Un individu quelconque, un fâcheux, un insignifiant, passe, cause ; on l’observe, il est saisi.
Et croyez bien, messieurs, que la Chambre des pairs de 1828 eût été bien surprise, si elle s’était trouvée saisie d’un pareil cas !
À certains moments critiques de l’histoire, des hommes, sortant de leur petite vie étroite et routinière, ont saisi par une vue d’ensemble l’univers infini ; la face auguste de la nature éternelle s’est dévoilée tout d’un coup ; dans leur émotion sublime, il leur a semblé qu’ils apercevaient son principe ; du moins ils en ont aperçu quelques traits.
La frayeur nous saisit, Polémarque et moi.
Rousseau fut saisi dans l’asile que l’amitié de Hume lui avait procuré en Angleterre, quand il se sauva en France, comme s’il eût été poursuivi par ses assassins.
Après une nuit sans sommeil, je me levai avant le jour pour essayer de travailler encore, car le travail est le devoir de celui qui doit ; je prenais déjà la plume quand on vint me dire que quatre femmes venant de Milly se promenaient sur la terrasse de Monceau attendant mon réveil, pour me voir et pour me parler ; je maudis leur obligeante curiosité qui allait me coûter une matinée de travail ; mais je rejetai loin de moi la plume et je descendis sous les grands arbres qui flanquent le château, et dont l’ombre aurait sans doute attiré les matinales visiteuses ; en les apercevant, en effet, assises sur un banc de pierre, je fus saisi de respect et d’admiration par leur extérieur empreint de modestie et de grâce.
Le pauvre Italien, se rapprochant de la reine, saisit sa robe en criant : « Je suis mort !
Elle le vit avec espérance saisir une autorité qu’elle crut avec raison plus indulgente pour elle.
Alexandre Soumet … On est saisi d’une émotion qui va jusqu’aux larmes, lorsqu’on vient à se souvenir que de pareils vers sont l’ouvrage d’un jeune homme de 22 ans.
Mais, par la même raison qu’on se lasse bientôt de la liberté où nous laisse Montaigne, on est saisi, entraîné par l’autorité et la domination de Descartes.
Dès que le chargé de cours le prenait et se mettait à le lire je n’étais plus capable de prendre une note ; une sorte d’harmonie me saisissait, m’enivrait.
La philosophie allemande commençait à être connue ; ce que j’en saisissais me fascinait étrangement.
Et tantôt ont éclaté des grèves, ces étranges guerres en pleine paix, où les deux adversaires, au lieu de se saisir et de s’étreindre corps à corps, luttent à qui pourra rester le plus longtemps les bras croisés ; tantôt aux faubourgs des grandes capitales ont surgi des émeutes formidables, prélude sanglant de la guerre la plus implacable qui existe, la guerre de classes, la guerre entre pauvres et riches.
Oui, c’est cela, reprend-il, nous nous sommes des hommes moins conventionnels, nous sommes des hommes de l’humanité. » Aujourd’hui dimanche, dernier jour des élections, j’ai la curiosité de saisir l’aspect du salon Hugo.
Son fatalisme orgueilleux, l’étrange et mystérieuse sensualité de ses strophes noyées d’ombre et de soleil, saisissent d’une émotion presque physique.
Ils ne peuvent pas arriver à voir que la responsabilité est un vain mot quand il s’agit de l’homme et que des forces supérieures, que les investigations scientifiques ne sont pas parvenues à saisir, agissent beaucoup plus sur l’espèce que toute prétendue volonté particulière.
Et comment, d’ailleurs, eût-il pu en être autrement dans cette fin de monde du xviiie siècle, où l’anarchie avait saisi, comme un vertige d’imbécilité, toutes les têtes, même celles-là où l’on pouvait croire qu’il y avait encore de la pensée !
