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2314. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

Les Allemands crièrent à Klopstock : — Rendez le diplôme ! […] Du reste, c’est mon opinion générale sur elle, qu’elle nous rend d’un côté ce qu’elle nous fait perdre d’un autre. […] Dans l’espèce qui nous occupe, c’est son devoir de faire comme à son ordinaire, et si elle nous rend plus pusillanime devant la mort, en exagérant notre sensibilité, de nous rendre plus calmes devant elle en nous enseignant ce qu’elle est en soi et en la dépouillant de son mystère. […] Elle donne rendez-vous. […]  » — Je songe à cette traduction d’abord : une femme qui va à un rendez-vous.

2315. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1871 » pp. 180-366

Dumas, un ordre de l’État-Major vient de faire rendre draps et palmiers. […] Ils vous citent avec orgueil l’hommage rendu à notre héroïsme par les Prussiens, et espèrent presque que Trochu va être reconnu comme un grand homme de guerre. […] Il y a une place de conseiller vacante, je crois que cette nomination le rendrait très heureux. […] Le régime républicain est-il capable de lui rendre cette discipline, sans laquelle les sociétés ne peuvent vivre ? […] Je tombe sur Berthelot, que les événements de ce temps ont affaissé, ont rendu comme bossu.

2316. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

C’était aussi Lucien Arnault, qu’un Régulus en cinq actes avait rendu célèbre. […] Je vais te payer le prix convenu pour le service que tu lui as rendu. […] C’est pour vous la seule manière de rendre possible une paix sérieuse entre vous et la nation russe. […] Et il se rend un compte fort exact des raisons qui le poussent à cette prédilection. […] Ils ont enveloppé d’illusions la vie réelle et l’ont rendue, par ce moyen, à peu près supportable.

2317. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Avant-propos »

Même à ce point de simplification, il nous paraît garder cette indéniable utilité de donner à son auteur une occasion publique de manifester sa gratitude à l’égard de tous ceux qui lui furent bienveillants, efficaces et doux, de lui permettre un partiel acquittement de la dette accumulée, — et, ayant reçu pendant vingt années, de rendre à son tour.

2318. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bertrand, Aloysius (1807-1841) »

Sainte-Beuve Son rôle eût été, si ses vers avaient su se rassembler et se publier alors, de reproduire avec un art achevé, et même superstitieux, de jolis ou grotesques sujets du moyen âge finissant de nous rendre quelques-uns de ces joyaux, j’imagine, comme les Suisses en trouvèrent à Morat dans le butin de Charles le Téméraire.

2319. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Villehervé, Robert de la = Le Minihy de La Villehervé, Robert (1849-1919) »

Aussi n’est-il point classé dans l’Anthologie des poètes du xixe  siècle (Alphonse Lemerre, éditeur), ayant cela de commun avec Catulle Mendès, Louis Ménard, Raoul Ponchon et plusieurs autres… Dans son si remarquable volume : Nos poètes, le regretté Jules Tellier, récemment, rendait un enthousiaste hommage au maître écrivain de la Nuit, lui assignait une place au premier rang parmi ceux qui auront eu la gloire de jeter un suprême et éblouissant éclat sur la fin de ce siècle grandiose.

2320. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 367-370

Vigneil-Marville, l’Abbé Bourzeis, l’Abbé Fraguier, Fontenelle, &c. ont rendu les plus grands hommages à son mérite.

2321. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 459-462

Sauveur, plusieurs autres, & de nos jours un simple Berger, ont rendu ce phénomene moins étonnant.

2322. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 480-482

Après lui avoir rendu sa liberté, il l’emmena avec lui dans ses Campagnes, & lui accorda souvent l’honneur de coucher dans sa chambre.

2323. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Greuze  » pp. 157-158

Celui de Babuti beau-père de Greuze est de toute beauté ; et ces yeux éraillés et larmoyants ; et cette chevelure ; et ces chairs ; et cette vie, et ces détails de vieillesse qui sont infinis au bas du visage et autour du col ; il les a tous rendus, et cependant sa peinture est large.

