine. […] Il souffre avec constance, et peut-être avec courage, les châtiments et les coups.
Et, si l’on s’y applique trop longtemps, on en peut souffrir jusqu’à l’angoisse la plus douloureuse… Mais, en y réfléchissant, je crois que si on relit Kaléidoscope, on verra que l’obscurité est dans les choses plus que dans les mots ou dans leur assemblage. […] Nous souffrons de sentir que ce qui se passe en nous à cette heure ne dépend pas de nous, et que nous ne pouvons point, comme à l’ordinaire, nous faire illusion là-dessus… Il y a quelque chose de profondément involontaire et déraisonnable dans la poésie de M. […] (5,5) Vous ne m’aimez pas |, l’affaire est conclue, Et, ne voulant pas | qu’on ose me plaindre, Je souffrirai | d’une âme résolue (4, 6). […] Et comme ce poète n’exprime ses idées et ses impressions que pour lui, par un vocabulaire et une musique à lui, sans doute, quand ces idées et ces impressions sont compliquées et troubles pour lui-même, elles nous deviennent à nous, incompréhensibles ; mais quand, par bonheur, elles sont simples et unies, il nous ravit par une grâce naturelle à laquelle nous ne sommes plus guère habitués, et la poésie de ce prétendu « déliquescent » ressemble alors beaucoup à la poésie populaire : Il pleure dans mon cœur Comme il pleut sur la ville ; Quelle est cette langueur Qui pénètre mon cœur Ou bien : J’ai peur d’un baiser Comme d’une abeille ; Je souffre et je veille Sans me reposer J’ai peur d’un baiser Finissons sur ces riens, qui sont exquis, et disons : M.
Nommer Despréaux Desvipéreaux, lui reprocher d’avoir fait servir des alouettes au mois de juin dans son Repas ridicule, glorifier Pelletier de recevoir chaque jour vingt-cinq personnes à sa table, traiter l’auteur des Satires de « bouffon » et de « faussaire », ou de « jeune dogue » qui aboie autour de lui, et lui dire agréablement qu’il ne fait rien « que les mouches ne fassent sur les glaces les plus nettes », le menacer du bâton ou faire entendre que les cotrets ont déjà pris le contact de ses épaules, trouver dans ses vers des insultes au parlement, à la cour, au clergé, au roi, et un athéisme digne du sort de Vanini, le reprendre tantôt d’user « de quolibets des carrefours, de déclamations du Pont-Neuf qui ne peuvent être souffertes que dans un impromptu de corps de garde », et tantôt de piller Horace, Juvénal ou Molière : voilà ce que la rancune venimeuse des victimes de Boileau invente pour le confondre. […] Comme il ne pouvait souffrir les mauvais ouvrages, il en voulait aussi aux auteurs qui jetaient du discrédit sur la littérature par leurs mœurs et par leur caractère.
Sainte-Beuve En faisant cela avec subtilité, avec raffinement, avec un talent curieux et un abandon quasi précieux d’expression, en perlant le détail, en pétrarquisant sur l’horrible, vous avez l’air de vous être joué ; vous avez pourtant souffert, vous vous êtes rongé à promener vos ennuis, vos cauchemars, vos tortures morales ; vous avez dû beaucoup souffrir, mon cher enfant.
Il disait un jour : « J’ai trop souffert en cette vie pour n’en pas attendre une autre. […] Il en est qui sont vraiment martyrs de leur sensibilité, qui en souffrent cruellement, qui sont, comme la sensitive, froissés et blessés par le contact le plus léger.
Nous souffrons bien, il est vrai, que nos comédiens nous cachent aujourd’hui la moitié des signes des passions qui peuvent être marquez sur le visage. […] Suivant les apparences, les anciens n’auroient pas souffert ce désagrément dans les masques s’ils n’en avoient point tiré quelque avantage, et je ne vois pas que cet avantage pût être autre chose que la commodité d’y mieux ajuster les cornets propres à rendre plus forte la voix des acteurs.