Il serait peut-être curieux de rechercher, et peut-être facile de trouver, comment des écrivains de cette valeur et de celle élégance, qui, par le fait de leurs études, ont vécu dans la société du xviiie siècle, et qui ont montré presque de l’enthousiasme pour cette société artificielle et raffinée, aient pu pencher de ce côté inférieur qui aurait dû leur être si antipathique, et même y verser un jour tout à fait… Vous vous rappelez ce fameux drame d’Henriette Maréchal, joué au Théâtre-Français, et dans lequel les deux auteurs abordèrent si audacieusement la langue la plus verte des bals masqués les plus pourris de Paris, que le public en fut révolté et la pièce outrageusement sifflée… Ceci n’est réellement explicable que par le besoin de nouveauté qui saisit les esprits hardis, quand les vieilles formes littéraires expirent.
Car tout ce qu’il y a là-dedans, je le saisi Tout ce qu’il y a là-dedans est déjà vieux sous la plume de l’homme qui l’écrit !
On pense bien que la plume qui s’est complu dans la description des convulsions hideuses de l’aveugle épileptique et de sa bouche salie par une écume verdâtre, n’a pas manqué de saisir l’occasion de peindre les horreurs du supplice d’Hannon que les mercenaires mirent en croix, et le massacre des mercenaires par les ordres d’Hamilcar. […] Cinq fois l’épreuve est renouvelée avec succès ; à la sixième, Mervyn manque le mouchoir, et le suivant sur les flots, il le saisit un peu plus loin, mais il est pris par les ajoncs qui forment sous l’eau d’invisibles nœuds ; il se débat, puis il se lasse ; un gémissement qui sera peut-être le dernier lui échappe, il va mourir.
Dans la nouvelle école, dans son jeune et aventureux représentant, le bon éclate, saisit, emporte ; mais il dure peu, il ne se réalise qu’en fragments. […] Tremblante, la pitié vers l’enfant qui gémit La guide en sa marche craintive ; Elle a saisi l’esquif ! […] que de subtilités d’expression, si minces et si menues, que l’esprit n’en peut rien saisir ! […] Rien ne vous saisit dans ces brillantes tirades, rien ne vous y fait oublier les heures, rien ne vous enlève à vous-même ; c’est la conversation d’un grand parleur, qui a toujours la même dose d’esprit. […] Le caractère des Consolations, c’est encore la mélancolie, l’ennui de soi ; c’est cette sorte de souffrance vague et de fatigue d’esprit, qui accable les imaginations rêveuses, dans une société où il n’y a plus de place pour les grandes passions, et où les âmes vivant en elles-mêmes s’usent à cette étude solitaire de leurs contradictions ; c’est ce dégoût de la vie réelle, cette soif d’un vague avenir, qu’on rêve avec des aspects divers, tantôt bruyant et glorieux, tantôt humble, avec un amour heureux et du calme ; c’est cet ennui du doute, qui fait qu’on est embarrassé de sa liberté, et qu’on a besoin de se mettre sous l’autorité d’une croyance ou d’une grande admiration ; véritable maladie de jeune homme, à ce moment critique où il n’est plus sous la discipline des écoles, et où il n’est pas encore saisi par la société, qui l’emploiera bientôt comme un rouage dans la grande machine, et qui effacera au profit de tous son originalité naturelle.
Quoique Geoffroy se soit proposé de présenter toujours, comme les chefs et les modèles de la scène française, Corneille, Racine et Molière, et qu’on le trouve constamment appliqué à faire ressortir les beautés de ces grands poètes, à leur donner assez de relief pour que les esprits les plus vulgaires puissent les saisir et les apprécier, jamais il n’oublia que les fonctions qu’il avait à remplir étaient celles de critique : ses éloges ne sont pas des panégyriques, son admiration ne va pas jusqu’à l’engouement ; les beautés ne l’empêchent point d’apercevoir les fautes, sa vue n’est point éblouie ; et il me suffira, pour le prouver, de renvoyer le lecteur à l’extrait d’un feuilleton qu’il publia sur la Mort de Pompée 4. […] Voltaire est persuadé qu’on ne peut pas le craindre, que le danger d’Horace n’est pas réel : cependant Horace fut condamné par les duumvirs ; l’arrêt de mort était rendu ; déjà le licteur s’avançait pour saisir le coupable ; il commençait à lui lier les mains. […] La passion court au plus pressé ; elle se saisit du présent sans regarder l’avenir. […] Voltaire s’est donc exprimé durement et du ton de la malveillance, quand il a dit : « Il est clair que la proposition de Cléopâtre est absurde autant qu’abominable » ; mais il parle en littérateur et en homme de goût, lorsqu’il ajoute : « Et cependant elle forme un grand intérêt, parce qu’on veut voir ce qu’elle produira. » Héraclius I 27 janvier 1807 Le prodigieux succès d’Héraclius a étonné quelques esprits frivoles qui jugeaient du public par eux-mêmes, et du mérite de Corneille d’après le Commentaire de Voltaire ; mais, quoi qu’en disent de petits auteurs, le public saisit très bien les beautés mâles et fortes : rien de ce qui est vraiment grand ne lui échappe.
