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510. (1887) La Terre. À Émile Zola (manifeste du Figaro)

En vain, excusait-on tout par ce principe émis dans une préface de Thérèse Raquin : « Je ne sais si mon roman est moral ou immoral ; j’avoue que je ne me suis jamais inquiété de le rendre plus ou moins chaste. […] ——— Or, il est bien vrai que Zola semble excessivement préoccupé (et ceux d’entre nous qui l’ont entendu causer ne l’ignorent pas) de la question de vente ; mais il est notoire aussi qu’il a vécu de bonne heure à l’écart et qu’il a exagéré la continence, d’abord par nécessité, ensuite par principe.

511. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre VI. Autres preuves tirées de la manière dont chaque forme de la société se combine avec la précédente. — Réfutation de Bodin » pp. 334-341

Réfutation des principes de la politique de Bodin Bodin suppose que les gouvernements, d’abord monarchiques, ont passé par la tyrannie à la démocratie et enfin à l’aristocratie. […] Le même Bodin qui veut conformément à son système, que la royauté romaine ait été monarchique, et qu’à l’expulsion des tyrans la liberté populaire ait été établie à Rome, ne voyant pas les faits répondre à ses principes, dit d’abord que Rome fut un état populaire gouverné par une aristocratie ; plus loin, vaincu par la force de la vérité, il avoue, sans chercher à pallier son inconséquence, que la constitution et le gouvernement de Rome étaient également aristocratiques.

512. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

Ces Souvenirs ont pour objet de faire ressortir le génie propre de David et les principes que ce grand artiste a transmis à son école. […] Ces leçons se réduisaient fort souvent en principes généraux qu’il émettait à l’occasion du premier travail d’élève qui lui tombait sous les yeux. […] « J’ai entrepris de faire une chose toute nouvelle, leur disait-il ; je veux ramener l’art aux principes que l’on suivait chez les Grecs. […] Mais aussitôt que les principes républicains prévalurent, le désir de représenter des scènes contemporaines s’empara de son esprit. […] Enfant de la révolution, Napoléon devenu empereur établit l’équilibre dans sa cour en partageant ses faveurs entre les hommes dont les principes étaient le plus opposés.

513. (1890) Nouvelles questions de critique

On a changé d’erreur, et voilà tout, mais, dans l’un comme dans l’autre cas, on se trompe ; on s’est trompé sur la nature de l’œuvre littéraire ; et tout le progrès, finalement, consiste à avoir érigé le principe d’erreur lui-même en principe de méthode et loi de la critique. […] d’après quels principes ou quels règles ? […] C’est autant de principes ou de motifs de décision dont il se précautionne pour les cas à venir. […] Il est temps de le montrer maintenant, et qu’après avoir été la raison de la grandeur du romantisme, le même et seul principe est devenu la cause de sa mort. […] On voit la liaison du principe avec la théorie de l’impersonnalité dans l’art.

514. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

Le double principe de sa destinée est marqué par le contraste de ces titres. […] Elle est le principe même de sa psychologie. […] Je pose des principes et j’en déduis les conséquences logiques : un théorème est démontré, quand j’ai rattaché à des principes antérieurs cette proposition nouvelle que le théorème formule. Seulement, qu’est-ce que ces principes ? […] En effet, la philosophie est l’effort que fait la pensée humaine pour ramener les choses à un principe commun, qui soit un principe de pensée humaine.

515. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Mais en tout cas, pour le cartésianisme, les principes qu’il avait posés ne pouvaient pas ne pas le conduire nécessairement à l’optimisme. […] À défaut de ses exemples, on veut au moins que ses leçons ou ses principes aient agi sur la littérature de son temps. […] — « Le cœur a son ordre, l’esprit a le sien, qui est par principes et par démonstration : le cœur en a un autre. […] Pour nous rendre compte du principe de leur illusion et pour rétablir la vérité contre elle, nous n’avons en effet qu’à bien voir comment ils en sont devenus dupes. […] la loi politique dont un accord fictif ou réel des volontés ne soit l’origine, le principe, et la sanction ?

516. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

… N’êtes-vous pas heureux qu’une nation tout entière se soit placée à l’avant-garde de l’espèce humaine pour affronter tous les préjugés, pour essayer tous les principes ?  […] On a souvent fait la remarque du désaccord frappant qui règne entre les principes politiques avancés de certains hommes et leurs principes littéraires opiniâtrément arrêtés. […] » N’est-ce pas là tout juste le principe de Mme de Vernon ? […] … ses opinions politiques étaient bien des principes ; mais les noms propres, c’est-à-dire les personnes, les amis, les inconnus, tout ce qui vivait et souffrait, entrait en compte dans sa pensée généreuse, et elle ne savait pas ce que c’est qu’un principe abstrait de justice devant qui se tairait la sympathie humaine. […] Enfin, grâce à la tolérance de Fouché, qui avait pour principe de faire le moins de mal possible quand c’était inutile, il y eut moyen de s’établir à dix-huit lieues de Paris (quelle conquête !)

517. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VI : Difficultés de la théorie »

C’est, je crois, d’après le même principe que les espèces les plus communes dans chaque contrée présentent, en moyenne, un plus grand nombre de variétés bien tranchées que les espèces plus rares, ainsi que nous l’avons déjà vu autre part. […] La raison doit en cette circonstance dominer l’imagination ; mais j’ai moi-même éprouvé trop vivement combien cela lui est malaisé d’y parvenir, pour être le moins du monde surpris qu’on hésite à étendre jusqu’à des conséquences aussi étonnantes le principe de sélection naturelle. […] Il serait même possible de répandre quelque lumière sur l’origine de ces différences, principalement dues à une application particulière du principe de sélection sexuelle ; mais, à moins d’entrer dans d’énormes détails, mes assertions sembleraient frivoles. […] Il résulta du principe de la divergence des caractères une sélection sévère des variations les plus extrêmes, procédé qui put produire, dans un laps de temps relativement assez court, plusieurs ordres rivaux. […] S’il est vrai que les poissons électriques appartiennent à des ordres très divers, rangés dans des classes différentes, on sait combien, en ichthyologie, nos principes de classification sont contestés et flottants.

518. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre V. Le Séminaire Saint-Sulpice (1882) »

Le goût de l’ordre et le dévouement au devoir étaient le principe de toute leur vie. […] Janséniste à la façon de Silvestre de Sacy, il partageait le demi-rationalisme de Hug, de Jahn — réduisant autant que possible la part de surnaturel, en particulier dans les cas de ce qu’il appelait « les miracles d’une exécution difficile », comme le miracle de Josué — retenant cependant le principe, au moins pour les miracles du Nouveau Testament. […] Il trouvait tant de difficultés à les justifier, lui si exact en fait de citations, qu’il avait fini par admettre en principe que les deux Testaments, chacun de leur côté, sont infaillibles, mais que le Nouveau n’est pas infaillible quand il cite l’Ancien. […] En me livrant ainsi à la force des choses, je croyais me conformer aux règles de la grande école du xviie  siècle, surtout de Malebranche, dont le premier principe est que la raison doit être contemplée, et qu’on n’est pour rien dans sa procréation ; en sorte que le devoir de l’homme est de se mettre devant la vérité, dénué de toute personnalité, prêt à se laisser traîner où voudra la démonstration prépondérante. […] Il y aura des scissions, je le crois plus que jamais, mais le vrai catholique dira inflexiblement : « S’il faut lâcher quelque chose, je lâche tout ; car je crois à tout par principe d’infaillibilité et le principe d’infaillibilité est aussi blessé par une petite concession que par dix mille grandes. » De la part de l’Église catholique, avouer que Daniel est un apocryphe du temps des Macchabées serait avouer qu’elle s’est trompée ; si elle s’est trompée en cela, elle a pu se tromper en autre chose ; elle n’est plus divinement inspirée.

519. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — II. (Fin.) » pp. 281-300