Tu souffriras ! […] chacun pourra te voir, Comme la grappe mûre et jetée au pressoir, Foulé par le destin………………………… Tu souffriras !
si la Gaule devint promptement romaine, c’est qu’elle avait compris, avec l’instinct d’une race supérieure, que l’unité Romaine valait mieux pour elle que les diversités dont elle souffrait. […] Le souffrirons-nous ?
Ils s’occupaient de leur parure, et ils négligeaient l’univers ; peut-être même avaient-ils grand soin de choisir leurs chevaux, mais point du tout les hommes qu’ils destinaient aux places ; et tandis qu’aux jeux, du cirque ils n’auraient pu souffrir de voir des cochers conduire un char, ils abandonnaient à des hommes sans choix les rênes de l’empire et la conduite des nations. […] Valens, qui ne manqua jamais une occasion d’être cruel, sous prétexte d’être juste, l’avait fait traîner dans les prisons, où il souffrit tous les tourments que notre justice barbare ne compte pour rien, parce que ces tourments ne sont point la mort.
Vous avez, comme moi, des cœurs éprouvés par l’adversité, et vous savez souffrir sans vous déshonorer par des plaintes inutiles. […] En dehors des entraves qu’elles avaient mises au développement de leur talent, et dont ils se sont peu rendu compte, ils en avaient pourtant souffert. […] Quand on souffre véritablement, on se tait ; quand on souffre trop, on se tue ; mais celui qui peut donner une forme littéraire à sa douleur, qui peut la soumettre à un rythme harmonieux, qui la discute rationnellement, qui la rature, qui la nuance, qui la ponctue, qui lui adjoint la satire, l’observation, la gaieté pour la mettre en équilibre, qui la fait interpréter par des comédiens, imprimer par un éditeur, vendre par un libraire et lire par tout le monde, celui-là n’a pas souffert. […] Ceux-là, il est vrai, avaient poussé l’horreur de la loi commune plus loin que tous les autres, jusqu’à avouer qu’ils souffraient de toute régularité dans la vie réelle. […] Il souffre « jusqu’à en crier303 », mais jamais jusqu’à en perdre la notion de ce qui l’entoure et de la scène qui s’accomplit.
Si tu es juste et bon, tu m’accueilleras dans ton sein et tu me guériras des maux que j’ai soufferts. […] Si l’homme souffre, n’est-ce point à la société en effet qu’il doit imputer ses souffrances ? […] Elle a tort si vous souffrez. […] elle a souffert ses orgies et ses débauches ! […] Il souffre du même mal qui a tué Werther et qui consume Obermann.
Tout trompait, tout mentait, tout faisait souffrir et pleurer. […] Souffrit-elle ? […] D’abord, Catherine souffrit horriblement de la faim. […] D’abord sa faculté de souffrir s’était vraiment un peu émoussée, à force d’âge, surtout depuis ce dernier hiver. […] Dostoïevsky souffrait d’une plaie qui lui était venue au visage dans la casemate de la citadelle, à Pétersbourg.
Elle y souffre comme toutes les âmes fortes, qui périssent d’orgueil, déchirées dans leur force vaine.
Voici vraiment souffrir et se plaindre un poète.
Ainsi, après avoir balancé les avantages et les désavantages de l’histoire ancienne et moderne, il est temps de rappeler au lecteur que si les historiens de l’antiquité sont en général supérieurs aux nôtres, cette vérité souffre toutefois de grandes exceptions.