C’est la peur de n’aller pas assez vite, de laisser échapper le fantôme avant que la synthèse n’en soit extraite et saisie ; c’est cette terrible peur qui possède tous les grands artistes et qui leur fait désirer si ardemment de s’approprier tous les moyens d’expression, pour que jamais les ordres de l’esprit ne soient altérés par les hésitations de la main ; pour que finalement l’exécution, l’exécution idéale, devienne aussi inconsciente, aussi coulante que l’est la digestion pour le cerveau de l’homme bien portant qui a dîné. […] Qui saisit tout de suite les mérites variés, essentiellement neufs, de Leslie, — des deux Hunt, l’un le naturaliste, l’autre le chef du préraphaélitisme, — de Maclise, l’audacieux compositeur, fougueux et sûr de lui-même, — de Millais, ce poëte minutieux, — de J. […] Ceci me conduisit à étudier les rapports des diverses branches de l’art entre elles, et, après avoir saisi la relation qui existe entre la plastique et la mimique, j’examinai celle qui se trouve entre la musique et la poésie : de cet examen jaillirent soudain des clartés qui dissipèrent complètement l’obscurité qui m’avait jusqu’alors inquiété. […] Mais si, après en avoir été frappé et impressionné à la représentation, on veut encore se rendre mieux compte de ce qui a si vivement affecté, et étudier la partition de cette œuvre d’un genre si neuf, on reste étonné de toutes les intentions et nuances qu’elle renferme et qu’on ne saurait immédiatement saisir. […] Balzac, que les amères récriminations des hypocrites faisaient beaucoup souffrir, et qui attribuait une grande importance à cette question, saisit l’occasion de se disculper aux yeux de vingt mille lecteurs.
« On n’enrichira point ce genre d’instruction si l’on ne commence par le posséder tel qu’il existe. » Le futur historien a déjà lu les meilleurs livres d’histoire et il les a étudiés comme des modèles de style : « il y aura du profit à les lire une seconde fois, mais en se proposant plus particulièrement de saisir tous les faits qu’ils contiennent et de s’en pénétrer assez pour en conserver des souvenirs ineffaçables ». […] Quelle que soit la spécialité qu’il choisit dans le domaine de l’érudition, l’érudit doit avoir de la prudence, une force singulière d’attention et de volonté ; de plus, une tournure d’esprit spéculative, un désintéressement complet et peu de goût pour l’action, car il doit avoir pris son parti de travailler en vue de résultats lointains et problématiques, et presque toujours pour autrui. — Pour la critique des textes et pour la critique des sources, l’instinct du déchiffreur de problèmes, c’est-à-dire un esprit agile, ingénieux, fécond en hypothèses, prompt à saisir et même à « deviner » des rapports, est, en outre, très utile. — Pour les besognes de description et de compilation (inventaires, catalogues, corpus, regestes), l’instinct du collectionneur, un appétit de travail exceptionnel, des qualités d’ordre, d’activité et de persévérance, sont absolument indispensables118. — Telles sont les dispositions requises. — Les exercices de critique externe sont si amers pour les sujets qui n’ont pas ces dispositons, et, dans ce cas, les résultats obtenus sont si peu en rapport avec le temps dépensé, que l’on ne saurait s’assurer avec trop de soin de ses aptitudes avant d’entrer en érudition ». […] La chimie et la biologie ont besoin de saisir des faits délicats, des mouvements rapides, des états passagers, et de les mesurer en chiffres précis. […] — 3° Est-il exprimé en termes si généraux qu’une observation superficielle ait suffi pour le saisir (l’existence en général d’un homme, d’une ville, d’un peuple, d’un usage) ? […] On saisit leur procédé sur le vif toutes les fois qu’il est possible de comparer les historiens grecs et romains, Éphore et Tite-Live, par exemple, à leurs sources.