Pour aller droit à la réformation des mœurs, il commençait toujours par établir sur des principes bien liés et bien déduits une proposition morale, et après, de peur que l’auditeur ne se fît point l’application de ces principes, il la faisait lui-même par un détail merveilleux où la vie des hommes était peinte au naturel. […] La Bruyère a très finement touché ce coin singulier, et ce travers d’être en tout l’opposé du commun des mortels, dans le portrait qu’il a donné de Tréville sous le nom d’Arsène (chapitre « Des ouvrages de l’esprit ») : Arsène, du plus haut de son esprit, contemple les hommes, et, dans l’éloignement d’où il les voit, il est comme effrayé de leur petitesse : loué, exalté et porté jusqu’aux cieux par de certaines gens qui se sont promis de s’admirer réciproquement, il croit, avec quelque mérite qu’il a, posséder tout celui qu’on peut avoir, et qu’il n’aura jamais : occupé et rempli de ses sublimes idées, il se donne à peine le loisir de prononcer quelques oracles : élevé par son caractère au-dessus des jugements humains, il abandonne aux âmes communes le mérite d’une vie suivie et uniforme, et il n’est responsable de ses inconstances qu’à ce cercle d’amis qui les idolâtrent ; eux seuls savent juger, savent penser, savent écrire, doivent écrire… À l’heure dont nous parlons, Tréville n’avait point encore eu d’inconstance proprement dite, mais une simple conversion ; seulement il l’avait faite avec plus d’éclat et de singularité peut-être qu’il n’eût fallu et qu’il ne put le soutenir : il avait couru se loger avec ses amis du faubourg Saint-Jacques, il avait rompu avec tous ses autres amis ; il allait refuser de faire la campagne suivante sous les ordres de Louis XIV : « Je trouve que Tréville a eu raison de ne pas faire la campagne, écrivait un peu ironiquement Bussy : après le pas qu’il a fait du côté de la dévotion, il ne faut plus s’armer que pour les croisades. » Et il ajoutait malignement : « Je l’attends à la persévérance. » Tel était l’homme dont la retraite occupait fort alors le beau monde, lorsque Bourdaloue monta en chaire un dimanche de décembre 1671 et se mit à prêcher Sur la sévérité évangélique : il posait en principe qu’il faut être sévère, mais que la sévérité véritablement chrétienne doit consister, 1º dans un plein désintéressement, un désintéressement même spirituel et pur de toute ambition, de toute affectation même désintéressée ; — 2º qu’elle doit consister dans une sincère humilité, et 3º dans une charité patiente et compatissante. […] Cela s’établit comme un principe : là-dessus, on se fait une conscience, et il n’y a rien que l’on ne se croie permis par un si beau motif.

520. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IV. Ordre d’idées au sein duquel se développa Jésus. »

Avec les complications que le monde avait prises depuis Alexandre, le vieux principe thémanite et mosaïste devenait plus intolérable encore 155. […] Les uns, se rattachant au principe de l’immortalité philosophique, se représentèrent les justes vivant dans la mémoire de Dieu, glorieux à jamais dans le souvenir des hommes, jugeant l’impie qui les a persécutés 159. « Ils vivent aux yeux de Dieu ; … ils sont connus de Dieu 160 », voilà leur récompense. […] Juda avait sans doute bien d’autres principes, que Josèphe, toujours attentif à ne pas compromettre ses coreligionnaires, passe à dessein sous silence ; car on ne comprendrait pas que pour une idée aussi simple, l’historien juif lui donnât une place parmi les philosophes de sa nation et le regardât comme le fondateur d’une quatrième école, parallèle à celles des Pharisiens, des Sadducéens, des Esséniens. […] De tout temps, cette division en deux parties opposées d’intérêt et d’esprit avait été pour la nation hébraïque un principe de fécondité dans l’ordre moral.

521. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers libre  »

Dans l’alexandrin ancien, l’accent est toujours en principe à la sixième syllabe ; et, si cet accent principal doit être déplacé, si l’affirmation de la pensée exige un temps fort avant ou après la sixième syllabe, cette sixième syllabe garde néanmoins un accent second. […] Jusqu’ici, quoique par des principes différents, nous sommes d’accord avec M.  […] Il est même, les muettes rayées, fort curieusement combiné, ce vers, avec ses groupes en nombres décroissants, six, cinq, quatre, trois, et bien conforme aux principes que le poète s’est à lui-même posés. […] Kahn, imagina le système que nous avons indiqué et dont nous avons critiqué le principe.

522. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Macaulay »

Planter un tas d’interprètes différents sur la même œuvre d’un homme, c’est appliquer réellement à tue-tête, aux choses de l’esprit, le principe économique de la division du travail. […] Il y défend le régicide, et y applaudit, en principe, au meurtre de Charles Ier… Certes ! je ne demande pas à Lord Macaulay, le protestant anglais, et qui veut être conséquent en avant comme en arrière aux principes de la Constitution de 1688, d’avoir sur la souveraineté les opinions de Joseph de Maistre, mais pourtant il y a autre chose de plus noble et de plus chrétien, et, si nous sortons de l’ordre sentimental pour entrer dans l’ordre rationnel, de plus mâle et de plus profond à invoquer contre un Roi, même coupable, que la loi du talion et l’utilité, qui composent, à peu près, toute la morale de Lord Macaulay sur cette question et sur toutes les autres. Et ici, ce n’est pas même l’Histoire, pour laquelle il me semble beaucoup moins fait que pour l’analyse des œuvres de l’esprit et leur appréciation, que je reproche à l’écrivain : c’est l’absence de moralité certaine, de cette moralité qui doit être le fond de toute Histoire, et qui, pour cet homme trop anglais, n’est jamais tout au plus que cette espèce de comfort moral que les plus délicats parmi ses compatriotes expriment adroitement du grossier principe de l’utilité !

523. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Saint-Bonnet » pp. 1-28

En creusant cette notion si pleine et si profonde, impossible de ne pas toujours dégager l’une ou de raconter l’autre, quand on ne fait pas tous les deux ; car, de rigueur et en tout, l’invisible donnant le visible, je ne sache comment on pourrait toucher à l’histoire de l’Église sans toucher au principe par lequel elle est, par conséquent sans faire de la philosophie, — et comment toucher à son principe, qui est sa philosophie, sans faire de l’histoire, qui prouve les principes par les faits ! […] Joseph de Maistre, qui était avant tout historien, malgré les plus hautes aptitudes à la métaphysique, est entré nettement dans cette question de l’Infaillibilité par la porte des faits et de l’histoire, conduit par un sens pratique de premier ordre, et écartant volontiers tous les arguments qui n’étaient pas historiques avec ce grand geste d’homme d’État qu’il avait, tandis que Saint-Bonnet, au contraire, bien plus métaphysicien que politique, a pénétré dans la même question par l’étude de l’essence même et des principes, allant dans l’essence jusqu’au point où elle est vraiment impénétrable.

524. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre IV. L’unification des sociétés »

Distant de ses sujets et peu soucieux de leurs distinctions collectives, le pouvoir unique a une tendance à procéder par principe et par règles générales217. […] Ce qu’il y a du moins de commun à l’un et à l’autre, c’est ce principe que, quels que doivent être les meilleurs moyens de sauvegarder sa liberté, l’individu a sa valeur et ses droits propres, qu’il est respectable en soi, responsable de ses actes ; c’est en un mot l’individualisme, En ce sens, nous avons nous-même reconnu que l’idée de liberté est proche parente de l’idée d’égalité, puisque celle-ci nous a paru supposer le sentiment que les hommes, en tant qu’individus, ont une valeur ; nous avons fait entrer l’individualisme dans la définition de l’égalitarisme. — Force nous est donc de nous demander, non pas seulement si l’unification des sociétés est favorable à une politique de réglementation à outrance, mais si elle est essentiellement hostile à l’expansion du principe individualiste lui-même. […] Principes de sociologie, tome III, passim.

525. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. Louis de Viel-Castel » pp. 355-368

ou portait-il en lui-même, dès ses premiers jours, le principe de la catastrophe qui le renversa après seize années de durée ? […] Ce que l’historien dit là des premiers jours de la lieutenance générale du comte d’Artois en 1814, il pourra le redire, avec de bien légères variantes, des derniers temps de son règne en 1829 : tant ce que j’appelle le principe d’incorrigibilité, du premier au dernier jour, et sauf de bien courtes trêves, a persisté et prévalu ! […] La raison en est simple : un hasard, une surprise, une catastrophe imprévue suffit pour reporter sur le trône des princes dont le nom parle encore à bien des imaginations qui se tournent naturellement vers eux dans un jour de crise ; mais, pour s’y maintenir, pour faire une juste part entre les intérêts et les principes dont ils sont les représentants et ceux qui se sont créés sans eux ou contre eux, pour se concilier, pour rassurer la masse de la population qui, s’étant momentanément attachée à un autre drapeau, ne peut les voir revenir qu’avec crainte et défiance, il faut un mélange d’intelligence, de sagacité, de fermeté et d’adresse que bien peu d’hommes ont possédé, comme Henri IV, au degré suffisant69.

526. (1890) L’avenir de la science « IV » p. 141

Les jugements que l’on porte sur la vie ascétique partent du même principe : l’ascète se sacrifie à l’inutile ; donc il est absurde ; ou, si l’on essaye d’en faire l’apologie, ce sera uniquement par les services matériels qu’il a pu rendre accidentellement, sans songer que ces services n’étaient nullement son but et que ces travaux dont on lui fait honneur, il n’y attachait de valeur qu’en tant qu’ils servaient son ascèse. […] Le principe de l’ascétisme est éternel dans l’humanité ; le progrès de la réflexion lui donnera une direction plus rationnelle 52. […] La même application irrationnelle, mais énergique et belle, d’un principe de la nature humaine se remarque dans les idées des religions sur l’expiation.

527. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Avertissement sur la seconde édition. » pp. 23-54

Nous nous élevions contre une Cabale qui se croyoit triomphante ; nous combattions les usurpations du mauvais goût ; nous réduisions à leur juste valeur des mérites équivoques ; nous vengions le vrai mérite des atteintes de l’ignorance & de l’envie ; nous déclarions, en un mot, la guerre à la Philosophie, à la fausse Littérature, à la vanité, à la prévention, à tous les préjugés dominans ; nous rappellions les esprits à la Religion, à la raison, aux vrais principes, à la justice, à la vérité. […] Si sentir vivement les atteintes portées aux principes les plus indispensables & les plus respectés ; si s’exprimer avec chaleur & intérêt, dès qu’il s’agit de tous ces importans objets, c’est être partial ; nous souscrivons volontiers à cette inculpation. […] La Nation a déjà compris, &, sans nous, l’expérience eût suffi pour lui faire comprendre, que les inventions en Littérature sont moins des moyens de perfection & des signes de fécondité, que des causes de dépérissement & des preuves de foiblesse ; que la révolte contre les principes religieux est un symptome de vertige, & ne sauroit être le fruit du développement de la raison.

528. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 4, de l’art ou de la musique poëtique, de la mélopée. Qu’il y avoit une mélopée qui n’étoit pas un chant musical, quoiqu’elle s’écrivît en notes » pp. 54-83

L’autre son qui s’appelle le son mélodique, est assujeti à des intervalles reglez, et c’est le son que forment ceux qui chantent ou qui executent une modulation, et qu’imitent ceux qui jouent des instrumens à vent ou des instrumens à corde. " Porphyre explique ensuite assez au long la difference qui se trouve entre ces deux especes de sons, après quoi il ajoute " voila le principe que Ptolomée établit au commencement de ses reflexions sur l’harmonie, et qui n’est autre que le principe enseigné generalement parlant par les sectateurs d’Aristoxéne. " nous avons déja dit qui étoit Aristoxéne. Ainsi cette division des sons de la voix en son continu et en son mélodique ou en son géné, assujeti à suivre dans sa progression des intervalles reglez, étoit un des premiers principes de la science de la musique.

529. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VII. Les hommes partagés en deux classes, d’après la manière dont ils conçoivent que s’opère en eux le phénomène de la pensée » pp. 160-178

Ainsi la société, à présent qu’elle est établie, peut se soutenir d’elle-même, et par la seule force du principe primitif en vertu duquel elle existe. Je dirais donc volontiers aux néophiles : « Ceux contre lesquels vous vous élevez avec tant de violence n’ont d’autre tort que celui d’être restés fidèles au code des idées anciennes, et ils n’y sont restés fidèles que parce que c’était dans la forme même de leur intelligence, dans la manière dont s’opère en eux le phénomène de la pensée. » Je dirais aux archéophiles : « Vous craignez de retomber dans le chaos, parce qu’il vous semble que le principe générateur des sociétés humaines cesse d’agir. […] Voilà pourquoi leurs opinions ressemblent quelquefois à des systèmes, et pourquoi il leur arrive de protéger des principes consacrés par l’autorité des siècles antérieurs avec des arguments, et des raisons puisés dans la sphère des idées de ce siècle.

530. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Gaston Boissier » pp. 33-50

Elles ont trop d’incrédulité cultivée pour accepter une religion quelconque, mais elles ont un vieux et incorrigible goût pour le paganisme et les sociétés qu’il a produites, parce que le paganisme est la négation naturelle du principe surnaturel qui l’a vaincu dans l’Histoire et dans la conscience du genre humain. […] On ne voit pas dans son livre un seul principe supérieur aux faits qu’il y rapporte et qu’il y groupe. […] Il vous a mené, par une multitude de routes et de sentiers, à la négation, ou, pour mieux dire, à la disparition, à l’effacement complet du principe qui fait de l’avènement du Christianisme dans le monde quelque chose de sui generis, quelque chose qui n’est plus seulement une révolution humaine sans exemple dans l’Histoire et même dans l’Histoire éclairée par la conception d’une Providence, quelque chose enfin d’une si tonitruante surnaturalité !

531. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « L’Abbé Prévost et Alexandre Dumas fils » pp. 287-303

quelque chose du principe morbide qui avait putréfié nos pères, et il nous en restait assez dans l’âme pour trouver charmante l’abominable sincérité de ce type de Manon Lescaut. […] Il doit tomber toujours d’un principe, d’une idée, d’une vérité. Quel est le principe, quelle est l’idée, quelle est la vérité de Dumas ?

532. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XI » pp. 39-46

Le gallicanisme, le plus noble fils du catholicisme, est mort avant son père, lequel dans sa caducité est resté opiniâtrément fidèle à ses principes. Les grandes institutions sont telles, et leur principe primordial persiste, use bien des biais et reparaît le même jusqu’à extinction.

533. (1874) Premiers lundis. Tome I « M.A. Thiers : Histoire de la Révolution française Ve et VIe volumes — I »

mais ce qu’on sait moins, c’est comment cette issue se prépara, par quelle force puissante et cachée la Révolution fut menée à terme, et par quel principe de vie le salut de la France s’enfanta au milieu des cris, des larmes et du sang. […] Désormais, en effet, la question révolutionnaire était nettement posée par le 2 juin : de politique, elle était devenue simplement militaire ; de la sphère des discussions et des principes, elle était transportée sur les champs de bataille et n’avait plus qu’une solution possible, la victoire.

534. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Avertissement »

La méthode qu’il convient alors d’appliquer est celle de Mme de Maintenon, qui ne s’embarrassait point de théories ni de principes généraux. […] J’ai voulu fournir à de jeunes esprits l’occasion de réfléchir sur les moyens par lesquels ils pourront donner à leurs écrits la bonté qu’ils ont dû rêver souvent et désespérer d’atteindre, sur les meilleures et plus courtes voies par où ils pourront se diriger à leur but et nous y mener ; leur inspirer des doutes, des scrupules, des soupçons d’où leur méditation pourra tirer ensuite des principes et des certitudes, sur toutes les plus importantes questions que l’écrivain doit résoudre et résout, bon gré mal gré, sciemment ou non, par cela seul qu’il écrit d’une certaine façon ; donner le branle enfin à leur pensée, pour que, s’élevant au-dessus de l’empirisme, ils cherchent et conçoivent la nature et les lois générales de l’art d’écrire, pour qu’ils développent en eux le sens critique, et que, mettant la conscience à la place de l’instinct, ils arrivent à bien faire en le voulant et en le sachant.

535. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 27, que les sujets ne sont pas épuisez pour les poëtes, qu’on peut encore trouver de nouveaux caracteres dans la comedie » pp. 227-236

C’est donc parce que les faiseurs de comedie n’ont pas les yeux assez bons pour bien lire dans la nature, pour y demêler distinctement les differens principes des mêmes actions, et pour y voir comment les mêmes principes font agir differemment chaque individu, qu’ils ne sçauroient plus mettre au théatre de nouveaux caracteres.

536. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 2, du génie qui fait les peintres et les poëtes » pp. 14-24

Quant aux poëtes, les principes de la pratique de leur art sont si faciles à comprendre et à mettre en oeuvre, qu’ils n’ont pas même besoin d’un maître qui leur montre à les étudier. […] Il est même capable bien-tôt de remonter jusques à la source de ces regles, et de juger de l’importance de chacune d’elle par l’importance des principes qui l’ont fait établir.

537. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XVI »

Il y a évidemment deux façons d’étudier le style ; l’une technique, par les procédés et le métier ; l’autre philosophique, par les idées et les principes. […] Certes, oui, en principe, il faut avoir le don, il faut avoir le talent, et ni le don ni le talent ne se créent.

538. (1818) Essai sur les institutions sociales « Préface » pp. 5-12

Lémontey, au contraire, né dans les temps qui ont immédiatement précédé la révolution, avait vu l’inquiétude et le malaise général des années, qui se sont écoulées depuis 1783 jusqu’en 1789 ; de plus, comme il était fort jeune à cette époque, il s’était accoutumé à penser que le dix-huitième siècle avait fondé des doctrines, établi des principes. […] Voyez comme l’Espagne aurait été mieux garantie du malheur par le principe de la Charte française que par la loi salique si rapidement et si facilement abolie !

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