2324. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Bellengé » p. 204

Ces sortes de compositions, outre le technique général de l’art, ont une poétique qui leur est particulière ; on peut rendre raison du profil élégant d’un vase, de la grâce d’une guirlande.

2325. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 9, comment on rend les sujets dogmatiques, interessans » pp. 64-66

Section 9, comment on rend les sujets dogmatiques, interessans Quand Virgile composa ses georgiques qui sont un poëme dogmatique, dont le titre nous promet des instructions sur l’agriculture et sur les occupations de la vie champêtre, il eut attention à le remplir d’imitations faites d’après des objets qui nous auroient attachez dans la nature.

2326. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

Aussi je le dis hautement, quelques souffrances que nous éprouvions de la part de nos père et mère, songeons que sans eux nous n’aurions pas le pouvoir de les subir et de les souffrir, et alors nous verrons s’anéantir pour nous le droit de nous en plaindre ; songeons enfin que sans eux nous n’aurions pas le bonheur d’être admis à discerner le juste de l’injuste ; et, si nous avons occasion d’exercer à leur égard ce discernement, demeurons toujours dans le respect envers eux pour ce beau présent que nous avons reçu par leur organe et qui nous a rendus leurs juges. […]   Ceux que j’appelle réellement mes amis, je voudrais les voir à toutes les heures et à tous les instants, car ce n’est que par un usage continu de l’amitié qu’elle peut montrer tout ce qu’elle est, et rendre tout ce qu’elle vaut. […] [NdA] Ce serait à croire, si les dates permettaient de le supposer, qu’en répondant ainsi à son père, Saint-Martin faisait allusion à un événement très présent en Touraine, à la situation de M. de Choiseul exilé à son château de Chanteloup à la porte d’Amboise : mais il fit cette réponse plusieurs années auparavant, et pour se rendre si bien compte des temps divers d’une carrière ministérielle, il lui suffisait des disgrâces récentes et des exils de M. de Machault, de M. d’Argenson et du cardinal de Bernis.

2327. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

Je suis quelquefois forcé de me rendre à cette opinion des Espagnols, laquelle j’ai toujours combattue, qui veulent que l’on dise : Cet homme était brave ce jour-là. […] Il se rend un compte exact de la manière dont il faut agir avec chaque espèce et chaque nature d’individus parmi les révoltés. […] C’est tout ce qu’il peut faire de tenir le prince de Bade en échec ; car dès qu’il est en force et à la veille de pouvoir tenter quelque chose de hardi, on l’affaiblit en lui retirant de ses troupes pour les envoyer à l’armée de Flandre ; on lui en rend dès qu’on le voit trop faible et en danger d’être accablé, mais pour les lui reprendre bientôt encore.

2328. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « François Villon, sa vie et ses œuvres, par M. Antoine Campaux » pp. 279-302

Ce nom de Villon qu’il portait et qu’il a rendu célèbre n’était pas le sien ; il l’avait emprunté, et il l’a tellement popularisé qu’il l’avait fait entrer un moment dans la langue : on disait villonner comme pateliner, lambiner, et depuis comme escobarder, guillotiner. […] Pour moi, je dirai toute ma pensée : je ne voudrais rien retirer au vieux poète, mais il me semble qu’il est en train de subir cette transformation légère qui, en ne faisant peut-être que rendre à certains hommes, sous un autre aspect, la valeur et le prestige qu’ils avaient de leur vivant, leur accorde certainement plus qu’ils n’ont mis et qu’ils n’ont laissé dans leurs œuvres. […] Une affaire d’amour où il apporta, ce semble, plus de cœur qu’à l’ordinaire et qui se termina par une éclatante disgrâce, par je ne sais quelle perfidie notoire qui le faisait montrer au doigt et qui le rendit la fable de la cité, le décida tout d’un coup à quitter Paris et à partir pour Angers : Mais auparavant il voulut, nous dit M. 