Tous ces sentiments cachés, fils non encore redressés de l’instinct, qui s’agitent au plus profond de nous, que nous taisons soigneusement et que nous ne nous avouons pas toujours à nous-mêmes, Euripide les saisit et les tire à la lumière. […] J’ai été saisi de pitié. […] Un dernier coup est porté à Hedda… Le pistolet qui a tué Eilert a été saisi chez Mlle Diane. […] Saisissez-vous, dans ce dernier vers, le retour du symbole concret à la réalité invisible dont il était la figure, et comme cette figure et cette réalité s’engendrent et se ramènent naturellement l’une l’autre ? […] Elle est d’ailleurs fort simple, et les mobiles qui font agir les personnages y sont des plus humains et des plus faciles à saisir.
et ne saisissez-vous pas une ressemblance de sentiment et de ton entre la méditation, encore tempérée, de Jean-Jacques, et les effusions miséricordieuses et effrénées de Rolla : Ô Chaos éternel, prostituer l’enfance ! […] Et Duclos saisit et définit fort bien les vices ou défauts caractéristiques de cette société restreinte : non pas tant encore le dérèglement des mœurs (dont je ne pense pas que Rousseau se crût exempt) que la vanité, la frivolité, l’abus de l’esprit, le « persiflage » (ce que nous appelons aujourd’hui la « blague »), la sécheresse et la dureté du cœur (ce que Gresset avait peint en 1745 dans le Méchant), le tout mêlé a des prétentions « philosophiques ». […] Une réforme morale aussi peu discrète, aussi peu silencieuse, est bien suspecte. — Au moment où il tâche de descendre en lui-même, l’opération est faussée par ce fait que, s’il s’examine, c’est pour se confesser non à un seul, ni à un homme revêtu d’un caractère sacré, mais à tout le monde, et qu’il est moins attentif à recueillir le fruit moral de son examen qu’à saisir les effets publics de sa confession. […] On juge que je ne la fis pas attendre ; mais en approchant, je fus saisi d’un tel tremblement qu’ayant trop rempli le verre, je répandis une partie de l’eau sur l’assiette et même sur elle. […] Enfin, à l’endroit où le plus honnête des hommes s’étend avec plus de plaisir sur l’attachement de la plus digne des femmes, le jeune voyageur, hors de lui, serre une main du mari qu’il a saisie, et de l’autre prend aussi la main de la femme, sur laquelle il se penche avec transport en l’arrosant de ses pleurs… (Tableau à la Diderot et à la Greuze.
Il est grimaçant sans être gai, pétulant sans être léger, effronté sans être caustique ; il a une voix de crécelle cassée qui le fatigue sans nous amuser ; il déblaie furieusement, de telle sorte qu’on ne saisit pas le tiers de ce qu’il dit ; enfin, c’est désastreux. […] Nous n’avons pas été émus, et je sais bien que c’est cela qui est vraiment le tout, mais il n’y a pas une intention du rôle, si légère soit-elle, que nous n’ayons saisie et juste telle qu’elle est ; et l’on avouera que ce n’est pas pour nous un mince gain, ni de la part de l’artiste un mince mérite. […] De là son arrêté de pluviôse an IV (1796) qui est à rapporter comme document, et aussi parce que, peut-être sans le vouloir, l’auteur y a mis le grain de sel, à côté des lourds ingrédients administratifs : « Le Directoire exécutif, informé que le royalisme et l’aristocratie, comprimés de toutes parts, s’agitent encore et cherchent un dernier asile dans les spectacles, où ils épient avec soin et saisissent avec avidité les occasions de troubler l’ordre ou de dépraver la morale publique, premier et puissant ressort du gouvernement républicain ; considérant que le but essentiel de ces établissements publics où la curiosité, le goût des arts et d’autres motifs attirent chaque jour un rassemblement considérable de citoyens de tout sexe et de tout âge, étant de concourir par l’attrait même du plaisir à l’épuration des mœurs et à la propagation des principes républicains, ces institutions doivent être l’objet d’une sollicitude spéciale de la part du gouvernement ; arrête : le bureau central de police et les administrations municipales feront fermer les théâtres sur lesquels seraient représentées des pièces tendantes à dépraver l’esprit public et à réveiller la honteuse superstition de la royauté! […] Germaine le saisit avant le départ.