On sent que l’homme d’État, quoique sénile, souffre et adore ; sa sénilité même fait compatir à sa passion. […] La prétendue impassibilité de Goethe n’est que sa supériorité ; certes, on ne peut soupçonner l’auteur de Werther, de Charlotte, de Mignon, de Marguerite, de n’avoir pas eu dans l’âme toutes les puissances, et même les plus délicates, de sentir, d’aimer, de souffrir ; celui qui fait pleurer ne fait que prêter ses propres larmes à ceux qui le lisent ; il en a donc lui-même une source chaude, amère et abondante dans son propre cœur. Mais la faculté de sentir, d’aimer, de souffrir, qui est la plus belle des facultés du cœur, n’est pas la plus forte des qualités de l’esprit : la preuve en est que la plus simple des femmes sent, aime et pleure ; mais le génie seul pense et plane au-dessus de ses propres impressions pour les contempler et pour les juger avec la sublime impassibilité d’un dieu. […] L’homme souffre encore en lui, mais l’artiste ne souffre plus, semblable au martyr qui jouit dans sa foi pendant qu’il gémit dans son corps.
Tite-Live en a fait naïvement l’aveu : « S’il doit être permis à un peuple, dit-il, de rendre son origine plus auguste en la rapportant aux dieux, telle est la gloire militaire du peuple romain, que lorsqu’il lui plaît de se donner le dieu Mars pour père, le genre humain le souffre comme il a souffert sa domination22. » J’admire cette fierté patriotique ; mais le genre humain affranchi de Rome ne s’accommode plus de ce que souffrait le genre humain sujet de Rome, et pour chaque nation, comme pour chaque ville, la seule origine glorieuse est la vraie. […] Pour les discours, il ne souffre que les authentiques, qu’il faut, dit-il, rapporter mot pour mot, comme la partie de l’histoire la plus utile. […] Il ne touche pas aux puissances, et il souffre volontiers que les choses continuent d’aller du même train.
Je ne m’étonne pas qu’on ait fort à souffrir, autour de lui, de cet amour pour les hommes, qui passe par-dessus la tête de ceux qui l’entourent. […] Partant, ne souffrez pas qu’il demande pardon. » Ah ! […] Procès n’est pas justice, et peut-être envers qui a tant souffert est-ce trop peu de n’être que juste. Il a souffert pour les fautes de sa volonté et souffert pour des torts involontaires.
Les époques troublées et misérables sont celles où naît le mysticisme ; la plupart des personnes qui ont éprouvé ce sentiment ont souffert de névroses épileptoïdes ; le plus grand nombre étaient des gens chez qui la sensibilité avait supprimé presque toutes les autres opérations intellectuelles ; il en est qui conservèrent dans cette sorte d’aliénation, l’empire de leur intelligence spéculative ; par contre, il ne me revient pas qu’il y ait eu des mystiques bons observateurs, et qui surent voir d’abord, analyser et concevoir ce monde qu’ils ont désespéré de comprendre et d’aimer. […] S’il est doublé d’un psychologue, à plus forte raison, les romanciers de l’âme et les poètes sensitifs, les hommes à la Stendhal et à la Baudelaire se regardent vivre, vouloir, aimer, haïr, sentent sans cesse, à côté des portions d’homme normal et instinctif qui subsistent en eux, un impassible et perspicace témoin, qui mine leur activité spontanée en la contrôlant : Il semble avoir deux âmes, dit M. de Maupassant dans un article récent, l’une qui recueille et commente chaque sensation de sa voisine, l’âme naturelle commune à tous les hommes ; et il vit condamné à être toujours, en toute occasion, un reflet de lui-même et un reflet des autres, condamné, à se regarder sentir, agir, aimer, penser, souffrir, et à ne jamais souffrir, penser, aimer, sentir comme tout le monde, bonnement, franchement, simplement, sans s’analyser soi-même après chaque joie et après chaque sanglot….. […] Occupé à discerner les nuances de tous les spectacles que font éclore en lui les agitations de ses nerfs, habile à surprendre les mouvements d’âme qui sourdent dans son cerveau, à les arrêter et les décomposer au passage, tourmenté par l’amas d’observations psychologiques antérieures qui encombrent sa mémoire et diversifient son attention, l’artiste reste irrésolu, lassé de tendre une volonté faiblissante, se défie de ses forces et souffre de toute action. […] Certains signes permettent de croire que si les poètes sont en divergence avec la société affairée qui les tolère et possèdent une organisation cérébrale, merveilleusement apte à les faire souffrir, c’est qu’ils sont les types avant-coureurs déplacés et admirables d’une humanité future.