2329. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. »

J’avais autrefois rencontré Gavarni, je ne l’ai connu que tard ; mais j’ai beaucoup causé avec ceux qui l’ont pratiqué de tout temps, je me suis beaucoup laissé dire à son sujet, et insensiblement l’idée m’est venue de rendre à ma manière cette physionomie d’un artiste qui en a tant exprimé dans sa vie et qui les comprend toutes ; j’ai voulu l’esquisser telle qu’à mon tour je la vois et la conçois et telle qu’on l’aime. […] L’observateur n’a fait que suivre le cours des années et nous rendre, avec une légère teinte de misanthropie et de tristesse, la juste et rigoureuse vicissitude des choses. […] Qu’on se rappelle, au milieu même des joies, des accidents burlesques ou des turpitudes de Paris le soir, cette figure de femme au bras d’un jeune homme, et qui se baisse vers un groupe de pauvres petits mendiants couchés à terre et endormis, avec cette légende : « Le plaisir rend l’âme si bonne ! 

2330. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

Scribe, qu’elle n’avait jamais vu de près ; mais du moins, et dans la mesure qui lui était convenable, s’est-elle, je ne dis pas offerte à lui, mais rendue avenante et accessible. […] Prendre partout ses sujets, ses idées, ses mots, dès qu’on voit qu’ils vont à la forme, au cadre voulu ; prendre partout son bien à tout prix, pour le rendre ensuite sur le théâtre à tout le monde, c’est ce qu’ont fait, grands et petits, tous les vrais dramatiques, et très-légitimement. […] Ainsi donc, que la reine Anne, qui monta sur le trône à trente-huit ans, en ait eu quarante-quatre ou quarante-cinq à l’époque où Mlle Plessy nous la rend si flattée et si jolie ; que son mari le prince George de Danemark (effectivement très-nul) soit réputé n’avoir jamais existé ; que la duchesse de Marlborough se trouve incriminée à tort sur le chapitre de la chasteté qu’elle eut toujours irréprochable, peu importe à M.

2331. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LOYSON. — POLONIUS. — DE LOY. » pp. 276-306

Tant de justice rendue devient quasi une injure. […] Mais nul impunément ne voit de tels mystères, Le jour me rend en vain ses clartés salutaires, Je suis sous le sceau de la mort ! […] Le vicomte de Launay a de telles façons délicates d’injurier, qu’on essayerait vainement de les égaler par la louange et qu’on ne peut les rendre à la belle muse qu’en se taisant. — (Je me suis dédit depuis de ce ferme propos, et j’ai parlé de Mme de Girardin dans les Causeries du Lundi avec bien du plaisir.)

2332. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE PONTIVY » pp. 492-514

Mme de Pontivy, sans être exigeante, mais parce qu’elle était passionnée, trouvait nécessaire et simple que M. de Murçay se retranchât quelquefois certaines paroles, certains jugements, certaines relations même, qui pouvaient aliéner de lui l’esprit de sa tante, plus absolue en vieillissant, et rendre leur commerce moins facile. […] Elle en revenait toujours à son idée, que la passion est tout, et le reste insignifiant ou très-secondaire ; ou bien elle accordait que les distinctions de M. de Murçay étaient parfaites, qu’il y avait nécessité pour elle de se rendre plus raisonnable et un peu moins tendre, et qu’elle tâcherait l’un et l’autre ; ce qu’il n’entendait pas du tout ainsi. […] Cette nature sensible, à côté de l’autre nature plus passionnée mais lassée, lui rendait en ce moment tous les rayons pleins de chaleur qu’il en avait longtemps reçus, et elle le regardait avec larmes : « Eh bien !

2333. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

Cela me rend le goût très-difficile et la fatigue insupportable. Cela me rend en même temps opiniâtre dans le travail, car je ne puis me reposer que quand j’atteins ce qui m’échappe. […] Elle permet qu’on recommence et rend les pauses nécessaires.