Elle lui donna un ordre de silence, le doigt aux lèvres, et continuait à avancer, voulant saisir le roi en pleine trahison, éviter les détours, les subterfuges, les dissimulations inutiles ; mais le valet brava sa défense par une alarme à la d’Assas : « La reine, sire ! […] Saisi au milieu du sommeil, habillé en toute hâte, Zara — qui venait de passer des mains de la femme de chambre dans celles de la reine sans qu’un mot fût prononcé — ouvrait de grands yeux sous ses boucles fauves, mais ne questionnait pas, se souvenant confusément, dans sa petite tête encore bourdonnante, de réveils semblables pour des fuites précipitées, au milieu de figures pâlies et d’exclamations haletantes. […] À peine marié, Numa Roumestan trompe sa femme ; les détails de la constatation de cette trahison sont à ce point vivants, la scène est si sobrement et si nettement écrite, que nous devons la saisir au passage : Un jour d’été, — ils passaient la belle saison à Orsay dans la propriété des Le Quesnoy, — Rosalie, son père et son mari partis pour Paris comme ils faisaient chaque matin, s’aperçut qu’il lui manquait un petit modèle de la layette à laquelle elle travaillait. […] lui a dit le gentilhomme ; et de vigoureux gaillards saisissent Benjamin qui, l’épée sur la gorge, est obligé d’embrasser le marquis, ni sur le visage, ni sur la main !
Par son énorme influence et son universel crédit, il pouvait beaucoup pour la littérature, et il ne lui a rien donné, pas plus de lui que des autres, il ne lui a rien donné que des critiques, de l’esprit très fin, très méchant, très contourné, une intelligence très vive et très myope, aussi habile à saisir les petits côtés d’un homme sans en voir les grands, un art extrême à fleurir les épigrammes et à ciseler les ironies, une dextérité de prestidigitateur à faire prendre les coups d’épingle qu’il appliquait à pleine peau pour de prodigieux coups de sonde dans les profondeurs de l’intellect humain, une grâce apprêtée et minaudière de vieille coquette à jouer ces petits jeux académiques dont le mécanisme suranné dissimule mal les ridicules et les puérilités, et c’est tout. […] Il voulut se baigner, la fraîcheur de l’eau le saisit, une congestion pulmonaire subitement se déclara. […] Jules Huret et que, comme lui, j’eusse vu de près ces regards avides, ces bouches mauvaises, ces mains crochues, et que j’eusse, comme lui, respiré l’haleine fétide de ces âmes de bile, il me semble que, dès le cinquième escalier, saisi de dégoût, j’aurais pris la fuite vers les champs de silence, et que j’aurais fait le vœu, en caressant l’échine soyeuse d’un porc loyal, ignorant des littératures et des esthétiques, de finir mes jours parmi les bêtes, les belles bêtes, les bonnes bêtes, les belles, bonnes et consolantes bêtes, les bêtes dont le regard est si doux, les bêtes qui ne parlent jamais. […] Et encore, en y regardant de près, on ne saisit pas exactement la différence morale qui sépare des honnêtes gens, des gens réguliers que nous respectons et à qui nous pardonnons tout, ces vagabonds du meurtre, ces industriels du vice, dont l’ignominie nous révolte et nous dégoûte tant : les mêmes désirs, les mêmes passions, et presque les mêmes actes se répètent, des profondeurs où ils grouillent aux sommets où resplendit l’élite humaine.