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303. (1874) Premiers lundis. Tome I « Madame de Maintenon et la Princesse des Ursins — II »

Épouse du libertin Scarron, gouvernante des bâtards de Louis XIV, femme non avouée d’un roi qui n’avait pas toujours été scrupuleux, elle est partout la même, fidèle à la bienséance dans les moindres choses, et sauvant par une habileté de menus détails l’équivoque de sa position. […] C’est moi qui ai désiré ardemment l’archevêché de Paris : quelles terribles affaires avons-nous contre un prélat (le cardinal de Noailles) qui, étant irréprochable dans ses mœurs, tolère le plus dangereux parti qui pût s’élever dans l’Église ; qui désole sa famille, et afflige sensiblement le roi dans un temps où sa conservation est si nécessaire. » Il faut le dire, cependant, cette vénération excessive pour la personne du vieux monarque n’est souvent qu’un devoir d’épouse qui honore madame de Maintenon ; il semble que ce soit le seul sentiment capable d’enlever cette âme froide à elle-même, et d’en tirer des accents de véritable émotion. La lettre où elle rapporte la mort du dauphin et le deuil du roi est pleine de larmes, d’une simplicité parfaite et d’une onction pénétrante. Dans tout ce qu’elle écrit se mêle la pensée de Louis XIV ; elle en est absorbée ; sa sollicitude n’omet aucune circonstance sur la santé défaillante du vieillard ; une garde-malade n’en dit pas plus ; elle omettrait plutôt un succès de Villars qu’une prescription du médecin Fagon, et chaque fois que le roi prend sa médecine de précaution, madame des Ursins en est informée. […] J’ai vu mourir le roi comme un saint et comme un héros ; j’ai quitté le monde que je n’aimais pas ; je suis dans la plus aimable retraite que je puisse désirer ; et partout, madame, je serai toute la vie, avec le respect et l’attachement que je vous dois, votre très humble et très obéissante servante. » Nous ne pousserons pas plus loin ces citations, qui suffisent, ce nous semble, pour définir le caractère de madame de Maintenon.

304. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVIII » pp. 198-205

Le roi la fit jouer dans un divertissement qu’il donna à la reine et à sa mère devenue dévote depuis que Mazarin s’était refroidi pour elle. On lit dans la Muse historique de Loret ces vers : Le roi festoya l’autre jour La plus fine fleur de sa cour, Savoir sa mère et son espouse. […] La ligue du roi, de la cour, de Molière et de ses amis, était donc manifeste non seulement contre les exagérations et la pédanterie des précieuses, mais aussi contre la bienséance de tous les temps et de tous les pays. […] Molière devenu nécessaire au roi pour mes fêtes de Versailles et du Louvre, poète de tous les divertissements de la cour, était absous d’avance de toutes les libertés qu’il prenait avec le public. […] Ce n’est point assez dire, tout ce qu’il faisait était récompensé ; ce qui trois mois après L’Impromptu de Versailles, que le roi et Madame durent sur les fonts de baptême le fils qui lui était né quelque temps auparavant.

305. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — Les inscriptions des monumens publics de France doivent-elles être écrites en Latin ou en François. » pp. 98-109

Un avocat au conseil privé du roi, nommé Bélot, l’avoit réfuté. […] Le plus grand nombre étoit d’avis qu’on annonçât en François, aux peuples, les actions éclatantes des rois & les vertus des citoyens. […] Le roi lui-même voulut que, par la suite, les glorieux événemens de son règne fussent lus & entendus de tout le monde. Charpentier fut si enchanté de la fortune de son livre, qu’il en donna promptement avis au comte de Bussy, dans une lettre où il lui disoit : « J’ai présentement d’illustres sectateurs, & je ne pouvois pas espérer un plus heureux succès de mon opinion, que d’avoir fait résoudre le roi d’effacer les inscriptions latines de tous les tableaux historiques de la grande gallerie de Versailles, & d’y en mettre de Françoises, comme il y en a présentement. » Il est certain que les idées de cet académicien, zélé pour notre langue, contribuèrent beaucoup à la faire employer pour les tableaux de la gallerie de Versailles ; mais il ne l’est pas moins aussi, que les inscriptions qu’il donna furent effacées. […] Presque toutes les inscriptions des statues de nos rois sont en latin.

306. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — II. (Fin.) » pp. 36-54

Vous vous devez au roi et à la patrie… Priez, lisez, instruisez-vous. […] Il ne dépend pas de vous de faire l’impossible ; mais ce qui peut soutenir la réputation des armes du roi et la vôtre est que vous fassiez jusqu’à la fin tout ce qu’un vieux et grand capitaine ferait pour redresser les choses. […] On a beau lui en dire du bien, il ne sera content que « lorsqu’il le saura libre, ferme et en possession de parler (même au roi) avec une force douce et respectueuse… S’il ne sent pas le besoin de devenir ferme et nerveux, il ne fera aucun véritable progrès ; il est temps d’être homme ». […] Il sent, avec tout son esprit et toute sa distinction de nature, quelles sont les qualités nécessaires à un roi, à un chef de nation, à un des maîtres du monde. […] Sa grande innovation, ce fut de penser et de dire, en face de l’idolâtrie monarchique de Louis XIV, « que les rois étaient faits pour les sujets, et non les sujets pour les rois ».

307. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. »

Les liens de l’estime et de la confraternité ne peuvent plus exister entre nous et ceux qui professent des principes contraires, et si l’honneur pouvait être solidaire entre des hommes qui exercent la même profession à des distances Considérables, je me hâterais de protester contre un pareil abus, et je vous dirais hautement : L’avocat qui « chargé volontairement. de défendre un guerrier traître et rebelle à son roi, s’oublie jusqu’à justifier l’action en elle-même, qui cite comme un titre de gloire pour l’accusé le nom d’une bataille (celle de Waterloo) où il acheva de se rendre criminel en combattant contre son maître ; qui invoque à son secours le témoignage d’autres rebelles et les excite à rappeler les moyens qu’ils avaient pour forcer leur roi à la clémence ; l’avocat qui, s’entourant de honteux détours, de méprisables subterfuges, d’ignobles entraves, enlève ainsi au prévenu, autant qu’il est en lui, son dernier honneur, celui du courage, cet avocat a perdu son titre à nos yeux : je me sépare à jamais de lui. » On a beau dire que tout moyen est bon à un avocat pour sauver son client, M. de Martignac passait ici toute mesure, et il est difficile d’admettre qu’il n’obéissait pas lui-même, en s’exprimant de la sorte, à un accès de la fièvre politique qui sévissait partout autour de lui. […] Decazes, ministre de la police, gagnait chaque jour en crédit auprès du roi et devait, lui aussi, avec infiniment moins d’élévation, mais avec bien de l’insinuation et de l’habileté, devenir à son tour l’un des agents actifs de la politique modérée et conciliante : il ne l’était pas encore décidément à cette première date, et plusieurs de ceux avec qui il marcha bientôt de concert, étaient plutôt sensibles d’abord à ses défauts apparents qui étaient un ton de suffisance et des airs de favori déguisant mal quelque vulgarité. […] Domingon, s’approchant pour prêter serment, voulut commenter sa pensée : « Je demande, dit-il, à mon seigneur et roi la parole pour… » Il fut interrompu par le duc de Richelieu qui, après s’être incliné vers le roi comme pour recevoir ses ordres, rappela que l’usage immémorial de la monarchie ne permettait pas, dans des occasions semblables, de prendre la parole en présence du monarque sans sa permission, et ordonna, au nom de Sa Majesté, de continuer l’appel nominal. […] Lainé, déjà connu et illustre comme orateur en 1814, fut nommé par le roi président de la Chambre ; le choix était bon. […] Cet honnête homme à imagination ardente, et qui n’admettait guère qu’on pût sentir et penser autrement que lui-même, lui arracha une phrase par laquelle on supplia formellement le roi de s’en tenir à la clémence pour le passé et d’y mettre un terme, eu laissant cours à la justice et à la sévérité des lois pour l’avenir.

308. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

La masse commence à oublier qu’il y ait jamais eu un roi, et, une fois la paix faite au-dehors et un régime doux au-dedans, le peuple n’aura plus d’intérêt à désirer un autre ordre de choses. […] Personne ne peut parler du roi à Paris sans se faire rire au nez. […] Que Carnot ou le duc d’Orléans, que Louis XVIII ou un infant d’Espagne soient roi, pourvu qu’ils gouvernent tolérablement, le public sera content. […] Qu’on reconnaisse le roi ou non, cela ne vaut pas six liards ; c’est de la France, et non d’étrangers battus, conspués, haïs, qu’il doit se faire adopter. […] C’est qu’à cette date il n’avait plus rien à apprendre sur les princes émigrés et sur leurs irrémédiables chimères, et qu’il pressentait que la solution prochaine, même quand elle produirait un roi et un maître, ne l’irait pas chercher de leur côté.

309. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite et fin.) »

Balbi essaya de lui insinuer des propositions pour ramener la Cour de Versailles à des sentiments plus pacifiques et moins autrichiens, et voyant que le maréchal ne se croyait pas assez d’influence à Versailles pour s’y faire négociateur, il se rabattit à lui demander qu’il voulût au moins avoir quelque ménagement pour les provinces du roi où il faisait la guerre. […] Il avait ordre, en arrivant à l’armée, d’écrire à tous les Électeurs et princes de l’Empire avec lesquels on n’était point en guerre, « pour leur donner part du choix que le roi avait fait de lui, et leur marquer que Sa Majesté était dans la ferme résolution de faire observer la plus exacte discipline dans ses troupes et d’empêcher toute vexation. » Arrivé à l’armée, ses fautes de général commencèrent dès le premier jour. […] Trois ou quatre jours auparavant, le maréchal de Belle-Isle, ministre de la guerre, ayant reçu un courrier du comte de Clermont, qui n’apportait que des détails sur la position de l’armée, jugea pourtant devoir en rendre compte immédiatement au roi ; il le trouva dans la cour du château, déjà en carrosse, prêt à partir pour le pavillon de Saint-Hubert, et il n’hésita pas à faire arrêter le carrosse pour donner les lettres à lire : « Cela dura un demi-quart d’heure, nous dit M. de Luynes, et fit un spectacle, car il n’est pas ordinaire de voir un secrétaire d’État, ni qui que ce soit, faire arrêter les carrosses du roi, et c’est peut-être la première fois que cela est arrivé, au moins depuis longtemps. » Une victoire, en effet, eût été un grand soulagement après une aussi triste campagne, et, sans réparer les fautes, elle les eût couvertes ; l’honneur du comte de Clermont eût été sauvé. […] Rappelé sur le coup et relevé de son commandement, il était rendu à Versailles le vendredi 21 juillet ; il y vit le maréchal de Belle-Isle, et ensuite le roi dans son cabinet. « Le roi lui dit qu’il le trouvait maigri ; il lui parla de sa santé, de la ville de Cologne, de l’élection du pape ; enfin il fit la conversation avec lui pendant trois quarts d’heure comme à l’ordinaire. » Roi et prince du sang, voilà des gens assurément d’humeur commode et sans bile : je ne les en félicite pas.

310. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIV. La commedia dell’arte au temps de Molière (à partir de 1662) » pp. 265-292

Ils obtinrent d’alterner de nouveau avec la troupe de Molière ; ils prirent à leur tour les jours extraordinaires, et, sur l’ordre du roi, ils restituèrent aux Français les quinze cents livres qu’ils avaient reçues de ceux-ci en 1658, contribuant ainsi pour leur part aux frais d’établissement de la salle du Palais-Royal. […] Le roi leur fit une pension annuelle de 15 000 liv. […] Se trouvant au souper du roi, Dominique avait les yeux fixés sur un certain plat de perdrix ; Louis XIV, qui s’en aperçut, dit à l’officier qui desservait : « Que l’on donne ce plat à Dominique. […] — Et les perdrix aussi », reprit le roi qui avait compris le trait. […] Louis XIV avait assisté incognito, au retour de la chasse, à une pièce italienne que l’on avait donnée à Versailles ; le roi dit, en sortant, à Dominique : « Voilà une mauvaise pièce. — Dites cela tout bas, lui répondit Arlequin, parce que, si le roi le savait, il me congédierait avec ma troupe. » Dominique joignait l’étude à ses dispositions naturelles.

311. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Despréaux, avec le plus grand nombre des écrivains de son temps. » pp. 307-333

Il fut un vrai roi de théâtre. […] Le ministre Colbert le chargea de faire la liste des sçavans les plus dignes des bienfaits du roi. […] Il fatigua, tout ce temps-là, Louis XIV, par des lettres fréquentes qui décélent, si ce n’est une ame fausse, une ame au moins petite & foible : mais le roi fut inflexible. […] Boursault fit, par ordre du roi, pour l’éducation du dauphin, un livre intitulé l’Étude des souverains. […] On a mis depuis, par dérision, un privilège du roi en musique.

312. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « H. Forneron » pp. 149-199

lui à qui j’ai reproché d’avoir été, dans ses Guise, plus politique que religieux, il a préféré pour nouveau sujet d’histoire le roi religieux au roi politique. Il a sauté par-dessus Charles-Quint — l’équivoque Charles-Quint — pour n’avoir plus devant lui que ce Net terrible de Philippe II, le roi le plus net (rey netto) qu’ait eu jamais l’Espagne ! […] Mais il fut un roi catholique, ou plutôt le roi catholique, dans le sens le plus incompatible, le plus impérieux, le plus absolu. […] Ce sombre Cloîtré de l’Escurial, qui fait l’effet d’on ne sait quel terrible moine enfroqué dans un manteau de roi, avait tout du moine, excepté la chasteté. […] Les rois, qui auraient dû s’entendre entre eux pour conjurer un danger qui les menaçait tous ; les rois, dont pas un seul en Europe ne savait son métier quand la Révolution éclata, ne s’entendirent pas plus que les émigrés et les révolutionnaires.

313. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 28, de la vrai-semblance en poësie » pp. 237-242

Quinault, intitulée le faux Tiberinus , où le poëte suppose que Tiberinus roi d’Albe étant mort dans une expedition, un de ses generaux, afin d’empêcher le découragement des troupes, dérobe à leur connoissance la mort du roi. Pour mieux cacher l’accident, il fait soutenir à son propre fils le personnage du roi Tiberinus, à la faveur d’une ressemblance parfaite qui se trouvoit entre le roi et Agrippa. […] Son pere suppose encore, pour mieux cimenter l’imposture, que le roi mort a fait tuer secretement Agrippa.

314. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

Il avait contre lui les souvenirs de la Fronde, et d’avoir guerroyé contre le roi. […] Les Auvergnats n’ont jamais si bien connu qu’ils ont un roi comme ils font à présent. […] Une dame de la campagne se plaignait que tous ses paysans avaient acheté des gants et croyaient qu’ils n’étaient plus obligés de travailler, et que le roi ne considérait plus qu’eux dans son royaume. […] Nommé par le roi en 1685 évêque de Lavaur, et en 1687 évêque de Nîmes, il n’en eut les bulles que plus tard par suite des démêlés de la France avec le Saint-Siège. […] Jugez si je recule pour personne quand il s’agit du service du roi.

315. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre III. L’écrivain »

Bossuet le mène, et les spectateurs contemplent avec respect l’auguste étalage des robes violettes, des chapeaux à plumes et des jupes lamées qui s’ordonnent en belles rangées sous les yeux du roi. […] Les paysans s’y trouvent, et à côté d’eux les rois, les villageoises auprès des grandes dames, chacun dans sa condition, avec ses sentiments et son langage, sans qu’aucun des détails de la vie humaine, trivial ou sublime, en soit écarté pour réduire le récit à quelque ton uniforme ou soutenu. […] Au reste peu importe « qui vous mange, homme ou loup ; toute panse lui paraît une à cet égard. » Il est résigné, sait ce que vaut le roi lion, quelles sont les vertus des courtisans mangeurs de gens », mais croit que les choses iront toujours de même, et qu’il faut s’y accommoder. […] il loue la trahison politique : « Le sage dit, selon les gens : Vive le roi ! […] Platon, à ce qu’on rapporte, ayant appris que le grand roi voulait connaître les Athéniens, fut d’avis qu’on lui envoyât les comédies d’Aristophane ; si le grand roi voulait nous connaître, ce sont les livres de La Fontaine qu’il faudrait lui porter.

316. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VII. Les hommes partagés en deux classes, d’après la manière dont ils conçoivent que s’opère en eux le phénomène de la pensée » pp. 160-178

Tout pouvoir fut donné aux rois, chez les Juifs. […] Voyez ce que dit Samuel aux peuples qui demandaient un roi. […] Les rois alors avaient cette sorte de liberté qui est accordée encore aux sujets. Le roi n’avait de compte à rendre à personne ; c’est devant Dieu seul qu’il péchait, selon le langage de l’Écriture. […] Les rois étaient enfants de Jupiter, et la volonté des rois était l’expression de la volonté même de Dieu.

317. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Léon XIII et le Vatican »

Avant d’être un noble roi, Henri V d’Angleterre fût le ribaud et le voleur de nuit qu’a peint Shakespeare. Plus près de nous, Frédéric II, celui qu’on appelle le Grand Frédéric, était un poltron avant d’être un héros, et le plus niais des joueurs de flûte avant de devenir ce glorieux et fameux joueur d’épée qu’il fut, une fois roi… Ceux qui lisent l’histoire le savent bien. […] Léopold savait se mouvoir avec une rare souplesse dans cette forme de gouvernement imposée aux rois par la défiance des peuples, et qui lie toujours plus ou moins les bras à la Royauté, en attendant qu’elle l’étrangle… L’honneur historique de Léopold sera d’avoir dégagé sa personnalité de roi d’un système qui ne tend qu’à l’effacer, quand on en a une. […] Pie IX, qui, comme Louis XVI, oubliait qu’il n’est pas toujours, comme dit Rivarol, « permis à un roi d’être bon », ne devait pas être naturellement attiré vers un homme dont l’esprit était incorruptible aux idées qui ont fait de l’Italie ce qu’elle est devenue, et qui, dès ce temps-là, en avait peut-être, lui, silencieusement mesuré la dangereuse portée. […] pas les rois débiles de ces monarchies qui les empêcheront d’y tomber.

318. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

qui doit veiller à l’éducation de ses enfants, si ce n’est un roi ? […] De Réflexions sur le Métier de Roi ; 4º. […] « Portez cela au roi, dit-elle. […] Dans l’endroit où elle est placée63, elle se rapporte aux rois, uniquement aux rois. […] La Rochefoucauld avait fait la guerre aux rois.

319. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Gustave III »

Eh bien, c’est dans ce ton qu’il va, qu’il va droit devant lui, comme s’il revenait de… Stockholm ou de Pontoise, ne faisant jaillir sur sa route ni aperçu nouveau, ni opinion nette dont l’esprit du lecteur puisse être reconnaissant au sien, sur ce règne brillant et délabré qui commença si bien et finit si mal, plus semblable à un carrousel ou à une représentation théâtrale qu’au règne d’un roi sérieux qui sent sa fonction jusque dans le plus profond de sa conscience ! […] C’est là ce qui explique tout dans la vie de cet incroyable roi, que Catherine, en belle mauvaise humeur, comparait spirituellement à « un comédien en voyage », et justement c’est ce qui explique ses ribambelles de voyages qui n’étaient que de la coquetterie étouffant dans cette toute petite Suède, et qui voulait déborder sur le monde et y régner sur tous les cœurs ! […] Ce chef-d’œuvre de bonne humeur dans l’audace et l’exécution, qui refit un roi en Suède, rétablit la tradition historique, et arracha le pays aux oligarques corrompus qui le vendaient, morceau par morceau, aux enchérisseurs étrangers, fut la grande leçon donnée pour jamais aux Pouvoirs faibles qui savent oser… Et ce restera la gloire de Gustave III de l’avoir donnée, cette leçon. […] Le roi de théâtre qu’il avait été trop fit payer l’autre roi qu’il était aussi, cet autre roi qui, le jour même de son coup d’État, avait su mettre si lestement par-dessus ses bas à jour, aux coins d’or, la botte que Charles XII portait à Bender, et qu’il voulut envoyer à la Suède révoltée, pour la gouverner pendant son absence !

320. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVII. Des panégyriques ou éloges adressés à Louis XIII, au cardinal de Richelieu, et au cardinal Mazarin. »

Cependant plusieurs des panégyristes qui avaient loué le père célébrèrent le fils ; mais le père fut loué à titre de grand homme et le fils trop souvent à titre de prince ; ce n’est pas que Louis XIII n’eût des qualités d’un roi, mais aucune n’eut de l’éclat. […] On sent bien qu’un tel caractère est peu favorable aux éloges ; mais les panégyristes poursuivent encore plus les rois, que souvent les rois ne sont empressés à les fuir ; il paraît même que Louis XIII en fut importuné ; peut-être même que son esprit naturel lui fit haïr de bonne heure un genre d’éloquence qui, le plus souvent, n’a rien de vrai, et qui au moins est vide d’idées ; peut-être aussi qu’un homme calme et sans passions doit mieux sentir le ridicule de ce qui est exagéré ; et c’est le vice nécessaire de tout ce qui est harangue ; peut-être enfin que tant d’éloges sur de grands événements auxquels il avait peu de part, lui rappelaient un peu trop sa faiblesse et une gloire étrangère. Quoi qu’il en soit, on rapporte que se regardant un jour dans une glace, étonné de se voir déjà tant de cheveux blancs, il en accusa les complimenteurs et panégyristes éternels qu’il était condamné à entendre depuis qu’il était roi. […] Ces deux guerres où un roi eut le malheur de combattre contre ses peuples, furent véritablement l’époque la plus brillante de sa vie. […] Ils l’ont peint comme un esprit souple et puissant, qui, malgré les ennemis et les rivaux, parvint aux premières places, et s’y soutint malgré les factions ; qui opposait sans cesse le génie à la haine, et l’activité aux complots ; qui, environné de ses ennemis, qu’il fallait combattre, avait en même temps les yeux ouverts sur tous les peuples ; qui saisissait d’un coup d’œil la marche des États, les intérêts des rois, les intérêts cachés des ministres, les jalousies sourdes ; qui dirigeait tous les événements par les passions ; qui, par des voies différentes, marchant toujours au même but, distribuait à son gré le mouvez ment ou le repos, calmait la France et bouleversait l’Europe ; qui, dans son grand projet de combattre l’Autriche, sut opposer la Hollande à l’Espagne, la Suède à l’Empire, l’Allemagne à l’Allemagne, et l’Italie à l’Italie ; qui, enfin, achetait partout des alliés, des généraux et des armées, et soudoyait, d’un bout de l’Europe à l’autre, la haine et l’intérêt. 

321. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre Premier »

Elles apparaissent, dès les premiers âges, dans le haut Orient, et, littéralement, elles y règnent, car ce sont des rois qui en sont atteints. […] Il s’agit de frapper le cardinal dans l’hôtel même de Monsieur, le frère du roi, auquel il doit aller le lendemain rendre visite. […] M. de Pienne conduit Diane dans la chambre du roi pour l’obtenir. […] Le roi chasse Richelieu en l’appelant un valet, Dieu me pardonne ! […] Non, ce n’est pas ainsi qu’un roi congédie son ministre, quand ce ministre est un grand homme et un prince de l’Église ; et ce n’est pas ainsi qu’un sujet répond à son roi et se défend contre une disgrâce : il ne menace pas, il persuade ; il ne somme pas, il plaide sa cause.

322. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

C’est à l’Assemblée nationale, c’est au Roi, c’est à tous les administrateurs, c’est à la Patrie entière à s’envelopper la tête pour n’être pas de complaisants ou de silencieux témoins d’un outrage fait à toutes les autorités et à la Patrie entière. […] Aristote et Burke avaient déjà remarqué que le caractère moral du démagogue flatteur du peuple, et celui du courtisan flatteur des rois, se ressemblent identiquement au fond. La forme seule de la majesté qu’ils flattent a changé : l’un de ces rois n’a qu’une tête, l’autre en a cinq cent mille. […] André Chénier a remarqué spirituellement qu’au théâtre on flagorne le peuple, depuis qu’il est souverain, aussi platement qu’on flagornait le roi, du temps que le roi était tout, et que le parterre, qui représente le peuple en personne, applaudit et fait répéter toutes les maximes adulatrices en son honneur aussi naïvement que Louis XIV fredonnait les prologues de Quinault à sa louange, pendant qu’on lui mettait ses souliers et sa perruque. […] Il suppose, il rédige une adresse de ce même roi à l’Assemblée, datée de juin 1792, et où il le fait parler avec autant de bon sens que de dignité.

323. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

Ce Renaudot qui avait titres et qualités : « Docteur en la faculté de médecine de Montpellier, médecin du roi, commissaire général des pauvres, maître et intendant général des bureaux d’adresse de France », était un homme à idées modernes comme plus tard l’a été Charles Perrault. […] Mais quand le roi fut mort et qu’on fut sous la bonne régente, la Faculté jugea que le moment était venu d’avoir raison du Gazetier que Richelieu n’était plus là pour protéger. […] Il nous apprend qu’il avait pour collaborateur le roi lui-même : « Chacun sait que le roi défunt ne lisait pas seulement mes Gazettes, et n’y souffrait pas le moindre défaut, mais qu’il m’envoyait presque ordinairement des mémoires pour y employer. » Quand le roi était éloigné de Paris, il envoyait des courriers d’un bout du royaume à l’autre, à lui Renaudot, pour lui faire savoir ce qu’il devait insérer ; et plus d’une fois, lorsque le courrier de Paris qui était porteur de la Gazette éprouvait quelque retard, il arriva que le roi témoigna son impatience. […] On voit à quel point le Parlement et les gens du roi entraient avant et prenaient parti dans ces guerres des corps contre les libres survenants. […] [NdA] On lit dans les Mémoires historiques et critiques de Mézeray, à l’article Avocat : « Jean Patin, avocat du roi au présidial de Beauvais, pensa être assommé par la populace ligueuse.

324. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — III. (Fin.) » pp. 371-393

Les amours des rois ne sont pas des tendresses de nourrices. […] Dès sa jeunesse et du temps qu’il était à Metz, il s’était déjà occupé de Louis XII ; il y revient en vieillissant, et il fait de lui son héros de prédilection et son roi. […] La politique se mêla encore à ses derniers jours : il avait écrit un petit livre : L’Esprit de la Révolution de 1789 ; il en communiqua le manuscrit au duc d’Orléans (depuis roi) en 1829, et il le publia en 1831. […] Il combattit la fameuse doctrine : Le roi règne et ne gouverne pas. Il montra que, dans un gouvernement naissant et dans un ordre à peine établi, le roi ne pouvait, sans inconvénient et sans danger, être ce soliveau que les Français n’aiment jamais sentir dans leur chef.

325. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

Une autre recommandation de cette vertueuse mère, et qu’elle ramenait souvent, était de ne point s’attacher, en définitive, aux princes ou membres de la famille royale, mais au roi seul : « Attachez-vous, mon fils, non aux branches, mais au tronc de l’arbre. » Hors de là, point de salut. […] Vers 1684, il était venu à Louis XIV une ambassade de Siam, de laquelle il semblait résulter qu’il suffisait d’envoyer au roi siamois un ambassadeur et quelques missionnaires pour le convertir au christianisme, lui et ses sujets. […] On crie Vive le roi ! Choisy n’a garde de l’oublier, car, après Dieu et à côté de Dieu, le roi a tous les honneurs : « On respecte beaucoup Sa Majesté sur la terre, mais on l’aime bien sur mer », ajoute-t-il avec une sorte de tendresse qui n’est pas jouée. […] Je vous promets pourtant bien sérieusement de vous entretenir presque toujours du roi, ce sera ma basse continue ; et si, de temps en temps, vous me trouvez à quelque coin, passez par-dessus moi.

326. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

Être officier du roi, ce fut toujours sa prétention, son espérance, et qui ne fut jamais entièrement remplie. […] Bernardin reçut un jour avis que le roi lui accordait une gratification sur le Mercure, et qu’il n’avait qu’à passer à la caisse pour la toucher. […] Elle venait d’être signée hier lorsque le ministre m’a renvoyé votre inconcevable lettre où vous rejetez ce qui vous est offert de la part du roi. […] Vos mémoires, quelque utiles qu’ils puissent être, ne sont point un titre pour demander des grâces du roi comme une chose due. […] Jamais on ne refuse les bienfaits du roi, à moins qu’ils ne soient humiliants, et celui qui vous est offert est honorable.

327. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Feuilles d’automne » (1831) »

Ce n’est partout, sur le sol de la vieille Europe, que guerres religieuses, guerres civiles, guerres pour un dogme, guerres pour un sacrement, guerres pour une idée, de peuple à peuple, de roi à roi, d’homme à homme, que cliquetis d’épées toujours tirées et de docteurs toujours irrités, que commotions politiques, que chutes et écroulements des choses anciennes, que bruyant et sonore avènement des nouveautés ; en même temps, ce n’est dans l’art que chefs-d’œuvre. […] C’est l’écho de ces pensées, souvent inexprimables, qu’éveillent confusément dans notre esprit les mille objets de la création qui souffrent ou qui languissent autour de nous, une fleur qui s’en va, une étoile qui tombe, un soleil qui se couche, une église sans toit, une rue pleine d’herbe ; ou l’arrivée imprévue d’un ami de collège presque oublié, quoique toujours aimé dans un repli obscur du cœur ; ou la contemplation de ces hommes à volonté forte qui brisent le destin ou se font briser par lui ; ou le passage d’un de ces êtres faibles qui ignorent l’avenir, tantôt un enfant, tantôt un roi. […] Il répétera en outre ici ce qu’il a déjà dit ailleurs8 et ce qu’il ne se lassera jamais de dire et de prouver : que, quelle que soit sa partialité passionnée pour les peuples dans l’immense querelle qui s’agite au dix-neuvième siècle entre eux et les rois, jamais il n’oubliera quelles ont été les opinions, les crédulités, et même les erreurs de sa première jeunesse. […] D’ailleurs, quelles que soient les fautes, quels que soient même les crimes, c’est le cas plus que jamais de prononcer le nom de Bourbon avec précaution, gravité et respect, maintenant que le vieillard qui a été le roi n’a plus sur la tête que des cheveux blancs.

328. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXV. De Paul Jove, et de ses éloges. »

En Espagne, vous trouverez Ferdinand-le-Catholique, qui chassa et vainquit les rois Maures, et trompa tous les rois chrétiens ; Charles-Quint, heureux et tout-puissant, politique par lui-même, grand par ses généraux, et cette foule de héros dans tous les genres qui servaient alors l’Espagne ; Christophe Colomb, qui lui créa un nouveau monde ; Fernand Cortez qui, avec cinq cents hommes, lui soumit un empire de six cents lieues ; Antoine de Lève qui, de simple soldat, parvint à être duc et prince, et plus que cela grand homme de guerre ; Pierre de Navarre, autre soldat de fortune, célèbre par ses talents, et parce que le premier il inventa les mines ; Gonzalve de Cordoue, surnommé le grand Capitaine, mais qui put compter plus de victoires que de vertus ; le fameux duc d’Albe, qui servit Charles-Quint à Pavie, à Tunis, en Allemagne, gagna contre les protestants la bataille de Mulberg, conquit le Portugal sous Philippe II, mais qui se déshonora dans les Pays-Bas, par les dix-huit mille hommes qu’il se vantait d’avoir fait passer par la main du bourreau ; enfin, le jeune marquis Pescaire, aimable et brillant, qui contribua au gain de plusieurs batailles, fut à la fois capitaine et homme de lettres, épousa une femme célèbre par son esprit comme par sa beauté, et mourut à trente-deux ans d’une maladie très courte, peu de temps après que Charles-Quint eut été instruit que le pape lui avait proposé de se faire roi de Naples. […] Les rois de France, poussés et par leur propre inquiétude et par celle de leur nation, avaient la fureur de conquérir Naples et Milan. […] Si vous portez vos regards plus loin, vous trouverez en Hongrie ce fameux Jean Hunniade qui combattit les Turcs, et simple général d’un peuple libre, fut plus absolu que vingt rois ; et ce Mathias Corvin son fils, le seul exemple peut-être d’un grand homme fils d’un grand homme ; en Épire, Scanderberg, grand prince dans un petit État ; et parmi les Orientaux, ce Saladin, aussi poli que fier, ennemi généreux et conquérant humain ; Tamerlan, un de ces Tartares qui ont bouleversé le monde ; Bajazet qui commença comme Alexandre, et finit comme Darius : d’abord le plus terrible des hommes, et ensuite le plus malheureux ; Amurat II, le seul prince turc qui ait été philosophe, qui abdiqua deux fois le trône, et y remonta deux fois pour vaincre ; Mahomet II, qui conquit avec tant de rapidité, et récompensa les arts avec tant de magnificence ; Sélim, qui subjugua l’Égypte et détruisit cette aristocratie guerrière établie depuis trois cents ans aux bords du Nil, par des soldats tartares ; Soliman, vainqueur de l’Euphrate au Danube, qui prit Babylone et assiégea Vienne ; le fameux Barberousse Chérédin, son amiral, qui de pirate devint roi ; et cet Ismaël Sophi, qui au commencement du seizième siècle, prêcha les armes à la main, et en dogmatisant conquit la Perse, comme Mahomet avait conquis l’Arabie.

329. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

Le comte-abbé, pour ce gros morceau, dut lâcher et rendre au roi les quatre abbayes de Marmoutiers, Saint-Claude, Cercamp et Buzay, qui valaient au moins 80,000 livres de rente. […] Il se vit, au retour, dans l’obligation de vendre au roi sa terre de Châteauroux en Berry (1736). […] Le roi ne parut point blessé de ce discours ; au contraire, il dit à M. le comte de Clermont de rester, et l’ordre accoutumé fut rétabli. » Le comte de Clermont était en veine de courage ces années-là. […] Cette citadelle prise, Rochambeau, qui, au commencement de cette campagne, était aide de camp du duc de Chartres, demanda à ce prince, au moment où il repartait pour Paris à la suite du roi, de le laisser avec son oncle le comte de Clermont, à qui le maréchal de Saxe venait de donner des troupes légères et l’avant-garde de l’armée à commander. […] Msr le comte de Clermont, au château de Saint-Paul, un détachement d’un capitaine et de 50 maîtres, pour lui servir de garde et d’escorte ; ce prince est hors d’état d’être transporté, et je lui dois tous les respects dus à un prince du sang du roi mon maître.

330. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Boileau. » pp. 494-513

Jusque dans un âge assez avancé, il recevait volontiers ceux qui l’écoutaient et qui faisaient cercle autour de lui : Il est heureux comme un roi, disait Racine, dans sa solitude ou plutôt dans son hôtellerie d’Auteuil. […] Le roi à table s’informait souvent de sa santé ; les princes et princesses s’y joignaient : « Vous fîtes, lui écrivait Racine, l’entretien de plus de la moitié du dîner. » Boileau était chargé avec Racine, depuis 1677, d’écrire l’Histoire des campagnes du roi. […] Mais jusque-là, et dans les six mois qui s’étaient écoulés d’une élection à l’autre, le roi (remarque d’Olivet) n’avait laissé qu’à peine entrevoir son inclination, « parce qu’il s’était fait une loi de ne prévenir jamais les suffrages de l’Académie ». Nous avons connu des rois qui étaient moins délicats en cela que Louis XIV. […] Boileau, c’est-à-dire le bon sens du poète critique, autorisé et doublé de celui d’un grand roi, les contint tous et les contraignit, par sa présence respectée, à leurs meilleures et à leurs plus graves œuvres.

331. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Marguerite, reine de Navarre. Ses Nouvelles publiées par M. Le Roux de Lincy, 1853. » pp. 434-454

Mariée à dix-sept ans au duc d’Alençon, prince insignifiant, elle gardait tout son dévouement et toute son âme pour son frère ; aussi, lorsqu’à la dixième année du règne arriva le désastre de Pavie (25 février 1525), et que Marguerite et sa mère apprirent la destruction de l’armée française et la captivité de leur roi, on conçoit le coup qu’elles reçurent. […] Telle était alors la douleur vraie de la France pour la perte de son roi. […] Et qui ne considérerait avec admiration dans la sœur d’un si grand roi des qualités qu’on a peine à trouver même chez les prêtres et chez les moines ? […] C’est ainsi qu’à deux ou trois reprises elle essaya de sauver le malheureux Berquin, gentilhomme artésien, qui se mêlait de dogmatiser, et qui, malgré tous les efforts de la princesse auprès du roi son frère, finit par être brûlé en Grève, le 24 avril 1529. […] Le connétable de Montmorency, parlant au roi de la nécessité de purger d’hérétiques le royaume, ajouta qu’il lui faudrait commencer à la Cour même et par ses proches, et il nommait la reine de Navarre.

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