2334. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

Vous avez ce bonheur, que les trois quarts de la France et de l’Europe vous devancent dans la voie des expiations et qu’un héros vous précède ; vous ne pouvez douter que Bonaparte ne veuille s’allier à la religion tôt ou tard, pour rendre au peuple l’obéissance et pour mettre sous la sanction du Dieu des armées l’autorité dont il s’empare. […] Il abordait un homme quelconque de plain-pied ; son tact merveilleux le plaçait juste dans l’attitude, ni trop haut ni trop bas ; on voyait qu’il rendait tout ce qu’il devait rendre à son puissant interlocuteur, mais qu’il se sentait devant lui digne d’être regardé et respecté à son tour.

2335. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

Quand on a donné au sujet toute la concentration que ses propriétés essentielles rendent possible, on a atteint l’unité de ce sujet et le maximum de vraisemblance. […] Le Cid tuant le père de Chimène, Chimène demandant la tête du Cid, Pauline aimant Sévère, le lui disant et lui montrant en même temps qu’il n’a rien à espérer, Sévère s’efforçant de sauver Polyeucte dont la mort rendrait libre la femme qu’il aime : autant d’exemples et de triomphes de la volonté. […] Corneille s’est plu à y peindre ces milieux politiques, où les sentiments sont nécessairement compliqués et modérés, tout au moins obligés à se manifester toujours avec modération, sans éclat, à demi-voix : il excelle à les rendre.

2336. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

Quels sont les masques humains que rendra de préférence un vieux savant comme Sylvestre Bonnard ? […] Anatole France a rendu après d’autres, après Victor Hugo, après Mme Alphonse Daudet, quelques-uns de ces aspects de l’enfance, cet éveil progressif à la vie de la pensée et à la vie des passions  mais à sa façon, dans un esprit plus philosophique et par une analyse plus pénétrante. […] Jamais présent ne me rendit plus heureux.

2337. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

Carvalho rouvrira son usine ; les rendez-vous de noble compagnie continueront à s’y donner, sous les regards propices des agences matrimoniales, et l’on s’efforcera d’y célébrer dignement le vin, l’amour et le tabac, car c’est là, c’est là le refrain du bivouac. […] Rien n’arrêta ces hommes d’esprit et de mérite, dont beaucoup, Dieu merci, sont morts de leur laide mort et ont rendu au grand Démiourgos leur vilaine âme. […] La simplicité, l’enjouement, les prévenances de notre hôte nous rendirent inoubliables ces jours heureux : une grandeur natale ressortait pour nous du laisser-aller qu’il nous témoignait.

2338. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE XIV »

Et, d’abord, l’énormité de l’invention la rend fabuleuse. […] Je sais bien, en effet, que l’idée de Claude est de rendre la guerre impossible par l’exagération de ses moyens meurtriers : mais cette prétention n’est pas sérieuse ; on dut en dire autant quand on fondit, au quatorzième siècle, la première bombarde. […] Toutes les fibres du cœur y sont touchées sans rudesse, et rendent des sons d’une pureté délicieuse.

2339. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « L’abbé Galiani. » pp. 421-442

Galiani, vers ce temps, se livrait aux études les plus sérieuses : il publiait à vingt et un ans un livre sur la monnaie ; il rendait à un savant illustre, alors très vieux et presque aveugle, à l’abbé Intieri, le service de décrire en son nom, dans un petit traité substantiel et tout positif, un procédé nouveau pour la conservation des grains. […] Diderot nous a très bien rendu pourtant l’apologue du Coucou, du Rossignol et de l’Âne, et on le peut lire dans ses Œuvres ; mais, en fait d’apologue de Galiani, j’aime mieux rappeler celui que je trouve rapporté dans les Mémoires de l’abbé Morellet et qui est célèbref. […] Il eût dit très volontiers avec quelqu’un de son école : Il arrive bien souvent que l’idée qui triomphe parmi les hommes est une folie pure ; mais, dès que cette folie a éclaté, le bon sens, le sens pratique et intéressé d’un chacun s’y loge insensiblement, l’organise, la rend viable, et la folie ou l’utopie devient une institution qui dure des siècles.