Job extrait de son drame un dogme ; Job souffre et conclut. Or souffrir et conclure, c’est enseigner. […] Jean, après avoir assisté à la souffrance du Christ, finit par souffrir pour son compte ; la souffrance vue le fait apôtre, la souffrance endurée le fait mage ; de la croissance de l’épreuve résulte la croissance de l’esprit. […] Dans ce poëme, l’impondérable, mêlé au pondérable, en subit la loi, comme dans ces écroulements d’incendies où la fumée, entraînée par la ruine, roule et tombe avec les décombres et semble prise sous les charpentes et les pierres ; de là des effets étranges ; les idées semblent souffrir et être punies dans les hommes. […] Dans Shakespeare, les oiseaux chantent, les buissons verdissent, les cœurs aiment, les âmes souffrent, le nuage erre, il fait chaud, il fait froid, la nuit tombe, le temps passe, les forêts et les foules parlent, le vaste songe éternel flotte.
Un « caractère » nouveau c’est un homme ou une femme qui a inventé un nouveau moyen de souffrir soi-même et de faire souffrir les autres. […] Je suis bien malheureux de souffrir cette atteinte ; Et que me sert d’aimer comme je fais, hélas ! […] Et n’est-ce pas assez de souffrir pour vos charmes, Sans me faire souffrir encor pour vos plaisirs ? […] C’est précisément parce qu’il ne l’est point que Rousseau ne peut pas le souffrir. […] Il est très évident que Molière ne peut pas le souffrir.
Nous nous trouvons transformés, notre vie est doublée ; notre âme végétait ; elle sent, elle souffre, elle aime. […] Depuis qu’il est né, il n’a éprouvé que misère et injustice : c’est la règle ; les faibles souffrent et sont faits pour souffrir. […] Le roman ainsi conçu est une plaidoirie en faveur du cœur, de l’imagination, de l’enthousiasme et de la nature ; mais il est souvent une plaidoirie contre la société et contre la loi ; nous ne souffrons pas qu’on touche de près ou de loin à la société ni à la loi. […] « Cela a des inconvénients, il est vrai ; l’art en souffre, si le public y gagne. […] Les meilleurs sont des automates de fer poli qui exécutent méthodiquement leurs devoirs légaux et ne savent pas qu’ils font souffrir les autres.
Il s’était mal conduit envers elle, ne lui avait laissé que les yeux pour pleurer, cette maison pour vivre, et le droit de ne compatir à aucune infortune, parce que, disait-elle, elle avait souffert tout ce qu’il est possible de souffrir. […] Je n’ai pas voulu faire souffrir ces chères créatures de mes dissensions avec leurs maris, et j’ai préféré les voir en secret. […] Loin d’adoucir mon sort, mon frère et mes deux sœurs s’amusèrent à me faire souffrir. […] Lepître ignorait ou souffrait le commerce de Doisy, véritable contrebandier que les élèves avaient intérêt à choyer ; il était le secret chaperon de nos écarts, le confident des rentrées tardives, notre intermédiaire entre les loueurs de livres défendus. […] Ses cheveux fins et cendrés la faisaient souvent souffrir, et ces souffrances étaient sans doute causées par de subites réactions du sang vers la tête.
Hugo ne peut pas la souffrir. […] Mille ressources, mille secrets se découvrent en vous pour souffrir. […] Elle souffre du ventre affreusement, ne peut se remuer, ne peut se tenir couchée sur le dos ou le côté gauche. […] il faut encore la souffrance, la torture, comme le suprême et implacable finale des organes humains… Et elle souffre cela, la pauvre malheureuse ! […] nous lui pardonnons, et même une grande commisération nous vient pour elle, en nous rendant compte de tout ce qu’elle a souffert… Mais, pour toute la vie, il est entré en nous la défiance du sexe entier de la femme, et de la femme de bas en haut aussi bien que de la femme de haut en bas.