2340. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

Elle rêvait dans l’avenir gloire, grandeur politique, puissance, et, en attendant, elle voulut vivre le plus à son gré et le plus en souveraine qu’elle pût, rendre le moins possible aux autres et se passer tous ses caprices, avoir sa cour à elle, où ne brillât nul astre rival du sien. […] Elle nous a rendu à merveille le talent de bien dire, qui était particulier à la duchesse du Maine, et qui tout d’abord attira son attention : Je la lui donnais tout entière et sans effort, a dit Mlle de Launay ; car personne n’a jamais parlé avec plus de justesse, de netteté et de rapidité, ni d’une manière plus noble et plus naturelle. […] Frappé vivement des objets, il les rend comme la glace d’un miroir les réfléchit, sans ajouter, sans omettre, sans rien changer.

2341. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Lambert et madame Necker. » pp. 217-239

Rien ne rend plus heureux que d’avoir l’esprit persuadé et le cœur touché : cela est bon pour tous les temps. […] Elle répondait fièrement : « Je n’ai jamais eu besoin d’en faire. » On ajoutait qu’elle avait trahi par là une âme tendre et sensible : « Je ne m’en défends pas, répondait-elle ; il n’est plus question que de savoir l’usage que j’en ai su faire. » Cet usage est assez indiqué par ces conseils mêmes, si finement démêlés et si fermement définis : elle éleva son cœur, elle prémunit sa raison, elle évita les occasions et les périls ; elle ménagea ses goûts, et prit sur sa sensibilité pour la rendre durable et aussi longue que la plus longue vie : Quand nous avons le cœur sain, pensait-elle, nous tirons parti de tout, et tout se tourne en plaisirs… On se gâte le goût par les divertissements ; on s’accoutume tellement aux plaisirs ardents qu’on ne peut se rabattre sur les simples. […] Elle montre que, depuis qu’on les a raillées sur cette prétention à l’esprit, les femmes ont mis la débauche à la place du savoir : « Lorsqu’elles se sont vues attaquées sur des amusements innocents, elles ont compris que, honte pour honte, il fallait choisir celle qui leur rendait davantage, et elles se sont livrées au plaisir. » Ce petit écrit de Mme de Lambert ; où plus d’une idée serait à discuter, ne doit point se séparer des circonstances qui l’inspirèrent : il fut composé pour venger et revendiquer dans son sexe l’honnête et solide emploi de l’esprit en présence des orgies de la Régence.

2342. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame Necker. » pp. 240-263

Et en effet, qu’on veuille y réfléchir un peu, à part l’honnête Thomas, avec qui elle fit connaissance tout d’abord, et qui répondait aux parties sérieuses et un peu solennelles de son âme ; à part Marmontel encore, qui eut le mérite de la bien sentir, et plus tard Buffon, qui sut apprécier son hommage et qui lui rendait la pareille en admiration30, quels étaient les gens de lettres à qui elle avait affaire, et qu’elle avait à cœur de traiter habituellement et de grouper autour d’elle ? […] Mme Du Deffand, juge si sévère et si redoutable, et qui se lia plus tard avec les Necker, goûtait fort le mari et reconnaissait à la femme de l’esprit et du mérite ; elle disait de lui pourtant qu’au milieu de toutes ses qualités il lui en manquait une, et celle qui rend le plus agréable, « une certaine facilité qui donne, pour ainsi dire, de l’esprit à ceux avec qui l’on cause ; il n’aide point à développer ce que l’on pense, et l’on est plus bête avec lui qu’on ne l’est tout seul ou avec d’autres ». […] Ce sont là de ravissantes pensées et rendues d’après nature.

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